Passer au contenu
;

CC30 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-30


NUMÉRO 017 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 février 2007

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Français]

    Je souhaite à tous la bienvenue à la dix-septième séance du Comité législatif chargé du projet de loi C-30.

[Traduction]

    Étant donné que nous accueillons cet après-midi un groupe important d'experts, il faudra que nous avancions rapidement. La sonnerie retentira à 17 h 30. Bien que nous pourrons discuter encore pendant quelques minutes après cela, il faudra que nous allions assez vite.
    J'aimerais accueillir aujourd'hui, dans l'ordre dans lequel ils prendront la parole, Mme Aldyen Donnelly, présidente du Greenhouse Emissions Management Consortium, M. Andrei Marcu, président de l'Association de mécanismes internationaux d'échange de droits d'émissions, et M. Luc Bertrand, président et chef de la direction du Marché climatique de Montréal.
    J'aimerais également accueillir, par vidéoconférence, M. Jos Delbeke — il n'est pas encore arrivé — de la Délégation de la Commission européenne au Canada, Mme Vicky Arroyo, directrice de l'Analyse des politiques au Centre Pew sur les changements climatiques globaux, et Mme Louise Comeau, directrice du Projet climatique Sage.
    Selon la coutume, nous vous accorderons une dizaine de minutes par exposé. Je vous demande de ne pas dépasser dix minutes et, de préférence, de prendre moins que cela. Cela nous permettra d'avancer rapidement.
    Je vois que M. Delbeke est arrivé. Je ne suis pas sûr qu'il puisse déjà m'entendre, mais il sourit.
    Monsieur Delbeke — je pense que vous m'entendez maintenant —, vous êtes le quatrième sur la liste et vous pouvez par conséquent reprendre votre souffle.
    Le sujet aujourd'hui est «Outils: Échange de droits d'émissions». Ça se voit d'ailleurs à la liste des témoins.
    Madame Donnelly, vous avez la parole.
    Je dois signaler d'emblée que toutes les opinions que j'exprimerai aujourd'hui sont mes opinions personnelles et qu'elles ne devraient pas être nécessairement interprétées comme les opinions des membres du Greenhouse Emissions Management Consortium.
    Vous trouverez sur la table un document qui a été distribué. Quand j'ai lu les bleus de quelques-unes des séances précédentes de votre comité, j'ai eu l'impression que les témoins inondaient les membres du comité de chiffres. Je ne sais pas comment, en votre qualité de députés, vous pouvez faire la distinction entre ce qui est bon et ce qui est mauvais. Par conséquent, j'ai préparé une documentation qui inclut les données que j'ai examinées et qui ont formé mes opinions. Je ne passerai pas tout le document en revue aujourd'hui; je m'y référerai de temps à autre, mais il a davantage pour objet d'être pour vous un document de référence. Ce sont des chiffres qui sont tous du domaine public et qui ont une influence sur mes opinions. J'ai pensé qu'au lieu de citer des chiffres de mémoire, il serait bon que je vous laisse ce document de référence dont vous ferez ce que vous voudrez lorsque le moment de vous forger une opinion sera venu.
    Le principal centre d'intérêt du présent groupe de témoins est l'échange de droits d'émissions. En définitive, je pense que le Canada ne devrait pas mettre en oeuvre, et qu'il ne le fera probablement pas, même si on essaie de le faire, un système de plafonds et d'échange, ou un marché de quotas d'émissions de gaz à effet de serre. Dans le document, vous verrez que j'ai consacré quelques-unes des premières pages à la question des taxes sur le carbone — les «taxes sur le carbone» définies comme des «taxes directes sur la production et sur la consommation» — et, dans cet exposé, je m'appliquerai à expliquer que, malgré tout ce qu'on peut vous raconter, ces taxes n'ont pas été efficaces dans les pays européens qui en ont fait l'essai.
    La raison pour laquelle je fais cette observation, c'est que je compte recommander fortement la création de marchés d'émissions et de règlements formant le fondement de ces marchés tout en signalant que le système de plafonds et d'échange n'est pas un bon point de départ. Je veux écarter totalement la taxe directe sur la consommation et la production, car je ne voudrais pas que, lorsque vous constaterez immanquablement que le système de plafonds et d'échange ne peut pas être efficace, vous vous rabattiez sur une taxe de ce type, qui ne le serait pas non plus.
    Je ne ferai donc pas de commentaires sur les taxes aujourd'hui, mais c'est la raison pour laquelle j'y ai consacré la première partie de ce mémoire.
    Dans le mémoire — que je ne parcourrai pas — j'aborde brièvement ce que j'appelle le côté obscur du marché américain du dioxyde de soufre et du marché européen du dioxyde de carbone. Je ne lirai pas ce passage du mémoire. Il est là pour votre information.
    Cependant, je signale que dans un marché européen du dioxyde de carbone, un problème se pose alors qu'on entame la deuxième phase en Europe, à savoir la période d'engagement du Protocole de Kyoto. Contrairement à la première phase, tous les plans d'action nationaux européens que j'ai vus jusqu'à présent proposent une réduction globale des émissions dans le secteur industriel. Cependant, la totalité des quotas européens imposent le fardeau total de la réduction des émissions au secteur de l'électricité et la plupart des pays européens attribuent les permis d'émissions excédentaires aux producteurs de gaz, aux producteurs d'aluminium, aux fabricants de produits chimiques et aux grandes entreprises manufacturières.
    Cette façon de procéder poserait un problème au Canada pour deux raisons. La première est que, bien qu'elle puisse paraître rationnelle en Europe, au Canada, si nous imposions aux producteurs d'électricité une très forte proportion du fardeau de la réduction des émissions sans exiger d'efforts aux sociétés gazières, le seul résultat serait que nous taxerions l'énergie produite au Canada quand elle est consommée par un Canadien pour générer une subvention pour nos exportations vers les États-Unis. Ce serait du suicide économique de la plus belle espèce.
    L'autre complication associée à la façon de procéder européenne, si on mettait en oeuvre au Canada un régime de plafonds et d'échange imposant au secteur pétrolier et gazier de lourdes obligations de réduire ses émissions, serait que les sociétés pétrolières et gazières se trouveraient en concurrence sur le marché international avec des sociétés pétrolières et gazières européennes qui ont la bride sur le cou. Nous sommes donc pris entre deux feux par l'allocation européenne, qui est d'ordre stratégique et n'a en fait pratiquement aucun rapport avec l'environnement.
    C'est une raison liée au marché pour laquelle nous ne pouvons pas adopter le système de plafonds et d'échange au Canada. Il y aussi une deuxième raison, à mon avis. Je ne suis pas avocate et je sais que les opinions sont divergentes, mais je pense qu'avec le temps, le gouvernement fédéral découvrira probablement qu'il n'a pas la compétence voulue pour imposer un système de plafonds et d'échange aux provinces.
(1535)
    Ce qui est encore plus important que l'aspect juridictionnel, c'est la réalité concrète qu'aucune province n'a les moyens d'accéder au pouvoir juridictionnel fédéral pour mettre en oeuvre un programme de plafonds et d'échange. En effet, lorsqu'on réfléchit à la façon dont un inventaire est constitué, la réserve de quotas de gaz à effet de serre d'une région régit les droits de cette région de produire des combustibles fossiles, d'en consommer et de produire du boeuf, du porc et du riz, de la pâte à papier, de l'aluminium, du ciment, du fer et de l'acier, du verre et presque tout autre produit. Par conséquent, en accédant à un pouvoir fédéral d'accorder unilatéralement un quota de gaz à effet de serre, les provinces renonceraient à leur souveraineté économique et à leur place dans la Fédération. Je sais qu'au moins trois d'entre elles quels que soient leurs avis juridiques sur la question, sont prêtes à lutter farouchement.
    Où allons-nous? La façon dont l'Europe a procédé en ce qui concerne le système de plafonds et d'échange nous poserait un problème de compétitivité. Si aucun problème de compétence ne se posait à l'intérieur du pays, un différend fédéral-provincial majeur émergent nous forcerait à ne pas bouger pendant des années. Que faut-il faire?
    Le point de vue que je défends constamment est qu'il faut suivre l'exemple du Massachusetts et de la Californie et mettre en oeuvre des standards sur les produits, et en particulier, mais pas uniquement, des standards de performance sur les émissions. Nous autorisons l'échange de crédits et la mise en oeuvre conjointe pour permettre à plusieurs entreprises de collaborer pour se conformer aux standards sur les produits. En fait, les marchés d'émissions les plus vigoureux, les plus dynamiques et les plus efficaces qui soient en place actuellement en Amérique du Nord et en Europe sont des marchés dans lesquels les entités concernées échangent des crédits pour conformité supérieure aux standards sur les produits. Ces marchés sont beaucoup plus dynamiques, vigoureux et efficaces que les marchés d'émissions émergents; ils sont beaucoup plus vigoureux, dynamiques et efficaces que le marché maintenant devenu âgé et encore inefficace des allocations de dioxyde de soufre.
    Dans mon mémoire, j'ai décrit à votre intention les différents standards sur les produits qui se sont avérés efficaces. Comme je l'ai déjà signalé, l'État du Massachusetts réglemente les émissions en se basant sur des standards sur les produits depuis 1997. En outre, lorsque l'État de la Californie a adopté le Bill AB 32 en septembre, qui a été promulgué par le gouverneur en décembre, l'Assemblée législative de cet État a activement rejeté le système de plafonds et d'échange pour adopter une approche réglementaire axée sur des standards sur les produits.
    Mes recommandations vous encouragent à prendre comme modèles des pays ou des régions qui présentent un intérêt pour nous et qui vont de l'avant; il n'est pas question de recul.
    Je m'arrête. Nous verrons bien de quoi vous voudrez discuter pendant la période des questions.
(1540)
    Merci beaucoup. Vous nous avez fait gagner deux minutes. C'est du beau travail.
    Je donne maintenant la parole à l'Association de mécanismes internationaux d'échange de droits d'émissions (IETA) et à son président, M. Andrei Marcu, qui est arrivé de Budapest ce matin, si j'ai bien compris.
    Merci beaucoup de m'avoir invité, monsieur le président. Je m'efforcerai d'être bref.
    L'Association de mécanismes internationaux d'échange de droits d'émissions est une organisation à but non lucratif qui se consacre à veiller à ce que les objectifs de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et de la lutte contre les changements climatiques soient atteints par l'établissement d'un système mondial efficace d'échange des émissions de gaz à effet de serre entre les entreprises, de façon économique, en toute équité sociale et dans le respect de l'intégrité de l'environnement.
    Nous représentons 147 entreprises dont la plupart sont des entreprises canadiennes ou des entreprises ayant de grandes filiales canadiennes; 49 p. 100 des entreprises que nous représentons sont de grands émetteurs. Ces entreprises incluent des entreprises comme TransAlta et Lafarge, et celle pour laquelle je travaillais, Ontario Power. L'information la plus importante sur les entreprises que nous représentons, c'est que les émissions totales de 30 d'entre elles atteignent 1,7 milliard de tonnes de dioxyde de carbone, soit l'équivalent des émissions totales de l'Allemagne et du Canada. Il ne s'agit donc pas de particuliers qui veulent tirer un profit de l'échange d'émissions. Il s'agit d'un groupe de fournisseurs de services, des banques ou des avocats. Cependant, 50 p. 100 de ces entreprises, soit 70, produisent des émissions supérieures aux émissions totales du Canada et de l'Allemagne. Je le signale à titre purement indicatif.
    Il n'existe pas de solution unique. Une politique efficace de réduction des émissions de gaz à effet de serre doit être fondée sur trois éléments essentiels: l'établissement du prix du carbone, le développement technologique et d'autres politiques ou mesures visant à supprimer les obstacles à un changement de comportement. L'absence d'un de ces éléments augmenterait considérablement le coût de l'action. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de telle sorte que le coût social soit le plus bas possible, il est essentiel d'établir le prix des gaz à effet de serre. Un signal de prix est beaucoup plus efficace que toute approche réglementaire contraignante. Avec un prix approprié sur le carbone, les gens seraient confrontés au coût environnemental de leur consommation. Ceci inciterait les particuliers et les entreprises à abandonner les produits et les services à production élevée d'émissions pour adopter des solutions à faible production de carbone, souvent à des coûts de substitution relativement faibles. L'expérience en ce qui concerne le marché européen de l'échange des droits d'émission démontre une corrélation claire entre la demande d'énergie à court terme et le marché du carbone, avec pour résultat une réduction temporaire de la demande et une substitution de combustible induite.
    Une étude du MIT et de la Eni Enrico Mattei Foundation sur les incidences de la première phase du système d'échange des droits d'émission de l'Union européenne indique que la quantité a diminué jusqu'à présent de 80 millions de tonnes au cours de la phase pilote. L'échange de droits d'émission a démontré qu'il était possible de mettre en place une politique environnementale efficace à un coût beaucoup plus bas que les méthodes fondées sur la contrainte ou sur des taxes, en laissant le marché fixer le prix approprié. Le système d'échange de droits d'émission de l'Union européenne entraîne une réduction à l'intérieur de l'Union européenne alors que le degré de réussite impressionnant du marché américain de l'air pur pour améliorer la qualité de l'air est une preuve irréfutable de la puissance des mécanismes de marché.
    Une analyse du programme de réduction du dioxyde de soufre faite par le bureau du budget du Congrès des États-Unis a abouti à la conclusion que le recours aux mécanismes du marché avait fait économiser 2,5 milliards de dollars sur les coûts estimatifs initiaux de conformité de 5 milliards de dollars et ce, tout en dépassant les objectifs en matière de conformité. Vous verrez dans la série de diapositives qu'une partie de cette réduction est attribuable à l'American Electric Power. Cette entreprise émet environ 140 millions de tonnes de carbone par jour. C'est le plus grand émetteur de carbone en Amérique du Nord, et cette entreprise tient à peu près le même langage que nous.
    Les marchés environnementaux réduisent considérablement les interventions gouvernementales, établissent les contraintes et permettent au marché d'aider en ce qui concerne les droits d'émission d'acide. L'utilisation d'un signal de prix réduit au minimum les coûts sociaux globaux de la conformité et permet de consacrer les ressources à d'autres priorités. Le marché mondial des GES a provoqué un changement de culture dans les entreprises et dans la société, à la suite duquel le prix du carbone est devenu un des paramètres qui fait partie du processus décisionnel normal. La chose la plus difficile à changer est la culture. Tout le reste suit. Le prix du carbone fait indéniablement évoluer les attitudes mentales ancrées dans les conseils d'administration européens.
    L'élaboration et l'utilisation d'une large gamme de technologies à faibles émissions de carbone sont essentielles pour réaliser l'effort de réduction d'émissions nécessaire. Les prix du carbone sont un incitatif pour investir dans des nouvelles technologies visant à réduire les émissions de carbone. De nombreux observateurs pensent que le captage et la séquestration du carbone doit jouer un rôle capital dans l'atténuation des émissions de GES, mais sans incitatif, les raisons d'investir dans cette technologie sont très minces. Le prix du carbone est une condition essentielle pour stimuler le changement dans l'économie. D'autres politiques seront peut-être nécessaires pour motiver un changement technologique dans le délai requis — car nous avons un délai obligatoire —, mais le prix du carbone est une condition essentielle.
