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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 1 novembre 2005




· 1355
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         M. Ian Francis (directeur général, Canadian Centre on Minority Affairs)

¸ 1400

¸ 1405
V         Le président
V         M. Ted Belman (Israpundit Blog)

¸ 1410

¸ 1415
V         Le président
V         M. Ted Belman
V         Le président
V         M. Ted Belman
V         Le président
V         M. Ted Belman
V         Le président
V         M. Ted Belman

¸ 1420

¸ 1425
V         Le président
V         M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ)
V         Le président
V         M. Ted Belman
V         M. Roger Clavet
V         M. Ted Belman
V         M. Roger Clavet

¸ 1430
V         M. Ian Francis
V         M. Roger Clavet
V         Le président
V         Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis

¸ 1435
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Mme Beth Phinney
V         M. Ian Francis
V         Le président
V         Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC)
V         M. Ian Francis

¸ 1440
V         Mme Helena Guergis
V         M. Ian Francis
V         Mme Helena Guergis
V         M. Ian Francis
V         Mme Helena Guergis
V         M. Ian Francis
V         Mme Helena Guergis
V         M. Ian Francis
V         Mme Helena Guergis
V         M. Ian Francis
V         Mme Helena Guergis
V         M. Ian Francis
V         Mme Helena Guergis
V         M. Ian Francis
V         Mme Helena Guergis
V         M. Ian Francis
V         Mme Helena Guergis
V         M. Ian Francis
V         Mme Helena Guergis
V         M. Ian Francis
V         Mme Helena Guergis
V         M. Ted Belman
V         Mme Helena Guergis
V         M. Ted Belman
V         Mme Helena Guergis
V         Le président
V         M. Ted Belman
V         Mme Helena Guergis
V         Le président
V         Mme Helena Guergis
V         Le président
V         Mme Helena Guergis
V         M. Ted Belman

¸ 1445
V         Mme Helena Guergis
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         M. Ian Francis
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Ian Francis

¸ 1450
V         Le président
V         M. Ted Belman
V         Le président
V         M. Ted Belman

¸ 1455
V         Le président
V         M. Ian Francis

¹ 1500
V         Le président
V         Le président
V         M. Allan Gotlieb (conseiller en chef, Stikeman Elliott)

¹ 1510
V         Le président
V         M. Roger Clavet

¹ 1515
V         M. Allan Gotlieb

¹ 1520
V         Le président
V         Mme Beth Phinney
V         M. Allan Gotlieb
V         Mme Beth Phinney
V         M. Allan Gotlieb
V         Mme Beth Phinney
V         M. Allan Gotlieb
V         Le président
V         Mme Helena Guergis

¹ 1525
V         M. Allan Gotlieb
V         Mme Helena Guergis
V         M. Allan Gotlieb
V         Mme Helena Guergis
V         Le président
V         Mme Beth Phinney
V         M. Allan Gotlieb

¹ 1530
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Allan Gotlieb

¹ 1535
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Allan Gotlieb

¹ 1540
V         Le président
V         M. Allan Gotlieb
V         Le président
V         M. Allan Gotlieb

¹ 1545
V         Le président
V         M. Allan Gotlieb
V         Le président
V         Le président
V         M. Andrew Cooper (directeur associé, Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale)

º 1605
V         Le président
V         M. Roger Clavet

º 1610
V         M. Andrew Cooper
V         Le président
V         M. Roger Clavet
V         M. Andrew Cooper

º 1615
V         M. Roger Clavet
V         Le président
V         Mme Beth Phinney
V         Le président
V         Mme Helena Guergis
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Andrew Cooper

º 1620
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Andrew Cooper
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Beth Phinney
V         Le président
V         Mme Beth Phinney
V         M. Andrew Cooper
V         Mme Beth Phinney
V         M. Andrew Cooper

º 1625
V         Mme Beth Phinney
V         M. Andrew Cooper
V         Le président
V         M. Andrew Cooper

º 1630
V         Le président
V         M. Andrew Cooper

º 1635
V         Le président
V         M. Andrew Cooper
V         Le président
V         M. Andrew Cooper

º 1640
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Andrew Cooper
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Andrew Cooper

º 1645
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 064 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1 novembre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

·  +(1355)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bon après-midi. En conformité du paragraphe 108(2) du Règlement et de notre ordre du jour, nous poursuivons notre examen de l'Énoncé de politique internationale du Canada.

