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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 041 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 28 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Conformément à l'ordre de renvoi du 25 octobre 2006, notre comité amorce son étude duprojet de loi C-257, Loi modifiant le Code canadien du travail (travailleurs par remplacement).
    Avant de céder la parole à M. Nadeau, j'ai quelques informations à transmettre aux membres du comité présents.
    Le ministre du Travail ne pouvait comparaître devant notre comité aujourd'hui, mais il témoignera, pendant une heure, le 5 décembre à 9 heures.
    Je veux aussi, au nom du comité, souhaiter la bienvenue à M. Marc Toupin, le greffier législatif qui a été affecté à notre comité pendant l'étude du projet de loi dont nous sommes actuellement saisis.
    Je signale aussi que nous avons reçu trois nouvelles motions qui ont fait l'objet d'un préavis de 48 heures; nous avons donc prévu un peu de temps à la fin de notre séance, qui devrait durer 90 minutes, pour en discuter.
    Je rappelle aussi à tous les membres du comité que le sous-comité se réunira après la présente séance dans cette salle-ci, à huis clos, pour choisir les témoins que nous entendrons la semaine prochaine.
    Monsieur Nadeau, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez dix minutes pour faire vos remarques.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
     D'entrée de jeu, je vais y aller avec une allocution. Le projet de loi C-257, Loi modifiant le Code canadien du travail (travailleurs de remplacement), aussi appelé projet de loi antibriseurs de grève, se doit d'être adopté par la Chambre des communes. La raison en est très simple: les travailleurs de remplacement ou les briseurs de grève n'ont pas de place dans les relations de travail.
    À cet égard, je cite un extrait du rapport minoritaire de 1996 de Rodrigue Blouin, membre du Groupe de travail chargé d’examiner la partie I du Code canadien du travail, qui porte sur l'illégitimité des travailleurs de remplacement :
L'utilisation des travailleurs de remplacement mine les données structurelles qui assurent la cohésion interne du régime de la négociation collective. Il en est ainsi parce que cette pratique injecte un corps étranger dans un conflit impliquant exclusivement deux parties nettement identifiées, débalance l'équilibre du rapport de force économique, brime la liberté d'expression des grévistes et lock-outé, déplace la zone frontalière originale du conflit et aboutit en fin de ligne à une perception d'une certaine forme d'exploitation de l'individu.
     Il y a certes des dénigreurs à un projet de loi antibriseurs de grève. Je pense ici à l'Institut Fraser et à l'Institut économique de Montréal, deux « think tank » de droite qui torturent les chiffres jusqu'à ce qu'ils disent ce que les employeurs veulent entendre. Malheureusement, notre ministre du Travail, se fiant à ces références partisanes, déclarait à la Chambre, le 22 septembre dernier, et je cite :
Il n'y a donc pas de preuve établissant que l'interdiction de l'utilisation de travailleurs de remplacement apporte un seul des avantages bénéfiques prétendus pour les travailleurs [...]
    Et pourtant, 29 ans d'une loi antibriseurs de grève au Québec démontrent tout le contraire. Il en est de même pour la loi antibriseurs de grève en Colombie-Britannique adoptée en 1993. Une telle loi permet des négociations civilisées lors de conflits de travail, soit dans le cadre d'une grève ou d'un lock-out, réduit la violence aux piquets de grève, les troubles sociaux et les troubles psychologiques occasionnés par le stress qu'engendre un conflit, diminue la rancoeur des employés lors du retour au travail, favorise un juste équilibre et donne une plus grande place à la transparence dans les négociations entre employeurs et employés.
    Ce projet de loi fait en sorte que la partie patronale et la partie syndicale négocient avec les mêmes contraintes afin de favoriser une solution plus rapide et plus équitable. Il diminue les poursuites judiciaires occasionnées durant le conflit, permet d'écourter les périodes de conflit et favorise la diminution de pertes de revenu des travailleurs et de profits des employeurs.
    Voici quelques chiffres révélateurs. Les travailleurs québécois dont l'employeur relève de la compétence fédérale sont pratiquement toujours surreprésentés dans le nombre de jours de travail perdus. Ainsi, alors qu'ils constituent moins de 8 p. 100 de la main-d'oeuvre au Québec, ils ont dû supporter 18 p. 100 des jours-personnes perdus en 2004 et 22,6 p. 100 des jours-personnes perdus en 2003. Un sommet a d'ailleurs été atteint en 2002, alors que 7,3 p. 100 des travailleurs québécois oeuvrant dans des organisations relevant de la compétence fédérale étaient responsables de 48 p. 100 des jours de travail perdus à cause de conflits de travail.
    La durée des jours de travail perdus à cause de conflits de travail diminue, avec une loi antibriseurs de grève. Si nous prenons en considération que la loi au Québec a été adoptée en 1977, la durée moyenne en jours ouvrables était de 39 jours en 1976, de 33 jours en 1977 et encore moins en 2001, soit 27 jours.
    En Colombie-Britannique, à la suite de l'adoption d'une loi antibriseurs de grève en 1993, le ratio de temps perdu a chuté de 50 p. 100 entre 1992 et 1993. La durée moyenne de jours de travail perdus, de 1992 à 2002, est de 16 jours, sous le Code du travail du Québec, et de 31 jours, sous le Code canadien du travail.
    Le nombre de jours perdus par 1 000 employés, de 1992 à 2002, est de 121 jours, sous le Code du travail du Québec, et de 266 jours, sous le Code canadien du travail.

  (1110)  

    À lui seul, le conflit qui a duré plus de 10 mois chez Vidéotron a entraîné une perte de 355 jours de travail au Québec en 2002. Il s'agit de plus du tiers de tous les jours de travail perdus en raison d'une grève ou d'un lock-out en 2002 au Québec.
    L'année 2002 a été une année record quant au nombre de jours-personnes perdus. Il est important de noter que ce triste record est grandement attribuable aux grèves d'organisations relevant de la compétence fédérale, qui sont beaucoup plus longues.
    En ce qui a trait aux changements nécessaires à l'actuel Code du travail du Canada...

[Traduction]

    Excusez-moi, monsieur le président.
    J'aimerais interrompre l'exposé pour présenter une motion, si vous le permettez.
    D'accord. Nous interrompons le temps de parole de M. Nadeau.
    Allez-y, monsieur Lake.
    Je propose que, indépendamment de la motion adoptée le 23 novembre, six séances additionnelles du comité soient ajoutées après le 7 décembre en vue d'entendre des témoins, et ce, dès le 12 décembre, y compris les cinq premières dates de séance après l'ajournement des Fêtes.
    Monsieur Regan, vous avez la parole.
    Si nous avions prévu de discuter de motions à 12 h 30, je vois mal pourquoi le député invoque le Règlement pour interrompre le témoin maintenant.
    Une voix: Ce n'est pas très poli.
    L'hon. Geoff Regan: Je ne crois pas qu'il s'agisse de répondre au Règlement qui justifie qu'on interrompe le témoignage de M. Nadeau.
    Je n'ai pas invoqué le Règlement.
    Vous avez néanmoins tenté d'interrompre le témoin. J'aimerais savoir sur quoi vous vous fondez pour ce faire.
    La greffière m'indique que l'intervention de M. Lake est en règle, car elle porte sur le sujet que nous étudions en ce moment.
    Madame Lavallée, à vous la parole.

[Français]

    Ce qui est prévu à l'ordre du jour, c'est la présentation de M. Richard Nadeau. Par respect pour notre invité, il me semble qu'on devrait d'abord passer à l'ordre du jour. S'il y a des motions à proposer, on le fera après. Je pense que c'est un peu un manque de courtoisie que d'interrompre notre invité pour proposer une motion relative à notre logistique.

  (1115)  

[Traduction]

    Bon.
    Les prochains intervenants seront Mme Davies et M. Regan.
    Je suis d'accord. ce n'est pas le moment pour le comité de discuter de séances qu'il tiendra. On a d'ailleurs déjà discuté du nombre de réunions que nous tiendrons. Interrompre l'exposé du témoin pour présenter ce genre de motion, c'est manquer de respect.
    Je propose donc que nous laissions le témoin terminer son exposé et que nous traitions de cette motion à la fin de la séance, quand viendra le temps de discuter des autres questions semblables.
    Madame Yelich, je mets votre nom sur ma liste.
    M. Regan a la parole, puis ce sera au tour de Mme Yelich.
    Mon nom, c'est REE-gan.
    Le président: Excusez-moi, monsieur Regan.
    L'hon. Geoff Regan: Ce n'est qu'après l'élection du président Reagan que j'ai commencé à connaître ce problème.
    Monsieur le président, j'ai déjà dit que je souhaite examiner ce projet de loi en détail. Je veux bien comprendre toutes ses répercussions. Je veux m'assurer que nous traitions convenablement de la question des travailleurs essentiels au cours de notre étude.
    Pour ce qui est de savoir combien de réunions cela nécessitera, je n'en suis pas encore certain. Nous n'avons pas encore discuté des témoins que nous entendrons.
    La semaine dernière, j'ai dit que, à mon avis, cinq témoins en une seule séance, c'est beaucoup. Je pense que nous pourrions nous limiter à quatre témoins par séance. Nous avons apporté un changement de façon à ce qu'à chaque réunion, nous accueillions des témoins pour et des témoins contre.
    Je ne sais pas s'il nous faudra six séances de plus. M. Lake a des arguments qui justifient ce nombre. Moi, il me semble que nous devrions commencer notre étude et, si en cours de route, nous constatons que nous voulons réentendre certains témoins, ou si nous constatons qu'il nous faut plus de temps, nous agirons en conséquence. Je ne suis pas convaincu qu'il faille décider aujourd'hui du nombre de séances qu'il nous faudra ou qu'il nous en faille six séances de plus.
    Merci.
    Madame Yelich, vous avez la parole. Ce sera ensuite au tour de M. Lake.
    Je laisse M. Lake prendre la parole d'abord.
    Monsieur Lake, allez-y.
    Ce que je crains, d'après ce qui s'est passé à la dernière réunion, c'est qu'on tente de faire adopter ce projet de loi le plus rapidement possible. Ce serait d'ailleurs tout à fait conforme à la façon dont s'est comporté le comité jusqu'à présent, comme vous le savez.
    Étant donné l'importance que revêt cette mesure législative pour les deux camps, il m'apparaît absolument nécessaire que nous entendions tous les témoins qu'il faut. Voilà pourquoi il était urgent d'en parler dès aujourd'hui. À la dernière réunion, j'ai vite compris qu'on ne comptait pas faire une étude exhaustive de ce projet de loi. C'était bien clair.
    La façon dont on a procédé à la dernière séance a soulevé bien des inquiétudes dans mon esprit. Cette mesure législative est d'une importance extrême. Pour ce qui est de savoir pourquoi je propose six séances de plus, nous pourrions en débattre s'il le faut, mais je veux simplement m'assurer... je préfère entendre trop de témoins que pas assez, et c'est pourquoi j'ai proposé six réunions. Nous devons absolument débattre de ce projet de loi. Il est essentiel que nous tenions un débat complet et que nous entendions tous les témoins qui veulent témoigner.
    Il est inacceptable de limiter nos travaux à deux jours pendant la même semaine trois semaines avant Noël, compte tenu du nombre de témoins que nous devons entendre, pour ensuite faire adopter le projet de loi à la hâte.
    Madame Yelich, vous avez la parole.
    Sauf votre respect, si nous voulons montrer un peu de respect à l'égard de notre témoin, il me semble tout à fait indiqué qu'il soit présent pour entendre quelle importance son projet de loi revêt pour nous ici.
    Quand je suis allée dans ma circonscription, j'ai constaté que bien des gens s'intéressent à ce projet de loi mais qu'ils n'ont pas encore eu le temps de nous faire parvenir leur mémoire ou de nous signaler leur désir de comparaître, parce que nous n'avons pas encore fait tous les contacts. Il nous faudra encore un peu de temps pour cela.
    Moi, je serai ici presque toute la semaine prochaine. Je n'aurais pas le temps de rentrer dans ma circonscription pour trouver des témoins. Par ailleurs, j'aimerais que la motion de M. Lake soit adoptée le plus rapidement possible afin que M. Nadeau puisse poursuivre son exposé. J'ai hâte d'entendre la fin — car j'ai beaucoup de questions à lui poser — et de bien connaître tous ses arguments.
    Merci.
    Je cède maintenant la parole à M. Coderre.

