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FEWO Rapport du Comité

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Réponse du gouvernement au cinquième rapport du Comité permanent de la condition féminine

« Rapport provisoire au sujet des prestations de maternité et prestations parentales du régime d’assurance-emploi : l’exclusion des travailleuses et travailleurs autonomes »

Madame Judy Sgro
Présidente
Comité permanent de la condition féminine
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)  K1A 0A6


Madame la Présidente,

Conformément à l’article 109 de la Chambre des communes, j’ai le plaisir de répondre, au nom du gouvernement du Canada, aux recommandations du cinquième rapport du Comité permanent de la condition féminine, Rapport provisoire au sujet des prestations de maternité et prestations parentales du régime d’assurance-emploi : l’exclusion des travailleuses et travailleurs autonomes, déposé à la Chambre des communes le 19 mai 2006.

Vous trouverez ci-jointe la réponse détaillée du gouvernement du Canada aux recommandations du cinquième rapport du Comité que vous présidez. J’aimerais profiter de l’occasion pour vous remercier et remercier les membres du Comité permanent de la condition féminine des efforts que vous avez investis à cet égard et pour votre rapport qui contribuera à informer les activités de suivi et d’évaluation du gouvernement sur l’efficacité et la souplesse de ses programmes actuels.

Je vous prie d’agréer, Madame la Présidente, mes salutations distinguées.



L’hon. Diane Finley, C.P., députée

INTRODUCTION

Depuis plus de 60 ans, le régime d’assurance-emploi joue un rôle important en permettant aux travailleurs canadiens de mieux s’adapter aux changements sur le marché du travail. Au cours de la dernière année seulement, le régime a fourni un revenu d’appoint temporaire à 1,86 million de Canadiens. Le régime, qui est au nombre des programmes fédéraux et provinciaux ayant pour objet d’apporter du soutien à la main-d’œuvre au Canada, a évolué spécialement dans le but de répondre aux besoins des travailleurs qui œuvrent dans une relation de travail employé/employeur. Financé à partir des cotisations versées par les employés et les employeurs, le régime contribue à faire en sorte que la main-d’œuvre soit qualifiée et capable de s’adapter aux variations du chômage attribuables au cycle économique.

En plus de demeurer le principal programme de sécurité du revenu pour les travailleurs, le régime d’assurance-emploi a pris appui sur son rôle d’assurance contre les pertes d’emploi pour offrir aux gens un soutien important afin de les aider à concilier leur travail et leurs responsabilités familiales. Parmi ces mesures de soutien, on trouve notamment des prestations versées aux travailleurs qui s’absentent du travail pour prendre soin d’un nouveau-né ou d’un enfant nouvellement adopté, des prestations pour les travailleurs qui doivent s’occuper d’une personne gravement malade, ainsi que des mesures de soutien offertes aux travailleurs en congé de maladie. Au cours de la dernière année, les Canadiens ont reçu plus de 3,8 milliards de dollars en prestations lors d’absences du travail pour des raisons liées à la famille ou à des problèmes de santé personnelle.

Jusqu’à maintenant, hormis les pêcheurs indépendants qui ont un employeur réputé, aucun travailleur autonome ne bénéficie d’une protection en vertu du régime d’assurance-emploi. Sur ce point, la situation du Canada ressemble à celle de nombreux pays. L’enjeu que pose l’élaboration d’un système d’assurance public qui répondrait aux différents besoins des travailleurs autonomes et qui serait adapté à leur régime de travail est l’une des préoccupations premières. En effet, la principale caractéristique des travailleurs autonomes, par opposition aux travailleurs salariés, est le contrôle accru qu’ils ont sur leur environnement de travail. Par conséquent, il est difficile de déterminer s’ils ont cessé volontairement ou non de travailler. En outre, comme le Canada reconnaît que ces deux catégories de travailleurs (c’est-à-dire, les travailleurs salariés et les travailleurs autonomes) possèdent des caractéristiques différentes, il a élaboré une gamme de politiques distinctes et complémentaires, comme les mesures fiscales, qui permettent aux travailleurs autonomes de composer avec les réalités du marché du travail auxquelles ils sont confrontés.