    Nous accueillons comme témoins cet après-midi M. Ian Francis, directeur général du Canadian Centre of Minority Affairs, et M. Ted Belman, de Israpundit Blog.

    Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux.

    Nous allons commencer par votre exposé, monsieur Francis, s'il vous plaît.

+-

    M. Ian Francis (directeur général, Canadian Centre on Minority Affairs): Monsieur le président et mesdames et messieurs du comité permanent, permettez-moi de remercier le comité d'avoir invité le Canadian Centre on Minority Affairs à partager avec lui certaines idées et suggestions concernant la politique étrangère du Canada.

    L'audience de cet après-midi, à Toronto, représente un grand pas en avant pour ce qui est de faciliter la participation et de recueillir les idées de Canadiens qui ont toujours été exclus du processus d'élaboration de la politique internationale. Bon nombre d'entre nous qui connaissons bien les acteurs et les passionnés de la politique étrangère savons pertinemment que l'élaboration d'initiatives dans ce domaine est souvent centralisée à Ottawa et coordonnée par des experts en développement déconnectés de ce que pensent des citoyens canadiens ordinaires comme moi.

    J'ai rédigé un bref aperçu décrivant le Canadian Centre, mais je vais me borner à vous le présenter. Bien entendu, tous les autres renseignements figurent dans ce document.

    Le Canadian Centre on Minority Affairs a été créé en 1990 dans le but d'élaborer et de mettre en oeuvre des programmes de développement social pavant la voie à l'amélioration des conditions économiques, culturelles et sociales des communautés noire et d'origine antillaise au Canada. Le CCMA, comme on l'appelle familièrement, est une organisation non gouvernementale constituée en vertu d'une loi fédérale qui est dirigée et administrée par un conseil d'administration. Ce dernier accueille comme membres aussi bien des particuliers que des institutions. Le CCMA se veut une organisation non sexiste et non raciste.

    L'appui du CCMA à l'Énoncé de politique internationale du Canada. Le Canadian Centre on Minority Affairs souhaite affirmer publiquement son appui indéfectible aux deux grands principes qui guideront l'orientation et l'avenir de l'engagement du Canada sur la scène internationale: premièrement, promouvoir et défendre les droits individuels des citoyens dans tous les pays du monde; et deuxièmement, lutter en vue d'éradiquer la pauvreté, ce qui aura pour effet de réduire le fossé économique et de permettre à des personnes vulnérables de s'approprier la place qui leur revient de droit dans la société.

    Il ne fait aucun doute que le Canada souhaite renforcer une politique étrangère qui lui est propre par des investissements accrus au titre du développement, de la diplomatie et de la défense. Il s'agit là d' initiatives mûrement réfléchies qui déboucheront sur l'équité, voire sur la paix dans le monde.

    L'adhésion du CCMA à une politique étrangère stratégique. Le Canadian Centre on Minority Affairs adhère également à une politique étrangère canadienne juste et équitable qui reconnaît les enjeux géographiques, l'existence de la démocratie fonctionnelle et les besoins en développement; en somme,une politique susceptible de générer le succès et la viabilité.

    Cela dit, notre organisation s'intéresse particulièrement à l'influence potentielle du Canada dans les Antilles du Commonwealth. Il est important d'adopter cette perspective étant donné que certains experts en développement continuent d'épouser et de valoriser une conception très étroite et quelque peu dépassée selon laquelle le développement s'articule autour de la paix, des mines terrestres, de la guerre civile et d'autres problèmes qui sévissent présentement dans des régions géographiques spécifiques de la planète.

