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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 25 novembre 2004




Á 1105
V         Le président (L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.))
V         M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC)
V         Le président
V         M. Rob Moore

Á 1110

Á 1115
V         Le président
V         M. Dale Johnston (Wetaskiwin, PCC)
V         Le président
V         L'hon. Dominic LeBlanc (Beauséjour, Lib.)

Á 1120
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         M. Michel Guimond (Montmorency—Charlevoix—Haute-Côte-Nord, BQ)

Á 1125
V         M. Rob Moore
V         M. Michel Guimond
V         M. Rob Moore
V         M. Michel Guimond

Á 1130
V         Le président
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD)
V         M. Rob Moore

Á 1135
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Moore
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         Mr. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         M. Rob Moore
V         Le président

Á 1140
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         M. Scott Reid (Lanark—Frontenac—Lennox and Addington, PCC)

Á 1145
V         Le président
V         M. Michel Guimond
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Jay Hill (Prince George—Peace River, PCC)
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Rob Moore

Á 1150
V         Le président
V         L'hon. Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.)
V         M. Rob Moore

Á 1155
V         Le président
V         M. Jay Hill
V         Le président
V         M. Jay Hill
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         M. Rob Moore

 1200
V         Le président
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         M. Bill Casey (Cumberland—Colchester—Musquodoboit Valley, PCC)
V         M. Rob Moore
V         M. Bill Casey

 1205
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         M. Russ Hiebert (Surrey-Sud—White Rock—Cloverdale, PCC)
V         M. Rob Moore

 1210
V         Le président
V         M. Michel Guimond
V         Le président
V         M. Bill Casey
V         Le président
V         M. Bill Casey
V         Le président
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         M. Michel Guimond

 1215
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.)

 1220
V         M. Rob Moore
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Rob Moore
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Rob Moore
V         Mme Françoise Boivin
V         Le président
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Moore
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Moore

 1225
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Moore
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Moore
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Moore
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Scott Reid
V         Le président
V         M. Scott Reid
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Rob Moore
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         L'hon. Karen Redman
V         Le président
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         M. Dale Johnston

 1230
V         Le président
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         M. Michel Guimond

 1235
V         Le président
V         M. Rob Moore
V         Le président
V         M. Jay Hill
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président

 1240
V         L'hon. Karen Redman
V         Le président
V         Le président
V         M. Dale Johnston
V         Le président
V         M. Michel Guimond
V         Le président
V         M. Michel Guimond
V         Le président
V         M. Michel Guimond
V         Le président
V         M. Michel Guimond
V         Le président
V         M. Michel Guimond
V         Le président
V         Le greffier du comité (M. Jeremy LeBlanc)
V         Le président
V         M. Dale Johnston
V         Le président

 1245
V         M. Dale Johnston
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 011 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 novembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.)): La séance est ouverte.

    Chers collègues, nous étudions aujourd'hui le rapport du Sous-comité des affaires émanantdes députés sur le projet de loi C-268. Comme vous le savez, ce sous-comité a recommandé dans son rapport que le projet de loi en question ne fasse pas l'objet d'un vote et il a donné les raisons qui ont motivé sa décision.

    Conformément au Règlement, nous accueillons ce matin le parrain du projet de loi. Aux termes du Règlement, il souhaite témoigner et faire valoir son point de vue devant l'ensemble du comité. On pourrait sans doute dire qu'il s'agit d'un appel interjeté auprès de notre comité au sujet du premier rapport du sous-comité.

    Monsieur Moore, avez-vous une brève déclaration à faire avant que nos collègues ne posent des questions? Si oui, voulez-vous la faire dès maintenant?

+-

    M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC): Oui, merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Moore. Allez-y.

+-

    M. Rob Moore: D'abord, je vous remercie de me permettre d'intervenir aujourd'hui. Mon projet de loi, le C-268, fournirait, s'il était adopté, une définition législative du mariage au Canada.

    J'ai revu les critères à respecter pour qu'un projet de loi puisse faire l'objet d'un vote, et j'estime que le mien répond à toutes les exigences exposées dans le Règlement.

    D'abord, les projets de loi doivent relever de la compétence fédérale. L'article 91 de la Constitution dispose que le mariage est de compétence fédérale. Le projet de loi proposé par le gouvernement, qui a été renvoyé à la Cour suprême du Canada, vise également à définir le mariage—d'une façon différente du mien, il est vrai, mais il est clair que mon projet de loi porte sur une question de compétence fédérale.

    Deuxièmement, les projets de loi et motions ne doivent pas être essentiellement identiques à d'autres qui ont déjà fait l'objet d'un vote pendant la session en cours. Il n'y a eu aucun vote sur un sujet de cette nature au cours de cette législature. La deuxième exigence est clairement respectée.

    Troisièmement, les projets de loi et motions ne doivent pas porter sur des questions déjà inscrites au Feuilleton ou au Feuilleton des avis, Là encore, on peut dire qu'il n'y en a aucune.

    Il est clair que le projet de loi respecte ces trois exigences. Il est tout aussi clair qu'il respecte la quatrième, sur laquelle le sous-comité s'est fondé pour refuser qu'il fasse l'objet d'un vote.

    La justification avancée par le sous-comité pour écarter la possibilité d'un vote sur mon projet de loi est pour le moins inquiétante. Prétendre que ce projet de loi présenté par un député viole la Constitution du Canada, c'est usurper un rôle qui revient aux juges de la Cour suprême, non aux parlementaires.

    C'est la constitutionnalité de la définition classique du mariage qui est au coeur du renvoi que le procureur général du Canada a fait à la Cour suprême du Canada le 28 janvier dernier. La question du renvoi est la suivante :

L'exigence, sur le plan civil, selon laquelle seules deux personnes de sexe opposé peuvent se marier, prévue par la common law et, pour le Québec, à l'article 5 de la Loi d'harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil, est-elle conforme à la Charte canadienne des droits et libertés? Dans la négative, à quel égard et dans quelle mesure?

    Il me semble que le sous-comité a présumé de l'issue de cet important renvoi au plus haut tribunal et que maintenir sa décision équivaudrait à un outrage à la Cour suprême et au procureur général du Canada. Si la constitutionnalité de la définition du mariage en common law et a fortiori d'une définition législative était claire, il serait inutile de poser la question à la Cour suprême du Canada. Le procureur lui a posé une question de bonne foi. Pourquoi gaspillerait-il l'argent des contribuables et le temps du plus haut tribunal pour répondre à une question qui a clairement reçu sa réponse? Il crève les yeux que la décision du sous-comité est à la fois prématurée et dénuée de toute validité.

    Dans notre système judiciaire, la décision d'un tribunal provincial ne s'applique que dans la province en question. Les seules décisions qui valent pour toutes les provinces sont celles de la Cour suprême du Canada. Elle ne s'est pas prononcée. Aux termes mêmes de la question posée, la définition du mariage comme institution réservée aux couples hétérosexuels est celle que le Parlement a récemment maintenue dans la Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations.

    À cet égard, la décision du sous-comité va à l'encontre d'une loi que le Parlement a adoptée il y a moins de quatre ans. La définition du mariage proposée dans le projet de loi est identique à celle qui a cours dans le droit de quatre provinces et de deux territoires. En outre, les tribunaux de la Colombie-Britannique et de l'Ontario ont pris grand soin de préciser qu'ils modifiaient la définition de mariage de la common law et qu'il n'y avait pas de fondement législatif à prendre en considération. Mon projet de loi propose une définition législative du mariage, dont les tribunaux n'ont jamais été saisis.

    En outre, la Cour d'appel du Québec a refusé d'autoriser un appel au sujet de la décision d'un tribunal inférieur parce que, au fond, la question sur laquelle l'appel porterait a déjà été soumise à la Cour suprême du Canada par le renvoi. Comme je l'ai déjà dit, l'une des questions du renvoi porte sur la constitutionnalité de la définition classique du mariage.

Á  +-(1110)  

    Comme les députés le savent, il arrive souvent que la décision d'une cour d'appel provinciale soit renversée par la Cour suprême du Canada pour rétablir la décision rendue en première instance. En Colombie-Britannique et en Ontario, les décisions rendues en première instance ont confirmé la constitutionnalité de la définition classique. Et la Cour suprême du Canada n'a jamais dit, dans aucune décision, que cette définition était inconstitutionnelle.

    Enfin, la possibilité de prévoir dans une loi la définition classique du mariage a été évoquée dans le document de travail du ministère de la Justice sur la question. Avaliser la décision du sous-comité, c'est dire que le ministère de la Justice a proposé aux Canadiens dans son document de travail une option inapplicable.

    Je vais conclure en disant que le Règlement ne prévoit pas qu'un projet de loi ne peut faire l'objet d'un vote parce qu'il peut ou pourrait peut-être ou probablement violer la Constitution. Le critère est plus rigoureux. Aux termes du Règlement, un projet de loi doit violer la Constitution de façon flagrante pour qu'on empêche un vote. Étant donné les faits que je viens d'énumérer, je soutiens que le projet de loi est loin de correspondre à ce que décrit ce critère.

    Il me semble important que les députés se rappellent et que les Canadiens comprennent que le fait de laisser ce projet de loi suivre un processus démocratique ne traduit en rien un appui au fond du projet de loi, mais il est clair que l'en empêcher est une atteinte à la démocratie.

    Je demande au comité de tenir compte de l'esprit des nouvelles règles sur les affaires des députés. En refusant aux parlementaires la possibilité de voter sur mon projet de loi, on annule les gains démocratiques limités que nous avons obtenus à la Chambre. En outre, j'estime que c'est une atteinte à mes droits de parlementaire, si le comité outrepasse son mandat et refuse que la Chambre vote sur mon projet de loi. Il ne faut pas oublier que le rôle du Parlement est de légiférer, non d'établir la validité des lois. Dans notre système, ce rôle échoit aux tribunaux.

    Je crois savoir qu'aucun des 29 autres projets de loi de député que le sous-comité a étudiés n'a été exclu du vote. Je vous demande de donner aux parlementaires la possibilité de dire leur mot sur cet enjeu important au lieu d'établir un précédent non démocratique selon lequel, chaque fois qu'un projet de loi ne plaît pas aux autres partis, il serait rejeté.

    Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter. J'attends vos questions.

Á  +-(1115)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Le premier député sur la liste est M. Dale Johnston.

+-

    M. Dale Johnston (Wetaskiwin, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci de votre exposé.

    Je crois qu'il faut examiner de très près les critères qui font qu'un projet de loi peut être admis pour faire l'objet d'un vote ou, au contraire, exclu.

    Les projets de loi doivent être de ressort fédéral, ce qui est nettement le cas. Ils ne doivent pas porter sur une question qui a été tranchée pendant la législature, et ce n'est pas le cas. Ils ne doivent pas faire double emploi avec une mesure gouvernementale; ce n'est pas le cas non plus. Ils ne doivent pas aller clairement à l'encontre de la Constitution, et il me semble clair qu'il ne le fait pas.

    Par conséquent, monsieur le président, j'estime que nous devrions non seulement appuyer l'esprit de l'accord portant sur la possibilité de voter sur les projets de loi de députés, mais aussi la lettre de cet accord. Il faut l'appuyer à la lettre.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Johnston.