(1545)
    L'IETA a pour but de s'assurer que les conditions nécessaires à la formation et à l'administration des régimes d'échange sont présentes dans la conception, le fonctionnement et l'examen des systèmes émergents et existants. Ces conditions fondamentales sont énumérées ci-après. Je pense que vous les avez par écrit. Je les passe en revue très rapidement: transparence dans la conception, la réglementation et l'examen des régimes d'échange de droits d'émission; la communication de données sensibles au marché d'une façon transparente, équitable, prévisible et organisée; la transparence dans le processus décisionnel de l'organisme de réglementation; un nombre suffisant de participants et une demande suffisante pour les droits d'émission, afin d'encourager la réduction des émissions et de faciliter la mise en place d'un marché concurrentiel, liquide, transparent, profond et efficace pour les droits d'émission, qui réduit le plus possible les coûts de la gestion des risques, notamment par un écart restreint entre cours acheteur et cours vendeur; l'absence d'obstacles et de contraintes artificiels pour éviter de décourager les participants bien intentionnés; de faibles coûts de transaction, des délais prévisibles pour le processus et une bureaucratie restreinte; le marché devrait être libre pour réaliser les réductions requises des émissions avec une intervention minimale en étant assujetti à des contraintes connues, établies et réalisables en ce qui concerne les émissions totales; le marché devrait être conçu de façon à éviter des mécanismes ayant pour objet de gérer directement, de faire plafonner ou de maintenir les prix corrélatifs ou de maintenir le prix des droits d'émission; et, enfin, pour pouvoir déterminer un prix approprié, il est essentiel de pouvoir répondre à la demande créée à la suite de la volonté politique d'agir par une offre adéquate de compensations en provenance de toutes les sources disponibles de compensations concrètes et vérifiables.
    Nous estimons qu'à cet égard le gouvernement du Canada a mis l'industrie canadienne dans une situation difficile au cours des cinq dernières années. Il demeure impossible à l'heure actuelle pour les entreprises canadiennes de faire des investissements d'équipement fondés sur un prix du carbone. C'est un obstacle majeur à la réussite de la politique canadienne sur le changement climatique. On ne peut pas faire face au changement climatique sans un réalignement considérable des dépenses d'équipement. Ce ne sera pas possible en l'absence de certitude au niveau des politiques.
    En Europe, la mise en place d'une phase expérimentale a permis d'acquérir de l'expérience et d'établir des institutions. Par contre, et c'est très important, on demande aux entreprises canadiennes d'évaluer la rentabilité des objectifs en matière de réductions sans connaître les possibilités de conformité qu'elles auront à leur disposition.
    Il est essentiel que le Canada établisse pour les GES un marché réglementaire d'une discrétion suffisante pour qu'il soit fonctionnel. Sans cela, aucun marché n'est possible. Cependant, l'économie canadienne n'a pas la diversité ni la taille nécessaires pour un approvisionnement suffisant d'un marché canadien du carbone en réductions à faible coût fondé sur des coûts de réduction différentiels.
    Le secteur manufacturier canadien a considérablement amélioré son efficacité carbonique. De nombreux représentants de ce secteur ont témoigné devant votre comité, monsieur le président.
    Le Canada demeurera un exportateur d'énergie dans un avenir prévisible. Les combustibles fossiles continueront de jouer un rôle essentiel sur le plan économique pendant au moins la prochaine génération. C'est indiqué dans tous les rapports, y compris dans celui de l'IETA. On ne peut pas faire la transition à une économie sans carbone du jour au lendemain à l'échelle mondiale. C'est pourquoi il est essentiel pour la liquidé d'un marché du carbone canadien que les crédits pour les réductions obtenues à l'extérieur des secteurs assujettis à des plafonds soient autorisés.
    L'IETA appuie l'initiative concernant les compensations du groupe formé de représentants de l'industrie et des provinces visant à établir un cadre pour le système intérieur de compensations. Compte tenu de la position du Canada, quels que soient les objectifs, à long ou à court terme, ou ceux de Kyoto, fixés par le gouvernement, les entreprises canadiennes doivent avoir accès à une certaine flexibilité dans les échanges d'émissions associée à un système intérieur d'échanges. En procédant autrement, on les défavoriserait par rapport à leurs concurrents étrangers qui ont accès à ce type d'instruments, y compris à des compensations moins coûteuses. Il est primordial d'offrir aux entreprises canadiennes la latitude de choisir entre la possibilité de réaliser les réductions ou d'acheter les droits pour protéger les secteurs critiques sur le plan économique.
    À ce chapitre, il est fondamental d'accorder des crédits de réduction axés sur les projets dans le contexte du mécanisme de développement propre et de l'application conjointe. Ces unités sont produites projet par projet et font l'objet d'une vérification par des vérificateurs accrédités et de renommée internationale.
    Monsieur le président, la politique sur le changement climatique et sur l'énergie ne peut être élaborée sans tenir compte des États-Unis, notre principal partenaire commercial. Aux États-Unis, on considère actuellement que la mise en place d'une contrainte liée aux émissions de carbone à l'échelon fédéral est assurée; c'est une question de temps.
    Je signale que le gouverneur Schwarzenegger adopte en Californie la même plate-forme que le premier ministre Blair, en promettant d'établir des liens dans le cadre d'un système d'échange de droits d'émission. Le Chicago Climate Exchange en est une preuve. Les 16 projets de loi dont est saisi le Congrès fédéral, dans lesquels il est question de plafonds et d'échange, ont été présentés par un excellent sénateur républicain, le sénateur McCain, et par le gouverneur Schwarzenegger. Ce ne sont pas des personnes qui ont tendance à prendre les choses à la légère.
(1550)
    J'aimerais enfin signaler qu'outre un système d'échange de droits d'émission, il est essentiel d'adopter des politiques et des mesures supplémentaires. Un mécanisme structuré pour investir dans la technologie à long terme sera probablement indispensable pour encourager le changement technologique nécessaire dans les délais requis, dans le cadre duquel le signal de prix correspondant qui est essentiel pour encourager cet investissement sera socialement acceptable.
    La conception de tout mécanisme de conformité non lié au marché devrait être soigneusement réfléchie pour s'assurer qu'il soit aussi neutre que possible si l'on veut que le marché du carbone réponde aux attentes en tant que moteur du changement. La conception du fonds pour la technologie proposé pose des défis visibles. Il pourra aisément être considéré comme réagissant comme un plafond sur les prix; un plafond sur les prix engendre toutefois des difficultés de fonctionnement du marché. En outre, il est possible que ce type de mécanisme exclue l'établissement de liens officiels avec d'autres marchés qui n'offrent pas des options semblables en matière de conformité. L'existence d'un mécanisme de conformité différent pourrait réduire la liquidité du marché.
    Cela dit, nous reconnaissons toutefois le fait que d'autres politiques et mesures peuvent être et sont nécessaires. Il s'agit de les concevoir de façon à ce qu'elles soient compatibles et à ce qu'elles se complètent au lieu d'être contradictoires.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    À propos d'échanges, nous avons échangé une partie du temps dont disposait Mme Donnelly pour vous l'accorder.
    Je donne maintenant la parole à M. Luc Bertrand, président et chef de la direction du Marché climatique de Montréal, pour dix minutes.
    Mes commentaires auront pour principal objet de vous donner une bonne idée de la structure qui pourrait être mise en place très rapidement au cas où le gouvernement déciderait d'aller de l'avant et d'établir un mécanisme de marché pour l'échange de droits d'émission. J'insisterai tout particulièrement sur certains traits et aspects principaux concernant le mécanisme de ce marché, dans l'espoir que la politique fédérale consistera à mettre en place le cadre réglementaire nécessaire pour la création de ce marché.
    Le Marché climatique de Montréal est essentiellement un partenariat avec la Bourse de Montréal et le Chicago Climate Exchange conclu il y a environ un an. Il s'agit d'une solution axée sur le marché, que nous considérons comme l'une des options — pas la seule, mais certainement une des solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
    Pour votre information, la Bourse de Montréal est le marché des instruments financiers dérivés du Canada en vertu d'une entente avec la Bourse de Toronto passée en 1999. Nous avions alors décidé que la Bourse de Toronto axerait principalement ses activités sur les transactions au comptant et que la Bourse de Montréal se chargerait principalement des instruments dérivés. Si le gouvernement décidait de mettre en place un marché des émissions au Canada — et ce, avant 2009, car c'est l'année où notre entente avec la Bourse de Toronto vient à échéance —, la Bourse de Toronto ne pourrait pas établir un marché à terme et nous ne pourrions pas établir un marché au comptant. Nous trouverions certainement des possibilités de collaborer. Mais, d'emblée, je pense que tous les experts reconnaîtraient que ce type de marché se prêterait principalement à l'établissement d'un marché des instruments dérivés; c'est ce qui explique le rôle que jouerait la Bourse de Montréal et c'est la raison pour laquelle nous avons joué un rôle prépondérant dans le projet de marché climatique que nous présentons.
    La Bourse de Montréal fait actuellement des transactions sur le marché à terme et sur le marché des options, dans les valeurs mobilières et dans les valeurs à revenu fixe. Nous réalisons quotidiennement des transactions d'une valeur théorique d'environ 70 milliards de dollars. Nous avons un dossier d'exploitation comportant des risques théoriques d'environ 600 à 700 milliards de dollars. Toutes ces transactions sont effectuées par l'intermédiaire d'un organisme appelé la Corporation canadienne de compensation de produits dérivés (CCCPD). Il est très important, à mon avis, que les membres du comité saisissent l'importance d'une telle société dans un marché des instruments dérivés, quel qu'il soit. Le marché de Montréal, par le biais de la CCCPD, a la seule corporation de compensation de produits dérivés au Canada. C'est une institution qui a la cote AA au classement Standard & Poor's. Comme je l'ai déjà signalé, sans ce mécanisme, on n'obtient pas le risque de contrepartie qui est nécessaire au fonctionnement d'un marché, quel que soit le produit ou l'instrument financier concerné.
    Nous sommes également les exploitants d'une entreprise appelée le Boston Options Exchange. Il s'agit d'un des six marchés des options américains. Nous l'exploitons à partir de Montréal. Nous sommes la première bourse non américaine reconnue par la Securities Exchange Commission pour exploiter un marché américain.
    Nous avons également conclu un partenariat avec le New York Mercantile Exchange, que nous avons annoncé tout récemment. Nous prévoyons ouvrir un marché de l'énergie dont le siège sera situé à Calgary.
    Enfin, si vous me le permettez, j'aimerais signaler que nous avons déposé un prospectus pour devenir une société cotée en bourse. J'invite tous les membres du comité à aller consulter notre site Web. Vous pouvez y avoir accès à notre prospectus et y trouver des informations détaillées sur notre société.
    En ce qui concerne notre partenaire, le Chicago Climate Exchange est sans conteste un pionnier mondial en matière de marchés environnementaux. La personne qui dirige cette bourse, M. Richard Sandor, a la réputation d'être un chef de file dans son domaine. Le Chicago Climate Exchange est également l'exploitant du European Climate Exchange, dont le siège est situé à Londres, et qui est le plus gros marché climatique actuel.
    La principale raison pour laquelle la Bourse de Montréal a décidé de sceller un partenariat avec le Chicago Climate Exchange est qu'il s'agira d'un secteur d'activité international. Il n'y a pas d'alternative. Il faut en tenir compte. Ensuite, si l'on combine les forces de deux entreprises comme le CCX et la Bourse de Montréal, on crée une situation propice à la mise en place d'une bourse très élaborée et très performante dans un délai très court et à un coût minimal. Le Chicago Climate Exchange apporte au partenariat un capital intellectuel sans égal. La Bourse de Montréal apporte l'infrastructure, la technologie de l'autoréglementation et la gestion des risques. C'est donc la raison pour laquelle nous avons décidé que la solution la plus rapide, et la plus appropriée, était de s'associer au Chicago Climate Exchange.
(1555)
    Je signale rapidement, et vous en avez déjà entendu parler, que les avantages d'un marché sont nombreux. En termes de gestion des coûts, c'est une solution à moindre coût pour les entreprises concernées. Nous pensons qu'il permet aux entreprises de mieux planifier leurs programmes sur les émissions de gaz à effet de serre et tout cela, bien entendu, grâce à un signal de prix transparent. C'est le facteur essentiel.
    Si nous n'avons pas un marché structuré et normalisé, nous le ferons émigrer à l'étranger ou il s'agira d'un marché hors bourse. Un marché hors bourse est toutefois opaque; on a de la difficulté à le décrypter et il est inéquitable pour les petits acteurs. Par conséquent, même si nous entendons des arguments contradictoires, en fait, les entreprises voudront monnayer leurs crédits sous une forme ou une autre, ou bien alors les entreprises canadiennes, sans tenir compte de la loi canadienne, devront se protéger contre le risque environnemental associé aux émissions de gaz à effet de serre.
    Elles chercheront par conséquent des possibilités de le faire. Si nous ne leur fournissons pas un cadre normalisé pour le faire, qui est-ce qui interviendra? Les grosses banques, la C.S. First Boston et la UBS Warburg, et je fais très attention, car ce sont toutes des partenaires de la Bourse de Montréal. Ce serait un marché hors bourse, très coûteux, non transparent et très complexe, qui ne permettrait pas aux émetteurs de savoir exactement quel est le signal de prix.
    Au risque de me répéter, les avantages d'une bourse réglementée sont la transparence et la liquidité qu'elle apportera au marché et ce, bien entendu, dans un environnement autoréglementé et un cadre réglementaire... Je dis autoréglementé. En effet, la Bourse de Montréal est un organisme d'autoréglementation — au même titre d'ailleurs que la Bourse de Toronto — et elle est responsable de réglementer ses marchés en vertu de régimes très stricts qui lui sont imposés par les commissions canadiennes des valeurs mobilières. Les mêmes règles s'appliqueraient au marché climatique.
    En ce qui concerne ce que le gouvernement doit nous fournir, nous avons besoin d'une définition des cibles, d'une définition des crédits admissibles, d'une date d'entrée en vigueur, de l'adoption de mesures de vérification de la conformité; il est en outre, bien entendu, essentiel que le gouvernement choisisse un registre pour enregistrer les crédits.
    Le Marché climatique de Montréal pourrait être prêt en quelques mois. Nous sommes tous prêts à entamer des discussions avec un responsable de la réglementation au sujet des modalités des contrats. Tout avance très vite et, comme vous pouvez le voir, nous restons très proactifs dans l'espoir que le gouvernement fédéral donnera le feu vert à ce marché.
    Je n'irai pas plus loin, monsieur, car je pense que le temps dont je disposais est presque écoulé. Je répondrai avec plaisir à vos questions. Merci.
(1600)