[Français]

    Je peux comprendre que certains de mes collègues d'en face font de l'obstruction parlementaire ce matin. Je peux comprendre aussi qu'on n'a pas eu la décence de recevoir le ministre ici, pour des raisons politiques évidentes.
    Cela dit, monsieur le président, nous avons pris des décisions claires. Nous avons une responsabilité à prendre. Nous avons un projet de loi devant nous, et il s'agit d'un dossier important. Ce n'est pas la première fois qu'on en parle; c'est peut-être la dixième fois. On sait donc de quoi on parle. Malgré tous ceux qui peuvent être

[Traduction]

    ce qu'on appelle chez nous des peureux, même si nous recevons toutes sortes de petites lettres de toutes sortes de lobbyistes — ça c'est une autre question —, notre rôle et notre tâche comme députés est de nous pencher sur la situation; nous sommes les législateurs. Quand on nous met face à un problème, nous devrons en traiter comme nous l'avons fait la semaine dernière.
    Comme on l'a déjà dit, il faut discuter des travaux du comité, mais pour l'instant, nous accueillons un témoin et son témoignage est le premier point à l'ordre du jour. Conformément à l'ordre de renvoi, nous entendons aujourd'hui un témoin. Nous voulons l'écouter, alors, faisons-le.

  (1120)  

    Madame Yelich, vous avez la parole.
    J'aimerais corriger une chose: nous ne faisons pas de petite politique. Il s'agit d'un projet de loi qui aura une très grande incidence sur le pays. Notre pays compte de nombreux syndicats. Faire de la petite politique, c'est prévoir deux jours de séance de quatre heures qui épuiseront tout le monde. Nous savons tous à quel point il est épuisant d'écouter témoin après témoin. Il nous faut davantage de temps.
    Nous aimerions donc que la motion de M. Lake soit adoptée le plus rapidement possible pour que nous puissions redonner la parole à notre témoin sans plus tarder. C'est maintenant à vous de jouer.
    Je cède la parole à M. Hiebert.
    Merci, monsieur le président.
    Des remarques importantes ont été faites. Nous voulons éviter de donner l'impression que ce projet de loi a été adopté à la hâte, et ce pourrait bien être l'impression que nous donnerions si la motion de M. Lake n'est pas adoptée.
    Moi aussi, je veux consulter mes électeurs qui suivent les progrès de cette mesure législative à la Chambre. Ils veulent faire des représentations et participer au processus. Si nous voulons être justes pour tous les Canadiens, nous devons, comme M. Coderre l'a suggéré, prendre notre responsabilité de législateurs très au sérieux. Penser que nous pouvons faire adopter ce projet de loi en deux séances suscitera des inquiétudes chez les gens d'affaires et les travailleurs de toutes les régions du pays, et il me semble aussi que, pour être juste à l'égard de M. Nadeau, nous étudiions son projet de loi convenablement et entendions le plus de témoins possible, après leur avoir donné le temps qu'il faut pour se préparer.
    Le peu de temps qu'on propose d'accorder aux différents groupes pour réfléchir à la question, faire des recherches et formuler des recommandations empêchera bon nombre d'entre eux de venir témoigner à temps et de prendre part à cet important processus. Par respect pour M. Nadeau, pour ce projet de loi et pour nos responsabilités, j'espère que les députés d'en face appuieront la motion. 
    Les prochains intervenants sont Mme Davies, M. Brown, M. Lake et Mme Brown.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je crois qu'on n'a pas encore répondu à la question de savoir pourquoi cette motion est présentée maintenant, au beau milieu de l'exposé du témoin.
    Les motions doivent être déposées et font l'objet de discussions en temps voulu. Nous n'avons même pas encore terminé de dresser la liste des témoins, nous ne savons donc même pas combien de témoins nous entendrons. Selon le nombre des ces témoins, nous pourrons déterminer si nous avons prévu suffisamment de temps pour notre étude ou si nous devrons prévoir des séances additionnelles. Voilà où je veux en venir. Je n'ai pas l'intention de débattre de la question de savoir si ce projet de loi est de nature politique, si nous tentons de le faire adopter à la hâte, car il me semble très étranger qu'on nous mette cette motion sous le nez au beau milieu d'un témoignage, alors qu'il y a un moment bien précis pour ce genre de choses pendant nos réunions.
    Et justement, nous débattons de cette motion alors que nous devrions plutôt écouter notre témoin, comme le prévoit notre ordre du jour. Je propose que nous respections l'ordre du jour qui prévoit que nous entendions maintenant M. Nadeau.
    Merci, madame Davies.
    C'est maintenant au tour de M. Brown, qui sera suivi de M. Lake et de Mme Brown.
    Merci monsieur le président.
    J'appuie la motion de M. Lake. Elle me semble tout indiquée. Nous entendons maintenant M. Nadeau sur l'importance de ce projet de loi, et le moment me semble bien choisi pour exprimer, devant M. Nadeau, notre souhait d'examiner sa mesure législative dans le plus grand détail possible. Il ne serait pas très courtois à l'égard du parrain du projet de loi de ne pas étudier le projet de loi convenablement et de l'adopter à la hâte, ou de faire fi de notre obligation de mener de vastes consultations.
    J'espère que le comité fera preuve de bonne foi, à l'égard de M. Nadeau et à l'égard de tous ceux qui s'intéressent à ces dispositions législatives. Nous reconnaissons tous que ce projet de loi suscite beaucoup d'intérêt et il nous incombe d'assumer notre responsabilité démocratique de permettre à tous les points de vue de s'exprimer. J'appuie la motion de M. Lake et j'espère que les autres membres du comité en feront autant.

  (1125)  

    Monsieur Lake, puis Mme Brown.
    J'aimerais répondre à la question de Mme Davies qui a demandé, pourquoi maintenant? Si elle avait assisté auparavant aux réunions de notre comité, elle aurait vu comment ça s'est passé au cours des deux ou trois dernières séances. Comme je l'ai dit plus tôt, on voulait clairement faire adopter ce projet de loi à la hâte. C'était tout à fait clair et voilà pourquoi j'ai jugé bon de déposer cette motion le plus tôt possible afin de m'assurer qu'elle reçoive tout l'attention qu'elle mérite. Voilà pourquoi je l'ai fait maintenant, voilà pourquoi je préférerais ne pas attendre.
    Habituellement, ce genre de discussions se tient à un moment précis de la séance. Mais il est évident que si j'avais attendu ce moment, ma motion n'aurait pas reçu toute l'attention qu'elle mérite.
    J'ai beaucoup de respect pour M. Nadeau, je tiens à ce que ce soit clair. Nous avons siégé à un autre comité ensemble et j'ai beaucoup de respect pour lui. Cependant, c'est dans son intérêt à lui aussi que nous fassions une étude approfondie de son projet de loi et que nous entendions tous les témoins qui veulent comparaître devant notre comité.
    Madame Brown, à vous la parole.
    J'ai plusieurs remarques à faire, monsieur le président.
    Premièrement, de toutes les années que j'ai passées au Parlement, je n'ai jamais vu un témoin se faire interrompre ainsi. Je trouve que c'est un manque scandaleux de respect.
    Deuxièmement, je me demande pourquoi le greffier législatif est ici au tout premier jour de notre étude de ce projet de loi. Au comité que je présidais, le greffier législatif ne se joignait à nous qu'à l'étude article par article. Or, nous sommes bien loin d'en être à cette étape.
    Troisièmement, je me demande...
    Je croyais que nous passerions à cette étape dans deux séances seulement.
    Eh bien, même alors.
    Troisièmement, je ne sais pas comment M. Lake peut prévoir que pour ce projet de loi en particulier, il ne nous faudra que six séances. Que je sache, rien n'est sûr. Nous en sommes à notre premier témoin.
    À la lecture du rapport que nous avons entre les mains, je constate que les syndicats appuient presque unanimement ce projet alors que le patronat s'y oppose à l'unanimité. Selon moi, quand il y a une dichotomie aussi claire entre deux partenaires sociaux économiques essentiels, on doit faire preuve de la plus grande prudence et ne pas sauter trop rapidement aux conclusions. Peut-être que six séances, c'est une bonne idée. Peut-être en faudait-il dix. Peut-être n'en faudrait-il que quatre.
    Monsieur le président, je souhaiterais attendre d'avoir entendu nos premiers témoins afin que nous puissions nous faire une certaine idée de la situation avant de décider du nombre de séances que nous consacrerons à ce projet de loi. Je ne pense pas que qui que ce soit ait envie de l'adopter à la va-vite sans le comprendre et sans savoir exactement de quoi il retourne.
    En outre, nous avons une certaine responsabilité à l'égard de la députation qui a adopté ce projet de loi en deuxième lecture et l'a renvoyé au comité. Dans mon caucus, d'aucuns m'ont dit que cette idée avait été proposée deux ou trois fois au Parlement, sans pouvoir aboutir à cause du déclenchement d'élections ou pour une autre raison. On n'en a jamais discuté en profondeur de sorte que bien des députés à la Chambre des communes qui ne siègent pas au comité sont intrigués. Des démarches ont été faites par les deux parties en cause et ils s'attendent à ce que nous tirions les choses au clair.
    Monsieur le président, je propose que la motion de M. Lake soit reportée de quelques jours. Après quelques séances, nous aurons tous une meilleure appréciation du dossier, et nous pourrons dire si nous souhaitons passer à l'étude article par article, comme le prévoit l'ébauche de plan que nous avons sous les yeux, ou si nous souhaitons entendre plus de témoins.
    Je pense que la motion de M. Lake est prématurée. Une fois que nous aurons cerné le différend qui nous sera, je le soupçonne, exposé par ces témoins, nous pourrons décider de passer à l'étude article par article ou, au contraire, nous pourrons reconnaître le besoin d'entendre d'autres arguments sur ces questions.
    Je ne souhaite pas voter contre la motion de M. Lake. Je ne veux pas voter pour non plus. Je ne suis pas encore fixé. Nous ne faisons que commencer nos délibérations. Nous n'avons même pas entendu l'opinion du motionnaire. Je pense qu'il serait prématuré de prendre ce genre de décision à la va-vite.