    Du côté du gouvernement, y a-t-il des questions à poser au témoin? Des observations?

[Français]

    Monsieur LeBlanc, allez-y.

[Traduction]

+-

    L'hon. Dominic LeBlanc (Beauséjour, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Moore.

    Nous sommes voisins de circonscription, au Nouveau-Brunswick. Votre circonscription touche la mienne, et je représentais à la dernière législature une zone qui fait désormais partie de la vôtre.

    Monsieur Moore, je suis sensible à ce que vous avancez au sujet du rôle du Parlement, de la capacité des législateurs de voter sur des mesures, y compris des projets de loi proposés par des députés. M. Johnston a énuméré un certain nombre de critères à appliquer pour décider si un projet de loi peut faire l'objet d'un vote ou est recevable. De toute évidence, le critère qui a fait problème, ainsi que je comprends les délibérations du sous-comité et comme M. Johnston l'a dit, c'est celui d'une violation flagrante de la Constitution. Cela deviendrait objet de discussion. Chose certaine, de mon point de vue, votre projet répond aux autres critères énumérés.

    Voici le problème que je perçois, et c'est un peu la question de la poule et de l'oeuf. Vous avez dit que nous présumerions de la décision de la Cour suprême si nous empêchions que votre projet de loi ne fasse l'objet d'un vote. Ne pourriez-vous pas tenir la même argumentation en disant : si le Parlement légiférait tout à coup sur une question comme celle-là, pendant que la Cour suprême en est saisie—et il s'agit ici du renvoi, non d'un appel, et il y a une différence—nous présumerions de l'opinion que la Cour suprême donnera au renvoi? Comment répondez-vous à cette contradiction?

    Vous avez parlé de gaspillage de l'argent des contribuables ou de temps, si le ministre de la Justice ne croyait pas qu'il fallait apporter une certaine clarté dans ces enjeux. J'ai certainement appuyé l'idée d'un renvoi, et c'est pourquoi je serais favorable à l'idée que nous attendions de connaître l'opinion de la Cour suprême avant de légiférer.

    Une dernière question, et j'en reviens au point de tout à l'heure au sujet de la violation flagrante de la Constitution comme motif pour décider qu'un projet de loi ne fait pas l'objet d'un vote. Il s'agit des décisions des cours d'appel de six provinces, je crois. Elles ont dit clairement que, selon elles, la définition actuelle était inconstitutionnelle. En l'absence de décision de la Cour suprême qui les annulerait, les décisions de ces tribunaux s'appliquent.

    Il ne s'agit pas de nier la démocratie. Une décision a été prise dans la Loi constitutionnelle de 1982. Aux termes de la Charte des droits, les tribunaux ont le droit de juger qu'une loi ou même des éléments de la common law sont inconstitutionnels. Cela est arrivé dans beaucoup de provinces.

    En l'absence de décision de la Cour suprême en sens contraire, j'estime que ces décisions s'appliquent, au moins dans la majorité des provinces. À mon sens, votre projet de loi violerait clairement cet élément de droit établi par les cours d'appel. Nous nous entendons probablement sur un grand nombre d'idées, mais nous les abordons sous des angles opposés. Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez.

Á  +-(1120)  

+-

    M. Rob Moore: Merci de votre question.

    Les cours d'appel de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ont décidé que la définition du mariage en common law était inconstitutionnelle. Au Québec, le tribunal de première instance a statué que la définition prévue dans la Loi d'harmonisation du droit fédéral avec le droit civil était inconstitutionnelle. La cour d'appel du Québec a refusé d'entendre l'appel parce que la Cour suprême est saisie de la question.

    Vous avez raison, il y a quatre provinces au Canada, quatre provinces et deux territoires où la définition classique, la définition de la common law, a force de loi. Vous avez parlé de notre province à tous les deux, le Nouveau-Brunswick. La loi de cette province dit que la définition du mariage est celle de la common law que nous avons toujours connue, c'est-à-dire l'union d'un homme et d'une femme.

    Dans ce cas, ce n'est pas clair, et c'est pourquoi nous avons une Cour suprême. On peut présenter des arguments dans tous les sens pour qu'on interjette appel ou non des décisions des diverses cours d'appel auprès de la Cour suprême du Canada. Bien des gens pensent qu'il aurait fallu faire appel.

    Le gouvernement en place a décidé de ne pas se pourvoir en appel et de faire un renvoi au sujet de cette question. C'est l'une des questions. Il s'agit de savoir si la définition classique du mariage dans la common law est constitutionnel. La Cour suprême n'a pas encore rendu sa décision.

    À mon avis, cela rend peu clair... Chose certaine, mon projet de loi n'est pas inconstitutionnel de façon flagrante. Si la Cour suprême, que vous reconnaissez comme la plus haute instance judiciaire, n'a pas encore rendu sa décision, nous ne devrions pas envisager ce que sera la décision de la Cour suprême ni en présumer.

    Votre premier point se défend : ne présumerions-nous pas de la décision sur le renvoi? Il y a renvoi. Toutefois, madame le juge en chef Beverley McLaughlin a dit qu'il ne faudrait pas utiliser la cour de cette manière, que le gouvernement devrait proposer une loi ou qu'on devrait interjeter appel. C'est la démarche qui conviendrait. Le Cour suprême n'a pas la capacité de rendre des décisions majeures de cette nature.

    Cela dit, le fait qu'il y a eu un renvoi à la Cour suprême n'est pas un critère pour refuser qu'un projet de loi fasse l'objet d'un vote. Ce peut être une raison dans les faits, une raison de ne pas vouloir qu'un projet de loi soit proposé, mais ce n'est pas un des critères que le sous-comité ou le Comité peuvent appliquer pour décider si ce projet de loi peut ou non faire l'objet d'un vote.

+-

    Le président: Nous allons devoir revenir si vous avez d'autres questions. Nous avons largement dépassé la période prévue pour cette question.

[Français]

    Monsieur Guimond.

+-

    M. Michel Guimond (Montmorency—Charlevoix—Haute-Côte-Nord, BQ): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Moore, j'ai lu votre projet de loi, qui ne comporte que trois articles. Je veux d'abord vous dire que j'ai siégé au Sous-comité des affaires émanant des députés, qui a déjà rendu une première décision. Les critères dont nous devons tenir compte pour déterminer si un projet de loi peut faire l'objet d'un vote ont été établis par les partis de la Chambre des communes. Il pourrait être utile de les rappeler.

    Les projets de loi ne doivent pas porter sur des questions ne relevant pas de la compétence du fédéral. Les projets de loi et les motions ne doivent pas transgresser clairement les Lois constitutionnelles de 1867 à 1982, y compris la Charte canadienne des droits et libertés. Les projets de loi ne doivent pas porter sur des questions qui sont essentiellement les mêmes que des questions sur lesquelles la Chambre s'est déjà prononcée. Les projets de loi ne doivent pas porter sur des questions inscrites au Feuilleton.

    Je suis d'avis--et c'est à vous de me convaincre du contraire--que votre projet de loi ne répond pas au critère de la constitutionnalité et, particulièrement, du respect de la Charte canadienne des droits et libertés. Avez-vous examiné les articles pertinents de la Charte canadienne, monsieur Moore?

Á  +-(1125)  

[Traduction]

+-

    M. Rob Moore: Oui, j'en ai d'autres.

[Français]

+-

    M. Michel Guimond: Êtes-vous d'avis que votre projet de loi respecte en tous points les articles 1 et 15 de la Charte canadienne?

[Traduction]

+-

    M. Rob Moore: C'est une question valable. Le critère que le comité doit considérer est le suivant : mon projet de loi viole-t-il clairement la Constitution du Canada, Charte des droits comprise?

    Je suis fermement convaincu que la réponse est négative, et c'est pourquoi j'ai fait appel, car nous n'aurons pas de réponse claire à la question étroite de la constitutionnalité de la définition du mariage en common law tant que nous n'aurons pas de décision de la Cour suprême du Canada. C'est elle qui décidera en fin de compte de la constitutionnalité de la définition de la common law.

    Pour les raisons que j'ai déjà énoncées, mon projet de loi n'est certainement pas une violation claire de la Constitution, aux termes du critère. D'abord, la Cour suprême n'a pas rendu sa décision. Le procureur général lui a posé cette question dans le renvoi, et elle ne s'est pas prononcée. Si nous disions que mon projet de loi va de façon flagrante à l'encontre de la Constitution—non pas peut-être, mais de façon flagrante—cela irait présumerait de la décision sur le renvoi.

    En outre, on pose une question à la cour sur la définition du mariage en common law. Il s'agit d'une définition prévue dans un texte législatif. Mon projet de loi ne fait pas qu'établir ou réaffirmer la définition classique. Un tribunal pourrait se prononcer à ce sujet ultérieurement. Mais nous, parlementaires, ne devrions pas présumer de ce qu'un tribunal va faire d'un texte de loi donné.

[Français]

+-

    M. Michel Guimond: Monsieur Moore, je cesse de vous suivre lorsque vous dites qu'étant donné que la Cour suprême ne s'est pas prononcée, votre projet de loi est conforme à la Charte. Je ne sais pas si vous êtes un avocat de formation, mais je le suis. Le fait d'être avocat n'est pas une garantie d'infaillibilité, mais je veux vous dire que, tant et aussi longtemps que la Cour suprême ne se sera pas prononcée, ce sont les décisions rendues par les Cours d'appel qui s'appliqueront. C'est l'état actuel du droit au Canada.

    Lorsque la Cour suprême se prononce différemment, le Parlement doit adapter la loi à la décision qui a été rendue. C'est pour cette raison que nous devons modifier plein de lois. Vous dites que votre projet de loi est conforme à la Charte parce que la Cour suprême ne s'est pas prononcée. Je regrette, mais je dois vous dire que vous êtes dans l'erreur.

    Tout à l'heure, vous avez répondu à M. LeBlanc que la Cour d'appel du Québec ne s'était pas prononcée. Je vous réfère à une décision de mars 2004, où la Cour d'appel du Québec a conclu à l'unanimité qu'une organisation ayant contesté le mariage entre conjoints de même sexe devant la Cour supérieure ne pouvait pas faire appel de la décision rendue par la cour en 2002, en vertu de la Charte. La cour lève la suspension imposée par le tribunal inférieur, permettant aux conjoints de même sexe de se marier légalement dans la province.

    Au Québec, cette décision fait le droit. C'est pour que les conjoints de même sexe puissent se marier que le gouvernement du Québec a accepté l'union civile. Donc, permettez-moi d'être en désaccord sur ce que vous venez de dire quant au fait que la Cour suprême ne s'est pas encore prononcée.

Á  +-(1130)  

+-

    Le président: Monsieur Moore, s'il vous plaît.

[Traduction]

+-

    M. Rob Moore: Vous parlez de deux critères différents. D'une part, nous demandons si la définition classique du mariage en common law est constitutionnelle. Ce n'est pas là la question que le Comité est appelé à étudier. Il doit voir si mon projet de loi est inconstitutionnel de façon flagrante.