ÉTENDUE DE LA COUVERTURE DES PRESTATIONS AUX TRAVAILLEURS AUTONOMES

En ce qui concerne la première recommandation du Comité permanent portant sur l’élaboration d’approches stratégiques et de modèles de programmes qui permettraient d’offrir des prestations de maternité et des prestations parentales aux travailleurs autonomes, il peut être utile de présenter d’abord certaines des principales caractéristiques des travailleurs autonomes, qui sont pertinentes à l’élaboration d’une approche stratégique, quelle qu’elle soit. De manière générale, l’analyse effectuée par Ressources humaines et Développement social Canada (RHDSC) indique que les travailleurs autonomes présentent des caractéristiques relativement distinctes parmi les nombreux sous-groupes que forment les travailleurs autonomes et de celles des travailleurs salariés. Ces distinctions touchent notamment les caractéristiques démographiques, les régimes de travail, les niveaux de revenu et l’intérêt manifesté à l’égard des prestations apparentées à une assurance.

Les hommes sont toujours surreprésentés au sein des travailleurs autonomes; ils comptent pour les deux tiers de ce groupe, par comparaison avec seulement 53 pour 100 chez les salariés. Les travailleurs autonomes sont généralement plus âgés que les salariés et sont en grande partie des entrepreneurs qui travaillent à leur compte depuis plus de dix ans. Bien que les travailleurs autonomes soient concentrés dans certains secteurs (par exemple l’agriculture, la construction, le commerce ainsi que les métiers spécialisés, comme les services techniques et scientifiques), les activités courantes et le domaine d’expertise de ces travailleurs varient considérablement.

La plupart des entrepreneurs deviennent des travailleurs autonomes par choix pour des raisons qui ont trait à l’indépendance, à la liberté et au désir d’être son propre patron. Sur le plan de la structure du travail, une proportion considérable de travailleurs autonomes dirigent eux-mêmes leurs activités. Les deux tiers des travailleurs autonomes n’engagent pas d’employés et près de 60 pour 100 dirigent leurs opérations seuls, sans partenaire.

En outre, les sondages [1] indiquent que les travailleurs autonomes considèrent le fait d’être en mesure de concilier le travail et la vie familiale comme étant un avantage du travail autonome. Selon ces travailleurs, les inconvénients les plus courants associés au fait d’être un travailleur autonome sont le manque de soutien en prévision de la retraite et l’absence de régime d’assurance-maladie, comme les prestations de maladie ou d’invalidité. En ce qui concerne les prestations de maternité et les prestations parentales, une faible proportion de travailleurs autonomes (8 pour 100) considère cet aspect comme une priorité.

Chez les travailleurs autonomes, les conflits travail/vie personnelle semblent se vivre de façon différente que chez les travailleurs salariés. Malgré le fait que les travailleurs autonomes ont tendance à travailler pendant de plus longues heures que les autres travailleurs, plus de la moitié d’entre eux affirment ne jamais avoir été dans une situation où les demandes liées au travail étaient entrées en conflit avec le fait de donner des soins à un nouveau-né, à un enfant nouvellement adopté ou à un membre de la famille gravement malade ou de se remettre d’une maladie. Il semble que ce soit lors de situations nécessitant de donner des soins à un membre de la famille mourant ou de prendre congé pour se remettre d’une maladie que surviennent le plus grand nombre de conflits entre les responsabilités professionnelles et familiales.

Dans le cas où les événements de la vie entrent en conflit avec le travail, des sondages [2] révèlent qu’un grand nombre de travailleurs autonomes ont nettement la capacité d’adapter leur régime de travail. Trois travailleurs autonomes sur quatre sont d’avis qu’un des avantages de leur travail réside dans leur flexibilité d’adapter les heures de travail selon leurs responsabilités familiales. La plus grande proportion de travailleurs autonomes, soit près de la moitié, travaillent principalement depuis leur domicile. Les travailleurs autonomes indiquent aussi qu’ils voient venir les chocs financiers (c’est-à-dire les périodes de ralentissement des activités, de diminution de la clientèle ou de réduction de la charge de travail) et qu’ils se préparent en conséquence en établissant un budget ou en optant pour diverses autres stratégies.

