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SFIS Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité sur le déséquilibre fiscal du comité permanent des finances


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le vendredi 11 mars 2005




¾ 0805
V         Le président (M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ))
V         M. John Tory (chef, Parti Progressiste-Conservateur de l'Ontario)

¾ 0810

¾ 0815

¾ 0820
V         Le président
V         Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC)

¾ 0825
V         M. John Tory

¾ 0830
V         Le président
V         M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)

¾ 0835
V         M. John Tory
V         M. Paul Szabo
V         Le président
V         M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ)

¾ 0840
V         M. John Tory
V         M. Guy Côté
V         M. John Tory

¾ 0845
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD)
V         M. John Tory

¾ 0850
V         Le président
V         L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.)

¾ 0855
V         M. John Tory
V         L'hon. John McKay
V         M. John Tory
V         Le président
V         Mme Rona Ambrose

¿ 0900
V         M. John Tory
V         L'hon. John McKay
V         M. John Tory
V         Mme Rona Ambrose
V         Le président
V         M. Guy Côté
V         M. John Tory

¿ 0905
V         M. Guy Côté
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. John Tory
V         Le président
V         M. John Tory
V         Le président
V         M. John Tory

¿ 0910
V         Le président
V         M. John Tory
V         Le président
V         Le président
V         M. Richard Bird (Programme international de la fiscalité, Joseph L. Rotman School of Management, Université de Toronto, à titre personnel)

¿ 0925

¿ 0930

¿ 0935
V         Le président
V         M. David Perry (associé principal de recherche, Association canadienne d'études fiscales)

¿ 0940
V         Le président
V         Mme Rona Ambrose

¿ 0945
V         M. Richard Bird
V         Le président
V         M. Paul Szabo

¿ 0950
V         M. Richard Bird
V         L'hon. John McKay
V         M. Richard Bird
V         M. Paul Szabo
V         M. Richard Bird
V         M. Paul Szabo
V         M. Richard Bird
V         M. Paul Szabo
V         M. Richard Bird

¿ 0955
V         Le président
V         M. Guy Côté
V         M. David Perry

À 1000
V         Le président
V         M. Guy Côté
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. Richard Bird
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. Richard Bird

À 1005
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Le président
V         L'hon. John McKay

À 1010
V         M. Richard Bird
V         Le président

À 1015
V         M. Richard Bird
V         Le président
V         M. David Perry

À 1020
V         Le président
V         Mme Rona Ambrose
V         M. David Perry
V         Mme Rona Ambrose
V         M. David Perry

À 1025
V         Le président
V         M. Paul Szabo
V         M. Richard Bird

À 1030
V         Le président
V         M. Guy Côté
V         M. David Perry

À 1035
V         M. Guy Côté
V         M. David Perry
V         M. Guy Côté
V         M. David Perry
V         M. Guy Côté
V         Le président
V         M. Guy Côté
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. Richard Bird
V         Mme Judy Wasylycia-Leis

À 1040
V         M. Richard Bird
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. Richard Bird
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. Richard Bird
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Le président
V         L'hon. John McKay

À 1045
V         M. David Perry
V         L'hon. John McKay
V         M. Richard Bird
V         L'hon. John McKay
V         M. Richard Bird
V         Le président
V         M. David Perry
V         Le président
V         M. Richard Bird

À 1050
V         Le président
V         Le président
V         L'hon. Greg Sorbara (ministre des finances, Gouvernement de l'Ontario)

Á 1105

Á 1110

Á 1115

Á 1120

Á 1125
V         Le président
V         Mme Rona Ambrose

Á 1130
V         L'hon. Greg Sorbara

Á 1135
V         Le président
V         L'hon. John McKay
V         L'hon. Greg Sorbara
V         L'hon. John McKay

Á 1140
V         L'hon. Greg Sorbara
V         L'hon. John McKay
V         Le président
V         L'hon. Greg Sorbara
V         Le président
V         M. Guy Côté
V         Le président
V         L'hon. Greg Sorbara
V         M. Guy Côté
V         L'hon. Greg Sorbara

Á 1145
V         Le président
V         M. Guy Côté
V         L'hon. Greg Sorbara
V         L'hon Mike Colle (député, Eglinton-Lawrence et adjoint parlementaire au Ministre des Finances, Gouvernement de l'Ontario)
V         Le président
V         L'hon Mike Colle
V         M. Guy Côté
V         Le président

Á 1150
V         L'hon. Greg Sorbara
V         Le président
V         L'hon. Greg Sorbara
V         Le président
V         L'hon. Greg Sorbara
V         Le président
V         L'hon. Greg Sorbara
V         Le président
V         L'hon. Greg Sorbara
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         L'hon. Greg Sorbara
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         L'hon. Greg Sorbara

Á 1155
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         L'hon. Greg Sorbara
V         L'hon Mike Colle
V         The Chair
V         M. Paul Szabo
V         M. John Whitehead (directeur, Bureau du budget et de la fiscalité, ministère des Finances de l'Ontario, ministère des Finances)

 1200
V         M. Paul Szabo
V         M. John Whitehead
V         M. Paul Szabo
V         L'hon Mike Colle
V         M. Paul Szabo
V         L'hon Mike Colle
V         M. Paul Szabo
V         L'hon. Greg Sorbara
V         Le président
V         L'hon. Greg Sorbara
V         Le président
V         L'hon. Greg Sorbara
V         Le président
V         L'hon. Greg Sorbara
V         Le président

 1205
V         Hon. Greg Sorbara
V         Le président
V         L'hon. Greg Sorbara
V         Le président










CANADA

Sous-comité sur le déséquilibre fiscal du comité permanent des finances


NUMÉRO 005 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 11 mars 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¾  +(0805)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)): Bonjour tout le monde.

    Je vous remercie d'être venus ce matin pour cette séance du Sous-comité sur le déséquilibre fiscal. Je vous accorde 15 minutes pour votre déclaration liminaire et ensuite les membres auront la possibilité de vous poser quelques questions.

    Bienvenue, monsieur Tory. Et bonne chance pour votre élection.

+-

    M. John Tory (chef, Parti Progressiste-Conservateur de l'Ontario): Merci infiniment, à vous et aux membres du comité.

    J'ai deux excuses à présenter ce matin. La première est de ne pas avoir le texte de mon mémoire en français. Je l'ai révisé jusqu'à 7h20 ce matin. Du fait que je mène campagne dans une élection partielle, j'y ai travaillé jusque tard hier soir. Je n'ai donc pas eu la possibilité de le faire traduire et je vous en demande pardon. Je vous prie également d'excuser le fait de vous avoir dit que mon heure de disponibilité était 8h ce matin, et je suis sûr que ce n'était pas l'heure qui avait votre préférence pour écouter un témoin. Mais cela étant dit, je suis ravi d'être ici.

    Je ne vais pas vous faire lecture de mon texte. Je vais le passer en revue en diagonale et faire quelques commentaires, et nous pourrons ensuite passer à la période des questions.

    Il s'agit là d'un thème dont j'ai commencé à parler lorsque j'étais candidat à la marie de Toronto en 2003. J'en suis venu à réaliser, en écoutant les gens, des particuliers, des administrateurs d'organismes des services sociaux, des responsables de l'administration municipale, qu'il existait un problème sérieux dans ce pays sur le plan des prélèvements fiscaux infligés aux contribuables lesquels, et c'est peut-être le point saillant, considèrent qu'ils payent suffisamment d'impôt à tous les paliers de gouvernement confondus.

    Il se posait des problèmes de financement sérieux au niveau des autres paliers de gouvernement, en sus de celui du gouvernement fédéral. Déjà alors, en 2003, le gouvernement fédéral affichait des excédents substantiels, alors que les municipalités connaissaient des problèmes financiers. Bien que les contribuables ne comprenaient pas toutes les nuances et toute la mécanique des finances fédérales-provinciales-municipales—je ne suis pas sûr d'ailleurs que les responsables gouvernementaux eux-mêmes comprennent tout cela car il y a un manque de transparence—on voyait bien que les contribuables commençaient à se dire qu'ils payaient suffisamment d'impôt mais que l'argent n'allait peut-être pas au palier de gouvernement où il était le plus nécessaire pour la prestation des services aux Canadiens.

    Il existe, bien sûr, une crise très aiguë en Ontario en ce moment, avec un gouvernement provincial qui cherche à fournir des services qui relèvent de sa responsabilité constitutionnelle, en particulier les soins de santé mais pas seulement eux. Bien sûr, vous avez ensuite les gouvernements municipaux de l'Ontario, qui se retrouvent obligés de se débrouiller avec moins de moyens que ce qu'il ne leur faut, vu les services qu'ils ont la responsabilité de fournir, ce qui tient en partie au fait que la province n'a pas assez pour faire elle-même ce qui lui incombe.

    Ce que nous avons fait dans ce pays, à mon sens—et c'est l'une des thèses principales que je défends ce matin—c'est rapiécer le système au fil du temps. Nous avons eu toutes sortes de conférences des premiers ministres et autres rencontres où l'on a adopté des remèdes qui étaient censés durer une génération, parfois une décennie, parfois seulement cinq ans. Mais rarement sont-ils efficaces au-delà d'une très courte période. Je pense qu'avec tous ces bricolages nous avons façonné un système qui manque de transparence. Il est devenu tellement complexe et comporte tant de rafistolages qu'il en est devenu opaque.

    Je pense qu'il devient très difficile de justifier au contribuable, celui qui finance en fin de compte tous les gouvernements, que l'on dégage ces excédents énormes à un niveau donné de l'État. Les gouvernements provinciaux, partout au Canada, connaissent des déficits. Les municipalités, en tout cas en Ontario, ont énormément de difficultés. Aux yeux des contribuables, il ne semble pas exister de solution.

    J'estime donc que les dirigeants du pays doivent s'unir. C'est leur responsabilité, primordiale, de se réunir en tant que partenaires de la fédération et de concilier l'intérêt national et leurs intérêts provinciaux respectifs pour élaborer ensemble une solution meilleure et plus transparente qui puisse rectifier pour le long terme le déséquilibre fiscal.

    Je reprends dans mon texte certains termes que vous avez lu bien des fois, et sur lesquels je n'ai pas besoin de revenir, décrivant les principes de la péréquation, car je crois que les gens interprètent mal parfois le but du programme de péréquation, tel qu'il a été conçu et qu'il continue d'être. D'aucuns pensent qu'il était destiné à créer des quantités égales de richesses à travers le pays ou des quantités égales d'activité économique, alors qu'en réalité, pour paraphraser, il devait produire un montant de revenus autorisant la fourniture des services publics à travers le pays à des niveaux raisonnablement comparables d'imposition.

¾  +-(0810)  

    Ma province a toujours—et à mon sens, avec grande fierté—joué un rôle de premier plan s'agissant de partager la prospérité du pays. Cela reste le cas avec les dispositions de péréquation conclues encore en octobre 2004 : des montants d'argent toujours plus grands quittent l'Ontario pour alimenter le programme de péréquation et être redistribués dans les autres régions du pays. Je pense que les contributions de l'Ontario à ces programmes nationaux doivent se poursuivre, et parce que c'est dans l'intérêt national, qui a toujours beaucoup compté pour l'Ontario, et parce que c'est dans l'intérêt de l'Ontario. Un Canada fort est important pour un Ontario fort et un Ontario fort est important pour un Canada fort, mais nous en venons à un stade où il faut, d'une façon ou d'une autre, confronter la réalité, à savoir qu'en Ontario nous avons du mal à fournir nos services de base aux Ontariens et fournir en même temps toutes ces contributions à ces programmes nationaux.

    Si vous considérez l'année 2003, par exemple, elle a été réellement difficile pour l'Ontario avec le SRAS, la maladie de la vache folle, une panne d'électricité généralisée, et le virus du Nil occidental, toutes ces péripéties ayant coûté des milliards de dollars en manque à gagner fiscal pour la province, suite au recul du tourisme et de l'activité économique, sans qu'il y ait eu aucun répit sur le plan de l'escalade des coûts de santé et d'éducation. De fait, les besoins nouveaux identifiés, qui exigeaient un investissement additionnel dans des domaines comme l'éducation postsecondaire, l'agriculture et l'infrastructure, n'ont pu être satisfaits adéquatement.

    Je crois que ce qui s'est passé au fil du temps, face à ces situations, quels que soient les gouvernements au pouvoir, c'est que nos dirigeants se rencontrent et décident de transferts subjectifs et aléatoires de la part du gouvernement fédéral. On conclut des accords ponctuels pour des choses comme la santé, les recettes pétrolières extracôtières, la péréquation, etc. Souvent, ce sont des gestes sans lien entre eux, de nature ponctuelle en ce sens qu'ils rectifient un problème particulier dans une province particulière; ils sont souvent à court terme sans que rien ne soit fait pour réfléchir et considérer le tableau d'ensemble des relations financières fédérales-provinciales ou la relation sur un plan plus général et décider où l'on veut aller à cet égard à titre de planification nationale à long terme.

    Je crois que nombre des accords conclus sont assortis d'une reddition de comptes insuffisante. Le contribuable dispose de très peu d'assurance que l'argent fourni au titre de ces accords ira là où il est censé aller, et à mon avis cela conduit... Je suis un homme d'affaires qui n'est entré en politique que très récemment—je n'ai même pas encore été élu à mon premier siège à l'assemblée législative, j'espère l'être dans une semaine—mais je pense que lorsqu'on se retrouve avec ce type d'arrangement dénué de transparence, marqué par une réflexion de court terme, des solutions ponctuelles qui ne s'inscrivent dans aucun plan d'ensemble, eh bien il en résulte une planification très peu efficace de la part des autres paliers de gouvernement—les provinces et les municipalités. Cela conduit à une prestation moins efficace des services, car il n'y a réellement aucun étalon pour mesurer ce que produit l'argent supplémentaire englouti. Cela conduit inévitablement à un nouveau cycle de négociations ponctuelles plus tard car, par définition, si vous faites quelque chose de courte durée ou d'unique, vous vous retrouvez soit avec d'autres qui veulent le même avantage ou quelque chose de similaire ou avec quelqu'un qui, deux ans plus tard, dit que l'arrangement n'était pas assez bon et qu'il en faut un meilleur.

    Je prends l'accord sur la santé, par exemple. Autant les provinces avaient besoin de cet argent, et autant elles ont été ravies de le toucher, déjà—il a été conclu il n'y a même pas un an—vous entendez dire qu'il laisse à désirer et des doléances s'expriment sur diverses de ses dispositions. Comme je l'ai dit, initialement, cet arrangement était censé durer une génération avant que les ambitions soient rabattues.

    De même, la conférence tenue l'automne dernier sur la péréquation semble avoir été un autre exercice à court terme. Les partenaires dans la Confédération ont canalisé davantage de fonds vers un système non réformé, sans réellement se demander si le système ne devait pas être remanié et revu plus en profondeur. Le seul geste du premier ministre et du gouvernement fédéral a été de désigner un groupe d'experts pour examiner la manière dont l'argent est réparti. Tout de suite après, des accords similaires—des accords isolés—ont été conclus avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve concernant les ressources non renouvelables. Là encore, je pense que cela ne fait que prolonger la tendance. Inévitablement, dès le lendemain, vous avez eu des gens dans d'autres provinces, Ontario compris, qui disaient que puisque vous avez consenti tout cela à ces provinces, il faut nous donner la même chose.

¾  +-(0815)  

    Je souscris aux initiatives et propos du premier ministre McGuinty concernant la nécessité d'une modification du statu quo, sauf que, conformément à ce que j'ai dit au début de mon exposé, je formule des réserves sur deux éléments de son approche.

    Premièrement, en réclamant un chiffre de 5 milliards de dollars, qu'il explique en disant qu'il représente 40 p. 100 ou quelques de l'excédent existant, il ne fait que réclamer un autre arrangement ponctuel, cette fois-ci avec l'Ontario. Je ne pense pas que l'on va régler ces problèmes de façon durable en simplement choisissant ce chiffre, même s'il est le bon—autrement dit, quelle proportion d'un excédent budgétaire provient de la poche du contribuable de l'Ontario—et en disant d'envoyer cette somme à l'Ontario et que tout sera alors bien.

    De même, s'il y a une injustice inhérente dans les crédits pour l'établissement des immigrants versés à l'Ontario par rapport aux autres provinces—une injustice que je dénonce depuis les deux années et plus que je suis dans la vie publique et à laquelle il faut remédier—je ne pense pas, encore une fois, que simplement remédier à cela ou demander 5 milliards de dollars ou se limiter à seulement cela soit la bonne solution. Je pense qu'il faut une solution beaucoup plus globale.

    La deuxième chose que j'ai dite à maintes reprises est que, si je souscris au but de son action, il s'y prend d'une manière trop marquée par un esprit de confrontation avec le gouvernement fédéral, alors que je considère, qu'à titre de premier ministre de l'Ontario et, il se trouve, de président du Conseil de la Fédération cette année, il devrait chercher à s'asseoir de manière beaucoup plus constructive avec les partenaires de la Fédération pour une réflexion à longue échéance. Mettez-y le temps qu'il faut. Ayez la discipline de vous asseoir à la table. Ne vous obnubilez pas sur la publication de communiqués de presse, concentrez-vous sur la recherche de réformes.

    Cela nous ramène à ce qui me paraît manquer dans la vie politique d'aujourd'hui—et il s'agit là d'une opinion personnelle dont vous n'aurez pas le temps de débattre ce matin. Il semble exister une tendance à reporter sur autrui la responsabilité de prendre ces initiatives. Certains ont suggéré la mise sur pied d'une commission royale, un sujet dont je traiterai tout à l'heure.

    Je pense que ce serait une erreur terrible de former d'abord une commission royale et d'avoir seulement ensuite des orientations imprimées par les dirigeants politiques du pays. Je pense qu'il faudrait plutôt une rencontre préalable des partenaires de la Confédération pour discuter de la direction dans laquelle il faudrait aller avec toute cette question du déséquilibre financier et fiscal fédéral-provincial. Ensuite, il pourrait y avoir place pour une commission royale ou quelque autre organe indépendant d'experts pour affiner l'idée et élaborer des propositions concrètes, qui seraient soumises de nouveau aux dirigeants politiques du pays. Mais je crois que les seuls à pouvoir réellement fixer des orientations pour le Canada, qui puissent s'entendre sur de nouvelles directions pour le Canada et apporter des changements dans le financement des pouvoirs publics ou dans les arrangements financiers défrayés par les contribuables communs, ce sont les responsables à la tête de ces gouvernements.

    Je vais passer rapidement à travers mon texte. Je pense que c'est réellement là ce que les Canadiens demandent, par-dessus tout. Il se trouve que j'ai frappé ces derniers temps à plus de portes que la plupart des gens dans cette salle et probablement la plupart des autres politiciens, tout simplement parce que je mène campagne électorale en ce moment. Je constate que les gens sont effarés par les chamailleries constantes à laquelle se livrent les gouvernements et les politiciens au lieu de collaborer.

    Et les contribuables ne sont pas des imbéciles. Vous le savez tous. Vous leur parlez, vous aussi. Ils voient très bien que les gouvernements parlent tous de l'argent qui leur appartient, à eux. Les contribuables savent que c'est réellement leur argent et ils trouvent cela très frustrant. Ils savent que c'est leur argent, et pourtant ces gouvernements se le disputent comme s'il était le leur propre.

    Lorsqu'ils lisent sans cesse que le gouvernement fédéral croule chaque année sous les excédents budgétaires, les contribuables considèrent sincèrement, je crois, tant pour cette raison que parce qu'ils ne peuvent pas réellement payer plus, qu'ils sont suffisamment imposés. Mais la question n'est pas de savoir s'ils payent assez d'impôts, comme je l'ai dit plus tôt, elle est de savoir si l'argent parvient au bon niveau de gouvernement.

    Je répète donc mon appel devant vous aujourd'hui et je vous exhorte à ajouter votre voix à la mienne et à celle de tous ceux qui réclament une réunion du Conseil de la Fédération et, au-delà, une conférence de tous les gouvernements du Canada pour discuter de la question du déséquilibre fiscal. Et il ne faut pas simplement qu'il s'agisse de paroles en l'air, mais de pourparlers très concrets visant à enclencher un processus de réforme fondamentale.

    Je vois M. McGuinty indiquer que le Conseil de la Fédération a décidé que sa contribution à cette entreprise est d'avoir presque mis sur pied un comité. Je pense que nous avons eu assez de comités pour parler de cela et qu'il faut réellement que les responsables s'assoient et décident de parler de mesures très concrètes à entreprendre. Seulement alors, à mon avis, peut-il être question de renvoyer ces mesures à un organe indépendant.

    Pour ce qui est d'une commission royale, je dis ici que si une commission royale ou un organe similaire devait être formé—je ne suis pas fanatique des commissions royales car elle tendent à devenir des machines énormes, compliquées, très coûteuses et de longue haleine qu'il ne faut utiliser que rarement—les dirigeants politiques devront lui donner des indications très claires sur ce qu'ils en attendent. Je pense qu'il faudrait lui donner un délai relativement court, tout en sachant que le sujet est complexe, et qu'elle devrait faire son travail de manière très économe.

¾  +-(0820)  

    Je parle dans mon texte d'autres options. Le fait que j'en parle ne signifie en rien que j'y souscrive; simplement, toutes sortes d'idées ont été lancées par le Conference Board, par la Commission Séguin et par d'autres qui préconisent des façons de s'attaquer au problème. Je serais ravi de réponse à vos questions sur mes préférences personnelles, non pas que celles-ci soient nécessairement très utiles pour votre étude, mais je pense que beaucoup de travail a déjà été fait dans ce domaine. À mes yeux, cela souligne encore une fois qu'il n'est pas nécessaire de démarrer à zéro avec une commission royale ou quelque autre organe qui commencerait à se pencher sur le problème comme si nul ne l'avait jamais fait auparavant.

    Je terminerai en disant simplement ceci. Je crois réellement qu' il faudra faire en sorte que les municipalités soient au premier plan de la réflexion dans ces discussions sur le déséquilibre fiscal fédéral-provincial et peut-être faudra-t-il trouver une façon de les faire participer. En effet, si vous regardez la prestation d'un grand nombre de services si importants aujourd'hui, vous constatez qu'ils sont fournis par les collectivités locales lesquelles, en tout cas en Ontario, sont à bout de ressources. C'est dû en partie aux arrangements en place entre les gouvernements provinciaux et municipaux, mais je réalise que cela n'est pas de la compétence fédérale.

    Néanmoins, nous devons décider qui va faire quoi entre les trois paliers de gouvernement, qui tous sont financés par le même contribuable, et faire en sorte que les contribuables puissent voir que des mécanismes transparents, ne faisant pas double emploi, simples, clairs, efficients soient en place pour la prestation des services. Au cours des deux années que j'ai passées dans la vie publique, j'en suis venu à réaliser plus que jamais que les gouvernements locaux ont un rôle crucial à jouer sur le plan de la prestation de services, du fait de leur proximité de la population, plus que les autres paliers de gouvernement. Par conséquent, on ne peut les ignorer dans notre réflexion sur cette problématique.

    Je vous remercie de votre patience, monsieur le président et membres du comité. Pourrais-je juste répéter une dernière chose en guise de conclusion?

    Je crois que les dirigeants politiques du pays ont la responsabilité de s'attaquer à ces problèmes et que, trop souvent, ils sont enclins à se défausser sur des groupes de travail ou des comités, etc. Cela va à l'encontre de tout ce que j'ai appris lorsque j'étais chef d'entreprise. Je sais bien que les entreprises et les gouvernements ne sont pas du même moule, mais dans les affaires vous n'avez pas la faculté de reporter les problèmes en les renvoyant à un groupe de travail; lorsque vous avec un problème, vous devez le confronter. Vous devez prendre vos responsabilités, prendre des conseils là où vous pouvez, le plus rapidement possible, esquisser quelques recommandations, puis prendre des décisions. J'espère que les dirigeants politiques du pays le feront et assumeront cette responsabilité.

    Je voudrais simplement dire, en tant que leader politique en Ontario, que je salue toute possibilité de participer à ce travail de toutes les manières appropriées, notamment en comparaissant ici aujourd'hui, et je vous remercie de nous avoir adressé une lettre d'invitation.

    Deuxièmement, il s'agit de ne pas perdre de vue dans ce débat qu'un Canada fort est vital pour un Ontario fort et qu'un Ontario fort est vital pour un Canada fort. Nous devons toujours, toujours, toujours dans cette province—et partout ailleurs dans le pays, je l'espère—avoir à l'esprit l'intérêt national, assurer qu'il existe des programmes nationaux solides qui nous permettent de façonner le genre de pays que nous souhaitons avoir, mais en reconnaissant que nous ne pouvons le faire aux dépens d'aucune province, pas plus l'Ontario que les autres. Les deux niveaux doivent être solides.

    Je vous remercie.

    Désolé si j'ai dépassé le temps imparti, mais je serais ravi de répondre aux questions que vous ou les membres du comité pourriez avoir.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Tory.

[Traduction]

    Madame Ambrose, vous avez cinq minutes.

+-

    Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci d'être venu nous rencontrer et de votre exposé, monsieur Tory.

    J'aimerais parler un peu de la formule de péréquation telle qu'elle s'applique à l'Ontario et des propos de M. McGuinty. Vous avez parlé de rafistolage de la formule de péréquation, un thème de prédilection depuis quelque temps du Parti conservateur, de l'opposition officielle—déplorant le rafistolage des arrangements fiscaux fédéraux-provinciaux et du manque de transparence qui en résulte. Comme vous l'avez dit aussi, la péréquation, en tant que formule et que programme national très important, n'est pas nécessairement censée être un moteur économique, elle est simplement supposée engendrer et faciliter l'égalité des chances pour les Canadiens à travers le pays, sur le plan des services publics. Mais elle ne doit pas non plus entraver ou restreindre la croissance économique, une autre de nos préoccupations.