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Bertrand.

[Traduction]

    Nous entamons maintenant notre vidéoconférence avec la délégation de la Commission européenne au Canada.
    Soyez le bienvenu, monsieur Delbeke. Vous avez dix minutes.
    M'entendez-vous, monsieur le président?
    Oui. Me voyez-vous?
    Oui.
    Bonjour, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi de témoigner à nouveau. Je suis très heureux de vous informer de certaines de nos expériences avec le Système communautaire d'échange de quotas d'émissions.
    Nous avons fait distribuer des transparents et des documents. J'espère par conséquent que les membres de votre comité y ont accès.
    De nombreux commentaires ont déjà été faits à ce sujet. J'aimerais résumer mon introduction en cinq points.
    Premièrement, le marché du carbone, ce que nous appelons en Europe le Système communautaire d'échange de quotas d'émissions (SCEQE), est en vigueur depuis le 1er janvier 2005 pour 25 États membres de l'Union européenne. C'est donc, à notre avis, le système de plafonds et d'échange le plus imposant au monde. Il comprend des plafonds obligatoires sur les émissions — les émissions absolues — des 10 000 plus grands émetteurs de l'Union européenne. Il couvre la moitié des émissions de l'UE. En outre, les échanges effectués en 2006 sont évalués à environ 20 milliards d'euros.
    Quels sont les éléments clés dans la conception du SCEQE? Il s'agit d'un système simple de plafonds et d'échange pour les émissions directes. Il était très important de faire en sorte que le système reste simple, car nous avions étudié d'autres expériences qui nous démontraient que la simplicité était très importante si nous voulions communiquer un message clair et facile à comprendre pour tous les acteurs économiques.
    Ce système touche de nombreux secteurs. Autrement dit, toutes les grosses installations — les centrales électriques, les aciéries, les usines de pâtes et papiers — sont incluses. Le système ne s'applique toutefois pas aux émissions produites par les transports.
    Le système prévoit un contrôle rigoureux et une vérification indépendante, avec des sanctions, pour assurer la conformité et l'utilisation du marché. Il fait partie intégrante du système international pour combattre le changement climatique. Nous avons une allocation initiale pratiquement gratuite. Le plus important, c'est que le système est guidé par le secteur privé et qu'il inclut des mesures incitatives en ce qui concerne les réductions d'émissions.
    Voici maintenant la deuxième observation que je voudrais faire au sujet de cette expérience. Quelles ont été les étapes par lesquelles nous sommes passés? Nous sommes actuellement en pleine période de démarrage, qui va de 2005 à 2007. Nous arrivons pratiquement à la fin de cette période. Nous avons établi des registres. Les allocations ont été attribuées presque gratuitement. Le développement du marché a été assez bon. Je pense qu'actuellement, les échanges sont de près de 100 millions de tonnes par mois. Les réductions d'émissions sont toutefois trop faibles — j'y reviendrai dans une minute —, mais c'était, à notre avis, nécessaire pour un démarrage facile et en douceur du système.
    Nous nous préparons actuellement pour la période d'engagement de Kyoto, qui débute le 1er janvier 2008. La première période d'engagement du Protocole de Kyoto est préparée en faisant des plans d'allocations pour les entreprises. Ce sont nos États membres qui s'en chargent. À l'heure actuelle, 14 plans nationaux d'allocations sur 27 ont été approuvés par la Commission européenne.
    Voici une diapositive importante de la série de diapositives que nous vous avons envoyée, monsieur le président. Elle indique le développement en spécifiant les quantités et les prix. Je pense qu'il est très important d'y consacrer quelques minutes. En ce qui concerne les quantités, vous constatez que les quotas échangés sur le marché sont en croissance constante. En ce qui concerne les prix, une courbe indique un développement assez constant d'un peu moins de 10 euros jusqu'à un sommet de 30 euros, puis une baisse soudaine de 30 euros à la moitié de ce niveau-là, vers avril de l'année dernière. La ligne foncée indique la baisse des prix. Actuellement, les prix au comptant sont d'environ un euro la tonne de dioxyde de carbone.
(1605)
    À quoi cela est-il dû? En mai 2006, pour la première fois, nous avons fait une vérification des émissions de toutes les entreprises concernées. Cette vérification a été faite au niveau de l'entreprise. En fait, nous avons constaté en avril que la banque de données que nous utilisions n'était pas idéale. Ce qui est important, c'est que, dans le contexte de la préparation pour la première période d'engagement du Protocole de Kyoto, nous puissions maintenant travailler dans une banque de données fiables et vérifiées. C'est d'ailleurs ce que vous pouvez constater dans la courbe des prix, alors que les prix à terme pour la première période d'engagement sont d'environ 15 euros. Je pense que les opérateurs du marché prévoient un prix d'environ 20 euros pour la période de 2008 à 2012. En bref, les prix ont été très volatils au cours de la période préparatoire, mais nous sommes très confiants que cette volatilité du marché disparaîtra avec une base de données plus fiable contenant des données vérifiées.
    Je voudrais faire un troisième commentaire, à savoir que le Système communautaire d'échange de quotas d'émissions est principalement axé tout naturellement sur l'Europe, mais qu'il est ouvert. Il est lié aux instruments de la mise en oeuvre conjointe et du mécanisme de développement propre de Kyoto. Nos entreprises et les États membres prévoient actuellement des dépenses allant jusqu'à trois milliards d'euros pour la première période d'engagement. C'est donc le coeur d'une solide collaboration avec les pays en développement, et c'est en fait un transfert de technologie.
    Nous avons actuellement la possibilité d'établir des liens entre le système d'échange de quotas européen et les systèmes semblables qui ont été mis en place à l'étranger, que ce soit dans le contexte du Protocole de Kyoto ou qu'il s'agisse de régimes indépendants de Kyoto. Les procédures sont différentes, mais le principe de l'établissement de liens avec d'autres systèmes est bien établi.
    Quelles sont les leçons à tirer de notre système? Comme je l'ai déjà signalé, il est très important que le système reste simple; il est en outre essentiel pour toutes les initiatives que nous prenons en Europe d'avoir une perspective globale et de le faire dans la perspective d'un marché mondial du carbone. Nous espérons pouvoir établir des liens entre notre système et les systèmes du plus grand nombre possible d'intervenants.
    Il est très important de pouvoir maximiser la comptabilité avec d'autres systèmes pour établir ce processus de liaison, mais aussi d'établir des plafonds obligatoires pour toutes les entreprises participantes. Seuls ces plafonds obligatoires seront garants de la simplicité du système.
    Le système européen ne comporte pas ce que l'on appelle parfois des « soupapes de sûreté », ou une gestion des prix, et il repose dans une très large mesure sur le secteur privé pour vérifier ses émissions et faire intervenir des tiers. Les leçons à en tirer sont que c'est en mettant l'accent sur des plafonds absolus obligatoires, sans gestion des prix, que nous assurerons la simplicité du système.
    En résumé, nous sommes en train d'examiner notre système d'échange de quotas d'émissions. Nous comptons l'appliquer également au secteur des transports aériens. Un plus grand nombre de secteurs seront couverts et nous instaurerons des procédures harmonisées, car il est juste de dire qu'une certaine harmonisation entre les 27 États membres qui composent actuellement l'Union européenne est indispensable pour maintenir une saine concurrence entre tous les intervenants sur le marché intérieur.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Delbeke.
    Je donne maintenant la parole à Mme Vicki Arroyo, directrice de l'Analyse des politiques du Centre PEW sur les changements climatiques globaux. Vous avez dix minutes.
    Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée à faire un exposé. Je vous suis reconnaissante d'avoir eu la flexibilité de changer la date de ma participation en raison de l'urgence médicale concernant ma mère.
    Je m'appelle Vicki Arroyo et je suis directrice de l'Analyse des politiques du Centre PEW sur les changements climatiques globaux. Le Centre PEW est une organisation à but non lucratif, apolitique et indépendante, dont la mission consiste à fournir de l'information plausible et des réponses ou des solutions directes en vue de lutter contre le réchauffement planétaire.
    Quarante-deux grandes entreprises sont représentées au Business Environmental Leadership Council, ou BELC, du Centre PEW. Le BELC est la plus grande association américaine d'entreprises ayant pour principale mission de relever les défis que posent les changements climatiques.
    De nombreux secteurs différents sont représentés, celui de la haute technologie et divers secteurs manufacturiers, le secteur pétrolier et gazier et celui des transports, le secteur de l'électricité et l'industrie chimique. Ces entreprises représentent une capitalisation boursière de 2,5 billions de dollars et elles emploient plus de 3,3 millions de personnes. Elles nous aident à informer le public et les dirigeants sur les défis que pose le changement climatique et les solutions possibles à ce problème.
    Nous faisons la promotion de politiques efficaces et pragmatiques aux États-Unis et à l'étranger, et nos activités sont fondées sur une information solide grâce à nos contacts permanents avec le BELC.
    Je dirige le programme des analyses du Centre, qui comprend des travaux scientifiques, des analyses économiques et des études sur la politique intérieure. Notre point de vue fondamental est qu'à l'échelle nationale, il est essentiel de fixer des plafonds obligatoires et de mettre en place un programme de plafonds et d'échange qui serait la pierre angulaire de l'édifice. En outre, à l'échelle internationale, des engagements contraignants sont essentiels pour toutes les grandes puissances économiques afin d'assurer l'efficacité environnementale, de se protéger contre les incidences sur la compétitivité et de donner accès à des réductions moins coûteuses.
    J'aimerais féliciter votre comité d'avoir pris ces initiatives. Pendant des années, les États-Unis ont eu les yeux tournés vers le Canada pour son leadership en matière de déclaration obligatoire et de conception d'approches différentes en ce qui concerne les compensations. C'est encourageant de voir de nouvelles avancées dans ce domaine.
    Je suis heureuse de signaler que la situation a beaucoup évolué également aux États-Unis au cours des derniers mois, en grande partie grâce à une série de facteurs différents, notamment des données scientifiques fiables, à une sensibilisation du public accrue due à des initiatives comme le film de Al Gore et aux articles dans la presse, au leadership des États, à la prise de contrôle du Congrès par le Parti démocratique et à la priorité qu'il accorde à la lutte contre le changement climatique, aux appels en faveur d'un engagement d'un nombre croissant de dirigeants d'entreprise dans cette lutte et à l'émergence de candidats à la présidence qui considèrent cela comme un enjeu important.
    Comme l'a déjà signalé M. Marcu, le contexte général des politiques évolue rapidement, de nouveaux projets ayant été présentés presque toutes les semaines au Capitole au cours des premiers mois de l'année. Les projets plus vieux sont révisés pour permettre des réductions par étapes; ils sont généralement assortis d'un objectif ambitieux à long terme, pour 2050, s'appuyant sur des données scientifiques.
    La plupart des propositions fédérales concernent six gaz à effet de serre et sont applicables à la grandeur de l'économie, couvrant de grandes sources d'émissions et de nombreux combustibles. L'accent est mis sur le secteur de l'électricité par exemple, avec le projet de loi du sénateur Feinstein et du sénateur Carper, en raison de leur connaissance de la question des plafonds et des échanges et de leur désir de certitude sur le plan de la réglementation.
    Toutes les propositions sont assorties d'un plafond absolu, quoique l'une d'entre elles soit basée sur l'intensité. De nombreuses propositions prévoient des allocations compensatoires pour la séquestration de sources d'émissions nationales et internationales non visées. Aux États-Unis, les projets de loi prévoyant des compensations reçoivent un large appui, pour autant que les sources de réduction d'émissions, nationales et internationales, soient concrètes, quantifiables et vérifiables.
    Je pourrais mentionner plusieurs propositions, mais je pense qu'il serait peut-être utile de décrire brièvement une proposition dont vous avez peut-être entendu parler. Le Climate Stewardship Act, parrainé par le sénateur républicain et candidat à la présidence John McCain et par le sénateur indépendant Joe Lieberman, et coparrainé par des personnes comme Barack Obama et Hillary Clinton, candidats à la présidence, crée un programme de plafonds et d'échange s'appliquant à l'ensemble de l'économie et à 85 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre américaines. Il propose de maintenir les émissions au niveau de 2004 pour 2012, puis de les baisser au niveau de 1990 en 2020, avec une baisse de 28 p. 100 pour 2030, et de 60 p. 100 pour 2050, par rapport à ce dernier niveau. Ce projet permet d'utiliser jusqu'à 30 p. 100 de droits compensatoires. Les crédits compensatoires ont été considérés comme un mécanisme de contrôle des coûts.
    Actuellement, d'après ce projet de loi, l'allocation est déterminée par l'administrateur, mais ce sera probablement en vertu d'une décision politique prise par le Congrès d'ici la fin de l'étude du projet de loi. Le projet de loi instaure des crédits pour les interventions précoces, le stockage et les encaissements. Étant donné qu'il est important de stimuler le développement technologique, ce projet comporte en outre une partie consacrée à la technologie qui prévoit des mesures incitatives pour les technologies énergétiques de pointe, les adaptations, etc.
    C'est important en sus d'un signal de prix, car, sans cela, l'accent mis sur la technologie et les mesures incitatives dans ce domaine ne suffisent pas; il est essentiel de donner un signal de prix, comme on l'a déjà mentionné.
    Des variations sur le thème des plafonds et des échanges sont proposées par de nombreux sénateurs et membres du Congrès influents comme le sénateur Boxer, président du comité des travaux publics environnementaux du Sénat et le sénateur Bingaman, du comité de l'énergie. J'ai déjà mentionné également le sénateur Feinstein et les sénateurs Kerry et Snowe.
(1610)
    Un seul projet de loi permet une croissance constante des émissions jusqu'en 2020. Il fixe un objectif basé sur l'intensité et il comprend une soupape de sûreté établie à un niveau très bas de 7 $ la tonne de dioxyde de carbone. Il y a ensuite un projet de loi amont fondé sur les recommandations de la National Commission on Energy Policy (commission nationale de la politique énergétique). De nombreuses personnes estiment que nous avons déjà dépassé le niveau de ce projet de loi et qu'une mesure plus ambitieuse sera probablement présentée.
    Au Centre PEW sur les changements climatiques, on est préoccupé par cette approche parce qu'elle permet une croissance constante des émissions; nous craignons en outre que la soupape de sûreté n'empêche la formation de liens. Comme vient de le faire remarquer M. Delbeke, la création de liens est essentielle au bon fonctionnement du marché mondial.
    Nous craignons en outre que le bas prix de 7 $ la tonne de dioxyde de carbone n'encourage pas suffisamment l'innovation et le développement de technologies importantes comme celle du captage et de la séquestration.
    La Chambre examine maintenant de nombreux projets de loi et a un beaucoup plus grand nombre de comités actifs qu'autrefois. Le président de la Chambre, M. Pelosi, a établi un nouveau comité spécial sur le réchauffement planétaire. Le président du comité de l'énergie et du commerce, M. Dingell, entame les audiences. En outre, un comité des sciences est actif et le comité de surveillance sur les voies et moyens tient actuellement des audiences sur le changement climatique.
    Un projet de loi bipartisan Olver-Gilchrest, semblable au projet de loi McCain-Lieberman, que je décris ci-après, a également été présenté. Son objectif est plus ambitieux, mais il ne comprend pas de section sur la technologie.
    Comme vous l'avez peut-être appris, le président Pelosi a demandé qu'un projet de loi sur le climat soit débattu à la Chambre pour le mois de juillet. En outre, à mesure que ce mouvement prend de l'ampleur au Congrès, on remarque des avancées intéressantes grâce à l'intervention de dirigeants d'entreprise qui font la promotion d'un passage à l'action.
    Vous avez peut-être entendu parler de nos travaux avec le U.S. Climate Action Partnership. Le 22 janvier, les p.-d.g. de dix entreprises prestigieuses comme GE, Dupont, Duke Energy et Caterpillar, se sont joints à quatre ONG, dont la nôtre, pour réclamer une législation obligatoire — et plus spécifiquement un programme de plafonds et d'échange applicable à la grandeur de l'économie avec l'appui de technologies clés et de certains secteurs ciblés, comme celui des transports et celui de la production d'électricité par des centrales alimentées au charbon.
    Après qu'ils eurent lancé cet appel au mois de janvier, et étant donné que les conclusions récemment publiées de la quatrième analyse du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat sont très probantes, chaque semaine, un nombre croissant d'entreprises et d'associations corporatives rejoignent les rangs des partisans d'une politique obligatoire. Elles voient les données scientifiques et veulent agir.
    Elles ont besoin de certitude réglementaire pour prendre les décisions d'investissement nécessaires. Elles ont besoin de participer à l'élaboration d'une politique efficace et pragmatique et veulent participer aux discussions. Elles préfèrent une politique fédérale à un ensemble disparate d'initiatives des États. En outre, comme vous l'avez appris, les États sont en avance sur le gouvernement fédéral dans ce domaine.
    Le changement climatique est un enjeu bipartite dans tous les États, à l'instigation des gouverneurs républicains, comme George Pataki, qui a dirigé le Partenariat RGGI, et du gouverneur Schwarzenegger, qui a dirigé les efforts en Californie. Hier, le gouverneur Schwarzenegger s'est associé à quatre autres gouverneurs des États de l'Ouest qui ont établi des plans pour réduire leurs émissions et permettre l'échange de droits d'émission.
    Beaucoup d'États font preuve de leadership dans ce domaine, et leur réaction est très louable, mais ce n'est certainement pas suffisant. Les États préféreraient un programme fédéral. Nos entreprises préféreraient également un programme fédéral global et, compte tenu de la nature des gaz à effet de serre, il est de toute évidence beaucoup plus intelligent de s'attaquer à ce problème à l'échelle nationale et à l'échelle internationale.
    Alors que le débat aux États-Unis est actuellement axé en grande partie sur la nécessité d'une action nationale, on reconnaît de plus en plus qu'il est essentiel que les États-Unis participent à nouveau aux négociations internationales et contribuent à l'élaboration et à la promotion d'un cadre efficace et inclusif après 2012.
    L'année dernière, le comité sénatorial des relations étrangères a adopté une résolution appuyée par les sénateurs Joseph Biden et Richard Lugar, les principaux représentants démocrate et républicain au comité, en faveur de la participation des États-Unis aux négociations entreprises en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, dans le but d'établir des engagements en matière d'atténuation des émissions pour tous les pays grands émetteurs.