En raison de la nature de leur travail, de nombreux travailleurs autonomes disent aussi qu’ils préfèrent ne pas trop s’absenter du marché du travail (p. ex. pour éviter de perdre des clients/d’être victimes de maraudage). En effet, les données de sondage [3] de RHDSC révèlent que, si les travailleurs autonomes pouvaient bénéficier de prestations de maternité et de prestations parentales, 68 pour 100 d’entre eux pourraient prendre moins d’un mois de congé. En revanche, les tendances relatives aux demandes de prestations de maternité et de prestations parentales présentées à l’assurance-emploi montrent que les travailleurs salariés ne sont pas soumis à ces contraintes — les parents utilisent au moins 92 pour 100 de l’année complète à laquelle ils ont droit en prestations de maternité et en prestations parentales.

En ce qui concerne les conflits travail/vie familiale et l’intérêt des travailleurs autonomes à l’égard des prestations d’assurance-emploi, une grande majorité, entre 83 pour 100 et 86 pour 100, manifestent un intérêt pour ce qui est de toucher des prestations de maladie et des prestations pour prendre soin d’une personne gravement malade. En revanche, moins de la moitié exprime de l’intérêt pour les prestations de maternité et les prestations parentales. Au fil du temps, les sondages de RHDSC [4] indiquent que l’intérêt manifesté à l’égard des prestations de maladie et des prestations de compassion augmente, alors que l’intérêt porté aux prestations de maternité et aux prestations parentales diminue.

Les caractéristiques ci-dessus ainsi que les points de vue des travailleurs autonomes laissent croire qu’il y a beaucoup de divergence à l’égard du besoin de mesures de soutien pour les congés de maternité et les congés parentaux, ainsi que la forme que ces mesures pourraient prendre. De plus, ces travailleurs semblent, de manière générale, différer grandement de ceux qui touchent un salaire. Il s’agit là d’une considération particulièrement importante quand vient le temps d’évaluer si les prestations de maternité et les prestations parentales de l’assurance-emploi s’appliquent à la situation des travailleurs autonomes.

APPROCHES VISANT À FOURNIR UN SOUTIEN AUX TRAVAILLEURS AUTONOMES POUR LES CONGÉS DE MATERNITÉ ET LES CONGÉS PARENTAUX

Pour ce qui touche l’intérêt du Comité à l’égard des mécanismes de programmes qui permettraient d’offrir des prestations de maternité et des prestations parentales aux travailleurs autonomes, un vaste éventail d’approches pourrait être considéré. Parmi les différents mécanismes, il convient de souligner que certains modèles sont déjà en place au pays.

Modèles axés sur le secteur privé

Selon cette approche, la protection pour les prestations de maternité et les prestations parentales serait fournie par le secteur privé. Par exemple, certains pays exigent par la loi que les individus se procurent une couverture d’assurance pour les congés de maternité directement des compagnies d’assurance privées. À l’heure actuelle, la plupart des travailleurs autonomes (63 pour 100) au Canada ont déjà une protection de quelque sorte pour la maladie, l’invalidité, ou un plan dentaire de fournisseurs d’assurance du secteur privé. Bien que le modèle (selon sa conception) qui prévoit la couverture par le secteur privé demeure une solution possible, les assureurs privés qui verseraient les prestations de maternité et les prestations parentales pourraient être aux prises avec certains enjeux tels les coûts élevés, la participation sélective et la complexité sur le plan administratif. De la même façon, ces mêmes enjeux pour survenir si le régime d’assurance public devait étendre la protection, sur une base volontaire, de ce type de prestations aux travailleurs autonomes.

Modèles axés sur les secteurs

À l’heure actuelle, quelques régimes collectifs destinés à un secteur d’activité en particulier au Canada offrent une protection pour certains groupes de travailleurs autonomes qui présentent les mêmes besoins et caractéristiques. Dans le cadre de ces régimes, la durée et le montant des prestations, de même que le type de soutien offert, sont établis spécialement pour répondre aux besoins du groupe en question.

Ce type d’arrangement existe dans plusieurs provinces (p. ex., la Colombie-Britannique, le Manitoba, le Québec et la Nouvelle-Écosse) avec les associations d’employeurs représentant certains groupes de travailleurs autonomes, notamment les professions du domaine de la médecine et du domaine juridique. Certains régimes fournissent un soutien du revenu pour un type de prestations en particulier ou pour une combinaison de prestations (maternité, parentales, prestation de soins à un enfant nouvellement adopté), alors que d’autres approches établies en fonction des secteurs versent des prestations pour aider les travailleurs autonomes en congé parental à compenser les coûts associés à l’exécution de leurs opérations. En outre, le financement de ces régimes peut provenir de sources variées, que ce soit par le biais de cotisations mensuelles ou d’un éventail d’ententes de financement conclues avec les provinces. De même, les modèles de soutien axés sur les secteurs, qui fournissent aux travailleurs autonomes des prestations parentales forfaitaires, existent aussi à l’étranger.

