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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 029 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 1er mars 2007

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Traduction]

    Notre président est absent. Rob avait demandé à Peter Stoffer de le remplacer, mais Peter est empêché. S'il arrive, je serai très content de le laisser me remplacer.
    Bonjour, docteur Belzile. Merci infiniment de votre présence aujourd'hui, dans le cadre de notre étude sur le programme pour l'autonomie des anciens combattants et de la révision des soins de santé.
    S'il reste un peu de temps à la fin de la réunion, nous pourrons nous en servir pour examiner le budget du comité.
    Donc, sans plus tarder, j'invite le Dr Belzile à faire son exposé. Je suis sûr que le greffier vous aura indiqué de combien de temps vous disposez pour votre exposé.
    Oui, 10 minutes.
    Oui, vous avez environ 10 minutes. Merci.
    Vous avez la parole.

[Français]

    Ma présentation va se dérouler en français, mais je suis prêt à répondre à vos questions en anglais.
    J'aimerais d'abord remercier le comité de m'avoir invité. Je suis ici comme médecin spécialisé en santé du travail. Je vais décrire ce que fait un tel médecin dans un programme de surveillance médicale des membres des Forces canadiennes.
    J'ai une expérience de 30 ans en médecine du travail. Dans le domaine dont on veut parler ce matin, soit l'état de stress post-traumatique, j'ai cinq ans d'expérience à la GRC, aux politiques, comme médecin-chef de la région centrale ou du quartier général.
    L'une de mes responsabilités portait sur le déploiement des policiers dans les forces de maintien de la paix dans le monde. Jusqu'à maintenant, la GRC a déployé environ 2 000 membres dans tous les pays où l'armée déployait les siens. Comme médecin régional à la CSST de l'Outaouais, la Commission de santé et de sécurité du travail, je suis responsable de l'admissibilité des gens présentant des lésions psychologiques. Deux pour cent de tous les accidents du travail au Québec entraînent des lésions psychologiques, dont le stress post-traumatique.
    Ce matin, j'aimerais d'abord vous expliquer ce qu'est un programme de surveillance médicale, ce que cela signifie et ce que cela peut offrir pour gérer ou mieux connaître l'état de stress post-traumatique.
     Avant d'établir un programme, il faut voir ce qu'on fait. Il s'agit d'évaluer les risques. Est-il possible d'évaluer à quels risques sera exposé un militaire, puisqu'on ne sait jamais ce qui se passe et ce qui va se passer en ce qui le concerne, et que son travail est opérationnel? J'en parlerai plus tard.
     Ensuite, il y a l'admissibilité. Comment peut-on reconnaître et évaluer quelqu'un qui vit des problèmes psychologiques? Qui fait cela? Est-ce le médecin militaire, le médecin civil? Où ira le militaire en détresse pour faire évaluer son programme? Une fois qu'on a admis qu'il existe une lésion de stress post-traumatique, que fait-on? Considère-t-on le militaire comme un membre dysfonctionnel à qui l'on donne une pension à vie? Le réhabilite-t-on? Que peut-il faire dans la société? On n'a pas toutes les réponses à ces questions, mais grâce à un programme, on peut savoir où on s'en va.
    Une formation en santé du travail permet d'évaluer les risques. Dans tout travail, les risques sont gérables. Par exemple, en ce qui concerne les risques chimiques, on sait que les militaires sont exposés au plomb et on fait une prise de sang pour savoir si le taux de plomb est élevé.
    En ce qui concerne les risques physiques, puisque les militaires sont exposés au bruit, on fait des audiogrammes pour savoir s'ils perdent l'ouïe. Cela permet de gérer leur problème s'ils en ont un et de savoir s'ils peuvent être indemnisés ou non.
    Il y a des risques sur le plan de l'ergonomie. Cela me fait toujours sourire quand je vois à la télévision que l'armée a acheté tel ou tel équipement. Cet équipement est-il ergonomique? Le militaire peut-il s'asseoir confortablement pendant six à douze heures? J'ai fait quelques voyages en char d'assaut, et je peux affirmer que ce ne sont pas les meilleurs voyages que l'on puisse faire. On doit effectivement évaluer le volet ergonomique.
     Il existe également des risques sur le plan biologique. On parle de guerres au moyen de virus, de l'anthrax, etc. Il existe des moyens de gérer cela.
    Finalement, la discussion de ce matin porte sur les risques psychosociaux, le fameux stress post-traumatique, la dépression et l'anxiété.
     Comment évalue-t-on les risques? Il faut visiter les postes. Il faut élaborer un scénario selon lequel militaire sera déployé, que ce soit en Afghanistan, au Kosovo, etc.
    Il faut consulter la description de tâches. Un colonel responsable des communications ne joue pas le même rôle que le major ou le caporal qui est sur le champ de bataille. Les risques auxquels il est exposé sont donc différents. L'évaluation des risques dépend de ce que fait le militaire et de l'équipement qu'on lui donne. Si on lui donne un petit jeep non couvert, qu'il n'est pas armé et qu'il doit aller dans une zone en détresse, c'est plus stressant et plus désagréable. C'est ce qu'on appelle un risque.
    En médecine du travail, il existe une théorie peut-être idéaliste, qui consiste à essayer de réduire le risque à zéro. Malheureusement, au cours des opérations policières et militaires, on ne peut pas réduire le risque à zéro. Il n'y a pas de risque zéro sur les champs de bataille ou lors de l'arrestation de quelqu'un.
    Il existe cependant des façons d'essayer de tendre vers le zéro. Il y a tout l'équipement fourni. Par exemple, pour les policiers, il y a la veste anti-balles, le type de fusil. C'est la même chose pour les militaires. L'équipement, les véhicules et le reste sont importants. Si je sais que je suis dans un bon véhicule sécuritaire, qui pourra faire dévier les balles qui pourraient être tirées, je serai plus à l'aise. Ce sera moins stressant.
    Deuxièmement, on doit avoir une formation appropriée. On en parle souvent. Si je n'ai jamais conduit un char d'assaut et que je dois le faire en Afghanistan, ce n'est pas comme conduire ici, sur la route 148. Il y a des différences. Il y a d'excellents programmes de formation. C'est important, la formation.
    Troisièmement, il y a aussi la protection personnelle. Tout l'équipement qu'on peut avoir, par exemple les walkies-talkies pour la communication, devient très important. Finalement, une fois qu'on a du bon équipement, qu'on a bien formé nos militaires et qu'on s'est assuré qu'ils avaient tout l'équipement de protection et de communication nécessaire, il y a le programme de surveillance médicale. Qui placer dans telle fonction? On s'entend sur le fait que, pour conduire un char d'assaut, il faut avoir une bonne vision. Si on ne voit rien, même si on sait bien le conduire et qu'on a le meilleur équipement, on n'ira pas loin. On s'entend sur le fait qu'il faut faire vérifier sa vision.
    Maintenant, sur le plan psychologique, c'est un peu plus flou. En d'autres mots, quand il s'agit de déterminer qui va conduire ces chars d'assaut et qui on va envoyer en Afghanistan, on peut vérifier l'aptitude des militaires par des examens physiques. Les militaires ont un programme assez bien fait en ce qui touche l'évaluation des risques. Quelqu'un qui souffre de haute tension artérielle et de diabète peut perdre sa vigilance et, s'il ne peut pas manger à midi tous les jours, son taux de sucre baissera et il pourra avoir des problèmes sérieux. On s'entend tous là-dessus.
    Sur le plan psychologique, des tests ont été validés en ce qui a trait à la personnalité, pour savoir comment une personne réagit au stress. Dans certaines organisations, on fait ce test depuis 1998. On a donc une certaine expérience. Il n'y a pas un test qui donne des résultats infaillibles et sûrs à 100 p. 100. Ces tests ont été validés pour éliminer les gens qui ne peuvent pas travailler quand il y a du stress ou qui ont une condition préexistante qui peut se détériorer. Si une personne a déjà été malade psychologiquement, elle ne sera pas rejetée automatiquement, mais il faut vérifier comment elle réagit à cela. Le stress peut vous écraser ou vous faire grandir. Il faut découvrir l'expérience de l'enfance, l'expérience d'abus. Ici, il faut faire attention. Je connais mes amis des droits de la personne et je les respecte. Il ne s'agit pas d'éliminer tout le monde, mais si la condition du monsieur ou de la madame risque de se détériorer de façon catastrophique, je ne l'exposerai pas à cela. Les connaissances médicales sont de plus en plus poussées, et on sait que si la personne a tel problème, cela ne marchera pas.
    Pour ce qui est de l'admissibilité d'une lésion professionnelle, on a toujours dit que les militaires étaient des gars armés avec des uniformes qui ne souffrent pas de stress post-traumatique. De plus en plus, la recherche scientifique nous indique que les microtraumatismes, des expositions à de petits risques, la peur de mourir, des situations catastrophiques, un enfant mort, des restes humains, etc., peuvent sans aucun doute affecter quelqu'un. Il faut s'occuper de cela. Souvent, en cas de stress post-traumatique, si le dépistage n'a pas été fait, la personne va sombrer dans l'alcool, la drogue, et elle aura des problèmes juridiques. On essaie d'identifier cela, parce que c'est clair, comme vous l'a dit madame mardi: on devient dysfonctionnel, on ne sait plus ce qui est important ou non, on est  tout croche. Souvent, ce sont des signes qui nous font dire que la personne souffre peut-être de stress post-traumatique. Combien de fois dans ma carrière ai-je vu des gens qu'on congédiait et qui étaient malades. S'ils sont malades, il faut les soigner et après on verra ce qu'on fera. Cela arrive encore assez souvent. On sait que les militaires, comme les policiers, n'ont pas l'habitude d'aller voir le psychologue quand cela ne va pas bien. Les signes cliniques du stress post-traumatique ne sont pas évidents.
    On a des spécialistes qui peuvent poser le diagnostic de stress post-traumatique, comme Mme Brillon qui est venue mardi, mais on n'en trouve pas à tous les coins de rue. On peut les compter sur les doigts de la main. Ce n'est pas évident de faire un tel diagnostic. Avant de poser un diagnostic de stress post-traumatique, il y a beaucoup de travail à effectuer. Tous les liens entrent en jeu. C'est très difficile à faire.
    De plus, moins on y croit pas et plus on rend le diagnostic difficile, plus les symptômes augmentent. On nous demande alors si la personne exagère ses symptômes. Quand le gars voit un psychologue, il commence à comprendre pourquoi il est dysfonctionnel. Il commence à comprendre que tel jour, quand il n'a pas eu le temps de tirer, il a eu peur de mourir durant cinq minutes et après il est devenu dysfonctionnel. Le diagnostic est difficile à faire. Oui, il y aura plusieurs médecins, plusieurs psychologues. Et plus on aura tendance à avoir une confrontation, plus la symptomatologie sera grave, avec toutes les complications qui en découleront.

  (0910)  

     Pour que la personne soit admissible, elle doit avoir subi un traumatisme. Par le passé, on disait que le simple fait de voir ce genre de choses à la télévision pouvait causer un traumatisme. Aujourd'hui, c'est la perception qui compte. Des changements juridiques ont été apportés en ce sens. En d'autres mots, selon des notions défendables médicalement, le fait que la personne ait eu peur de mourir et qu'il y ait eu décompensation lors de l'événement pourrait être suffisant. C'est ce qui compte.
    Pour ce qui est des militaires qui voient des amis mourir à la télévision, on a essayé d'établir un principe. Il faut que ces gens soient témoins de l'événement. Il peut s'agir, par exemple, d'une personne appartenant à un détachement dans lequel un char d'assaut a sauté au cours d'une mission. On a des lignes de conduite pour ce genre de cas. Il est évident que la jurisprudence permet de déterminer les balises.
    Il est un peu curieux de constater, dans le cas du stress post-traumatique, autant pour les policiers que pour les militaires, qui détermine l'admissibilité. La rumeur veut que la première demande soit toujours refusée. Pourtant, si un militaire se fracture le bras en tombant d'un char d'assaut, on ne remet pas la chose en question. Ce n'est pas le cas pour le stress post-traumatique, et je suis un peu mal à l'aise face à cela. En effet, si on détermine, diagnostic à l'appui, qu'il y a eu un traumatisme, l'addition est facile à faire. Mais qui le fait?
    Le problème est que ce sont des gens à l'interne qui voient les militaires. Ça s'applique également à la GRC. Il faut se demander si leur fonction première est d'assurer qu'il y ait des effectifs pour les missions ou de voir à ce que des gens non fonctionnels n'y participent pas. Trois types de spécialistes interviennent dans le processus. D'abord, les spécialistes médicaux se chargent de déterminer si oui ou non la personne est admissible. Ensuite, des spécialistes en médecine du travail font un diagnostic. Par exemple, on peut dire à un individu que son audiogramme n'est pas normal et que ça justifie une pension de même qu'un appareil. On l'envoie alors voir un spécialiste. C'est notre devoir de le faire, sur le plan de l'éthique, en tant que médecins spécialistes de la santé au travail.
     Une fois qu'on a déterminé la maladie et l'indemnisation, il faut soigner la personne. Pour ce faire, on peut faire appel à des civils. Il faut que le traitement se fasse de façon objective. Si c'est le même psychologue ou le même psychiatre qui se charge du traitement, on peut se demander comment les choses vont finir. Il y a ensuite toute la réadaptation. Il s'agit de soutenir non seulement l'individu mais aussi sa famille. Pour ce qui est de l'invalidité, on n'a pas de statistiques directes. En moyenne, un vrai stress post-traumatique dure de deux à sept ans. On dit que dans le cas des vrais traumatismes, les chances que l'individu reprenne son travail sont de 30 p. 100. Par contre, il peut faire autre chose. Je termine là-dessus.
    Merci.