    Les Antilles du Commonwealth. Les Antilles du Commonwealth est une appellation qui s'applique aux îles anglophones des Caraïbes et aux nations continentales du Belize, l'ancien Honduras britannique et du Guyana, l'ancienne Guyane britannique, qui représentaient autrefois la portion antillaise de l'Empire britannique.

    Ce volume s'est uniquement intéressé aux îles des Antilles du Commonwealth, qui sont la Jamaïque, Trinité-et-Tobago; les îles du Vent, qui regroupent la Dominique, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines et Grenade; la Barbade; les îles Sous-le-Vent, soit Antigua et les Bermudes, Saint Christopher -- ci-après appelé Saint-Kitts-et-Nevis --, les îles Vierges britanniques, Anguilla et Montserrat; et les îles dites septentrionales, soit les Bahamas, les îles Caïmans, et les îles Turks et Caicos.

    Ces dix nations insulaires sont situées dans une région qui revêt une importance stratégique. Les navires marchands et les bâtiments de guerre qui quittent les ports des États-Unis en direction du Golfe du Mexique et qui se chargent, entre autres, d'approvisionner les forces de l'Organisation du Traité de l'Atlantique-Nord en temps de guerre, traversent d'étroits passages dans les Caraïbes qui constituent des goulots d'étranglement. Le bassin antillais sert aussi de lien entre les forces navales américaines opérant dans l'Atlantique-Nord et dans l'Atlantique-Sud et il représente une source d'approvisionnement névralgique en matières premières en tous genres importées par les États-Unis et d'autres pays.

    Les systèmes politiques des pays des Antilles du Commonwealth sont stables. Ces derniers ont tous hérité de solides traditions démocratiques et de régimes de gouvernement parlementaires inspirés du modèle de Westminster. En règle générale, la succession politique s'est déroulée dans un contexte pacifique et démocratique. Par exemple, le parlement de la Barbade a surmonté sans heurt le décès en cours de mandat des premiers ministres J.M.G.M. « Tom » Adams, en 1985, et Errol Barrow, en 1987.

    En même temps, la nature multi-insulaire d'un grand nombre de ces pays les rend particulièrement vulnérables à la fragmentation. Les Britanniques avaient espéré atténuer la vulnérabilité des petites îles en les intégrant à des États plus grands et plus viables. Cette politique a suscité un profond ressentiment chez les petits partenaires de ces unions, qui ont accusé les grandes îles de les négliger.

    Le cas le plus litigieux a été celui de l'un des anciens membres de la West Indies Federation, Saint-Kitts-et-Nevis-Anguilla. En 1967, les habitants d'Anguilla ont chassé la force constabulaire kittitienne de l'île et peu de temps après, ils ont déclaré l'indépendance. En dépit du débarquement de troupes britanniques sur l'île deux ans plus tard, Anguilla a continué à résister à la fusion avec Saint-Kitts-et-Nevis. Finalement, les Britanniques ont cédé devant la volonté de la population d'Anguilla et ils ont administré l'île en tant que dépendance séparée.

    Le séparatisme a aussi dominé à Nevis. Dans ce cas, on a réglé le problème en accordant aux Névisiens une grande autonomie locale et en leur garantissant dans la constitution un droit de décision.

    Le trafic des stupéfiants représente une menace additionnelle pour les régimes politiques des îles. De plus en plus, les Caraïbes sont une plaque tournante pour le transbordement des stupéfiants de l'Amérique latine vers les États-Unis. Les trafiquants de drogues offrent des pots-de-vin aux dirigeants caraïbéens pour assurer un passage sûr à leurs produits dans la région. Les exemples de dirigeants disposés à conclure de tels arrangements sont nombreux. Ainsi, en 1985, un jury de Miami a reconnu coupable le ministre en chef des îles Turks et Caicos, M. Norman Saunders, de s'être rendu aux États-Unis pour participer au commerce de stupéfiants. Un an plus tard, un rapport du gouvernement de Trinité-et-Tobago impliquait des membres du cabinet, des douaniers, des policiers et des dirigeants de banque dans une conspiration en vue d'acheminer de la cocaïne par bateau aux États-Unis. L'ancien premier ministre des Bahamas, M. Lynden O. Pindling, a fréquemment été accusé d'avoir personnellement profité du trafic de la drogue, accusations qu'il a niées avec véhémence jusqu'à sa mort.