    Dans l'accord sur la péréquation du mois d'octobre que le premier ministre McGuinty a signé—et que nous avons soutenu car nous pensons qu'il assure une plus grande stabilité et prévisibilité des fonds versés aux provinces au cours des dix prochaines années—l'un des aspects qui nous préoccupent, nous et notre leader, et que j'ai soulevé lors des débats sur la péréquation à la Chambre, c'est qu'il établit un plancher très généreux. Si c'est là un avantage pour les provinces démunies, la difficulté pour l'Ontario avec ce seuil généreux, c'est que si l'économie provinciale ralentit, l'Ontario se retrouvera à payer plus en péréquation qu'il ne le devrait. C'est un souci. Je pense que cela nuirait non seulement à l'économie de l'Ontario, mais aussi à tout le Canada, car l'Ontario, comme vous l'avez dit, est le premier moteur de l'économie du Canada.

    Ainsi donc, ma préoccupation, en rapport avec les propos récents du premier ministre McGuinty sur la péréquation... Franchement, je pense que ses propos reflètent la frustration que la plupart des premiers ministres provinciaux ressentent face à ces accords bilatéraux ponctuels. Ils sont peut-être dans l'intérêt de chacune des provinces concernées, mais je ne pense pas qu'ils soient dans l'intérêt du pays; je songe en particulier à l'accord avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve sur les ressources non renouvelables extracôtières. Nous avons appuyé cette entente et nous, au Parti conservateur, la réclamions depuis très longtemps, mais le problème d'un accord comme celui-ci et de tous les accords ponctuels est qu'ils risquent en réalité de fragiliser le programme de péréquation dans ce pays. Ils enclenchent, comme vous l'avez dit, le désir chez les autres provinces de quelque chose de similaire, au lieu que l'on se concentre sur une réforme réelle de la formule.

    Mais il existe encore un autre élément, un facteur préoccupant dans l'accord signé en octobre, à savoir l'impact de l'économie américaine en Ontario, une dimension qui n'a pas nécessairement été prise en compte dans les pourparlers d'octobre.

    J'aimerais que vous nous parliez plus avant du rôle que peut jouer l'Ontario pour assurer que la province reste un moteur économique, vu l'accord signé en octobre. Craignez-vous, comme le disent certains économistes, que l'Ontario connaisse un ralentissement économique et comment pourrions-nous nous en prémunir et garantir dans les quelques années qui viennent que l'Ontario reste le moteur économique de ce pays par des changements de politique ou une action concertée entre le gouvernement fédéral et celui de l'Ontario?

¾  +-(0825)  

+-

    M. John Tory: Eh bien, cela fait huit questions en une et je vous en remercie. Je parlerai en dernier du plus gros point d'interrogation, soit la dernière question.

    Je ne soulignerai jamais assez combien l'approche dispersée de tous ces problèmes est pernicieuse pour le pays. Je pense que le Canada est un partenariat, il est une fédération. Si vous le concevez comme un partenariat, la notion d'un partenariat où—si vous ajoutez les territoires—13 ou 14 partenaires, soit le gouvernement fédéral et tous les gouvernements provinciaux et territoriaux, iraient conclure des accords particuliers avec deux ou trois ou un partenaire, et informeraient les autres au moyens d'un communiqué de presse... Ce partenariat-là ne serait pas très bien géré. Et ce ne serait pas non plus un partenariat très heureux et cordial, car vous auriez des partenaires mécontents et d'autres heureux et aucune planification réelle à long terme.

    Je tends à penser que certaines des suggestions faites par le Conference Board—en rapport avec la situation que vous avez évoquée où l'Ontario aurait une économie en panne mais devrait néanmoins payer plus suite à l'accord conclu cet automne—seraient possibles. Par exemple, le Conference Board a suggéré des moyennes mouvantes triennales au lieu d'utiliser ces calculs sur une année, qui prennent trois ou quatre ans à effectuer de toute façon, avec les 42 niveaux d'imposition différents pris en compte. Vous pourriez, par exemple, prendre l'indice de majoration de 3,5 p. 100 et le faire varier en fonction du taux de croissance réel des provinces « nanties »—pas seulement de l'Ontario.

    Autant l'Ontario, et je crois ses habitants, veulent apporter leur contribution à ces programmes nationaux et les considérer comme un élément important de la citoyenneté canadienne et ontarienne, si l'économie de l'Ontario croît au rythme de 0,5 p. 100, mais que nous devons payer 3,5 p. 100 de plus au titre de l'indexation, il y aurait une possibilité de varier ce chiffre dans une certaine mesure—c'est ce que j'appelle une indexation partielle—de façon à au moins tenir compte en partie du fait que l'économie de l'Ontario tourne au ralenti.

    Je pense que c'est également nécessaire pour la transparence. L'une des raisons pour lesquelles on schématise un mécanisme très complexe et important pour la citoyenneté canadienne en un débat politique parfois stérile, c'est que le programme est en fait tellement complexe qu'il est plus facile d'avoir un débat politique superficiel où l'on ne parle que d'argent qui entre et qui sort au lieu de réellement expliquer ce qui se passe. Je pense qu'il faut d'urgence simplifier et rendre cela plus transparent afin que les Canadiens, ceux de l'Ontario et d'ailleurs, comprennent comment le système fonctionne et puissent voir que nul n'est exploité. C'est un programme qui a plutôt bien marché dans le passé.

    Pour ce qui est de votre question sur l'économie ontarienne, je ne peux que dire que je me fie... Vous pouvez vous fier à tous les indicateurs que vous voulez. Si je regarde le dernier rapport du ministre des Finances de l'Ontario, il a parlé d'un recul des recettes de la taxe de vente, dit que d'autres recettes fiscales comment à baisser. Je tends à me fier davantage, comme probablement beaucoup d'entre vous, aux renseignements anecdotiques que je retire de mes conversations avec les gens d'affaires.

    Hier, je me trouvais à Mount Forest, en Ontario, et j'ai visité un ou deux commerces au cours de ma tournée électorale. Le premier était un magasin de vêtements de femmes qui semblait s'adresser—et on me l'a confirmé—davantage aux femmes d'âge mûr. C'est une petite ville typique de l'Ontario. J'ai demandé à la patronne comment les affaires marchaient, et elle a dit qu'elle tenait ce commerce depuis 20 ans et que c'était les trois mois les pires qu'elle ait jamais connus. Je lui ai demandé pourquoi, et elle m'a répondu que les gens n'ont tout simplement pas d'argent. Dans cette bourgade, cela traduit probablement la faiblesse de l'économie agricole, etc. Mais voilà donc, à une époque où l'on nous dit que la conjoncture est très robuste et que tout va bien en Ontario, que l'Ontario est le moteur qui fait tourner le pays, voilà ce qu'elle dit.

    Je suis donc allé trois portes plus loin pousser la porte du concessionnaire Ford et ai demandé : « Comment ça marche? Je sais que l'industrie automobile suit des cycles car les gens achètent des voitures puis n'en achètent plus, selon les incitations offertes ». La femme qui gère la concession a répondu « Les affaires sont très mauvaises, nous sommes dans un grand creux du cycle. Personne n'achète rien ».

    Si l'industrie du bâtiment donne encore des signes de vitalité, grâce au faible taux d'intérêt, et que les gens continuent d'acheter des maisons et des appartements, et que d'autres secteurs de l'économie se portent bien, ces deux anecdotes sont révélatrices de la situation générale.

    Vous me demandez quelles sont les solutions. Si je connaissais ces solutions magiques, je serais probablement déjà à la tête du gouvernement ou bien les gens voudraient m'y mettre immédiatement. Mais je pense que nous devons être très conscients des niveaux de fiscalité, car c'est un facteur qui compte beaucoup pour ceux qui envisagent d'investir en Ontario ou n'importe où au Canada, d'ailleurs. Je pense qu'il faut considérer le fardeau réglementaire que l'on inflige aux entreprises. Je pense qu'il faut s'attaquer à certains des problèmes de concurrence que nous connaissons, que ce soit dans l'agriculture ou la fabrication.

¾  +-(0830)  

    Je ne prétends pas que l'on puisse faire grand-chose concernant le cours élevé du dollar. C'est le produit du marché mondial des capitaux et du marché financier. Mais je pense que la fiscalité et la réglementation, et la difficulté à créer des entreprises et à les exploiter à cause du fardeau, financier et autre, que les gouvernements à tous les niveaux imposent représentent un problème majeur qui ne va que s'amplifier au fil des prochaines années du fait d'un accroissement de la concurrence.

    J'espère avoir répondu à ce qui était une série de questions. Je vous en remercie.

+-

    Le président: Merci, monsieur Tory.

    Merci, madame Ambrose.

    Monsieur Szabo.

+-

    M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.

    Bienvenue, monsieur Tory.

    Lorsque nous débattons au Parlement du déséquilibre fiscal, les données de départ fournies sont en gros que les gouvernements fédéral et provinciaux ont chacun les instruments qu'il faut, sous la forme des recettes fiscales, et que toute la question est de savoir dans quelle mesure ils utilisent ou non ces outils correctement. Donc, dans cet ordre d'idées, l'Ontario pourrait théoriquement tout simplement majorer ses impôts sur le revenu et régler son problème.

    Mais cela suscite dans mon esprit une question que j'aimerais vous soumettre. Si le gouvernement fédéral est perçu comme ayant un excédent chronique, n'est-ce pas là un signal amenant tous les autres à se dire qu'il peut être la solution à leur problème particulier?

    J'évoque cela dans le contexte d'une question aussi simple que l'excédent théorique du fonds AE. Plus de 60 milliards de dollars de primes excédentaires ont été accumulés dans le programme. Ce surplus est versé aux recettes générales du gouvernement et englobé dans le calcul de l'excédent ou déficit budgétaire annuel. Au cours de la même période, nous avons également versé des remboursements de dettes d'un montant similaire. Donc, à toutes fins pratiques, l'excédent AE a été appliqué à la dette, mais dans l'avenir il faudra le reverser aux Canadiens sous forme de cotisations réduites ou de majoration des prestations, car la loi exige... On pourrait probablement arguer que le gouvernement fédéral ne connaît pas d'excédent budgétaire réel, qu'il n'y en aurait pas si le surplus AE n'avait pas fourni ces fonds.

    Donc, avec ce seul exemple, que peut-on répondre à M. McGuinty lorsqu'il chiffre le déséquilibre fiscal à 23 milliards de dollars? Avez-vous eu l'occasion d'examiner les principaux éléments de son calcul et diriez-vous que c'est une évaluation à peu près exacte du déséquilibre fiscal?

¾  +-(0835)  

+-

    M. John Tory: Monsieur Szabo, permettez-moi d'indiquer plusieurs choses à ce sujet.

    Tout d'abord, même M. McGuinty, lorsqu'il lance le chiffre de 23 milliards de dollars, ne prétend pas que la solution idéale pour l'Ontario, en tant que partenaire qui contribue à la Confédération et veut continuer à le faire, consiste à lui restituer la totalité des 23 milliards de dollars pour solde de tout compte. Il dit, et je suis d'accord avec lui en cela, que l'Ontario doit continuer à verser une contribution qui soit probablement une contribution nette à la Confédération et à la prospérité d'autres régions du Canada, car nous sommes ici plus riches et avons une plus grande capacité à produire de la richesse.

    Le problème avec ce genre de discussion, comme je le disais à Mme Ambrose, est que l'on finit par parler de ces chiffres d'une manière incroyablement superficielle, comme s'il suffisait de renvoyer ces 23 milliards de dollars de différence, ou comme si c'était là le problème. Je ne crois pas que ce soit là le problème. Si vous remontez dans l'histoire, probablement depuis les origines de la plupart de ces programmes, l'Ontario a toujours apporté une contribution nette car nous avons dans la province une forte capacité de génération de richesse. La plupart des habitants de l'Ontario ont toujours pensé que cette contribution à la nation était également dans notre intérêt propre. Elle nous a aidé à devenir le moteur de création de richesses que nous sommes au Canada.

    Il s'agit plutôt de se demander si nous sommes arrivés à un point, oubliant pour un moment les chiffres, où nous ne parvenons plus à financer nos propres programmes—je viendrai à votre question très importante de l'utilisation de nos outils propres—et que l'on nous demande néanmoins de contribuer de plus en plus à ces programmes nationaux alors que nous ne pouvons même plus payer nos propres factures.

    Soit dit en passant, je suis grand partisan du remboursement de la dette. Je pense que les efforts déployés par le gouvernement actuel d'Ottawa et par le gouvernement précédent de l'Ontario en vue de réduire la dette étaient judicieux. Aucune entreprise en Ontario, aucune famille en Ontario, n'évite les efforts et la discipline requise pour réduire sa propre dette. C'est quelque chose que nous sommes tous obligés de faire. Je pense qu'il est bon que les gouvernements en fassent autant, et je comprends donc ce que vous dites. Une partie de ce qui est accumulé à Ottawa sous la forme de ce que nous appelons un excédent sert à cette fin.

    J'ai bien saisi ce que vous avez dit au sujet de l'excédent AE. Si vous impliquez que la solution consiste à dire que si l'Ontario a un problème il n'a qu'à majorer les impôts, cela me paraît une réponse trop facile car les contribuables—certainement ceux que je vois à travers l'Ontario et c'est probablement le cas partout au Canada, mais je ne puis le garantir car mes voyages sont limités à l'Ontario—disent qu'ils payent assez d'impôts. Ils trouvent qu'ils payent assez d'impôts. Non seulement disent-ils qu'ils en payent assez, du point de vue de la part de leur revenu prélevé en impôts, mais dans bien des cas ils disent qu'ils n'ont pas les moyens de payer plus. Ils ont du mal, surtout les catégories à revenu moyen et faible, à joindre les deux bouts et à nourrir leur famille, sans extravagance.

    D'aucuns disent que l'Ontario a les outils et qu'il lui suffit d'augmenter l'impôt sur le revenu. C'est ce qu'a fait le gouvernement de l'Ontario, et nous nous y sommes opposés. Il avait promis de ne pas le faire, il l'a fait quand même. Il a augmenté l'impôt. La plus grande augmentation d'impôt de l'histoire de l'Ontario a été imposée l'an dernier par le gouvernement libéral et nous pensons que c'était mal car il avait promis, par écrit, de ne pas le faire.

    Mais ayant dit cela, quiconque prétendrait qu'il n'a rien fait pour majorer ses propres revenus négligerait cette augmentation d'impôt. Ce qu'il faut, c'est un débat englobant tous ces facteurs que vous avez évoqués, notamment l'excédent et son fonctionnement, la nécessité de rembourser la dette aux niveaux provincial et fédéral, et les outils fiscaux—qui les utilise et comment. C'est de cela qu'il faut discuter autour d'une table où tous les partenaires de la fédération seront réunis pour mettre les choses à plat dans une perspective de long terme, au lieu, chaque fois que nous nous rencontrons, de concocter ces petits accords ponctuels sur ceci ou cela et d'entreprendre ces petits rafistolages.

+-

    M. Paul Szabo: D'accord.

    Est-ce tout?

+-

    Le président: Nous aurons un autre tour. Merci beaucoup, monsieur Szabo.

    Monsieur Côté.

[Français]

+-

    M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ): Monsieur Tory, merci beaucoup de votre présentation. Certains éléments de votre document étaient très intéressants, notamment—et vous en parlez beaucoup à certains endroits—l'importance de la coopération entre le fédéral, les provinces et les municipalités. D'emblée, nous sommes tous en faveur de la coopération, nous aimons tous la tarte aux pommes. Cependant, il y a un problème.

    Au Québec, par exemple, il y a plus de 200 députés. Sur ces 200 députés, 179 s'accordent à dire qu'il y a effectivement un problème de déséquilibre fiscal. Ces 179 députés sont de l'ensemble des partis représentés à l'Assemblée nationale et du Bloc Québécois à la Chambre des communes. Les 21 députés du territoire québécois qui ne reconnaissent pas ce principe sont des députés libéraux fédéraux. On peut appeler cela un bon consensus, 179 députés sur 200.

    Ensuite, on parle de coopération. Mais que peut-on faire lorsqu'un palier de gouvernement décide, grâce à son pouvoir de dépenser, d'investir unilatéralement dans les champs de compétence des provinces, et qu'il décide également à l'occasion de se retirer du financement de ces mêmes champs de compétence? Ces décisions sont souvent unilatérales. Que peut faire une province? Je sais que l'Ontario en parle dans son document et qu'elle peut faire certaines suggestions à ce sujet.

    Dans le même ordre d'idées, ma collègue Mme Ambrose parlait de l'entente sur la péréquation de l'an dernier, qui a été imposée puisqu'elle était à prendre ou à laisser. Peu de temps après, il y a eu des ententes particulières qui ont encore accentué ce déséquilibre et qui faussent les fonctions de la péréquation. N'y a-t-il pas lieu de faire un certain constat d'échec? Le Québec, l'Ontario et l'ensemble des provinces veulent bien coopérer avec le gouvernement fédéral, mais ce dernier a présentement un surplus budgétaire qui lui permet, en bout de ligne, de faire à peu près ce qu'il veut au niveau des ententes financières.

¾  +-(0840)  

[Traduction]

+-

    M. John Tory: Cela fait partie du défi de la vie politique canadienne. Nous sommes un pays à population relativement faible, mais nous avons un système de gouvernement relativement complexe. Je suis encouragé par le fait que votre comité siège ici, car j'avais entendu dire que le Parti libéral n'admet pas l'existence d'un déséquilibre fiscal. Mais je suppose que s'il y a un comité auquel siègent des députés libéraux qui discutent de l'existence ou de l'absence d'un déséquilibre fiscal, c'est une bonne chose pour le Canada.

+-

    M. Guy Côté: Il n'y a pas de presse.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. John Tory: Je sais que le gouvernement est minoritaire et que des choses se produisent qui n'arriveraient pas autrement, mais néanmoins, ils sont là et ils participent et je pense que c'est bien. Il n'y a pas moyen de contourner l'arithmétique politique.

    Les gouvernements prennent des décisions de façon très étrange et je comprends très bien les complexités de la politique et de l'action de gouverner; cela fait 35 ans que je m'occupe de politique. Quand on est au pouvoir, il y a souvent une tendance et une tentation de tenir de petites réunions pendant quelques jours pour discuter d'un enjeu, laisser les choses en plan pendant six mois ou un an, puis revenir pour quelques jours un an plus tard. Je crois qu'il y a réellement un problème sérieux ici qui met en question la légitimité du gouvernement, du point de vue des contribuables du pays, quant à la façon de gérer les finances, car il existe des provinces et des municipalités qui connaissent de très sérieux problèmes financiers. Il faut donc que les dirigeants politiques du pays s'assoient de manière concentrée pour trouver des solutions à ce genre de choses, à la place des rafistolages actuels.

    J'ai une préférence pour que les autorités qui dépensent l'argent le perçoivent elles-mêmes. Autrement dit, lorsque les gouvernements provinciaux font des choses, je préfère qu'ils lèvent et dépensent les fonds eux-mêmes, car alors ils seront directement responsables.

    Si je participais à l'un de ces processus, je viserais pour l'avenir une simplification de la myriade de programmes dans lesquels le gouvernement fédéral joue un rôle et, pour cette raison, considère, à juste titre, avoir son mot à dire. Celui qui fournit l'argent devrait avoir son mot à dire. Mais peut-être faudrait-il réduire le nombre de domaines où tout le monde s'échange de l'argent dans tous les sens et trouver des façons de rendre les programmes plus transparents afin d'avoir une responsabilité plus directe de la part du niveau de gouvernement qui possède la compétence constitutionnelle de fournir un service.

    Il n'y a pas une seule réponse à votre question. Ce problème existe depuis le début de la Confédération. Notre système fonctionne bien à différents égards, mais il a toujours été difficile de prendre des gouvernements de couleurs différentes, des députés fédéraux et provinciaux de partis différents, et des niveaux de gouvernement différents et de concilier toutes ces opinions divergentes, et conclure tous ces arrangements qui caractérisent le fonctionnement du pays.

    Ce que j'essaie de dire aujourd'hui, c'est qu'il faudrait rendre ces arrangements plus simples, dans la mesure du possible; tâchons en tout cas de les rendre plus transparents; tâchons de les axer davantage sur le long terme plutôt que sur des bricolages ponctuels; et tâchons de rectifier ce que j'estime être un problème sérieux dans le pays, à savoir l'existence d'un déséquilibre entre les gouvernements fédéral et provinciaux qui se répercute fortement, à son tour, sur les gouvernements municipaux.

¾  +-(0845)  

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur Côté.

    Madame Wasylycia-Leis, vous avez cinq minutes.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): Merci, monsieur le président,

[Traduction]

Merci d'être venu, monsieur Tory. J'ai apprécié votre exposé.

    Mon impression de toute cette problématique est que nous sommes à un tournant crucial pour notre pays et son avenir, le fonctionnement de la fédération et l'existence d'un gouvernement national fort. Je n'avais encore jamais vu autant de querelles que celles qui se déroulent entre provinces en ce moment et les observateurs étrangers se demandent de plus en plus comment nous allons nous sortir de ce pétrin avec un pays intact. La notion même de péréquation, qui remonte à la fin des années 30 et au début des années 40, à la Commission Rowell-Sirois, est mise en question, en danger.

    L'Ontario avait coutume de jouer un rôle important et de donner l'exemple lorsqu'il fallait surmonter de telles difficultés. Or, au lieu de jouer ce rôle aujourd'hui, nous avons un autre gouvernement qui rejoint les rangs de ceux qui exigent des conditions particulières, au lieu d'essayer de trouver une solution à la formule, mettre en train un comité qui va parvenir à un accord sur l'avenir du programme. Tout le monde se jette dans la mêlée pour essayer d'arracher un morceau.

    Si je puis comprendre les préoccupations de l'Ontario, vu ce qui s'est passé et vu la défaillance du gouvernement fédéral, nous avons besoin du leadership de l'Ontario pour nous sortir du pétrin. Historiquement, c'est ce qu'il faisait. J'aime croire que le Manitoba a été tout aussi exemplaire, mais l'Ontario a toujours répondu présent, je le sais.

    En septembre 2003, les provinces—à l'exception de l'Ontario, car l'Ontario était alors en campagne électorale—se sont réunies et ont formulé une position commune sur le renforcement du programme de péréquation. Elles préconisaient clairement une norme de dix provinces et réclamaient la pleine inclusion de tous les revenus provinciaux dans le calcul des droits à péréquation. C'était un excellent rapport. Je pense que si l'Ontario n'avait pas été en campagne électorale, il aurait probablement signé aussi. Mais ce rapport dort sur les tablettes, à toutes fins pratiques, car le gouvernement fédéral a décidé que c'était la mauvaise approche—trop coûteuse, probablement.

    Voilà donc ma première question : que pensez-vous de ce document, ou de cette solution, qui avait été proposée en septembre 2003?

    Deuxièmement, quelle est votre suggestion en vue d'arrêter les querelles et mettre un terme aux accords particuliers? Nonobstant le besoin actuel d'argent de l'Ontario, comment peut-on rétablir la situation et préserver un gouvernement central fort qui soit sensible aux besoins des provinces et des régions?

+-

    M. John Tory: S'agissant de la question plus large de savoir qui parle pour le Canada et qui défend l'intérêt national, à mes yeux c'est surtout une question de volonté politique. Et ce n'est pas seulement la volonté politique du premier ministre fédéral, c'est la volonté politique de la part de tous les dirigeants du pays.

    Dans tout ce que j'ai dit sur ce problème du déséquilibre fiscal et ses répercussions pour l'Ontario, depuis l'automne dernier, lors de la conférence sur la santé, j'ai toujours souligné que les positions, explications et raisonnements de l'Ontario doivent tenir compte du rôle que l'Ontario a toujours joué dans le passé, à savoir qu'il ne défendait pas seulement ses intérêts provinciaux mais aussi l'intérêt national. Je pense que la force de l'Ontario dépend très largement de la force du restant des pays et que, inversement, la force du pays dépend de celle de l'Ontario.

    Nous en sommes arrivés à un stade où peut-être trop de gens passent trop de temps... parce que ce n'est pas le fait que d'une seule personne. M. McGuinty s'est livré à cela ces derniers jours, mais d'autres ont tout autant défendu leurs intérêts propres, ce qui est normal. Chacun doit le faire, chacun a cette responsabilité. Mais peut-être le font-ils parfois aux dépens de la nécessaire défense de l'intérêt national.

    Je ne sais pas si le document dressé en août 2003 représente la solution, mais je sais que c'est un rapport de plus sur l'étagère—sauf que celui-ci a été rédigé par les chefs de nombre de gouvernements de ce pays. Il existe des études similaires du Conference Board et de... j'en ai lu six hier en prévision de ma comparution ce matin. Ce que je vous dis, c'est qu'il est temps d'arrêter de rédiger des rapports. Il est temps que les gens s'assoient dans une salle—pas seulement les provinces entre elles—pour parvenir à un accord car dans notre pays, c'est bien joli que les provinces se mettent toutes d'accord entre elles, mais cela ne fait que préparer une confrontation potentielle avec le gouvernement fédéral.

    Ces gens, soit le gouvernement fédéral et les autres partenaires dans la Confédération, doivent s'asseoir et dresser un ordre du jour sérieux et concis esquissant les domaines où la réforme est la plus urgente. Cela suppose que M. Martin, à tout le moins, concède qu'il existe un problème dans le pays qui cause ce déséquilibre, qui à mon avis intervient entre un niveau de gouvernement et les deux autres, et que l'on commence à faire un tri, que la solution retenue soit celle proposée en août 2003 ou une autre. Tout cela n'est qu'affaire de volonté politique.

    Lorsque je suivais la politique comme observateur ou participant mais sans être élu, j'ai toujours pensé qu'il était facile de pondre des communiqués de presse, prêcher pour sa paroisse et oublier l'intérêt national. C'est facile à faire, et c'est toujours facile d'ouvrir une querelle avec quelqu'un. Il est plus difficile de s'asseoir et de faire le travail de construction du pays. Comme je l'ai dit plus tôt, ce n'est pas glorieux. Cela suppose de s'asseoir à une table avec les partenaires, dans un esprit de partenariat, décider de mettre l'intérêt national au moins sur un pied d'égalité avec ses intérêts provinciaux ou territoriaux propres et de ne pas repartir avant d'avoir accompli quelque chose. Je pense que c'est le stade où nous en sommes.