    Nous estimons que la clé de la participation de toutes les grandes puissances économiques est un cadre souple qui permette aux pays de prendre différents types d'engagements. Nous estimons en outre qu'il est essentiel que ce cadre soit axé sur le marché et qu'il inclue un système d'échange de droits d'émission et une version modifiée du mécanisme pour un développement propre. Bien que des problèmes se soient posés en ce qui concerne ce dernier mécanisme, il est efficace et c'est le concept de base. Le concept de base est sain, car les crédits négociables des pays en développement pour les réductions d'émission vérifiées créent un vigoureux incitatif à l'investissement propre.
    Le Canada et les États-Unis ont vigoureusement appuyé l'inclusion de mécanismes axés sur le marché au Protocole de Kyoto. Nous savons que cette initiative a été perturbée par la Russie. Le Canada peut toutefois être un joueur actif sur le marché mondial du carbone sans avoir besoin d'une seule tonne russe. De nombreuses entreprises et de nombreux pays investissent actuellement dans des réductions d'émission concrètes et vérifiées par le biais du mécanisme pour un développement propre.
    En faisant des investissements judicieux, le Canada pourra se rapprocher de ses objectifs en matière de réduction tout en aidant les pays en développement à réaliser un développement soucieux de la protection du climat.
    Merci.
(1615)
    Merci beaucoup, madame Arroyo.
    Le dernier exposé est celui de Louise Comeau, directrice du Projet climatique Sage. Madame Comeau, vous avez la parole pour dix minutes.
    À l'instar de mes collègues du Climate Action Network, je suis heureuse de cette occasion de vous faire un exposé sur la contribution potentielle de l'échange de droits d'émission à une réduction des émissions de gaz à effet de serre et ce, à un coût raisonnable.
    Je répète une vérité à laquelle toutes les personnes ici présentes adhèrent probablement mais dont la véritable portée n'est pas toujours très bien comprise: avant longtemps, durant la vie de nos enfants, la terre se réchauffera d'au moins deux degrés. Ce n'est apparemment pas beaucoup, mais détrompez-vous. C'est une calamité, une crise environnementale et une catastrophe économique — ou du moins, ce le sera si nous continuons à nous contenter de demi-mesures et à rester indifférents. Si nous savons quelles sont les solutions dont le coût sera cinq fois plus élevé qu'à l'heure actuelle, pourquoi pouvons-nous écarter l'idée de faire tout ce qui est humainement raisonnable pour passer immédiatement à l'action? Comment peut-on, en toute logique, rationaliser le problème au point de faire moins que ce qui sera à coup sûr nécessaire et que ce qui est possible?
    On fait preuve d'un manque de logique flagrant. Cette inexplicable résistance à une participation active du Canada au système d'échange de droits d'émission à l'échelle internationale et nationale est le parfait exemple de ce manque de logique.
    J'aimerais citer trois raisons pour lesquelles les décideurs canadiens doivent de toute urgence avoir recours à un système d'échange de droits d'émission et les politiciens canadiens doivent cesser de tenter de faire de l'échange des droits d'émission un terme banni de notre vocabulaire.
    Premièrement, il est essentiel que nous adoptions un système d'échange de droits d'émission parce que le problème auquel nous faisons face — on peut l'appeler pollution par le carbone — ne se soucie pas le moindrement des frontières nationales. Le changement climatique n'est semblable à aucun autre problème environnemental. La réduction des émissions à l'échelle nationale ne modifiera pas le climat dans le pays comme le ferait une réduction du smog et de la pollution par les pluies acides. Pour la sécurité des Canadiens et pour notre environnement, le Canada a tout intérêt à veiller à ce que les émissions de gaz à effet de serre soient réduites dans le pays et à l'étranger. Comme pour tous les autres problèmes transnationaux de nature, il est essentiel d'adopter une approche internationale. Il est essentiel de mettre en place un système international d'échange des droits d'émission pour faire face à la réalité internationale du changement climatique.
    Deuxièmement, je pense que la raison qui est de loin la plus importante ou, du moins, la plus logique, est que nous ne réaliserons pas des progrès substantiels tant que nous n'aurons pas recours à l'incitatif financier du secteur des affaires. Quand ferons-nous des progrès à coup sûr? Ce sera lorsque les entreprises pourront réaliser des profits en s'abstenant de polluer, et c'est précisément le but de l'échange de droits d'émission. Les entreprises canadiennes qui sont actives à l'échelle mondiale peuvent générer des crédits par l'intermédiaire de leurs activités commerciales courantes. Il n'est pas nécessaire que ces crédits soient achetés. Des entreprises comme SNC-Lavalin, Alcan, Inco et TransAlta, pour n'en nommer que quatre, sont actives à l'échelle internationale et peuvent en profiter de cette façon. Des entreprises comme celles-ci peuvent générer des crédits en apportant des modifications à leurs projets entraînant une réduction des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux prévisions initiales. Ces crédits sont des actifs pour les entreprises canadiennes et peuvent être utilisés pour atteindre les objectifs nationaux ou être vendus pour générer des recettes.
    En faisant du carbone une denrée rare, nous en faisons un bien de grande valeur. L'expérience concrète indique que c'est efficace. Le mécanisme pour le développement propre a des crédits potentiels de 1,8 milliard de tonnes dans ses projets; plus de 500 projets, évalués à 740 millions de tonnes d'ici la fin de 2012, sont déjà inscrits; 32 millions de tonnes de crédits ont déjà été accordées et 37 millions de tonnes attendent l'approbation finale. Plus de 110 méthodologies sont prêtes et d'autres sont en cours d'élaboration.
    Ceux qui prétendent qu'il ne faut pas permettre aux entreprises de compenser leurs émissions par l'achat de crédits ne comprennent pas la situation. On incitera les entreprises à réduire leurs émissions en les plaçant dans un marché dans lequel elles pourront réaliser des profits en maintenant les émissions à un faible niveau. Si ce système est efficace pour les métaux précieux, il peut l'être pour le carbone.
    Enfin, comme l'a signalé le premier ministre, il est essentiel de faire participer non seulement les États-Unis, mais aussi des économies émergentes à forte croissance comme la Chine, l'Indonésie, le Brésil et l'Inde, à la lutte contre le réchauffement planétaire. Ça devrait être bon, je suis entièrement d'accord. Quel autre moyen plus efficace et plus sûr que l'échange des droits d'émission existe-t-il de faire participer ces pays? Dès lors, pourquoi s'y opposerait-on?
    La troisième raison est que l'échange de droits d'émission, tel que proposé dans le contexte du Protocole de Kyoto, pourrait devenir une des principales sources de développement international pour les économies émergentes et pour les pays les plus démunis. Les mécanismes internationaux d'échange comme l'application conjointe et les mécanismes pour le développement propre ont un rôle important à jouer dans les réductions d'émission et dans la mise en place de nouvelles technologies créatrices d'emplois.
(1620)
    En fait, j'ajouterais que le Canada a également intérêt à participer au marché du carbone pour des raisons liées à la politique étrangère, en particulier lorsqu'un projet à faible émissions de carbone contribue à l'atteinte des objectifs internationaux en matière de développement et permet en outre la mise en place d'une technologie canadienne ou augmente la compétitivité du Canada à l'échelle internationale, élargit les échanges commerciaux ou sert de quelque autre façon notre intérêt national, comme dans le cas de la réduction des gaz à effet de serre ou d'un autre type de pollution touchant le Canada par le biais des retombées atmosphériques.
    Il est possible que le Canada prive les entreprises canadiennes de ces débouchés en ne construisant pas l'infrastructure nécessaire pour enregistrer ces permis échangeables. Un objectif national pour l'industrie qui permet la participation aux mécanismes internationaux mais n'inclut pas un registre canadien pour l'enregistrement des transactions internationales priverait notre économie de certaines occasions de développement commercial et de réduction des émissions à l'échelle internationale.
    Le prix des crédits et des allocations de carbone internationaux est un repère important pour la détermination des prix auxquels nous pouvons avoir recours pour évaluer les approches nationales, industrielles ou gouvernementales. Il est clair que les technologies actuelles permettent de réduire les émissions à des prix allant de 10 à 25 $ la tonne. On se demande pourquoi un laissez-passer exempt d'impôt à 2 000 $ la tonne serait une dépense gouvernementale acceptable alors que les entreprises estiment que tout coût supérieur à 15 $ la tonne exige l'adoption de solutions technologiques à long terme.
    Pour inciter les entreprises à investir dans ces technologies actuelles, il est essentiel d'établir un plafond absolu sur le niveau cible de Kyoto, comme l'a proposé dernièrement le Pembina Institute. Le gouvernement doit résister à la tentation de céder aux instances de l'industrie en établissant des objectifs fragiles et à court terme, assortis d'une dépendance excessive d'un fonds pour la technologie pour générer des crédits dits d'air chaud pour la R-D à long terme. Des dispositifs frauduleux comme celui-là entravent un véritable établissement du prix et si les propositions actuelles faites par l'industrie et examinées par le gouvernement sont acceptées, les émissions produites par la mise en valeur des sables bitumineux pourraient augmenter de 180 à 300 p. 100 au cours des dix prochaines années alors que l'intensité des émissions s'améliorerait de 16 p. 100 — mais ce serait plutôt une amélioration à rebours. Les propositions de l'industrie et l'analyse faite par le gouvernement du Canada des options en matière de cibles et des tendances en matière d'émissions résultant de ces options doivent être transparentes et doivent être examinées par des intervenants non concernés ainsi que, à mon avis, par ce comité législatif, avant que des règlements ne soient établis de façon définitive.
    En bref, nous avons l'obligation de mettre de côté les querelles partisanes et de prendre des décisions intelligentes. Il est essentiel que nous mettions en place de toute urgence de nouvelles cibles transparentes en matière de réduction d'émissions industrielles. Il est essentiel, parallèlement, de participer activement à un système d'échange de droits d'émission qui récompensera financièrement les entreprises d'avoir réduit le niveau de leurs émissions. Aucune autre solution n'a un grain de sens.
    Je vous remercie pour votre attention.
(1625)
    J'aimerais que les témoins fassent parvenir leurs mémoires au greffier par la voie électronique, si possible, car ce serait utile.
    Nous entamons le tour de table. Je signale que Mme Arroyo doit s'en aller à 17 heures. Je vous demande donc d'en tenir compte si vous voulez lui poser des questions. Nous sommes pressés par le temps et, par conséquent, je serai très strict. Nous commençons par un tour de sept minutes.
    Monsieur McGuinty, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs, je vous remercie d'avoir accepté de témoigner.
    Je ne sais pas très bien par où commencer.
    Madame Donnelly, je ne pense pas que je vous poserai des questions. Après avoir entendu votre témoignage et celui des autres témoins ainsi que ceux d'autres éminents économistes, je suis en mesure de dire que je ne partage pas du tout votre opinion défavorable à la mise en place d'un système de plafonds et d'échange ou d'un système international d'échange de droits d'émission. En fait, je pense que de tous les groupes qui ont témoigné, le vôtre est le seul qui continue de penser que c'est un système à éviter.
    Pour le compte rendu et pour l'information de nos invités, je voudrais revenir aux annonces qui ont été faites par le gouvernement, à savoir que nous ne participerons pas au marché international du carbone. Il l'a confirmé quatre fois d'affilée. Les membres de l'opposition ont beaucoup de difficulté à comprendre comment c'est possible et ce, à bien des égards. Nous avons entendu les commentaires du porte-parole de la Bourse de Montréal et nous avons vu le mémoire qui a été envoyé au premier ministre et au ministre de l'Environnement par Richard Nesbitt, de la Bourse de Toronto, le 21 décembre, conseillant au gouvernement et le priant de ne pas adopter une telle position. Pourtant, la nouvelle a été annoncée.
    Reprenons maintenant un ton plus positif et cessons de prêter attention aux rumeurs selon lesquelles, si nous tentons d'atteindre les objectifs de Kyoto, l'économie canadienne risque de s'écrouler, comme celle de l'URSS; c'est le type d'alarmisme dans lequel versent de nombreux commentateurs canadiens. Je m'adresse maintenant plus spécifiquement à M. Marcu.
    Monsieur Marcu, il y une ligne dans votre exposé que vous n'avez pas lue. Je ne pense pas que vous l'ayez fait volontairement, mais vous l'avez sautée. La voici:
Le débat sur la nature et la difficulté des objectifs est secondaire — la véritable réussite du programme américain sur l'assainissement de l'air réside dans la capacité du marché d'engendrer une conformité supérieure aux limites prescrites.
    Vous avez également mentionné les études qui ont été faites dans le sillage de l'expérience du Clean Air Act américain pour nous démontrer que, sous ce régime, le coût de la réduction — contrairement à un laissez-passer exempt de taxe, par exemple, qui, comme on vient de nous le rappeler, coûte 2 000 $ la tonne — a en fait étonné les économistes, par rapport au coût de la réduction du dioxyde de soufre et d'autres gaz produisant les pluies acides.
    Pouvez-vous aider les Canadiens à comprendre ce que signifie « engendrer une conformité supérieure aux limites prescrites »?
(1630)
    Cela signifie tout simplement que l'on fait davantage que ce qui est prescrit en raison du profit que l'on en tire. L'approche du système des plafonds et des échanges axé sur le marché devrait éveiller l'esprit d'initiative en toute personne d'affaires à laquelle un plafond a été imposé et la pousser à réduire davantage ses émissions qu'elle serait tenue à le faire pour rendre son entreprise plus efficiente sur le plan énergétique et sur celui du procédé utilisé. Du même coup, cette personne éliminera les émissions de gaz à effet de serre parce qu'elle peut monnayer ces émissions. Elle peut comparer le coût d'investissement dans les procédés de réduction au prix obtenu pour ces réductions sur le marché.
    Par conséquent, il s'agit d'une simple analyse de rentabilité. Cela n'a rien de magique.
    Dans le document que je vous ai remis, vous voyez les chiffres de l'American Electric Power. Ces chiffres indiquent que les émissions permises entre 1995 et 1999 étaient de 33,2 millions de tonnes mais, en fait, elles n'ont été que de 26,2 millions de tonnes, pour un profit net de 7 millions de tonnes de dioxyde de soufre.
    Or, il s'agit d'une réduction considérable, et elle n'est pas l'oeuvre d'un écologiste, mais d'une entreprise qui est un des plus grands émetteurs de carbone aux États-Unis.
    Je pourrais peut-être aborder maintenant un autre thème qui se dégage de vos exposés. Il s'agit de réfuter la conception erronée que cela provoquerait un exode de plusieurs milliards de dollars vers la Russie — sur le marché noir, ni plus ni moins, paraît-il. Je pense que de telles affirmations sont trompeuses et qu'elles font croire aux Canadiens que c'est bel et bien l'enjeu.
    Je voudrais passer à la question des compensations; je m'adresse plus particulièrement à Mme Arroyo.
    Madame Arroyo, vous avez fait plusieurs allusions à toute l'énergie qu'on investit actuellement au Canada dans la lutte au changement climatique. Je pense qu'il est juste de dire qu'il a fallu beaucoup de temps au président actuel pour accepter la science du changement climatique.
    J'essaie de comprendre cette question des compensations. Vous avez mentionné qu'il fallait s'assurer qu'elles soient réelles, quantifiables et vérifiables et Mme Comeau a également signalé que la vérifiabilité était essentielle. M. Marcu en a parlé aussi. Je pense qu'il a dit que 147 entreprises participaient actuellement.
    Madame Arroyo, que pense-t-on actuellement à Washington de la vérifiabilité? Pourriez-vous alors nous aider à comprendre ce qu'on pense actuellement aux États-Unis de la participation à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques après 2012?
    Merci pour la question.
    Comme je l'ai déjà signalé, les compensations suscitent beaucoup d'intérêt. J'examine certains des documents que j'ai sous les yeux et la plupart d'entre eux, comme le projet de loi Bingaman, le projet de loi des sénateurs Feinstein et Carper — qui est davantage axé sur le secteur de l'électricité —, le projet de loi McCain et Lieberman que j'ai déjà mentionné, et d'autres projets de loi, permettent le recours aux droits d'émission à titre de mécanisme d'économie sur les coûts. Dans certains cas, des critères sont déjà fixés dans certaines catégories dans lesquelles on estime que les émissions sont vérifiables de façon plus plausible. Il y a la séquestration biologique; les compensations industrielles ne sont pas prévues, par exemple, dans le premier programme et on peut donc s'intéresser aux secteurs non inclus; certaines pratiques de gestion forcée; et même des crédits internationaux par l'intermédiaire d'un mécanisme comme le mécanisme pour un développement propre ou d'un mécanisme comparable qui permettrait de vérifier les émissions. De nombreuses personnes envisagent ces mécanismes, car ce sont des outils de limitation des coûts. Certaines entreprises, du type de celles avec lesquelles collabore le Business Environmental Leadership Council, apprécient le recours aux échanges de droits d'émission.
    Merci.
    La plupart d'entre elles appuient en outre l'idée du réengagement des États-Unis après Kyoto. Nous constatons qu'une politique fédérale obligatoire est essentielle. Il est essentiel que les États-Unis prennent une initiative plausible et concrète. Nous espérons que ce serait le prélude à une démarche constructive après la première phase de Kyoto.
(1635)
    Je vous remercie, madame Arroyo.
    Nous devons maintenant donner la parole à M. Bigras.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    D'abord, je pense que le panel d'aujourd'hui est probablement l'un de ceux qui regroupent les meilleurs experts dans le domaine des systèmes d'échange de droits d'émissions. Je pense que c'est tout à l'honneur du comité.
    Monsieur Delbeke, de la Commission européenne, sera heureux parce que je vais citer un paragraphe d'un document de 2005 de la commission intitulé « L'action du l'UE pour lutter contre le changement climatique». À la page 6 de ce document, on dit:
Le système devrait permettre à l’UE de respecter les objectifs de Kyoto pour un coût annuel compris entre 2,9 milliards et 3,7 milliards d’euros, ce qui représente moins de 0,1 % de son produit intérieur brut (PIB). Pour respecter des objectifs similaires en l’absence d’un tel système, il faudrait débourser 6,8 milliards d’euros par an.
    Monsieur Marcu, est-ce que cette évaluation faite par l'Union européenne n'est pas la démonstration que le système d'échange de droits d'émissions constitue un instrument puissant pour lutter contre les changements climatiques? Est-ce que cela ne vient pas renverser tous les scénarios catastrophiques, entre autres ceux qui ont été mis de l'avant par le gouvernement depuis plusieurs mois et quelques années, selon lesquels l'économie canadienne risquerait de s'effondrer?
    Je vous remercie de votre question, monsieur Bigras. J'aimerais vous répondre en français, mais j'hésite à le faire. Je vais donc vous répondre en anglais.