    Dans l'appel interjeté au Québec, la raison alléguée par la Cour d'appel du Québec pour ne pas entendre l'appel, ou l'une des raisons, était que la Cour suprême était déjà saisie de la question même de la constitutionnalité de la définition classique. Voilà une des raisons données pour ne pas entendre l'appel. Elle a accordé beaucoup de poids au fait que la question même sur laquelle les intervenants cherchaient à fonder leur appel était à l'étude à la Cour suprême.

    La question est donc posée à la Cour suprême : la définition de mariage contenue dans la Loi d'harmonisation du droit fédéral avec le droit civil et dans la common law est-elle constitutionnelle ou non? La décision n'est pas encore rendue.

    Vous avez dit que, à certains endroits, on avait suivi les décisions des cours d'appel de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. Ce sont les deux tribunaux qui se sont prononcés expressément sur la question. En Ontario, il y avait des décisions contradictoires en première instance, mais les cours d'appel ont tranché. D'autres tribunaux se sont ralliés, mais, dans quatre provinces et deux territoires, la définition classique du mariage tient toujours.

    Aller dire que mon projet de loi est inconstitutionnel de façon flagrante... Je crois que mon projet de loi est loin de correspondre à ce que dit ce critère. Il reste en deçà.

[Français]

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Godin, vous avez la parole.

+-

    M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, monsieur le président. Monsieur Moore, merci de vous être présenté devant le comité.

    Comme vous pouvez le voir, nous ne siégeons pas à huis clos aujourd'hui. Je reviens sur cette question parce qu'on avait dit dans les journaux que le fait de tenir des réunions à huis clos sur un sujet comme celui-ci était antidémocratique. Saviez-vous que votre parti était d'accord sur ces réunions à huis clos et était l'un des partis politiques qui avaient mis le système en place?

[Traduction]

+-

    M. Rob Moore: Quant aux dispositions prévoyant le huis clos... Votre collègue, M. Broadbent, est d'accord avec moi pour dire que, lorsqu'un sous-comité décide si le projet de loi d'un député fera l'objet d'un vote ou non, la démarche devrait être la plus ouverte possible. Étant donné cette expérience et puisque je n'ai pu assister à la séance ni obtenir une justification vraiment détaillée de la décision, je crois fermement que ces délibérations devraient être publiques. Le huis clos empêche les Canadiens de savoir ce qui se passe dans les coulisses de la démocratie. Huis clos ou non, la question qui se pose aujourd'hui est de savoir si mon projet de loi tombe sous le coup de ce critère très exigeant.

    Je remarque que le sous-comité, que je sache, n'a exclu la possibilité de voter pour aucun autre projet de loi. Il peut y avoir une foule de raison pour vouloir éviter un vote sur la question à la Chambre : la Cour suprême en est saisie, la question provoque des divisions, les députés ne savent pas comment voter. Ce sont de bonnes raisons pour ne pas vouloir voter à la Chambre, mais ce ne sont pas les critères prévus au Règlement, qui fixe la barre très haut lorsqu'il s'agit de refuser au Parlement de débattre un projet de loi d'un député et de voter. J'estime que mon projet de loi est loin de cette barre.

Á  +-(1135)  

+-

    M. Yvon Godin: Une précision. Ed Broadbent n'a-t-il pas dit que « a priori », les délibérations devraient être publiques. Il y a une différence entre « a priori » et « je suis d'accord pour les délibérations soient publiques ». Je tiens à faire cette précision parce que j'ai eu une discussion là-dessus. Il y a une différence entre « a priori » et « je suis d'accord ».

    Comme député, ai-je le droit d'interpréter cet article? À mon avis, si j'estime que cette mesure viole la Charte des droits et libertés, ai-je le droit de prendre cette décision comme homme politique? Est-il antidémocratique que, comme député siégeant à ce comité, je prenne une décision?

+-

    M. Rob Moore: Je crois que nous avons modifié les procédures à suivre pour les affaires proposées par les députés. Il y a une forte présomption favorable à ce qu'elles puissent toutes faire l'objet d'un vote. Nous nous sommes entendus sur des critères, et certains députés ont agi en fonction de ces critères. Je fais appel aujourd'hui parce que mon projet de loi ne correspond pas à un critère, celui qui porte sur l'inconstitutionnalité flagrante.

    Dans un pays comme le Canada, dont la Cour suprême n'a pas rendu de décision définitive sur la question, je demande ceci : nous avons la séparation des pouvoirs; il y a le pouvoir parlementaire et le pouvoir judiciaire; les parlementaires vont-ils s'arroger le rôle de juge également?

    On a demandé à la Cour suprême du Canada son opinion sur la constitutionnalité de la définition du mariage en common law. Elle ne s'est même pas prononcée sur une loi sur le mariage. Les parlementaires prennent largement les devants en disant que mon projet de loi est peut-être inconstitutionnel. Je suis ici aujourd'hui parce que, selon moi, mon projet de loi ne tombe pas sous le coup de ce critère et qu'il n'est pas inconstitutionnel de façon flagrante.

+-

    M. Yvon Godin: D'accord, mais, monsieur le président...

+-

    Le président: Nous reviendrons à vous.

+-

    Mr. Yvon Godin: Mon temps de parole est déjà terminé?

+-

    Le président: Déjà, oui, mais vous aurez un autre tour, monsieur Godin.

    J'ai quelques questions à poser à notre collègue et témoin.

    Convenez-vous, monsieur Moore, que, une fois que les tribunaux se sont prononcés et qu'il n'y a pas eu d'appel, leurs décisions ont force de loi?

+-

    M. Rob Moore: Lorsqu'un tribunal se prononce en Ontario ou au Québec et qu'il n'y a pas appel, leurs décisions s'appliquent en Ontario ou au Québec. Cela n'empêche pas de présenter un projet de loi qui a des conséquences pour le droit et qui ne présume pas de la décision de la Cour suprême du Canada.

    Je souligne de nouveau que, dans l'ensemble du Canada, les différents territoires et provinces sont partagés.

+-

    Le président: Si je peux me permettre, êtes-vous d'accord pour dire qu'une décision judiciaire, s'il n'y a pas appel, a force de loi? N'est-il pas vrai que les tribunaux de ces provinces ont dit que la définition était inconstitutionnelle?

+-

    M. Rob Moore: Les cours d'appel de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ont statué que la définition de la common law était inconstitutionnelle, mais elles ont pris grand soin de souligner qu'il s'agissait d'une définition de la common law et non d'une définition prévue dans une loi. On ne peut aucunement en déduire que ma définition législative est clairement inconstitutionnelle, d'autant plus que le procureur général du Canada, pour tirer les choses au clair et trancher définitivement le débat, a mis cette question dans un renvoi à la Cour suprême du Canada. Elle n'a pas rendu de décision. De la part des parlementaires, ce serait présumer que de deviner—car c'est de cela qu'il s'agit—comment la Cour suprême va se prononcer. Si la Cour suprême répond que...

+-

    Le président: Selon moi, c'est une question différente, monsieur. Nous nous demandons si la mesure est inconstitutionnelle. Vous venez de reconnaître avec moi qu'un certain nombre de tribunaux au Canada ont dit que la définition était inconstitutionnelle. Que le gouvernement fasse ou non un renvoi ne change rien à notre Règlement.

    Ne convenez-vous pas que, en ce moment précis, dans ces provinces, la définition que vous cherchez à modifier est inconstitutionnelle?

Á  +-(1140)  

+-

    M. Rob Moore: Comme je l'ai souligné dans mon intervention, les cours d'appel de ces provinces ont pris grand soin de faire la distinction entre la common law et un texte de loi. Un tribunal n'a pas envisagé la question sous cet angle. Les cours d'appel de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ne l'ont pas fait non plus. La Cour suprême est le plus haut tribunal. On lui a posé précisément cette question. Mettons les choses ainsi : si la loi était claire, si ce ce que vous déduisez, peut-être, tire la chose au clair, pourquoi le procureur général du Canada pose-t-il la question à la Cour suprême? Pourquoi la poserait-il s'il connaissait la réponse? Il ne la poserait pas. Si c'était une question qu'il faut trancher...

+-

    Le président: Je vais donner la parole à un autre député, mais je dirai respectueusement que l'existence d'un renvoi ou non n'est pas l'un de nos critères. Il s'agit de voir si une mesure est constitutionnelle ou non.

    Monsieur Reid.

+-

    M. Scott Reid (Lanark—Frontenac—Lennox and Addington, PCC): Merci, monsieur le président, et merci à notre témoin d'avoir voulu comparaître :

    Le critère qui figure dans le Règlement est le suivant :

Les projets de loi et les motions ne doivent pas enfreindre de façon flagrante les Lois constitutionnelles de 1867 à 1982 y compris la Charte canadienne des droits et libertés.

    Il me semble que, lorsqu'on applique cette disposition du Règlement à la Charte canadienne des droits et libertés, ont fait obstacle à certains types de projets de loi et non à d'autres. Selon moi, on peut raisonnablement conclure qu'elle empêcherait de recourir à un projet de loi de député qui invoque l'article 33 de la Charte des droits. Il s'agit de la clause de dérogation. C'était probablement l'intention des auteurs de cet article du Règlement.

    Toutefois, le projet de loi ne fait pas cela. Il propose en fait d'invoquer les dispositions de l'article 1 de la Charte des droits et libertés, qui dit ceci :

La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique

    Bref, une chose non permise en common law peut l'être comme restriction à la compréhension absolue des droits, si elle est prescrite par voie législative et si on peut démontrer qu'elle est justifiée dans une société libre et démocratique.

    Cela dit, si j'avais été présent et si j'avais fait partie du sous-comité, mon vote aurait été favorable au projet de loi.

    Je voudrais cependant revenir sur la question que la présidence a abordée dans son intervention. Il me semble que l'une des beautés de notre système, comprenant diverses cours d'appel et dominé par la Cour suprême, c'est que, pendant une période de transition, une même chose peut être permise à certains endroits et pas à d'autres. Tant que le dernier tribunal d'appel, la Cour suprême, ne s'est pas prononcé, on ne peut pas dire de façon péremptoire qu'une chose est, de façon claire et démontrable, permise ou non aux termes de la Charte des droits et libertés. Ce serait la même chose si les tribunaux se prononçaient sur une définition législative du mariage, ce qu'ils ne font surtout pas, si bien qu'il s'agit de deux questions distinctes.

    Voilà des considérations dont il faut tenir compte, et j'invite le témoin à commenter dans un instant, mais je voudrais auparavant dire un mot du sous-comité.

    Le sous-comité a siégé à huis clos. Il avait ce choix. Ce n'est pas obligatoire. Il a décidé de siéger à huis clos.

    Les députés ne se sont pas entourés des conseils de spécialistes.

    Les membres du sous-comité et le comité dans son ensemble se sont réunis et ont discuté de tous les projets de loi des députés en même temps sans que les auteurs soient présents pour faire valoir des arguments en faveur de leurs projets de loi.