Modèles publics universels

Le programme universel financé à même les recettes fiscales générales est également un modèle de soutien possible. Actuellement, le gouvernement du Canada offre de nombreux programmes auxquels tous les parents canadiens sont admissibles. La Prestation fiscale canadienne pour enfants, la Prestation nationale pour enfants et la nouvelle Prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE), annoncée récemment dans le budget fédéral de 2006, en sont des exemples. Les programmes de prêt ou les programmes autofinancés et exonérés d’impôts qui viendraient en aide aux travailleurs autonomes par l’entremise des systèmes fiscaux fédéraux ou provinciaux sont aussi des exemples de mécanismes possibles. Sur la scène internationale, des pays comme la Suède et la Norvège offrent des prestations de maternité et des prestations parentales dans le cadre de programmes de sécurité sociale universels, plutôt que par l’entremise de programmes conçus pour le marché du travail et fondés sur le revenu.

Modèles publics fondés sur l’assurance

Conformément à l’article 69 de la Loi sur l’assurance-emploi et aux dernières modifications réglementaires, les provinces peuvent conclure des ententes visant à établir les programmes provinciaux qui remplacent les prestations de maternité et les prestations parentales de l’assurance-emploi. À cet égard, le gouvernement du Québec a instauré son propre régime de prestations parentales, qui prévoit une protection pour les travailleurs autonomes. Comme l’a indiqué le Comité permanent, et tel que précisé dans le présent document, la couverture des prestations d’assurance-emploi pourrait s’étendre aux travailleurs autonomes.

Étant donné que les travailleurs autonomes, par opposition aux travailleurs salariés, présentent des caractéristiques variées et ont des besoins différents, la prestation de soutien au moyen de différents mécanismes de programmes, plutôt que par l’entremise d’un seul régime obligatoire pourrait aussi constituer une approche souple et efficace.

EXTENSION DE LA COUVERTURE DES PRESTATIONS DE MATERNITÉ ET DES PRESTATIONS PARENTALES DE L’ASSURANCE-EMPLOI

Compte tenu des caractéristiques des travailleurs autonomes définies plus haut, un exercice exhaustif d’analyse et d’élaboration des politiques serait nécessaire pour que toutes options envisagées répondent à leurs besoins et soient adaptées à leur situation. Le gouvernement se devrait de définir a priori les grands paramètres du régime, comme la gamme des prestations qui seraient offertes et le véhicule le plus approprié pour les offrir, avant de se pencher sur les préoccupations plus pointues soulevées par le Comité permanent, y compris celle d’un cadre pour un programme visant à étendre les prestations aux travailleurs autonomes en vertu de l’assurance-emploi. À la lumière de ces considérations, les recommandations du Comité visant à offrir, par l’entremise du régime d’assurance-emploi, des prestations de maternité et des prestations parentales aux travailleurs autonomes, font l’objet d’une première analyse dans les lignes qui suivent. Chaque fois que cela était possible, on a fait référence aux paramètres du Régime québécois d’assurance parentale dont il est fait mention dans les recommandations du Comité.

Population de travailleurs autonomes à couvrir

D’entrée de jeu, il faudrait déterminer s’il y a lieu d’étendre la couverture offerte par l’assurance-emploi à la totalité des travailleurs autonomes, puisque leur population se divise en sous-populations distinctes. Plus particulièrement, une proportion appréciable des travailleurs autonomes exploitent eux-mêmes leur entreprise, sans partenaires ni employés. Cela suppose des différences fondamentales dans la manière dont le travail est réparti parmi les activités quotidiennes et, par conséquent, dans les choix qu’un travailleur autonome peut faire en termes d’adoption de stratégies permettant de trouver l’équilibre entre les responsabilités professionnelles et familiales. Une analyse récente [5] montre que ceux exploitant leur propre entreprise sans l’aide d’employés seraient plus intéressés que les travailleurs autonomes ayant des employés à être protégés par l’assurance-emploi pour ce qui est des prestations de maternité et des prestations parentales. Il est bon de signaler que, en vertu du régime du Québec, tous les travailleurs autonomes doivent payer des cotisations, peu importe s’il est probable ou non qu’ils touchent un jour des prestations.