    Je conviens avec vous qu'il y a urgence, pas seulement du point de vue des ressources et de la capacité à exécuter les programmes provinciaux. Le public perd foi dans le gouvernement car il paye davantage d'impôts. Les gens ont du mal à s'en sortir. En suite, ils voient tous les gouvernements se chamailler entre eux et au moins la moitié clamer qu'ils n'ont pas l'argent pour faire ce que le public leur demande. Les gens perdent confiance et disent que le système est clairement défectueux, car ils sont sûrs d'une chose, c'est qu'ils payent assez.

    Je pense donc qu'il est nécessaire de faire le genre de réforme dont vous parlez, mais il faut au départ une volonté politique, et c'est pourquoi j'insiste tellement là-dessus aujourd'hui. Vous aurez beau avoir autant de commissions royales que vous le voulez, elles ne remplacent pas le leadership politique dont doivent faire preuve les dirigeants élus précisément pour cela.

¾  +-(0850)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Wasylycia-Leis.

    C'est le tour de M. McKay, pour trois minutes, au deuxième tour.

+-

    L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.): J'aimerais vous demander ceci. Vos interventions ici sont restées relativement non partisanes. Lorsque je songe au différentiel entre les capacités fiscales des divers niveaux de gouvernement, cela met en jeu la progressivité fondamentale du système.

    Le premier ministre McGuinty peut mettre en avant les différentiels en se fondant uniquement sur les comptes nationaux, mais lorsqu'on y regarde de plus près, la réalité est que les contribuables ontariens gagnent plus d'argent et par conséquent versent proportionnellement plus d'impôts au gouvernement fédéral, du fait qu'ils sont imposés sur des tranches de revenu supérieures. Vous avez donc cet effet d'amplification à un bout, et à l'autre vous avez des programmes qui cherchent à rectifier des déséquilibres, des inégalités.

    L'assurance-emploi en est une illustration. L'Ontario paye 41 p. 100 des cotisations mais ne touche que 25 p. 100 des prestations. Quel est le choix ici? Préféreriez-vous que davantage d'Ontariens soient chômeurs, afin de toucher une plus grande part des prestations auxquelles ils ont cotisé?

    De même, la population d'autres régions touche une part disproportionnée de la prestation fiscale pour enfants, qui est fonction des ressources. L'écart devient très prononcé. Intellectuellement, je ne vois pas comment on pourrait résoudre cela, sinon en supprimant toute la progressivité du régime fiscal et en remplaçant celle-ci par autre chose, mais je ne vois pas réellement quoi.

¾  +-(0855)  

+-

    M. John Tory: Oui, je comprends ce que vous dites, et je pense en avoir parlé au début. J'admets, et je crois que M. McGuinty admet aussi... Dans ses propos, il ne demande pas que toute la différence entre ce que nous contribuons et ce que nous recevons en retour soit éliminés et que tout soit égalisé. Je pense qu'il a reconnu, et je l'ai certainement fait aussi—et je crois l'avoir dit plus passionnément et plus fréquemment que lui au cours de ce débat qui fait rage depuis deux ou trois mois.

    Mais je crois que ce qu'il dit—et en cela je suis d'accord avec lui—c'est que l'on arrive à un point dans ce genre d'arrangement où il faut veiller à éviter deux choses.

    La première, c'est que le fonctionnement de ces arrangements, surtout tels qu'ils évoluent—autrement dit, au fur et à mesure qu'on les rapièce et que l'on ajoute de nouveaux accords auxiliaires et de nouveaux arrangements—on ne finisse pas par demander tellement aux contribuables ontariens, bien qu'ils disposent d'une capacité de production de richesse supérieure, qu'on nuit à leur capacité de générer cette richesse; autrement dit, vous commencez à faire mal à l'économie ontarienne ou à la qualité de vie en Ontario parce que vous demandez des contributions supérieures à celles que l'Ontario peut fournir sans se nuire à lui-même.

    Deuxièmement, à un moment donné, il faut assurer une certaine flexibilité dans ces programmes—j'en reviens à la question antérieure de Mme Ambrose—de façon à tenir compte des fluctuations de la conjoncture économique de l'Ontario. Je pense que la série d'arrangements en place aujourd'hui tiennent insuffisamment compte de la probabilité que l'Ontario lui-même puisse traverser des périodes difficiles sur le plan du financement de ses services publics, soit à cause du coût de ces services soit à cause de la conjoncture économique. Les arrangements actuels ne tiennent pas nécessairement compte de cette possibilité et donc nous mènent à une situation où l'Ontario connaît des difficultés aiguës à assurer aux citoyens les services que l'on cherche à distribuer de manière équitable à travers le pays.

+-

    L'hon. John McKay: Mais comment faire pour éviter les accords subsidiaires? Les choses changent année après année.

+-

    M. John Tory: Eh bien, je pense qu'il faut simplement... Encore une fois, c'est une question de discipline.

    Comme je l'ai dit, un partenariat réel—ce que j'aime croire que la Confédération constitue—connaîtrait rarement une situation où des accords bilatéraux seraient nécessaires. Si vous deviez en conclure concernant les revenus extracôtiers, vous le faites autour d'une table en présence de tous les partenaires. Vous diriez que voici vos deux parties du Canada atlantique qui ont un problème avec les revenus de ressources non renouvelables. Il faut y remédier, faisons-le ensemble. C'est ainsi qu'il faudrait procéder.

    Je sais bien que le premier ministre dira qu'il représente tous les Canadiens en le faisant. C'est un argument valable, mais je pense que tous les partenaires de la Confédération devraient être mis en jeu dans un accord conclu avec qui que ce soit, car nous sommes tous dans le même bateau ensemble.

[Français]

+-

    Le président: Madame Ambrose, c'est à vous.

[Traduction]

+-

    Mme Rona Ambrose: Merci, monsieur le président.

    Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit concernant l'alignement des revenus et des responsabilités, de telle façon que le gouvernement responsable d'un service lève les revenus correspondants.

    Pour en revenir à ce que je disais concernant l'accord sur la péréquation signé en octobre, à savoir ma crainte que s'il se produit un ralentissement économique en Ontario la province sera obligée de payer plus pour la péréquation qu'elle ne peut se le permettre, par manque d'un meilleur terme. Cela recoupe ce que vous venez de dire. Dans l'accord signé en octobre, je pense que l'on a choisi un arbitrage, en ce sens que l'on a échangé la flexibilité pour la prévisibilité.

    Cela présente des avantages, mais je continue à dire que cela finira par nous nuire, et ne nuira qu'à ceux qui contribuent à la formule de péréquation—des provinces comme l'Ontario et l'Alberta qui toutes deux, comme vous l'avez dit, sont des provinces fortes et de fières contributrices à la Confédération. C'est donc une inquiétude, et restera une inquiétude pour l'Ontario en cas de ralentissement économique. J'espère donc que lorsque vous deviendrez premier ministre, vous aborderez ce problème avec les autres partenaires de la Confédération, en particulier de concert avec l'Alberta.

    Je voulais vous parler de ce que vous avez dit au sujet de la simplification des intersections entre le déséquilibre fiscal vertical et le déséquilibre fiscal horizontal. Une solution que nous, l'opposition officielle, avons préconisée consiste à transférer des points d'impôt aux provinces et d'accroître ainsi leur pouvoir fiscal afin qu'elles puissent financer les services relevant de leur responsabilité. J'aimerais avoir votre avis sur le transfert de points d'impôt.

¿  +-(0900)  

+-

    M. John Tory: Oui, j'ai mentionné cela, madame Ambrose, car c'est souvent la solution proposée par vous, par M. Charest et par d'autres. J'ai vu cela se faire dans la passé sans que ce soit une réussite complète, car ce qui se passe avec les transferts de points d'impôt, c'est que les bénéficiaires deviennent victimes d'amnésie au bout de quelque temps. Ils reviennent alors et disent qu'il leur faut plus d'argent, et le gouvernement fédéral leur rappelle qu'il a transféré tous ces points d'impôt pour leur donner cet argent ou la faculté de le lever.

    Je ne suis pas ici aujourd'hui pour endosser des options spécifiques, je suis plutôt venu préconiser que les dirigeants des gouvernements s'assoient et définissent une série d'options comme celle-ci qui permettraient d'affiner, de rendre plus transparents et efficaces ces arrangements. Personnellement, ma préférence est que les gouvernements lèvent et dépensent l'argent eux-mêmes car c'est cela qui engendre une meilleure reddition de comptes.

    Je pense que l'un des plus gros problèmes de l'État aujourd'hui est le manque de responsabilisation. Tout le monde accuse toujours les autres, rejette le blâme sur autrui, disant que l'argent est parti ailleurs ou bien que le fédéral a donné l'argent aux provinces et qu'elles l'ont gaspillé ou ne l'ont pas dépensé là où il aurait fallu. Les contribuables n'ont plus qu'à hausser les épaules et dire que c'est leur argent après tout, et ils sont réellement fatigués de toutes ces bagarres et disputes.

    Je vous réponds donc que, oui, je suis d'accord avec vous, il faut plus de flexibilité et plus de prévisibilité. Je songe à certaines solutions du type Conference Board, où vous auriez des moyennes mouvantes et peut-être une forme d'indexation, comme je l'ai appelée plus tôt. Ce genre de choses permet au moins de prendre un peu en compte les ralentissements qui peuvent intervenir dans les provinces dites nanties.

    Pour ce qui est du transfert de points d'impôt, encore une fois la bonne nouvelle c'est qu'un tel transfert est compatible avec ce que je considère être une reddition de comptes plus pure. La mauvaise nouvelle, c'est que historiquement, lorsqu'un transfert de points a eu lieu, tout d'abord les contribuables ne comprennent pas très facilement parce qu'ils voient leur impôt augmenter sur une page et ne reconnaissent pas toujours qu'il a baissé sur une autre, car leur facture totale ne change pas. Deuxièmement, il y a cette amnésie qui intervient après deux ou trois ans telle que les gouvernements auxquels les points d'impôt ont été transférés oublient les avoir reçus.

+-

    L'hon. John McKay: Deux ou trois ans ou bien minutes?

    Une voix: Oh, oh!

+-

    M. John Tory: Désolé, vous avez probablement raison, monsieur McKay. Ce n'est peut-être pas au bout de deux ou trois minutes, mais peu après.

+-

    Mme Rona Ambrose: Merci.

+-

    Le président: Merci, madame Ambrose.

    Monsieur Côté.

[Français]

+-

    M. Guy Côté: Merci beaucoup.

    Il y a un élément que j'ai trouvé intéressant aujourd'hui, de la perspective d'un élu du Québec. À tort ou à raison, on a souvent eu l'impression au Québec que, s'il devait y avoir un déséquilibre fiscal, l'Ontario pencherait en sa faveur. Je dis bien à tort ou à raison, parce que je suis conscient que c'est souvent une question de perception.

    Je vais quand même donner un ou deux exemples. Rappelons-nous les événements de juin dernier, par exemple. À la suite de pressions des constructeurs d'automobiles, nous avons vu le gouvernement fédéral injecter assez rapidement un demi-milliard de dollars dans l'industrie de l'automobile en Ontario. Nous sommes tous très contents pour les travailleurs de l'automobile, c'est très correct.

    En même temps, depuis bon nombre d'années, l'industrie de l'aéronautique québécoise demande au gouvernement fédéral de faire des contributions similaires pour que l'industrie de l'aéronautique puisse éventuellement devenir au Québec ce que l'industrie de l'automobile est en Ontario. Cependant, on voit que le gouvernement fédéral est très réticent.

    Vous mentionniez tout à l'heure l'importance de s'asseoir tous ensemble, d'avoir ces discussions, cette coopération. Cela me pose un peu de difficulté. Malgré mon jeune âge, il me semble que c'est ce que le gouvernement fédéral, les provinces et le Québec essaient de faire depuis toujours. Or, nous assistons à des échecs continus ou à des situations où le gouvernement fédéral prend des décisions unilatéralement.

    Mon dernier point sera davantage un commentaire qu'une question, car Mme Ambrose m'a malheureusement enlevé les mots de la bouche. Dites-vous bien que cela vaudrait peut-être la peine de regarder plus loin, mais que le transfert de points d'impôt aux provinces, la libération de cet espace fiscal, pourrait être, à votre avis, une grande partie de la solution au problème? Ai-je bien compris?

[Traduction]

+-

    M. John Tory: Je dis simplement, monsieur Côté, que c'est l'une des options proposées pour accomplir ce que j'ai dit plus tôt qu'il convenait de faire, soit que l'argent provenant du seul et même contribuable aboutisse dans les mains du gouvernement chargé de fournir les services au public conformément au partage des compétences dans la Constitution.

    Je pense qu'il y a des aspects sur lesquels les gouvernements vont devoir continuer à coopérer. Il ne s'agit pas de faire en sorte que tout l'argent soit aux mains soit de l'Ontario soit du Québec pour qu'ils l'investissent soit dans l'industrie automobile soit dans celle de l'aéronautique.

    Tant dans le secteur automobile qu'aérospatial, les deux niveaux de gouvernement ont su collaborer dans l'intérêt du développement industriel. Nous avons une industrie aérospatiale dynamique au Québec, et certainement une industrie automobile dynamique en Ontario, car il y a eu cet investissement fédéral au fil du temps, s'ajoutant à l'investissement provincial. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'Ontario, à mon avis, ne doit jamais oublier ses obligations envers le reste du pays à aider à construire la prospérité de l'Ontario.

    Aussi, lorsque vous demandez si le transfert de points d'impôt est une solution, je dirais que c'est l'un des outils que l'on peut envisager. Mais je suis venu dire spécifiquement aujourd'hui non pas que j'ai les solutions, mais qu'il faut envisager un large éventail de possibilités.

    Dieu sait, dans toutes ces études—rien que celles que j'ai lues hier soir—on trouve une quinzaine ou une vingtaine d'idées différentes sur ce qu'il faudrait faire. Je dis simplement que beaucoup de gens rédigent des rapports et forment des comités, mais que personne ne semble s'asseoir avec la résolution de finalement dresser un plan d'action concret. Cela peut prendre du temps et ne sera pas facile, mais il nous faut un plan d'action qui aboutisse à une réforme et qui crée la transparence et l'efficacité et rectifie le déséquilibre qui existe à mon avis.

¿  +-(0905)  

[Français]

+-

    M. Guy Côté: Vous mentionnez bien...

+-

    Le président: Monsieur Côté, je m'excuse, mais votre temps est écoulé. Il faut être juste envers tout le monde.

    Madame Wasylycia-Leis, vous disposez de trois minutes.

[Traduction]

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.

    De fait, j'essaie de faire le tri dans quelques idées de recommandations que notre comité pourrait formuler. Inutile de le dire, moi qui appartient au NPD ne suis pas réellement en faveur d'un nouveau transfert de points d'impôt, car je pense que parfois les transferts en espèces sont le ciment qui tient ensemble les parties de ce pays et qui permettent d'imposer certaines conditions telles que l'on ait un semblant de programme national. J'aimerais donc revenir sur quelques solutions sur lesquelles j'aimerais connaître votre avis.

    La première est une idée lancée initialement à l'automne 2003 par les provinces et reprise par toutes, soit une nouvelle formule de péréquation englobant les dix provinces—la norme de dix provinces—qui engloberait au départ tous les revenus, y compris les revenus provenant des ressources naturelles.

    La deuxième idée consiste à remédier aux déficiences des transferts en espèces du gouvernement fédéral au moyen du transfert social qui a été largement négligé. Cela met en jeu l'éducation, et j'ai d'ailleurs remarqué dans les actualités que M. McGuinty a reconnu une déficience de l'investissement per capita dans ce domaine En outre, une pénurie avait été créée dans ce domaine lorsque le gouvernement fédéral a supprimé le Régime d'assistance publique du Canada dans le budget fédéral de 1995.

    Voilà deux suggestions sur lesquelles j'aimerais votre avis.

+-

    M. John Tory: Encore une fois, à mes yeux, cela ne fait que mettre en évidence le problème de l'improvisation. Effectivement, vous avez raison, l'une des raisons pour lesquelles toutes les provinces ont aujourd'hui des problèmes de financement de leurs programmes sociaux tient aux changements introduits de manière improvisée pour répondre aux problèmes financiers fédéraux il y a une dizaine d'années. Je ne suis pas en mesure de dire si cette proposition particulière contenue dans le document de l'automne 2003 est la bonne.

    Et je comprends votre souci. L'une des raisons pour lesquelles je ne vous dis pas aujourd'hui que la solution réside dans le transfert de points d'impôt, c'est que je nourris un certain nombre de préoccupations que j'ai mentionnées, notamment l'amnésie, mais aussi le souci d'avoir un ensemble solide de priorités nationales sur lesquelles nous nous accordons tous. Il s'agit d'avoir un pays. C'est un partenariat. Je ne suis pas sûr qu'en transférant tout simplement des points d'impôt, on ne fragiliserait pas ce ciment, disons.

    Le programme de péréquation a été traditionnellement, je pense, un ciment durable. Peut-être la réponse résidait-elle dans une réforme fondamentale, une mise à plat de tous ces programmes, que ce soit sur la base de l'ensemble particulier de propositions formulées par les provinces en 2003 ou d'une variante quelconque. Mais la solution ne sera pas trouvée dans un comité nommé par M. Martin pour examiner la façon dont l'argent est distribué. Il faut un examen beaucoup plus large de la part des dirigeants du pays sur la façon de rendre ce programme plus transparent, plus efficace et plus équitable—équitable en ce sens que nul ne se sentira lésé de manière permanente ou même grugé temporairement.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Wasylycia-Leis.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Tory.

+-

    M. John Tory: Merci de m'avoir invité. J'apprécie.

+-

    Le président: C'était un plaisir pour nous. Bonne chance pour la suite de votre campagne électorale.

+-

    M. John Tory: Merci.

¿  +-(0910)  

+-

    Le président: Avez-vous quelques mots de conclusion?

+-

    M. John Tory: Je vous félicite simplement d'avoir entrepris ce travail. Que ce soit dû à l'existence d'un gouvernement minoritaire ou à d'autres raisons, je pense que c'est une bonne discussion. C'est le genre de discussion qu'il faut avoir, loin des feux de la rampe et des pressions qui peuvent se faire sentir en d'autres lieux où le débat devient plus chaud qu'il ne le devrait. Je pense que c'est un bon signe que vous ayez choisi d'inviter quelqu'un comme moi et j'espère que vous inviterez encore beaucoup d'autres personnes.

    Je crois qu'il y a des gens d'affaires et des activistes communautaires qui ont des idées sur cette problématique et j'espère que vous les inviterez à s'exprimer. Beaucoup de gens ordinaires ont également des points de vue. Comme je l'ai dit, ils savent ce qu'ils payent, ce qu'ils ont les moyens de payer et connaissent leur difficulté à joindre les deux bouts. Ils sont effarés de voir à quel point les gouvernements se chamaillent.

    Mais je salue le fait que vous cherchez à résoudre certains de ces problèmes et je vous remercie de m'avoir invité.

[Français]

+-

    Le président: Merci infiniment, monsieur. Au revoir.

¿  +-(0910)  


¿  +-(0921)  

[Traduction]

+-

    Le président: Bonjour. Je vous remercie d'être venu à cette réunion du Sous-comité sur le déséquilibre fiscal. Vous disposez de 12 minutes pour faire votre déclaration liminaire et ensuite nous donnerons aux députés la possibilité de poser quelques questions.

[Français]

    Je vous souhaite la bienvenue, messieurs Bird et Perry.

    Monsieur Bird, vous avez la parole.

[Traduction]

+-

    M. Richard Bird (Programme international de la fiscalité, Joseph L. Rotman School of Management, Université de Toronto, à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président.

    J'ai rédigé quelques remarques liminaires qui vous ont été distribuées et je me limiterai à 12 minutes.

    Je me nomme Richard Bird. Je suis professeur émérite de sciences économiques à l'Université de Toronto et dirige actuellement le programme de la fiscalité internationale de la Rotman School of Management de cette université.

    Pour commencer, j'aimerais faire ressortir deux choses. Premièrement, je ne suis pas ici parce que j'ai un message particulier à vous transmettre. Je ne suis pas ici comme représentant d'une quelconque organisation. Je suis là simplement parce que vous m'avez demandé de venir et de vous faire part de mes vues sur cette question.

    La deuxième chose, c'est que je suis Canadien; j'ai vécu ici la plus grande partie de ma vie et ai étudié et enseigné les finances publiques, et j'en sais pas mal sur les relations fédérales-provinciales et au moins certaines des questions qui intéressent le sous-comité. Mais je dois vous dire que je ne suis pas expert en finances publiques canadiennes au même titre, que, mettons, David Perry, qui est à mes côtés. Ce que je vais vous dire ne concerne donc pas spécifiquement le Canada mais plutôt un ensemble d'enjeux que j'ai rencontrés dans maints pays du monde dans le courant de mes travaux sur cette question depuis une quinzaine d'années.

    La première chose que j'aimerais vous dire est que je ne considère pas cette notion de déséquilibre fiscal comme très utile, s'agissant de résoudre des problèmes qui se posent non seulement au Canada mais dans tout État largement décentralisé, et je ne pense pas qu'elle nous aide à nous y retrouver dans ce débat interminable que nous avons dans ce pays sur qui devrait payer combien, à qui, pourquoi, et de quelle façon.

    J'ai plusieurs raisons pour vous dire cela et je me ferais un plaisir de remettre au comité un article qui aborde tout cela en détail. Je précise que je l'ai rédigé d'abord pour la Russie et qu'il va être publié ce moi-ci en Inde. En effet, ce sont des problèmes qui se posent partout dans le monde. Ce ne sont pas des problèmes propres au Canada, des débats similaires se déroulent partout.

    Permettez-moi donc de vous expliquer d'abord pourquoi je ne considère pas l'approche de l'équilibre comme particulièrement judicieuse, et je traiterai ensuite de ce que je considère être les problèmes réels.

    Premièrement, il faut parler du déséquilibre. Vous postulez que c'est une mauvaise chose, ce qui implique que l'équilibre en serait une bonne. Mais que signifie l'équilibre?

    Dans ces discussions, équilibre signifie habituellement que chaque gouvernement devrait être en mesure essentiellement de financer ses propres dépenses sans dépendre de transferts, mais dans un système fédéral ou décentralisé c'est à la fois conceptuellement erroné et pratiquement impossible. Ce n'est pas quelque chose d'atteignable. Ce n'est pas non plus un objectif méritant d'être poursuivi. Ni les revenus ni les dépenses d'aucun niveau de gouvernement ne sont indépendants les uns des autres—tous mettent en jeu les mêmes contribuables—et il n'est pas rationnel de penser, comme on le fait habituellement dans ces discussions, que les besoins financiers de chaque gouvernement sont rigidement déterminés par l'attribution des compétences dans la Constitution. Cette notion est clairement erronée, comme toute assemblée législative de ce pays le prouve chaque année. Il n'est pas rationnel de penser que le potentiel de revenu de chaque gouvernement soit fixé à jamais par le système qui se trouve être en vigueur au moment où on fait le calcul.

    Je pense que le débat confond aussi un certain nombre de problèmes très différents. Je ne dis pas que c'est le cas de votre ordre de renvoi, mais souvent dans le débat médiatique sur ces questions on tend à confondre la manière dont le système fiscal touche les personnes vivant dans une juridiction donnée et le gouvernement de celle-ci.

    Pour prendre les deux provinces dans lesquelles j'ai passé la plus grande partie de ma vie, si davantage de gens riches vivent en Ontario qu'en Nouvelle-Écosse et si le régime fiscal fédéral est modérément progressif, ce qui est le cas, alors les gens vivent en Ontario paieront en moyenne davantage au gouvernement fédéral que les habitants de la Nouvelle-Écosse. À moins que le gouvernement fédéral ne dépense plus pour les riches qu'il ne le fait pour les moins riches, le résultat sera une sortie financière nette de l'Ontario. Et alors? Cela signifie-t-il que le gouvernement fédéral devrait taxer moins les riches ou dépenser plus pour eux? J'entends par là que la notion d'équilibre ne nous aide pas à nous y retrouver dans ce genre de question et si ce n'est pas cette notion, laquelle est-ce?

¿  +-(0925)  

    Une autre expression hautement trompeuse couramment employée dans cette discussion est celle d'espace fiscal. Je précise d'ailleurs que c'est là un phénomène strictement canadien. Nulle part ailleurs dans le monde ne parle-t-on « d'espace fiscal » mais, pour quelque raison, au Canada et au Canada seul, nous avons cette notion qu'il existerait un pot fixe de revenu pouvant passer du secteur privé au secteur public et qui serait ensuite divisé entre les niveaux de gouvernement. Encore une fois, ce n'est pas une notion particulièrement utile. Il n'existe rien de tel qu'une part fixe de la production qui puisse ou devrait aller à l'État, et il ne sert à rien de parler de tout ce sujet comme si tel était le cas.

    Comme vous le savez tous, tant le gouvernement fédéral que les gouvernements provinciaux du Canada peuvent taxer, plus ou moins, ce qu'ils veulent, de la manière qu'ils veulent. Certes, ils auront à démontrer à leurs électeurs qu'ils le font de manière raisonnable et ils devront faire face aux conséquences s'ils n'y parviennent pas. Mais le fait est que les résultats financiers de tout niveau de gouvernement ne sont pas inévitables et ne sont pas gravés dans la pierre; ils sont le fruit de décisions politiques et peuvent être modifiés. Il peut être utile pour les gouvernements de blâmer les autres de leurs problèmes, mais généralement il ne faut pas les croire lorsqu'ils le font. Certes, il est probablement vrai que le gouvernement fédéral a ce que l'on appelle l'avantage du premier tireur dans cette partie—et nous pourrons revenir plus tard sur cet aspect si vous le voulez.