    Et pourtant, les plus grands défis qui se posent aux Antilles du Commonwealth en 2005 ne sont pas d'ordre politique, mais économique. Autrefois dominante, l'industrie du sucre a été minée par une production inefficiente, un rendement à la baisse, une érosion constante du cours mondial et une réduction substantielle des quotas d'importation en Europe et en Amérique du Nord. Le taux de chômage dans la plupart des îles tourne autour des 20 p. 100, un pourcentage qui serait beaucoup plus élevé n'eût été l'émigration constante de ressortissants antillais vers la Grande-Bretagne, les États-Unis et le Canada.

    Paradoxalement, comme le système d'éducation des îles a été incapable de former une main-d'oeuvre compétente apte à intégrer une société technologiquement complexe, de nombreux emplois pour travailleurs qualifiés et professionnels sont demeurés vacants. En outre, les îles ne sont pas en mesure de produire la plupart des biens d'équipement nécessaires au développement et à la croissance économiques. L'importation de tels biens se traduit par un déficit au compte de la balance des paiements et par une hausse de l'endettement extérieur.

    En ce qui concerne le raffermissement de la coopération entre le Canada et les Antilles du Commonwealth dans le contexte de l'Énoncé de politique internationale du Canada, il faut savoir que le troc et le commerce entre le Canada et les pays des Antilles du Commonwealth ont débuté à la fin du XVIIe siècle et n'ont guère changé depuis.

    Les pays de la région ayant accédé à l'Indépendance au fil des 30 dernières années, celle-ci a ouvert la voie à des relations diplomatiques mieux définies au plan des affaires bilatérales et, dans une moindre mesure, multilatérales. Les nations indépendantes des Antilles du Commonwealth ont très bien servi le Canada, particulièrement dans les institutions multilatérales dont le Canada est aussi membre et où les votes sont importants.

    Ces dernières années, on a constaté une plus grande visibilité des Antilles du Commonwealth au Canada grâce à la présence de diplomates et de représentants consulaires et, bien entendu, à l'immigration. Cette multiplication des activités a permis de renforcer les relations culturelles, sportives et autres qui revêtent énormément d'importance pour nouer et promouvoir les relations entre États au niveau bilatéral.

    Mais l'éloignement croissant entre le Canada et les Antilles du Commonwealth est assez évident. La frustration engendrée par cet éloignement et par l'attitude de plus en plus condescendante du Canada à l'égard de la région a récemment été exprimée à Toronto par le premier ministre de la Grenade, M. Keith Mitchell, et la conseillère spéciale du Canada pour la Grenade, l'honorable Jean Augustine.

¸  +-(1400)  

    La réaction inadéquate du Canada, qui n'a pas jugé bon de proposer un programme d'aide bilatérale dans la foulée de la dévastation engendrée par l'ouragan Ivan, est une source de préoccupation. L'annonce réchauffée d'un don de 10,6 millions de dollars à la Grenade s'inscrit dans le cadre d'une aide multilatérale qui ne sera pas acheminée aux personnes dans le besoin.