[Traduction]

    En ce qui concerne l'efficacité du système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne, ce système est la pierre angulaire de l'édifice — et je réponds pratiquement pour M. Delbeke. Il est clair que nous le considérons actuellement comme une expérience réussie. Ce n'est pas une expérience qui fut totalement dénuée de problèmes. M. Delbeke et moi avons été alternativement en accord et en désaccord au cours des années. C'est en tout cas un marché qui est efficace; le système et le marché ont été mis en place en un temps record. Cela ne fait absolument aucun doute. Ce système incite les entreprises à réduire leurs émissions et provoque un changement de mentalité dans les conseils d'administration des entreprises européennes. Les membres du conseil d'administration de la RWE, de la Shell, de la BP ou de la Endesa suivent le cours du carbone quotidiennement et prennent des décisions en se basant sur ce prix.
    Est-ce une méthode efficace pour provoquer le changement? Oui, très efficace.

[Français]

    Merci.
    Ma deuxième question s'adresse à M. Delbeke, de la Commission européenne. Vous savez probablement que le Canada s'apprête à adopter des cibles de réduction basées sur l'intensité et non pas sur l'absolu.
    Quelle reconnaissance l'Europe accorderait-elle à un système d'échange de droits d'émissions canadien basé sur l'intensité de la réduction plutôt que sur l'absolu?

[Traduction]

    Je pense avoir fait remarquer dans mon introduction qu'on tenait actuellement de longues discussions en Europe sur l'opportunité d'établir des cibles absolues ou des cibles d'intensité. Nous en sommes arrivés à la conclusion que les cibles absolues créaient un système capable d'une beaucoup plus grande simplicité et offrant des incitatifs beaucoup plus directs aux exploitants.
    Si vous me permettez de faire le rapport avec le commentaire précédent concernant le potentiel de rentabilité du régime que nous avons créé en Europe, nous avons eu de nouvelles estimations. Les nouveaux chiffres estimatifs qui ont été adoptés à l'occasion du document de 10 janvier que j'ai présenté la dernière fois indiquent que les économies de coûts sont au moins aussi élevées que celles qui ont été mentionnées et qu'elles dépendent dans une très large mesure du champ d'application du système, c'est-à-dire de sa portée.
    Par conséquent, l'établissement de liens avec d'autres systèmes est un facteur clé de la diminution des coûts en Europe voire, d'après nos études, à travers le monde. Par conséquent, il nous semble que des systèmes compatibles soient un élément essentiel pour l'avenir.
    Merci.
(1640)

[Français]