  (1130)  

    Merci, madame Brown.
    La parole est à Mme Lavallée et ce sera ensuite au tour de M. Coderre.

[Français]

    Je ne suis pas une spécialiste de la « procédurite » des comités, mais n'y aurait-il pas quelque part, dans vos règlements, une motion demandant le retour à l'ordre du jour le plus rapidement possible?
    On discutera de ces choses au moment prévu à cet effet. Qu'on le fasse en plein milieu d'un témoignage me semble inapproprié.

[Traduction]

    La greffière m'informe que nous sommes saisis du projet de loiC-257. C'est la question à l'ordre du jour si bien que tout ce qui y est relié est réglementaire.

[Français]

    Je n'ai pas terminé. C'était ma première question. Nous devons entendre tout ce qui traite de ce projet de loi, mais n'y a-t-il pas un ordre obligatoire? On s'est entendus à ce sujet la semaine dernière. Je n'ai pas le libellé exact de la motion qu'on a adoptée, mais il me semble que nous avons adopté un ordre du jour.
    Cela étant dit, revenir sur une ancienne motion devrait être plus compliqué que d'interrompre de façon discourtoise, afin de proposer une motion portant sur le plan de travail, un témoin que nous avons correctement invité.
    Par ailleurs, le député demande six autres séances pour débattre de ce projet de loi, alors qu'on ne connaît pas encore le nombre de témoins qui se sont inscrits avant 17 heures hier. Comme on dit chez nous, c'est mettre la charrue devant les boeufs. On procède dans le désordre le plus total. Attendons le comité directeur et la liste des témoins qui se sont inscrits. On avisera par la suite. Sinon, cela sera perçu exactement comme ce que c'est, c'est-à-dire une manoeuvre politique visant à faire obstruction au bon déroulement des travaux.
    Je demande que nous retournions à l'ordre du jour et à l'excellente présentation de mon collègue M. Richard Nadeau.

[Traduction]

    Merci, madame Lavallée.
    Monsieur Coderre.

[Français]

    Je veux simplement rappeler au comité que la semaine dernière, lorsque nous avons adopté une position majoritaire, nous avons dit, à la fin de cette résolution, que nous avions un plan de travail et nous avons de plus utilisé les termes « si possible ». Nous avions déjà envisagé la question de la flexibilité.
    Outre l'obstruction parlementaire — probablement parce qu'ils sont frustrés du résultat de l'élection tenue dans la circonscription de London-Centre-Nord hier —, les conservateurs peuvent bien tenter tout ce qu'ils voudront, il reste que nous avons le nombre et que nous avons l'intention d'agir afin que rien ne soit coulé dans le ciment, et de nous assurer qu'au nom de la paix sociale et de notre rôle de parlementaires, nous débattrons de cette question cruciale pour les relations patronales et syndicales. Je vois quelques lobbyistes ici et je le réitère: rien n'est coulé dans le ciment. On veut avoir un débat décent qui permettra de protéger les services essentiels, les gens, les travailleurs, les employeurs et d'obtenir, conformément au préambule du Code du travail canadien, un équilibre entre la relation patronale et syndicale, patronale et travailleurs.
     Il serait temps qu'on traite de cette motion afin qu'on puisse en débattre immédiatement et afin de passer à notre témoin et aux choses sérieuses. Il est temps de jouer pleinement notre rôle de parlementaires. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent, mais la loi du nombre demeurera. Nous avons à coeur les intérêts de la population. Ce n'est pas en agissant de la sorte qu'ils progresseront dans les sondages.

[Traduction]

    Merci, monsieur Coderre.
    Madame Yelich.
    Je vais céder la parole à M. Lake mais je voudrais bien dire que notre préoccupation est le grand public. Je veux m'assurer que tous les témoins que je vais proposer pourront comparaître, sans que l'on fasse d'histoire.
    Étant donné la façon dont vous traitez nos témoins, cela promet.
    Notre témoin est un élément très important de ce texte législatif et je pense qu'il devrait entendre dire l'importance que nous attachons à l'audition de tous les témoins, y compris...
    Voyons ce qu'il a dire et nous jugerons ensuite.
    De plusieurs sources, j'ai entendu à quel point il y avait une divergence d'opinions sur la question. Je vais vous citer, c'est intéressant, ce qu'un ancien ministre manitobain du NPD, Sidney Green, avait à dire :
L'élection d'un gouvernement minoritaire donne lieu à une drôle d'anomalie. Les partis de l'opposition ligués ensemble peuvent croire qu'ils peuvent faire adopter des textes législatifs qui contredisent directement la position du gouvernement. En fait, les partis ligués, simplement pour tâter l'eau, ont adopté en deuxième lecture un texte législatif qu'aucun parti prétendant former le gouvernement fédéral avait jamais inclus dans son programme électoral.
    M. Coderre vient de tâter l'eau lui-même, pour ainsi dire, en nous rappelant que son parti avait sept membres siégeant au comité et que nous n'en avions que quatre.
    Cette question est hautement politique. Il est très important que nous puissions garantir aux deux côtés polarisés sur cette question que nous allons entendre tous les témoins souhaités par les deux côtés. Étant donné l'emploi du temps que nous envisageons, je ne pense pas que nous soyons dans la bonne voie pour réaliser cela.
    M. Regan, Mme Brown et Mme Lavallée estiment que prévoir six séances sur la question est discutable. Je voudrais entendre leurs explications. Je suis prêt à accepter un amendement à ma motion, si leur point de vue est différent. Je veux m'assurer que nous ne sommes pas limités et que les choses ne sont pas expédiées. Que l'autre côté me donne l'assurance que nos délibérations seront sérieuses. Pour l'heure, je ne peux compter sur cette assurance.

  (1135)  

    Madame Davies.
    Je pense qu'il est tout à fait regrettable que les choses prennent cette tournure, une sorte de confrontation, parce que cela n'a pas lieu d'être. Je rappelle à M. Lake que la Chambre a voté — il s'agissait d'un projet de loi d'initiative parlementaire, ce qui signifie que chaque député assume la responsabilité de son vote — et que nous sommes saisis du résultat. C'est pour cela que nous sommes ici. Pour ce qui est d'un parlement minoritaire, ou de toute autre considération, c'est une majorité de la députation qui a décidé de souhaiter que ce projet de loi soit étudié en plus grand détail. Je pense qu'il nous incombe de faire cela.
    M. Lake a proposé une motion, je propose un amendement à sa motion, à savoir que l'on reporte l'étude jusqu'à ce qu'on ait entendu le témoignage d'un certain nombre de témoins. À ce moment-là, le comité pourra décider s'il nous faut des séances supplémentaires.
    Puis-je invoquer le Règlement sur cette motion?
    Il n'y a pas de rappel au Règlement possible mais je peux inscrire votre nom...
    Avez-vous terminé madame Davies?
    Oui.
    Monsieur Lake.
    Tout d'abord, je ne pense pas qu'il s'agisse vraiment d'un amendement. La députée présente une motion afin qu'une motion soit reportée. Ce n'est pas un amendement à la motion. Je n'accepte pas cet amendement.
    Peu importe que vous l'acceptiez ou non. Vous allez avoir la possibilité de vous prononcer sous peu.
    D'accord.
    Nous allons obtenir le libellé de cet amendement et je vous demanderai si vous souhaitez en discuter. Je le lis :
Que la motion soit reportée jusqu'au moment où nous aurons entendu les premiers témoins, afin que le comité puisse déterminer si des séances supplémentaires s'imposent.
    Monsieur Hiebert.
    Il me semble que c'est une nouvelle motion et non pas un amendement. Qu'a-t-on modifié à la motion initiale? C'est une motion sur une motion.
    Que la greffière nous explique qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle motion.