  (0915)  

[Traduction]

    Merci, docteur Belzile. Vous n'avez rien manqué. En répondant aux questions des membres, vous pourrez aussi en profiter pour faire ressortir d'autres éléments, si vous le souhaitez.
    Chers collègues, le premier intervenant sera soit Rodger, soit…
    Non, je ne pense pas.
    En fait, je pensais que cette séance devait nous permettre de mieux nous situer par rapport à notre examen des soins de santé. Donc, votre exposé m'a pris un peu au dépourvu. Je l'ai bien apprécié, mais si mon collègue…
    Une voix: Je dois partir.
    M. Rodger Cuzner: Ah, bon; vous devez partir. Très bien.
    D'accord. Je vais donner la parole à Gilles.
    Gilles, c'est à vous.

[Français]

     Merci, messieurs et mesdames.
    Est-ce à dire, monsieur le président, que je dispose de 14 minutes?
    Nous allons commencer par sept minutes.
    D'accord.
    Merci d'avoir accepté notre invitation. Il se peut qu'involontairement, je glisse un « tu » ou un « Robert » dans la conversation. Tous ceux qui se trouvent autour de la table savent que vous êtes mon médecin et que vous m'avez traité. En revanche, ils ne savent pas que lors de chacune de mes visites médicales, nous consacrons cinq minutes au cas de Gilles Perron et une demi-heure à la question du stress post-traumatique, ce que j'apprécie énormément.
    Je veux mettre la table de façon à ce qu'on puisse se comprendre. Comme la majorité des gens ici présents, je crois que le SSPT existe. Je suis un de ceux qui disent qu'il faut sauver ceux qui en souffrent. Il faut les rendre fonctionnels de nouveau. Je m'intéresse encore davantage à la façon dont on pourrait réduire au minimum les cas de stress post-traumatique lors des opérations futures.
    C'est une bonne question. Les militaires ont un profil médical. On cherche à savoir, par exemple, si la vision est bonne...

  (0920)  

    S'agit-il d'un profil médical et psychologique?
    D'après ce que j'ai pu lire, on ne fait pas de profil psychologique de ces personnes. Par contre, quand la GRC a déployé ses 2 000 membres, on a dressé un profil psychologique. On a procédé à une évaluation psychologique et à un debriefing post-traumatique pour comprendre réellement comment ces gens peuvent être stressés. Cela a été utile parce que nos statistiques, en fin de compte, étaient équivalentes à celles de la population normale de policiers. Nous avons fait une présentation à un comité avec le ministère de la Défense nationale.
    Il serait nécessaire de faire une évaluation psychologique en utilisant des tests de personnalité et de réaction au stress. Ces tests sont valides dans une proportion de 80 p. 100. Le danger, par contre, provient du fait qu'on ne voudrait pas éliminer des gens. Dès que le test révèle quelque chose d'anormal, on procède à une entrevue psychologique pour s'assurer de la validité de l'information.
    Malheureusement, dans certains cas, il faut refuser que les militaires soient déployés dans des missions où le niveau de stress est trop élevé, comme en Afghanistan, par exemple. Il faut que ces gens puissent réagir au stress de façon positive. On recherche aussi des personnalités résilientes. Ce n'est pas une question hypothétique. De plus en plus, on peut obtenir de l'information par des tests psychologiques ou par un debriefing post-traumatique. En d'autres mots, tout le monde a subi du stress au cours de sa vie. La question est de savoir comment ces gens ont réagi. Ont-ils réagi positivement, en grandissant, en devenant plus forts, ou en s'écrasant? De telles personnalités existent, et c'est ce dont on a besoin pour ces missions.
    Vous pouvez faire une comparaison de la GRC et de l'armée. Peut-on dire, en résumé, qu'il faudrait qu'il y ait des psychologues spécialisés en stress post-traumatique au sein du corps médical de l'armée ou de la GRC et qu'il y ait une possibilité qu'ils soient déployés sur un champ de bataille ou sur un front?
    Ce serait une bonne idée.
    Lors de nos déploiements, l'équipe médicale, qui était formée du psychologue en chef, du médecin, du responsable de la sécurité, faisait des visites annuelles à tous les militaires. On sait que lors de ces visites, le militaire n'a pas tendance à demander une consultation. C'est pourquoi on posait plusieurs questions sur ce qui avait été fait. En d'autres mots, il s'agit de ce qu'on appelle une intervention précoce. Il ne s'agit pas de debriefing parce qu'il n'y a pas de stress post-traumatique. On veut simplement savoir ce qu'ils font.
    Quand un militaire nous dit que lorsqu'il était à Haïti, il a été retenu dans un barrage pendant deux jours, je le crois parce que je l'ai vu. Il est important que l'équipe aille sur place. Cela confère une crédibilité lors du debriefing, puisqu'on comprend des choses.
    Avant d'aller en Afrique, on m'a dit que je ne croirais pas ce que les gars disaient, mais quand on y est allé, on les croit. Je sais que les militaires ont accès à un service médical, mais c'est un service de premiers soins. Nous appelons cela  une reconnaissance des risques, un contrôle de ce qui se passe.
    Ainsi, quand je vais à Haïti pour voir mes 100 membres, on leur donne des trousses de premiers soins et je vérifie s'ils ont pu voir un psychologue, s'ils ont utilisé leur trousse de médicaments contre la diarrhée et s'ils ont eu la grippe, parce qu'on parle de pollution, etc. On tâche de bien reconnaître tous les risques potentiels. On vérifie aussi si certains incidents pouvant mettre en lumière des questions de stress qu'ils ne pouvaient percevoir se sont produits.
    Prenons un exemple. Un policier canadien pourrait avoir le mandat de se rendre sur une montagne pour arrêter quelqu'un. Quand on arrête quelqu'un, les gens ne sont pas contents. Si on n'arrête pas cette personne, on peut avoir des problèmes et si on l'arrête, on peut avoir encore plus de problèmes. Ensuite, il faut descendre de la montagne pendant deux heures sans savoir ce qui peut arriver.
    Ce policier vit donc un stress. Va-t-il craquer ou pas? Je ne le sais pas. En ce qui a trait aux militaires, il y a ce qu'on voit à la télévision, mais c'est un peu maquillé. Parfois, on devait partir à 7 heures, mais on est parti à midi.
    Je crois toujours qu'il est important qu'il y ait une visite d'une équipe professionnelle neutre, qui évalue les risques pour mieux comprendre ce que ces gens vont vivre au retour.

  (0925)  

    Docteur Belzile, j'ai cru comprendre dans votre présentation que vous éprouviez un malaise face à la difficulté qu'ont certains anciens combattants ou membres de la GRC à faire reconnaître leur stress post-traumatique, entre autres, par le personnel médical affecté aux anciens combattants.
    Croyez-vous que c'est dû à l'incapacité des gens affectés à ces dossiers, qu'il s'agisse de fonctionnaires ou d'autres personnes, de reconnaître certains problèmes, entre autres celui du stress post-traumatique? Si c'est le cas, croyez-vous qu'il pourrait être intéressant que du personnel qualifié comme vous ou Mme Brillon, qui est venue nous rencontrer, offre une petite séance d'information aux fonctionnaires chargés d'évaluer les cas des anciens combattants?

[Traduction]

    Nous pourrons vous revenir plus tard.
    Docteur Belzile, je vous laisse répondre.

[Français]

    Tout à fait. Il ne faut pas que ça se transforme en confrontation. Il y a des faits établis. Certaines choses me rendent mal à l'aise. Je peux parler de la GRC. Dans les cas de stress, on nous dit qu'il ne faut pas en parler. Ce n'est pas la façon dont on fait les choses. En tant que spécialistes en santé au travail, quand on détermine qu'un individu souffre de stress post-traumatique et que ça le rend admissible à une indemnisation, on considère qu'il y a droit et on transmet son dossier. À partir de là, je ne connais pas le mécanisme.
    Évidemment, ce sont les agents qui évaluent les cas. Je pense qu'on vous a présenté une bon historique du stress post-traumatique mardi dernier. La jurisprudence et les notions médicales avancent de jour en jour. Il faut que les agents se fondent sur des critères significatifs. Il y a des conseillers médicaux. Dans notre cas, les dossiers sont établis par nos spécialistes. Poser des questions aux travailleurs n'est pas évident. Ce sont parfois des questions dérangeantes, intimes. Il faut obtenir des réponses et que le tout soit validé par un médecin.
    Une formation offerte aux agents pourrait en effet les aider à mieux comprendre le phénomène et faciliter le processus. Il reste que même si on forme mieux nos gens, il y aura encore des cas de stress post-traumatique parce qu'on ne peut pas prévoir toutes les situations. Cependant, si on détecte les cas et qu'on s'en occupe de façon précoce, les gens ne deviendront pas totalement invalides.
    Les problèmes d'admissibilité et de gestion des dossiers font que ces gens sont obligés de se battre sans arrêt. On ne sait plus quoi faire d'eux. Pour ma part, je préfère demander à l'individu qui souffre de stress post-traumatique ce qu'il compte faire. Oui, on lui offre une pension, mais je lui demande s'il peut travailler. Cet individu est obligé de se déclarer invalide parce que personne ne le croit. Sa femme ne le croit pas parce que le stress post-traumatique fait qu'il n'aime plus personne et n'a plus de réactions. Ses enfants considèrent probablement qu'il est fou et que c'est un cas désespéré. Il faut se pencher sur ces problèmes.
    Merci, docteur Belzile.

[Traduction]

    Madame Hinton, c'est à vous.
    Bienvenue, docteur Belzile.
    Je voudrais commencer par faire une ou deux observations. J'ai écouté attentivement vote exposé, et je l'ai trouvé fort intéressant. Vous seriez certainement d'accord avec moi pour dire que ceux qui décident de devenir agents de police, pompiers ou militaires comprennent bien que leur travail va les exposer à énormément de traumatisme. D'un autre côté, il nous incombe de les appuyer après qu'ils ont rendu service à la population.
    Je suppose que l'un des autres problèmes que rencontrent les employés du ministère des Anciens combattants concerne le fait qu'ils ne sont pas saisis du dossier immédiatement, étant donné que plusieurs ministères et paliers de gouvernement sont concernés. Le ministère de la Défense voit ces personnes dès la fin de leur période de service, et par conséquent, leurs dossiers n'arrivent aux Anciens combattants que quelque temps après.
    Ceci dit, je voudrais que vous répondiez à la même question que j'ai posée au dernier témoin. À votre avis, que peut faire Anciens combattants Canada pour éliminer le stéréotype négatif qui accompagne les anciens combattants qui souffrent en silence du SSPT? Comment faire disparaître cette barrière, afin que les hommes et les femmes qui rendent service à la population puissent admettre plus volontiers qu'ils ont un problème et obtenir de l'aide, sans ressentir qu'ils sont faibles ou qu'ils sont anormaux ou inférieurs, tout simplement parce qu'ils ont été témoins d'un acte qui les a traumatisés, si bien qu'ils ont besoin de soutien? À votre avis, que peut faire le ministère des Anciens combattants pour aider ces personnes?