    Enfin, il faut également prendre soin dans cette discussion de bien distinguer entre le déséquilibre au sens où l'entend le comité, soit un déséquilibre fiscal vertical entre un niveau de gouvernement et l'autre niveau de gouvernement, et les déséquilibres entre différents gouvernements au même palier. Certaines provinces sont plus riches que d'autres. Peu importe la façon dont on découpe un pays, il y aura toujours des parties plus riches que d'autres; donc, même si la partie riche du pays est parfaitement équilibrée en ce sens que ses recettes propres couvrent ses dépenses, les autres ne parviendrons à un équilibre similaire qu'avec un niveau d'imposition excessivement lourd ou, plus probablement, des niveaux de dépenses beaucoup moindres. Le résultat serait un écart de plus en plus large entre les niveaux de services que les Canadiens reçoivent, selon le lieu où ils vivent.

    La péréquation est la façon dont nous réglons traditionnellement ce problème dans notre pays. Nous le faisons encore de beaucoup d'autres façons—et l'on pourrait parler longuement de notre degré de réussite sur ce plan. D'ailleurs, François Vaillancourt et moi-même venons de rédiger une étude à ce sujet au Canada. Je pense que vous allez recevoir François, qui vous en parlera probablement si cela vous intéresse.

    Quoi qu'il en soit, rappelez-vous que j'ai dit ne rien savoir sur le Canada, et donc pour conclure cet exposé, permettez-moi de vous dire ce que je crois savoir et ce que j'ai appris au cours de mes recherches sur une cinquantaine de pays du monde. La principale chose que j'ai apprise est que la grande affaire consiste à rendre les gouvernements aussi responsables que possible envers leur électorat. Idéalement, aucun gouvernement ne devrait pouvoir taxer quiconque d'autre que ceux de son ressort, ceux envers lesquels il est politiquement responsable—et il devrait remplir cette tâche excessivement déplaisante de manière aussi ouverte que possible. Ce n'est pas une bonne façon de se faire élire, mais c'est la condition d'une bonne démocratie.

    Le corollaire est que les gouvernements ne doivent pas dépendre excessivement de l'argent d'autrui sous forme de transferts. Nous, les économistes, aimons analyser les choses à la marge et il y a ici un argument marginal, sur lequel je ne m'attarderai pas, mais en gros dans notre structure de gouvernement actuel, les responsabilités de dépenses majeures—qui vont probablement croître au cours de ce siècle—se situent au niveau provincial. Il y a donc probablement un très bon argument, en principe, justifiant l'augmentation des impôts provinciaux et la réduction des transferts fédéraux.

    Mais quels impôts? Dans quelle proportion? Quels transferts et dans quelle proportion et ce que cela implique, le cas échéant, pour les impôts et les dépenses fédérales, ce sont toutes là des choses différentes. On ne peut amalgamer toutes ces questions dans une discussion sur le déséquilibre et aboutir à un résultat utile; il faut penser toutes ces choses séparément.

    J'ai un jeu de réponses pour toutes ces questions, bien entendu. Je suis un mandarin depuis de nombreuses années et nous avons des réponses à tout. Mais à mon avis, toutes ces décisions doivent être prises par les gouvernements respectifs, en usant ou non de sagesse, et ensuite être expliquées et défendues devant les électorats. Je tiens réellement à ce que cela soit fait d'une manière qui accroisse plutôt que réduise la reddition de comptes.

¿  +-(0930)  

    À cet égard, permettez-moi de me rapprocher un peu de la réalité en descendant de cette tour d'ivoire. Les excédents et déficits budgétaires ne sont pas le sujet de cette discussion. Il s'agit de savoir qui prend des décisions sur quoi. Le principe que je viens d'énoncer veut essentiellement que ceux qui prennent les décisions doivent en assumer le coût politique. La pire chose dans le système canadien, c'est que nul n'est responsable à 100 p. 100 de rien, nul n'est entièrement comptable.

    Ce genre de confusion est inévitable dans un pays fédéral, mais il faut chercher à la minimiser, non à la maximiser. Une façon de le faire serait de réduire les transferts fédéraux, au moins vers ces provinces qui peuvent et devraient pouvoir, si elles le voulaient, les remplacer par leurs propres impôts. Si le gouvernement fédéral ne veut pas le faire, il n'y est pas obligé, mais alors je crains qu'il fasse ce qu'il semble avoir fait ces dernières années, à savoir perpétuer et intensifier la confusion sur qui paie pour quoi.

    Pour ce qui est du deuxième point, si une province ne veut pas accepter l'argent fédéral pour un programme donné, je n'ai rien contre le fait qu'elle puisse se désister de ce programme et, ce qui est plus controversé, libérer également ses contribuables du fardeau financier de ce programme. Si vous n'aimez pas le fédéralisme asymétrique ou en damier qui résulterait de cette sorte de choses—que nous avons déjà dans une certaine mesure au Canada—vous pouvez changer le système, si vous pensez qu'il existe un problème, ou bien vous pouvez mettre à la porte les gouvernements à l'un ou l'autre niveau ou aux deux niveaux qui ont engendré la situation. Je ne pense pas qu'une diversité croissante de cet ordre serait un gros problème pourvu—et c'est une grosse réserve—que ceux qui prennent les décisions d'imposition et de dépense supportent le coût politique intégral de leurs actes.

    Enfin, j'espère que le sous-comité a connaissance d'une excellente description de toute cette question du déséquilibre fiscal donnée par Robin Boadway de l'Université Queen's il y a un an environ. Je suis pleinement d'accord avec ce que le professeur Boadway dit sur le caractère vague de toute la discussion et sur le fait que le gouvernement fédéral détient les cartes maîtresses et détermine le résultat du débat. Mais je suis beaucoup moins inquiet qu'il ne semble l'être quant aux effets néfastes résultant d'une baisse soit des impôts soit des transferts fédéraux. David n'est sans doute pas d'accord avec moi là-dessus.

    Comme Boadway le fait ressortir, des personnes raisonnables peuvent avoir des divergences de vues raisonnables sur ces questions. Bien entendu, tant Robin que moi sommes très raisonnables, mais je parviens à une conclusion différente de lui pour deux raisons. Premièrement, je suis moins convaincu qu'il ne semble l'être de la bienveillance des gouvernements de tous niveaux. Deuxièmement, j'accorde moins d'importance à la dimension essentiellement nationale de ce qu'il appelle la citoyenneté sociale. Mais je souscris à ce que Boadway a dit à cet égard. Il a dit qu'il faut cesser de parler de ces choses comme d'une bagarre fédérale-provinciale constante. Il s'agit là d'un facteur majeur de la vie des Canadiens. Il faut d'une manière ou d'une autre extraire cela du processus budgétaire annuel.

    Bien entendu, le processus budgétaire annuel est maintenant devenu un processus budgétaire à long terme, mais c'est là une autre histoire. Peut-être faudrait-il pour cela créer un forum intergouvernemental plus indépendant où l'on pourrait discuter des problèmes réels, au lieu de continuer à se disputer interminablement sur qui obtient combien chaque année et à quelles conditions.

    Je ne pense pas que cela se fasse avec la structure politique actuelle, car certains des acteurs clés qui devraient renoncer à une part de pouvoir n'y tiennent pas particulièrement. Qui le voudrait? Mais à moins que l'on s'engage dans cette direction, je crains que nous continuions à danser éternellement autour de ce noeud gordien sans jamais décider comment le défaire ou le trancher.

    Même ces quelques remarques auront pu ennuyer suffisamment certains d'entre vous pour provoquer quelques questions. Je vous remercie.

¿  +-(0935)  

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Bird. Thank you very much.

    Je cède la parole à M. David Perry de l'Association canadienne d'études fiscales.

[Traduction]

+-

    M. David Perry (associé principal de recherche, Association canadienne d'études fiscales): Merci, monsieur le président.

    Je dois dire d'emblée que je ne représente pas ici l'Association canadienne d'études fiscales. Celle-ci compte des membres très divers et il serait impossible de dégager un consensus parmi tous nos juristes et comptables fiscalistes et les fonctionnaires des trois niveaux de gouvernement travaillant dans le domaine fiscal. Je vous livre donc mes observations personnelles, teintées par le fait que je travaille dans le domaine fiscal depuis plusieurs décennies.

    Richard a en quelque sorte balayé d'un revers de main toute ma préoccupation, qui est au coeur de mon propos, car il ne considère pas pertinente la notion d'un niveau d'imposition fixe, d'un fardeau fiscal fixe. Eh bien, celle-ci est certainement la clé de tous les débats, aujourd'hui et tout au long des 138 dernières années, sur ce qui peut être accompli à l'intérieur des limites économiquement et politiquement acceptables du régime fiscal, des prélèvements imposés aux citoyens.

    Vous le savez, dans le passé, le ministère fédéral des Finances avait pour position qu'il n'existe pas de déséquilibre fiscal, que les provinces sont libres de lever les impôts qu'elles veulent et que cela réglerait tout le problème. Mais cela n'a pas résolu tout le problème, car le souci à ce stade—et ce sera différent l'an prochain et l'année suivante et probablement la décennie suivante et celle d'après—est de maintenir le fardeau fiscal que nous connaissons et même de chercher à préserver la dynamique vers une diminution du fardeau fiscal. C'est cela qui est acceptable à l'heure des campagnes électorales et ne peut que représenter le consensus de la collectivité.

    On ne peut donc simplement rejeter cela, comme d'aucuns le font, à titre de simple considération politique. Il s'agit de respecter le consensus de la collectivité.

    Si l'on pouvait régler le problème du différentiel entre le taux de croissance des dépenses et revenus du gouvernement fédéral et les taux de croissance des dépenses et revenus provinciaux en permettant simplement aux provinces d'accroître... pas en permettant, mais en acceptant que les provinces augmentent leur niveau d'imposition, il y aura des répercussions pour nos chers membres travaillant dans le domaine fiscal à titre de juristes ou de comptables ou nos membres travaillant dans les ministères des Finances et les ministères du Revenu à travers le pays auxquelles l'homme de la rue ne songe pas. Richard a prévenu que j'allais parler de cela, et c'est le cas.

    Le problème est qu'avec l'accroissement du fardeau fiscal imposé par les gouvernements provinciaux, la conception même des régimes devient une considération plus importante du point de vue des comptables. Les variations que nous voyons à travers le pays au niveau du régime d'impôt sur le revenu des particuliers, du régime d'impôt sur le revenu des sociétés et du régime de taxe de vente—pour ne mentionner que les trois principaux—deviennent exacerbées lorsque les niveaux provinciaux augmentent.

    Donc, qu'Ottawa cède de l'espace fiscal aux provinces ou que ces dernières augmentent simplement leurs impôts, la différence entre un impôt forfaitaire de 10 p. 100 en Alberta et les cinq tranches d'imposition de l'Ontario, qui produisent un régime relativement progressif, devient d'autant plus sensible pour ceux qui s'occupent de planification fiscale à travers le pays ou pour le simple calcul du taux de rendement effectué par le courtier en placements qui veut vendre des actions ou par la société qui cherche à convaincre les gens d'investir dans des REER et des obligations.

    Je crois que même Richard admettra que nous avons au Canada un système d'imposition singulier où les gouvernements fédéral et provinciaux coopèrent en tant que partenaires—c'est l'expression utilisée ce matin—à l'intérieur d'un système d'imposition national. C'est en partie le résultat inévitable du rôle dominant joué par le gouvernement fédéral dans la conception des régimes d'imposition du revenu des particuliers et des sociétés.

¿  +-(0940)  

    Les accords de perception fiscale qu'Ottawa a négocié avec la plupart des provinces renforcent cette notion que le gouvernement fédéral a en tête une certaine conception d'un système d'imposition national et de l'ampleur des variations tolérables à l'intérieur de ce système. Cela fait qu'il est relativement simple de remplir une déclaration d'impôt sur le revenu en Nouvelle-Écosse ou en Alberta ou en Colombie-Britannique, ou même dans les territoires. Au Québec, où il y a deux déclarations d'impôt distinctes chaque année, la dominance du gouvernement fédéral est mise en évidence par le degré de parallélisme des deux régimes. C'est partiellement le résultat de la dominance du gouvernement fédéral et partiellement celui de la concurrence entre les provinces, dans la mesure où il importe d'avoir un régime fiscal compétitif.

    Mais le gouvernement national a l'obligation d'essayer de préserver ou même d'accentuer l'idée d'un système fiscal national. Un État fédéral où deux niveaux de gouvernement se partagent les principales assiettes fiscales, comme c'est le cas chez nous, et qui peut assurer ce degré d'uniformité et ce degré d'intégration, que ce soit au niveau de la conception ou à celui de l'administration par le biais d'accords de perception fiscale, est unique. La Suisse, à mon avis, démontre à quel point une fédération peut être diversifiée tout en restant capable de fonctionner. Les cantons suisses connaissent un fort degré de variation entre leurs régimes fiscaux et n'ont pas la même sorte d'intégration dans un système national. Cela marche en Suisse, mais beaucoup de choses marchent en Suisse qui ne marcheraient pas dans d'autres pays. Dans toutes les autres fédérations, le gouvernement central est l'acteur dominant en matière de fiscalité, les provinces étant des ajouts ou des receveurs qui prennent ce qu'on leur donne plutôt que de fixer leurs propres taux.

    Voilà une brève introduction. Je serais prêt à répondre à vos questions sur certaines des autres propositions et autres systèmes qui ont pu être utilisés dans le passé pour rectifier le déséquilibre fiscal au Canada.

    J'allais parler de choses comme des modifications constitutionnelles pour transférer les responsabilités du gouvernement fédéral vers les provinces. Mais j'ai pensé que ce ne serait peut-être pas une bonne idée d'aborder ce sujet.

    J'avais songé également à faire l'historique des transferts en espèces et de l'efficacité d'une telle solution du problème, et je me suis dit qu'un vendredi matin, la veille du congé de mars pour la plus grande partie de l'Ontario, ce ne serait probablement pas un sujet approprié, aussi je m'en suis tenu à la dimension fiscale.

    Voilà mon exposé, monsieur le président. Si vous avez des questions, je serais plus que ravi d'y répondre.

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur Perry.

[Traduction]

    Merci beaucoup.

[Français]

    Nous allons entreprendre la première série de questions.

[Traduction]

    Le premier tour de questions appartient à Mme Ambrose. Cinq minutes, je vous prie.

+-

    Mme Rona Ambrose: Merci, monsieur le président et merci à vous, messieurs Bird et Perry, pour vos exposés.

    J'ai une question qui devient, à mon avis, de plus en plus pertinente en cette ère de mondialisation. Il s'agit de tout ce débat sur l'évolution du fédéralisme. Plus précisément, alors que traditionnellement il s'agit là du domaine des relations internationales, et il devient de plus en plus évident que ce qui se passe à l'échelle mondiale a des répercussions directes sur les économies locales.

    Monsieur Bird, vous avez évoqué cela en parlant de la problématique mondiale et des arrangements fiscaux. Je rentre de la troisième conférence internationale du fédéralisme à Bruxelles où il y a eu une discussion générale sur les arrangements financiers. Manifestement, c'est un problème mondial, je suis d'accord. Je dirais qu'à certains égards il est davantage fonction de la conception philosophique que l'on a du fédéralisme, c'est-à-dire décentralisé par opposition à centralisé.

    Mais vous avez parlé de décentralisation et de dévolution fiscale dans le contexte de la responsabilité et de la transparence. J'ai une question pour vous. J'aimerais mettre à profit vos connaissances des modèles étrangers comparés aux relations fédérales-provinciales et au rôle provincial dans les accords internationaux que signe le Canada. Il y a manifestement là des entraves constitutionnelles et juridictionnelles à cette discussion.

    Alors que le gouvernement fédéral a la responsabilité constitutionnelle de négocier ces accords et traités, les provinces sont largement appelées à les exécuter, et influent de plus en plus sur les économies locales et provinciales et sur le déséquilibre fiscal vertical, mais aussi horizontal. Mettant à profit votre connaissance des modèles étrangers, pourriez-vous nous dire comment on pourrait impliquer les provinces dans les négociations des traités internationaux, à la lumière plus particulièrement du besoin d'une responsabilité directe que vous avez évoquée, et sans qu'il soit nécessaire de modifier la Constitution dans la mesure où il existerait un mécanisme intergouvernemental plus pratique que l'on puisse utiliser pour cela.

¿  +-(0945)  

+-

    M. Richard Bird: Vous me prenez là par surprise. Je n'ai pas participé à la troisième conférence sur le fédéralisme, j'étais à la deuxième et c'est là où j'ai présenté une communication sur tous ces arrangements fiscaux. Il y avait une session distincte lors de la deuxième conférence sur le fédéralisme—je ne sais pas ce que vous avez fait à la troisième—où l'on a parlé exactement de cette question que vous abordez et j'ai été absolument ravi de laisser tout cela aux soins des juristes, qui sont les spécialistes en la matière.

    En fait, je ne sais rien sur cette question. L'intensification des relations commerciales et des investissements internationaux a des répercussions majeures sur le fonctionnement des mécanismes de financement dans ces pays. Je peux vous parler de cela, mais non pas de la question de savoir comment amener ces gouvernements à collaborer, ou s'il y a lieu de le faire et dans quelles conditions, à la négociation de traités. À ma connaissance, nul pays ne fait participer les gouvernements subnationaux à la conclusion de traités. De fait, le Canada va probablement plus loin à cet égard que n'importe quel autre pays. Et effectivement, presque partout, les gouvernements sous-nationaux ont un rôle important dans l'exécution de ces traités.

    Dans un pays comme l'Allemagne, par exemple, il n'y a quasiment pas d'administration fédérale, comme vous le savez probablement. Tout est fait par les Länder et les municipalités. Ces derniers sont en fait les mandataires de l'État pour presque tout. Il n'y a pas une grosse administration publique fédérale. Les impôts sont perçus localement; tout est fait localement. Mais c'est un système de gouvernement totalement différent, dans lequel il se déroule actuellement une énorme bataille, car la façon dont le système a fonctionné en Allemagne pendant de nombreuses années est qu'une très grande partie de la législation—toutes ces choses dont vous parlez, l'exécution de ces accords étrangers qui se répercutent sur la prestation des services, etc.—doit être approuvée par le Bundesrat. Or, celui-ci est composé de représentants des provinces ou Länder. Aussi, le gouvernement fédéral allemand se sent-il extrêmement limité par la nécessité de persuader les provinces d'accepter ces accords internationaux. Il cherche donc à soustraire de plus en plus les accords internationaux à la nécessité d'une ratification formelle par le Bundesrat.

    Donc oui, ces tensions existent partout. Je crois que nul n'a de solutions claires et je n'ai certainement pas les réponses.

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Ambrose.

    Monsieur Szabo, je vous prie, pour cinq minutes, ni plus ni moins.

+-

    M. Paul Szabo: Merci.

    Nous avons une panoplie d'outils très disparates. Il y a évidemment les transferts, il y a les accords bilatéraux et tout ce qui peut s'intercaler entre les deux. On pourrait privilégier certains outils par rapport à d'autres et j'aimerais votre avis : ne faudrait-il pas restreindre l'utilisation de certains instruments et en préférer d'autres plus utiles à long terme?

    Ma crainte est que la situation se détériore en proportion directe des remèdes appliqués. Si vous optez, mettons, pour des transferts plus faibles mais transmettez davantage de pouvoir fiscal aux provinces, ma crainte est que les provinces « nanties » soient plus favorisées à long terme que les provinces « démunies », ce qui ne ferait qu'accentuer le problème.

    J'aimerais connaître votre réaction.

¿  +-(0950)  

+-

    M. Richard Bird: Certainement.

    Puis-je dire tout d'abord que c'est un plaisir de rencontrer mon député. Je n'avais pas eu le privilège...

+-

    L'hon. John McKay: C'est un plaisir pour lui aussi.

+-

    M. Richard Bird: Je ne suis pas sûr de quoi vous parliez avec ces choses bilatérales, etc.

+-

    M. Paul Szabo: Comme l'accord avec les Maritimes.

+-

    M. Richard Bird: Oh, oui, les arrangements spéciaux.

+-

    M. Paul Szabo: Les accords subsidiaires spéciaux, oui.

+-

    M. Richard Bird: C'est en fait ainsi que fonctionnent tous les systèmes. Malheureusement, les juristes, les politicologues, et même les économistes, lorsqu'il est question de fédéralisme, tendent à considérer qu'un traitement uniforme de tous les gouvernements à un niveau donné constitue une partie inhérente de toute solution fédérale. Or, ce n'est vrai dans aucun pays du monde. Partout, dans tous les pays, on conclut toutes sortes d'accords subsidiaires et d'arrangements spéciaux avec des gouvernements particuliers. Je travaille avec un collègue de la Banque mondiale à un livre sur le fédéralisme asymétrique où nous examinons cet aspect de façon détaillée dans 14 pays. Donc, tout le monde conclut des ententes particulières, il n'y a là rien d'inhabituel.

    Avec tout cela, j'ai perdu le fil de votre question principale, monsieur Szabo. Désolé.

+-

    M. Paul Szabo: Eh bien, parlons simplement des points d'impôt. Si vous passez des transferts aux points d'impôt, cela ne va-t-il pas avantager les provinces nanties plutôt que les démunies?

+-

    M. Richard Bird: Oui, probablement. De fait, sur le plan économique, c'est l'un des résultats majeurs de l'intégration accrue avec d'autres pays, suite à l'ALENA et tout cela. Partout dans le monde, les pressions s'accentuent sur ce qui est le dilemme fondamental du fédéralisme, qui a toujours été de savoir pourquoi les régions riches soutiennent les régions pauvres?

    L'une des réponses données dans le passé était, bien entendu—je me souviens avoir fait une étude sur Terre-Neuve il y a de nombreuses années—qu'une grande partie des fonds allant censément du centre vers la périphérie ne quitte en réalité jamais le centre car la périphérie les dépense tous là. Cela a changé. Le retour vers les provinces centrales depuis la périphérie—le pétrole est un facteur crucial à cet égard—est en recul, si bien que l'intérêt économique que possèdent les provinces centrales à appuyer la péréquation, etc. diminue ces dernières années. C'est la caractéristique la plus marquée que j'ai constatée au Canada.

    Comme je l'ai dit, je suis de la Nouvelle-Écosse et j'ai donc été élevé avec la perception normale que l'on a dans les Maritimes du Canada central, un terme qui recouvre et le Québec et l'Ontario, puisqu'à nos yeux ils sont pareils. Mais j'ai passé la plus grande partie de ma vie au centre du pays et le phénomène majeur que j'ai constaté ici est que l'Ontario prend conscience qu'il est une province et non pas un pays et qu'il commence à se définir différemment du Canada. Une conséquence en est—malheureusement, je trouve—un intérêt moindre et une volonté moindre d'assurer des niveaux de services plus uniformes à travers le pays. C'est partiellement dû à l'intégration croissante avec l'économie américaine, qui est plus marquée en Ontario que partout ailleurs, et c'est peut-être inévitable.

    Mais c'est politique. M. Perry a dit que l'espace fiscal est important, et il a expliqué qu'il a toujours été important pendant 140 ans, période pendant laquelle le montant des prélèvements fiscaux est passé de 5 à 45 p. 100 avant de baisser de nouveau; le pourcentage n'a jamais été très fixe. Il parlait en fait de la même chose que moi, sauf qu'il utilisait le terme « espace fiscal » pour désigner ce que moi j'appelle équilibre politique.

    Vous avez à tout moment, dans un pays, un équilibre des forces et l'une des manifestations de cet équilibre est la taille du secteur public. Pour qu'il y ait un gros changement dans la taille du secteur public, il faut un changement dans l'équilibre politique des forces qui favorise la hausse ou la baisse—peu importe. Sous l'effet de pressions tant extérieures qu'internes, nous vivons une tendance à la contraction. C'est très difficile à vivre pour ceux qui ont la responsabilité de fournir les services au public.

    Le problème n'est pas que l'espace fiscal soit fixe. Le problème est que le concept que nous tendons à définir comme étant l'espace fiscal est en voie de contraction et c'est cela qui se passe. Dans ces circonstances, si pour quelque raison des régions riches se sentent moins attachées au restant du pays qu'auparavant, et si ce qu'elles considèrent être le gâteau commun rétrécit, elles vont se battre d'autant plus fort pour essayer de garder la part plus grande qu'elles estiment leur revenir.

    Ces tiraillements existent toujours, mais les circonstances dans lesquelles ils se déroulent changent. Actuellement, je suis un peu inquiet. Si vous êtes convaincu que tout Canadien devrait avoir le même accès à l'éducation et à la santé, partout dans le pays—nous fournissons ces services par le biais du niveau de gouvernement provincial, principalement—alors il y a lieu de s'inquiéter des répercussions d'un transfert majeur de l'impôt du fédéral vers les gouvernements provinciaux. Personnellement je ne suis pas inquiet—pour des raisons que je vous expliquerai volontiers—mais je peux comprendre que beaucoup de gens le soient.

¿  +-(0955)  

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur Szabo.

    Monsieur Côté, vous disposez de cinq minutes.

+-

    M. Guy Côté: Merci beaucoup. Vous avez bien expliqué tous les deux comment, entre autres, le processus de taxation est, à la base, un processus politique et comment la société, à un certain moment dans l'histoire, accepte, pour plusieurs raisons, d'être plus ou moins taxée. J'ai trouvé cela très intéressant.

    Vous avez beaucoup parlé de l'imputabilité et de l'importance pour le citoyen qui paie des taxes de savoir exactement à quoi servent ces taxes et qui est responsable de la gestion de ces sommes. Vous avez aussi brièvement abordé le fait que cela puisse être plus qu'un problème d'ordre structurel, c'est-à-dire un problème d'ordre constitutionnel.

    J'aimerais avoir votre opinion sur le pouvoir fédéral de dépenser et, par conséquent, d'investir directement dans des champs de compétence des provinces et du Québec, et sur son pouvoir de s'en retirer unilatéralement. J'aimerais connaître vos impressions à cet égard.

[Traduction]

+-

    M. David Perry: La clé, je pense, est venue à la fin de votre question, lorsque vous parliez du pouvoir du gouvernement fédéral de se retirer. Cela fait ressortir la vulnérabilité du système.