  (1140)  

    Merci monsieur Hiebert. Après en avoir discuté, on en conclut qu'il s'agit d'une nouvelle motion. Il va donc falloir mettre aux voix la motion originale, et nous discuterons ensuite de la deuxième motion.
    On demande un vote par appel nominal. La motion originale porte que :
Nonobstant la motion adoptée le 23 novembre, que six séances supplémentaires soient prévues pour entendre des témoins le 12 décembre et lors des cinq premières réunions du comité prévues après l'ajournement de Noël.
    S'il n'y a pas de débat, je vais procéder au vote.
    (La motion est rejetée par sept voix contre quatre.)
    Je déclare la motion rejetée.
    Madame Davies, voulez-vous mettre votre motion aux voix maintenant ou plus tard?
    Je la présenterai plus tard. Passons pour le moment.
    D'accord. Nous allons revenir à notre témoin.
    Monsieur Nadeau, veuillez excuser ce contre-temps. Il vous reste cinq minutes. Merci de votre patience.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je poursuis ma présentation.
    En ce qui a trait aux changements nécessaires à l'actuel Code canadien du travail, le paragraphe 94(2.1) proposé contient une interdiction relative aux travailleurs de remplacement, mais seulement si un employeur utilise ceux-ci dans le but de miner la capacité de représentation d'un syndicat. Cette interdiction est très faible, car il suffit à l'employeur de toujours reconnaître le syndicat en place et, donc, de continuer à négocier afin de ne pas avoir l'air de miner la capacité de représentation de celui-ci, pour avoir le droit d'utiliser les travailleurs de remplacement.
    Autrement dit, si un employeur refuse de négocier tout en utilisant des briseurs de grève, le Conseil canadien des relations industrielles pourra alors interdire l'emploi de ceux-ci. Cependant, il suffit à un employeur de négocier ou de faire semblant de négocier avec le syndicat pour éviter cette interdiction et continuer à utiliser des briseurs de grève.
    On voit donc que cette mesure est on ne peut plus faible et ouvre une brèche au chapitre du recours aux briseurs de grève. Pour pallier cette situation, le projet de loi C-257 remplace le paragraphe 94(2.1) afin de préciser les individus qui ne peuvent pas être utilisés lors d'une grève ou d'un lock-out et d'empêcher l'embauche de briseurs de grève. Cette liste figure à la page 2 du document qui vous a été remis aujourd'hui.
    Le paragraphe 100(5) proposé dans le projet de loi stipule que toute personne contrevenant aux dispositions relatives au recours à des briseurs de grève serait passible d'une amende maximale de 1 000 $ pour chaque jour ou partie de jour où se poursuit l'infraction.
    Le paragraphe 94(2.3) proposé permet que des employés soient utilisés afin d'éviter la destruction des biens de l'employeur.
    Le paragraphe 94(2.5) proposé, pour sa part, permet au ministre, sur demande, de désigner un enquêteur pour déterminer si les exigences prévues sont satisfaites.
    Enfin, l'article 87.6 du Code canadien du travail est modifié pour obliger un employeur à réintégrer un travailleur après un conflit de travail, à moins qu’il n’ait un motif valable et suffisant, dont la preuve lui incombe, pour ne pas réintégrer ce travailleur.
    Monsieur le président, ce sont les grandes lignes du projet de loi C-257. Je suis prêt à répondre aux questions de mes collègues.

  (1145)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Nadeau.
    Monsieur Regan.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Nadeau, d'être ici aujourd'hui.
    En 1995, le rapport intitulé Vers l'équilibre, préparé par le Groupe de travail chargé d'examiner la partie I du Code canadien du travail, souligne qu'il y a peu d'études approfondies qui abordent la question des conséquences des lois interdisant les travailleurs de remplacement sur la fréquence et la durée des grèves. Il fait référence à deux études qui aboutissent à des conclusions différentes.
    Selon notre analyste, en ce qui a trait aux recherches empiriques plus récentes effectuées par les mêmes auteurs dont il est fait mention dans le rapport Vers l'équilibre, les estimations fondées sur des données canadiennes limitées indiquent que l'adoption de dispositions législatives interdisant le recours à des travailleurs de remplacement augmente à la fois la fréquence et la durée des grèves.
    Une autre étude conclut que l'adoption de dispositions législatives interdisant le recours à des travailleurs de remplacement pourrait avoir un effet négatif sur l'investissement.
    Avez-vous des preuves empiriques récentes qui appuient le point de vue selon lequel l'adoption de dispositions législatives visant le recours à des travailleurs de remplacement lors d'un conflit de travail n'augmente pas à la fréquence ou à la durée des grèves et ne nuit pas à la croissance économique des entreprises visées par une telle loi?
    Selon vous, quelles sont les incidences économiques des lois qui interdisent le recours à des travailleurs de remplacement lors d'une grève ou d'un lock-out?
    Merci, monsieur Regan.
    Depuis l'adoption d'une loi antibriseurs de grève, en 1977, le ministère du Travail du Québec prépare chaque année un rapport sur les conflits de travail. On y démontre clairement que les grèves sous compétence fédérale durent deux fois plus longtemps que celles sous compétence québécoise. Il s'agit d'une donnée solide et pointue qui est produite annuellement.
    Il convient de mentionner que 92 p. 100 de la population active du Québec est assujettie au Code du travail du Québec, lequel ne permet pas le recours aux travailleurs de remplacement. Le fait que les grèves durent deux fois moins longtemps a une incidence importante sur le revenu des travailleurs et des employeurs. Les conflits durent moins longtemps, et le retour au travail, sauf exception, se fait beaucoup plus rapidement. Dans ce contexte, il n'y a pas de pertes, mais un gain.
    Les chiffres publiés par l'Institut Fraser et l'Institut économique de Montréal montent en échelle toute une structure selon laquelle il serait plus avantageux pour les usines et les employeurs d'avoir recours à des contractuels ou à des sous-traitants que d'avoir des employés à temps complet, car alors, ils n'auraient pas à rémunérer ces employés en cas de grève. On torture les chiffres afin qu'ils prouvent que le recours à des contractuels plutôt qu'à du personnel à temps complet entraîne une diminution du nombre de travailleurs dans la province. Il s'agirait de 30 000 travailleurs au Québec et de 17 000 en Colombie-Britannique.
    Tout d'abord, il s'agit là d'une spéculation, parce que rien ne prouve que ce soit le cas. Ensuite, les employeurs, dans un but de productivité et aussi de respect de leurs employés, font en sorte de donner des conditions de travail qui sont acceptables pour la vaste majorité d'entre eux.
    Cette approche est fondée sur des études américaines qui ont été effectuées dans le but de démontrer qu'une loi antibriseurs de grève était inutile. Or, on sait très bien, ne serait-ce qu'en raison de la diminution de la durée des conflits et de la violence aux piquets de grève, qu'il y a moins de poursuites judiciaires. L'employeur et l'employé négocient à force égale en vertu de règles semblables, c'est-à-dire que l'employeur ne peut pas faire de profits et l'employé ne peut pas gagner un salaire. La négociation se fait d'égal à égal, ce qui instaure une paix sociale.
    Depuis 1977, la paix sociale est beaucoup plus grande au Québec. En effet, dans les années 1970 et avant, il y a eu des grèves extrêmement violentes; on avait embauché des briseurs de grève. Il y a même eu des coups de feu.

  (1150)  

    Vous avez dit que les grèves régies par le Code du travail du Québec durent deux fois moins longtemps. Pourriez-vous me donner des chiffres à l'appui de cette affirmation?
    De 1992 à 2002, sous le Code du travail du Québec, les grèves ont entraîné une perte 15,9 jours de travail, tandis que sous le Code canadien du travail, cette perte a été de 31,1 jours. Ces données proviennent du ministère du Travail du Québec.
    Votre projet de loi désavantage-t-il les petits employeurs qui n'ont pas beaucoup de points de service pour la production et qui, par conséquent, ne peuvent transférer leurs activités vers des établissements qui ne sont pas touchés par une grève ou un lock-out? Le cas échéant, seriez-vous prêt à restreindre les dispositions de votre projet de loi aux grandes entreprises?
    Il faut protéger les travailleurs et les employeurs. On est en train de me dire qu'en cas de grève, on devrait permettre à l'usine de déménager carrément pendant un bout de temps ou d'augmenter sa production ailleurs, plutôt que de régler le conflit. Malheureusement, c'est ce que font les grandes entreprises.
    Ce que nous voulons, c'est un projet de loi qui respecte les personnes dans la communauté, tant les employeurs que les travailleurs, et qui propose une solution favorisant une paix sociale lors d'un conflit de travail. Le déménagement temporaire de la production d'une usine en cas de conflit est très peu respectueux de l'ensemble des gens affectés, c'est-à-dire les travailleurs.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Madame Lavallée.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Nadeau, d'être venu témoigner ce matin. Nous nous excusons infiniment pour l'interruption dont vous avez été victime et nous espérons que cela ne se reproduira plus.
    D'abord, je voudrais vous parler des études. On a cité l'Institut Fraser et l'Institut économique de Montréal. Comme on le sait, ce sont essentiellement les mêmes auteurs qui disent les mêmes choses depuis plusieurs années. Ce qui est étonnant, quand on les consulte — parce que je me suis donné la peine de les lire —, c'est que ce sont de vieilles données qui datent des années 1960 jusqu'au milieu des années 1990. Je ne me rappelle pas des dates exactes, mais ce serait gentil de nous rafraîchir la mémoire.
    Ces études se basent non seulement sur de vieilles données, mais elles ont été faites auprès de grandes entreprises du Québec alors que, comme on le sait, les PME sont la base de l'économie au Québec. Qui plus est, on parle du nombre de conflits de travail, alors que de vraies statistiques, quand on veut comparer les vraies choses, ne consistent pas à comparer des données d'une province qui a une telle loi à celles d'une autre qui ne l'a pas, ni de comparer la durée ou le nombre des conflits de travail. Les vraies statistiques consistent à calculer les jours-personnes perdus dans une province comme le Québec ou la Colombie-Britannique, et à faire la comparaison entre les travailleurs qui sont régis par le Code canadien du travail et ceux qui sont régis par le code du travail de leur province. Au Québec, c'est une mesure qu'on connaît bien.
    J'aimerais que vous nous rafraîchissiez la mémoire à ce sujet.
    En outre, ma question principale concerne le respect des travailleurs et des employeurs. On sait qu'une loi antibriseurs de grève favorise un juste équilibre entre les employeurs et les employés, particulièrement lors de la négociation, mais par la suite également, aussi étonnant que cela puisse paraître. On sait aussi que l'idée d'avoir des travailleurs de remplacement n'a aucun sens. D'ailleurs, il y a des pays qui n'ont pas de loi contre les travailleurs de remplacement parce que les entreprises n'ont jamais pensé remplacer les grévistes ou les employés en conflit. Cela n'existe tout simplement pas. Ils ne remplacent pas les travailleurs, et c'est ainsi que s'établit l'équilibre.
    J'aimerais revenir à la question de M. Regan. La ville de Bonaventure en Gaspésie est un exemple qui nous révèle qu'il est insensé d'accepter des travailleurs de remplacement. Il y a eu un conflit qui a duré trois ans à la station de radio de Bonaventure; il s'agissait d'une petite entreprise. Après deux ans, les 12 travailleurs de remplacement ont demandé une accréditation syndicale. Évidemment, cela leur a été refusé, mais on voit bien qu'il est insensé de permettre qu'il y ait des travailleurs de remplacement dans une entreprise et que cela entraîne des conséquences complètement farfelues.
    Monsieur Nadeau, je vous rappelle ma question parce que mon intervention a été un peu longue; je m'en excuse infiniment. Pouvez-vous nous dire exactement en quoi, d'après vous, une loi qui interdit le recours à des travailleurs de remplacement peut permettre un juste équilibre dans les rapports entre les employeurs et les employés?