  (0930)  

    C'est une très bonne question.
    Lorsqu'un militaire ou un agent revient d'une mission, il fait l'objet d'une évaluation médicale du rapatriement. À la Gendarmerie royale du Canada, où j'ai travaillé, nous avions l'habitude de faire des tests psychologiques. Ces tests étaient effectués tôt, avant le déploiement. Si, au retour du membre, on s'apercevait de changements que le membre lui-même n'avait pas remarqués, nous prévoyions une intervention précoce.
    Deuxièmement, comme vous le savez — et je ne sais pas s'il en va de même pour les Forces armées — pour administrer ces tests psychologiques spéciaux, il faut avoir recours à un psychologue spécial, et malheureusement, ils font payer un peu plus cher. Il y a beaucoup de tests neuropsychologiques, qui coûtent cher. Bien sûr, ce qui arrive en fin de compte, c'est qu'on refuse de vous payer, parce que vous devez faire approuver votre demande. Je ne comprends pas cela. Si j'avais été en Afghanistan où j'avais subi un traumatisme, et le médecin des Forces armées me disait que je souffrais de stress, si on refusait de payer les services psychologiques dont j'avais besoin tant que je n'avais pas fait approuver ma demande, je dois dire que je ne pourrais pas accepter cela.
    Mais voilà ce que fait la GRC. Elle refuse de payer tant que la demande n'a pas été approuvée. Donc, cela suppose d'ores et déjà une confrontation en ce sens que l'intéressé doit se battre, et c'est justement dans ce contexte qu'on entend toutes ces histoires d'horreur, du genre: « On ne me crois pas. Le traitement de mon dossier a été retardé parce que je dois leur fournir toutes sortes de détails à ce sujet. » C'est là qu'il se trouve, l'obstacle. Voilà ce que j'ai observé dans les cinq années où je m'occupais de ce genre de choses.
    En ce qui concerne la Commission des accidents du travail de l'Ontario et la CSST au Québec, si vous souffrez de stress, on vous dira: très bien, nous allons payer les frais psychologiques, mais plus nous avons de détails sur vous, mieux nous pourrons vous aider à vous réadapter.
    Nous avons appris des choses. Nous faisions exactement la même chose il y a une dizaine d'années. On leur disait: « Pas question. Vous êtes policier et vous avez voulu être policier. Nous vous avons envoyé à Regina pendant six mois. Vous savez… en tout cas, c'est impossible. » Eh bien, ce genre d'approche ne marche plus. Une intervention précoce et l'acceptation du diagnostic permettent d'éliminer ces barrières.
    Voilà la nature du problème.
    Nous sommes d'accord là-dessus. À mon avis, un diagnostic précoce est extrêmement important.
    Je pense aussi, néanmoins, qu'il y a eu un changement d'attitude assez significatif pour ce qui est de donner le bénéfice du doute au demandeur. J'aimerais que ce soit encore davantage le cas, pour éviter justement le genre de confrontation dont vous avez parlé, et afin qu'on puisse établir qu'une personne a vraiment un problème.
    À l'un des témoins que nous avons reçus, on a demandé s'il arrive que les gens fassent semblant. Je suis sûre qu'il y aura toujours un certain nombre de personnes qui font ça. Mais, en général, les gens qui demandent de l'aide le font parce qu'ils ont été témoins d'un incident ou ont participé à une activité qui a causé chez eux un traumatisme psychologique.
    Pour ce qui est du genre de personnes que nous envoyons dans une zone de guerre ou qui peuvent devenir agents de police ou pompiers, j'espère que j'ai mal compris certaines de vos remarques. Je ne voudrais pas que tous ceux qui soient particulièrement sensibles à la tragédie humaine soient empêchés de faire ce travail, tout simplement parce qu'ils seraient susceptibles d'être victimes du SSPT. Au contraire, j'estime que pour bien faire ces trois types de travail, il faut beaucoup d'humanité. Je ne voudrais pas qu'on empêche ce genre de personnes d'obtenir ce genre de travail. Je crois vous avoir entendu dire qu'il faut les évaluer au préalable et que, si on constate qu'ils ont du coeur, qu'on ne leur permette pas de faire ce métier. Au contraire, moi je voudrais que les gens qui font ce métier aient du coeur.
    Mais je voudrais surtout trouver une solution qui nous permette de venir en aide à quelqu'un qui revient d'une mission, à un agent de la GRC ou à un pompier. Je voudrais qu'on ait en place un système de soutien qui leur permette de traverser plus facilement des périodes difficiles. Il ne s'agit absolument pas de désensibiliser les gens qui deviennent militaires. Je veux qu'ils conservent toute leur humanité. Je veux qu'ils ressentent de la compassion pour autrui. Mais je veux aussi qu'ils reçoivent toute l'aide qu'il leur faut à leur retour.
    Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'établir un équilibre, ou Anciens combattants Canada pourrait-il intervenir afin de protéger ces personnes lorsqu'elles connaissent ce type de traumatisme?
    Oui, et en fait, c'est un employeur, c'est-à-dire aux Forces armées et à la GRC, etc., de bien choisir les gens. Vous ne diriez pas qu'une personne qui ne voit pas bien devrait conduire un véhicule d'urgence muni de lumières clignotantes qui permet immédiatement de savoir que c'est un agent de police. Il n'y a pas de désaccord à ce sujet-là.
    En ce qui concerne l'éventualité de problèmes psychologiques, c'est à l'étape de la présélection qu'il faut éliminer certaines personnes, avant qu'il y ait des traumatismes. Malheureusement, si j'ai fait l'objet de sévices physiques, psychologiques et sexuels quand j'étais petit, à présent je suis devenu dysfonctionnel; je ne vais pas bien réagir au stress. Voilà un exemple d'un profil psychologique prétraumatisme. Malheureusement, si une telle personne est exposée au stress, elle va craquer.
    Comme vous le savez, nous avons l'obligation, en vertu du Code de la santé et de la sécurité, de nous assurer de mettre la bonne personne au bon endroit parce que si nous, l'employeur — qu'il s'agisse des Forces canadiennes ou de la GRC — mettons quelqu'un dans une situation stressante alors qu'il ne peut pas tolérer le stress et qu'il tombe malade par la suite, on va nous intenter des poursuites. Avant qu'Anciens combattants Canada accorde toutes ces pensions, les membres nous intentaient des poursuites, et certains continuent à le faire. On les voit parfois à la télévision qui disent: vous m'y avez envoyé alors que vous saviez très bien que je ne devais pas y aller.
    Donc, nous avons la responsabilité, pour des raisons de santé et de sécurité, de choisir les bons candidats ayant le profil psychologique approprié. Malheureusement, il faut éliminer certaines personnes à l'étape de la présélection, mais c'est vraiment le minimum. Comme je vous l'ai déjà dit, ce n'est pas parce que vous êtes divorcé ou que vous avez des problèmes en ce qui concerne la garde de vos enfants que je vais refuser de vous y envoyer. Parfois les gens ont envie d'y aller, parce qu'ils pensent que cela va leur faire une petite pause, qu'ils vont gagner plein d'argent, etc. Donc, il faut absolument que je fasse un choix. Je travaille avec une équipe de spécialistes ou de psychologues, et c'est nous qui prenons la décision. Nous rencontrons même la femme de l'intéressé pour voir comment elle va réagir. Nous essayons de préparer le retour.
    Donc, ce n'est pas noir et blanc; il y a une zone grise. Mais c'est faisable, si vous avez les bonnes priorités et une idée de ce qu'il faut faire.

  (0935)  

    Bon. Je sais qu'il va bientôt me couper la parole…
    Oui, soyez brève, s'il vous plaît.
    … et je vais donc faire rapidement mon petit commentaire.
    Lorsqu'un témoin de votre calibre se présente devant nous avec un CV de quatre pages, c'est quand même stupéfiant. De toute évidence, vous avez fait des choses extraordinaires, et je ne vais certainement pas contester votre opinion en ce qui concerne l'aspect psychologique, car c'est vous l'expert. Mais il y a une chose que je voudrais dire, cependant. J'ai rencontré beaucoup de gens qui ont eu une enfance catastrophique, qui ont fait l'objet d'abus sexuels et de violence, qui viennent de familles d'alcooliques, etc. Eh bien, je peux vous dire que, pour bon nombre d'entre elles, si jamais je me retrouvais dans une très mauvaise situation, c'est celles que je voudrais avoir à mes côtés. Sur le plan psychologique, ce sont sans doute les personnes les plus fortes qu'on puisse trouver.
    Je suis d'accord avec vous; elles sont devenues plus fortes en étant exposées à ce stress; nous les avons mises dans le feu de l'action. Je suis d'accord avec vous.
    C'était excellent, Betty.
    Rodger Cuzner, c'est à vous.
    Merci beaucoup.
    J'ai bien apprécié les observations des uns et des autres au cours de ce dernier échange. Je comprends parfaitement qu'il faut essayer d'établir le profil psychologique des gens avant de les exposer au combat ou de les envoyer au théâtre d'opérations, et qu'il faut également essayer de les endurcir avant le déploiement, ou du moins essayer de leur faire comprendre ce à quoi ils vont être confrontés. Pour moi, c'est essentiel. Mais parfois les horreurs sont à ce point insupportables que rien ne peut les y préparer, et c'est ce qui est justement ressorti des témoignages que nous avons reçus mardi.
    J'aimerais essayer de mieux comprendre ce que vous disiez, à savoir que plus tôt on intervient pour traiter un problème psychologique… Dans ce comité, nous avons tendance à nous préoccuper surtout de ce qui arrive à l'ancien combattant par la suite, après qu'il a quitté les Forces canadiennes, mais vous nous dites essentiellement que plus tôt on dépiste ce genre de problème, mieux c'est. Donc, êtes-vous convaincu que nos spécialistes médicaux qui sont sur le théâtre des opérations et dans la première ligne, nos officiers supérieurs et notre personnel militaire en général reçoivent suffisamment de formation pour pouvoir détecter les signes et comprendre les éléments déclencheurs, de façon à pouvoir dire: écoutez, tel soldat risque de poser problème et une intervention s'impose immédiatement? J'ai l'impression que vous ne devez pas avoir suffisamment de personnel formé ou de psychologues sur le terrain pour pouvoir faire ce genre de choses.
    Donc, donnez-moi votre opinion en ce qui concerne la capacité de faire ce triage en première ligne…
    Cette observation est très juste, et c'est toujours difficile à évaluer.
    Chaque détachement militaire a sa propre équipe médicale, mais dans quelle mesure peut-elle assurer un soutien psychologique? C'est pour cette raison que nous avons mis sur pied un programme d'aide aux employés, et donc, George peut venir me voir s'il est malade. Donc, c'est possible, et nous facilitons l'obtention de ce genre d'aide.
    Dans le cadre de notre mission, nous avons un détachement de policiers, et nous avons également un programme d'aide aux employés qui nous permet de voir les signes chez quelqu'un qui se croit trop bon, par exemple, ou qui se prend pour Mère Theresa — une personne qui veut en dire trop et qui en fait trop. Donc, nous établissons des profils qui nous permettent de voir ce genre de trait de caractère.
    Par contre, je ne sais pas dans quelle mesure un soldat en Afghanistan peut vraiment parler à quelqu'un. Bien entendu, il peut toujours parler à George, mais George se trouve au même niveau que lui, et il pourra vous aider, étant donné qu'il utilise le même genre de canon et porte le même uniforme. Mais il faut qu'il aille parler à un sergent professionnel, mais il y a un danger en ce sens que si vous donnez cela à quelqu'un, vous allez accroître son niveau de stress, au lieu de le gérer. L'objectif consiste à gérer le stress tout au cours des activités et donc à ne pas prendre de risques. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'on ne peut pas prévoir tous les risques, mais si vous connaissez le pire scénario, vous pouvez y réagir.
    Donc, existe-t-il un programme d'aide aux employés? Y a-t-il un collègue qui puisse voir les signes et s'adresser tout de suite à un psychologue pour faire le bilan? J'ai visité un détachement et j'ai justement dû rapatrier un soldat qui n'arrêtait pas de dire qu'il était trop bon. Il m'a suffi de faire un tour dans sa voiture avec les autres Forces de l'ONU pour comprendre qu'il avait un problème.
    Des fois, malheureusement — et c'est ça qui donne lieu aux histoires d'horreur qu'on nous raconte à la télévision — le soldat ne sait pas qu'il est stressé; il ne sait pas qu'il réagit de façon excessive. Bien entendu, si vous êtes son ami, vous pouvez ne pas savoir quoi faire. Est-ce normal? Est-ce le George que je connais aujourd'hui? C'est pour cette raison qu'un professionnel doit faire une évaluation en bonne et due forme. C'est pour cela que nous allons dire à George qu'il doit aller consulter un psychologue, qui lui dira qu'il a bien rempli son rôle de soldat et qu'il est temps qu'il parte.
    Nous rencontrons fréquemment ce problème, parce que nous avons beaucoup de détachements dans le Nord où les soldats sont déployés pour une période de trois ans. Ils veulent rester six ans, mais nous les renvoyons après trois ans. Ils ne comprennent pas qu'il est temps qu'ils reviennent à la vraie vie. Ils ne se rendent pas compte de la façon dont ils réagissent. Ils dorment avec leurs armes et cela influe sur leur moral, mais ils ne s'en rendent pas compte. Si nous les examinons avant le déploiement et si, pendant que la mission est en cours, nous allons faire une vérification afin d'évaluer le degré de stress associé à leur situation — nous savons combien il y a eu de blessures physiques et combien de blessures psychologiques — c'est là que nous pouvons éviter que des membres tombent malade ou aient des problèmes psychologiques à leur retour.