    L'une des choses qui surplombent tout ce débat est la question de la durée. Il est très louable d'espérer que vous puissiez en arriver à une solution permanente au déséquilibre fiscal. De fait, le gouvernement fédéral et les gouvernements fédéraux et provinciaux trouvent, de concert, des solutions permanentes au déséquilibre fiscal depuis 138 ans, solutions toutes très efficaces.

    Lorsque vous parlez de subventions, de montants donnés d'argent, il est intéressant de revoir certaines de ces tentatives historiques. Je pense que lors de la Confédération, c'était de 75¢ par tête d'habitant que se plaignait la Nouvelle-Écosse. Cent ans plus tard, John Diefenbaker a acheté la paix avec Terre-Neuve avec une subvention de 8 millions de dollars, qui avait été jugée extrêmement généreuse par la province de Terre-Neuve. Huit millions : par les temps qui courent, ce n'est rien du tout, même dans le contexte terre-neuvien.

    Ces montants de dollars fixes ont donc tendance à être des solutions à court terme. Les subventions statutaires ont été une autre clé à la Confédération en 1867, et aujourd'hui il s'agit de petits montants qui sont toujours inscrits dans les livres des gouvernements fédéral et provinciaux. Mais dans le cas de l'Ontario, 1,8 million de dollars ne vont ni faire ni défaire la province.

    En conséquence, cette idée de rechercher une solution permanente est très bien si votre horizon est de cinq ans, mais s'il est de plus de cinq ans, alors ce n'est sans doute pas approprié.

    Il y a une autre question qu'a posée M. Szabo et qui était intéressante, et c'était celle concernant l'établissement des points d'impôt et l'effet sur les provinces les plus riches. Le système d'option de retrait du Québec a très bien fonctionné en ce sens qu'il n'y a de plainte ni d'un côté ni de l'autre au sujet des 16,5 points d'impôt fédéral cédés par Ottawa à Québec. Ce n'est pas quelque chose qui préoccupe les autres provinces. Ce n'est pas quelque chose qui préoccupe Ottawa. Le seul problème survient lorsque quelqu'un de l'extérieur du Canada commence à examiner les fardeaux d'impôt des particuliers des différentes provinces et constate qu'au Québec ce fardeau est supérieur de beaucoup à ce qu'il est ailleurs au pays, parce qu'on oublie d'enlever les 16,5 points. Ce sont là de petits rafistolages qui font malgré tout que le système fonctionne. Ces 16,5 points fonctionnent très bien.

    Les points accordés pour le TCSPS ne fonctionnent pas car ils ont disparus, ils se sont évaporés, et, comme le disait plus tôt ce matin M. Tory, il y a une certaine amnésie s'agissant de ces points d'impôt.

À  +-(1000)  

[Français]

+-

    Le président: Vous disposez de trois secondes.

+-

    M. Guy Côté: Merci.

+-

    Le président: La parole est à madame Wasylycia-Leis.

[Traduction]

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.

    Merci à tous les deux de vos exposés.

    Monsieur Bird, j'aimerais poursuivre votre position. J'entends ce que vous dites s'agissant de remettre en question le concept de déséquilibre fiscal, mais nous sommes ici en train de nous débattre avec la notion d'un genre de rôle d'égalisation exercé par le gouvernement fédéral auprès des provinces, et nous le faisons dans le contexte d'une chose qui est enchâssée dans notre Constitution.

    Laissant de côté le déséquilibre fiscal en tant que tel, d'un point de vue théorique, d'un point de vue universitaire, et d'un point de vue comparatif par rapport à d'autres pays, quelle est la meilleure chose que nous puissions faire maintenant en ce qui concerne cette notion de péréquation? Étant donné la controverse actuelle—il y a dans ce pays tout un imbroglio, et nous ne savons pas très bien où cela va aboutir—que pouvons-nous faire en tant que comité pour tirer un peu les choses au clair et quelle est la chose la plus productive que nous puissions faire d'un point de vue politique publique?

+-

    M. Richard Bird: Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à cette question.

    L'une des choses que j'ai dites est que je n'allais pas parler de péréquation...

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Je sais, je sais.

+-

    M. Richard Bird: ... parce qu'il y a en fait ici deux problèmes très différents. Je veux bien parler péréquation, mais il s'agit d'un problème différent de celui du déséquilibre fiscal tel qu'exposé dans l'ordre de renvoi, dans le rapport de la Commission Séguin, etc.

    En ce qui concerne la question de la péréquation—qui est bien sûr à l'heure actuelle très en vue, du fait des accords sur les ressources au large des côtes et tout le reste—ce que nous avons en gros ici c'est exactement ce qu'a dit David Perry au sujet de la taxation. Dans le cas de la péréquation, il nous a fallu réparer le système tous les 10 ou 15 ans. Jusqu'à cette année, on le réparait en règle générale en changeant ce que l'on équilibrait, la norme par rapport à laquelle on équilibrait, et ainsi de suite.

    Je me suis lancé dans ce domaine... Mon premier cours en finances publiques remonte à 1957, l'année de l'introduction du système de péréquation. Nous avions consacré le cours tout entier à discuter de la péréquation et des raisons pour lesquelles il y avait, quoi, dix provinces et quatre formules au départ. Dès le tout début, il y a eu dans le cas du système de péréquation des ententes spéciales et des compromis.

    Le problème fondamental à l'heure actuelle remonte au couperet instauré à l'époque de la grosse augmentation du prix du pétrole vers la fin des années 70—un accord de 1982 en vertu duquel nous avons en gros éliminé l'Alberta de la formule. Cette exclusion de la province la plus riche a tout déformé.

    En gros, la réponse aux problèmes actuels serait d'inclure dans la formule toutes les ressources et d'égaliser le tout grâce à une norme nationale. Mais nous ne faisons pas ce genre de choses et il est peu probable que nous les fassions, étant donné surtout que nous avons depuis changé la nature même du système tout entier—nous avons maintenant, à la place, un montant fixe que nous répartissons entre différentes provinces. C'est là le changement le plus fondamental qui ait été apporté au système de péréquation en l'espace de 40 ans, mais l'on n'en a en réalité jamais discuté ici.

    Nous avons en fait à l'heure actuelle un système de type australien, dans le cadre duquel l'on répartit entre différentes provinces un montant qui n'est pas déterminé par l'action de ces provinces. Il s'agit donc d'un partenariat.

    David est plus au courant de cela que moi, mais le système de péréquation me paraît être un bon élément du système. Je n'ai rien à dire quant à l'article 36 et à la question de savoir ce qui est prévu dans la Constitution, et je suis très heureux de parler de ce que nous pourrions faire pour améliorer le système. Mais, quoi que nous fassions, c'est un système qui verse des ressources aux créatures politiques les plus pauvres du pays pour les aider à soutenir un certain niveau de services publics, à des taux d'imposition plus ou moins équivalents à ceux pratiqués ailleurs.

    C'était une bonne idée. C'était une idée centrale au système tout entier ici pendant 40 ou 45 ans. Je ne pense pas que cela disparaisse. Nous conserverons un système de péréquation d'un genre ou d'un autre. Je ne voudrais pas le voir disparaître, mais il est clair qu'il vous faut y faire quelque chose.

    Le détail de ces accords sur les ressources au large des côtés m'échappe vraiment. Il me faut dire que j'ai travaillé dans beaucoup de pays. Je songeais à l'instant à l'Indonésie, où les gros problèmes que nous avons eus s'agissant d'élaborer un système financier décentralisé avaient à voir avec le fait qu'en un sens ils avaient tout leur pétrole dans la région la plus séparatiste du pays. J'ai donc vu ces problèmes se résoudre, mais il est difficile de traiter de ces choses et je n'ai encore vu personne le faire bien. La solution savante habituelle est simplement de faire en sorte que le gouvernement central taxe les ressources naturelles, mais étant donné que ce n'est pas cela qui va se passer, il n'existe pas d'autre solution claire et nette.

À  +-(1005)  

[Français]

+-

    Le président: Merci, madame Wasylycia-Leis.

[Traduction]

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Excusez-moi de vous interrompre, mais j'ai vu M. Perry secouer la tête et je me demandais s'il aimerait...

+-

    Le président: Nous vous reviendrons pour cinq minutes au deuxième tour.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Il pourrait peut-être glisser cela quelque part dans la discussion.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur McKay, pour cinq minutes.

+-

    L'hon. John McKay: Merci, monsieur le président.

    Merci à tous les deux pour vos présentations très réfléchies. Vos propos ont été très intrigants.

    Professeur Bird, vous avez en gros commencé par dire que nous sommes en train de poser la mauvaise question, que ce n'est pas vraiment une question d'équilibre ou de déséquilibre fiscal, mais une question bien plus profonde que celle-là, en ce sens que c'est presque dans la nature même du genre de fédération que nous avons.

    Vous ajoutez également dans le mélange un petit ingrédient intriguant : l'Ontario, qui a jusqu'ici été une cheville ouvrière de la Confédération et qui a en gros dit qu'il lui faut contribuer davantage d'argent pour maintenir l'unité de la fédération, ne se compare plus aux autres provinces tout en s'efforçant de garder le pays ensemble; l'Ontario dit maintenant qu'elle se compare en définitive à certains États américains. À un niveau, en tant que résident du sud de l'Ontario, j'ai tendance à partager votre point de vue. Nous sommes tournés vers New York, Chicago, et d'autres endroits comme cela.

    Lorsque vous juxtaposez ces deux pensées, cela n'augure pas très bien pour la survie de la fédération.

À  +-(1010)  

+-

    M. Richard Bird: C'est ce que nous appellerions une question intéressante, dans la mesure où il s'agit bel et bien d'une question.

    Oui, je suis un petit peu inquiet, mais pas si inquiet que cela. Je ne vois pas de parti séparatiste surgir en Ontario dans l'immédiat.

    Je pense qu'il y a ici une question, et en un sens c'est un échec de la part du gouvernement fédéral s'agissant de transmettre l'idée de ce qu'est ce pays.

    J'ai beaucoup travaillé en Suisse. J'y ai vécu par périodes. Mes amis Suisses disaient toujours : « Nous sommes Suisses uniquement lorsque nous nous trouvons à l'extérieur de la Suisse. En Suisse, nous sommes Zuriquois », ou autre, selon leur ville. Il s'agit là d'un concept très fédéral et qui ne me pose aucun problème.

    J'entends beaucoup de gens se demander ce que c'est que d'être Canadien. Il s'agit bien sûr là d'un problème du Canada anglais. Il me faut dire que je ne l'ai jamais compris, peut-être parce que j'ai pendant si longtemps vécu à l'étranger comme un Suisse. Je vois chez mes enfants, et dans une moindre mesure chez leurs enfants, un fort sentiment d'appartenance à une nation, etc. Mais j'ai l'impression que cela est en baisse. Il ne s'agit pas d'une quelconque observation scientifique. C'est simplement quelque chose qui préoccupe un peu. Je ne suis pas en faveur des balles de golf avec monogramme et tout le reste, mais ce que vous en faites est une toute autre histoire. Il y a ici un problème.

    La réponse, qui a toujours été très difficile à obtenir au Canada pour toutes sortes de raisons, est qu'il vous faut en fait sortir de votre coquille fédérale et provinciale et songer à votre rôle dans le monde et vous débrouillez pour travailler ensemble.

    Ce qu'il y a de vraiment frappant au Canada est que nous avons des gouvernements qui collaborent de milliers de façons différentes pour toutes sortes de choses alors qu'il n'y a en fait aucune collaboration formelle. Cela nous ramène à votre question originale, madame Ambrose, au sujet de l'aspect international. Il n'existe pas de forum auquel les voix provinciales puissent se faire entendre formellement s'agissant de questions internationales, alors qu'il devrait en exister un. Il n'y a pas de forum auquel la voix fédérale est entendue formellement en matière d'établissement de normes nationales en éducation, par exemple, alors qu'il devrait y en avoir un. Nous ne discutons pas vraiment ensemble de ces choses. Nous avons partagé le gâteau, puis nous nous disputons quant à savoir ce qui revient à chacun et nous accusons les autres d'empiéter sur ce que nous jugeons être notre part du gâteau.

    Mais cela est peut-être inévitable. La politique est un domaine concurrentiel, et c'est très bien. Mais c'est un petit peu inquiétant dans un monde qui change très rapidement. Il ne change pas plus rapidement que par le passé, en fait, mais notre perception du changement est plus aiguë qu'elle ne l'était autrefois.

    Alors, oui, je suis inquiet à ce sujet, mais peut-être que David ne l'est pas.

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur McKay.

    Messieurs Bird et Perry, j'aimerais vous poser une question. Je pense que cela pourrait aider notre comité à se faire une meilleure idée de votre perception de la péréquation.

    Monsieur Bird, vous avez mentionné qu'en tant qu'étudiant, vous aviez suivi votre premier cours de finances publiques en 1957, soit la première année où le régime de péréquation a été appliqué. Par contre, celui-ci avait été conçu 10 années auparavant, soit en 1947, dans le cadre du premier rapport sur le fédéralisme fiscal, le rapport Rowell-Sirois.

    L'idée de la péréquation avait été articulée autour du principe fondamental selon lequel des taux d'imposition et un niveau de services comparables devraient prévaloir d'est en ouest au Canada. Toutefois, lorsqu'on considère la situation actuelle, force est de reconnaître que ce n'est pas le cas. À ce propos, vous avez mentionné que l'Alberta avait peut-être brouillé un peu les cartes.

    Depuis 10 ans, on parle de réformer en profondeur la formule de péréquation de façon à contrer son inefficacité, mais il n'y a jamais eu d'entente à ce sujet. En outre, on peut se demander si les accords particuliers, celui de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse plus précisément, n'ont pas comme effet de brouiller les cartes davantage, dans la mesure où il aurait été nécessaire de réformer le régime de péréquation pour lui permettre d'atteindre ses véritables objectifs.

    Je vous donne un exemple. Aujourd'hui, une fois exclus les revenus pétroliers extracôtiers de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve, l'utilisation d'une norme basée sur 10 provinces n'a plus la même signification. Si, selon la logique de cette norme, on devait utiliser les capacités fiscales de chacune des provinces, on devrait exclure les revenus pétroliers de l'Alberta.

    Ne crée-t-on pas ainsi non seulement un malentendu mais aussi un genre de chaos lorsque vient le temps d'adopter, comme vous l'avez suggéré tous les deux, des réformes en profondeur durables?

À  +-(1015)  

[Traduction]

+-

    M. Richard Bird: Eh bien, je pense que nous voulons en fait discuter de cela. J'estime que le problème est quelque peu différent de ce que vous avez dit. Il me semble que ces ententes... Je n'aime pas particulièrement ces ententes. Je conviens qu'elles ne cadrent pas avec une approche appropriée à l'égard de la situation tout entière. Mais je pense qu'il y a eu depuis le tout début des ententes de genres différents. Quiconque a retracé l'évolution de la formule au cours des 40 dernières années au moins, ce que j'ai fait et ce que David a fait dans un de ses livres, peut voir dans le détail qu'il y a eu des changements sans fin et que ces changements ont principalement eu pour objet de modifier le montant d'argent relatif versé à différents récipiendaires. Et c'est tout ce qui s'est passé ici. Simplement, cela a été fait d'une façon quelque peu différente.

    Je pense que le tout devrait être remanié en profondeur. J'ai été plutôt déconcerté en 1987 lorsque nous ne nous sommes pas penchés sérieusement sur la question, et lorsque nous nous y sommes refusés à nouveau en 1992 puis en 1997. Nous avons en gros gaspillé 20 ans, alors qu'il nous aurait plutôt fallu cerner la formule, la peaufiner pour qu'elle soit bien et faire les bonnes choses. Pendant toute cette période—et je ne parle pas ici simplement des toutes dernières ententes, mais je remonterais bien plus loin encore—nous avons à répétition fait toutes sortes de choses étranges avec le système, et le résultat est que la clarté conceptuelle et la base empirique relativement non controversée de la formule ont toutes deux perdu l'éclat qu'elles avaient peut-être autrefois.

    Oui, si ce que vous êtes en train de dire c'est ce qui suit, alors je suis d'accord avec vous. Il est grand temps de s'asseoir et d'examiner sérieusement la formule de péréquation, et pas seulement la formule de péréquation, mais également tous ces autres arrangements, qui sont en fait inextricablement liés à ce que l'on fait dans le cadre de la formule de péréquation. En fait, j'avais même eu l'impression à un moment donné que l'on allait en fait créer un comité chargé de faire ces choses, mais je crois que nous attendons tous depuis bien longtemps de savoir très exactement ce qui va se passer.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Perry.

[Traduction]

+-

    M. David Perry: Il y a, je pense, un problème, lorsque nous regardons la formule de péréquation et prenons au sérieux des personnes comme Richard Bird et les gens du ministère fédéral des Finances, qui disent que l'on pourrait élaborer une formule magique reflétant les vues actuelles de la communauté quant à savoir qui devrait avoir quoi.

    Je pense que si vous regardez les négociations en matière de relations fiscales fédérales-provinciales, notamment l'élaboration et l'évolution de la formule de péréquation jusqu'en 1985 environ, le fait est que les gouvernements, les gouvernements fédéral et provinciaux réunis, ont décidé de ce qui allait être sur la table et du minimum pour chaque province, et les fonctionnaires et les universitaires ont ensuite été envoyés concevoir une formule qui cadre avec cela. Et là où la formule ne pouvait pas être modifiée, l'on a recouru à des ententes particulières.

    L'entente de 8 millions de dollars avec Terre-Neuve en 1957 était une entente particulière. Vous savez, il y en aura toujours. Cela nous ramène à un point qu'a souligné Richard tout à l'heure au sujet de la nouvelle idée d'un montant fixe pour la péréquation. Il y a toujours un montant fixe. La question est celle de l'élaboration de la formule.

À  +-(1020)  

[Français]

+-

    Le président: Merci.

    Madame Ambrose, for five minutes.

[Traduction]

+-

    Mme Rona Ambrose: Merci, monsieur le président.

    Monsieur Bird, étant donné que je suis la seule représentante de l'Alberta au comité, j'aimerais dire que lorsque vous parliez de la formule de péréquation, de l'inclusion de l'Alberta dans la formule actuelle, pour ensuite parler d'inclure dans la formule tous les revenus en provenance de ressources... J'aimerais porter à votre attention le fait que le résultat en vertu de l'actuelle formule serait une augmentation de ce versement de 5 milliards de dollars dans le cadre du programme de péréquation. Je vous dirais que les Albertains s'en inquiéteraient peut-être un petit peu.

    J'aimerais entendre vos commentaires et ceux de M. Perry au sujet de l'incidence des revenus en provenance de ressources non renouvelables sur la formule de péréquation. Comme vous le savez, il s'agit là d'un problème de longue date. Cela fait des années que le Parti conservateur et que les provinces parlent de l'élimination des ressources non renouvelables de la formule de péréquation. Le ministre des Finances, M. Goodale, a créé un comité d'experts qu'il a chargé de se pencher sur cette question; il s'agit de l'une des questions que ce comité va examiner pendant un petit moment.

    C'est pourquoi je vous inviterais, monsieur Perry, à faire quelques commentaires au sujet de l'incidence des revenus en provenance de ressources non renouvelables sur la formule de péréquation.

+-

    M. David Perry: On était à ce sujet en train de m'encourager depuis les tribunes.

    J'ai aimé l'optique d'Allan MacEachen lorsqu'en 1982 le gouvernement fédéral s'est pour la première fois rendu compte qu'il avait créé, avec les formules de péréquation, une machine emballée et qu'il fallait faire quelque chose. Il a écarté les revenus en provenance de ressources naturelles de la formule de péréquation. C'était une belle astuce.

    J'ai ici un réel problème. Mon fils est récemment parti faire sa vie, ce qui est une chose formidable pour lui. Il a un emploi et il est devenu indépendant. Je me suis dit que les subventions que je lui versais depuis plusieurs années n'étaient plus indiquées, du fait qu'il était parti. Il était un être humain indépendant, mais il a estimé que ce n'était pas encore tout à fait approprié. C'est un argument qui parcourt quantité de choses, comme l'assistance sociale et maintenant la péréquation.

    Les revenus en provenance de ressources naturelles sont en vérité, du fait de leur distribution au hasard à travers le pays et de leur popularité ou de leur valeur aléatoires... Vous savez, lorsque certaines des ressources naturelles sur lesquelles nous avons compté par le passé cesseront d'être d'importantes sources de richesse provinciale, alors l'on pourra très aisément les intégrer dans la formule de péréquation. Je pense que les droits de coupe font à l'heure actuelle partie de la formule de péréquation. Les revenus en provenance du pétrole et du gaz naturel ne le sont pas. Eh bien, en 1867, pour revenir à ce que je disais au sujet de la permanence, les droits d'abattage étaient la principale source de revenu des provinces.

    J'ai l'impression que le professeur Bird pense que je tente de m'esquiver pour ce qui est de ces questions portant sur les revenus en provenance de ressource naturelles...

+-

    Mme Rona Ambrose: Eh bien, je suppose que je cherchais plus précisément à connaître votre avis d'expert au sujet de l'argument entre... Il y a en cours une discussion au sujet des revenus en provenance de ressources non renouvelables et des revenus en provenance de ressources renouvelables dans le contexte de la formule de péréquation.

    Je sais de quel côté je me range dans ce débat, mais j'aimerais connaître votre avis.

+-

    M. David Perry: Je pourrais déclarer impétueusement que je ne pense pas que les revenus en provenance de ressources renouvelables constituent un gros problème, que c'est plutôt le cas des ressources non renouvelables. Il s'agit par exemple de savoir si l'exploitation pétrolière et gazière devrait être utilisée pour créer un fonds qui financerait l'éventuelle prise en mains et le ressaisissement, qui ont fait que l'Alberta a l'économie diversifiée qu'elle compte aujourd'hui.

    Il y a cet argument voulant que la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve puissent utiliser les revenus du pétrole et du gaz naturel pour tenter de mettre en place une infrastructure qui débouche sur une économie plus diversifiée—une économie plus stable et moins cyclique qui serait là lorsque les réserves de pétrole seront épuisées. C'est là un solide argument en faveur de l'exclusion des revenus en provenance des ressources naturelles non renouvelables de la formule. Mais si vous ne les excluez pas, que faites-vous dans le cas de l'Ontario? L'Ontario était la province bénéficiaire à la fin des années 70, du simple fait que le pétrole et que le gaz naturel s'étaient emballés... Cela a fait l'objet d'une autre entente particulière, témoin du fait qu'il y avait un plafond quant au montant total de péréquation qui était disponible.

    Mais la question de savoir si l'Ontario aurait vraiment dû ou non toucher l'argent n'a pas été discutée. L'Ontario n'a pas insisté. L'Ontario a dit très clairement qu'il ne pensait pas mériter de bénéficier de la péréquation, ou peut-être que c'était simplement parce que cela aurait fait mauvaise impression à la bourse de New York mais, quelle qu'ait été la raison, l'on a été unanime à l'échelle du pays pour dire que l'Ontario devait être exclu de la péréquation. Cela nous ramène encore à toute la question des revenus en provenance de ressources naturelles.

    Je n'ai toujours pas répondu à votre question, car je ne pense pas le pouvoir.

À  +-(1025)  

+-

    Le président: Merci, madame Ambrose.

    Monsieur Szabo.

+-

    M. Paul Szabo: Votre commentaire au sujet des inquiétudes quant à la fédération me fait réfléchir. Peut-être que dans le contexte de l'Ontario il y a eu des allégations faites par les municipalités selon lesquelles il y a eu beaucoup de délestage. C'est donc là encore un autre outil que peut utiliser même une province.

    L'autre chose est que le gouvernement fédéral n'a pas simplement empiété sur les responsabilités des gouvernements provinciaux, mais il les a bel et bien envahies, qu'il s'agisse de garde d'enfants, d'infrastructure, de développement de la petite enfance ou d'activités culturelles qui ont traditionnellement été la responsabilité des villes ou des provinces désireuses de bâtir leur identité culturelle. Lorsque vous commencez à énumérer toutes ces choses, c'est presque comme si l'on délestait en aval vers les municipalités en délestant en amont vers le gouvernement fédéral. Ce sont là d'autres outils qui sont entrés en jeu.

    L'autre idée que j'ai eue est que la diversité des économies de chacune des provinces est telle que si vous établissiez un système rigide en matière de péréquation ou de TCSPS, au fur et à mesure que l'économie mondiale bougera dans le temps, tirer tout droit sur la cible ne tiendra plus. Il me semble donc qu'il nous faut une solution dynamique qui puisse s'adapter.

    Qu'en dites-vous?

+-

    M. Richard Bird: Permettez-moi de commencer par le début, si vous le voulez bien. Vous avez commencé avec certaines remarques au sujet des municipalités, ce dont nous ne discutons pas ici. Il me faut vous dire qu'il y a environ dix jours j'ai prononcé un discours lors d'un forum ici à Toronto au sujet des finances municipales. Le maire de Toronto était là, et on me dit que mes propos l'ont vraiment bouleversé. J'avais dit que je ne comprenais tout simplement pas pourquoi le gouvernement fédéral donnerait de l'argent aux municipalités par le biais de cette taxe sur le carburant.

    Je conviens avec vous que le gouvernement provincial ne fait pas son travail comme il se doit, mais vous pourriez interroger le ministre des Finances là-dessus et je suis certain que vous entendriez un avis très différent.

    La question plus importante que vous avez soulevée nous ramène à ce genre de cadre institutionnel à l'intérieur duquel vous décidez de ces choses. La grande leçon que j'ai apprise au sujet de ces questions, en aidant un certain nombre de pays à rédiger la partie économique de leur constitution et ainsi de suite, est que ce qui compte vraiment ce ne sont pas les décisions particulières que l'on prend à tel ou tel moment au sujet de la formule, par exemple, mais plutôt le mécanisme grâce auquel nous décidons de la formule. Le problème au Canada a été que ces questions essentielles ont toutes été décidées par des gens comme moi et mes étudiants dans des salles comme celle-ci, sans que les discussions ne soient enregistrées et sans que la porte ne soit ouverte, et ce n'est vraiment pas une bonne idée de faire ainsi.