  (1155)  

    D'abord, effectivement, la seule différence entre les documents de l'Institut Fraser et ceux de l'Institut économique de Montréal est la langue dans laquelle ils sont écrits, car les données viennent du même endroit.
    Les deux instituts vont citer une étude qui s'échelonne par exemple de 1967 à 1993 et ils la considèrent comme étant une panacée. Ils vont citer une autre étude de J. Budd, faite en 1996, dont les données datent de 1966 à 1985. Finalement, ils vont citer une étude de M. Gunderson et A. Melino qui a été faite en 1990, mais dont les données datent de 1967 à 1985. Encore là, c'est une grande référence pour cet institut, mais c'est triste à voir. De plus, ce sont des données pour des grandes entreprises qui ne disent rien au sujet des petites et moyennes entreprises.
     La difficulté, en ce qui a trait à ces études, est qu'il y a, à côté, des ministères du Travail qui ont un devoir face aux citoyennes et aux citoyens. Je pense au Québec et à la Colombie-Britannique, qui donnent des données précises à l'année près. Ces provinces doivent fournir des données chaque année. Alors, on prend les choses telles qu'elles doivent être, avec les données qui touchent l'ensemble des travailleurs. Un travailleur n'est pas moins important parce qu'il travaille dans une PME ou dans une multinationale. Il faut quand même comprendre cela, c'est essentiel. Il faut penser aux individus comme tels.
    En ce qui concerne le respect que peut occasionner une loi antibriseurs de grève, il faut négocier avec les mêmes règles. Comme je le disais tout à l'heure à M. Regan, lorsqu'un employeur ne fait plus d'argent et que les employés ne reçoivent plus de salaire, ils négocient pour trouver des solutions qui vont plaire à tous et s'arranger pour que la grève ou le conflit de travail dure le moins longtemps possible.
    Pensez aux conséquences lorsque des briseurs de grève traversent la ligne de piquetage. Cela occasionne de la violence, et imaginez la situation une fois que la grève est terminée! Quand je parle de violence, cela ne veut pas seulement dire un coup de poing sur le nez, c'est aussi de la violence psychologique ou encore le fait de devoir subir cette situation. Les employés sont conscients que l'usine continue de fonctionner et qu'il y a des gens qui font de l'argent en occupant leur job pendant qu'ils négocient un retour au travail. Il y a là un non-sens. Cela remonte quasiment au capitalisme sauvage de l'époque.
    Le fait de considérer le retour au travail une fois la grève ou le lock-out terminé est un autre aspect très important aussi. Si c'est un membre connu de la communauté, un frère, un voisin, un ami de longue date ou même une connaissance qui a pris l'emploi d'un travailleur, imaginez l'atmosphère et l'animosité qui peut régner dans une usine, surtout si elle se trouve dans une petite communauté.
    Lorsque la grève a été terminée, il y a souvent eu des situations où des travailleurs de remplacement ont fait l'objet de poursuites judiciaires. Là encore, c'est une conséquence onéreuse. Le syndicat doit poursuivre le patronat, qui se retrouve en mauvaise position. Si des fiers-à-bras s'en mêlent qui ne sont pas des employés permanents de l'usine mais qui commettent des actes répréhensibles, tout ce beau monde risque de se retrouver dans une situation judiciaire tout à fait déplorable.
    Si on met tout ensemble, je pense qu'en bout de ligne, une loi antibriseurs de grève amènerait dans la communauté, que ce soit pour les employés régis par le Code canadien du travail ou pour ceux régis par le code du travail d'une province, une certaine paix sociale lors les négociations, dans les moments très difficiles du conflit. Il faut le dire, on parle ici du pain et du beurre des gens.
    Donc, ne citez pas l'Institut de Montréal et l'Institut Fraser dans une salle de classe, car vous allez démontrer un manque de respect envers la déontologie. Prenez plutôt les chiffres officiels des gouvernements qui, eux, travaillent justement à faire respecter la loi dans ce cadre.

  (1200)  

[Traduction]

    Madame Davies.
    Merci beaucoup.
    Tout d'abord, merci monsieur Nadeau d'être venu aujourd'hui. C'est avec plaisir que nous vous accueillons.
    Ce projet de loi est très important. Merci de l'avoir présenté à la Chambre des communes. Il a été voté avec enthousiasme si bien que notre responsabilité et notre travail prennent toute leur signification étant donné qu'un nombre appréciable de députés ont appuyé ce projet de loi en principe et nous sommes chargés maintenant d'en examiner le détail.
    Vous avez dit que votre projet de loi allait créer des chances égales et une situation équitable. Je conviens tout à fait de cela avec vous. Lorsque des travailleurs déclarent une grève légale, c'est à la suite d'une décision difficile et il n'y a rien de pire que l'arrivée de briseurs de grève ou de travailleurs de remplacement. En l'absence d'un texte de loi, au fil des ans, nous avons pu constater la confrontation, la violence et le bouleversement que cela crée pour les travailleurs et les syndiqués. Selon moi, si ce projet de loi est adopté, nous disposerons d'une mesure de prévention, d'un élément de stabilité.
    Je suis de Colombie-Britannique où nous avons une loi semblable depuis un certain nombre d'années et je dirais que cela a apporté une plus grande stabilité. Nous avons pu constater des problèmes incessants chez les travailleurs qui relèvent du gouvernement fédéral, qu'il s'agisse des travailleurs de Telus ou du lockout à la SRC, parce qu'ils relevaient de la compétence fédérale, ces travailleurs n'avaient aucune protection.
    Le but du projet de loi est d'offrir des mesures très importantes de protection des droits des travailleurs et de garantir des chances égales.
    Avez-vous des renseignements quant à ce qui s'est passé dans d'autres pays industrialisés. Je suppose que le Canada n'est pas le seul pays à vouloir s'occuper de cette notion de travailleurs de remplacement. La plupart des autres pays industrialisés ont sans doute des dispositions législatives semblables à celle-ci. J'aimerais vous entendre là-dessus.
    Deuxièmement, dans nos documents de séance, il est question d'un article en particulier qui apparemment prêterait à confusion. Il s'agit du paragraphe 94(2.4) pour lequel l'article de référence n'est pas clair. Ainsi, je me demande si vous êtes en mesure de nous expliquer le but de cet article en particulier et... il s'agit de l'article qui fait allusion au recours aux employés occupant un poste de gestion. On ne voit pas clairement à quel autre article vous vous reportez. Pouvez-vous préciser?

[Français]

    Merci beaucoup, madame Davies.
    En Colombie-Britannique, le projet de loi a été adopté en 1993. Au cours de l'année qui a suivi, il y a eu 50 p. 100 moins de conflits de travail que durant l'année précédente. Cela démontre que cette loi a eu un effet très important.
    Je n'ai pas fait une étude exhaustive de la situation dans différents autres pays. Une chose est certaine, une loi antibriseurs de grève favorise, dans la société concernée, le respect entre employeurs et employés en situation de conflit. Au Québec, cela fait bientôt 29 ans qu'il existe une loi antibriseurs de grève. Si l'on se remémore certains conflits, par exemple celui survenu à la meunerie Robin Hood de Montréal, des coups de feu avaient été tirés. Les grévistes n'étaient pas contents. Alors, on apporte un fusil et on essaie de régler le problème comme dans un western. Des gens sont blessés et parfois tués parce que le patronat ne respecte pas le processus de négociation.
    Il y a un autre aspect à considérer. Au Québec, environ 40 p. 100 des travailleurs sont syndiqué, alors qu'aux États-Unis, le chiffre est d'environ 13 p. 100. Ici, on favorise la syndicalisation. Des travailleurs syndicaux m'ont même appris que certains employeurs, par exemple les marchés d'alimentation IGA, invitent leurs employés à se syndiquer tout simplement pour avoir de bonnes relations de travail et faire en sorte qu'on négocie sur des bases solides, dans le respect de la loi. Dans ces conditions, lorsqu'il y a des grèves, on se retrouve en présence de parties qui se respectent d'emblée. Ce n'était pas la situation avant 1978, alors qu'on décourageait la syndicalisation.
    Dans certains pays d'Europe, on n'envisage même pas l'idée d'adopter une loi antibriseurs de grève puisque qu'il semble inimaginable, au départ, de recourir à des travailleurs de remplacement. Je me réfère au continent dans son ensemble; je n'ai pas étudié la situation dans les détails.
    Un autre fait important auquel M. Regan faisait allusion tout à l'heure est le rapport paru à la suite de la révision de la partie I du Code canadien du travail. Dans le rapport minoritaire rédigé par nul autre que Rodrigue Blouin — une sommité mondiale dans le domaine des relations de travail, lui-même arbitre lors de conflits de travail au Québec ou ailleurs —, il est démontré, de façon claire, l'importance de ne pas avoir recours à des travailleurs de remplacement. Le recours à une main-d'oeuvre extérieure mine la situation et engendre des problèmes dans le cadre de négociations.
    Au Québec, si on observe les gens qui exercent un métier sous la protection du Code canadien du travail — ils représentent environ 8 p. 100 des travailleurs —, ce sont des travailleurs des communications, des postes, des agents correctionnels, des employés du secteur du transport, des pâtes et papier, des ports maritimes et des aéroports. Lorsqu'on fait l'étude des conflits de travail survenus dans ces différents secteurs, on constate qu'ils ont été plus longs, et parfois — on peut le démontrer — très violents. Devant pareille situation, il nous faut effectivement une loi antibriseurs de grève.
    On a, par ailleurs, proposé certaines mesures. Par exemple, au cours d'un conflit, on reconnaît que certains services peuvent être reconnus essentiels. Cela veut dire qu'il est nécessaire de maintenir des services essentiels pour la protection du public, dépendamment du secteur professionnel dont il s'agit.