  (0940)  

    Ma propre force policière, le Service de police régional du Cap-Breton, envoie beaucoup de ses membres à l'étranger pour participer à des activités internationales. Ont-ils accès aux services de la GRC à leur retour?
    Jusqu'à tout dernièrement, toutes les forces policières relevaient de la GRC. Nous continuons à accepter des agents de police qui sont membres de toutes les forces policières municipales. C'est l'ACDI qui paie les services. Et la réponse à votre question est oui, ils ont le même programme. Quand ils retournent chez eux, si la GRC estime qu'une évaluation psychologique s'impose, nous envoyons des gens. Nous avons des gens déployés à Halifax et ailleurs au Canada.
    Comme vous le savez, quand vous travaillez dans le cadre d'une mission de l'ONU, si vous êtes atteint du SSPT, vous pouvez toucher une pension qui est versée par l'ONU. Nous préparons les dossiers. Et je peux vous dire que, si vous pensez qu'il est difficile d'obtenir gain de cause avec ACC, c'est une véritable catastrophe quand on traite avec l'ONU. Donc, nous leur disons que telle personne est un de nos membres et que, selon l'opinion rationnelle d'un médecin du travail, elle est malade. Si elle est malade, elle a droit à certains avantages, et nous allons donc ouvrir la porte. Nous ne prenons pas la décision pour eux, et nous ne voulons pas non plus prendre la décision pour Anciens combattants Canada. Nous voulons simplement leur fournir tous les renseignements pertinents, afin que le processus décisionnel se déroule rapidement et efficacement et donne un résultat satisfaisant pour les deux parties.
    C'est le genre de cas à propos duquel il faut tenir des statistiques. Pour ce qui est des militaires qui font face à une situation stressante, je ne sais pas, par exemple, combien de cas nous avons actuellement qui concernent la psychothérapie, le recours aux médicaments, une maladie contractée par des membres qui ne sont pas de service, etc.
    Merci, docteur Belzile.

[Français]

    C'est à vous, monsieur Roy.
    Par la suite, M. Shipley aura la parole.
    Docteur Belzile, Mme Hinton vous a posé une question, mais je ne sais pas si j'ai bien compris votre réponse. Si j'ai bien entendu, vous avez affirmé qu'on devrait faire passer des tests psychologiques à l'ensemble des gens qui veulent servir dans les Forces canadiennes afin d'être capable d'évaluer leur capacité à faire face au stress qu'ils auront à vivre. D'autre part, vous nous avez dit que l'objectif n'était pas de refuser quelqu'un et qu'on engageait tout le monde quand même. C'est un peu ce que j'ai compris.
    J'ai de la difficulté à accepter cela. Je ne confierais pas un scalpel à quelqu'un qui a peur du sang.
    Non, j'essayais d'être...
    ... trop rapide.

  (0945)  

    Je vais vous expliquer.
    Nous accomplissons une mission en Jordanie, où nous faisons de la formation de policiers. Le profil requis en Jordanie est le suivant. Il nous faut des militaires ou des policiers de grande expérience. Ils n'ont pas de fusils et ils n'ont aucune interaction avec la population. Il est possible que certains hommes aient des appareils auditifs, que d'autres prennent des pilules pour la haute pression ou le diabète. Les hôpitaux de Jordanie sont comme les nôtres. Ces hommes peuvent donc aller dans une pharmacie avec leurs prescriptions.
    D'autres sont au Darfour. Ils couchent dans des tentes et ils sont à environ 200 kilomètres de Khartoum. Évidemment, on ne peut pas y envoyer quelqu'un dont l'appareil peut bloquer et briser. Je parle de choses physiques. Si les lunettes de quelqu'un brisent, on ne peut pas l'envoyer chercher une nouvelle paire de lunettes. Il n'y a pas de docteur. Que faire si sa pilule pour la pression est débalancée, ou s'il n'en a plus?
    C'est la même chose pour le profil psychologique. Au Darfour, le profil psychologique requis est qu'il n'y ait de problèmes de santé mentale qui nécessitent une thérapie, un médicament, etc.
    Je respecte ce que madame a dit. Ce n'est pas parce que quelqu'un as eu des problèmes dans son enfance qu'il sera refusé automatiquement, mais on veut voir comment il va réagir. Certains réagissent positivement et grandissent. D'autres sont écrasés et blessés pour le reste de leur vie.
    Oui, on en refuse. Participer à une mission est payant. Beaucoup attendent à la porte et je suis obligé d'en refuser plus que j'en accepte. Il faut que je sois certain que le pauvre policier qui a 45 ans et qui veut aller au Darfour pendant un mois — dans la GRC, c'est neuf mois — soit capable de faire tout cela. Malheureusement, je suis obligé de refuser, non pas parce qu'il est malade, mais parce qu'il n'a pas le profil médical requis et que je n'ai pas les moyens médicaux de le soutenir. La GRC a établi qu'on offre le même appui médical qu'ici à nos policiers à travers le monde. C'est plausible. En d'autres mots, on ne leur dira pas qu'ils peuvent mourir d'une crise cardiaque. On va les transférer dans un hôpital de haut niveau où ils peuvent recevoir des soins coronariens. Quand je faisais mes visites dans les missions, j'établissais la méthode d'évacuation.
    En ce qui a trait aux militaires, quand c'est assez gros, ils ont leur propre base. Ils ont tout cela et ils le font très bien avec l'Allemagne. Ce sont les normes qu'on établit.
    Ma question va plus loin que cela. Quand on fait signer un contrat à un militaire lors de son engagement dans les Forces canadiennes, l'évalue-t-on psychologiquement au point de départ?
    J'ai consulté le site Internet du ministère de la Défense nationale et je ne pense pas qu'ils fassent d'évaluations psychologiques. Ils établissent peut-être un profil, je ne le sais pas. Je ne peux pas en parler.
    On fait une évaluation physique de la personne, mais on ne fait pas d'évaluation psychologique.
    Je ne peux pas en parler. Pour faire de la formation, il faut de la discipline — les faibles craquent —, mais il n'y a pas d'évaluation psychologique. Nous recommandons l'évaluation psychologique du membre et de la famille. Qui va soutenir cet homme quand il va revenir? C'est la famille.
    Il faudrait le faire avant l'engagement.
    C'est exact. On a eu un peu de problèmes à cause des droits de la personne. Toutefois, la majorité des gens acceptent de façon volontaire. On envoie quelqu'un en Afrique pendant neuf mois et on veut rencontrer sa femme, car elle devra l'aider. La majorité des gens acceptent cela parce qu'on veut voir comment ils vont réagir au stress.
    D'après vous, pourquoi ne le fait-on pas? Vous êtes médecin, vous avez été évalué, et vous avez passé des examens. On ne vous a pas laissé entrer comme ça. Pourquoi ne le fait-on pas?
    Le problème est qu'il y a deux écoles de pensée. Je suis un spécialiste de la surveillance médicale. Quand on travaille à la Monnaie royale, on travaille avec de l'or, de l'arsenic, du plomb, du mercure. Lorsque j'y fais des analyses d'urine à des fins de dépistage, je trouve de ces métaux: c'est établi.
    En ce qui concerne les tests psychologiques, c'est un peu plus intrusif. Les psychologues sont un peu plus réservés quand il s'agit de trancher. C'est délicat. On n'a pas un pouvoir absolu. En revanche, de plus en plus, on a des outils.
    Les gens des droits de la personne, avec qui j'ai souvent travaillé et que je respecte, me disaient que si je soumettais M. Roy à un test, il fallait que je teste tout le monde. En outre, ils me demandaient de leur prouver que cela ferait une différence ou pas. Je peux défendre les cas des cinq années où j'ai appliqué ce programme à la GRC. Toutefois, je dois justifier chaque cas que je refuse, car les gens des droits de la personne me talonnent et je m'expose à un grief. Cela ne me pose aucun problème, car cela fait partie de mon travail, mais ce n'est pas facile. Il faut être vigilant: un test d'urine ne me dira pas si le militaire testé est un meilleur soldat ou non, mais on teste tout le monde.
    En principe, il faut s'arrêter sur la qualité de notre intervention, car ce sera à la base de notre décision de le déployer. C'est pour cette raison que cela prend un bon équipement. Voici ce qui se faisait chez les militaires: ils avaient le meilleur gars, mais quant à l'équipement, ils s'en remettaient à lui pour s'en occuper, pour actionner le choke afin de faire démarrer le véhicule.
    Tout cela fait partie de la formation. Si on me donne un nouvel équipement et que je ne suis pas formé... J'ai beau avoir la meilleure radio, mais si je ne sais pas m'en servir, c'est inutile. La même chose vaut pour l'équipement de protection personnelle. Ce sont souvent des stress que les gens ont.
    Si j'ai un mauvais char d'assaut et que je n'ai pas le bon uniforme, parce que tout le monde me voit à trois kilomètres, je suis stressé, et quand j'aurai un stress, je vais craquer plus vite. Ce que j'essaie de dire, c'est qu'on peut faire des tests psychologiques, mais il y a quatre critères en cause: un bon équipement, une bonne formation, une bonne protection personnelle et le bon examen médical. C'est un tout. On a souvent insisté seulement sur l'aspect médical ou seulement sur l'équipement. Voilà ce qu'est un programme de surveillance médicale.

  (0950)  

[Traduction]

    Merci, Jean-Yves. Nous pourrons vous revenir plus tard.
    Bev Shipley, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Docteur Belzile, merci infiniment de votre présence aujourd'hui. J'ai trouvé la discussion fort intéressante, comme elle l'était l'autre jour, d'ailleurs.
    Quelle coordination y a-t-il avec le ministère de la Défense nationale au niveau de la recherche? Il y a une question qui prend de plus en plus d'importance, à savoir que nous devons consacrer davantage de crédits à un certain nombre de domaines clés. J'ai peur qu'il en résulte un certain double emploi — je ne pense pas que ce serait sage — et il nous faut donc savoir quelles sommes servent maintenant à approfondir les recherches sur le SSPT. Donc, pourriez-vous me dire quels progrès ont été accomplis au cours des 10 dernières années pour ce qui est d'approfondir nos connaissances relatives à ce syndrome?
    C'est une bonne question.
    Je ne peux vous parler que de la GRC. Ce qui est intéressant, c'est que j'étais au centre des politiques et j'ai justement essayé d'établir des contacts avec les responsables des Forces armées — ils ont récemment ouvert leur propre clinique — mais je peux vous dire que c'était tout à fait impossible. D'après le manuel de la GRC, nous avons le droit d'y aller, mais c'était tellement compliqué.
    Malheureusement, mon grand frère, les Forces canadiennes, n'ont pas pu aider la GRC en matière de liaison. Nous avons dû faire cela « à la carte ».
    Évidemment, nous qui sommes médecins du travail à nous consultons un niveau individuel. J'ai quelques collègues militaires avec qui j'ai parlé, mais il n'y a rien eu d'officiel. Je suis d'accord avec vous pour dire que l'armée y consacre beaucoup d'argent, la GRC, aussi, et qu'il serait bon que nous asseyions ensemble pour… Il y a également beaucoup d'universités avec lesquelles nous devrions essayer d'assurer une meilleure coordination. Je sais qu'aux États-Unis, ils ont mis sur pied un certain nombre de comités.
    Donc, il y a beaucoup de monde. Dans quelle mesure y a-t-il du double emploi? Dans quelle mesure tous ces gens cherchent-ils à concrétiser une même vision? C'est difficile à dire. En tant que médecin du travail responsable des membres de la GRC, je peux vous dire que j'ai eu des problèmes, non pas avec les médecins, mais avec la bureaucratie; on me disait: « Robert, obtenez d'abord un bon de commande et une facture, et là je pourrai vous parler ».
    Est-ce le ministère de la Défense nationale ou la GRC qui posait problème?
    Les deux.
    Selon vous, le problème est-il le même dans ce contexte? Si c'est cela le problème, il faudrait s'y attaquer en premier lieu.
    Il faudrait surtout s'assurer de tenir des discussions régulières avec Anciens combattants Canada. Je ne peux pas parler pour les Forces canadiennes, mais malheureusement, nous avons eu des problèmes à la GRC. Bien sûr, la GRC est un petit acteur avec seulement 17 000 membres; l'armée en a 60 000.
    Il reste que, des fois, on se demandait pourquoi ils nous avaient refusé. Mais, ce qui est curieux, c'est que c'était des médecins du ministère des Anciens combattants. Je pense que nous aurions dû nous parler.
    Ailleurs, si on parle du Québec et de l'Ontario, nous avons des comités qui travaillent à différents niveaux — au niveau des pensions, ou au niveau des traitements. Nous avons des comités qui sont chargés du syndrome de stress post-traumatique et qui examinent donc les meilleurs traitements et la façon de procéder pour des cas de ce genre.
    J'ai quitté la GRC au 1er septembre 2006, mais je dois vous dire que je suis d'accord avec vous: c'était très difficile.
    Et quelle genre de coopération existe-t-il ailleurs? Vous n'êtes peut-être pas en mesure de me répondre, mais il est évident que nous ne sommes pas le seul pays à faire face à cette problématique. Les autres pays ont fait beaucoup de recherche et ont beaucoup de connaissances. Les États-Unis et certains pays d'Europe sont évidemment confrontés aux mêmes difficultés. À votre avis, devrions-nous avoir recours à leur expertise et essayer de coordonner nos efforts?