De plus, d’autres études seraient nécessaires afin de mieux connaître les préférences en matière de couverture de l’assurance-emploi d’un segment de la population de travailleurs autonomes dont les conditions d’emploi sont semblables à celles des employés (p. ex. entrepreneur autonome travaillant pour une seule société). Selon les lois actuelles et le droit administratif, ces travailleurs sont en règle générale non assurables aux termes de l’assurance-emploi et ne paient donc pas de cotisations d’assurance-emploi de par la structure de leur relation contractuelle. On ne sait cependant pas pour le moment si les travailleurs dans cette situation (dont les obligations fiscales sont réduites, puisqu’ils ne paient pas de retenues à la source, ni de cotisations à l’assurance-emploi, mais qui ne sont alors pas non plus couverts par celle-ci) préfèrent vraiment être considérés comme autonomes.

Types de prestations offertes

Même si le Comité permanent fait allusion à l’extension des prestations de maternité et des prestations parentales aux travailleurs autonomes, l’assurance emploi est actuellement structurée de façon à offrir un éventail complet de prestations aux assurés. À titre de comparaison, le régime parental du Québec a été conçu comme un régime indépendant offrant un seul type de prestations. Si le gouvernement venait à considérer une aide aux travailleurs autonomes relativement à des prestations de maternité et parentales selon l’approche propre à l’assurance-emploi, il faudrait déterminer s’il n’est pas plus approprié d’offrir une protection pour une plus grande gamme de prestations — prestations de maternité, parentales, de maladie et de compassion. Comme nous l’avons indiqué précédemment, l’intérêt que manifestent les travailleurs autonomes pour les autres prestations de l’assurance emploi est, dans les faits, plus élevé que pour les prestations de maternité et les prestations parentales. Ainsi, si l’on cherchait à rendre la participation obligatoire, le fait d’offrir tout un éventail de prestations accroîtrait la probabilité que les personnes assurées aient effectivement recours aux prestations un jour ou l’autre.

Paramètres des prestations
Critères d’admissibilité :

En tant que programme d’assurance social visant à remplacer le revenu d’emploi perdu, l’admissibilité à l’assurance-emploi se fonde principalement sur une mesure de la participation au marché du travail définie en termes d’un nombre minimal d’heures travaillées dans un emploi assurable. Comme, par définition, le travail autonome n’est pas toujours quantifiable en heures, le modèle québécois utilise les gains annuels (2 000 $ minimum) pour déterminer l’admissibilité au régime. Bien que cette mesure soit calculée à partir des gains annuels imposables, d’autres mesures pourraient être considérées; par exemple, les gains moyens sur un nombre donné d’années pourraient refléter plus justement la tendance des revenus des travailleurs autonomes. Les données tirées de l’expérience du régime du Québec permettront aux gouvernements de mieux évaluer la question.

Taux des prestations et maximum de la rémunération assurable :

Ces deux paramètres servent de base au calcul du montant des prestations de l’assurance-emploi. Le maximum de la rémunération assurable (MRA) — qui se situe actuellement à 39 000 $ — est source de préoccupation pour le Comité permanent. C’est cet élément du régime qui détermine le niveau maximal de revenu selon lequel un travailleur paiera des cotisations et touchera des prestations. Le taux actuel des prestations, à 55 pour cent, est appliqué à la rémunération assurable du prestataire, jusqu’à concurrence du MRA. Il faut aussi prendre en note que la Loi sur l’assurance-emploi contient déjà une disposition pour que le MRA soir indexé automatiquement. À partir du moment où la mesure de Statistique Canada relative aux gains annuels moyens projetés dépassera 39 000 $, le MRA commencera d’augmenter au même taux, et le montant hebdomadaire maximal des prestations d’assurance-emploi en sera augmenté du même coup.