    Merci.
    Ma troisième et dernière question s'adresse à M. Bertrand.
    À la page 8 de votre document, vous parlez de l'importance de créer une demande, et donc de mettre en oeuvre un régime de réduction des émissions de GES pour l'industrie.
    Estimez-vous que des cibles de réduction basées sur l'intensité faciliteraient la mise en place d'un marché du carbone au Canada ou auraient plutôt pour conséquence de le complexifier, comme M. Delbeke vient de le dire?
    Merci, monsieur le président.
    Nous pensons qu'un système basé sur l'intensité ajouterait un autre élément d'incertitude sur le marché.
    Maintenant, quelqu'un pourrait argumenter qu'il est bon d'avoir un autre élément d'incertitude dans un marché de produits dérivés, parce que, ultimement, on fonctionne sur des prémisses de volatilité et d'incertitude. Cependant, dans ce cas-ci, afin de s'assurer qu'il y ait une liquidité profonde, si le gouvernement offrait plus de clarté et de certitude aux compagnies qui doivent réduire leurs émissions de GES, le marché serait beaucoup plus efficace, plus profond et plus transparent. C'est notre impression.
     Sans aucun doute, nous préférerions que le marché repose sur une base d'absolu. Nous avons tenté de faire une analyse de ce que serait la dynamique du marché si on adoptait des cibles de réduction basées sur l'intensité, et nous croyons que de telles cibles constitueraient un autre élément d'incertitude pour les usagers. À notre avis, cela pourrait gêner la liquidité à long terme.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Dewar, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins, ceux qui sont ici et ceux qui sont à l'étranger.
    Un des sujets dont nous avons discuté, et qui a été en tout cas abordé par Sir Nicholas Stern et par d'autres personnes, est celui du coût de l'inaction. La plupart des questions dont nous discutons sont liées à des coûts bien réels et ce sont ces coûts que nous essayons de comprendre.
    Je m'adresse à vous, monsieur Bertrand. Je voudrais vous demander quels sont les coûts de l'inaction. Nous avons entendu différents chiffres à ce sujet.
    Hier, nous avons appris que le gouverneur Schwarzenegger — et je pense qu'un des témoins nous l'a signalé également — avait annoncé que cinq États de l'ouest des États-Unis signaient un protocole d'entente concernant l'établissement d'un système régional de plafonds et d'échange de droits. Il y a en outre les échanges de carbone qui sont déjà en cours. Nous avons entendu parler de l'Europe et de Londres. Nous avons aussi appris que le gouvernement des États-Unis passait à l'action.
    J'aimerais que vous donniez votre point de vue sur le coût pour le Canada et que vous indiquiez ce que le Canada et les entreprises canadiennes pourraient perdre en restant à la traîne. En d'autres termes, qu'est-ce que cela nous coûterait si nous ne participions pas à ce système qui est adopté dans tous les autres pays, aussi bien en Amérique du Nord qu'en Europe et, en fait, à travers le monde?
    Je dois avouer qu'on a beaucoup de difficulté à citer un chiffre concret. Je pense que si nous n'agissons pas au Canada, la pire tragédie sera que le marché ira ailleurs. C'est cela, la conséquence. Comme je l'ai expliqué dans mon exposé, ce sera soit un marché hors bourse, qui est un marché opaque... C'est une affaire interbanque et personne ne sait vraiment ce qui se passe; c'est un marché colossal dans le secteur des instruments financiers dérivés. Ce serait trop dommage, car le marché hors bourse est en fait un marché pour les grands intervenants et, par conséquent, les petits émetteurs qui se sentiraient obligés de faire quelque chose, pour toutes sortes de raisons — peut-être parce qu'ils craignent qu'un autre pays n'use de représailles ou pour faire face à une situation future — n'auraient pas accès à un mécanisme d'établissement des prix transparent. Nous compromettrions alors les chances des entreprises de tout un segment de notre secteur qui n'auraient pas accès au marché hors bourse.
    Je pense que le véritable coût serait un exode à l'étranger. Les entreprises canadiennes iraient voir ailleurs.
    Vous avez probablement déjà vu plusieurs articles signalant la croissance extraordinaire enregistrée au cours des dix dernières années dans le secteur des instruments dérivatifs. Il y a une raison derrière cette croissance. Elle est due au fait que les instruments dérivatifs sont devenus un pilier d'une méthode de gestion des risques, non seulement pour les sociétés d'assurance-vie, les caisses de pensions et les sociétés de fonds mutuels; c'est devenu une pierre angulaire de la gestion des risques pour les directeurs financiers et les trésoriers des entreprises. Ils y ont recours parce que c'est rentable, sinon, ils ne s'y intéresseraient pas, car cela devient très complexe.
    Je pense qu'il est juste de dire que la gestion des coûts liés aux gaz à effet de serre, par l'intermédiaire d'un marché efficace des instruments dérivés que nous pourrions mettre en place, pour autant que le gouvernement fédéral nous procure l'environnement réglementaire adéquat, serait, pour les entreprises canadiennes, un outil supplémentaire de gestion des risques associés à cette activité.
(1645)
    Quelle est l'importance des liens avec le marché de Chicago et avec d'autres marchés qui sont établis actuellement? Nous ne pouvons pas rester isolés.
    Je pense que la deuxième erreur la plus grave que nous puissions faire serait de ne pas mettre en place une infrastructure qui permettrait la fongibilité, c'est-à-dire que les produits pourraient être fongibles avec les produits américains ou européens ou avec ceux d'autres pays; que nos critères seraient différents; que notre système de certification serait différent, etc. Je sais que notre système ne peut pas être totalement fongible avec celui d'un autre pays ou entièrement analogue, mais s'il était très différent, nous désavantagerions nos entreprises par rapport aux entreprises non canadiennes avec lesquelles elles sont en concurrence.
    Monsieur Marcu, estimez-vous qu'il est important d'agir immédiatement, sans plus attendre, et quels seraient les coûts de renonciation si nous n'agissions pas maintenant?
    J'ai témoigné devant d'autres comités et commissions, notamment devant la commission de M. Delbeke, dans le cadre d'une étude intitulée « Environnement, compétitivité et énergie »; M. Delbeke examine les interactions de ces trois éléments. Un système d'échange de droits d'émission fondé sur un mécanisme axé sur le marché est un autre outil qui permettrait d'aider les entreprises à rester concurrentielles à l'échelle mondiale, dans un contexte de restrictions sur l'utilisation du carbone; ce n'est pas si simple que ça. Actuellement, les entreprises européennes et les entreprises canadiennes ont accès à ce type de système; les entreprises canadiennes n'agissent pas parce qu'elles n'ont pas d'information sur la nature du système réglementaire.
    Lorsque je travaillais pour Hydro Ontario il y a des années, nous avions commencé à agir puis nous avions arrêté. TransAlta avait commencé puis a arrêté, et de nombreuses entreprises canadiennes aussi. Nous avions une position de chef de file dans ce domaine, mais nous l'avons perdue en raison de notre inaction.
    C'est regrettable, car ce sera un choix. Le gouvernement britannique a accordé une subvention de deux ou trois cents millions de livres pour s'assurer que Londres soit le centre des échanges... Si c'est le centre des échanges — tout ce qu'on veut faire dans le domaine des échanges de carbone —, le gouvernement britannique n'a certainement pas fait ça par pure gentillesse; c'est parce qu'il sait que c'est un produit stratégique. Pourquoi Montréal ou Toronto ne deviendrait-elle pas le centre pour l'Amérique du Nord?
    Par conséquent, le coût de l'inaction est que nous resterions à la traîne et que nous tenterions de rattraper le retard un peu trop tard.
    J'hésiterais à adopter le système préconisé par Nicholas Stern, mais j'adopterais le système du gouvernement des Pays-Bas qui a complété son programme d'achat à des prix nettement inférieurs aux prix d'achat actuels. Je le rappelle, c'est une question de rapidité à laquelle on se lance dans ce marché.
    Je voudrais poser une petite question à mes amis de Bruxelles. J'aimerais savoir quelle est la valeur actuelle du marché, quelle est la valeur du marché tel que vous le connaissez, et quelles seraient les opportunités pour nous.
    Le prix au comptant actuel est d'un euro pour les droits d'émission échangés cette année, mais ce qui est le plus important, comme j'ai essayé de l'expliquer, c'est que les attentes et les prix à terme sur le marché pour la période de Kyoto sont actuellement d'environ 15 euros, et on prévoit qu'ils augmenteront. Par conséquent, les premiers arrivés sont les mieux servis.
    Merci, monsieur Delbeke.
    Je donne maintenant la parole à M. Warawa, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation.
    Nous n'avons pas beaucoup de temps et, par conséquent, j'irai droit au but.
    Je voudrais poser une question à Mme Donnelly au sujet des moyens de négociation du Canada dans les négociations internationales. Avant cela, j'aimerais toutefois vérifier une chose. Je lis le témoignage que vous avez fait devant le comité chargé du projet de loi C-288, le 5 décembre. Vous représentiez GEMCo et vous avez signalé alors que c'était le plus gros acheteur de crédits de carbone au Canada et le troisième à l'échelle mondiale. Est-ce toujours vrai?
(1650)
    Dans le premier cas, c'est toujours vrai, mais dans le deuxième, ce ne l'est probablement plus.
    Bien, mais vous êtes le plus gros au Canada.
    Oui.
    Bien, merci.
    Plusieurs témoins ont fait des commentaires au sujet de la disponibilité du marché du carbone. Le marché du carbone fait partie de la Loi sur la qualité de l'air.
    Je voudrais faire un bref commentaire qui s'adresse à tous les témoins. Je vous encourage à faire des recommandations au comité. Je vous remercie pour les mémoires écrits que nous avons reçus, mais la plupart d'entre eux ne contiennent pas de recommandations qui pourraient nous aider à renforcer le projet de loi C-30, car c'est notre but.
    Mark Jaccard, professeur à la Simon Fraser University, est une des personnes qui ont témoigné. Il a signalé que l'achat de crédits est une option dont on discutait beaucoup — et c'est précisément là-dessus que portent les discussions aujourd'hui — mais qu'on ne comprenait pas très bien. Il a dit ceci:
L'achat de crédits dans un délai de quatre ans est pratiquement impossible car il faut les acheter à quelqu'un. Quelqu'un quelque part doit avoir réalisé des réductions de gaz à effet de serre et il faut que nous soyons capables de vérifier ces réductions. C'est très complexe.
    J'aimerais lire un paragraphe de certains des commentaires qui ont été faits lorsque vous avez témoigné devant le comité, le 5 décembre. Ces commentaires concernent la situation dans laquelle nous nous trouvons.
    Nous reconnaissons tous que le but final est de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour faire face au changement climatique. M. Delbeke a parlé du même but ultime, mais le système d'échange de droits d'émission dont le Canada fait partie — le marché international, le marché national, le marché disponible — est-il équitable?
    Vous avez fait le commentaire suivant:
À Kyoto, durant le premier cycle, la Zone européenne de libre-échange (ZELE) a négocié une portion de la Upper Atmospheric Reserve qui dépassait de 7,7 p. 100 la capacité d'émissions de GES de la ZELE au moment des négociations; le Canada, par contre, a accepté un quota national qui était inférieur de 13,3 p. 100 à sa capacité d'émissions de GES au moment des négociations. D'une façon générale, le Protocole de Kyoto a engendré des quotas de GES dépassant de 14 p. 100 la capacité des émissions de GES des pays concernés en 1997. Près de 170 pays ont ratifié le Protocole de Kyoto. Lorsqu'on considère la ZELE comme un bloc, le nombre de pays n'est plus que de 140, dont trois seulement — le Canada, le Japon et la Nouvelle-Zélande — ont accepté des quotas de GES inférieurs aux émissions de GES prévues pour la période de 2008 à 2012. Dans l'accord initial de 1997, deux autres pays — les États-Unis et le Japon — avaient accepté des quotas de GES inférieurs aux émissions prévues pour 2008-2012. En novembre 1998, prenant conscience de leur erreur, les négociateurs américains ont signalé à l'UE et aux autres parties que les États-Unis ratifieraient le traité à la seule condition que l'UE accepte de renégocier une répartition plus équilibrée des quotas. L'équipe américaine avait donné à l'UE jusqu'au 31 décembre 2000 pour reprendre les négociations. L'UE a refusé. Deux ans plus tard, les négociateurs australiens ont annulé leur participation au traité, car ils avaient constaté également que la répartition des quotas de GES était inéquitable dans le contexte de Kyoto.
    Est-ce toujours le cas? Quel pouvoir le Canada a-t-il d'influencer les négociations internationales pour que nous puissions travailler dans le contexte d'un marché équitable?
    Notre pouvoir de négociation est énorme, car il s'agit d'un marché mondial regroupant 160 pays et trois acheteurs seulement. On nous supplie de toutes parts de participer au marché, car ces pays n'ont personne à qui vendre, sauf nous. Sans notre participation, le marché est inexistant, ce qui signifie que nous pouvons le réorganiser de façon à ce que ce soit un marché des émissions de gaz à effet de serre efficace.
    Je voudrais vous répondre et signaler rapidement par la même occasion ceci à M. McGuinty. La situation que vous venez de décrire est toute la raison pour laquelle les experts reconnaissent avec moi qu'un système de plafonds et d'échange n'est pas la solution. Vous pourriez les inviter à témoigner. Il s'agit notamment de Alan Greenspan, M. Robert Shapiro et du gouverneur Arnold Schwarzenegger, qui ont signé en décembre un projet de loi ne prévoyant pas de plafonds et d'échange, mais uniquement des standards pour les produits. Les premières personnes à rejeter un système de plafonds et d'échange et à proposer les standards sur les produits comme stratégie réglementaire environnementale de premier plan étaient le gouverneur Bill Weld et Paul Cellucci, qui était alors lieutenant-gouverneur.
    Si vous voulez vendre de l'essence au Massachussets ou en Californie, on vous fera savoir que dans ces États, vous êtes responsable de vos émissions et que vous devez vous conformer aux règles applicables aux commerces de détail. Un système de plafonds et d'échange sera peut-être introduit plus tard, mais si on instaurait un tel système sans mettre en place des standards sur les produits, cela reviendrait à adopter un règlement sur du carburant diesel à ultra-faible teneur en soufre obligeant les raffineries à produire du carburant diesel à faible teneur en soufre mais permettant aux stations-service de continuer à vendre du diesel à teneur élevée en soufre. On impose d'abord un standard sur le produit et cela revient à signaler aux stations-service qu'elles doivent vendre du diesel à faible teneur en soufre de telle sorte que les raffineries aient quelqu'un à qui vendre leur diesel à faible teneur en soufre lorsqu'elles seront forcées de le produire.
(1655)
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste 45 secondes.
    Lorsque vous avez témoigné précédemment, vous avez également signalé que si nous ne voulions pas acheter ces crédits du Mécanisme pour un développement propre (MDP), 51 p. 100 de ces crédits serviraient à acheter une substance illégale, à savoir le HCFC-22. Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet?
    J'ai vérifié à nouveau ce matin, et 51 p. 100 des réductions certifiées des émissions sur le marché du mécanisme pour un développement propre sont des RCE imposées aux usines qui fabriquent du fréon, uns substance qui est considérée comme extrêmement dangereuse pour l'environnement et dont la fabrication est devenue illégale au Canada. Il sera illégal d'en importer au Canada en 2010.
    Je voudrais faire un autre commentaire, à savoir que 18 p. 100 des RCE qui ont été attribuées à des projets participant au programme du mécanisme pour un développement propre ont été imposées aux producteurs de porc d'Amérique du Sud qui élèvent en moyenne une centaine de milliers de porcs par exploitation. On leur attribue des RCE parce qu'on a imposé des plafonds sur certains bassins en 2001 et que l'entreprise qui vend ces RCE est la plus grosse menace concurrentielle qui pèse sur les producteurs de porc canadiens. Je refuse d'augmenter mes tarifs d'électricité pour que les producteurs de porc canadiens subventionnent une entreprise qui est leur principal concurrent stratégique.
    Une voix: Bravo.
    Merci, madame Donnelly.
    Madame Arroyo, le temps passe et vous pouvez vous arranger pour partir quand vous voudrez. Merci d'avance.
    Monsieur Godfrey, pour cinq minutes.
    J'aimerais vous adresser cette question, madame Comeau. Avez-vous des remarques à faire sur le dernier commentaire de Mme Aldyen Donnelly?
    J'avoue ne pas comprendre les commentaires concernant les échanges de droits d'émission en Californie. Il s'agit simplement d'une initiative prise par cinq États qui a été annoncée hier, et je pense par conséquent que le gouverneur Schwarzenegger va de l'avant en ce qui concerne l'échange de droits d'émission.
    Pour ce qui est du HCFC-22 et, par conséquent, des autres types d'HCFC, ce sont des gaz à effet de serre très polluants et, à court terme, leur destruction est une contribution très importante. Leur destruction est tout aussi légitime et très vérifiable du point de vue du marché et, par conséquent, je ne comprends pas pourquoi nous rejetterions cette option. Il s'agit en fait d'une occasion à court terme et, compte tenu de la capacité de les quantifier et de leur potentiel considérable en tant que gaz à effet de serre, nous devrions adopter ce système.
    Je m'adresse à M. Delbeke. N'importe quel des témoins pourrait répondre, en fait. Est-il vrai qu'il y a 168 pays et trois acheteurs seulement?
    J'ai été étonné en entendant cela pour la raison suivante. Dans l'Union européenne, nous constatons la présence de nombreux acheteurs et de nombreux vendeurs. Il ne faut pas s'appliquer avec trop d'acharnement à déterminer quel pays est acheteur ou quel pays est vendeur. Le commentaire qui a déjà été fait au sujet de la rentabilité, c'est que les entreprises peuvent vendre et acheter en cherchant l'option la moins coûteuse.
    En ce qui concerne les chiffres qui ont été cités au sujet de l'UE, celle-ci a réduit ses émissions en termes absolus et elle prévoit des réductions de jusqu'à 8 p. 100 d'ici 2012 et jusqu'à 20 p. 100 en 2020. L'engagement est là et, actuellement, nos émissions ont déjà été ramenées à un niveau inférieur à celui qu'elles atteignaient.
    Si vous me permettez de profiter de l'occasion, monsieur le président, à propos du projet concernant le HFC-23 en Union européenne, nous faisons une distinction très nette entre, d'une part, la remise à neuf d'usines existantes en Chine — ce qui est très utile, car il s'agit de vieilles usines — et, d'autre part, la construction de nouvelles usines incluant ce type d'équipement. Il faut adopter une technologie de pointe dans le cadre des nouveaux investissements, et je pense que cela justifie le choix de la remise à neuf plutôt que la construction de nouvelles usines dans le cadre de projets relevant du MDP.
    Merci.
(1700)
    Monsieur Marcu.
    Oui. En outre, cette substance est régie par tous les plans. Il s'agit d'un gaz à effet de serre très puissant, mais ce n'est pas une substance illégale. Elle est régie par le Protocole de Montréal. Il ne s'agit pas d'une substance illégale et, par conséquent, elle n'est pas aussi répandue sur le marché qu'on semble l'indiquer.
    Une voix: En vertu de la loi canadienne...
    M. Andrei Marcu: Permettez-moi de terminer, monsieur le président...
    Si vous examinez certaines des diapositives que je vous ai remises, vous constaterez que plusieurs gouvernements et entreprises achètent ceci. Je signale qu'en fait, la plus grosse partie de l'argent qu'on trouve sur le marché à ce stade-ci... Il s'agit d'environ 3 milliards de dollars, venant de Morgan Stanley, Goldman Sachs. Beaucoup de fonds américains sont transigés sur ce marché actuellement. Par conséquent, il n'y a pas que trois acheteurs; il y a Endesa, RWE, le gouvernement espagnol, le Fonds européen de carbone et la Banque mondiale... Il y a de nombreux acheteurs sur ce marché.
    M. Delbeke est-il toujours en ligne?
    Monsieur Delbeke, pourriez-vous nous donner une idée approximative du pourcentage de l'engagement total pris par l'UE pour 2008-2012, dans le contexte du Protocole de Kyoto, qui sera respecté par l'achat dans le cadre du MDP ou de l'application conjointe?
    Il faudra voir, bien entendu, comment le marché évolue, mais nous prévoyons qu'environ 80 p. 100 des changements seront réalisés dans les entreprises européennes de l'UE. C'est ce que nous prévoyons actuellement.
    Je donne la parole à M. Jean, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais poser une toute petite question à M. Marcu. Monsieur Marcu, je sais que certains de vos membres n'appuient pas votre position en ce qui concerne les échanges. Est-il juste de dire que vos membres canadiens ne l'appuient pas?
    Monsieur Jean, notre position a été approuvée à l'unanimité, après consultation, par les membres du groupe de travail canadien de l'IETA, incluant Shell Canada, Nexen, TCPL — Trans-Canada PipeLines —, Ontario Power, Alcan, Holcim, Ciment St-Laurent, Lafarge... La liste est longue.
    Suncor, Ontario Power et d'autres entreprises n'appuient pas votre position en ce qui concerne les échanges. Ce n'est pas une position unanime.
    Je ne suis pas d'accord, monsieur Jean.
    Madame Donnelly, j'aimerais avoir d'autres informations. Vous alliez faire quelques commentaires sur le Protocole de Montréal et sur les émissions qui sont illégales dans notre pays.
    En vertu du Protocole de Montréal, les pays développés ont accepté de supprimer progressivement la production de fréon utilisé comme réfrigérant d'ici 2010. Nous avons fixé des réductions progressives: on ne peut pas produire plus cette année que l'année dernière. Les importations et la fabrication de fréon au Canada ont en fait cessé en 2002 alors que ce n'était pas obligatoire avant 2010.
    Actuellement, 50 p. 100 du fréon fabriqué dans le monde est fabriqué aux États-Unis d'Amérique. En vertu des engagements qu'ils ont pris dans le contexte du Protocole de Kyoto, les États-Unis ont décidé de supprimer complètement cette capacité de production pour 2010.
    Pendant les trois années précédant la période durant laquelle le bureau du MDP-AC a accordé les crédits aux fabricants asiatiques, les substituts plus récents de ce réfrigérant s'étaient implantés sur le marché et les ventes mondiales de fréon étaient en chute libre. Lorsque le bureau du MDP-AC — et je ne considère pas que ce soit une conspiration — a décidé d'accorder des crédits aux propriétaires des usines de fréon en Asie, ceux-ci fabriquaient des CFC et avaient décidé de fermer sous peu leurs usines, de fabriquer de nouveaux réfrigérants durables ou d'adopter le fréon.
    Vous pouvez examiner les rapports. Les plus grosses usines d'Asie ont triplé leurs bénéfices depuis qu'elles se sont mises à vendre des unités de réduction certifiée des émissions. Elles réalisent un profit de 2 $ sur les ventes d'URCE par dollar de recette qu'elles réalisent sur les ventes de fréon. Aux États-Unis, l'EPA indique que les émissions de gaz à effet de serre vont augmenter de trois milliards de tonnes au cours des dix prochaines années en raison de cette décision.
    Je comprends parfaitement, et votre position est très originale, à vrai dire.
    Nous avons entendu des commentaires sur un système d'échange national ou régional et sur un système d'échange international. J'aimerais connaître les avantages et les inconvénients d'un système d'échange national, continental ou international. À mon avis, et d'après les commentaires de certains témoins, il semblerait qu'un système national, quoiqu'il ne permettrait peut-être pas de créer un marché suffisamment vaste, ferait avancer la technologie et produirait des résultats beaucoup plus rapidement au Canada.
    J'aimerais connaître votre opinion sur ces trois options. Par système continental, j'entends un système qui engloberait le Mexique, les États-Unis et le Canada, marché qui serait peut-être assez vaste.
    Je suis d'accord avec ce que vous avez dit, malgré les avis contraires. Tout ce que je recommande, c'est que nous fassions exactement ce que la Californie a fait par le biais d'une loi. Par conséquent, si vous voulez ma version du projet de loi C-30, il suffit de reprendre le Bill AB-32 et d'y apporter de légères modifications.
    Je recommande quelque chose qui, sur le plan fonctionnel, pourrait être un marché Canada-Californie-Nouveau-Mexique-Massachusetts, le 1er janvier 2009. Cependant, si nous l'avions su, nous nous serions mis à faire des échanges sur ce marché dès hier après-midi.
    Un marché contingenté est un système de gestion de l'offre. Lorsqu'on crée un marché sur lequel on échange des quotas, il s'agit d'un marché contingenté. Dans ce cas, on est confronté à tous les problèmes que peut poser un marché contingenté international. Les gouvernements attribuent des quotas à qui ils veulent, et il faut décider ensuite si on aime le quota d'un vendeur et si l'on n'aime pas celui d'un autre vendeur.
    Si l'on opte pour les standards sur les produits, tous les participants rendent compte de leurs émissions à l'intérieur du pays dans lequel a lieu l'utilisation finale de l'énergie, et tous les crédits sont des crédits bien réels. La Californie va opter pour cette formule et tous ceux qui vendront à la Californie devront se conformer de toute façon aux règles de cet État. Je suggère donc pour commencer de créer un marché Californie-Canada-Nouveau-Mexique-Washington, puis de l'élargir par la suite.
(1705)
    Quelqu'un d'autre aurait-il des commentaires à faire? Je voudrais savoir quels sont les avantages et les inconvénients des systèmes d'échange national, continental ou international.
    Monsieur Bertrand.
    Ce n'est pas une question d'avantages et d'inconvénients; la question, c'est qu'il s'agit d'un marché mondial, qu'on le veuille ou non. Si nous ne structurons pas un marché ou ne permettons pas le développement d'un marché sur lequel les émetteurs canadiens seront autorisés à avoir une gamme de produits fongibles avec les autres produits mondiaux, nous les isolerons.
    En fin de compte, j'estime que la meilleure solution serait d'adopter les protocoles les plus normalisés possible par rapport à ceux des autres pays, en ce qui concerne la définition des protocoles et la définition de la nature de ces contrats, de la nature des réductions de dioxyde de carbone que nous voulons obtenir.
    Ce qui me préoccupe, c'est que, si nous ne passons pas à l'action, nous encouragerons le marché à s'établir dans un autre pays, et tout le monde y perdra, dans ce cas. Il ne s'agit donc pas de savoir si nous aimons cela ou non; ce qui est plus important, à mon sens, ce sont les conséquences de l'inaction.
    Bien. Il est essentiel que nous avancions.
    Monsieur Bigras, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur le modèle européen. Lorsque j'ai lu de la documentation à propos de ce modèle et du marché du carbone, je me suis rapidement rendu compte que le marché était très fragmenté. Il y a six plateformes boursières, ce qui fait en sorte que les bourses offrent des produits très différents. Certaines bourses offrent des contrats au comptant, d'autres, des contrats dérivés. Force est donc de constater que le marché européen est très fragmenté. Or, quand on parle de fragmentation, on parle inévitablement d'augmentation des coûts.
    Quel type de modèle croyez-vous que nous devrions favoriser au Canada? Serait-ce un modèle visant une plus grande concentration boursière ou un modèle similaire à celui adopté en Europe? Malgré un grand potentiel européen, on dit que le marché est très petit en Europe. Est-ce que cela passe par une spécialisation des bourses ou par une plus grande concentration?
    Je ne sais pas à qui adresser ma question.