  (0955)  

    Oui, absolument. À la dernière réunion de comité à laquelle j'ai assisté, j'étais en présence de militaires du Royaume-Uni, de l'Australie et des États-Unis, et la réunion portait sur des questions médicales liées à l'immunisation. Nous examinions la question de la gestion des risques liés au déploiement d'un membre ou d'un officier dans ces pays — plus précisément, le type d'immunisation et de soutien médical d'ordre psychologique, physique et autre qu'il fallait assurer.
    Comme vous le savez, il y a toutes ces cliniques de l'ONU — c'est une simple observation, et non pas une critique — et parfois elles n'appliquent pas les normes canadiennes. Par exemple, en Haïti, nous avons l'ARDA argentine, et parfois il faut assurer la liaison avec les responsables de ce réseau. Des comités ont été mis sur pied en vue d'améliorer cette concertation, mais je ne sais pas dans quelle mesure il s'agit d'un travail officiel. Quand vous travaillez pour l'ONU, vous acceptez le poste qu'on vous donne, et à partir de là, vous essayez de négocier.
    Oui. Dans bien des domaines, je dirais que l'ONU ne constitue vraiment pas la solution. Mais, s'agissant du syndrome de stress post-traumatique, savez-vous quel pourcentage de personnes — je sais que vous êtes surtout au courant de la situation à la GRC, et peut-être aussi un peu chez les Forces armées canadiennes — qui aura besoin de traitement?
    À la GRC — et là je vous parle des chiffres qui étaient pertinents au moment où je l'ai quittée — c'était 2 p. 100. Ce qui est curieux, c'est qu'à la CSST — soit la commission des accidents du travail du Québec, qui est la seule commission provinciale à indemniser les gens pour des maladies d'ordre psychologique — ces cas-là représentent 2 p. 100 de notre charge de travail. Nous avons à traiter 300 000 cas par an, mais seulement 2 p. 100 d'entre eux concernent des problèmes psychologiques.
    Le problème qui se pose, dès lors qu'il est question de troubles psychologiques ou de droits liés à une maladie de ce genre, c'est qu'ils perdent deux fois plus de temps. Si, en moyenne, il faut compter 250 jours pour une blessure, c'est 500 jours dans ce cas-là. C'est ça le problème.
    L'autre problème qui se pose, dès lors qu'il s'agit de maladie psychologique, c'est que non seulement on perd deux fois plus de temps, mais il y a un certain pourcentage de personnes qui sont totalement handicapées. Ces personnes sont incapables de retourner travailler. C'est ça la grande inquiétude.
    Les chiffres ne sont pas si catastrophiques. Là je vous parle de la GRC et de la CSST; c'est pour ces deux organismes que j'ai des chiffres. Je n'ai pas de chiffres pour les Forces armées canadiennes. Mais, en fin de compte, cela représente deux fois plus de temps perdu et il faut comprendre que jusqu'à 50 p. 100 de ces personnes sont complètement handicapées et ne peuvent donc pas retourner travailler.
    Malheureusement — et je vais conclure là-dessus — les statistiques de 2006 concernent l'ancienne méthode. Comme vous le savez, pour le SSPT, la nouvelle méthode est axée sur l'intervention et l'admissibilité précoce, la gestion rigoureuse des cas par des psychologues compétents, l'EMDR, etc. Si vous les envoyez chez un psychologue, ils sauront raconter tout ce qui leur est arrivé de négatif dans leur vie, depuis 0 ans à 10 ans, mais cela ne va pas les aider à reprendre leur capacité normale. Donc, une fois que l'admissibilité a été établie, nous estimons que nous devrions exercer un certain contrôle sur les traitements. Si un sujet se contente d'aller voir n'importe qui, on va lui dire: allez consulter un naturopathe. Il va peut-être se sentir mieux mais, en fin de compte, il ne va pas vraiment guérir. C'est pour ça que nous devons exercer un certain contrôle afin de garantir le succès de nos efforts.
    Selon moi, si nous maintenons cette position rigoureuse au cours des cinq prochaines années, les statistiques ne seront pas plus mauvaises.
    Merci, monsieur le docteur.
    Je vais prendre un tour au nom de l'opposition officielle, et ce sera ensuite à M. Sweet, suivi de Betty et de Gilles, peut-être. Cela vous va?
    Pour en revenir à un point soulevé par Mme Hinton — c'est-à-dire, cette question de dépistage préliminaire — si cela se fait correctement, logiquement, on peut évidemment s'attendre à atténuer les problèmes futurs en s'y préparant à l'avance. Mais je peux aussi concevoir qu'on force les gens à subir des tests malgré eux et qu'il puisse y avoir d'autres problèmes également. Si vous avez un dollar à investir, en théorie, vous pouvez dépenser ce dollar avant le déploiement — qu'on parle des membres de la GRC, des Forces canadiennes, ou d'un autre groupe — ou on peut le dépenser après. Si vous n'aviez que ce dollar à investir, est-ce que vous le feriez avant ou après?
    Avant, certainement. Il y a toute la question de la santé communautaire. Vous pourriez mettre des publicités à la télévision tous les soirs pour encourager les gens à cesser de fumer, mais c'est quand j'ai le patient devant moi et que je lui impose certaines règles que la situation peut changer. Donc, pour moi, le dépistage individuel…
    Bien sûr, si on parle de postes au sein des Forces armées ou d'une force policière, il y a des risques et nous les connaissons. Tout cela nous est connu. Nous évaluons les dangers depuis longtemps. Il y a aussi la formation. Donc, nous avons une assez bonne cote pour ce qui est de faire des évaluations médicales, à la fois physiques et psychologiques, avant le déploiement, ce qui nous permet de réduire la sévérité des maladies. Mais je parle plutôt de l'éventualité qu'un type qui n'est pas en forme subisse une crise cardiaque, par exemple. Si un agent de police souffre de l'asthme et que je lui donne du poivre de cayenne, il va avoir une crise d'asthme et, par la suite, il ne servira plus à rien. Ça, c'est un fait accompli. Par conséquent, ces trois tests qui se font avant le déploiement sont appropriés.
    S'agissant des tests psychologiques, comme vous le savez, la GRC fait cela depuis 1998, et par conséquent, nous avons presque 10 ans d'expérience. À notre avis, nous avons réussi à maintenir le niveau.

  (1000)  

    Comment répondez-vous à l'argument — encore une fois, je suis sensible à certaines des observations de Mme Hinton — selon lequel quelqu'un pourrait être jugé avoir plus de risque de subir les conséquences d'un incident suscitant le syndrome du stress post-traumatique, mais peut-être pas? Finalement, c'est quelque chose de subjectif que vous mesurez, contrairement à un problème de faiblesse cardiaque ou l'asthme, par exemple. Que faut-il faire à l'égard d'une personne qui se fait dire, à la suite de son évaluation, qu'il ne devrait pas y aller, alors qu'il estime être capable de le faire et finit par souffrir d'anxiété ou de traumatisme tout simplement parce qu'on lui a refusé quelque chose? Vous pourriez finir par créer une situation sans issue, étant donné que ce que vous mesurez est particulièrement problématique.
    Je ne prétends pas que nous y arrivons à 100 p. 100, mais nous avons tout de même des normes qui nous permettent de faire une évaluation des risques. C'est pour cette raison que les tests ne suffisent pas. Cette évaluation est effectuée par un psychologue spécialisé. Nous faisons une évaluation et nous prenons une décision; parfois nous avons tort, et parfois nous avons raison. Comme vous le savez, il est toujours possible au Canada d'interjeter appel d'une décision. Cela ne me dérange pas. Il y a le palier des griefs, la Commission des droits de la personne, etc., et je me présente devant les différentes instances pour défendre ma décision, et cela ne me dérange pas du tout.
    Mais, d'après mon expérience, en règle générale, les gens comprennent. Nous expliquons notre décision. Que nous fassions ce travail pour les Forces canadiennes ou la GRC, nous ne nous présentons pas devant George en lui disant: vous n'y allez pas; un point c'est tout. Non, on lui dit: George, il y a un problème, voici en quoi il consiste, etc., etc. La plupart du temps — c'est-à-dire 95 p. 100 du temps — le membre est d'accord avec nous et admet que c'est une bonne idée.
    Nous ne cherchons pas la confrontation. Ce n'est pas utile. Si toutes mes décisions donnent lieu à une confrontation et à un appel, mon patron me dira: Docteur Belzile, vous êtes très bon, mais vous coûtez trop cher à la GRC. Donc, nous visons une solution, et non pas un problème. À mon niveau, nous cherchons une solution, et non un problème.
    Je vais attendre la fin pour poser une autre petite question.
    David Sweet.
    Je vous remercie, docteur. Si je souris, c'est parce que j'apprécie vos connaissances et votre sincérité. C'est très rafraîchissant.
    J'ai quelques questions bien précises à vous poser. N'existe-t-il pas un réseau officiel de professionnels de la santé canadien spécialisés dans le traitement du SSPT?
    Il existe une association de psychologues, mais si vous parlez d'une association officielle comprenant des membres de la GRC et d'autres forces policières, je dois vous dire que je n'en ai pas encore vu.
    J'assistais il y a quelques semaines à une réunion de AllerGen, qui est un réseau de médecins canadiens spécialisés dans le traitement des allergies et du diabète. Connaissez-vous ce groupe?
    Oui.
    On pourrait supposer que pour le SSPT, qui est un syndrome au sujet duquel nous continuons à apprendre beaucoup de choses, il y aurait un désir, parmi les gens qui travaillent dans le domaine au Canada, de…
    Ce désir existe. À la Commission de la santé et de la sécurité du travail au Québec, nous dispensons des programmes d'éducation. J'y joue un peu le rôle de juge, parce que j'écoute ce que dit le médecin du patient et ce que me dit le représentant de la force policière, la Sûreté du Québec… Nous avons un programme de formation de deux ans. Mais cela n'a rien d'officiel. À ma connaissance, il n'existe pas de programme d'éducation spécial sur le syndrome du stress post-traumatique parmi ceux dispensés par les forces policières ou les Forces armées canadiennes. Je sais qu'il existe quatre cliniques, mais dans quelle mesure y a-t-il communication des données pertinentes?
    Comme vous le savez, la faiblesse du système actuel, comme l'a dit le Dr Brillon… et, dans ce domaine, j'ai rassemblé mes propres statistiques. Malheureusement, on a beau lire tous les livres qui existent, il y a certains faits. Nous avons envoyé à l'étranger 2 000 membres, et nous savons combien d'entre eux ont fini par être aux prises avec le SSPT. La situation est-elle positive ou non? Ai-je suffisamment de statistiques ou non? Je n'en sais rien, mais c'est tout ce que je peux vous dire.
    En fin de compte, j'établis une comparaison entre mes chiffres et l'effectif normal de la GRC au Canada. Le gros problème que nous avons connu… et, comme vous le savez, nous n'avons pas de syndicat à la GRC; il reste qu'un représentant des membres prétendait que la mission coûte une fortune. Nous avons dit non, ces personnes ne sont pas plus malades que vous. C'est finalement pour cette raison que nous avons décidé de tenir des statistiques. Donc, nous avons pu établir que, grâce à un système de dépistage rigoureux, ces membres n'étaient pas plus malades, etc.
    Pour répondre à votre question, j'étais membre de l'Association des médecins du travail du Québec et je peux vous dire que nous n'avions pas de forum spécial pour discuter de cette question. Par contre, elle fait sans arrêt l'objet de discussion. Faudrait-il en créer un au sein de la GRC? Oui, parce que son effectif compte énormément de professionnels — des psychiatres, des psychologues et des médecins du travail.
    Ce qui est curieux, c'est que nous en avions un qui étudiait le problème de la douleur, et notamment la douleur chronique. Nous avons organisé une réunion à laquelle ont assisté tous les juges et tous les médecins, parce qu'on se sert de stupéfiants pour traiter la douleur. Mais nous n'aimons pas avoir recours aux stupéfiants parce que cela crée une grande dépendance. Donc, je sais qu'il y a eu un forum là-dessus, mais jamais sur le SSPT spécifiquement.