Bien que, en tant que régime indépendant, le plan du Québec puisse atteindre des objectifs stratégiques très spécifiques liés aux familles, l’intégration d’une plus grande gamme de prestations à l’assurance-emploi signifie que les paramètres clés du programme doivent trouver un équilibre entre un certain nombre d’objectifs de politique et d’incitatifs au marché du travail répondant au besoin d’une grande variété de clients. Par exemple, pour ce qui est des prestations régulières, le taux de remplacement actuel vise à fournir un revenu temporaire suffisamment élevé sans pour autant décourager la participation au marché du travail.

Durée des prestations :

Alors qu’en vertu des dispositions de l’assurance-emploi, les prestataires ont droit jusqu’à 50 semaines de prestations de maternité et de prestations parentales combinées, les résultats de sondage [6] de RHDSC indiquent que la plupart (68 pour cent) des travailleurs autonomes choisiraient de ne pas arrêter de travailler plus d’un mois s’ils avaient accès à de telles prestations. Par conséquent, il n’est pas clair quel genre de conception de programme et de durée de prestations seraient appropriées pour répondre aux besoins des travailleurs autonomes.

Financement :

À l’heure actuelle, l’assurance-emploi est financée par les cotisations des employeurs et des employés, l’employeur déboursant 1,4 fois la part des employés. La même structure de partage des coûts pour les employés et les employeurs a été retenue par le régime québécois d’assurance parentale, alors qu’une structure différente a été adoptée pour les travailleurs autonomes (les cotisations sont plus élevées que dans le cas des employés rémunérés, mais demeurent inférieures à la somme des cotisations de l’employeur et de l’employé, comme c’est le cas pour le Régime de pension du Canada). Lorsqu’elle sera disponible, l’information sur les coûts et les revenus associés aux prestations du Québec versées aux travailleurs autonomes pourra servir à indiquer ce que pourrait coûter un régime national similaire.

Concernant la question du Comité permanent sur les coûts que représenterait l’application du modèle québécois à l’ensemble du Canada, il n’est pas possible d’en produire une estimation juste à l’heure actuelle. Selon certaines estimations très approximatives, si l’on voulait appliquer à l’échelle nationale toutes les dispositions du régime québécois, et cela aux prestations de maternité et aux prestations parentales seulement, cela entraînerait une augmentation des coûts annuels avoisinant le milliard de dollars. Il faut toutefois noter que cette approximation est fondée sur une simple extrapolation de l’information disponible au moment de la mise sur pied du régime québécois, et que cela ne concerne que les prestations de maternité et les prestations parentales. Quoi qu’il en soit, selon l’expérience du gouvernement du Canada lors des modifications apportées aux prestations de maternité et aux prestations parentales (en décembre 2000), il faut parfois attendre plusieurs années avant de pouvoir mesurer le plein impact de nouvelles mesures.

SOUPLESSE DES PRESTATIONS DE MATERNITÉ ET DES PRESTATIONS PARENTALES DE L’ASSURANCE-EMPLOI

Dans son rapport, le Comité permanent a aussi soulevé la question de la souplesse des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi. Depuis l’instauration des prestations de maternité et des prestations parentales, des mesures concrètes ont été prises afin d’en accroître la souplesse. Plus récemment, soit en décembre 2000, les améliorations majeures apportées ont permis aux parents d’avoir accès plus aisément aux prestations parentales, y compris les modifications en vertu desquelles le second parent demandant des prestations n’est pas soumis à la période d’attente. En outre, les modifications au régime permettent aux parents de travailler tout en touchant des prestations parentales afin de maintenir leur participation au marché du travail. L’intégration des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi aux autres types de prestations, comme les prestations de maladie, fait en sorte que les parents pouvant avoir besoin de plus d’un type de prestations peuvent bénéficier de services continus et de soutien complémentaire. Des milliers d’employeurs canadiens ont mis en œuvre des plans de supplément du revenu ou d’avantages sociaux venant compléter les prestations de l’assurance-emploi et offrir plus de souplesse aux parents.

La conception même du régime d’assurance-emploi, qui permet aux provinces et aux territoires de conclure des ententes avec le gouvernement du Canada visant l’établissement de programmes provinciaux qui remplacent l’assurance emploi, constitue un autre exemple de la souplesse inhérente au régime. Les programmes provinciaux, comme celui du Québec, peuvent tirer profit de l’expérience du gouvernement fédéral qui, depuis plus de trente ans, fournit des prestations de maternité et des prestations parentales afin de répondre aux objectifs sociaux et aux programmes de leurs champs de compétence respectifs.