[Traduction]

    Je répondrai à cette question, si vous voulez bien, monsieur Bigras.
    C'est un marché pour le carbone, c'est un marché des idées et c'est un marché des produits. Il y a plusieurs types de marchés en Europe — je pense qu'il y en a six ou sept, nous ne savons plus très bien combien —, et la plupart d'entre eux sont parmi nos membres qui offrent ce service; diverses entreprises sont membres. Le European Climate Exchange, qui a des liens avec le Marché climatique de Montréal, est actuellement le marché prédominant, mais il en existe d'autres.
    Une certaine rationalisation se produira à un moment ou l'autre sur ce marché, et le nombre d'intervenants sera limité. On continuera à faire des opérations hors bourse et, petit à petit, on y adoptera un modèle de marché dans le cadre duquel on fera des opérations hors bourse et des opérations en bourse. C'est un modèle typique qui existe pour tous les produits.
    Il est normal qu'à ce stade-ci, de nombreuses personnes se lancent sur le marché mais, avec le temps, une rationalisation se produira et il ne subsistera probablement plus qu'un ou deux de ces marchés. Je ne voudrais pas faire de pronostics en ce qui concerne ceux qui survivront. En fait, c'est un nombre élevé, mais c'est un phénomène normal à ce stade-ci.
(1710)
    Monsieur le président, je pense qu'il y aura un regroupement.

[Français]