    Chose certaine, l'honorable Jean Augustine a tout à fait raison de dénoncer le traitement inégal qu'on lui a réservé en tant qu'envoyée spéciale du Canada pour la Grenade. Si l'on examine de près les ressources et le soutien accordés à l'honorable Denis Coderre en Haïti, ainsi que l'appui financier consenti par le gouvernement du Canada à deux conférences organisées par la communauté haïtienne à Montréal, on ne peut que constater que les efforts en vue de tenir un événement analogue sur la Grenade se sont heurtés à un refus catégorique de la part des gourous de la division des Caraïbes du ministère des Affaires étrangères. Les Caraïbes ne sont pas traitées sur un pays d'égalité, et tant le premier ministre du Canada que son ministre des Affaires étrangères doivent intervenir sans délai pour s'assurer que les Antilles du Commonwealth, et en particulier la Grenade, sont traitées de façon juste et équitable. En effet, il est triste et navrant de constater que l'aréopage des gourous des Antilles du Commonwealth au Canada demeure en place et intact.

    Les Antilles du Commonwealth sont une région géographique unique caractérisée par la démocratie, l'absence de conflits civils, de solides institutions, une population autonome et de nombreux autres atouts qui peuvent s'intégrer avec succès dans diverses stratégies de développement appuyées par le Canada.

    Le premier ministre Martin doit suivre l'exemple de quatre anciens premiers ministres: MM. Diefenbaker, Mulroney, Trudeau et Chrétien. Ces derniers ont compris la nécessité d'entretenir de bonnes relations avec les démocraties les plus fragiles dans le monde et ils ont toujours fourni aux nations des Antilles du Commonwealth les ressources bilatérales nécessaires pour asseoir et favoriser la croissance individuelle de leurs économies et maintenir la tradition démocratique.

    Le Canada devrait voir dans ces initiatives de politique étrangère une occasion de promouvoir et d'appuyer un modèle de développement bilatéral qui, dans les Antilles du Commonwealth, viserait à éradiquer la pauvreté, à améliorer la sécurité, à accroître l'emploi, à favoriser le commerce et à préparer le terrain pour nos jeunes. Il est impossible d'atteindre les objectifs de développement à l'aide d'une approche strictement multilatérale, contrairement à ce que voudraient nous faire croire les multilatéralistes au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et à l'Agence canadienne de développement international.

    Les décisions du Canada d'acheminer son aide au développement par le biais d'institutions multilatérales comme la Banque de développement des Caraïbes, le CARICOM et l'Organisation des États des Caraïbes orientales signifient que l'aide ne sera pas nécessairement dirigée vers les plus démunis. On dit souvent que l'aide multilatérale ne rejoint pas ceux qui en ont besoin. Elle se retrouve dans les poches des consultants et des experts dont les volumineux documents suscitent souvent déroutants et perçus comme des marchandises recyclées.

    Je préconise une approche bilatérale constructive et viable à l'égard des Antilles du Commonwealth. Le Canadian Centre on Minority Affairs présente les recommandations suivantes au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

    Dans le contexte de la concentration sectorielle et géographique de son programme d'aide, il faut que le Canada fasse des Antilles du Commonwealth une priorité centrale de l'aide bilatérale accrue axée sur divers pays et secteurs. Il convient d'établir un processus de consultation authentique et transparent avec les divers acteurs dans les Antilles du Commonwealth en vue de déterminer les priorités du secteur. Il est injuste pour les intervenants de la région que les secteurs prioritaires soient déterminés par les fonctionnaires responsables de l'aide à l'Agence canadienne de développement international, qui sont souvent déconnectés de la réalité.

    S'agissant de l'agriculture, la région des Antilles du Commonwealth a une population fortement rurale qui dépend énormément de l'agriculture pour sa survie quotidienne. Le volet développement de l'Énoncé de politique internationale, qui propose l'abandon par l'ACDI de sa politique de développement agricole et rural, doit être remanié. Cette politique doit être conservée.

    En ce qui concerne la société civile, l'Énoncé vante avec enthousiasme le développement, l'innovation et l'excellence dans la société civile, mais les Canadiens de race noire et d'origine antillaise ainsi que d'autres communautés au profil racial diversifié n'ont pas un accès égal au mécanisme de projets de l'ACDI et aux autres ressources de financement qui pourraient servir à assurer la participation des communautés canadiennes de toutes origines au processus d'élaboration des mesures de développement .