    Cela vaut pour moi également. J'ai présenté un projet de loi. J'ignorais qu'on en avait discuté jusqu'à ce que je me présente à la séance de ce matin. C'est là que je l'ai appris. Ce groupe, ce sous-comité correspond à la définition d'un tribunal ou d'une Chambre étoilée, car les gens ne sont pas présents à leur propre procès. Il se réunit à huis clos, dans le secret, de sorte que ses membres ne peuvent même pas dire ce qui s'y est passé sans enfreindre les règles de secret du comité. Il me semble que cette façon de faire est fondamentalement dysfonctionnelle lorsqu'il s'agit de ce type de travail.

    Je suggère fortement au comité que nous évitions, à l'avenir, les réunions à huis clos et que les députés aient le droit d'être présents, de présenter des témoignages, de dissiper des erreurs d'interprétation, comme il semble y en avoir eu dans cette décision-ci.

    Cela dit, je demande à notre témoin ce qu'il en pense.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Avant que le témoin ne réponde, monsieur Reid, je signale que, sauf erreur, le sous-comité a toujours siégé à huis clos. Nous avons toute liberté de modifier la règle, mais, en toute déférence, accuser des collègues qui ont appliqué une procédure qui existe depuis fort longtemps d'avoir manqué de respect envers les autres...

    J'invite mes collègues à la prudence. Les membres du sous-comité ont fait leur travail consciencieusement. Nous pouvons être d'accord ou non avec eux—et ne suis pas l'un d'eux, je n'ai pas siégé au sous-comité—, mais nous devons éviter d'accuser des collègues.

[Français]

    M. Guimond veut faire appel au Règlement.

+-

    M. Michel Guimond: Merci, monsieur le président.

    Je ne veux pas entreprendre un débat avec M. Reid à ce sujet, mais je voudrais lui faire remarquer que les règles qui régissent les affaires émanant des députés ont été acceptées par tous les partis, incluant celui de mon collègue Johnston, qui siégeait avec moi lorsque nous avons modifié le Règlement. Si vous voulez désavouer ce que M. Johnston a fait à l'époque... De toute façon, ces règles ne sont pas fixées jusqu'à la fin des temps. Si elles sont perfectibles, s'il y a moyen de les améliorer, on y verra. Il y a un principe qui dit qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. N'essayez pas de faire dévier la discussion sur le fait que cela a été fait en petit comité, à huis clos. C'est comme cela que nous fonctionnons en vertu des nouvelles règles. Si vous voulez suggérer d'autres choses, soumettez-les au comité et nous allons les examiner.

+-

    Le président: Il n'est jamais bon de discuter de changements aux règles dans le cadre d'un appel au Règlement. Ce n'est pas sain pour le processus. Si le comité le souhaite, nous nous pencherons sur cette question un autre jour pour que nous puissions bien y réfléchir. Nous devons être respectueux des collègues qui prennent de leur temps pour siéger à ce sous-comité, qui, jusqu'à preuve du contraire, le font de très bonne foi et en qui j'ai confiance en tant que président.

[Traduction]

    Un instant. Nous avons deux autres rappels au Règlement, l'un de M. Godin et l'autre de ce côté.

[Français]

+-

    M. Yvon Godin: Monsieur le président, je suis bien d'accord avec vous lorsque vous dites que quand il y a un témoin ici, nous devrions l'écouter. Cependant, il est inadmissible que nous nous fassions accuser de certaines choses. Quand nous avions traité du cas Pankiw, nous l'avions fait de la même manière, et nous n'avons jamais été accusés de l'avoir fait derrière des portes closes. Le témoin qui est ici aujourd'hui est capable de présenter le cas au comité, et c'est comme cela que ça marche. C'est inacceptable qu'on nous accuse de...

+-

    Le président: On pourra y revenir une autre fois. Est-ce qu'il y a d'autres appels au Règlement ou si nous pouvons parler de la réponse que veut offrir M. Moore?

[Traduction]

    Vous aviez un autre rappel au Règlement, de ce côté-ci.

+-

    M. Jay Hill (Prince George—Peace River, PCC): C'est une simple mise au point. Je ne veux pas laisser passer sans rien dire votre définition de ce que les anciennes modalités prévoyaient.

    Selon les anciennes modalités, tout député qui était choisi ou dont le nom était tiré comparaissait pour répondre aux questions du sous-comité. Ensuite, il y avait une séance à huis clos pour décider si des projets de loi feraient l'objet d'un vote et lesquels.

    Je veux simplement m'assurer que tout le monde comprend bien que le processus est maintenant différent, et M. Reid a tout à fait raison : aucun député ne peut comparaître devant le sous-comité pour défendre son projet de loi avant qu'une décision ne soit prise. C'est différent.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Godin, allez-y.

[Traduction]

+-

    M. Yvon Godin: Une déclaration est faite, et il faut le corriger dans les deux sens.

    Oui, pour l'ancienne procédure, je suis d'accord avec Jay, mais après, lorsque nous en avons adopté une nouvelle...

    Je pense au cas de Pankiw. On a procédé de la même manière, avec la nouvelle procédure, que votre parti a acceptée. Votre parti a accepté cette nouvelle procédure.

+-

    Le président: Je propose à mes collègues d'entendre notre témoin, qui est prêt, de toute évidence, à présenter sa cause, et de juger sur le fond plutôt qu'autre chose. Avec votre permission, pourquoi ne pas écouter M. Moore répondre à la question posée par M. Reid—c'est-à-dire ces questions sur le fond du projet de loi.

+-

    M. Rob Moore: Il y a une distinction importante, comme je l'ai dit, entre ce qui est constitutionnel et ce qui, comme on doit le montrer ici, ne viole pas la Constitution de façon flagrante.

    Il n'y a pas encore eu de décision et, je le répète, la Cour suprême du Canada s'est fait poser cette question très valable à laquelle les parlementaires veulent obtenir une réponse et qui intéresse les Canadiens. Le procureur général a posé la question à la Cour suprême. Elle n'a pas rendu sa décision. Elle n'a pas dit si la définition du mariage en common law était constitutionnelle.

    Je propose que le comité aille au-delà d'un critère encore plus exigeant. Ce ne serait pas tellement à moi de montrer que mon projet de loi est constitutionnel, mais au comité de dire, à la lumière des critères, que ce projet de loi viole la Constitution de façon flagrante. J'estime que c'est une décision importante. Si nous voulons siéger comme comité, surtout lorsqu'il s'agit d'un sous-comité, et dire : ce projet de loi comprend des éléments nouveaux; ou j'ai constaté que ce projet de loi violait la Constitution de façon flagrante...

    J'invite le comité à s'arrêter un instant. Étudions la question. Avec les conseils de son ministère, le ministre de la Justice a posé une question à la Cour suprême, qui n'a pas rendu sa décision. Ce que dit le comité, ou plutôt ce qu'il ne dira pas, je l'espère, c'est que nous n'avons pas besoin, au fond, d'entendre les délibérations, de prendre connaissance de la décision de la Cour suprême, que notre idée est déjà faite. C'est le pas que le comité franchirait en refusant que mon projet de loi fasse l'objet d'un vote.

    C'est un projet de loi qui n'a jamais été étudié. Il porte sur une question, une définition sur laquelle, même en common law—puisqu'il y a une distinction—, la Cour suprême du Canada ne s'est pas prononcée.

    Dans notre pays, qui comprend diverses administrations, cette définition a toujours valeur de loi dans six provinces ou territoires.

Á  +-(1150)  

+-

    Le président: Mme Redman est la personne suivante qui souhaite intervenir.

+-

    L'hon. Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Moore, j’ai suivi la discussion de très près. De toute évidence, vous avez beaucoup réfléchi à cela. Je crois comprendre votre raisonnement, mais je ne pense pas qu’il soit valide.

    Vous dites qu’il n'existe pas de définition législative. Personne ne le niera. En l’absence d’une telle définition, il est évident que les tribunaux doivent se suffire de la définition en common law. Se servir de cet argument parce que la définition a servi de base aux mesures législatives de la Colombie-Britannique et de l’Ontario, alors que les cours d’appel de ces provinces ont confirmé l’interprétation...

    Le renvoi à la Cour suprême n’est pas un appel, c’est un renvoi. J’ai l’impression, d’après vos observations, que vous jugez ce renvoi très important. Sans vouloir vous contredire à ce sujet, je tiens à vous faire remarquer que la décision de la Cour n'aura pas un caractère obligatoire. Les décisions rendues par les cours provinciales inférieures resteront valides.

    Pour ce qui est du dépôt d'un projet de loi à ce moment, il est tout aussi plausible que la Cour suprême confirme les décisions des cours provinciales et déclare la définition inconstitutionnelle. Si vous considérez ce renvoi important, pourquoi ne retirez-vous pas votre projet de loi en attendant la décision de la Cour suprême, quitte à le présenter à nouveau?

+-

    M. Rob Moore: C'est une bonne question, sauf qu'elle porte sur quelque chose qui, à mon avis, est tout à fait distinct du point sur lequel le comité a été chargé de se prononcer. Vous l'avez dit, il est plausible que la Cour suprême rende une décision semblable à celle de la Cour d'appel de l'Ontario. C'est tout à fait possible, mais cela ne s'est pas produit. Par conséquent, la loi canadienne n'est pas claire.

    Comme je l'ai déjà mentionné, ces décisions sont obligatoires en ce qui concerne la définition en common law admise dans ces provinces. Toutefois, affirmer que du fait que certaines provinces ont suivi l'exemple de l'Ontario ou considérant les décisions particulières de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, mon projet de loi est automatiquement inconstitutionnel...

    Même si la Cour suprême s'était prononcée, cela ne rendrait pas automatiquement mon projet de loi clairement inconstitutionnel. Il y a là deux ou trois étapes logiques qu’à mon avis, le comité ne devrait pas brûler.

    Dans la première, vous préjugez de la décision de la Cour. Je crois que nous conviendrons tous que pour ce qui est des questions de droit, la Cour suprême est le plus haut tribunal du Canada. Des questions ont été posées à la Cour au sujet de la définition en common law, des questions auxquelles la Cour n'a pas encore répondu. Il ne nous appartient pas de deviner quelle sera sa réponse. Si la Cour suprême devait statuer que la définition en common law du mariage est...

    Supposons que la réponse de la Cour au renvoi soit la suivante : « Oui, la définition est inconstitutionnelle. » Eh bien, cette décision ne rend pas mon projet de loi automatiquement inconstitutionnel. C'est une décision qu'un autre tribunal aurait à prendre à l'avenir. La Cour suprême ne s'occupe que de la définition en common law. Et elle n'a pas encore répondu à la question.

    Autrement dit, pour que le comité puisse déclarer que mon projet de loi ne peut pas faire l'objet d'un vote, il doit brûler plusieurs étapes par rapport au point où nous en sommes aujourd'hui. Or je ne crois pas qu'il soit souhaitable de le faire. Je ne crois pas qu'il soit juste de le faire. Le libellé des critères est très clair et établit un seuil très élevé. Je demande aux membres de considérer ce seuil, d'examiner le projet de loi et d'en arriver à la conclusion qu'ils n'ont pas à se substituer à la Cour suprême au sujet d'une question qui ne lui a même pas été encore posée.