  (1005)  

    Quand je regarde votre CV, je constate que vous avez surtout de l'expérience au sein de la GRC. Dans quel contexte avez-vous donc pu connaître davantage la situation au sein des Forces canadiennes?
    Je vais vous expliquer pourquoi je vous pose cette question. M. Stoffer a posé une question au dernier témoin que nous avons reçu au sujet des psychologues qui travaillent sur le terrain, et depuis, nous avons reçu une réponse. On nous dit que trois psychiatres travaillent à la base de l'aérodrome de Kandahar, et de plus, le Col Randy Boddam est chargé d'une équipe composée d'infirmiers et d'infirmières spécialisés dans la santé mentale et de techniciens médicaux. Mais que, d'après ce que vous avez pu voir, on ne cherche pas à connaître le profil psychologique des personnes souhaitant entrer dans l'armée. Je peux comprendre que nous n'en sommes pas encore au point où nous en parlons avec la famille.
    D'après ce que j'ai pu voir dans le contexte du soutien prédéploiement et médical assuré aux Forces canadiennes, il n'y en avait pas. Évidemment, je ne suis pas sur place, et je ne peux donc pas vous donner une réponse plus précise. À la GRC, l'équipe médicale rend visite à tous nos membres, partout, régulièrement — c'est-à-dire une fois par an. Nous n'attendions pas de les voir quand ils revenaient sur une civière; nous leur rendions visite dans un contexte positif.
    Je sais que les Forces canadiennes ont une équipe de soutien médical, mais cette dernière s'occupe des gens qui se sont cassé un bras, etc. Dans quelle mesure fait-elle de la prévention, de l'évaluation et de la vérification des risques? Nous avons toujours attaché une grande importance, dans le cadre de notre participation à des missions de l'ONU, aux visites que nous rendons aux membres, non pas quand ils sont malades ou quand ils ont des difficultés, mais dans un contexte positif, afin d'évaluer la gravité des risques et établir leur profil médical. Par exemple, était-ce une bonne idée d'envoyer George en mission, lui qui était sensible au stress, et est-ce qu'il s'en est bien sorti, oui ou non? Voilà le genre d'évaluation qui pourrait se faire.
    Voilà justement l'autre question que je voulais vous poser. J'ai été fasciné par vos témoignages au sujet de la capacité de certains qui sont exposés au stress de devenir plus forts et de s'adapter à leur situation, alors que d'autres deviennent plus faibles et finissent, évidemment, par être aux prises avec des troubles comme le SSPT.
    Je sais que vous devez nécessairement interroger la personne, mais pourriez-vous me dire s'il existe des instruments d'évaluation fiables et impartiaux qui vous permettent d'établir qu'une personne est très disposée au syndrome du stress post-traumatique?
    Oui, et comme vous le savez, c'est au psychologue qu'il incombe d'effectuer les tests. Je n'ai aucune réticence à travailler avec des psychologues. Ils font partie de ma vie et je travaille régulièrement avec eux. Ce sont eux les spécialistes, mais c'est nous, les médecins, qui interprétons les résultats. Et pour vous répondre, oui, il existe des tests permettant de dépister la prédisposition à une maladie grave. Dans quelle mesure sont-ils précis? Eh bien, à 80 p. 100, et c'est bien. Si je mesure votre pression artérielle ou votre niveau de cholestérol, c'est la même chose. Si vous évaluez les tests que nous effectuons tous les jours sur votre coeur, vous allez voir qu'ils sont bons et fiables.
    En nous appuyant sur nos 10 ans d'expérience, nous allons accepter de les prendre et de leur donner une chance. C'est la position qu'a adoptée la Commission canadienne des droits de la personne, et je suis tout à fait disposé à leur donner une chance, car nous visons une solution, et non pas la confrontation. Mais quand nous sommes certains qu'il faut un certain profil, si bien que dans le cas de George, nous sommes obligés de lui dire: non, on ne peut pas vous envoyer parce que… eh bien, dans ces cas-là, nous défendons notre position.
    Oui.
    Donc, selon vous, ces tests sont exacts à 80 p. 100 environ.
    Dr Robert Belzile: Oui.
    M. David Sweet: Et nos connaissances au sujet du SSPT continuent à évoluer, si bien que vous êtes à peu près certain qu'au fur et à mesure que nous aurons d'autres données…
    Oui. Absolument.
    C'est là justement que nous avons des problèmes — c'est-à-dire pour nous comparer à d'autres pays qui ont à traiter…

  (1010)  

    Oui, c'est ça le gros problème. Les Forces canadiennes ont de grandes inquiétudes en ce qui concerne leurs données. Il en va de même pour la GRC. C'est ça le problème.
    Quelqu'un — et je ne sais pas qui, car je n'ai pas de solution à proposer — devrait assurer l'échange de ces données. Normalement, les médecins du travail échangent de tels renseignements, étant donné que nous n'avons pas de chiffres; nous ne sommes pas sur place. Voilà justement le genre d'information que nous pouvons échanger, étant donné que nous n'avons pas de noms. Nous ne sommes pas obligés de dire qu'en Afghanistan, il y en a eu plus qu'au Kosovo — non. Nous nous contentons d'échanger les informations.
    Merci.
    Nous passons à Mme Hinton, qui sera suivie de Gilles Perron.
    Cette discussion est fascinante. J'ai quelques inquiétudes, et David vient de mentionner une ou deux d'entre elles. Je serais très surprise d'apprendre qu'on ne fait pas subir des tests psychologiques aux membres de la GRC, aux pompiers, ou aux militaires avant de les déployer. Ils doivent certainement leur administrer certains tests.
    Vous travaillez du côté de la GRC, et j'aimerais donc que vous me confirmiez que vous administrez des tests aux personnes qui souhaitent entrer à l'école de police qui vous permettent de savoir ce qu'elles peuvent supporter sur le plan psychologique et ce qu'elles ne peuvent pas supporter. Les Canadiens seraient certainement très rassurés de savoir que vous administrez des tests aux candidats.
    Je ne voudrais pas dire quelque chose qui… Ce que je peux vous dire, c'est que la GRC est la seule force policière au Canada qui exige des évaluations périodiques de l'état de santé de ses membres. Cela se fait tous les deux ans. C'est la seule force policière qui applique officiellement une telle politique.

[Français]

     Est-ce le cas à la Sûreté du Québec?

[Traduction]

    Non.
    Je vais vous expliquer comment nous faisons cela. Supposons qu'un membre de la PPO désire aller au Darfour mais il n'a jamais fait l'objet d'un examen médical. C'est-à-dire qu'il a subi un examen médical au moment d'obtenir son diplôme de la force policière d'Aylmer, en Ontario, mais rien d'autre. Nous constatons qu'il a des problèmes de tension artérielle, qu'il est diabétique, et qu'il voit mal; mais lui n'est pas content parce que je ne peux pas l'envoyer au Darfour. C'est un cas hypothétique — ce n'est pas la vérité — mais voilà le genre de situation qui peut se présenter.
    Donc, la réponse est non: la seule force policière à exiger ce genre d'examen médical est la GRC. J'ai dû m'adresser à la Commission d'accès à l'information. Quel serait…
    Vous voulez dire au Commissaire à la protection de la vie privée?
    Oui, c'est ça. J'ai dû justifier chaque question auprès du Commissaire, et c'était une très bonne chose. J'ai justifié chaque question sur ce questionnaire de trois pages auprès des responsables de l'Accès à l'information, car il a été créé afin d'évaluer la capacité physique et mentale d'un agent de police de protéger le public, de porter une arme et d'arrêter les gens. Quand vous arrêtez quelqu'un, vous ne lui serrez pas la main; parfois il faut employer un peu plus de force. Toutes ces questions ont reçu la bénédiction du Commissaire.
    Je respecte grandement les agents de police. Mon oncle a été policier pendant de nombreuses années. Vous venez de me rassurer. J'aimerais que les Canadiens soient rassurés aussi, en sachant qu'avant que l'on donne une arme à feu à quelqu'un et qu'on lui remette un insigne de police, on s'assure de lui faire faire des tests; j'étais d'ailleurs assez sûre que c'était ça la pratique. Si cela se fait tous les deux ans, c'est déjà rassurant.
    Peut-être n'êtes-vous pas en mesure de répondre à cette question, mais c'est l'une des questions que je pose couramment aux témoins. Selon vous, y a-t-il une différence entre les besoins des anciens combattants de l'époque moderne, par rapport à ceux qui se sont battus dans un contexte plus traditionnel, en ce qui concerne le SSPT?
    Oui, absolument. S'agissant des anciens combattants récents, il est essentiel d'intervenir auprès d'eux rapidement, voire même immédiatement. Il faut reconnaître leurs difficultés, etc. Malheureusement — c'est une observation et non une critique — les anciens combattants âgés ont beaucoup souffert. J'en ai connu qui ont souffert et c'est terrible, mais je pense que nous les traitons mieux à présent. Des comité comme le vôtre sont conscients des problèmes; les communications avec le public aident sur ce plan-là.
    Malgré tout, nous continuons à découvrir un certain nombre de cas de personnes qui ont subi toutes seules des souffrances atroces. Ces gens-là ont servi notre pays. En même temps, comme on dit, ils sont réticents à consulter un médecin. Ce sont des militaires. Que voulez-vous? C'est le genre de questions qu'on pose qui compte. Le soldat en sait probablement plus que moi. L'armée assure différents types de formation — par exemple, juridique ou en communications. Nous ne savons pas si c'est un agent d'infiltration ou non; alors, va-t-il nous dire la vérité? Il s'agit d'une évaluation, et il faut qu'elle soit faite par un spécialiste.
    Certes, traiter avec Anciens combattants Canada à titre de médecin de famille — et je parle pour moi — est parfois difficile. C'est le problème de la multiplication de la paperasserie; parfois à Gatineau, parfois à Ottawa, parfois à Charlottetown. On fait savoir au pauvre soldat qu'il lui manque quelque chose. C'est toujours nous, les pauvres médecins de famille, qui n'ont pas bien rempli les bons formulaires de la bonne façon. En m'appuyant sur mon expérience de médecin de famille, j'essaie de les aider. Je vous ai dit que je suis un spécialiste des formulaires, et je devrais donc comprendre; donc, j'essaie d'améliorer les communications.
    Mais c'est un processus très compliqué; c'est le moins qu'on puisse dire.