  (1205)  

    Pour le bien du matériel de l'employeur, on reconnaît qu'il peut y avoir des travailleurs sur place durant une grève. Mais c'est pour le maintien du matériel, et non pas pour faire de la production. Cela est permis en cas de nécessité, et encore faut-il en faire la preuve.
    On prend donc des dispositions pour la protection du matériel. Ce n'est pas dans le but de détruire le patron ni l'entreprise ni l'employeur; c'est pour que les deux parties puissent négocier dans les meilleures conditions.
    Avec cette approche, qui est incluse dans les nouveaux paragraphes 94(2.1) et suivants du projet de loi, on essaie de couvrir tous les angles. On peut même aller jusqu'à dire, dans certains cas, que l'employeur peut refuser le retour d'un employé, s'il a des preuves que ce dernier a effectivement fait des choses incorrectes, et faire en sorte qu'il ne revienne pas au travail.
    Il faut qu'il y ait du respect des deux côtés. Quand on considère ces aspects — je vous ai remis une copie du projet de loi —, c'est toujours en fonction du respect des deux partenaires impliqués dans les négociations.

  (1210)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Nadeau.
    Monsieur Lake, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Nadeau.
    La première question porte sur la durée des grèves. L'une de mes craintes — et j'ai examiné le processus de fond en comble — est que les chiffres semblent totalement incohérents.
     Vous dites que les grèves des travailleurs qui relèvent du gouvernement fédéral durent deux fois plus longtemps et pour appuyer vos affirmations vous dites avoir « des données limpides et solides ». Je voudrais savoir exactement quelle est la source de vos renseignements.

[Français]

    Cela vient du ministère du Travail du Québec, qui est un État provincial, qui doit faire rapport à l'Assemblée nationale, entre autres, des relations entre travailleurs et employeurs.

[Traduction]

    Pourriez-vous fournir ces renseignements au comité lorsque le temps vous le permettra? Il n'est pas besoin de le faire dès maintenant, mais simplement lorsque vous aurez le temps. Merci.

[Français]

    Oui, effectivement.

[Traduction]

    Les données sur le marché du travail — soit la Direction de l'information sur le marché du travail « je suppose que cela relève de Ressources humaines et Développement social Canada mentionne ce qui suit: la durée moyenne des arrêts de travail liés au Code canadien du travail est moins longue qu'au Québec », soit 43,5 jours de 2002 à 2005 en moyenne dans le cas du Code canadien du travail et 46,6 jours au Québec. Pouvez--vous expliquer la différence entre vos renseignements et ceux du gouvernement fédéral?

[Français]

    Je vous répondrai très simplement, monsieur Lake. J'aurais pu continuer à lire le rapport minoritaire de M. Rodrigue Blouin, mais il y a deux choses qu'il faut prendre en considération.
    Entre toutes les statistiques, je me fierai d'abord et avant tout à celles des ministères du Travail plutôt qu'à celles d'agences ou d'études dont les données ont été prises ça et là pour publier des revues, ou d'instituts qui, de prime abord, ont un penchant pour le côté syndical ou pour le côté patronal. C'est très important.
    Ce qui est encore plus important, c'est qu'au-delà de toute statistique, il est essentiel qu'il y ait du respect dans les négociations de travail. Pour ce faire, il faut absolument que les employeurs et les travailleurs négocient sur des bases semblables, équivalentes. Alors, l'entreprise ne peut pas continuer à faire des profits pendant que ses employés sont en grève. Ce serait inégal. Si une partie ne fait pas d'argent, l'autre ne doit pas en faire.
    À ce rythme, il est donc interdit de faire entrer dans une usine des gens qui feront en sorte que l'usine fasse des profits alors que les travailleurs n'ont plus de revenus pour nourrir leur famille, tout ça parce qu'on permet à des travailleurs de remplacement d'entrer dans l'usine. C'est la base fondamentale, au-delà de tout.
    Les données statistiques qui me sont fournies par le gouvernement du Québec viennent des secteurs québécois...

[Traduction]

    Je m'excuse. Je veux simplement m'assurer que j'ai le temps de poser les questions qui m'intéressent. Et je pense qu'on parle d'une question différente.
    Mme Davies a parlé de conflit et de violence. Vous aussi. Certains chefs syndicaux qui ont communiqué avec mon bureau l'ont également mentionné. J'ai beaucoup d'amis qui sont syndiqués, et je ne dirais certainement pas qu'ils sont des personnes violentes. Je ne peux pas m'imaginer qu'ils seraient violents lors d'une grève ou d'un lock-out.
    Que pensez-vous de tous ces gens qui parlent de conflit et de violence? Pensez-vous que la violence est justifiée lorsqu'il y a une grève ou un lock-out autorisé, même lorsqu'il y a des travailleurs de remplacement? Oui ou non?

  (1215)  

[Français]

    Le fait d'avoir des travailleurs de remplacement est une forme de violence. Aucune violence n'est acceptable. Il ne faut accepter la violence sous aucun prétexte, que ce soit du côté patronal ou du côté syndical. Il ne le faut pas.
    Maintenant, si on triche envers les employés d'une petite usine en laissant entrer des travailleurs de remplacement pendant que les employés sont sur la ligne de piquetage, c'est une forme de violence. Ce peut être psychologique, mais si la situation perdure, cela peut devenir de la violence physique. C'est extrêmement regrettable, et il faut refuser ce genre de situation.

[Traduction]

    Vous avez dit plus que simplement oui ou non mais c'était quand même une bonne réponse.
    J'aimerais préciser quelque chose. Vous avez dit que si une partie ne fait pas d'argent l'autre ne devrait pas en faire non plus. Il faut être réaliste. Un employé doit faire de l'argent, doit avoir un revenu pour nourrir sa famille et c'est parfaitement normal. Il est clair qu'il doit avoir une source de revenu lorsqu'il y a grève ou lock-out, il doit également avoir la liberté de trouver cette autre source de revenu.
    Aux termes de ces propositions, l'employeur lui n'aurait pas les mêmes possibilités et cela me préoccupe. Vous avez fait un commentaire mais je pense que vous essayez de dire que vous seriez prêt à priver les travailleurs de leur droit d'aller se trouver un nouvel emploi. Je pense que c'est ce que vous avez dit.

[Français]

    Malheureusement, des employeurs peuvent choisir d'ouvrir une usine à un autre endroit. Ils peuvent effectivement déménager leur production ailleurs pendant un certain temps. C'est regrettable. Il faut considérer le geste dans son ensemble. Tous les employés qui sont en grève ne se trouvent pas un autre emploi du jour au lendemain. Il ne faut pas se faire d'illusions.

[Traduction]

    Non non, je n'ai jamais dit ça. J'ai dit qu'ils avaient la liberté de le faire. Ils ont la liberté de trouver une autre source...

[Français]

    Effectivement, des situations de cette nature peuvent se produire, mais on parle alors d'exceptions à la règle.

[Traduction]

    Je dois absolument comprendre cette question. Si une société de télécommunication importante ne peut pas fonctionner parce qu'elle n'a pas le droit d'avoir recours aux travailleurs de remplacement, qu'arrivera-t-il au service d'urgence 911?

[Français]

    C'est une très bonne question, monsieur Lake.
    Dans le projet de loi, on parle des mesures d'urgence et des services essentiels qui doivent être maintenus. C'est comme dans un hôpital, où les services essentiels doivent être maintenus. Le Québec en est un exemple.

[Traduction]

    Je vais bien préciser. Il s'agit bien de l'article 87.4 du Code du travail?

[Français]

    Oui.
    Dans les articles que je vous ai remis, vous verrez des références aux services essentiels qui peuvent être maintenus. D'ailleurs, on en a fait état dans le résumé qui a été rédigé par le comité.

[Traduction]

    Très bien. Le CCRI a conclu que les services de télécommunications ne représentaient pas des services essentiels aux termes de l'article 87.4 du Code du travail; ainsi, les dispositions de votre projet de loi qui touchent ces dispositions n'assureront pas que les services d'urgence 911 seront disponibles.
    Seriez-vous disposé à élargir la définition de services essentiels qui est actuellement offerte dans le code pour assurer que d'autres services, comme le service téléphonique 911, seront disponibles même s'il y a grève ou lock-out?

[Français]

    Prenons les pompiers et les ambulanciers, par exemple. Dans une situation de crise, lors d'une grève, les services essentiels doivent être maintenus. Si vous parlez de Bell Canada ou de SaskTel dans votre région, il y a des dispositions pour s'assurer que les services essentiels soient maintenus.
    Vous m'avez donné un exemple, mais ce sont des services essentiels.
    Je vous donne un autre exemple bien simple. Depuis 29 ans au Québec et depuis 1993 en Colombie-Britannique, durant les conflits de travail qui touchent des secteurs névralgiques, soit la sécurité ou les services essentiels à la vie des gens, on prend les dispositions nécessaires.

  (1220)  

[Traduction]

    Les télécommunications représentent un service essentiel...
    Monsieur Lake, nous n'avons plus de temps. Nous reviendrons au deuxième tour de questions.
    Monsieur Coderre, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    J'espère que ma période de cinq minutes paraîtra aussi longue que celle de mon ami M. Lake. Je pourrai alors parler pendant 15 minutes et ce sera intéressant.
    Monsieur Nadeau, je m'intéresse à la question des travailleurs de remplacement depuis 1988. Il faut faire attention et ne pas parler de « briseurs de grève », car cette expression est négative et péjorative. Je suis tout à fait d'accord avec vous : quand il est question d'empêcher l'embauche de travailleurs de remplacement, il faut préserver l'équilibre de la relation syndicale-patronale, il ne faut pas que cela devienne un irritant. Toutefois, les problèmes sociaux peuvent provoquer des irritants économiques importants, parce qu'on a à vivre ensemble par la suite.
    Je crois qu'il serait bon qu'on puisse continuer à parler de la question des services essentiels. Étant Québécois moi-même et ayant moi-même vécu quelques grèves à titre de consommateur et de citoyen, je pense qu'il est important, pour notre comité, que vous nous répétiez qu'il est important que ce projet de loi préserve les services essentiels.
    En fait, deux aspects du projet de loi posent problème. C'est pour cette raison que je me fais le défenseur d'une discussion en profondeur. On doit prendre en considération deux éléments.