Á  +-(1155)  

+-

    Le président: Nous devrons revenir là-dessus.

    C'est M. Hill qui suit.

+-

    M. Jay Hill: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Peut-être pourrions-nous opter pour des échanges un peu plus courts. Les membres n'ont pas la possibilité de poser une seconde question et d'obtenir une réponse.

+-

    M. Jay Hill: Merci de cette intervention, monsieur le président.

    Je voudrais revenir à ce qu’a dit plus tôt mon collègue M. LeBlanc ainsi qu'aux observations de tout à l'heure de Mme Redman. Monsieur Moore, ces deux personnes semblent vous inviter à retirer votre projet de loi ou affirmer qu'il ne devrait pas faire l'objet d'un vote parce que la Cour suprême aura à se prononcer sur cette question à l'avenir.

    Je voudrais réfuter leurs arguments. Je suis à la Chambre depuis 11 ans. Si le gouvernement avait appliqué le même critère à ses projets de loi, il lui aurait fallu renoncer, la moitié du temps, à les présenter. Il m'est arrivé très souvent à la Chambre de voir des avocats accomplis–je dois admettre que je n'en suis pas un–présenter de solides arguments soutenant que si un projet de loi gouvernemental allait de l'avant sans être modifié, les tribunaux le trouveraient inconstitutionnel. Si nous avions accepté ce critère pour chaque projet de loi présenté à la Chambre, elle n'aurait pas adopté beaucoup de mesures législatives. Nous serions en train d'anticiper sur les décisions de la Cour suprême pour chaque projet de loi.

    Nous devons bien sûr déterminer si un projet de loi est constitutionnel, mais de là à accepter l'argument de M. LeBlanc et de Mme Redman... Soutenir que s'il y a un doute, il faudrait retirer le projet de loi reviendrait à demander au gouvernement de retirer beaucoup de ses mesures législatives.

    Je voudrais demander au témoin, par votre intermédiaire, monsieur le président, s'il a obtenu un avis juridique sur la constitutionnalité ou l'éventuelle constitutionnalité de son projet de loi. Je crois qu'il présente des arguments très valides, en ce sens que nous devons être très sûrs qu'il s'agit bel et bien d'un texte qui est clairement inconstitutionnel.

    Avez-vous essayé d'obtenir un autre avis juridique à l'appui de l'appel que vous présentez aujourd'hui au comité?

+-

    M. Rob Moore: Oui, j'ai reçu un avis juridique d'un avocat de droit constitutionnel. Je l'ai transmis aux membres du comité. J'espère que vous l'avez tous reçu. Sinon, je peux sûrement le fournir.

    Vous avez un excellent argument...

+-

    Le président: Je regrette de vous interrompre, monsieur Moore, mais si vous avez transmis de la documentation, notre greffier et notre attaché de recherche me disent qu'ils n'ont rien reçu.

+-

    M. Rob Moore: Je l'ai peut-être envoyé aux membres du comité, à titre individuel.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Je vous remercie. Veuillez poursuivre.

+-

    M. Rob Moore: J'ai transmis cet avis juridique. Je m'excuse si certains membres ne l'ont pas reçu.

    Vous avez présenté de bons arguments. Le Parlement est la plus haute assemblée législative du pays. Son rôle est de légiférer. C'est ce que nous faisons. En qualité de parlementaires, nous sommes des législateurs. Dans notre système de gouvernement, il appartient aux tribunaux—puisqu'il y a séparation entre le législatif et le judiciaire—et aux institutions judiciaires provinciales et fédérales d'interpréter les lois. Les tribunaux interprètent donc les lois que nous, législateurs, adoptons.

    Dans notre système, avec la Charte des droits, il y a ce qu'on appelle le dialogue de la charte entre les tribunaux et les assemblées législatives. Toutefois, c'est aux tribunaux qu'il appartient d'interpréter la loi. Dans ce cas, le plus haut tribunal du Canada est la Cour suprême.

    Vous avez raison, la Cour ne s'est pas prononcée. Il ne conviendrait donc pas, je crois, que nous, parlementaires, commencions à anticiper sur tout ce que nous faisons et à assumer nous-mêmes le rôle des tribunaux. Ce n'est pas à nous de le faire. Voilà pourquoi je crois que le seuil a été établi aussi haut. Comme je l'ai déjà dit, la question n'est pas de déterminer si le projet de loi peut ou pourrait être inconstitutionnel, est ou n'est pas susceptible de violer la Constitution. La question à poser est la suivante : Le projet de loi viole-t-il clairement la Constitution?

    Je ne crois pas, pour toutes les raisons que j'ai mentionnées, que nous ayons les moyens de trancher. Si l'examen ne permet pas d'atteindre ce seuil, alors les députés doivent laisser le processus démocratique suivre son cours et permettre l'examen du projet de loi. Les députés doivent pouvoir débattre ces importantes questions émanant de simples députés et pouvoir voter sur ces questions.

+-

    Le président: Je vais encore devoir passer à la personne suivante.

    Monsieur Casey.

+-

    M. Bill Casey (Cumberland—Colchester—Musquodoboit Valley, PCC): Merci beaucoup.

    Je n'ai pas une connaissance approfondie des points de droit évoqués ici. Toutefois, je constate que nous sommes treize autour de la table. Je ne sais pas combien d'entre nous sont avocats. Je pense qu'il n'y en a qu'un seul de ce côté-ci. Je ne sais pas combien... Je vois qu'il y en a trois. Par conséquent, le comité compte quatre avocats, et nous essayons de décider en une heure si ce projet de loi est ou n'est pas clairement inconstitutionnel. La Cour suprême est saisie de la question depuis près d'un an. Le procureur général du Canada ne sait pas si son projet de loi est constitutionnel ou non. Je ne vois pas comment ce groupe d'amateurs peut prendre ce genre de décision.

    Nous ne sommes pas des juges. Nous sommes des amateurs par rapport aux juges de la Cour suprême qui, eux, travaillent là-dessus depuis près d'un an. Comment pouvons-nous arriver à la conclusion que ce projet de loi est inconstitutionnel alors qu'ils n'ont pas pu se prononcer après près d'un an et que le procureur général du Canada ne le sait pas non plus? Je ne comprends pas comment nous pouvons le faire.

    Avez-vous des commentaires à ce sujet? Avons-nous les moyens qu'il faut? Il y a quelques instants, vous avez dit que nous n'avons pas les moyens de trancher. Je ne le pense pas non plus. À mon avis, nous ne pouvons pas affirmer que le projet de loi est clairement inconstitutionnel. Si la Cour suprême, si toutes ces institutions savantes ne peuvent pas se prononcer, comment pouvons-nous aboutir à cette conclusion?

+-

    M. Rob Moore: C'est une bonne question. C'est pour cette raison que je présente cet appel et que je ressens un certain désarroi en voyant le comité assumer ce rôle, alors que les tribunaux ne sont pas tous du même avis et que la Cour suprême n'a pas encore répondu à la question. Vous avez raison, la Cour examine la question, délibère et reçoit des centaines de mémoires. Elle compte neuf juges, mais ne s'est pas encore prononcée. Vous avez raison, si les membres du comité peuvent conclure que ce projet de loi est clairement inconstitutionnel, c'est qu'ils brûlent les étapes et affirment qu'ils n'ont pas à attendre la décision des juges pour déclarer catégoriquement que le projet de loi est inconstitutionnel. Comme je l'ai déjà dit, il y a bien des étapes à franchir avant d'en arriver là.

+-

    M. Bill Casey: L'autre argument, qui n'est pas juridique mais qui relève tout simplement du bon sens, c'est que la moitié des provinces et des territoires s’est prononcée, tandis que l'autre moitié a pris une autre décision ou n’en a pris aucune. La Cour suprême du Canada, elle, n'a pas rendu sa décision. De toute évidence, il n'est pas du tout clair si le projet de loi est ou non inconstitutionnel.

    J'en reviens encore au comité. Je ne sais pas comment nous pouvons affirmer que le projet de loi est clairement inconstitutionnel quand les avis sont tellement partagés dans le pays, dans les différentes provinces et territoires et même à la Cour suprême.

  +-(1205)  

+-

    M. Rob Moore: C'est exact. Comme je l'ai dit, dans ma province, le Nouveau-Brunswick, comme à Terre-Neuve, dans l'Île-du-Prince-Édouard, dans deux des territoires et en Alberta, la définition en common law–que je propose comme définition législative–représente la définition légale.

    Les décisions mentionnées qui ont été rendues dans d'autres provinces ne s'appliquent pas à ces endroits. Seule la Cour suprême du Canada peut prendre une décision qui s'applique à tout le Canada. Et même elle n'a pas encore donné suite à ce renvoi, suite qui serait de toute façon de nature consultative.

    Je voudrais répéter aussi que la question à laquelle la Cour suprême répond correspond à un seuil inférieur à celui de la question qui est posée au comité. Par conséquent, le comité va vraiment très loin en assumant le rôle des juges de la Cour suprême sur une question qui ne leur a même pas encore été posée. Les juges de la Cour suprême ont à répondre à une question portant sur la définition en common law. Ils n'ont pas encore à se prononcer sur la constitutionnalité de mon projet de loi. Pour que le comité ou le sous-comité dise que mon projet de loi est inconstitutionnel...

+-

    Le président: Très bien. Nous y reviendrons. Le temps prévu pour ce tour de table est écoulé.

    Il y a un collègue qui est présent, mais qui n'est pas membre du comité. Avec votre permission, il voudrait prendre la parole. Êtes-vous d'accord?

    Des voix: D'accord.

    Une voix: Voulez-vous voter?

    Le président: Non, il veut simplement poser une question.

    À vous, monsieur Hiebert.

+-

    M. Russ Hiebert (Surrey-Sud—White Rock—Cloverdale, PCC): À mon avis, s'il y a quelque chose de clair, c'est que la question est loin d'être claire. Nous avons des opinions juridiques divergentes d'avocats constitutionnalistes. Nous avons différentes provinces qui appliquent différentes lois dans le pays. Nous avons un ministère de la Justice qui propose différentes options au procureur général du Canada. Et nous avons la Cour suprême du Canada qui ne s'est pas encore prononcée sur cette affaire. Par conséquent, la seule chose qui soit claire au sujet de la définition en common law, et non pas de la définition législative proposée par M. Moore, c'est que la clarté manque dans cette affaire.

    Je crois qu'il est absurde que le comité envisage même de soutenir que l'opinion dans le pays est tellement arrêtée qu'il peut se permettre d'affirmer avec autorité que cette définition législative–et non la définition en common law dont tout le monde parle–est clairement inconstitutionnelle.

    Je voudrais demander à notre témoin plus de détails ce sujet. Que pense-t-il du fait que des experts du domaine, des avocats constitutionnalistes qui ont présenté des arguments à la Cour suprême du Canada au sujet d'un certain nombre d'affaires différentes, sont venus dire au comité et à ses membres que la constitutionnalité de la définition en common law n'est pas certaine? Vous avez mentionné la chose, mais vous ne nous avez pas donné des détails. Encore une fois, je tiens à souligner que nous avons affaire d'une part à une définition en common law et, de l'autre, à une définition législative. Que pensez-vous de cela?