    Il s'agit de questions très politiques, et j'entends par « politiques » non pas la politique partisane, mais la façon dont nous autres, qui venons de nos différentes communautés et ainsi de suite, vivons ensemble. Il nous faut élaborer un ensemble de règles qui comprennent la façon dont nous comprenons ces règles, vivons conformément à ces règles et changeons ces règles lorsque les circonstances l'exigent, façon qui résiste même si les solutions particulières que nous choisirons à chaque moment dans le temps vont forcément être mauvaises peu de temps après.

    Les aspects dynamiques de l'établissement de ce cadre institutionnel au sein duquel nous décidons de ces questions sont un problème critique. Personne n'a de bonne réponse au dilemme—personne. J'ai aidé l'Afrique du Sud à créer, par exemple, la Commission financière et fiscale, et celle-ci n'a vraiment pas fonctionné. J'ai oeuvré à ces choses dans beaucoup d'endroits, et elles ne fonctionnent vraiment pas.

    Je ne connais qu'une chose dont je sais qu'elle donne des résultats. Comme l'a dit Amartya Sen, si vous obtenez suffisamment de publicité, vous ne vivez pas la « famine ». Si les gens ont une assez bonne idée de ce qui se passe, peut-être que l'on évitera un désastre complet. C'est là ma vision optimiste du pourquoi de réunions comme celle-ci. Ce n'est pas qu'il existe une réponse toute faite, mais c'est plutôt qu'il existe des problèmes et qu'il nous faut y travailler ensemble.

    J'ignore si cela répond à votre question.

À  +-(1030)  

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur Bird et monsieur Szabo.

    Monsieur Côté, allez-y.

+-

    M. Guy Côté: Merci beaucoup.

    On discute depuis quelque temps déjà. On voit que la péréquation ne remplit peut-être plus le rôle qu'elle devait jouer. Dès le départ, déjà, on a eu un ensemble d'ententes spécifiques—les plus récentes en sont un bel exemple—qui font que la péréquation fonctionne encore moins bien. Les transferts aux provinces et les programmes de financement laissent les provinces un peu à la merci du bon vouloir du gouvernement fédéral. On peut difficilement imaginer que le gouvernement fédéral se retirera de champs fiscaux afin que les provinces puissent augmenter leurs taxes. Il y a le non-respect des compétences. Le seul point qui semble trouver un peu grâce à vos yeux est celui des transferts de points d'impôt. Cependant, c'est peu rentable sur le plan politique.

    Devant toutes ces constatations, comment peut-on s'assurer de l'imputabilité et de l'accès aux services auxquels nos concitoyens sont en droit de s'attendre? À votre avis, quel serait le premier pas pour tenter de corriger ou de modifier ce que nous appelons le déséquilibre fiscal? Peu importe le nom précis. Je parle de cette réalité qui fait que trop souvent les citoyens ne savent plus à quel gouvernement s'adresser et qu'il y a un niveau de gouvernement qui nage dans les surplus alors que d'autres niveaux de gouvernement, tant provincial que municipal, ont toutes les misères du monde à offrir les services qu'ils doivent fournir en vertu de la Constitution.

    C'est un constat qui est tout de même assez sombre, non?

    Ma question s'adresse à M. Bird ou à M. Perry.

[Traduction]

+-

    M. David Perry: Oui, définitivement.

    Je ne pense pas qu'il existe de règles rigoureuses qui puissent être appliquées. Tout dépend de ce que le comité décide, de ce que le comité recommande au Parlement et de ce que le gouvernement fédéral pourra mettre au point avec les gouvernements provinciaux. Vous avez ici une question de deux priorités différentes : les priorités que la communauté rattache aux dépenses fédérales et à l'équilibre budgétaire fédéral, et les priorités que la communauté rattache aux dépenses provinciales et locales et aux équilibres provinciaux et locaux. Il vous faut combiner les deux choses. Et ensuite, comment concilier ces deux priorités possiblement très différentes, surtout, comme le disait Richard, à une époque où l'on s'efforce de diminuer le fardeau fiscal plutôt que de le voir s'accroître encore? L'époque que nous vivons n'en est pas une de taxation à tous crins.

    Si quelqu'un va gagner, quelqu'un d'autre va perdre. Si vous allez établir des priorités au niveau provincial telles que ces dépenses sont supérieures à celles du niveau fédéral, alors comment les politiciens fédéraux vont-ils galamment dire qu'ils vont céder ces programmes de façon à créer plus de marge de manoeuvre fiscale ou à dégager plus d'argent comptant pour les provinces? Une fois la décision prise, le reste est facile. Tout dépend de la façon dont vous voulez équilibrer le transfert d'argent et les points d'impôt. Combien vaut pour vous le système fiscal national? Et combien d'argent doit demeurer au niveau fédéral de façon à financer la péréquation et à diriger la politique économique nationale. Nous y reviendrons peut-être à un moment donné.

    Le gouvernement fédéral a accolé au système fiscal un certain nombre de priorités qui limitent ce qu'il peut donner, ce qu'il peut céder. S'il choisit de garder davantage, alors il faut que ce soit sous forme de chèques payables aux gouvernements provinciaux plutôt que sous forme de réductions à la note fédérale d'impôts aux citoyens.

À  +-(1035)  

[Français]

+-

    M. Guy Côté: En somme, vous dites que le problème est bien réel et en partie structurel, mais qu'il est fondamentalement politique. Des choix politiques doivent donc être faits. En bout de ligne, tout se résume à cela.

    Est-ce que je traduis bien votre pensée?

[Traduction]

+-

    M. David Perry: Oui, sauf que—j'ignore si c'est à cause de l'interprétation—je ne pense pas que ce soit un problème sans importance.

[Français]

+-

    M. Guy Côté: Non, non.

[Traduction]

    C'est un problème important.

+-

    M. David Perry: Oui, oui.

[Français]

+-

    M. Guy Côté: Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?

+-

    Le président: Vous avez encore 30 secondes.

+-

    M. Guy Côté: Je vais céder avec plaisir ces 30 secondes à ma collègue. Je crois que c'est son tour.

+-

    Le président: Madame Wasylycia-Leis, vous avez cinq minutes. Ensuite, nous ferons un tour rapide de deux ou trois minutes chacun, puis nous passerons aux conclusions.

[Traduction]

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Dommage que nous n'ayons pas une heure de plus. Les choses commençaient tout juste à devenir intéressantes, et nous apprenons beaucoup de choses.

    Professeur Bird, j'ai quelque difficulté à comprendre. Je vois une certaine contradiction dans vos propos, en ce sens que dans vos remarques liminaires, vous avez dit que vous n'étiez pas si préoccupé que cela par le genre de diversité ou de fédéralisme asymétrique qui découle de la façon dont notre système fonctionne à l'heure actuelle. Mais d'un autre côté, vous sembliez être plutôt favorable à un programme de péréquation.

    Alors je suppose que ma préoccupation générale dans le contexte de toute cette discussion sur le déséquilibre fiscal est la suivante : comment parvenir à préserver un semblant de programmes nationaux—par exemple en matière de soins de santé—que nous jugeons importants, lorsqu'en fait l'on se retrouve invariablement acculé à ce mur d'impôts, qui mène à cet argument, venant surtout du Québec, voulant que ce soit injuste et qu'il faille mettre fin à tout cela?

    J'essaie simplement de décortiquer et de comprendre ce que vous pensez réellement et quels conseils vous nous donnez.

+-

    M. Richard Bird: J'espère certainement que ce ne sera pas la fin de cette discussion, qui porte en réalité sur la façon de faire ressortir nos valeurs et de bâtir des institutions qui nous aident à les réaliser, ces valeurs. Nous savons que des désaccords existent. C'est le propre de la politique, de travailler avec des personnes qui ne sont pas pleinement d'accord sur différentes choses qui revêtent pour vous un intérêt commun.

    Pour ce qui est de mes propres opinions, j'ai dit que je ne suis pas préoccupé par la diversité des structures fiscales, et ainsi de suite. Comme l'a en fait dit David, la combinaison d'une concurrence entre provinces, et avec le reste du monde, et le gros bon sens du fait d'assurer une certaine collaboration au sujet de nombreux dossiers vu que c'est dans l'intérêt de tout le monde, réglerait le gros des problèmes à mon avis. Je ne suis donc pas préoccupé par la diversité dans ce sens-là.

    Je suis cependant un fervent défenseur de la péréquation. Il n'y a là aucun illogisme. En gros, la péréquation ne nivelle pas le terrain de jeu mais veille à ce que personne ne se retrouve dans un énorme trou. Elle offre une base à partir de laquelle chacun peut concurrencer équitablement les autres, et en l'absence de cela, vous n'auriez en vérité pas un pays. Il a été dit, et cela est dans une certaine mesure vrai, que la péréquation est la colle qui tient le pays ensemble. Mal employée ou mal préparée, la colle pourrait très bien être transformée en un solvant. C'est de cela que nous avons peur.

    Je ne pourrais pas vous en expliquer la chimie, mais...

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: C'est très bien.

À  +-(1040)  

+-

    M. Richard Bird: Comme l'a dit M. Côté—et il a tout à fait raison—ce sont des questions politiques... C'est pourquoi vous êtes ici; c'est ce qu'il y a de plus ardu.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Oui.

+-

    M. Richard Bird: L'on peut s'occuper des choses faciles en école d'administration. Vous, vous devez vous occuper des choses difficiles, comme par exemple trouver le moyen de faire fonctionner quelque chose ou bien, si vous ne voulez pas que cela fonctionne, trouver le moyen de le bloquer, n'est-ce pas? Mais vous êtes aux prises avec des choses extrêmement sérieuses, et il n'existe pas de solutions miracles.

    Mme Ambrose a soulevé un peu plus tôt un point auquel je voulais réagir. Vous parliez de mettre des ressources dans l'actuelle formule. Bien sûr que cela ne fonctionnerait pas; il faudrait changer la formule. Mais c'est là l'essentiel. Les gens ne comprennent pas, car dès que vous proposez un changement les gens supposent que vous ne changerez que cette chose-là, pour ensuite voir comment les choses tombent en place par la suite. Or, l'on ne change jamais qu'une seule chose; c'est le système tout entier qu'il faudrait songer à changer.

    Cela m'intéresserait donc de voir l'interaction dans votre façon de penser entre la péréquation et cette question d'équilibre, car je n'étais pas si convaincu que cela qu'il y avait une si grosse interaction. Là où je considère qu'il y a beaucoup plus d'interaction c'est dans un grand nombre de dossiers fédéraux... C'est en fait la question du pouvoir de dépenser, que vous avez mentionné plus tôt, qui est depuis longtemps au Canada un problème fondamental et une question épineuse.

    Nous appelons cela le pouvoir de dépenser. Chaque État fédéral—chaque État fédéral ou chaque personne—a les mêmes soucis et problèmes. On utilise des noms différents selon l'endroit. Tout simplement, si le gouvernement a de l'argent qu'il peut dépenser, il peut en fait le dépenser sur ce qu'il veut. Si c'est ce qu'il fait, alors c'est là qu'il commence selon moi à transformer cette colle en un solvant. Je pense que ce sont là des choses qui doivent être faites conjointement et par suite d'ententes, sans quoi il y aura qu'encore davantage de problèmes.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Mais c'est alors que vous vous retrouvez avec le problème de la reddition de comptes.

+-

    M. Richard Bird: C'est exact.

    La réponse à la question de la reddition de comptes—ma réponse en tout cas—est cette fameuse expression économique « à la marge ». Il existe beaucoup d'ouvrages qui en traitent, et l'argument est le suivant : si, mettons, 90 p. 100 de vos dépenses sont couvertes par de l'argent qui provient de quelqu'un d'autre, vous n'allez vraisemblablement pas dépenser à bon escient. Je ne pense pas qu'il existe la moindre preuve qui appuie cet argument. Il n'existe aucun chiffre magique comme 10, 50 ou 90 p. 100 au-dessus duquel tout d'un coup de personne censée vous devenez une personne irresponsable. Mais je pense qu'il est néanmoins très important de structurer le système de façon à ce que les actes d'un quelconque gouvernement qui pourraient avoir pour effet d'aggraver les choses ne puissent jamais récompenser ce gouvernement en lui rapportant plus d'argent, si je puis m'exprimer ainsi.

    Il y a eu une histoire au Québec il y a quelques années et dont on a fait grand cas où une augmentation de paye a en fait amené une augmentation des paiements de péréquation au Québec. Je ne dis pas cela pour critiquer le Québec, c'est tout simplement ainsi que la formule fonctionnait.

    Lorsque la formule fonctionne ainsi, c'est une erreur. Il vous faut être très prudent dans tout ce travail d'élaboration. Nous ne disposons vraiment d'aucun moyen de surveiller de très près ce que nous faisons avec tous ces systèmes—sauf, bien sûr, dans le cadre de discussions comme celle-ci, et c'est pourquoi nous nous y adonnons.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, madame Judi Wasylycia-Leis.

    Monsieur McKay, pour les trois dernières minutes.

    Il nous faudra ensuite entendre les conclusions de nos témoins.

+-

    L'hon. John McKay: Ce qui s'est passé ici, comme l'a mentionné Rona Ambrose, c'est que l'entente d'octobre entre les premiers ministres des provinces et le premier ministre du Canada en matière de péréquation est sans doute le changement le plus important relativement à la péréquation survenu depuis de nombreuses années. L'entente prévoit un facteur de progression et un plancher aux fins des calculs. C'est ainsi qu'un grand nombre des problèmes les plus persistants ont été réglés.

    Un comité d'experts a été nommé. Les experts nommés par le gouvernement fédéral ont été désignés, mais nous attendons toujours les noms des personnes désignées par les provinces. Si vous deviez comparaître devant ce comité d'experts à ce stade-ci, quelle serait votre plus importante recommandation?

    Je vous pose la question à tous les deux.

À  +-(1045)  

+-

    M. David Perry: J'ai fait de mon mieux pour éviter de faire la moindre recommandation ce matin, alors je vais poursuivre en ce sens.

+-

    L'hon. John McKay: Il est plutôt décourageant d'entendre le professeur Bird dire que les gens d'affaires se voient charger de trouver les solutions aux problèmes faciles mais que ce sont eux qui touchent les gros salaires, tandis que ce sont les politiciens qui se voient renvoyer les problèmes difficiles alors qu'ils ne touchent pas les gros salaires. Le système ne tourne pas très rond.

+-

    M. Richard Bird: Le pays serait uni et dirait que vous êtes déjà trop bien payés.

+-

    L'hon. John McKay: Il n'y a aucun doute là-dessus. Quant à savoir si les gens auraient raison de le penser, c'est là une toute autre question.

    Des voix: Oh! Oh!

+-

    M. Richard Bird: Je ne suis jamais doué pour les conclusions. Je suis un poseur de questions et non pas un fournisseur de réponses.

    Ma grosse préoccupation en ce qui concerne toutes ces questions fiscales fédérales-provinciales est en fait que l'on n'en discute jamais vraiment que dans le contexte des budgets annuels. Il nous faut trouver le moyen de prendre un petit peut de recul et de regarder ces choses et leur incidence sur nous au fur et à mesure qu'elles évoluent et au fil d'une période de temps plus longue. Ce que je dis c'est qu'il devrait y avoir un organe permanent d'un genre ou d'un autre. J'ai déjà, comme je l'ai dit, travaillé avec des organes fédéraux-provinciaux dans différents pays et ils ne fonctionnent pas si bien que cela parce que les combats politiques réguliers sont tout simplement livrés ailleurs.

    Il est très difficile de voir comment l'on pourrait faire autrement. J'aime beaucoup certains mécanismes comme ce comité québécois sur le déséquilibre. L'on pourrait avoir beaucoup de bonnes discussions dans un tel contexte. Je n'accepte pas toutes les conclusions, mais les questions ont été soulignées et débattues. Pourquoi ce même exercice n'a-t-il pas été mené plus largement à l'échelle du pays? Pourquoi le pays n'a-t-il pas fait cela? Je suis ravi qu'il y ait un sous-comité chargé de se pencher sur ce que vous considérez être un déséquilibre fiscal, mais il me semble que cela devrait occuper une place beaucoup plus importante dans la réflexion des gouvernements à tous les niveaux.

    Ce n'est qu'au Québec que cette question a réellement été prise au sérieux, à cause des perspectives particulières qu'on y trouve. J'aurais bien voulu voir la chose prise beaucoup plus au sérieux ailleurs. Mais tel n'a pas été le cas. Où est le comité de l'Ontario sur cette question? Les joueurs clés dans le système canadien sont à bien des égards les gouvernements provinciaux. Or, ils ne sont pas montés au bâton au sujet de la plupart de ces dossiers. J'ose espérer que le ministre des Finances fera bientôt de moi un menteur.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Vous disposez chacun de deux minutes pour conclure.

+-

    M. David Perry: J'aimerais simplement mentionner que depuis quelques années, et surtout très récemment, l'on a vu la communauté concentrer son attention sur les difficultés des gouvernements provinciaux de financer leurs responsabilités clés et leur incapacité de le faire sans augmenter les impôts ou obtenir de plus gros chèques d'Ottawa.

    Mais en dehors de cette préoccupation, il n'y a aucune énergie qui soit en train de monter en vue d'une réforme majeure au niveau des arrangements fiscaux fédéraux-provinciaux. Il n'y a aucune grande poussée en vue de l'octroi d'une plus grosse part du gâteau fiscal au palier provincial, sans parler des villes. Il n'y a rien qui puisse déboucher sur une discussion ouverte et un consensus et produire une solution qui ne sera pas une surprise. Je pense qu'au cours des 140 dernières années, toutes les surprises que nous avons eues dans ce domaine ont été de mauvaises surprises, en tout cas à long terme.

    Ce que l'on peut espérer c'est que le comité ici réuni, dans le cadre de ses délibérations futures, commencera à établir un certain consensus. À partir de ce consensus, l'on pourra créer de l'énergie pour les problèmes qui se posent au niveau provincial, et qui n'ont en vérité pas été exprimés de façon convaincante et convaincue à l'échelle du pays. L'on doit espérer que ceci marque le début d'un processus qui amènera comme sentiment que la réforme du système est inévitable. Je pense que tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas cette énergie et ce consensus, il ne sera pas nécessaire d'amener une réforme.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, monsieur Perry.

    Monsieur Bird.

+-

    M. Richard Bird: Je n'ai que deux remarques à faire.

    Premièrement, j'ai beaucoup aimé ce que David vient tout juste de dire, soit que vous n'allez pas déboucher sur une réponse que tous les autres vont accepter, mais vous pouvez soulever des questions qui serviront de démarrage à une discussion sur la situation, discussion plus sérieuse que tout ce que l'on aura vu dans ce pays pendant de nombreuses années... Ce n'est pas par accident que j'ai mentionné mes débuts en la matière dans les années 50. C'était une époque où l'on discutait réellement de ces choses. Peut-être que nous en sommes arrivés aux mauvais résultats mais, bon sang, qu'est-ce qu'il y en avait de la discussion! Puis il y a eu une autre ronde plus récemment, mais la discussion n'a pas réellement porté sur cette question, mais sur d'autres. Nous ne sommes jamais en vérité revenus de façon posée et réfléchie sur cet arrangement fédéral-provincial depuis les arrangements élaborés dans l'après-poussée keynésienne de la Deuxième Guerre mondiale.

    Il est plus que temps que nous réfléchissions à ces choses dans une tribune quelque peu plus large que ce que nous avons déjà vu, et je suis heureux que vous commenciez à soulever ces questions et à y réfléchir. J'espère que le sous-comité produira un rapport qui aura un jour des suites.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Monsieur Bird, monsieur Perry, merci beaucoup de votre excellente contribution au travail du sous-comité.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup de votre participation.

    Nous prenons une petite pause de cinq minutes.

[Traduction]

    Nous allons faire une pause de cinq minutes.

À  +-(1051)  


Á  +-(1100)  

+-

    Le président: Bonjour tout le monde. Nous sommes très heureux de vous accueillir au Sous-comité sur le déséquilibre fiscal.

[Français]

    Je suis très heureux de vous recevoir, monsieur le ministre, monsieur Colle, monsieur Andersen et monsieur Whitehead. Vous disposerez de 15 minutes pour faire votre présentation. Je suppose que vous, monsieur Sorbara, ferez l'exposé pour votre groupe. C'est un grand honneur de vous recevoir.

[Traduction]

    C'est un honneur de vous accueillir ici autour de la table.

[Français]

    Nous allons écouter avec attention ce que vous nous direz pendant ces 15 minutes. Ensuite, nous procéderons à un tour de table pour permettre aux députés de toutes les formations politiques de vous poser des questions sur votre exposé. Je vous remercie encore une fois.

    Je le répète, c'est un grand honneur de vous recevoir.

[Traduction]

+-

    L'hon. Greg Sorbara (ministre des finances, Gouvernement de l'Ontario): Thank you very much, Mr. Chairman. Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité, et bonjour aux invités.

[Français]

    Je suis heureux d'être ici ce matin. Avant de commencer, j'aimerais d'abord vous présenter les autres représentants du gouvernement de l'Ontario qui m'accompagnent aujourd'hui.

[Traduction]

    Assis à ma droite est mon adjoint parlementaire, Mike Colle. Nous accompagnent également notre sous-ministre des Finances, Colin Anderson, et notre sous-ministre adjoint, John Whitehead.

    Le travail que fait le comité est extrêmement important pour le renforcement du Canada, et le déséquilibre fiscal est en effet une question d'actualité. Cette question a soulevé de sérieuses inquiétudes à l'échelle du pays, et je pense donc qu'il est opportun que le Parlement fédéral ait un sous-comité qui parcourt le pays pour tenir ces audiences.

    La question intéresse tout particulièrement l'Ontario. Pas plus tard que mercredi soir dernier, le premier ministre de l'Ontario déclarait ceci au sujet de ce que nous appelons l'écart de 23 milliards de dollars. Il a dit, et je cite : « Les Ontariennes et les Ontariens sont de fiers Canadiens, mais nous envoyons 23 milliards de dollars au gouvernement fédéral pour qu'il accorde des niveaux plus élevés de financement à d'autres provinces. Cet écart de 23 milliards de dollars nuit à notre capacité de bâtir un Ontario plus fort pour un Canada plus fort ».

    Monsieur le président, même à l'extérieur du milieu de la politique, un grand nombre de personnes ont commenté cet écart de 23 milliards de dollars. David MacKinnon, ancien président de l'Association des hôpitaux de l'Ontario et ancien fonctionnaire de la Nouvelle-Écosse, a affirmé que « L'Ontario transfère régulièrement, par l'entremise du gouvernement fédéral, des montants d'argent pour appuyer des services dans d'autres provinces, montants qui sont supérieurs à ses dépenses totales dans les hôpitaux, les universités et les collèges communautaires en Ontario. Cette redistribution de la richesse, qui représente près de 100 millions de dollars par jour ouvrable, est probablement le poste de dépenses le plus important assumé par les contribuables canadiens ».

    Le Toronto Star a même demandé qu'on établisse une commission d'enquête parlementaire sur la question du déséquilibre fiscal.

    Je ne propose pas la création de ce genre de commission, car notre situation est beaucoup trop urgente. J'ai comme objectif d'aborder ce matin, monsieur le président, les deux questions que voici.

    Premièrement, il est urgent que des investissements fédéraux supplémentaires soient faits en Ontario. Nous devons recevoir sans tarder notre juste part de financement pour un certain nombre de programmes existants. Voilà le premier point.

    Le deuxième point est que la façon dont le pays finance son fonctionnement et ses programmes publics n'est pas équilibré et est désavantageuse pour l'Ontario.

Á  +-(1105)  

[Français]

    Le comité doit savoir trois choses au sujet de l'Ontario: premièrement, les Ontariennes et Ontariens sont fiers des principes d'équité et de partage qui sous-tendent les valeurs canadiennes. Nous nous attendons à ce que ces principes d'équité s'appliquent aussi à l'Ontario. Il est nécessaire qu'il en soit ainsi.

[Traduction]

    Deuxièmement, l'Ontario est le moteur de l'économie de ce pays formidable—il représente plus de 40 p. 100 de son PIB—et ce moteur doit continuer de tourner à plein régime.

    Troisièmement, à l'heure actuelle, l'Ontario est désavantagé dans un certain nombre de secteurs auxquels le gouvernement fédéral consacre des dépenses, notamment les transferts en matière de santé et de programmes sociaux, les investissements dans l'infrastructure, l'établissement de l'immigration et le développement du marché du travail. Voici donc mes arguments.

    Monsieur le président, on a beaucoup discuté dernièrement du déséquilibre fiscal au Canada. D'aucuns sont d'avis qu'il n'y a tout simplement pas de déséquilibre fiscal puisque toutes les provinces ont accès aux mêmes sources de revenus que le gouvernement fédéral. Ainsi, si une province a besoin de plus d'argent pour ses programmes sociaux, par exemple, elle n'a qu'à hausser les impôts. Notre gouvernement a déjà demandé aux Ontariennes et aux Ontariens de faire leur part. Nous avons réduit les baisses d'impôt consenties par l'administration précédente et avons, dans le cadre de notre premier budget, instauré une prime de santé pour l'Ontario pour nous aider à appuyer l'assurance-maladie dans cette merveilleuse province qui est la nôtre. Mais nous savons que si nous demandons encore plus aux Ontariennes et Ontariens, nous risquons de nuire à notre compétitivité fiscale.

    D'autres vous diront qu'il y a sans contredit un déséquilibre. Les provinces sont responsables de postes de dépenses considérables et la plupart d'entre elles, soit dit en passant—et je pense que vous le savez tous—doivent composer avec des compressions budgétaires. Ce que je tiens à souligner est que le gouvernement fédéral quant à lui perçoit des revenus largement supérieurs aux fonds dont il a besoin pour assumer les responsabilités qui lui reviennent en vertu de la Constitution.