Même si tout indique que les parents sont en général bien servis par le régime actuel, le gouvernement continuera de suivre de près et d’évaluer le régime d’assurance-emploi afin de s’assurer qu’ils continuent de servir efficacement les Canadiens.

ACCÈS AUX PRESTATIONS SPÉCIALES DE L’ASSURANCE EMPLOI

Dans sa deuxième recommandation, le Comité se penche sur la question de l’accès aux prestations spéciales de l’assurance-emploi par les personnes déjà couvertes par l’assurance-emploi. Il recommande à ce sujet que le nombre d’heures d’emploi assurable requis pour toucher les prestations spéciales soit abaissé par rapport aux 600 heures qu’il est présentement, et qu’il équivaille désormais à la norme variable d’admissibilité (NVA) associée aux prestations régulières de l’assurance emploi, qui peut être de seulement 420 heures (l’équivalent de trois mois de travail) dans les régions où le taux de chômage est relativement élevé.

Les implications d’une application de la NVA aux prestations spéciales de l’assurance-emploi doivent être clairement comprises. Dans le contexte des prestations régulières de l’assurance-emploi, la NVA reconnaît le fait que la probabilité qu’une personne se retrouve au chômage est plus élevée dans les régions connaissant un fort taux de chômage. Les façons de faire actuelles visent également à tenir compte du lien entre les prestations et la rémunération reçue pendant la période qui précède immédiatement la demande. Les recommandations du comité pourraient avoir des répercussions dans le cadre d’autres paramètres. Par exemple, les personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active doivent accumuler le nombre d’heures d’emploi assurable requis (910 heures) pour toucher des prestations régulières; or, ce nombre surpasse de 30 pour cent le nombre fixe d’heures d’emploi assurable actuellement requis pour les prestations spéciales (600 heures). À titre de comparaison, les probabilités qu’une personne ait à demander des prestations spéciales (comme le remplacement du revenu pour un congé de maternité ou un congé parental) sont sensiblement les mêmes, peu importe la situation économique de la région où elle vit. Les lois du travail fédérales et provinciales permettent notamment aux employés d’obtenir des congés pendant lesquels leur emploi est protégé pour une durée équivalente à celle des prestations de maternité et des prestations parentales. Le nombre fixe d’heures d’emploi assurable requis pour les prestations spéciales concorde donc avec le niveau constant de probabilité qu’un travailleur en ait besoin.

Enfin, il est bon de noter, aux fins de l’étude de la recommandation, que l’accès aux prestations spéciales par les travailleurs rémunérés est actuellement très élevé, et qu’au Canada, le nombre d’heures d’emploi assurable requis pour avoir droit à ce type de prestations est déjà relativement bas par rapport à ce qui se fait ailleurs dans le monde. Selon le Rapport de contrôle et d’évaluation — Régime d’assurance-emploi 2005 de la Commission de l’assurance-emploi, le niveau d’accès aux prestations spéciales par les employés est sensiblement le même partout au pays (88,1 à 91,4 pour cent). Il est également intéressant de noter que l’accès aux prestations spéciales est élevé, ou plus élevé, dans les régions connaissant un fort taux de chômage par rapport aux régions économiquement fortes où le taux de chômage est plus bas. Ces données montrent donc que le seuil actuel de 600 heures répond bien aux besoins des travailleurs et que l’adoption d’une norme variable d’admissibilité ne permettrait pas d’assurer un accès équitable à ces prestations aux travailleurs des différentes régions du pays.

DÉLAI DE CARENCE DE L’ASSURANCE-EMPLOI

La troisième recommandation du Comité, selon laquelle on abolirait la période d’attente de deux semaines à laquelle sont soumis les prestataires demandant des prestations de maternité ou des prestations parentales, soulève des questions dont les répercussions touchent le régime dans son ensemble et l’éventail complet des prestations. Le délai de carence, dont le concept même remonte aux débuts de la Loi sur l’assurance-chômage, a été fixé en 1971 à deux semaines pour tous les types de prestations de l’assurance-emploi. Ainsi, les prestataires ne peuvent pas toucher de prestations de l’assurance-emploi tant qu’ils n’ont pas été soumis à une période d’attente de deux semaines.