+-

    M. Rob Moore: Vous avez parfaitement raison. Différents avis juridiques ont été exprimés, dont certains portaient même sur la constitutionnalité de la définition en common law. Cela prouve que cette définition n'est pas universellement appliquée dans le pays. Nous devons nous rappeler, au sujet du renvoi à la Cour suprême, que des représentants venant de tous les coins du Canada sont venus présenter des arguments aux juges de la Cour suprême pour défendre la constitutionnalité de la définition en common law du mariage. Comme cela a toujours été le cas depuis l'affaire Hyde v. Hyde, qui est la toute première dans ce domaine, comme cela a toujours été reconnu en common law, des arguments ont été présentés à la Cour en faveur de la constitutionnalité de cette définition.

    Vous avez raison, la Cour ne s'est pas encore prononcée. Il y a divergence d'opinions. C'est la raison pour laquelle j'insiste sur le fait que le comité doit considérer le seuil très élevé qui a été établi et conclure qu'il ne peut pas se substituer aux juges, qu'il doit laisser le processus démocratique suivre son cours.

  +-(1210)  

+-

    Le président: Très bien. Avez-vous une autre question à poser? Autrement, je vais passer à la personne suivante.

[Français]

    Nous commençons le second tour.

    Monsieur Guimond.

+-

    M. Michel Guimond: Merci, monsieur le président.

    J'aurais dû faire appel au Règlement tout à l'heure. Je veux dire à M. Casey que je n'ai pas l'intention de le blesser en lui faisant le commentaire suivant. Je veux simplement corriger des faits. Chaque fois que l'opposition est divisée, cela fait l'affaire du gouvernement. C'est le principe de diviser pour régner.

    M. Casey a dit qu'il y avait quatre avocats amateurs. Je ne peux pas renier le cours que j'ai suivi. Je n'ai pas obtenu mon diplôme dans une boîte de Cracker Jack; j'ai fait mon cours. Je veux dire à M. Casey--voilà qu'arrive le boulet de canon--que je sais qu'il était vendeur d'autos. Pour être un bon député, faut-il être vendeur d'autos? Je voudrais le savoir, parce que si c'est le cas, je vais m'acheter une concession automobile.

    Il faudrait que nous évitions de nous traiter entre nous d'amateurs. La bonne foi se présume. Nous sommes à la recherche de la vérité. Nous évaluons des critères. Est-ce qu'on pourrait cesser de nous traiter d'amateurs si on ne veut pas se faire traiter de vendeur de « chars » usagés?

+-

    Le président: Monsieur Guimond, ce sont les propos que j'ai tenus tout à l'heure. J'ai demandé à tous les collègues d'être respectueux les uns envers les autres.

    Je viens d'un milieu très modeste et je me considère égal à tous mes collègues qui ont reçu des formations différentes de la mienne. Tous les députés sont égaux. Comme parlementaires, nous ne sommes pas appelés à juger différemment d'un dossier selon notre profession antérieure. Ce n'est pas un critère d'admissibilité. Nous sommes tous égaux. Si nous pouvions écouter le témoignage...

[Traduction]

    Silence, s'il vous plaît. Nous avons une réunion en cours ici, pas deux.

[Français]

    Si nous pouvions écouter le témoignage du témoin et ensuite le juger à son mérite, ce serait plus utile que de nous juger entre nous. Je demande donc à tous mes collègues de s'en tenir au dossier qui nous occupe.

[Traduction]

+-

    M. Bill Casey: Je voudrais juste donner une petite réponse, c'est tout. Ce ne sera pas très méchant.

+-

    Le président: Monsieur Casey, personne n'a à répondre à cela. J'aimerais bien que nous cessions de nous en prendre les uns aux autres. Ce n'est pas très productif.

+-

    M. Bill Casey: Si j'ai bien compris, il vient de me traiter de vendeur de « chars » usagés. J'ai effectivement vendu des voitures d'occasion, et j'en suis fier, mais je ne me prends pas pour un juge de la Cour suprême. Les avocats ne peuvent pas prétendre qu'ils sont des juges de la Cour suprême. C'est tout.

+-

    Le président: Je dois dire, avec respect, que ce n'est pas un rappel au Règlement.

    Comme je l'ai dit, nous sommes tous fiers de nos fonctions précédentes dans la société, tout comme je suis fier des miennes. À titre de parlementaires, nous sommes tous égaux lorsqu'il s'agit d'examiner une question qui nous est présentée. Je vous propose donc d'écouter la réponse du témoin, plutôt que les commentaires que nous avons à formuler les uns sur les autres.

    Collègue, voulez-vous vous en tenir à ce point, s'il vous plaît?

    Monsieur Moore.

+-

    M. Rob Moore: Dans tout cet échange, la seule chose que...

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Guimond, allez-y.

+-

    M. Michel Guimond: Le témoin est-il capable de répondre à une question que je n'ai pas posée? Étant donné que j'ai la parole, je vais boucler la boucle en disant qu'on devrait peut-être renvoyer les 308 députés et faire siéger les neuf juges de la Cour suprême, et tout irait bien. Je n'ai pas la prétention d'être un juge de la Cour suprême. De toute façon, je ne veux pas l'être parce que je ne veux pas avoir de récompense politique.

    Monsieur Moore, je vais vous donner une deuxième chance de me convaincre. Cela veut dire que vous n'avez pas réussi à me convaincre la première fois. De plus, dans vos réponses à des questions de collègues, vous avez utilisé ce qu'on appelle au Québec la technique de l'élastique. Vous avez un peu trop tiré l'élastique.

    Je vous donne la chance de vous corriger. Vous avez dit que même si la Cour suprême se prononçait de manière contraire à la définition, cela ne voudrait pas nécessairement dire que votre projet est inconstitutionnel, et qu'il faudrait alors qu'une autre instance se prononce. Est-ce bien ce que vous avez dit tout à l'heure à Mme Redman? Est-ce bien ce que vous vouliez dire?

  +-(1215)  

[Traduction]

+-

    M. Rob Moore: Les tribunaux de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ont fait un grand effort pour établir la distinction entre les changements à la common law et à des mesures législatives. Voici ce que je pense. D'abord, comme je l'ai dit, la Cour suprême ne s'est pas prononcée sur la définition en common law. Ensuite, selon la décision rendue et les critères utilisés, selon que la décision reflète un point de vue étroit ou un point de vue large, encore une fois, mon projet de loi ne serait pas nécessairement inconstitutionnel.

    Autrement dit, pour déclarer mon projet de loi inconstitutionnel, le comité aurait un certain nombre d'étapes à franchir. D'abord, il lui faudrait préjuger des conclusions de la Cour suprême en supposant que la définition traditionnelle en common law du mariage est inconstitutionnelle. Ensuite, le comité aurait à décider par lui-même ce que signifie exactement cette décision. Laisse-t-elle une certaine latitude? Toutes sortes d'interprétations sont possibles s'il faut répondre à cette question. Une réponse par oui ou par non n'est pas possible. À mon avis, cette décision aura des centaines de pages. Il faudrait donc brûler de multiples étapes, et je répète encore ce que j'ai dit. Nous ne connaissons pas la nature de la décision de la Cour suprême. Et, quelle que soit cette nature, il est possible qu'on ne puisse quand même pas déclarer mon projet de loi inconstitutionnel. Ce n'est d'ailleurs pas la question à laquelle nous devons répondre aujourd'hui.

    Je tiens à mentionner qu'au cours de l'échange que nous avons eu, il a été souligné que nous sommes tous députés. Je suis bien d'accord. Chacun d'entre nous, autour de la table, est député. La question à laquelle il faut répondre est la suivante : mon projet de loi émanant d'un député viole-t-il expressément et clairement la Constitution? La Cour suprême du Canada, dont c'est le rôle de répondre à de telles questions, n'a pas rendu sa décision. Par conséquent, je considère que ce serait assumer le rôle des juges de la Cour suprême du Canada que de dire, d'une part, qu'une décision a été rendue au sujet de la définition en common law et, de l'autre, que ce projet de loi particulier est inconstitutionnel.

[Français]

+-

    Le président: Je m'excuse, monsieur.

    Madame Boivin.

    Je demande aux membres du comité et au témoin de poser des questions brèves et, surtout, de donner des réponses brèves. Autrement, les députés se voient dans l'obligation d'intervenir plusieurs fois. Monsieur le témoin, on vous demande votre collaboration à vous aussi.

    Madame Boivin.

+-

    Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.): Je dois aussi dire à mon collègue Casey que je n'ai pas eu mon diplôme d'avocate dans une boîte de Cracker Jack et que j'en suis très fière.

    Cela dit, il n'existe pas de pire théorie ou de théorie plus bizarre que celle qui consiste à dire que tant d'experts-conseils disent telle chose. On peut en trouver autant pour affirmer le contraire. Selon moi, monsieur Moore, cela ne rendra pas automatiquement non claires une loi et une situation qui sont par ailleurs très claires. On peut commencer à écrire toutes sortes de choses et on peut tous citer différents principes à droite et à gauche. Cependant, M. Guimond vous disait tout à l'heure que c'était à vous de nous prouver que votre projet de loi ne transgresse pas clairement la Charte. On a des décisions des tribunaux supérieurs, des décisions finales des cours d'appel, que vous respectez, j'imagine, et on a une Charte des droits et libertés qui me semble claire. J'ai du mal à voir comment votre projet de loi n'encourage pas clairement l'inégalité, parce que vous faites une exclusion. Cela me semble très clair. Votre texte est tellement simple et tellement clairement écrit que l'inégalité ressort tout de suite quand on le lit.

  +-(1220)  

[Traduction]

+-

    M. Rob Moore: Cette question porte clairement sur le bien-fondé du projet de loi, que le sous-comité n'a pas le mandat d'examiner. Si mon projet de loi peut faire l'objet d'un vote, je m'attends bien sûr à ce qu'il y ait des députés qui votent en faveur et d'autres qui votent contre. Il y aura alors un débat sur le bien-fondé du projet de loi.

    Pour revenir à votre question, je n'ai pas à prouver que mon projet de loi est constitutionnel. Aux termes du Règlement, c'est au comité qu'il incombe de prouver que mon projet de loi est clairement inconstitutionnel. Le comité devrait répondre à cette question. Pour répondre par oui, il faudrait qu'il règle une question posée à la Cour suprême, qui n'a pas encore rendu une décision.

    Il est évident que je respecte la Charte et les tribunaux, mais ils n'ont pas encore donné une réponse. En tant que membres du comité, vous auriez à dire que vous allez répondre à la question pour eux et, ensuite, que vous allez répondre en plus à une ou deux autres questions. Comme vous le savez, on a posé à la Cour suprême une question très précise et très étroite concernant la définition en common law du mariage. Quoi qu'il en soit, c'est au comité qu'incombe le fardeau de la preuve.

[Français]

+-

    Mme Françoise Boivin: Votre projet de loi exclut des catégories de personnes.

[Traduction]

Ne le voyez-vous donc pas? Croyez-vous que ce soit légal d'exclure des gens au Canada?