    Que vous soyez d'un avis ou de l'autre, il reste que le gouvernement fédéral, si on se fie à ses propres chiffres, a une grande marge de manoeuvre financière. Depuis 1994, le gouvernement fédéral a systématiquement sous-estimé son excédent budgétaire et donc sa capacité fiscale. Une fois effectués tous les calculs, cela donne une sous-estimation de quelque 73 milliards de dollars. L'excédent pour 2003-2004 s'est chiffré à 9,1 milliards de dollars; le gouvernement fédéral avait pourtant prévu un surplus de 1,9 milliard de dollars. Les estimations du budget de 2005 sont fondées sur des excédents budgétaires jusqu'en 2009-2010. Et si l'histoire se répète, un grand nombre, sinon la totalité, de ces excédents seront plus élevés que ce qui avait été prévu.

    Certaines personnes ont mis en doute la source de l'écart de 23 milliards de dollars entre ce que les Ontariens paient en impôts au gouvernement fédéral et ce qu'ils reçoivent en retour en programmes et services. Je désire clarifier cette question dès maintenant. Ce chiffre provient de Statistique Canada, plus précisément des Comptes économiques provinciaux, une publication fédérale. Et d'ailleurs, contrairement à ce que certains ministres fédéraux ont dit, il englobe toutes les dépenses fédérales consacrées à l'Ontario, sans exception aucune.

    La Banque Toronto-Dominion a publié récemment, monsieur le président, un rapport qui confirme ce chiffre.

    L'Ontario a contribué 55,2 milliards de dollars en revenus fédéraux en 1995-1996. Pour l'exercice 2004-2005, qui tire à sa fin, cette contribution est passée à 84,9 milliards de dollars.

Á  +-(1110)  

[Français]

    Depuis 1995, la contribution nette de l'Ontario à la Confédération est passée de 2 milliards de dollars à 23 milliards de dollars. Autrement dit, il y a un écart de 23 milliards de dollars entre ce que les Ontariennes et Ontariens paient en impôts au gouvernement fédéral et ce qu'ils obtiennent en investissements de la part de ce gouvernement.

[Traduction]

    Si nous exprimons la différence en dollars, celle-ci est tout aussi marquée. Cette année, le gouvernement fédéral percevra 84,9 milliards de dollars en impôts des Ontariennes et Ontariens et versera en retour 62 milliards de dollars sous forme d'investissements, de transferts et de paiements à des organisations et à des particuliers.

    Monsieur le président, comme je l'ai déjà dit, les Ontariennes et Ontariens sont fiers des principes d'équité et de partage qui sous-tendent les valeurs canadiennes. Nous sommes fiers de pouvoir participer à la génération de richesse économique qui bénéficie à tous les Canadiens, et nous appuyons avec fierté le principe de la péréquation. Cependant, en raison de changements apportés à la politique fédérale et d'ententes spéciales, telles que celle touchant le pétrole exploité en mer qui a été conclue récemment, le principe de péréquation a tout simplement cessé d'être équitable au cours des dernières années. Permettez que j'essaie de vous expliquer.

    Les revenus tirés de la nouvelle entente spéciale sur le partage des revenus provenant du pétrole exploité en mer donneront à Terre-Neuve et au Labrador une capacité fiscale par habitant supérieure à celle de l'Ontario. Dans le cas de Terre-Neuve et du Labrador, cette capacité sera de 7 529 $ par personne, comparativement à 7 277 $ par personne en Ontario. Monsieur le président, cela signifie que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador disposera de 252 $ de plus par personne que l'Ontario pour des dépenses dans les secteurs de l'éducation postsecondaire, de la santé et des services sociaux.

    Lorsque la population de l'Ontario constate qu'elle verse 23 milliards de dollars de plus au gouvernement d'Ottawa que ce qu'elle reçoit en retour, elle voit ce genre d'entente comme étant injuste et elle a bien raison. Je tiens cependant à dire très clairement que nous n'en voulons pas aux gouvernements ni aux habitants de Terre-Neuve et du Labrador et de la Nouvelle-Écosse. Nous nous inquiétons du fait que le gouvernement fédéral ait permis que le programme de péréquation devienne inadéquat.

    Cela ne devrait pas surprendre outre mesure les membres du comité. Le gouvernement fédéral perçoit plus de revenus qu'il ne verse d'argent sous forme de paiements de transfert à l'Ontario en particulier. Et pour certains genres de programmes, tels que la santé et les services sociaux, le gouvernement fédéral se protège des pressions exercées par la croissance. Il se protège en fournissant du financement à court terme ou pour une période limitée et en investissant dans les frais de démarrage plutôt que dans les coûts permanents. Et, à l'occasion, il se protège en cessant unilatéralement d'être partie à des accords ou en redéfinissant les règles de ceux-ci. Permettez que je vous donne un exemple récent. La Fiducie pour le financement des appareils médicaux va cesser d'exister à la fin de l'année prochaine. Cela représente une diminution de 194 millions de dollars de fonds pour l'Ontario. Mais la fin de la contribution fédérale ne met pas fin au programme en question, programme auquel sont associés des salaires et d'autres frais de fonctionnement qui peuvent fluctuer considérablement et qui ne disparaîtront pas à l'avenir. Ce changement d'approche a pris toute son importance lors de la création de transferts en matière de santé et de programmes sociaux.

Á  +-(1115)  

[Français]

    Monsieur le président, nous sommes d'avis que le gouvernement fédéral est loin de répondre aux besoins de l'Ontario dans quatre secteurs en particulier: les transferts en matière de santé et de programmes sociaux, y compris l'éducation postsecondaire; l'infrastructure; l'établissement de l'immigration et les fonds de l'assurance-emploi affectés à la formation.

    Je crois, monsieur le président, que nous nous entendons tous sur le fait que les investissements dans l'éducation postsecondaire sont un élément clé d'une économie vigoureuse.

[Traduction]

    L'Ontario se classe actuellement au dixième rang parmi les dix provinces pour ce qui est du financement de l'éducation postsecondaire. Nous projetons d'effectuer de nouveaux investissements pour rectifier cette situation, mais, pour ce faire, nous avons besoin encore une fois de l'aide d'Ottawa.

    En 1994-1995, le gouvernement fédéral affectait un peu plus de 2,7 milliards de dollars à l'éducation postsecondaire en Ontario. Ce montant est maintenant de 1,8 milliard de dollars. Nous avons tout récemment reçu de l'ancien premier ministre de la province, Bob Rae, un rapport exhaustif sur le système d'éducation postsecondaire. Le rapport Rae recommande que le gouvernement fédéral rétablisse son financement à ce qu'il était autrefois, et qu'il soit par ailleurs rajusté en fonction de l'inflation et du nombre d'inscriptions.

    Nous sommes disposés à faire notre part pour bâtir un système d'éducation postsecondaire beaucoup plus solide, mais il nous faut votre aide pour veiller à ce que l'Ontario dispose des fonds requis pour investir dans les programmes prioritaires comme l'éducation postsecondaire, qui est, comme le souligne le rapport Rae, un élément clé qui permettra de maintenir la vigueur de l'économie de la province et du pays.

    Le même genre de phénomène se produit pour d'autres dépenses dans les programmes sociaux. Dans le cadre du Transfert social canadien, le manque à gagner est de 374 millions de dollars, soit 234 $ par Ontarien, comparativement à 264 $ par tête d'habitant dans les provinces bénéficiant de la péréquation. Il en va de même pour notre système de soins de santé. Dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé, l'Ontario fait face à un manque à gagner de 610 millions de dollars car le gouvernement fédéral lui verse 374 $ par personne, comparativement aux 423 $ par personne qu'il accorde aux provinces bénéficiant de la péréquation.

[Français]

    Monsieur le président, il y a quatre principaux programmes fédéraux d'investissement dans l'infrastructure. L'Ontario est perdante pour chacun de ces programmes. J'admets que les dépenses en immobilisations sont quelque peu différentes des dépenses de fonctionnement, car elles s'échelonnent en général sur de plus longues périodes.

[Traduction]

    Toutefois, les chiffres se passent de commentaires. Dans le cadre du Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique, l'Ontario reçoit 92 $ par personne tandis que le reste du Canada touche 146 $ par personne. Dans le cadre du Fonds sur l'infrastructure municipale rurale, l'Ontario reçoit 24 $ par personne tandis que le reste du Canada en touche 36 $. Dans le cadre du Programme stratégique d'infrastructures routières, l'Ontario reçoit 15 $ par personne tandis que le reste du Canada touche 21 $ par personne. Enfin, dans le cadre du Fonds sur l'infrastructure frontalière, l'Ontario reçoit 51 p. 100 du financement fédéral accordé malgré le fait que la province compte pour 75 p. 100 de la valeur des biens déplacés en camion entre le Canada et les États-Unis.

    Ce manque d'équité se fait également sentir dans le secteur de l'établissement de l'immigration. L'Ontario, qui, soit dit en passant, accueille plus de 50 p. 100 de tous les nouveaux immigrants au Canada, reçoit seulement 819 $ par immigrant. Par contre, le Québec, où s'établissent 18 p. 100 de tous les nouveaux immigrants, touche 3 806 $ par immigrant. Ce manque à gagner représente quelque 400 millions de dollars.

    Les changements annoncés dans le budget fédéral de 2005 ne rectifieront pas vraiment cette situation. Les 20 millions de dollars supplémentaires prévus en 2005-2006 pourront faire passer la part reçue par l'Ontario du financement national pour l'établissement et les cours de langue de 34 à 36 p. 100, en présumant que le financement du Québec reste le même. Nous recevrions cependant toujours près de 3 000 $ de moins par immigrant que le Québec. Il est évident que cela est injuste. Je suis heureux de souligner le fait que le ministre Goodale ait reconnu cette iniquité.

    Pour ce qui est de la formation fournie par l'assurance-emploi aux chômeurs, l'Ontario tire de l'arrière par rapport au reste du pays. Les investissements fédéraux dans ce secteur se chiffrent en moyenne à 1 827 $ par personne dans d'autres provinces mais à seulement 1 143 $ en Ontario. Si l'Ontario recevait le même niveau de financement que d'autres provinces, nous obtiendrions 314 millions de dollars de plus.

    Comme je l'ai dit il y a quelques instants, le gouvernement fédéral sous-estime depuis des années ses propres excédents budgétaires. Cette pratique est clairement démontrée par les chiffres produits par le gouvernement fédéral lui-même.

Á  +-(1120)  

[Français]

    Il est tout aussi pénible de constater que, peu importe la taille de ses excédents, le gouvernement fédéral n'a pas décidé d'utiliser l'argent supplémentaire à sa disposition pour répondre aux besoins de l'Ontario.

    Cette fois encore, le budget fédéral de 2005 prévoit de nouvelles dépenses de 76 milliards de dollars, mais il ne fait nullement mention du fait que l'Ontario a besoin d'investissements fédéraux dans les secteurs de l'éducation postsecondaire, de la santé et des services sociaux, dans les infrastructures, dans l'établissement de l'immigration et dans la formation financée par l'assurance-emploi.

[Traduction]

    Monsieur le président, il fut un temps où l'Ontario et l'ensemble du Canada bénéficiaient principalement des échanges commerciaux en direction est-ouest. Ce sont ces échanges commerciaux est-ouest qui ont permis au gouvernement fédéral de financer le programme de péréquation et les autres paiements de transfert versés aux provinces. Mais la réalité est toute autre aujourd'hui, et la majorité de nos échanges commerciaux se font en direction nord-sud.

    Étant donné que l'Ontario représente plus de 39 p. 100 de la population du pays et 40 p. 100 de l'économie canadienne, nous devons tenir compte de cette nouvelle réalité sur le plan économique. Cela signifie qu'il est essentiel que le gouvernement change la façon dont il investit dans la province pour que l'économie de l'Ontario conserve sa vigueur et que, par ricochet, le gouvernement fédéral soit en mesure de continuer à financer les programmes et les services sur lesquels compte la population de tout le pays. Nous sommes, après tout, le moteur de l'économie canadienne et il nous faut veiller à ce que le moteur continue de tourner à plein régime.

    L'Ontario est aux prises avec un déficit structurel considérable exacerbé par les politiques financières inadéquates du gouvernement précédent, l'écart de 23 milliards de dollars, le taux de croissance des dépenses dans le secteur de la santé qui est le double du taux de croissance des revenus, et la nécessité de faire des investissements cruciaux dans l'éducation postsecondaire et l'infrastructure. Le gouvernement fédéral a la marge de manoeuvre financière nécessaire pour nous aider à régler ces problèmes. Les mesures que nous prenons profiteront non seulement aux Ontariennes et aux Ontariens mais aussi à l'ensemble de la population du pays.

    Le budget fédéral de 2005 a passé ces secteurs clés sous silence. Cela étant dit, nous sommes malgré tout heureux des fonds que nous avons reçus et du fait que le ministre Goodale et d'autres aient défendu la cause de l'immigration et du financement de l'éducation postsecondaire. Nous sommes aussi encouragés d'apprendre que des ministres fédéraux de l'Ontario commencent à comprendre l'ampleur du problème.

    Monsieur le président, nous nous occuperons sur-le-champ de ces questions, qui ont une importance primordiale pour notre province et pour notre pays. Ce que nous demandons en fin de compte c'est l'équité. Nous voulons que le gouvernement fédéral traite l'Ontario de la même façon qu'il traite les autres provinces; ni mieux, ni pire, simplement de la même façon. Comme l'a dit le premier ministre de la province, l'écart de 23 milliards de dollars nuit à notre capacité de bâtir un Ontario plus fort pour un Canada plus fort.

    Si l'économie de l'Ontario est vigoureuse et dynamique, les revenus fédéraux augmentent, ce qui aide à son tour toutes les régions du pays.

Á  +-(1125)  

[Français]

    Si l'économie de l'Ontario est vigoureuse et dynamique, les revenus fédéraux augmentent, ce qui, par le fait même, aide toutes les régions du Canada.

[Traduction]

    Monsieur le président, en résumé, j'aimerais simplement dire une chose au sujet de la teneur de notre approche dans ce dossier.

    Nous entretenons avec le gouvernement fédéral une très solide relation. Cela fait partie de notre histoire, en Ontario, et cela fait partie de notre réalité d'aujourd'hui. Nous avons en commun des philosophies politiques et nous nourrissons pour le pays les mêmes ambitions.

    Ceux qui disent que nous abordons le problème dans un mode contradictoire n'ont pas écouté les arguments de l'Ontario ni son approche face au problème. Nous allons travailler fort avec votre comité, avec le Parlement fédéral et avec le gouvernement fédéral pour commencer à corriger les déséquilibres qui sont désavantageux pour l'Ontario et désavantageux pour le pays dans son entier.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

    Merci beaucoup à vous tous.

[Français]

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Sorbara, de cet excellent exposé. Il s'agit d'une belle synthèse de la problématique à laquelle vous êtes confronté. Tous mes collègues vont disposer d'une période de cinq minutes pour poser leurs questions et entendre vos réponses.

    Permettez-moi simplement de faire une remarque. Je n'ai pas trouvé que votre sortie était faite dans un esprit de confrontation. Il s'agit plutôt d'une espèce de cri d'alarme. On en est rendu à un point tel que ça ne peut plus continuer ainsi. Il faut peut-être une réforme en profondeur et revenir à un meilleur fonctionnement, afin qu'il y ait une moins grande insatisfaction d'est en ouest au Canada face aux agissements du gouvernement fédéral, qui, soit dit en passant, même en tenant compte des nouvelles dépenses, va dégager un excédent de 70 milliards de dollars environ au cours des cinq prochaines années.

    Madame Ambrose, c'est à vous.

+-

    Mme Rona Ambrose: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, monsieur Sorbara, de votre exposé, et merci à vous tous d'être venus comparaître devant le comité.

    J'aimerais parler de la formule de péréquation. Je conviens avec vous qu'il s'agit d'un élément important, voire essentiel, de notre programme visant à bâtir ce pays qui est le nôtre, et, comme vous l'avez indiqué, la péréquation n'est pas censée être un moteur économique mais est plutôt censée créer et faciliter la distribution à l'échelle du pays de services publics relativement égaux. Mais ce ne devrait pas non plus entraver ni restreindre la croissance économique.

    J'aimerais revenir sur l'entente de péréquation d'octobre. Le premier ministre McGuinty avait à l'époque appuyé et signé l'entente. Le Parti conservateur l'avait lui aussi appuyée car nous croyons qu'il est très important d'établir un financement prévisible pour la formule de péréquation, chose dont les provinces avaient réellement besoin.

    Un autre résultat de cette entente est qu'elle a, comme vous le savez, établi un très généreux plancher fixe, dans une formule telle que l'Ontario finira peut-être par payer en fait plus qu'elle n'en a les moyens—faute d'un meilleur terme—si son économie devait commencer à décliner. Cela nuirait non seulement à l'Ontario mais au pays tout entier car, comme vous l'avez souligné, l'Ontario est l'un des moteurs économiques du pays.

    J'ai soulevé cette préoccupation lors des débats en Chambre sur le projet de loi en matière de péréquation car moi-même et mes collègues nous inquiétons beaucoup de l'incidence que cela pourrait avoir sur le cadre fiscal de l'Ontario, avec tout ce qui s'ensuivrait pour le reste du Canada. En gros, je considère le plancher fixe comme... il est très généreux, mais je pense que nous avons troqué la flexibilité financière contre la prévisibilité.

    Le premier ministre de l'Ontario, M. McGuinty, a lui aussi fait connaître ses frustrations au sujet de l'Accord Atlantique avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. Encore une fois, nous avons appuyé l'entente car nous croyons que les ressources non renouvelables devraient être éliminées en bloc de la formule de péréquation pour l'ensemble des provinces. Mais je partage également l'avis de M. McGuinty selon lequel ces accords ponctuels pourraient miner la formule de péréquation. Ce qui en résulte est une situation dans laquelle les provinces se montent les unes contre les autres. Cela m'a soucié de voir dans votre présentation une transparence illustrant en gros la capacité fiscale de Terre-Neuve comparativement à celle de l'Ontario. Il n'en découle pas comme message que tout est au beau fixe s'agissant des relations fédérales-provinciales.

    Mais cela rejoint également un problème plus grave avec la formule de péréquation tout entière, et j'aimerais justement en discuter avec vous. J'aimerais savoir ce que vous pensez du plancher fixe en ce qui concerne les préoccupations et les conséquences négatives possibles pour l'Ontario si son économie commençait à décliner.

    J'aimerais notamment savoir pourquoi vous ne soulevez pas ces inquiétudes au sujet de la formule de péréquation dans son ensemble, au sujet des changements à la formule, avec le gouvernement fédéral, au lieu de demander des transferts directs de fonds. Mon souci est qu'il ne s'agit pas forcément d'une approche à long terme. L'Ontario est l'un des chefs de file de la Confédération, un solide partenaire de la Confédération, et j'aimerais vous voir mettre de l'avant des solutions d'ensemble qui aient une incidence positive à long terme pour toutes les provinces, et pas seulement l'Ontario.

    Je vous invite à réagir.

Á  +-(1130)  

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Eh bien, je pensais que c'était le sous-comité ici réuni qui devait se charger de trouver la solution plus exhaustive et à plus long terme. Il me faut dire que cela m'intéressa beaucoup de voir votre rapport.

    Permettez que je commence par répondre en vous parlant de la péréquation de façon générale. Comme vous le savez, la notion de péréquation trouve ses racines dans notre Constitution. Elle est fondée sur le principe selon lequel toutes les provinces et tous les territoires du Canada devraient être en mesure d'assurer des services raisonnablement comparables à des taux d'imposition raisonnablement comparables.

    Il y a beaucoup de marge de manoeuvre à l'intérieur de la notion de ce qui est raisonnablement comparable. Comme l'a dit un commentateur, il y a sans doute sept personnes qui comprennent réellement la complexité de la formule de péréquation du Canada, et nous n'en avons retrouvé aucune, et n'en n'avons que très rarement des nouvelles. Nous appuyons cette notion.

    L'aspect unique de l'entente conclue en octobre est qu'on y intégrait, pour la toute première fois, la notion d'un plancher et la notion d'un facteur de progression automatique. C'étaient de nouveaux concepts; franchement, ils ajoutent à la complexité de la péréquation et l'éloignent quelque peu de la notion de services raisonnablement comparables à des taux d'imposition raisonnablement comparables. Cela étant dit, j'espère que le comité relèvera le fait que la péréquation n'est qu'un seul des mécanismes utilisés pour le financement d'ensemble de ce pays et de ses services publics.

    Le point que nous nous efforçons de faire passer ici aujourd'hui est que lorsque vous regardez le système dans son entier, ce que vous voyez, comme l'a souligné David MacKinnon, est que l'économie de l'Ontario produit 100 millions de dollars de richesse de plus par jour de travail pour financer des services publics dans d'autres régions du pays. Cela n'a pas été créé par quelque vile reconstruction de la part de politiciens ou d'administrateurs à Ottawa ou dans les provinces. C'est le résultat de l'évolution de la façon dont notre pays se finance.

    Nous proposons en fait deux choses. Premièrement, il y a un déséquilibre fiscal. Cela ne constitue pas un rejet des systèmes de péréquation existants; c'est plutôt une analyse du financement d'ensemble du Canada, de ses provinces et des services publics. Voilà le premier point.

    Le deuxième point est qu'il existe dans ce contexte un écart énorme entre ce que les Ontariens contribuent par le biais de la taxation au gouvernement fédéral et ce qu'ils reçoivent en retour. Le gouvernement fédéral a lui-même chiffré cet écart à 23 milliards de dollars. Pour que l'Ontario continue de produire la richesse qu'il partage en réalité avec le pays tout entier, il lui faut d'importants nouveaux investissements dans ces activités qui alimentent la croissance économique.

    Ici, nous parlons d'infrastructure, nous parlons d'éducation postsecondaire, nous parlons d'une entente d'immigration qui nous permette d'intégrer beaucoup plus rapidement que nous nous le pouvons les nouveaux travailleurs qui arrivent en Ontario, et nous parlons d'un accord de gestion de la main-d'oeuvre en vertu duquel les Ontariens dans l'ensemble pourront être plus productifs à leur lieu de travail. Si nous parvenions à réaliser cela, nous pourrions continuer de produire le genre de richesse qui contribuera à maintenir la vigueur de ce pays d'un océan à l'autre.

Á  +-(1135)  

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur Sorbara.

    Monsieur McKay, vous avez cinq minutes.

[Traduction]

+-

    L'hon. John McKay: Merci monsieur le président, et merci à vous, ministre Sorbara.

    Je vous dirais que vous avez un problème, problème auquel je suis sensible, soit qu'il vous faut équilibrer un budget et faire le ménage des problèmes que vous avez hérités de l'administration antérieure. Nous autres du côté fédéral comprenons votre situation. En 1993-1994, il nous a fallu nous aussi faire le ménage et nettoyer les dégâts. Je vous soumettrai respectueusement que les dégâts que nous avions étaient bien plus gros que les vôtres.

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Ils étaient assez gros.

+-

    L'hon. John McKay: Ils étaient gros, et nous avons imposé certaines mesures fiscales très douloureuses et qui nous ont coûté cher lors des élections de 1997.

    L'an dernier, vous avez affiché un déficit d'environ 5 milliards de dollars. Vos prévisions de cette année tournent autour de 2 milliards, mais je présume que les personnes assises à cette table savent mieux que quiconque quel sera votre déficit.

    Je vous dirais qu'au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a corrigé nombre des problèmes dont vous faites état dans votre mémoire. Par exemple, entre 2001-2002 et 2005-2006, les transferts d'argent et les points d'impôt ont augmenté de 41 p. 100. Les seuls transferts de fonds pour la même période ont augmenté de 67 p. 100. Pendant la décennie qui a précédé, vous avez eu une augmentation de 120 p. 100. Notre contribution à votre budget—« notre » voulant dire celle du gouvernement fédéral—est passée d'environ 17,4 p. 100 à 21 p. 100 et elle est censée augmenter encore, et c'est pourquoi je dis que plusieurs des questions que vous soulevez ont été ou sont en train d'être réglées.

    Vue de notre côté de la table, votre position paraît quelque peu étrange, car le premier ministre s'était lui-même dit plutôt satisfait en septembre et en octobre et de l'entente sur la santé, en vertu de laquelle l'Ontario va recevoir 16 milliards de dollars de plus sur dix ans, et l'entente de péréquation, dont a parlé Mme Ambrose, reconnaissant pleinement que le gouvernement fédéral était en fait en train d'acheter le risque. Il n'avait à l'époque été aucunement fait mention de l'entente que le premier ministre a dit vouloir négocier avec le premier ministre Williams. Il a fait le tour de la table et il a dit je vais faire cette entente; y a-t-il quelqu'un qui ait des objections? Et personne n'en avait.

    L'on pourrait bien sûr ergoter sur la question de savoir si l'entente mentionnée à l'époque est la même que celle qui a fini par être négociée, mais là n'est pas le problème. Le problème est que vous brandissez cette transparence comparant la capacité fiscale de l'Ontario à celle de Terre-Neuve, mais je pense que si vous téléphoniez au premier ministre Williams cet après-midi pour lui demander s'il accepterait d'échanger ses problèmes contre les vôtres, il n'hésiterait pas une seconde. Sa province a un ratio d'endettement au PNB de l'ordre de 68 p. 100, alors que celui de l'Ontario se situe entre 25 et 28 p. 100.

    Vous avez insisté sur le fait que l'Ontario contribue plus à la Confédération. Eh bien, en vérité, l'Ontario est plus riche que la plupart des autres partenaires de la Confédération. Les particuliers et les sociétés en Ontario sont plus nombreux à être dans la tranche supérieure, alors la différence s'explique aisément du simple fait de la progressivité du régime fiscal.

    En ce qui concerne les questions qu'a mentionnées le ministre, notamment l'accord sur le marché du travail et l'immigration, je ne pense pas que l'on trouverait beaucoup de personnes raisonnables qui vous contrediraient. Mais pour ce qui est de votre message d'ensemble, je pense qu'il repose sur un sentiment d'irritation, mais je ne crois pas que les éléments que vous mentionnez reflètent une Confédération en état de dysfonctionnement.