[Traduction]

    Est-ce qu'on pourrait avoir un petit peu de silence s'il vous plaît? Il y a beaucoup de petites conversations. Il y a en fait deux discussions qui se déroulent.

[Français]

    Un instant, monsieur Coderre. Je vous demande tous un peu de silence, s'il vous plaît, afin de permettre à celui qui pose les questions d'avoir une certaine tranquillité. Merci.
    Deux questions m'intéressent.
     Premièrement, il faut protéger les services essentiels et nous rassurer. Si ce n'est pas assez clair, on va proposer un amendement pour s'assurer que cela respecte en tous points la situation au Québec qui, pour moi, est parfaite à cet égard.
    Deuxièmement, la question des télécommunications est également essentielle. On a vécu la grève de Radio-Canada. Il y a une sorte d'imbroglio, car les opinions juridiques divergent sur les effets du paragraphe 94(2.4) proposé sur les paragraphes 94(2.1) et 94(2.2) proposés. Soyons clairs. Si on est contre les travailleurs de remplacement mais qu'on donne la possibilité à la gestion d'offrir quand même ses services, il faut s'assurer qu'un journaliste qui serait en grève n'ait pas le droit de faire de la production de reportages. Je pense que c'est un élément essentiel. On veut s'assurer qu'il n'y ait pas de travailleurs de remplacement, mais s'il y a une grève dans le domaine des télécommunications, il faut aussi s'assurer que cette entreprise puisse offrir ses services.
    J'aimerais que vous me parliez rapidement de ces deux points, et on pourra continuer la discussion par la suite.
    Il est important de comprendre — et cela ne touche pas les syndiqués comme tels — que dans une entreprise, les gérants, les surintendants, ceux qui sont les cadres de l'entreprise peuvent faire fonctionner l'entreprise. On sait que ce n'est pas possible pour toutes les entreprises, cela dépend du domaine. C'est un exemple.
    En ce qui a trait aux services essentiels, il est primordial d'établir une liste. Je pense, entre autres, que cela doit dépendre du domaine dont il est question. Je pense à la santé, à la sécurité publique et au secteur de l'éducation, qui sont de compétence provinciale. Il y a aussi des services municipaux: les pompiers, les ambulanciers, etc. Il faudrait déterminer ce qui constitue un service essentiel et ce qui n'en est pas un avec le syndicat, avec l'employeur et l'État fédéral, qui a aussi des prérogatives en la matière. Je n'en ferai pas la liste et je ne lancerai pas un débat, mais il faut considérer cela, en effet. On s'entend sur ce sujet.
    Monsieur Nadeau, il est important qu'on se comprenne. Qu'il y ait liste ou pas, il faut s'assurer que le projet de loi protège également le citoyen advenant un problème lors d'un lock-out ou d'une grève. En ce sens, il sera essentiel, lorsqu'on éclaircira le projet de loi, au besoin, que l'on puisse faire les propositions d'amendements nécessaires afin que cela reflète en tous points, par exemple, la situation québécoise et la situation en Colombie-Britannique.

  (1225)  

[Traduction]

    Monsieur le président, j'aimerais préciser que nous ne sommes pas ici pour créer plus de difficulté. Nous sommes ici pour trouver une façon bien équilibrée de faire les choses et pour nous assurer qu'il existe un équilibre entre les employeurs et les employés; nous ne sommes pas ici pour compliquer les choses pour les citoyens.

[Français]

    En matière de transport, il y a des éléments importants, je crois.
    Par ailleurs, je ne suis pas satisfait de votre réponse concernant les télécommunications. On va tenir ce débat, et il va y avoir de part et d'autre des positions favorables et défavorables. Contrairement à ce que disent mes amis conservateurs, les positions sont bien campées, et des deux côtés, on est déjà bien documenté. À mon avis, nos deux rencontres seront suffisantes.
     Êtes-vous prêt à fournir des éclaircissements concernant l'éventualité où une entreprise de télécommunications, par exemple une station de télévision ou de radio, serait en grève? Est-ce que les cadres pourraient continuer d'offrir les services à la population? Dans le cas des nouvelles, le travail ne se fait pas uniquement dans l'entreprise. Si des choses se passent à l'extérieur, il faut démontrer qu'il sera possible de diffuser les nouvelles à ce sujet. Est-ce que dans de tels cas, les cadres des stations de radio et de télévision pourront assumer ce travail?
    D'après ce que je comprends...

[Traduction]

    Monsieur Nadeau, soyez bref s'il vous plaît. Nous avons déjà passé la période réservée à ces questions.

[Français]

    D'accord.
    Les cadres pourront en effet assumer des responsabilités afin de répondre à des besoins essentiels.

[Traduction]

    Merci, monsieur Nadeau.
    Nous passons maintenant à Mme Lavallée qui dispose de cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Nadeau, je suis très contente que le débat porte sur les services essentiels. Il y a en effet des points à clarifier à ce sujet. Le projet de loi présenté par le Bloc québécois a exactement les mêmes effets que la loi en vigueur au Québec depuis 1977. Dans le cadre de celle-ci, les travailleurs syndiqués peuvent, en situation de conflit de travail, se procurer un revenu d'appoint de façon à pouvoir nourrir leur famille et payer leur loyer. On sait par contre que ce sont des cas exceptionnels. En outre, les cadres d'un établissement touché par un conflit de travail peuvent travailler. On a pu le constater, entre autres pendant le conflit qui a eu lieu à la SAQ il y a un an ou deux.
    M. Richard Nadeau: Je crois que c'était l'an dernier, pendant la période des Fêtes.
    Mme Carole Lavallée: Peu importe. On a pu voir que les cadres s'étaient mobilisés, de façon à continuer à vendre leurs produits à la population du Québec. Je devrais plutôt dire à la nation québécoise, mais ça impliquerait un tout autre débat.
    Même au niveau fédéral, le droit de grève est appliqué. Au Syndicat des agents correctionnels, par exemple, on a convenu avec l'employeur que tous les services étaient essentiels. Vous faites un drôle de petit air. J'en conviens: c'est triste pour ces gens, mais pour la population du Québec et du Canada, il est important que les agents correctionnels soient en service. On ne peut se passer de services comme ceux-là.
    À partir de 1977, au Québec, compte tenu des dispositions interdisant aux employeurs de recourir à des briseurs de grève, les syndicats ont négocié un par un les services qui devaient devenir essentiels. Pour ce qui est du domaine des télécommunications, j'imagine que les représentants du syndicat de Radio-Canada vont vouloir aborder le sujet avec leur employeur et proposer un réaménagement des services essentiels dans les cas de tragédies comme celle du Collège Dawson, par exemple.
    Au Québec, on s'est aussi doté d'un mécanisme appelé le Conseil des services essentiels. Il a comme fonction de régler certains malentendus et imbroglios. Le projet de loi, tel que vous nous le présentez, monsieur Nadeau, est exactement comme la loi du Québec. On peut toujours se référer à la situation qui prévaut depuis 30 ans au Québec, de façon à mieux comprendre les effets de ce genre de dispositions et à constater à quel point c'est un régime équilibré qui sert bien les intérêts de la population.
    Mon intervention concerne les chiffres. Ceux fournis par le gouvernement de la nation du Québec donnent toujours raison aux dispositions antibriseurs de grève. On constate, par exemple, qu'en 2004, la main-d'oeuvre québécoise relevant d'une autorité fédérale composait 7 p. 100 de la main-d'oeuvre du Québec, mais que cette main-d'oeuvre était responsable de 18 p. 100 des jours-personnes perdus.
    En fait, monsieur Nadeau, je ne veux pas que vous me parliez de chiffres. Au Québec, on n'a pas besoin de chiffres: on n'a qu'à regarder ce qui se passe dans les faits. On voit bien que les conflits longs et durs qui deviennent violents ou qui donnent lieu à beaucoup de vandalisme surviennent toujours dans des entreprises ou organismes de compétence fédérale. J'aimerais que vous nous parliez de cette réalité

  (1230)  

    J'ai abordé tout à l'heure la question des services essentiels. Lorsqu'on aura, au palier fédéral, une loi antibriseurs de grève, le syndicat et le patronat — le patron pouvant être l'État, dépendamment du milieu de travail — pourront déterminer, selon le secteur touché, quels sont les services que la population est en droit de recevoir, même en période de négociation ou de conflit de travail.
    Les grèves les plus difficiles au Québec, depuis l'adoption en 1978 du projet de loi anti-travailleurs de remplacement, ont été de longues grèves. Prenons l'exemple de celle survenue chez Vidéotron, qui a duré au-delà de 300 jours et où, en raison de la longueur de la grève, il s'est passé toutes sortes d'incidents. L'important n'est pas de savoir si c'est la responsabilité des syndiqués ou du patronat, mais à cause de dommages matériels, il y a eu des poursuites après coup et on s'est retrouvé dans une situation vraiment lamentable. On ne parle pas de temps immémoriaux : cela s'est passé en 2003.
    Il y a aussi le cas de la compagnie Sécur, où on a injecté de la styromousse dans les machines distributrices d'argent; le conflit durait depuis tellement longtemps que la violence a engendré la violence. Il y a aussi la compagnie Cargill, dans la région de Baie-Comeau, qui a connu une grève épouvantable et qui a duré une éternité, plus d'une centaine de jours. Un autre cas est celui de Radio-Nord, dans le domaine des télécommunications. Encore là, parce qu'il n'y a pas de loi antibriseurs de grève, il n'y a pas de règles établies en ce qui a trait aux services essentiels. On a donné l'exemple de la station CHNC de New Carlisle, où après un certain temps, les travailleurs de remplacement en sont venus eux-mêmes à demander la syndicalisation, ce qui, bien entendu, ne s'est pas réalisé.
    Toutes ces grèves ont eu lieu dans des entreprises où les employés sont régis par le Code canadien du travail sur le territoire québécois. À la lumière de cette information, j'invite le comité, dans son ensemble, à vérifier la situation dans les provinces qui possèdent une loi antibriseurs de grève et à s'inspirer de ce qui existe depuis 29 ans au Québec et depuis 1993 en Colombie-Britannique. Vous y trouverez, je crois, une expérience réussie sur le plan des relations de travail, qui se sont beaucoup assagies. C'est pourquoi on se retrouve aujourd'hui dans des situations où les négociations entre travailleurs et employeurs sont beaucoup plus saines, plus transparentes, où les grèves sont moins longues et les pertes d'argent, moins grandes.