+-

    M. Rob Moore: Pas du tout, je ne le vois pas ainsi. Mais, encore une fois, vous voulez discuter du bien-fondé du projet de loi...

+-

    Mme Françoise Boivin: C'est ce que nous devons décider, monsieur Moore.

+-

    M. Rob Moore: Non, vous n'avez pas à le faire.

+-

    Mme Françoise Boivin: Nous devons déterminer si c'est clairement contraire à la Charte.

+-

    Le président: À l'ordre, une personne à la fois, s'il vous plaît. La transcription de ce débat va être très difficile. Écoutons le témoin, s'il vous plaît.

+-

    M. Rob Moore: Ce n'est pas l'un des critères énoncés dans le Règlement. D'après le Règlement, vous devez déterminer si le projet de loi est clairement inconstitutionnel. Que le projet de loi soit exclusif ou inclusif, qu’il viole ou non les droits garantis par la Charte, il appartiendra aux tribunaux de le dire. Je ne suis pas ici pour défendre le bien-fondé du projet de loi. Il est évident qu'il y a des opinions arrêtées des deux cotés, mais le fait qu'une personne soit d’un avis et qu'une autre ait un autre avis sur le projet de loi n'est pas un critère à prendre en considération pour déterminer si le projet de loi peut ou non faire l'objet d'un vote.

    Une voix: Bravo!

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Godin, c'est à vous.

+-

    M. Yvon Godin: Merci, monsieur le président.

    Monsieur Moore, vous nous dites que c'est à nous de vous le prouver. Si c'était à nous de vous le prouver, vous ne seriez pas ici pour essayer de nous convaincre. Je pense que vous ne connaissez pas le Règlement. C'est à vous de nous prouver que votre projet de loi correspond aux critères.

[Traduction]

    Une voix: C'est absurde!

+-

    M. Rob Moore: Est-ce une question?

    Ma réponse, c'est que j'ai évidemment lu très soigneusement le Règlement. Je suis ici comme témoin pour discuter avec vous de vos délibérations...

+-

    M. Yvon Godin: Pour faire quoi?

+-

    M. Rob Moore: ...mais il est clair que je n'ai rien à prouver. C'est à vous de le faire. Ce sont les réponses aux quatre critères. Le comité permanent doit s'assurer que les projets de loi et les motions ne transgressent pas clairement la Loi constitutionnelle. C'est au comité qu'il incombe de le faire.

  +-(1225)  

[Français]

+-

    M. Yvon Godin: Vous êtes ici en appel. Si vous dites que ce n'est pas à nous mais à la cour de décider de l'interprétation qu'il faut donner à la loi, pourquoi avons-nous accepté de mettre dans un document un élément qui nous oblige à faire une interprétation? Quand je dis que je trouve que ce n'est pas clair, je fais une interprétation. D'une manière ou de l'autre, je fais une interprétation. Est-ce que j'ai le droit de faire une interprétation comme politicien, comme député? Selon la règle, le comité doit prendre une décision. Êtes-vous en train de dire que je n'ai pas ce droit?

[Traduction]

+-

    M. Rob Moore: En fait, vous avez parfaitement le droit d'agir aux termes des dispositions du Règlement qui ont été établies pour vous. Ce que je dis, c'est...

+-

    M. Yvon Godin: Mais, monsieur Moore, ai-je le droit d'interpréter?

+-

    M. Rob Moore: Si vous vous arrogez le droit...

+-

    M. Yvon Godin: J'aimerais avoir une réponse. Ai-je le droit d'interpréter?

+-

    M. Rob Moore: Non, vous...

+-

    M. Yvon Godin: Je n'ai donc pas le droit?

    Je n'ai pas d'autres questions à poser.

+-

    Le président: Une fois de plus, collègues, il sera très difficile de transcrire nos délibérations s'il y a plus d'une personne qui parle à la fois.

+-

    M. Scott Reid: J'invoque le Règlement, monsieur le président...

+-

    Le président: Un instant, s'il vous plaît.

    Ne voulez-vous pas laisser le témoin finir sa réponse d'abord? Je vous accorderai ensuite la parole.

+-

    M. Scott Reid: Je veux dire que j'ai l'impression qu'on demande au témoin de formuler des observations sur le mandat du comité, au lieu de formuler des observations sur l'affaire dont le comité est saisi. Je crois que cela va au-delà de ce qu'on lui demande de faire.

+-

    Le président: Le témoin peut donner la réponse qu'il veut. Si c'est ce qu'il pense, je suis sûr qu'il nous le dira.

    Veuillez poursuivre.

+-

    M. Yvon Godin: À titre de député, je prends l'initiative de soulever la question qui doit être posée.

[Français]

+-

    Le président: On laisse tomber cela, et le témoin répondra ce qu'il voudra. Allez-y.

[Traduction]

+-

    M. Rob Moore: Au sujet du renvoi, pourquoi avons-nous...? Le gouvernement aurait pu procéder de différentes manières. Il a choisi de poser une question à la Cour suprême, mais cela n'empêche pas un simple député, pas plus que le gouvernement, de présenter un projet de loi tout de suite.

    Le gouvernement pourrait déposer sa propre mesure législative aujourd'hui et attendre la décision de la Cour suprême. Aucune disposition législative ne m'empêche, comme simple député, de déposer un projet de loi traitant d'une question dont les tribunaux sont saisis.

+-

    M. Yvon Godin: Mais est-ce que cela m'empêche, comme député, de faire une interprétation selon laquelle le projet de loi est contraire à la Charte des droits? Ai-je le droit de faire cette interprétation?

+-

    M. Rob Moore: Ce que j'ai dit très clairement, c'est que c'est votre interprétation. En faisant cette distinction, vous aller au-delà de ce que fait la Cour suprême. Lorsque nous cherchons à déterminer si une disposition est constitutionnelle ou inconstitutionnelle–nous avons un ordre juridique au Canada–, la réponse se base sur des interprétations que nous, parlementaires, n'avons pas le mandat de faire.

    La question est très clairement posée à la Cour suprême, qui est le plus haut tribunal du pays. La Cour n'a pas répondu à la question. Ainsi, vous diriez que vous n'avez pas besoin d'écouter ce que la Cour a à dire, parce que vous allez répondre à la question pour elle.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Godin, est-ce que ça va pour le moment?

[Traduction]

    Madame Redman, vous êtes la suivante.

+-

    L'hon. Karen Redman: Merci, monsieur le président.

    Je crois vraiment que nous avons fait le tour de la question. Ce que j'ai à dire servira donc à clarifier un commentaire de M. Hill ainsi qu'une partie de la discussion qui s'est déroulée plus tôt.

    Je veux parler des pouvoirs, attributions et fonctions d'un ministre et, plus particulièrement, du ministre de la Justice. Je vais lire un extrait du paragraphe 4.1(1) de la Loi du ministère, qui est ainsi libellé :

[...] ainsi que les projets ou propositions de loi soumis ou présentés à la Chambre des communes par un ministre fédéral, en vue de vérifier si l'une de leurs dispositions est incompatible avec les fins et dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés, et [le ministre] fait rapport de toute incompatibilité à la Chambre des communes dans les meilleurs délais possible.

    Autrement dit, c'est une obligation à laquelle doivent se soumettre le ministre et le gouvernement pour chaque mesure législative présentée à la Chambre. Je voulais simplement le préciser. Je vous remercie.

+-

    Le président: Y a-t-il autre chose? Le témoin veut-il répondre à cela?

+-

    M. Rob Moore: Ma réponse, c'est que rien de cela n'empêche le gouvernement de présenter un projet de loi. Dans notre système judiciaire, la décision finale en matière de constitutionnalité est celle que rend la Cour suprême du Canada, indépendamment de tout avis exprimé par les avocats du ministère.

    Prenons l'exemple d'une disposition quelconque du Code criminel. Bien sûr, les avocats du ministère l'examineront et discuteront de sa compatibilité ou de son incompatibilité avec la Charte, mais la décision finale n'est rendue que lorsque la dernière cour d'appel fait connaître son jugement.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Passons au prochain. J'essaie de faire avancer les choses. Monsieur Johnston.

+-

    M. Dale Johnston: Merci, monsieur le président, je serai très bref.

    En tant que comité, nous devons prendre soin de ne pas utiliser ce critère de constitutionnalité comme un moyen commode de nous débarrasser de choses dont nous préférons ne pas nous occuper. J'espère vraiment que ce n'est pas ce qui se passe dans le cas présent.

    En outre, si les membres du comité estiment que le projet de loi ne doit pas faire l'objet d'un vote parce qu'il est inconstitutionnel, alors pourquoi ne pas permettre un vote pour laisser la Chambre se prononcer? Si la Chambre est opposée au projet de loi, elle votera contre.

    Je crois que le témoin a présenté des arguments très convaincants en faveur de son projet de loi. Très franchement, je n'ai pas l'impression que l'autre côté nous a vraiment prouvé que cette mesure est inconstitutionnelle. C'est une simple observation. Le témoin peut y répondre s'il le souhaite.

  +-(1230)  

+-

    Le président: Vous avez présenté votre argument et on y a répondu à plusieurs reprises. Avez-vous une brève réponse à donner avant que je passe à la personne suivante?

+-

    M. Rob Moore: J'apprécie le commentaire parce que je sais que, s'il y a des gens qui nous écoutent, ils peuvent avoir l'impression qu'en permettant un vote sur le projet de loi, le comité exprime son appui au projet de loi lui-même. Je suis le premier à dire que ce n'est pas le cas. C'est la raison pour laquelle nous avons un système démocratique. C'est la raison pour laquelle nous avons des votes et des consultations avec les Canadiens. Je suis le premier à le reconnaître. Il s'agit tout simplement de permettre qu'une mesure émanant d'un simple député fasse l'objet d'un débat et d'un vote à la Chambre.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Guimond.

+-

    M. Michel Guimond: J'aimerais faire une remarque concernant ce dernier commentaire ainsi que celui de M. Johnston, qui sait combien j'ai apprécié travailler avec lui lorsqu'il était whip. J'apprécie aussi travailler avec M. Hill. Bien que nous ayons parfois des divergences, nous avons de bonnes relations.

    Je veux vous dire que dans mon for intérieur, je crois que les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés ne sont pas négociables. Si on dit que cela ne doit pas respecter pas complètement le critère de la Charte, qu'est-ce qui empêchera des députés de présenter des projets de lois encourageant la discrimination fondée sur la race, la langue ou l'origine ethnique? En tant que Québécois francophone minoritaire dans votre pays, le Canada, je ne peux pas accepter cela. Cela ne fonctionne pas. Il n'y a aucune concession possible quant aux droits garantis par la Charte. C'est pour cette raison qu'il y a cet article. J'ai entendu le mot « clairement » à peu près 158 fois depuis le début de la réunion. Je veux vous dire que je suis tanné.

    Je ne jouerai pas à l'avocat, mais je vais prendre le dictionnaire. Même les personnes qui ne sont pas avocates peuvent le consulter. À la définition de « clairement », on dit qu'il s'agit d'un adverbe qui signifie « de façon claire ». Il faut maintenant aller à la définition de « clair » pour voir ce qui est clair et ce qui ne l'est pas. On dit que « clair » veut dire «  sans équivoque, évident, manifeste ».