  (1015)  

    Eh bien, je pense que nous sommes sur la même longueur d'onde à bien des égards, docteur.
    Je suis contente de voir que vous reconnaissez qu'il y a une différence entre les anciens combattants traditionnels et récents. Donc, j'en reviens à la question que je vous ai posée au départ.
    Nous parlons des anciens combattants traditionnels, et le fait est que ces derniers craignaient d'être déconsidérés s'ils admettaient que certaines expériences leur avaient été insupportables et qu'ils en avaient subi les contrecoups sur le plan psychologique. J'entretiens des relations avec des anciens combattants traditionnels depuis de nombreuses années, et je constate que, depuis deux ou trois ans, bon nombre d'entre eux commencent à parler de ce qu'ils ont vécu. Ils vont dans les écoles pour raconter aux élèves ce qui leur est arrivé dans leur vie.
    Donc, ce processus de guérison se fait attendre depuis longtemps, mais au moins nos anciens combattants qui ont plus de 80 ans maintenant peuvent parler aux autres de leurs souffrances et de ce qu'ils ont vécu.
    Donc, pour en revenir à ma question de tout à l'heure, que peut faire Anciens combattants Canada afin d'éliminer le stéréotype négatif qui accompagne les anciens combattants aux prises avec le SSPT? Quelles mesures concrètes peut-on prendre qui fera que les anciens combattants se sentiront libres de dire: voilà ce que je ressens, voilà ce que j'ai vécu, et j'ai besoin d'aide?
    C'est vrai ce que vous dites.
    Selon ce que j'ai observé, le message qu'on leur communique est celui-ci: « Vous avez droit à une pension pour le SSPT, George, et vous avez donc droit à des services de soutien psychologique. » Donc, il va voir le psychologue et le psychologue lui dit: « Eh bien, ils ne veulent pas me payer. Selon eux, vous avez besoin de seulement deux visites. »
    Donc, pour moi, il y a beaucoup de confusion en ce qui concerne l'aide qu'il faut fournir aux membres. Une fois qu'on a établi qu'il y a droit, et après s'être longtemps battu, il faudrait qu'il puisse s'adresser à quelqu'un pour obtenir de l'aide. Je sais

[Français]

que dans le cas des anciens combattants, il y a la Légion royale canadienne.

[Traduction]

Il faut absolument qu'on leur communique de l'information sur leurs droits. Très souvent, en ma qualité de médecin de la GRC, je leur disais: « Vous avez droit à telle chose. » Mais ils me répondaient en disant: « Non, si je vais voir le psychologue plus de cinq fois, ils vont dire que j'ai un problème. »
Donc, ils n'ont pas une idée claire de ce à quoi ils ont droit ni à qui ils peuvent s'adresser pour obtenir de l'aide. Il y a un agent de liaison qu'ils peuvent appeler. C'est une sorte de prolongation du programme d'aide aux employés. Mais si vous appelez Anciens combattants Canada, vous allez toujours tomber sur la mauvaise personne au mauvais moment. C'est très compliqué.
    Je suis médecin et j'ai donc des privilèges particuliers, même à la GRC. Je sais à quelle porte je dois frapper. Mais si personne ne me répond, qu'est-ce que je dois faire? Pour le pauvre soldat, vous savez… Il y en a un qui a appelé Gatineau, alors qu'il était à Charlottetown, et c'était pour quelque chose de fort simple.
    Donc, les communications sont mauvaises. Il faut absolument les améliorer. Le plus souvent, dès lors qu'il y a un processus, on lui greffe toutes sortes d'éléments. On dit au soldat: « Bon, George, votre gestionnaire de cas s'appelle Ginette. » Alors, il appelle Ginette, mais il n'y a pas de… S'il veut une paire de chaussures, il doit appeler Untel; s'il veut des soins psychologiques… c'est tellement compliqué. Voilà ce qui leur rend la vie difficile.
    Ils viennent me dire: « Bon. J'ai le syndrome du stress post-traumatique. On peut me traiter, je peux en parler, mais chaque fois que je demande quelque chose il faut voir la réaction! » Malheureusement, ces gens-là se mettent en colère. Ils se mettent en colère et ils raccrochent le téléphone. Ils disent: « George n'est pas content, alors il ne faut pas lui parler ». On fait parvenir à George une lettre recommandée dans laquelle on dit: « George, ne nous appelez plus. » Vous savez, ça fait partie de la maladie. Ces personnes deviennent dysfonctionnelles et ne comprennent plus ce qui devrait être compréhensible.
    Par conséquent, il faut leur faciliter la chose, et les changements opérés dans cette intention-là donnent déjà des résultats.
    Merci, docteur.
    Gilles Perron, c'est à vous.

[Français]

    Robert, je vais faire pas mal de « mémérage » . Vous allez confirmer ou démentir ce que je dis. Je pense qu'il y a de sérieux problèmes à régler. Je m'intéresse au stress post-traumatique depuis 1998.
    Je veux faire un commentaire à l'intention de Mme Hinton. Oui, il y a de nombreux très anciens combattants, ceux qui ont fait la Deuxième Guerre mondiale et la Guerre de Corée, qui ont de sérieux problèmes. Depuis 1998, chaque année, le 11 novembre, j'assiste à la cérémonie en vue de souligner la fin de la Première Guerre mondiale. Quand on voit des hommes de 85 ans et 90 ans pleurer, c'est parce qu'ils ont des problèmes  quelque part entre les deux oreilles. Ce n'est pas un événement qui devrait faire pleurer. Si l'ancien combattant pleure, s'il tremble, c'est qu'il a des problèmes.
    Ce qui se produit aussi du côté de nos très anciens combattants — et Pierre, qui est ici présent, va le confirmer —, c'est qu'ils se retrouvent à la Légion canadienne. Je n'ai rien contre cette organisation, mais les gars vont soigner leur stress post-traumatique en buvant du  gros gin. C'est ce qu'ils font depuis qu'ils sont revenus de la guerre parce qu'avant la guerre, ils n'avaient pas de problème d'alcoolisme.
    L'épouse du président de la Légion canadienne de Deux-Montagnes, Victor Smart, disait à ce dernier qu'il était un bon gars mais qu'il réglait son problème  entre les deux oreilles  avec du  gros gin. La façon d'arriver à traiter le stress post-traumatique est de changer cette opinion qu'ont les nouveaux et les très anciens combattants, selon laquelle un militaire ou un gars qui a fait la guerre et qui a des problèmes entre les deux oreilles  est un faible, un nobody. À Valcartier, les psychologues se trouvent au deuxième étage: les militaires appellent cela « l'escalier de la honte ». Ils montent au deuxième étage rencontrer une personne qui va vérifier s'ils ont des problèmes  entre les deux oreilles. Je m'excuse d'employer un terme aussi vulgaire, mais il sont vus comme des  tapettes. Il faut essayer de vaincre cette peur de se faire soigner.
    Il y a un autre problème que j'aimerais soulever— et je n'ai pas d'expérience à ce sujet — et vous pourrez me dire si j'ai tort ou raison. Au milieu ou à la fin des années 1990, on a commencé à s'intéresser au stress post-traumatique. Je me demande si nous avons présentement assez de psychologues formés dans ce domaine, ou dans quelque chose de semblable, pour détecter la maladie et soigner les personnes atteintes. Ne faudrait-il pas en former davantage? J'ai l'impression que c'est peut-être une nouvelle science, une nouvelle maladie pour eux aussi. Ne pourrait-on pas trouver les moyens d'en former un plus grand nombre?
    Je veux aussi répondre à David. Dans les forces armées, comme Mme Brillon l'a dit — et elle fait affaire avec Valcartier, au Québec —, il n'y a aucun psychologue.

  (1020)  

     Comme ces gens ne consultent pas un psychologue de façon volontaire, nous avons décidé d'aller les visiter et de faire une évaluation.
    Quand je vais à Port-au-Prince, le psychologue et moi nous partageons les membres moitié-moitié et nous les rencontrons. Nous avons une petite liste de questions que nous leur posons pour évaluer s'ils sont stressés et comment ils fonctionnent. Nous visitons leurs installations et, par la suite, nous faisons des évaluations.
    Il faudrait faire cela dans le cas de nos militaires qui sont en Afghanistan. Ce ne sont pas les gens qui sont sur place et qui soignent avec des plasters qui devraient le faire. Je n'aime pas le mot « audit », mais c'est une espèce d'évaluation que nous effectuons. Pour ma part, lorsque le soldat revient en congé, je lui dis de venir me voir. C'est ce que nous faisons. On dépiste la maladie, et il faut le faire.
    Il y a un deuxième aspect. Des psychologues, il y en en grand nombre au Canada, mais des spécialistes en stress post-traumatique, il n'y en a pas assez, et il faut s'assurer qu'ils connaissent le sujet. Dans le cas d'autres organismes, on a dit à ceux qui désiraient soigner le stress post-traumatique qu'on leur donnerait une formation sur ce à quoi on s'attend et sur nos objectifs. C'est une forme d'agrément que l'on accorde à ces gens.
    Qu'ils soient à l'intérieur des forces ou non, le problème, c'est que leur salaire est payé par le même organisme dans les deux cas et qu'il peut y avoir apparence de conflit d'intérêts.
    Supposons que le Dr Perron est le psychologue des forces et qu'un soldat doit le rencontrer. C'est lui qui peut lui retirer le droit de fonctionner, etc. Donc, il faut qu'il y ait un psychologue des forces pour déterminer les normes, ce qu'on va verser en compensation, comment on va le faire, qui on réfère à des ressources indépendantes, mais il faut que ce soit un psychologue indépendant qui soit vu en premier, et ensuite celui des forces armées va valider la décision. On ne peut pas — et c'est le problème dans les forces — demander à un psychologue de diagnostiquer le stress post-traumatique, de le traiter et de déterminer quand la personne peut reprendre ses fonctions. Malheureusement, une même personne ne peut pas porter les trois chapeaux.
    Sur le plan professionnel, les forces ont besoin de psychologues pour évaluer ce dont elles ont besoin, établir des statistiques, les soumettre au comité pour voir ce qu'il y a à faire, mais il faut aussi des ressources spécialisées. De plus, on ne peut pas faire venir le soldat d'Halifax à Montréal, ou de Montréal à Vancouver, et ainsi de suite.
    Il est possible de bâtir un tel système. J'ai travaillé pour des organismes nationaux. Nous avions nos psychiatres, nos psychologues dans chaque territoire, dans chaque province, dont la fonction était validée par un psychologue administratif qui nous disait que tel traitement ne fonctionnait pas nécessairement. Donc, il faut des traitements qui sont éprouvés. Il faut se méfier, car les gens qui souffrent de stress post-traumatique se font manipuler par toutes sortes de psys. En ce qui nous concerne, il faut que le traitement ait fait ses preuves. La personne atteinte peut se faire dire d'aller voir un naturopathe et de manger des graines de lin, mais cela n'aidera pas à redresser son moral. Et pour cette raison, il faut quelqu'un qui s'y connaisse. Donc, il faut un psychologue dans les forces, des gestionnaires, ainsi que des ressources externes spécialisées, autorisées par les forces et indépendantes des forces pour le diagnostic. Et il faut aussi visiter nos militaires pour vérifier ce qui se passe en Afghanistan et quel est le niveau de stress qui s'y vit.
    Nous avions un questionnaire pour évaluer le niveau de stress. On veut savoir si tous nos gens en Afghanistan dorment bien. On peut le savoir en les visitant. En gestion de la santé et sécurité au travail, cela fonctionne selon le modèle de la pyramide. À la base, si tu as beaucoup de gens qui ne dorment pas, il y en a d'autres au sommet qui seront en dépression. C'est clair. C'est comme cela qu'on gère cela. Donc, quand on va voir ces gens, si l'on constate qu'ils ont des poches sous les yeux jusqu'au menton et qu'ils n'ont pas dormi depuis une semaine, que l'on couche à cet endroit et que l'on ne dort pas parce qu'il y a trop de bruit, cela donne une idée du niveau de stress. Et le lendemain, il y a un char d'assaut à faire fonctionner, etc. Quand ils seront exposés au stress, c'est cela qui va les faire craquer. Donc, il faut que cet environnement soit connu, parce que quand quelqu'un souffre de stress post-traumatique, ce qui compte, c'est ce qui se passe dans sa tête avant, pendant et après.