[Traduction]

    Merci, monsieur Nadeau.
    Je voulais simplement signaler à Mme Lavallée qu'elle a oublié d'ajouter « au sein d'un Canada uni » dans son commentaire.
    Des voix: Oh, oh.
    Madame Davies, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Excusez-moi, mais je n'ai pas entendu ce que vous avez dit.

[Traduction]

    J'aimerais avoir quelques précisions tout particulièrement sur le projet de loi et j'aimerais revenir également à la question des services essentiels parce que je veux bien comprendre ce que vous proposez car j'ai cru comprendre que ça pourrait être fait selon les circonstances, selon l'industrie ou le secteur. Si une grève autorisée avait lieu, l'employeur rencontrerait...
    Il existe un processus en Colombie-Britannique. Le syndicat et l'employeur s'adressent à la Commission des relations du travail et formulent des propositions quant à ce qu'on juge être les services essentiels. La Commission, grâce à un consensus ou une directive, détermine les services essentiels, selon le secteur d'activité économique. Vous proposiez quelque chose de semblable. Il n'y aurait pas de liste officielle des services essentiels. Cela dépendrait du secteur ou de l'entreprise.
    Mais je ne vois rien qui mentionne cette distinction dans ces documents à moins que je n'aie pas bien lu. Devons-nous en fait ajouter une disposition pour que ce mécanisme soit mis sur pied?
    J'aimerais revenir au paragraphe proposé, le 94(2.4), où vous dites « ces mesures ne peuvent être que des mesures de conservation », ce qui n'est vraiment pas clair. Si vous étudiez le paragraphe proposé, le 2.2, il porte sur la capacité pour l'employeur d'utiliser les services des administrateurs ou des dirigeants. Je ne sais pas vraiment ce qu'on entend par des « mesures de conservation ». Est-ce qu'on a cité le mauvais paragraphe? Aurait-on dû plutôt mentionner le paragraphe 2.3 qui porte la rubrique de protection des biens? Pouvez-vous m'éclairer?

  (1235)  

[Français]

    Le but premier du paragraphe 94(2.4) proposé est la conservation sur le plan du travail, et non pas de s'assurer qu'il y ait production de biens et services. Il est important de comprendre que cette négociation doit se faire. On ne doit pas attendre un conflit de travail. Lorsqu'on entreprend la négociation d'une entente, lorsqu'on sait que la prochaine entente collective se termine, si une loi antibriseurs de grève est en vigueur, on est dans une situation où, de prime abord, les partenaires doivent s'asseoir et définir quels sont les besoins essentiels de la société par secteur, parce qu'on ne peut avoir la même liste pour tous les secteurs.
    Dans certains cas, ce sera plus pointu, et dans d'autres cas, ce sera plus général. S'il y a une situation de catastrophe ou de problèmes de sécurité, si on doit faire appel à l'armée, comme cela s'est produit pendant la crise du verglas au Québec, c'est une autre question.
    Le paragraphe 94(2.4) proposé ouvre la porte à la possibilité de s'assurer que les citoyennes et les citoyens soient en sécurité au quotidien. Selon le domaine dans lequel vous travaillez, vous serez touché si vous êtes en période de négociation ou de conflit de travail. Il faudra établir cette liste avant ou à la lumière de l'adoption du projet de loi.

[Traduction]

    Au paragraphe 2.4, quand on parle des mesures de conservation prévues à l'article 2.2, vous parlez de ce qu'on a appelé « les services essentiels ». Ai-je bien saisi?

[Français]

    On peut le comprendre ainsi, mais ce qui sous-tend ces dispositions est la préoccupation relative aux services essentiels. Il s'agit de changements au Code du travail. En ce qui a trait au libellé, quand arrivera le temps de négocier, il faudra voir ce qui s'est fait ailleurs et considérer diverses expériences des syndicats, des employeurs, de l'État ou de l'entreprise privée. En bout de ligne, c'est tout de même l'État qui déterminera si la situation est grave ou non.

[Traduction]

    Merci, madame Davies.
    Je suis d'avis que ces dispositions de la loi devront être un peu plus étoffées parce qu'il existe une certaine ambigüité. Ces propositions seront formulées au fur et à mesure que nous pousserons notre étude de ce projet de loi.
    Monsieur Brown, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je partagerai la période qui m'est réservé avec Mme Yelich.
    Ma question touche principalement l'Ontario. Nous avons connu une période très dure en 1993, 1994 et 1995, époque à laquelle le gouvernement avait mis en oeuvre une mesure législative semblable. Je sais que ma ville avait perdu des entreprises et des emplois. Des familles qui dépendaient de ces emplois n'avaient plus de source de revenu. Cela leur a nui énormément. Clairement cela a été une période très dure pour l'Ontario.
    Les électeurs en 1995 ont clairement manifesté leur mécontentement face à cette politique et face au gouvernement. Le premier ministre socialiste de l'Ontario, M. Bob Rae, a été remercié de ses services, fort heureusement, car c'était là une des réalisations de son gouvernement.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Comment conciliez-vous l'échec de ces propositions en Ontario, lorsqu'on avait recours à cette mesure législative à l'époque, et ce qui pourrait se produire au niveau national? J'aimerais rappeler que le gouvernement au pouvoir à l'époque était celui de M. Bob Rae, c'était lui l'auteur de cette catastrophe économique.
    Je dois le répéter, c'était Bob Rae, le premier ministre socialiste de l'Ontario...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Patrick Brown: ... qui était au pouvoir lorsque nous avons vécu cette récession. Comment pouvez-vous concilier ces deux choses?
    J'aimerais signaler que l'Ontario qui n'a plus cette loi, connaît actuellement une période de prospérité, et a perdu moins de journées de travail que le Québec où cette loi existe. Pourquoi l'Ontario a-t-elle pu avoir une certaine paix sur le marché du travail sans avoir cette loi alors que le Québec qui a cette loi n'a pas eu le même succès? Comment expliquer la situation? C'est ma première question.
    De plus, j'aimerais savoir si vous avez consulté la chambre de commerce. Je sais que ma chambre de commerce locale craint que cette mesure législative n'ait un impact dramatique sur les familles dans ma circonscription. Je suis convaincu qu'elle n'est pas la seule à s'inquiéter de la situation.
    Une voix: Bravo!

  (1240)  

[Français]

    Merci, monsieur Brown.
     Étant né en Ontario, je me réjouis malgré tout du fait que Tommy Douglas ait ouvert la voie au régime d'assurance-maladie public et que toutes les autres provinces aient suivi par la suite. Dans le cas de Mike Harris, le fait de fournir aux commissions scolaires un financement assez égal pour arriver à les faire fonctionner faisait état d'une vision très socialiste. Je salue cette mesure avec grand respect, même si elle vient de M. Harris. Quand on parle de développer la société, il y a des besoins dont il faut tenir compte.
    Cela dit, vous ne pourrez jamais vraiment évaluer les effets du projet de loi concernant les travailleurs de remplacement en Ontario, puisque vous ne lui avez pas donné la chance de vivre très longtemps. En effet, aussitôt le gouvernement néo-démocrate de M. Rae renversé, les conservateurs ont mis la hache dans ce projet de loi. Ça n'a pas été long. Si vous voulez des exemples positifs en matière de relations de travail, allez voir au Québec et en Colombie-Britannique. Comparez dans ces deux provinces la situation qui prévalait avant à celle qui prévaut depuis.
    Vous avez parlé des chambres de commerce. Le Conseil du patronat du Québec n'a jamais pris de mesures pour empêcher qu'on mette en vigueur une loi interdisant les travailleurs de remplacement au Québec. Le conseil, de même que la population en général, a bien vu qu'on avait retrouvé une forme de paix sociale dans le cadre des négociations de travail. On parle ici des 92 p. 100 de travailleurs qui relèvent d'une compétence québécoise, et non fédérale, en l'occurence du Code canadien du travail.

[Traduction]

    Monsieur Nadeau, je voulais vous poser une autre brève question.
    De toute évidence, nous différons d'opinion sur la longueur de cette période. Un grand nombre des milliers de familles de travailleurs qui ont perdu leur emploi à cause de cela considéraient que deux ans c'était trop long, mais c'est un point de désaccord.
    En 2003, les libéraux provinciaux — et comme je sais que Mme Brown est une députée de l'Ontario, elle les aurait de toute évidence appuyés — ont examiné la loi et ont décidé de ne pas rétablir cette loi. Pourquoi croyez-vous que le premier ministre Dalton McGuinity l'ait rejeté, après examen, en considérant qu'il ne s'agissait pas de la voie à suivre pour l'Ontario? Donc, en 1995, le gouvernement conservateur a décidé que cette initiative susceptible d'entraîner une récession était mauvaise et nous constatons maintenant que le parti politique adverse arrive à la même conclusion. Il s'agit d'une preuve assez concluante en Ontario qu'une telle initiative ne fonctionne pas.
    Avez-vous des commentaires à faire à propos de la décision de M. McGuinty?

  (1245)  

    Une brève réponse, monsieur Nadeau.

[Français]

     Il faudrait demander à M. McGuinty. Je ne suis pas ici pour répondre à sa place.

[Traduction]

    Je vous remercie. C'est tout le temps dont nous disposons pour l'instant.
    Monsieur Nadeau, je vous remercie d'avoir comparu devant nous aujourd'hui pour parler de votre projet de loi. Nous allons passer bientôt à huis clos.
    Vous nous avez indiqué que vous aviez des chiffres pour nous. Je vous demanderais s'il vous serait possible de les remettre à la greffière ou à l'attaché de recherche afin que nous puissions les distribuer à nos membres.
    Nous allons passer à huis clos dans un instant pour parler des motions.
    Oui, monsieur Nadeau.
    Très bien, je vous les fournirai.

[Français]

    Je vais apporter ces documents lors de la prochaine rencontre.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Regan, vous avez une motion. Est-ce que vous voulez proposer cette motion aujourd'hui ou...? La prochaine fois? Très bien.
    La séance est levée.