    À l'article 15 de la Charte des droits et libertés, on dit:

     15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations...

    Les mots « indépendamment de toute discrimination » constituent le grand critère large. Cependant, les rédacteurs de la Charte ont voulu circonscrire les types de discrimination en ajoutant les mots « notamment des discriminations fondées sur la race... ». Autrement, on pourrait décider qu'une race n'est pas la bienvenue ici. Est-ce qu'on va revenir à l'époque de l'apartheid, alors que les Noirs devaient s'asseoir à l'arrière de l'autobus en Afrique du Sud?

    Je ne dis pas que votre projet de loi va dans ce sens, mais c'est pour cette raison qu'il y a des garanties. On ne peut pas faire de discrimination fondée « sur la race »--tout le monde est égal--, «  l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques ». À ma connaissance, il y a deux sexes: dans le genre humain, il y a des hommes et femmes. C'est encore une question d'opinion.

    Dans quelques minutes, je vais donner mon opinion sur votre projet de loi. Je considère votre projet de loi avec respect. Je n'ai rien contre vous, monsieur Moore. Cependant, votre projet de loi est discriminatoire parce que les plus hautes cours au Québec, entre autres, se sont prononcées: c'est l'état actuel du droit. En tant que législateur et parlementaire, pour moi, comme pour tous mes collègues parlementaires, votre raisonnement veut dire que tant et aussi longtemps que la Cour suprême n'aura pas entériné tous les projets de loi qui ne définissent pas clairement le droit... On n'arrête pas d'adopter plein de lois qui ne se rendront jamais jusqu'à la Cour suprême. Le projet de loi C-5, que nous allons adopter...

  +-(1235)  

+-

    Le président: Excusez-moi, monsieur Guimond. Il ne reste presque plus de temps pour la réponse.

    Un député: J'invoque le Règlement.

    Le président: Je ne vois pas comment vous pouvez faire appel au Règlement. Vous n'êtes pas membre du comité et vous n'êtes pas substitut non plus. Je ne peux pas vous donner la parole. Je m'en excuse.

    Monsieur Moore, si vous avez quelque chose à ajouter, faites-le rapidement. Je pense que les députés veulent se prononcer sur le dossier.

[Traduction]

+-

    M. Rob Moore: Je comprends bien ce que vous dites. De toute évidence, une partie de ce que vous avez dit porte sur le bien-fondé du projet de loi ou sur des préférences particulières que vous avez ou n'avez pas au sujet du projet de loi, s'il faisait l'objet d'un vote. Ce n'est peut-être pas une mesure que vous appuieriez à la Chambre, mais le seuil et ce que nous avons examiné ici aujourd'hui, nous l'avons dit et répété à maintes reprises... La raison pour laquelle vous entendez répéter constamment le mot « clairement », c'est que c'est le mot clé. Comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas « peut », « pourrait », « susceptible de » ou « probablement ». C'est bien « clairement », ce qui établit le seuil à un niveau élevé. Pour moi, si l'affaire avait été aussi claire que vous le dites, notre procureur général, après avoir reçu l'avis du ministère de la Justice, n'aurait pas posé la question à la Cour suprême. La Cour n'a pas donné sa réponse. Par conséquent, dans le droit canadien, ce n'est pas clair.

    Il serait ridicule de poser une question si la réponse est claire. Si la Cour suprême n'a pas encore donné sa réponse, si le procureur général a posé la question, je soutiens que nous ne devrions pas, comme parlementaires, comme comité, faire entrave au processus démocratique et empêcher un vote sur un projet de loi qui n'atteint pas se seuil, tout simplement parce que quelqu'un n'en aime pas le contenu.

+-

    Le président: Encore une fois, votre temps est écoulé depuis longtemps.

    Monsieur Hill, vous aviez une question. Est-ce la dernière? J'essaie de voir s'il y a consensus.

+-

    M. Jay Hill: C'est peut-être ma dernière question, à moins que quelqu'un d'autre veuille intervenir, ce qui soulève une autre question dans mon esprit. Quoi qu'il en soit, pour le moment, c'est la dernière question, monsieur le président.

    Je voudrais revenir à la présomption que nous avons débattue plus tôt, car je veux que cette affaire soit très claire. Si j'ai bien compris, dans l'ancien système d'examen des projets de loi émanant des députés, je crois qu'il y avait–je ne suis pas sûr du nombre–quelque chose comme 11 critères auxquels devait satisfaire le député. Comme je l'ai fait à plusieurs reprises, le député intéressé devait se présenter devant un sous-comité pour expliquer les raisons pour lesquelles son projet de loi ou sa motion devrait pouvoir faire l'objet d'un vote. Dans le nouveau système, que nous avons mis à l'essai au cours de la dernière législature, nous avons inversé le fardeau de la preuve. Nous avons décidé de considérer que tous les projets de loi émanant de députés pouvaient faire l'objet d'un vote, sauf si le sous-comité en décidait autrement sur la base de critères très étroits.

    Je ne suis donc pas d'accord avec mes collègues des deux cotés qui ont déclaré ou qui semblent insinuer qu'il incombe au témoin, au simple député de prouver que son projet de loi devrait faire l'objet d'un vote. Ce n'est pas pour en arriver là que nous avons changé le processus. Comme l'a dit le témoin, c'est au comité qu'il incombe de montrer clairement–encore une fois ce mot–que le projet de loi ne satisfait pas aux critères. Comme le témoin, je n'ai pas l'impression que le comité l’a fait.

+-

    Le président: Allons-nous...

+-

    M. Yvon Godin: Non. J'invoque le... Je ne sais pas comment l'appeler.

+-

    Le président: Je dirai que vous invoquez le Règlement.

+-

    M. Yvon Godin: J'ai toujours cru que ce sont les témoins qui comparaissent devant le comité et non le comité qui comparait devant les témoins.

+-

    Le président: Avec respect, ce n'est pas un rappel au Règlement.

    Je crois que nous discutons maintenant de la question de savoir si nous aimons les règles que nous devons appliquer. Que nous les aimions ou non, nous devons quand même les appliquer. C'est ce que nous serons appelés à faire en votant. Puis-je proposer de disposer tout de suite de la motion? Les membres pourront voter comme ils le veulent.

    La motion, ou le projet de motion, si quelqu'un veut bien la produire, propose que le premier rapport du Sous-comité sur les affaires émanant des députés soit agréé.

    Est-ce que quelqu'un veut proposer cette motion?

  +-(1240)  

+-

    L'hon. Karen Redman: Je la propose.

+-

    Le président: Avec l'appui de Mme Boivin.

    (La motion est adoptée)

+-

    Le président: Collègues, je vous en prie, j'ai besoin de votre attention pour un bref moment.

    Nous avons une question de privilège qui nous est renvoyée par la Chambre. Comme vous le savez, nous devons lui accorder la plus haute priorité. La seule raison pour laquelle nous ne l'avons pas encore abordée, c'est que nous l'avons reçue trop récemment pour pouvoir nous en occuper aujourd'hui.

    Collègues, la question de privilège concerne quelqu'un qui a distribué un livret présentant comme député un ancien député qui ne fait plus partie de la Chambre. Je propose que nous examinions cette question mardi prochain. Bien sûr, nous demanderons au député qui a soulevé la question à la Chambre de nous en parler. Il s'agit d'un collègue membre du comité.

    Ensuite, souhaitez-vous inviter la personne qui a préparé ce livret? Puis-je vous demander votre avis sur ces questions?

    Monsieur Johnston.

+-

    M. Dale Johnston: Monsieur le président, compte tenu du fait que le président des États-Unis sera ici mardi et que l'un des témoins à qui nous voudrons parler, j'en suis sûr, serait le Président de la Chambre, qui sera pris mardi, je me demande si nous ne pourrions pas reporter cela à jeudi.

+-

    Le président: Êtes-vous d'accord pour le faire jeudi au lieu de mardi? Je pense que ce serait quand même assez rapide.

    La seconde question est de savoir si vous voulez que nous fassions venir des témoins. Souhaitez-vous que le Président de la Chambre soit présent?

    Des voix: D'accord.

    Le président: Souhaitez-vous inviter la personne qui a préparé le livret?

    Des voix: D'accord.

    Le président: Très bien.

    Monsieur Guimond, vous avez demandé à prendre la parole.

[Français]

+-

    M. Michel Guimond: Avez-vous décidé pour ce qui est du Président?

+-

    Le président: Si vous êtes d'accord pour que le Président...

+-

    M. Michel Guimond: Le Président ou le greffier.

+-

    Le président: On me dit que ce serait plutôt le greffier. Monsieur Johnston, seriez-vous d'accord pour ce que ce soit plutôt le greffier? C'est normalement le greffier, à ce qu'on me dit. Ce sera donc le greffier.

    Voulez-vous que nous invitions aussi la personne qui a publié la documentation en question?

+-

    M. Michel Guimond: Dans un premier temps, j'aurais voulu suggérer le greffier et l'ancien député concerné, M. Serge Marcil. Par la suite, on pourra prendre une décision.

+-

    Le président: Si je comprends bien, on n'allègue pas que M. Marcil a publié cette documentation, n'est-ce pas? C'est une tierce partie.

+-

    M. Michel Guimond: Oui, mais cela a été jugé. Ne vous préparez pas tout de suite à me répondre que M. Marcil n'y était pour rien.

+-

    Le président: Non, non. Je ne dis rien de la sorte.

+-

    M. Michel Guimond: Le Président a jugé qu'il y avait eu usurpation du titre de député par Serge Marcil. Tel était le sens de ma question de privilège. Donc, avant de faire venir l'organisme en question, je suggérerais que, dans un premier temps, nous entendions le greffier et M. Marcil et que nous nous réservions la possibilité d'entendre des témoins additionnels.

+-

    Le président: Est-ce le souhait du comité?

    Des voix: D'accord.

    Le président: D'accord. Nous invitons donc ces deux personnes pour jeudi de la semaine prochaine.

    Y a-t-il d'autres dossiers que vous devez porter à notre attention, monsieur le greffier?

+-

    Le greffier du comité (M. Jeremy LeBlanc): Je voulais simplement vérifier si on annulait la réunion prévue pour le 30 novembre.

+-

    Le président: En raison de la visite présidentielle, nous n'aurons pas de réunion le 30 novembre.

    Cela dit,

[Traduction]

il y a un dernier point à régler avant de partir. Monsieur Johnston demande la parole.

    Monsieur Johnston.

+-

    M. Dale Johnston: J'aimerais avoir quelques précisions sur ce livret que nous devons examiner jeudi. Quand je faisais partie du Bureau de régie interne, il me semble que c'était là que ces affaires étaient examinées, à l'occasion...

+-

    Le président: Monsieur Johnston, le Président de la Chambre a rendu une décision. Il a décidé qu'à première vue, il y avait matière à privilège. Notre comité est donc saisi de cette affaire.

  -(1245)  

+-

    M. Dale Johnston: Très bien.

-

    Le président: Je demande à quelqu'un de proposer l'ajournement. Madame Redman.

    La séance est levée.