Le délai de carence de deux semaines constitue l’une des caractéristiques fondamentales de coassurance du régime et correspond à la franchise des autres régimes d’assurance. Ainsi, les assurés absorbent les coûts initiaux liés à la perte de leur revenu d’emploi. Le délai de carence constitue également un facteur jouant dans le calcul de la proportion relative des coûts du régime financés par les employeurs et les employés. Même si ce sont les employés qui assument les coûts associés aux deux semaines que dure le délai de carence, cela est compensé par le fait que les cotisations qu’ils paient sont moins élevées que celles de leur employeur (le taux des employeurs est 1,4 fois supérieur à celui des employés). En plus de son rôle de coassurance, le délai de carence joue en outre un rôle administratif en ce qu’il permet de traiter et de vérifier les demandes, en plus d’éliminer à la source les demandes de très courte durée, qui seraient relativement coûteuses à administrer.

Même si le délai de carence de deux semaines s’applique à tous les types de prestations de l’assurance-emploi, y compris les prestations de maternité et les prestations parentales, les parents qui partagent leurs prestations ne sont soumis qu’à un seul délai de carence — comme dans le cas de tous les autres types de prestations combinées (p. ex. une femme qui demande successivement des prestations de maladie et des prestations de maternité ne sera soumise qu’à une seule période d’attente). Le Rapport de contrôle et d’évaluation — Régime d’assurance-emploi 2005 de la Commission de l’assurance-emploi signale que, depuis qu’on a notablement amélioré le régime en décembre 2000, notamment en doublant la durée des prestations de maternité et des prestations parentales, les parents ont plus facilement accès aux prestations et peuvent passer plus de temps à la maison à prendre soin de leurs enfants. Qui plus est, les bénéficiaires des prestations parentales de l’assurance-emploi peuvent travailler pendant qu’ils touchent des prestations et augmenter leur revenu de 50 $ ou de 25 pour cent de la valeur de leur prestation hebdomadaire (selon la plus élevée des deux sommes correspondantes) sans que cela n’en diminue leurs prestations. Malgré le délai de carence, le montant total des prestations de maternité et des prestations parentales qui est versé aux Canadiens est égal ou supérieur à ce qui se fait dans d’autres pays.

À la lumière de ces considérations, et compte tenu du fait que le Canada demeure parmi les premiers pays du monde pour ce qui est de la valeur et de la durée globales de son régime, le gouvernement estime que les Canadiens demeurent bien servis par les dispositions actuelles en matière de coassurance.

CONCLUSION

Le gouvernement apprécie le travail du Comité permanent sur la question du travail autonome ainsi que son rapport sur les prestations de maternité et les prestations parentales, qui a contribué à alimenter la discussion publique sur les besoins des travailleurs autonomes et sur les moyens d’y répondre. Conscient de la diversité des besoins parmi les travailleurs autonomes et du large spectre des points de vue sur la manière et les motifs selon lesquels les gouvernements devraient instaurer de nouveaux programmes à cet effet, le gouvernement ne prévoit pas étendre la couverture des prestations de maternité et des prestations parentales aux travailleurs autonomes à ce moment. Les questions soulevées par le Comité permanent continueront toutefois d’informer les activités de suivi et d’évaluation du gouvernement sur l’efficacité et la souplesse de ses programmes actuels.

[1]
Les sondages incluent : Sondage auprès des travailleurs autonomes : Perceptions à l’égard de l’accès aux prestations (2006); les sondages annuels sur L’attitude des Canadiens à l’égard du régime d’assurance-emploi; Les résultats du sondage sur le travail autonome au Canada (2002); Perceptions des travailleurs autonomes à l’égard d’une extension possible des prestations de maternité, des prestations parentales et des prestations de maladie (2000).
[2]
Sondage auprès des travailleurs autonomes : Perceptions à l’égard de l’accès aux prestations (2006).
[3]
Sondage auprès des travailleurs autonomes : Perceptions à l’égard de l’accès aux prestations (2006).
[4]
Sondage auprès des travailleurs autonomes : Perceptions à l’égard de l’accès aux prestations (2006) et les sondages annuels sur L’attitude des Canadiens à l’égard du régime d’assurance-emploi.
[5]
Sondage auprès des travailleurs autonomes : Perceptions à l’égard de l’accès aux prestations (2006).
[6]
Sondage auprès des travailleurs autonomes : Perceptions à l’égard de l’accès aux prestations (2006).