    Il va y avoir une consolidation des plateformes en Europe. Mais il faut quand même comprendre que le Canada est une petite juridiction sur le plan économique. Il faut être réaliste.
    Également, l'activité au comptoir est déjà importante et va continuer de l'être. Notre défi est de nous assurer que l'on peut bâtir un marché standardisé et transparent, et également accessible à tous les joueurs et à toutes les personnes concernées. La pire chose que l'on pourrait faire en ce moment serait de prendre une décision qui ne serait ultimement favorable qu'à un groupe d'élite d'émetteurs importants.
    Nous proposons une plateforme avec le Chicago Climate Exchange. Nous allons essayer de nous conformer autant que possible aux normes du CCX qui, selon mon pressentiment, sera la plateforme dominante aux États-Unis une fois que le Congrès américain aura tranché cette question. Cela se produira vraisemblablement, parce qu'on a déjà déposé des textes législatifs en ce sens.
    La Bourse de Montréal tente d'harmoniser autant que possible ses pratiques avec celles que l'on retrouve en Europe et aux États-Unis. C'est pour cette raison que nous avons décidé de nous associer avec le CCX. Il y aura une activité au comptant, et c'est compréhensible. Ça peut être un autre marché, par exemple le Toronto Stock Exchange, qui le fait, mais en ce qui concerne l'activité proprement dérivée, ce n'est pas seulement une question de savoir quelle bourse le fait. Il faut que cette bourse puisse aussi offrir la gestion du risque de la contrepartie, soit cette fameuse chambre de compensation dont je vous parlais plus tôt. Il y en a seulement une au Canada, et elle est la propriété de la Bourse de Montréal. Sans cette chambre de compensation, il n'y ara pas de liquidité. Il faut bien comprendre cela.
    Pour répondre à votre question plus précisément, je dirai qu'il continuera d'y avoir un gros marché au comptoir, et on n'y peut rien, mais il faut au moins tenter d'adopter un autre véhicule plus transparent, soit un marché standardisé comme celui de la Bourse de Montréal.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à M. Manning.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais poser une question dans la foulée des questions qui ont déjà été posées à M. Delbeke. Étant donné que vous faites actuellement un examen de vos expériences en ce qui concerne les marchés de carbone en UE, vous pourriez peut-être faire des commentaires plus précis sur les leçons, positives ou négatives, que le Canada pourrait tirer de ces expériences.
    En tout premier lieu, la simplicité et la certitude pour les opérateurs de marchés ont beaucoup d'importance. Nous avons vu qu'un signal à long terme et la stabilité du marché sont d'une importance capitale; par conséquent, un système obligatoire et de plafonds absolus est l'option la plus efficace.
    L'autre volet concerne la question de savoir si le marché est effectivement fragmenté en Europe. Je pense que nous n'avons pas beaucoup concentré nos efforts sur les négociateurs et les institutions de négociation sur les marchés. En fait, nous avons laissé cela au secteur privé. Cependant, en Europe, lorsqu'on échange une tonne de dioxyde de carbone ou une tonne de gaz à effet de serre, il existe un seul prix et le système de base est le même, bien que les institutions soient différentes. Nous considérons cela comme un marché très intégré sur lequel se font des échanges de dioxyde de carbone entre la Lituanie, l'Espagne, la Pologne, l'Allemagne et le Royaume-Uni. C'est pourquoi la simplicité a beaucoup d'importance.
    Merci.
    Merci, monsieur Delbeke.
    Je voudrais poser une question à Mme Donnelly. La qualité de l'air s'est détériorée au Canada au cours des dix dernières années. Nous avons vu de nombreux rapports et de nombreux témoins nous l'ont signalé. Dans une étude récente faite par l'OCDE, le Canada se situe aux tous derniers rangs. Je me demande si vous pourriez faire quelques suggestions pour régler ce problème à court, à moyen et à long terme.
    En ce qui concerne les échanges de droits d'émission, j'appuie les mesures axées sur le marché. Nous devrions passer à l'action immédiatement. La chose que j'aimerais signaler, c'est que si on exploite une raffinerie ou une centrale électrique et qu'il faut se conformer aux normes en ce qui concerne le NOx, le SOx et les particules fines, 80 p. 100 des solutions immédiates au moindre coût à ces difficultés sont des solutions qui font augmenter nos émissions de gaz à effet de serre.
    C'est l'inverse en ce qui concerne les gaz à effet de serre. Si je dois réduire mes émissions de gaz à effet de serre, 80 p. 100 des premières mesures que je prendrai pour les réduire entraîneront également des réductions au niveau des autres mesures. Je suis une adepte convaincue d'une approche axée sur plusieurs polluants, mais si l'on veut faire du bon travail, il faut d'abord faire du bon travail dans le domaine des gaz à effet de serre, car cela entraînera parallèlement une réduction des émissions d'autres polluants dans la mesure où l'argent reste dans le pays, alors qu'en mettant fortement l'accent sur des objectifs à court terme en ce qui concerne le NOx, le SOx et le PM10, on pourrait faire augmenter les émissions de gaz à effet de serre.
    L'autre commentaire que je voudrais faire est le suivant. Alors que j'ai des préoccupations au sujet du marché dans le contexte du MDP, je suis une fervente partisane des échanges internationaux. Nous devrions absolument avoir le droit d'utiliser au Canada des réductions venant d'usines qu'il aurait été légal de construire et d'exploiter au Canada et qui auraient fabriqué des produits dont la vente est légale dans notre pays. C'est un critère facile à adopter dans une règle nationale concernant les crédits internationaux. Si l'on fait cela, je pense qu'on constatera que la plupart des provinces établiront un règlement provincial discriminatoire pour tout règlement mis en place par le gouvernement fédéral, car un dollar exporté à l'étranger est un dollar de moins pour notre PIB et un dollar dépensé dans notre pays nous apporte une amélioration locale de la qualité de l'air et a un rendement multiple de 2,50 $.
    Par conséquent, tout gouvernement qui agit prudemment sera en faveur du maintien du marché au Canada. Il ne s'agit pas de s'opposer de façon absolue aux échanges internationaux. Il s'agit seulement d'établir une règle qui est discriminatoire dans une certaine mesure.
(1715)
    Je donne maintenant la parole à M. Scarpaleggia, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Donnelly, vous avez fait deux commentaires au début de votre exposé. Vous avez dit que l'implantation d'un système d'échanges national pénaliserait en quelque sorte — je ne me souviens pas des termes exacts — les consommateurs d'hydroélectricité et subventionnerait les producteurs, et, je présume, les consommateurs de pétrole et de gaz. Je n'ai pas très bien compris. Pourriez-vous...
    Je suis heureuse que vous ayez soulevé la question. Je précise d'abord qu'il ne faut pas prendre le commentaire que je vais faire pour une critique à l'égard de l'Europe. Si vous examinez les plans d'action nationaux qui ont été proposés pour la période 2008 à 2012 en Europe — et j'ai cité comme exemple, dans mon exposé, des renseignements clés tirés du plan britannique —, ce sont pour la plupart — et je fais la distinction entre le marché britannique des droits et le marché contingenté de Kyoto...
(1720)
    Quelle est la différence entre un marché des droits et... Je ne comprends pas les termes.
    L'Union européenne a créé un marché de droits d'émission distinct de celui de Kyoto, mais légèrement apparenté. Il est juste de signaler qu'entre 2008 et 2012, lorsqu'ils se conformeront à la règle des plafonds et des échanges de l'UE, la plupart des pays européens réduiront leurs émissions de 5 à 7 p. 100 par rapport à ce qu'elles étaient vers 2004. Il est également exact que ce que j'appelle la réserve de quotas de Kyoto de la zone européenne de libre-échange excède d'environ 11 p. 100 les émissions européennes actuelles. Par conséquent, à l'échelle intérieure, l'Europe crée un marché qui fait diminuer les émissions, mais la façon de le faire est une toute autre question que celle des implications du marché de Kyoto pour vous. Ce sont deux questions et deux discussions différentes.
    Pour en revenir au marché européen, qui est efficace — je ne dis pas qu'il est préjudiciable —, la plupart des pays ont réduit d'environ 30 p. 100 les droits d'émission des producteurs d'électricité et ont accordé les allocations habituelles aux entreprises de tous les autres secteurs qui sont de grandes émettrices. Si le Canada participait à ce marché, cela aurait des répercussions, car les droits d'émission que nous attribuons ne sont pas les mêmes qu'en Europe. Le système a beau être efficace pour l'Europe — et je le reconnais —, il ne l'est pas pour le Canada; par conséquent, cela pose un dilemme. C'est une de la dizaine de raisons pour lesquelles nous devons penser à adopter un modèle semblable au modèle californien plutôt qu'un modèle semblable au modèle européen. Ce n'est pas une critique à l'égard du modèle européen. Cependant, les circonstances sont différentes.
    Je pense que lorsqu'on crée un système d'échange, les secteurs qui ont réduit leurs émissions, comme le secteur hydroélectrique ou celui de l'aluminium, devraient en tirer des profits considérables en vendant ces crédits aux autres secteurs qui n'ont pas réduit leurs émissions. Cela représente par conséquent une manne pour des secteurs comme le secteur hydroélectrique.
    Il faut à nouveau faire une distinction. En Europe, les seules entreprises qui sont obligées de réduire leurs émissions pour se conformer sont les compagnies d'électricité. Aucun autre type d'entreprise ne doit réduire ses émissions. Si nous faisions supporter la totalité du fardeau des objectifs nationaux aux sociétés d'électricité canadiennes et n'obligions pas les producteurs pétroliers et gaziers à réduire leurs émissions, nous taxerions en fait les Canadiens pour leur droit de consommer de l'énergie produite au Canada. Je n'ai pas besoin de vous faire un exposé des conséquences politiques d'une telle décision.
    Le dilemme est lié au fait que l'Europe a attribué à ses producteurs pétroliers et gaziers tous les crédits dont ils ont besoin pour poursuivre leurs activités habituelles, car elle a décidé d'imposer la totalité de l'obligation de réduire les émissions aux sociétés d'électricité. Si nous adoptions au Canada un système qui obligeait les producteurs pétroliers et gaziers canadiens à acheter des droits d'émission, inévitablement dès le lendemain... Si j'avais deux puits de pétrole dans le Nord dont l'un était racheté par un gros producteur pétrolier et gazier européen et l'autre par un producteur pétrolier et gazier canadien indépendant, cinq minutes après, je serais entièrement reliée au marché européen, mais je serais obligée d'imposer une réduction au producteur canadien; par conséquent, le producteur européen pourrait acheter le puits canadien pour 40 p. 100 de sa valeur.
    L'Europe n'a pas pris une mauvaise décision. Elle a tout simplement créé une situation très complexe pour nous.
    Bien. Il faut que nous mettions fin à cette discussion.
    Monsieur Watson, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins pour leurs exposés.
    Monsieur Delbeke, c'est à vous que je voudrais adresser ma première question. Vous avez mentionné tout à l'heure que, sur le plan environnemental, il était intéressant d'investir en Chine dans des projets visant à assainir l'air dans ce pays. Je voudrais vous poser une question portant sur les responsabilités. Est-ce que les entreprises étrangères ou les autres pays que la Chine devraient assumer la responsabilité de l'assainissement de l'environnement en Chine?
    J'aimerais répondre de la façon suivante. Ce qui à mon avis n'a pas été assez souvent précisé au cours de la présente discussion, c'est que personne n'est forcé d'acheter des crédits de MDP, car la participation au système est libre. C'est une décision qu'est libre de prendre chaque entreprise ou chaque opérateur de marché. Ils optent pour les crédits de MDP parce qu'ils pensent que c'est une façon rentable d'assurer la conformité que le système leur impose.
    Il s'agit donc d'un libre choix. Ensuite, dans ce contexte, il est essentiel d'adopter un point de vue très pragmatique et de réduire les émissions dans les secteurs où c'est le moins coûteux. On a donc tendance à réduire les émissions dans les pays où les interventions ont le plus d'impact, parce que nous avons adopté la solution peu coûteuse.
    Je pense que tous les systèmes, le système européen comme tous les autres que nous avons examinés, réalise de fait un certain équilibre entre les interventions intérieures et les interventions à l'étranger. Cet équilibre crée une rentabilité globale qui est très intéressante pour les deux parties — pour celle qui fournit les crédits et pour celle qui réduit ses émissions.
    Puisque j'ai la parole, je ne peux pas résister à l'envie de faire une rectification au sujet d'un commentaire fait par le témoin précédent...
    Monsieur Delbeke, j'aimerais poser quelques autres questions, mais je ne dispose que de très peu de temps.
    En ce qui concerne l'investissement dans les projets en Chine par exemple, il existe d'autres possibilités intéressantes. La Chine a mis en place un programme spatial coûteux. Elle a mis en place un programme d'armes nucléaires coûteux. Elle procède actuellement à des travaux d'embellissement qui coûteront plusieurs milliards de dollars en prévision des Jeux olympiques.
    À certains égards, nous établissons un système dans lequel les entreprises qui ne sont pas capables de se fixer une cible à court terme devront examiner la possibilité d'investir dans ces projets. Prenons le cas d'une entreprise canadienne qui décide d'investir — et, comme vous l'avez fait remarquer, c'est un libre choix — dans un projet relevant du MDP en Chine et qui, par conséquent, contribue à financer le nettoyage de l'environnement dans ce pays. L'autre aspect, c'est que sur le plan concurrentiel, la Chine est en mesure d'expédier 10 000 voitures sur notre marché, ce qui pourrait nuire à d'autres entreprises canadiennes.
    Ce type de système d'échange nous met finalement dans des situations intéressantes. Madame Donnelly, vous avez fait des commentaires sur l'investissement dans des projets qui ont aidé le plus gros concurrent des producteurs de porc à faire concurrence aux producteurs canadiens et à les battre sur leur propre terrain. Est-ce que personne ne craint que, dans le cadre de cette ruée pour nettoyer l'environnement mondial, on ne crée des situations qui pourraient nuire à la compétitivité des entreprises canadiennes?
    Madame Donnelly, voulez-vous faire des commentaires à ce sujet?
(1725)
    Une bonne partie de ce dont nous discutons aujourd'hui sont des attentes. La société d'électricité canadienne moyenne qui appartient aux investisseurs et a une cote de solvabilité AAA n'achèterait pas des crédits à ces producteurs de porc, même si on faisait en sorte que ce soit légal, car ce ne serait pas profitable à long terme pour nous de pousser notre clientèle de ce secteur à abandonner la production de porc.
    On aurait pourtant tendance à croire que le gouvernement y penserait.
    Monsieur Marcu, vous avez signalé qu'un réalignement considérable des dépenses d'équipement serait nécessaire. Dans votre exposé, vous mentionnez que: « On ne peut faire la transition à une économie sans carbone du jour au lendemain à l'échelle mondiale».
    Il est clair que de nombreux investissements de capitaux doivent être faits au Canada. On se demandait si l'objectif de Kyoto et le délai fixé seraient spécifiés dans un amendement au projet de loi C-30 afin de les adopter comme cibles à court terme. Pouvons-nous réaliser les investissements de capitaux nécessaires pour transformer notre économie si l'on prend une telle initiative maintenant ou provoquerions-nous à court terme un exode ou un risque d'exode de capitaux vers d'autres régions du monde?
    Pourriez-vous répondre brièvement?
    Monsieur Watson, on ne peut pas faire disparaître le carbone de l'économie du jour au lendemain. On peut se mettre à informer les investisseurs sur la meilleure façon de procéder. La meilleure méthode est d'établir un mécanisme de prix, à ce que je sache du moins. Sans mécanisme de prix, on prend un type de décision axée sur un programme-coût, car notre économie de marché repose sur les prix. Ce n'est peut-être pas la situation idéale, mais c'est la situation actuelle.
    Bien. Merci.
    Nous continuons. Monsieur Godfrey, pour cinq minutes.
    Monsieur Delbeke, j'ai l'impression que vous étiez quelque peu frustré.
    Est-il vrai, comme Mme Donnelly l'a fait remarquer, qu'en Europe, les sociétés d'électricité sont les seules entreprises qui doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre?
    Merci pour la question. C'est précisément là-dessus que je voulais faire des commentaires.
    Ce n'est pas vrai. En fait, toutes les usines ont reçu des crédits d'émission inférieurs aux émissions prévues. Il est toutefois vrai qu'on a demandé au secteur de l'électricité de faire des réductions plus importantes que celles réclamées aux autres secteurs, car il est un peu moins exposé à la concurrence internationale que le secteur pétrolier, le secteur gazier, celui des pâtes et papiers ou que d'autres secteurs d'activités énergivores.
    Merci beaucoup pour cette correction intéressante.
    J'aimerais examiner, peut-être avec M. Bertrand et M. Delbeke, la différence actuelle de prix entre une tonne d'équivalent-CO2 sur le marché de Chicago, qui est d'environ 3,50 $ US et le prix européen qui, si j'ai bien compris, est d'environ 20 $ US la tonne. Pourriez-vous m'expliquer la différence?
    J'aimerais en outre savoir si les crédits de Chicago répondraient aux normes canadiennes. Il y a apparemment tout un écart de prix.
    Je pense que l'écart de prix vient du fait que l'un des deux systèmes est un système volontaire et que l'autre a un cadre obligatoire, à savoir, bien entendu, le système européen. Lorsqu'on discute des prix, il est très important, surtout lorsqu'il s'agit de marchés à terme, de savoir de quel type de prix il s'agit. Normalement et en règle générale, le prix à court terme, à savoir le prix au comptant, est inférieur au prix à très long terme, à savoir le cours à terme.
    En Europe, le cours à terme est d'environ 18 euros — je présume que le prix de 2008 du carbone se négocie dans une fourchette de 15 à 20 euros sur le marché à terme —, ce qui est une indication intéressante de l'avis du marché. Le prix au comptant ou le prix à la tonne pour les prochains mois est effectivement beaucoup plus bas, pour des raisons que l'on peut comprendre. Le marché a subi un rajustement majeur à la suite de certaines erreurs de calcul, quoiqu'il s'avère très efficace dans ce domaine.
    Quand on compare le prix d'un système volontaire au prix d'un système obligatoire, on compare en quelque sorte des pommes et des oranges. Ce sont deux choses différentes.
(1730)
    Monsieur Marcu, si vous me permettez d'interpréter votre langage corporel, j'ai remarqué que, lorsque Mme Donnelly a signalé qu'un dollar qui n'était pas dépensé au Canada était un dollar de moins à notre PIB, vous aviez l'air un peu surpris. En outre, lorsqu'on a discuté du modèle californien, il y avait... Avez-vous des commentaires à faire sur l'une de ces discussions?
    Monsieur Godfrey, il ne faut pas oublier que je ne suis pas négociateur en bourse de formation. Je suis électricien et, par conséquent, j'ai des antécédents industriels. La négociation sur les marchés est relativement nouvelle pour moi. Je sais toutefois ceci: nous faisons des échanges à l'échelle internationale et nous ne fabriquons pas tous les produits au Canada. Nous sommes plus habiles dans la fabrication de certains produits et nous les vendons mais, par contre, nous ne sommes pas aussi habiles dans la production d'autres produits, et nous les achetons. C'est un système mondial. Nous ne pouvons pas faire partie du système mondial d'échanges d'énergie.
    Je signale que le prix du pétrole n'est pas fixé entre Londres et Calgary; il s'agit d'un prix mondial. Je suis quelque peu intrigué par cette interprétation.
    En ce qui concerne le gouverneur Schwarzenegger et la filière Californie-Massachusetts-Ontario-Canada, je me souviens d'avoir vu le gouverneur Schwarzenegger, qu'on aurait beaucoup de difficulté à ne pas remarquer, assis au côté de Tony Blair, discutant d'une liaison Californie-Royaume-Uni, ou avec l'UE. Je me souviens que le Nord-Est fait entièrement partie du RGGI. Je sais que cinq gouverneurs ont annoncé hier qu'ils mettraient en place un système de plafonds et d'échange de droits d'émission pour les États de l'Ouest. Je suis donc quelque peu intrigué que l'on veuille utiliser la Californie et les États du Nord-Est comme modèles.
    En conclusion, nous n'avons jamais dit que les échanges de droits d'émission étaient la seule option. Cela fait partie d'une boîte à outils et cette boîte à outils est applicable à certains secteurs de l'économie alors qu'il existe des outils plus efficaces pour d'autres secteurs. Je veux que ce soit bien clair. Nous sommes très conscients de nos responsabilités et nous comprenons très bien cela.
    Merci.
    Il nous reste assez de temps pour une question supplémentaire. M. Paradis a cédé son tour à M. Warawa. M. Warawa a donc la parole, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Cette question s'adresse également à Mme Donnelly. Nous lui laisserons le mot de la fin.
    Madame Donnelly, vous avez signalé très clairement que le Canada se trouve, en matière d'échange de droits d'émission, dans une situation dans laquelle l'UE a un avantage très net. Ma question concerne toutefois ce qui est disponible sur le marché. M. Bramley a dit que, lorsqu'il est allé en Europe, environ 150 tonnes de crédits de MDP étaient disponibles. Vous avez également fait remarquer que la suppression des quotas pour l'air chaud réduisait considérablement... Je pense que le chiffre que vous avez mentionné était de 91 mégatonnes. Vous avez dit ensuite qu'il serait peu réaliste de s'attendre à ce que le Canada soit capable d'acheter la moitié de tout ce qui est disponible sur le marché alors que d'autres pays s'y intéressaient peut-être. Enfin, vous avez mentionné que le HCFC-22, une substance illégale, représentait la moitié de la quantité disponible.
    J'ai fait des recherches et j'ai découvert que le HFC-23 est un sous-produit du HCHC-22 et qu'il est même plus toxique; il est près de 12 000 fois plus puissant que le dioxyde de carbone. Pourtant, on nous propose ceci: si nous n'achetons pas de l'air chaud, on demandera au Canada d'acheter la moitié de cette quantité, ce qui n'est pas réaliste, et la moitié sera pour acheter une substance illégale.
    Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet?
(1735)
    Pour répondre à votre question, les crédits sont accordés aux fabricants de HCFC-22 parce qu'ils détruisent le HFC-23 par combustion au lieu de le libérer dans l'atmosphère. C'est donc de là que viennent ces crédits, mais cela crée une subvention pour le fabricant de HFC-22, qui est une substance considérée comme extrêmement toxique. Je peux vous l'expliquer par écrit.
    Je suis allée ce matin à un site visé par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et j'ai examiné les projets. Si nous disions que nous n'achèterons pas de tonnes de fréon, ce que je recommande, et que nous fixions d'autres critères pour nos achats — par conséquent, nous n'avons pas cherché le contenu canadien et avons acheté aux producteurs de porc, ce qui me dérange — à l'heure actuelle, la réserve potentielle maximale que nous pourrions trouver sur le marché serait d'environ 20 millions de tonnes, soit 4 millions de tonnes par an.
    Par conséquent, pour obtenir plus de 5 millions de tonnes par an sur le marché, il faudrait que nous travaillions avec acharnement pour mettre en place une série de nouveaux projets. Actuellement, la réserve qui n'est pas encore liée à un rapport d'étape européen ou japonais n'est pas très importante.
    Pensez-vous encore que le Canada devrait négocier un quota plus équitable?
    Dans cinq ans, on se demandera pourquoi nous pensions que nous négocierions des quotas internationaux à une table des Nations Unies. C'est comme si l'on disait que nous allons négocier et accepter de ne pas produire davantage de voitures tant que nous n'aurons pas accepté un quota international qui l'a été par nos concurrents.
    Je pense que c'est la structure qui pose un problème. Si nous disions à la table de négociation que nous devrions tous adopter les nouveaux standards sur les produits, les standards liés au cycle du combustible en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre pour l'électricité, le gaz naturel, l'essence et le diesel, et signer un tel traité concernant notre engagement d'appliquer conjointement ces normes, nous pourrions alors établir ensemble un marché très vigoureux d'instruments dérivés avec ces engagements et nous aurions un traité international équitable et gratuit.
    Merci.
    Nous remercions les témoins pour leur participation. C'était très intéressant. Nous n'étions pas tous d'accord, mais c'est la vie; il faut faire des compromis. Merci beaucoup.
    La séance est levée.