Á  +-(1140)  

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Ou bien c'est la même chose, que ce soit fédéral ou provincial.

+-

    L'hon. John McKay: Oui, en effet.

    Je vous dirai donc que bon nombre des questions que vous soulevez ont en fait été ou sont en train d'être réglées entre le gouvernement fédéral et la province qui est sans doute le plus important partenaire dans la Confédération, l'Ontario.

+-

    Le président: Vous disposez d'environ une minute pour répondre à la question, mais je vais être gentil avec vous—parce que c'est vous.

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Merci beaucoup.

    Je dirai simplement à mon ami de Scarborough et à Paul également que j'ai été personnellement très fier du rôle que le premier ministre de l'Ontario a joué dans les négociations en vue de l'accord sur la santé en septembre et au sujet de la péréquation, et que nous sommes solidaires des engagements que nous avons pris à l'égard de ces ententes.

    Il me faudrait souligner que, lors de la séance de clôture du sommet sur la santé, le premier ministre de la province a mentionné qu'il existe d'autres problèmes liés au déséquilibre fiscal au Canada, et il a notamment fait état de l'écart de 23 milliards de dollars entre ce que l'économie de l'Ontario transfère au gouvernement fédéral et ce qu'obtiennent en retour les Ontariens sous forme de soutien. J'ai pleinement confiance, étant donné l'engagement pris relativement aux dossiers clés, que le gouvernement fédéral va rapidement—j'espère—négocier une solide entente en matière d'immigration et traiter des questions du marché du travail. Personnellement, je sais que le cabinet fédéral est engagé à l'égard du principe voulant que l'éducation postsecondaire soit un moteur de tout premier ordre de la croissance économique et, bien franchement, il y a des projets d'infrastructure en Ontario—qu'il s'agisse d'un réseau de distribution d'électricité pancanadien ou d'un meilleur réseau de transport en commun dans la région du Grand Toronto. Bon sang, demandez à mon ami Alan Tonks quel retard nous accusons s'agissant d'investir dans ces domaines, et le pont... Ce que je veux dire par là c'est qu'il y a tellement de choses à faire.

    Regardez le fait que, comme l'a dit David MacKinnon, chaque jour cette économie fournit au reste du Canada 100 millions de dollars en revenus d'exploitation pour ses services sociaux. Ce que nous disons est que ce fardeau est devenu trop lourd. Et il a augmenté rapidement au cours de la dernière décennie, passant de 2 milliards à 23 milliards de dollars. Nous appuyons la notion que la péréquation et que le fait d'agir en tant que pays unifié sont essentiels à l'avenir de l'Ontario et à l'avenir du pays. Nous ne faisons que faire ressortir les domaines qui requièrent une attention urgente : premièrement, les investissements pouvant renforcer notre économie et, deuxièmement, la détermination de travailler ensemble pour assurer un meilleur équilibre dans tous ces programmes de financement qui représentent la façon dont nous finançons ce pays et ses services publics.

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Monsieur Côté, allez-y.

+-

    M. Guy Côté: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

+-

    Le président: Vous êtes plus discipliné que les députés libéraux.

+-

    L'hon. Greg Sorbara: J'aimerais bien l'être, mais je suis un homme politique, monsieur le président. C'est très difficile.

+-

    M. Guy Côté: Merci beaucoup pour votre présentation. C'était très instructif. Cela démontrait bien, je pense, le fait que le déséquilibre fiscal n'existe pas entre les provinces, mais que sa principale cause vient des agissements du gouvernement fédéral dans sa gestion, entre autres, de la péréquation, des divers transferts et des ententes particulières.

    Si, sous certains aspects, l'Ontario a bien tiré son épingle du jeu, elle vit effectivement certains problèmes qu'on trouve aussi dans la province de Québec. Vous mentionniez tout à l'heure l'éducation. Je ne suis pas certain des chiffres en Ontario, mais je sais qu'au Québec, le financement fédéral dans le domaine de l'éducation est maintenant rendu à 12 p. 100. Je suppose que vous vivez des problèmes similaires.

    Vous mentionniez dans votre présentation le fait que le gouvernement fédéral taxe beaucoup trop par rapport à ses responsabilités constitutionnelles, ce qui lui permet d'agir selon son bon vouloir. Au cours des derniers mois, et plus particulièrement aujourd'hui, naturellement, diverses solutions ont été examinées, par exemple des hausses de transferts, le retrait de l'espace fiscal pour que les provinces et le Québec puissent obtenir cette marge de manoeuvre, le transfert de points d'impôt, les ententes particulières, quoiqu'on voie les résultats de ces dernières.

    D'après vous, quel pourrait être un premier pas efficace pour tenter de corriger la situation?

+-

    L'hon. Greg Sorbara: C'est un peu différent au Québec: lorsqu'on mentionne que le gouvernement veut investir dans les universités, par exemple, il y a une réaction un peu négative, et je le comprends très bien. La même chose se produit concernant divers aspects du système de santé.

    Pour notre part, en Ontario, nous souhaitons conclure des accords seulement dans des domaines comme l'immigration, soit des domaines qui sont très importants pour notre économie. Le gouvernement québécois a conclu un accord substantiel dans ce domaine. Vous disposez de beaucoup d'argent pour aider ceux qui immigrent au Québec à réaliser très rapidement leurs objectifs. En Ontario, nous n'avons pas cette sorte d'accord, mais nous voulons y arriver.

    Dans le domaine de l'éducation postsecondaire, soit à l'égard de l'aide aux étudiants, voire aux institutions, nous pouvons réaliser bien des choses de concert avec le gouvernement fédéral. C'est peut-être un problème au Québec, mais ça ne l'est pas du tout en Ontario. Enfin, j'aimerais bien que le gouvernement fédéral investisse dans les infrastructures parce qu'il a la capacité de le faire sur le plan fiscal.

    Je vous donne un exemple visant à illustrer cela. À Windsor, la frontière constitue un problème important. Afin de maintenir l'industrie de l'automobile en Ontario, il faut que nous arrivions à conclure un accord nous permettant de transformer la frontière et de commencer à construire des infrastructures. Pour nous, il ne s'agit pas pour le moment de conclure un accord très important visant à transformer totalement la péréquation ou le système fiscal. Ce sera peut-être le cas un jour, mais pour l'instant, nous voulons commencer par des investissements qui sont très importants pour l'économie de l'Ontario.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Il vous reste une minute, monsieur Côté.

    Félicitations, vous faites preuve d'une grande discipline.

+-

    M. Guy Côté: Merci beaucoup. Je serai bref.

    Si je comprends bien, vous parlez d'ententes un peu plus particulières, d'une augmentation des transferts dans le domaine de l'éducation ou de la santé. Selon vous, la solution pour l'Ontario irait plus précisément dans ce sens.

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Oui. Il y a beaucoup de travail à faire. Dans le domaine de la santé, par exemple, il est inacceptable que l'Ontario reçoive moins d'argent par personne que les autres provinces, dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé.

[Traduction]

    J'aimerais maintenant céder le micro à Michael, qui comprend toutes ces questions aussi bien que n'importe qui dans la province.

+-

    L'hon Mike Colle (député, Eglinton-Lawrence et adjoint parlementaire au Ministre des Finances, Gouvernement de l'Ontario): L'un des problèmes fondamentaux ici est que nous avons une absence totale de transparence quant à la compréhension des transferts en vue de la péréquation. C'est incompréhensible. On me dit qu'il n'y a que sept personnes au pays qui prétendent comprendre ces règles...

+-

    Le président: Mais six ne disent pas la vérité.

+-

    L'hon Mike Colle: Oui, et elles ne sont pas d'accord entre elles.

    La dernière chose que je vous dirais est que l'entente spéciale, cette entente avec Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse, illustre le fait qu'il n'existe pas de règles. En tant qu'Ontariens, donc, nous défendons les Ontariens et disons que nous voulons savoir quelles sont les règles, et nous voulons veiller à ce que les règles soient justes pour nous.

[Français]

+-

    M. Guy Côté: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Monsieur le ministre, avant de céder la parole à Mme Wasylycia-Leis, j'aimerais simplement préciser un fait concernant ce que vous avez dit sur l'immigration.

    J'ai examiné tous les postes qui font l'objet de réclamations de votre part auprès du gouvernement fédéral en matière de dépenses par personne, et cela me paraît très juste.

    Pour ce qui est de l'immigration, par contre, j'aimerais préciser une chose. En 1977, le Québec et le gouvernement fédéral ont conclu un accord, qu'on a appelé l'entente Cullen-Couture. En vertu de celle-ci, une partie de la responsabilité a été conférée au gouvernement du Québec dans le but d'administrer l'immigration. De cette façon, une bonne part des transferts en matière d'immigration dont vous avez parlé est destinée à l'administration de l'immigration et à l'intégration des immigrants au Québec.

    Il faudrait donc départir du reste la portion que le gouvernement du Québec utilise pour défrayer ces coûts, et voir s'il subsiste une différence.

Á  +-(1150)  

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Il faut...

+-

    Le président: Pour le reste, je suis parfaitement d'accord avec vous, mais pour l'immigration, j'ai certaines réserves.

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Il est important de comparer des pommes avec des pommes.

+-

    Le président: Exactement.

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Je suis absolument d'accord avec vous. Cependant, même si on identifie les programmes qu'il faut comparer, la réalité est que l'Ontario n'a pas l'aide du gouvernement fédéral dans le domaine de l'immigration.

[Traduction]

+-

    Le président: Mais vous comprenez, monsieur le ministre, qu'une partie de la subvention du gouvernement fédéral vise l'administration de l'immigration par le gouvernement du Québec.

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Absolument.

+-

    Le président: Il ne s'agit pas d'un montant net.

[Français]

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Quand on parle des services pour les langues, que ce soit le français ou l'anglais, de l'instruction, de l'aide pour entrer dans le domaine du travail, les chiffres sont toujours déséquilibrés, c'est-à-dire que nous ne recevons pas la même aide que les autres provinces dans le domaine de l'immigration.

+-

    Le président: Merci, monsieur Sorbara.

    Madame Wasylycia-Leis, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.

[Traduction]

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président. Merci, ministre Sorbara, et merci à tous les membres de votre équipe, d'être des nôtres.

    D'après ce que je comprends du déséquilibre fiscal, dans mon esprit—et pardonnez-moi si je suis ici quelque peu politique, et je suis certaine que John McKay va me reprendre là-dessus—les dégâts causés par les libéraux fédéraux sont venus en réaction aux dégâts qui leur avaient été laissés, seulement ils ont utilisé une masse au lieu d'un outil de politique publique plus approprié.

    Je pense donc que nous sommes aujourd'hui confrontés à une situation dans laquelle nous sommes en train de nous efforcer de nous remettre des réductions énormes qui ont été infligées aux paiements de transfert en matière de santé et d'éducation, de la perte du régime d'assistance publique du Canada, qui devra être compensé par un système national de lutte contre la pauvreté et d'aide aux personnes qui ont besoin de sécurité économique, et des réductions aux prestations d'assurance-emploi. La situation est telle que lorsque les gens se retrouvent sans ces programmes et sans ce filet de sécurité, il leur faut recourir au bien-être, à l'assistance sociale. Et qui couvre cela? Les provinces. C'est ainsi que c'est à vous qu'il incombe de ramasser les morceaux.

    C'est pourquoi j'estime que si nous étions moins polis ici, nous dirions peut-être les choses comme elles sont, et c'est exactement à cela que nous sommes confrontés. Ma question pour vous est donc double.

    Premièrement, où en êtes-vous s'agissant de récupérer les dollars perdus du fait de cette masse avec laquelle on a donné des coups dans le cadre du budget de 1995? Et, en dollars réels, avez-vous ou non réussi à dépasser les niveaux de 1993-1994?

    Deuxièmement, si vous étiez en fait à l'heure actuelle un gouvernement conservateur, vous auriez entendu les libéraux assis à cette table vous dire : Eh bien, le problème est que nous continuons de vous donner tout cet argent pour différents programmes, puis vous vous en servez pour réduire les impôts au lieu de l'investir dans des programmes. Si donc vous avez un problème avec l'éducation à l'heure actuelle—et vous dites que vous êtes le plus bas au pays sur le plan investissement par tête d'habitant—c'est de votre faute, parce que vous êtes un gouvernement libéral. Ces gens ne vont pas dire les choses comme elles sont sur ce plan-là, mais la vérité est que c'est cela qui sous-tend une partie de ce que l'on voit ici.

    Il vous faut donc nous dire si vous avez pris des dollars fédéraux pour tromper le système ou pas. Vous voyez à quoi je veux en venir.

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Oui.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Ma troisième question est la suivante. Je constate en fait qu'il y a enfin un peu de mouvement, certains des joueurs au niveau fédéral commençant à vous écouter, et il y a une réunion prévue. Savez-vous quand cette réunion aura lieu? D'après ce que je vois dans les journaux en tout cas, il semble qu'il y ait une rencontre prévue entre votre cabinet et certains des libéraux fédéraux, à commencer par M. Volpé. Quand cette rencontre aura-t-elle lieu et qu'en espérez-vous?

+-

    L'hon. Greg Sorbara: C'est une question formidable. J'aimerais commencer par établir très clairement quelque chose. Je pense que la contribution faite à ce formidable pays par le ministre des Finances d'alors, M. Paul Martin, pour nous sortir des circonstances financières désastreuses que lui avaient léguées ses prédécesseurs est l'une des grandes réalisations de la dernière décennie.

    En tant que ministre des Finances, je suis confronté aux mêmes genres de réalités, ayant hérité d'une situation financière plutôt mauvaise et m'efforçant de nous en sortir, et cela va prendre du temps. Je pense que le dossier du Canada s'agissant d'avancer... N'oubliez pas qu'à cette époque le Wall Street Journal décrivait le Canada comme étant un pays de tiers-monde nord-américain, et voici que nous sommes aujourd'hui un chef de file parmi le G-8 pour ce qui est de notre productivité.

    Ce dont nous parlons c'est de la période post-relance et de la nécessité pour nous de concentrer nos énergies sur cette période post-relance. Je ne veux pas revenir en arrière et analyser les coupures de 1995 pour déterminer si elles étaient trop profondes de 2 p. 100, de 3 p. 100 ou de 10 p. 100. Ce passé a fait du Canada une nation plus forte. Il y a eu certaines conséquences et il nous faut commencer à nous occuper de ces conséquences. L'un des résultats imprévus est ce que nous décrivons comme étant un écart de 23 milliards de dollars. Nous travaillons très bien avec le gouvernement et avons énormément de respect pour lui. Nous sommes amis et nous sommes des collègues politiques et nous allons régler ce problème. Malheureusement, je ne peux pas vous dire quand cette réunion va avoir lieu, mais dès que je le saurai, je vous téléphonerai.

Á  +-(1155)  

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci de cette réponse.

    J'apprécie votre défense du gouvernement libéral fédéral en disant que ces mesures étaient nécessaires. Vous parlez de mesures sur le plan productivité, mais vous passez sous silence certains des autres indicateurs critiques. Par exemple, les indicateurs les plus récents montrent que sur le plan pauvreté, le Canada, un riche pays industrialisé, se classe au 19e rang parmi 26 pays industrialisés ou pays membre de l'OCDE. Si vous prenez le chômage ou la formation professionnelle, aux yeux des gens qui se sentent piégés dans un cycle d'emploi non spécialisé à court terme ou à temps partiel, notre dossier n'est pas si glorieux que cela comparativement à celui d'autres pays.

    Je pense qu'une partie du problème est lié au déséquilibre fiscal en ce sens que si nous ne sommes pas prêts à nous lever et à dire que le genre de délestage auquel on a recouru à un moment donné pour régler un problème a provoqué toute une cascade d'autres problèmes, alors nous n'allons pas trouver de solution. Nous n'allons pas trouver de moyen de sortir de ce trou, en tout cas pas par rapport aux indicateurs qui sont selon moi importants, soit une certaine mesure d'équité, d'égalité et de justice entre toutes les régions et toutes les personnes.

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Monsieur le président, mon collègue M. Colle aurait un bref commentaire à faire en réponse à cela.

+-

    L'hon Mike Colle: J'aimerais simplement dire que l'une des choses que nous essayons de faire est de vous rappeler, de rappeler aux Canadiens, que l'Ontario ne se limite pas au centre-ville de Toronto. Dans la circonscription du député Alan Tonks, York South—Weston, l'on enregistre le deuxième ou troisième plus bas revenu par tête d'habitant dans tout le Canada. Nous avons ici en Ontario des agriculteurs qui sont pauvres et qui se démènent pour résister. Nous avons, comme vous l'avez dit, des enfants pauvres. Nous avons des chômeurs. Nous avons de nouveaux immigrants qui ont besoin d'aide. Nous avons ici des défis de taille à relever. Il n'y a pas que Bay Street. Jetez un coup d'oeil du côté de nos petits quartiers un peu partout en Ontario. Voyez Hamilton et l'aide dont cette ville a besoin.

    Tous nos centres urbains et toutes nos régions rurales ont besoin d'attention, et c'est pourquoi nous faisons ceci : pour dire que l'Ontario ne se limite pas à des centres bancaires et financiers. Nous avons nos travailleurs pauvres. Les Ontariens travaillent très fort; ils en sont fiers et ils payent leur juste part d'impôt. Ils veulent simplement être traités de façon équitable par le gouvernement fédéral, afin que nous puissions garder une partie de notre argent pour aider nos pauvres, pour aider nos agriculteurs, pour aider nos villes. C'est là, en résumé, ce que nous essayons vraiment de dire.

+-

    The Chair: La dernière question reviendra à mon ami M. Szabo, qui dispose de deux minutes, après quoi nous entendrons les remarques de clôture du ministre.

+-

    M. Paul Szabo: Monsieur le ministre, vous avez conclu en disant que le gouvernement fédéral doit traiter l'Ontario comme il traite les autres provinces. J'aimerais renvoyer vos collaborateurs à la transparence 7 et leur demander des explications.

    En dehors de la péréquation, l'Ontario bénéficie au même niveau par tête d'habitant que toutes les autres provinces des principaux transferts, qu'il s'agisse du transfert pour la santé, du transfert pour les programmes sociaux ou des transferts visant les soins à l'enfance et les villes et les collectivités. J'ai du mal à comprendre ces chiffres que vous nous donnez à la transparence 7. Vous dites avoir un manque à gagner de 984 millions de dollars s'agissant de votre part des transferts santé et programmes sociaux selon la formule par habitant. Comment cela se peut-il?

+-

    M. John Whitehead (directeur, Bureau du budget et de la fiscalité, ministère des Finances de l'Ontario, ministère des Finances): Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux inclut toujours un élément de la valeur de nos points d'impôt aux fins du calcul. Même s'il est vrai que tous les changements marginaux qui ont été apportés récemment ont été calculés selon la même base par tête d'habitant, dans son exposé, le ministre a parlé de la valeur véritable par tête d'habitant de notre transfert en matière de santé et de programmes sociaux. Par tête d'habitant, l'Ontario touche en tout 608 $ au titre de ce transfert, comparativement à 687 $ dans le cas des provinces bénéficiaires de la péréquation. Le montant à la base, donc, avant majoration, inclut un élément de la valeur de nos points d'impôt.

  +-(1200)  

+-

    M. Paul Szabo: Vous avez donc en gros ignoré le fait que les points d'impôt valent plus pour l'Ontario que pour les autres provinces.

+-

    M. John Whitehead: Non, simplement, ils réduisent le montant d'argent qui nous est transféré.

+-

    M. Paul Szabo: Je comprends cela, mais si vous jugez que les points d'impôt n'ont aucune valeur, alors pourriez-vous s'il vous plaît les rendre au gouvernement fédéral?

+-

    L'hon Mike Colle: Voulez-vous que j'explique aux Ontariens ordinaires ce que signifie un point d'impôt, ce que signifie tout ceci?

+-

    M. Paul Szabo: Je ne pense pas que nous en ayons le temps ici.

+-

    L'hon Mike Colle: C'est là le problème.

+-

    M. Paul Szabo: Lorsque les provinces se sont assises avec le gouvernement fédéral et ont négocié toutes ces choses s'agissant de partager de l'argent pour des points d'impôt, ce qu'elles ont dit, en gros, c'est que les points d'impôt permettraient aux provinces d'avoir une meilleure base de revenu, selon la vigueur de l'économie de la province. Il y a là un incitatif pour l'économie de la province. Ce que vous êtes en train de me dire c'est que vous n'allez rien reconnaître du tout s'agissant de toute l'équation des finances fédérales-provinciales et du transfert de points d'impôt. Eh bien, vous ne pouvez pas ignorer que les points d'impôt existent.

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Paul, ce que vous dites est tout à fait pertinent, mais l'essentiel de notre propos ici est que lorsque vous ajoutez le tout—et ces chiffres sont ceux du gouvernement national—l'Ontario contribue 23 milliards de dollars de plus au titre des impôts perçus par le gouvernement fédéral dans la province qu'il ne reçoit en retour, que ce soit sous forme de points d'impôt, de subventions ou de participation à des programmes comme celui négocié en septembre, et lorsque vous incluez les paiements versés à des particuliers et dans le cadre de choses comme le programme d'infrastructure municipale Canada-Ontario.

    Nous ne sommes donc pas ici pour dire que nous devrions renégocier ces points d'impôt ou les rendre. Ce que nous disons c'est que sans mauvaise volonté aucune, au cours des 15 ou 20 dernières années, le système a infligé à l'économie ontarienne un fardeau trop lourd.

    Nous ne disons pas qu'il nous faut récupérer les 23 milliards de dollars. Nous disons deux choses.

    Premièrement, étant donné les circonstances de l'Ontario, il existe des possibilités et des besoins urgents d'investissement dans l'économie—je ne parle pas de transférer de l'argent pour investir, mais d'investir dans nos écoles, notre infrastructure, notre système d'immigration. Voilà quel est le premier point.

    Deuxièmement, et c'est le plus important, le financement des services du pays—ses provinces et ses gouvernements—est déséquilibré. L'écart de 23 milliards de dollars est l'illustration même de ce déséquilibre, et ce déséquilibre doit être corrigé. Nous n'avons pas d'investissement particulier que vous puissiez faire pour redresser l'équilibre. Il s'agit d'un problème plus vaste. Il est systémique. Mais il faut qu'il soit réglé, afin que la province puisse être plus forte et afin que le pays puisse être plus fort.

[Français]

+-

    Le président: Il y a une chose que j'ai souvent du mal à comprendre. Vous nous présentez une image complète, c'est-à-dire les transferts en espèces du gouvernement fédéral et la valeur des points d'impôt. Habituellement, du côté du gouvernement, pour montrer que le Québec reçoit une grosse contribution, tout comme l'Ontario, on nous dit de tenir compte de la valeur des points d'impôt et des transferts en espèces. Là, on vient de contester le fait que vous ayez inclus la valeur des points d'impôt dans votre démonstration.

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Nous avons inclus...

+-

    Le président: Oui, c'est cela.

    Il va donc falloir, lors de votre prochaine réunion, demander à M. Goodale d'établir les faits clairement: ou bien on tient compte des points d'impôt, ou bien on n'en tient pas compte.

    Je retiens que vous avez démontré que, même avec les transferts en espèces et la valeur que les points d'impôt ont prise avec le temps, vous avez un sous-financement chronique dans tous les postes que vous avez présentés.

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Exactement.

+-

    Le président: D'où l'urgence de trouver un facteur de correction.

    J'ai envie de vous poser une dernière question avant que vous fassiez vos conclusions. Vous m'avez parlé de M. Séguin tout à l'heure. Vous avez dit que vous le trouviez très gentil. Cependant, a-t-il réussi à vous convaincre qu'une solution durable pour rendre les provinces plus autonomes serait de transférer des champs fiscaux, qu'il s'agisse de l'administration et de la perception des fonds de la TPS, par exemple, ou bien du transfert de points d'impôt des particuliers? La croissance normale de ces champs fiscaux vous permettrait de suivre l'évolution de la demande en matière de santé, par exemple. Serait-ce, pour vous, une solution durable et envisageable?

+-

    L'hon. Greg Sorbara: J'ai un grand respect pour M. Séguin. C'est un expert dans les questions de financement des provinces au Canada. Il a des opinions très fortes sur la question du déséquilibre fiscal au Canada.

    Pour le moment, nous ne voulons pas présenter de solutions concrètes. Nous tenions simplement à souligner aujourd'hui deux points importants pour stimuler les discussions et les considérations de ce comité.

    À la fin, j'espère qu'avec votre aide et avec le concours de toute la nation, les provinces y compris, nous pourrons prendre une autre direction pour le bien-être du Canada et des dix provinces et des trois territoires du pays.

+-

    Le président: Je vous invite à présenter vos remarques finales et vos conclusions.

  -(1205)  

[Traduction]

+-

    Hon. Greg Sorbara: Eh bien, merci, monsieur le président. Je sais que le déjeuner vous attend. Vous avez été très patients et très souples avec votre temps.

    J'aimerais simplement conclure en vous remerciant de l'occasion qui nous a été donnée de venir ici, et vous souhaitez bonne chance dans vos délibérations. Ces questions dont nous discutons sont des questions que ce pays formidable examine et réexamine périodiquement. Avec un nouveau gouvernement à Ottawa et la détermination de ce gouvernement et des provinces d'être flexibles et de revoir ces genres de questions, je pense qu'une fois que tout notre travail aura été abattu et que le sang, les sueurs et les larmes auront coulé, nous aurons un pays plus fort, et je suis convaincu que l'Ontario sera lui aussi plus fort.

    Merci beaucoup de votre écoute ce matin.

    Thank you very much.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur le ministre, monsieur Colle, monsieur Andersen et monsieur Whitehead, je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    Merci beaucoup.

[Français]

+-

    L'hon. Greg Sorbara: Bonne journée et bon week-end.

-

    Le président: Merci. Thank you very much.

    La séance est levée.