  (1025)  

[Traduction]

    C'est maintenant à M. Cuzner. Peter a été retardé en raison de son vol, alors nous allons donner un tour à Peter s'il le désire, après celui de Rodger. Et après, nous verrons.
    Merci.
    Rodger, vous avez la parole.
    Je n'ai qu'une question.
    Étant donné votre CV, il est évident que vous avez de l'expérience à l'étranger. J'aimerais donc que vous nous disiez comment nous nous comparons aux autres pays. Y a-t-il des domaines où nous sommes en retard par rapport aux autres en ce qui concerne le traitement du SSPT? De même, y a-t-il des domaines où nous sommes en avance et où nos efforts sont couronnés de succès? Peut-être pourriez-vous m'éclairer à ce sujet-là.
    Je ne puis vous parler que de la GRC. Je pense que nous sommes très proactifs. Nous sommes fiers de notre programme. En fait, nous sommes…
    Mais vous participez à des échanges avec d'autres forces policières aux États-Unis?
    Oui, parce que quand nous allons à Port-au-Prince, en Haïti, nous rencontrons les représentants de toutes les forces policières et nous rendons visite à nos membres. Comme vous le savez, nos membres travaillent avec d'autres policiers venant du monde entier et par conséquent, nous sommes au courant.
    Notre évaluation prédéploiement, médicale et psychologique, est unique. Il est possible que la France ou d'autres pays aient quelque chose de semblable, mais les Américains n'en avaient pas quand j'étais sur place. Ils trouvent que ces visites sont excellentes.
    Nous allons voir l'ensemble des représentants de l'ONU et tous ceux qui sont sur place. Il est bien connu que le Canada jouit généralement d'une excellente réputation en ce qui concerne les missions internationales de maintien de la paix. Si je ne m'abuse, le chef de police à Abidjan, en Côte d'Ivoire, était membre de la GRC. Celui qui se trouve actuellement en Haïti a également été membre de la GRC. Donc, nous avons une bonne réputation.
    Cette liaison que nous assurons par l'entremise du déploiement à l'étranger de policiers qui participent aux efforts de l'ONU renforce notre crédibilité. Nous améliorons la démarche de l'ONU — et là, c'est une observation et non une critique — qui peut être longue et compliquée par moments.
    Donc, en ce qui concerne le déploiement des agents de police, je dirais que nous sommes proactifs et très respectés. Nous faisons un excellent travail. Vous pourriez poser la question directement aux membres qui relèvent de notre responsabilité, et ils vous diraient la même chose. En tout cas, je l'espère.
    Ça va, Rodger?
    Oui.
    Je vais donner la parole à Peter, et après cela, je n'ai plus de noms sur ma liste. Y en a-t-il d'autres qui voudraient poser une question après Peter? David?
    J'ai un dernier petit point à soulever.
    Très bien. Ce sera d'abord à Peter, qui sera suivi de David.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais présenter mes excuses à notre témoin d'être arrivé en retard ce matin.
    À la dernière réunion, Pascale Brillon est venue témoigner, et elle a indiqué que, selon certaines études, le SSPT peut être transféré de la personne qui en est atteinte à son conjoint et peut-être même à ses enfants. Je présume que c'est la même chose pour les membres de la GRC. C'est bien ça?

  (1030)  

    Oui. C'est curieux; je n'ai jamais entendu quelqu'un le présenter exactement de cette façon, et comme vous le savez, la meilleure façon de réduire les risques pour quelqu'un qui revient après une mission consiste à assurer des services de soutien à la famille. Quand quelqu'un — que ce soit un policier ou un membre des Forces canadiennes — revient d'une mission, il ne parle à personne; il reste dans sa chambre, et ça devient plus difficile. Les pauvres gens qui n'ont pas de formation dans ce domaine ne font qu'aggraver la situation, et c'est pour cette raison qu'ils doivent absolument être formés.
    Les membres de la famille peuvent-ils mal réagir si, quand vous revenez à la maison, vous ne parlez pas, vous pleurez tout le temps et vous vous mettez à boire? Bien sûr. Cela peut représenter une source importante de stress. Quant à savoir si le SSPT est effectivement transféré aux membres de la famille, je dirais que le psychologue est mieux placé que moi pour tirer une telle conclusion.
    Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de le lire, mais à la une du Globe and Mail d'aujourd'hui, il y a un article sur les enfants de certains militaires basés à Ottawa qui connaissent de graves difficultés. Je ne vais pas ouvrir un débat sur les autorités qui devraient payer de tels services, mais il ne fait aucun doute que l'appui aux familles est absolument indispensable, si on veut aider les militaires.
    Évidemment, lorsqu'un soldat revient d'une mission à l'étranger, d'après ce que nous a expliqué Mme Brillon, il a certainement été témoin d'incidents assez graves, et de choses que nous pourrions difficilement nous imaginer. Je sais que nous avons au Canada une pénurie de psychologues aptes à effectuer ce genre d'analyse, mais ne pensez-vous pas que le gouvernement fédéral ou le ministère devrait faire davantage pour aider non seulement l'ancien combattant, mais les membres de la famille?
    Oui, absolument, et nous le faisons déjà, comme vous le savez. Si vous travaillez pour les Affaires étrangères, ils vont prendre rendez-vous avec les membres de votre famille. Quand je suis allé en France il y a une trentaine d'années avec mon père, j'ai dû subir un examen médical. Ils font ce genre de choses. Quand nous envoyons des familles dans le Nord, nous évaluons l'ensemble des enfants, parce qu'ils vont vivre à Iqaluit pendant trois ans.
    Il faut absolument que ce soutien soit assuré au préalable. À la GRC, nous commençons ce travail avant votre arrivée. Mais parfois cela nous pose des problèmes liés aux droits de la personne. Par exemple, vous ne souhaiteriez pas que nous allions voir votre femme pour lui demander: comment ça va être quand Peter sera de retour. Mais la plupart du temps, c'est fait sur une base volontaire, et 90 p. 100 des gens participent.
    Ce serait intéressant de pouvoir bien informer les enfants. En tant que médecin du travail, j'estime qu'on ne peut jamais avoir trop d'information, à condition que ce soit fait correctement. Il faut être transparent et les informer des risques; il faut leur dire: ton père va en Afghanistan, eh oui, il arrive qu'il y ait des blessures et des décès, mais il y a également le côté positif. Il s'agit d'évaluer les risques.
    Ces pauvres familles sont toutes seules. Elles doivent sans doute recevoir leurs chèques, et si des membres de la famille veulent voir un psychologue, il faut qu'ils se battent. Cela m'inquiète. Il faut aider les familles, parce que cela fait partie de leur vie — d'autant plus s'il y a eu un décès ou si le membre est malade et ne se sent pas bien.
    Voilà pourquoi il y a une transition. Voilà pourquoi nous avons un programme d'aide aux employés très dynamique en vertu duquel on prend contact avec les membres dès leur retour. En fait, nous les voyons un mois après, et encore trois mois après leur retour, et nous conservons toutes les données sur leur état de santé. Lui ne nous appellera pas, mais nous l'appelons et nous lui expliquons qu'il doit venir nous voir pour une séance de débreffage. Cela n'a rien d'officiel, et je sais que cela suscite énormément de controverse. Mais il s'agit simplement de lui demander comment il va, et nous parlons même aux membres de la famille, parce qu'il arrive qu'ils ne se rendent même pas compte d'être ébranlés. Ce n'est pas évident.
    C'est pour cette raison que nous évaluons tous les membres de la famille à la fois avant le déploiement et après. Tout comme s'il s'agit d'une mission critique comme celle qui se déroule en Afghanistan, il faut les évaluer.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Je vais donner la parole aux autres membres qui sont sur ma liste. David et Gilles voudraient poser de courtes questions. Ensuite, nous avons des questions administratives à régler, et je vous demande donc de rester quelques minutes.
    David.
    Docteur, après avoir entendu vos témoignages — vous avez parlé de surveillance, de même que de l'évaluation prédéploiement et, bien entendu, des entrevues qui sont menées après le rapatriement, et la séance de débreffage — je me dis qu'une bonne partie de ce travail peut être accomplie par des omnipraticiens comme vous qui sont spécialisés dans la médecine du travail.
    Oui, des médecins qui ont cette formation-là.
    Donc, si je peux vous lancer quelques chiffres, 80 p. 100 de cette charge de travail se situe dans ces domaines-là, de sorte que les vrais spécialistes — les psychothérapeutes et les psychologues qui sont spécialisés dans le traitement du SSPT — auraient pour tâche de surveiller et de valider les instruments que vous utilisez.

  (1035)  

    Voilà. C'est ce que nous faisons ici à Ottawa. Nous avons des consultants externes, qui sont spécialisés et qui suivent les règles de confidentialité, etc. Cela ne se fait pas à l'interne. Cela permet d'assurer une plus grande crédibilité et d'améliorer les communications. Si je dois aller parler à la personne qui sera chargée d'établir mon profil relativement au travail que je vais faire à mon retour… Vous comprenez, nous ne voulons pas que cela pose problème. Nous voulons au contraire une solution.
    Donc, pour vous répondre, ce système pourrait être utilisé dans l'ensemble du Canada.
    Votre réponse m'amène à vous poser une autre question. J'ai posé une question au dernier témoin concernant la formation que reçoit le personnel médical, entre autres. En ce qui concerne les séances d'information et la formation dans ce domaine, histoire d'aider les gens en renforçant la camaraderie… Si j'ai bien compris, tout le monde réagit au stress; il s'agit simplement de savoir comment ils peuvent s'en sortir après l'avoir connu.
    C'est bien ça.
    Il serait bon de donner beaucoup de formation à la fois aux simples soldats et à ceux qui occupent des postes de supervision, pour qu'ils puissent reconnaître différents symptômes et venir en aide à leurs camarades après un échange de feux pour les aider à décompresser, etc.
    À la suite d'un incident critique, nous faisons toujours le bilan et parfois un médecin est sur place pour participer au débreffage et pour en discuter. Cela ne se fait pas au niveau individuel.
    Il est clair que les collègues jouent un rôle critique, étant donné qu'ils se rendent compte que vous réagissez différemment. Et nous formons les gens. Par exemple, on ne veut pas qu'ils aillent dire à Gilles: « Tu sais, tu es un peu fou. » Il faut qu'ils soient polis. Donc, ils devront dire plutôt: « Gilles, tu réagis différemment et je pense que tu devrais aller voir quelqu'un. » Voilà le genre de relations que nous essayons de favoriser entre collègues. Ils nous aident, car si on donne une arme à cette personne alors qu'elle ne se sent pas bien, cela pourrait déboucher sur un incident critique.
    Parfois on a peur quand on constate que les gens se comportent différemment. Donc, il faut former les gens. Il n'y a pas de problème si on dit à Gilles: « Gilles, tu devrais prendre quelques jours de congé — je vois que tu est nerveux; tu ne le vois pas, mais tu devrais le faire. » Voilà le genre de relations qu'il faut favoriser. Nous faisons cela avec les policiers là où nous avons un détachement de deux agents. Nous n'avons pas le choix, parce que l'autre lui sauve la vie. Donc, s'il est malade, il faut faire quelque chose.
    Ce n'est pas la même chose dans l'armée. On travaille en groupe. Donc, si vous savez que vous travaillez avec George, qu'il n'est pas dans son état normal et que vous vous trouvez dans un char d'assaut avec lui, si jamais un problème se présente, vous savez que vous avez un problème. Voilà le genre de rapport que nous cherchons à favoriser.
    Dans quelle mesure ce genre de relations existe-t-il? Je ne l'ai pas vu hier, mais je sais que c'est ce type de relations que nous essayons de créer entre collègues.
    Merci.
    Gilles, vous pouvez poser la dernière question.

[Français]

    Est-ce que je peux avoir plus de commentaires, Robert?
    Je ne veux pas être défaitiste, mais je vois qu'on a beaucoup de chemin à parcourir pour arriver à s'occuper encore plus de ces gens. Même pour ce qui est des très anciens combattants, nous avons besoin de beaucoup de formation: formation parmi les commandants — dans la foulée de ce qu'a dit David Sweet —, formation parmi les hauts gradés de l'armée qui sont sur le terrain et qui peuvent essayer de voir ce qui s'y passe.
    Ce n'est pas qu'ils font cela mal, mais ils n'ont aucune formation concernant le comportement humain. Ils peuvent se demander pourquoi une personne agit de telle manière. Peut-être est-ce parce qu'elle a dormi  sur le mauvais côté de l'oreiller ou qu'elle a  pris un coup  la veille. Même moi je ne serais pas équipé pour juger si une personne a des symptômes et si on doit se poser des questions. Il faut former tous ces gens et les sensibiliser à ce problème.
    Présentement, l'armée ne reconnaît pas le SPT, le stress post-traumatique. Durant les entraînements dans les bases militaires, quand les jeunes subissent du stress, on dit qu'ils souffrent d'une dépression nerveuse profonde, avec tous les symptômes du stress post-traumatique.
     Robert, je tiens à vous remercier, parce que vous nous avez aidés à nous orienter, j'en suis convaincu. Cela complète la discussion qu'on a eue mardi avec le Dr Brillon. Je m'accorde la permission de vous remercier parce que suis celui qui a suggéré qu'on vous invite.
    Je remercie le comité de m'avoir invité.

[Traduction]

    Merci beaucoup, docteur Belzile.
    Je tiens également à remercier Gilles de son initiative relativement au SSPT, et les collègues, de l'avoir appuyée.
    Nous remercions notre témoin.
    Chers collègues, nous avons un peu de travail à faire. Nous allons faire une pause de deux minutes pour permettre au témoin de partir.
    Il a été demandé que nous tenions cette discussion à huis clos.
    [La réunion se poursuit à huis clos.]