    Pour ce qui est des initiatives pour la jeunesse, le rôle du Canada dans les pays des Antilles du Commonwealth à l'appui d'initiatives favorables aux jeunes doit déborder le cadre du Programme du Commonwealth pour la jeunesse. Il faut déployer des efforts pour s'assurer que le ministère des Affaires étrangères et l'Agence canadienne de développement international administrent les programmes de stages pour les jeunes en toute équité. Il existe de multiples possibilités d'effectuer des placements adéquats dans les Antilles du Commonwealth, et les organisations regroupant des Canadiens de race noire et d'origine antillaise doivent être invitées à poser leur candidature pour ces programmes.

¸  +-(1405)  

    La technologie. Le gouvernement du Canada a la possibilité d'appuyer des initiatives locales axées sur la technologie dans les Antilles du Commonwealth. L'Institut pour la connectivité dans les Amériques, créé à l'occasion du Sommet des Amériques tenu à Québec, a perdu le cap. Une trop grande part du financement est concentrée dans les pays hispanophones. Il faut s'attacher au sort des Antilles du Commonwealth.

    Diversité et politique étrangère. Le racisme systémique demeure un obstacle fondamental dans la politique internationale du Canada. Si le racisme systémique continue de sévir, le Canada ne réussira pas à faire de l'expression de la diversité l'un des pierres angulaires de sa politique étrangère. Un dialogue national s'impose.

    Malheureusement, monsieur le président, je ne peux tout commenter dans le court laps de temps dont je dispose pour mon exposé. Toutefois, je vous remercie, ainsi que vos collègues du comité, d'avoir eu l'obligeance de m'écouter, et je vous souhaite bonne chance dans vos travaux.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Francis. Nous allons maintenant passer à M. Belman, je vous prie.

+-

    M. Ted Belman (Israpundit Blog): Monsieur le président et mesdames et messieurs du comité, je suis le rédacteur en chef de Israpundit, un blogue pro-Israël. À ce titre, je représente un nombre considérable de personnes qui sont fort mécontentes de la politique du gouvernement du Canada à l'égard du Moyen-Orient, et plus encore de celle des Nations Unies, qui en est le fondement.

    J'ai lu d'un couvert à l'autre le document intitulé « Positions canadiennes sur les questions principales du conflit israélo-palestinien » et j'ai soumis un mémoire qui démontre précisément qu'il n'est pas fondé sur les faits et la réalité. Il y a énormément d'interprétation partisane dans ces positions qui vont plus loin que les résolutions des Nations Unies. En principe, il n'y aurait rien de condamnable à adhérer aux résolutions d'une organisation comme les Nations Unies, mais en réalité, cela pose de grandes difficultés.

    Pour commencer, le Canada souscrit à trois grands principes du droit criminel. Premièrement, la présomption d'innocence. Deuxièmement, si une décision est rendue par un tribunal qui n'est pas impartial, on n'en tient pas compte. Elle n'est pas acceptée et n'est pas considérée comme une décision juste. Troisièmement, toutes les précautions sont prises pour s'assurer que le système judiciaire n'est pas mû par le désir de vengeance qui anime une foule en colère réclamant un lynchage. Si quelqu'un doit être lynché, il faut que ce soit à la suite de l'application régulière de la loi.

    A propos de ce document, je tiens à préciser d'entrée de jeu que les Nations Unies sont l'organisation la plus viciée, la plus partiale et la plus susceptible qui soit d'entretenir des opinions préconçues. Et pourtant, le Canada avalise servilement toutes ses décisions comme si elles étaient dignes de respect. Dans cet esprit, il cite aussi des résolutions en tous genres adoptées par l'ONU en leur accordant davantage de légitimité que la charte de celle-ci ne leur en confère. Les résolutions de l'Assemblée générale sont uniquement des recommandations qui ne lient aucune partie. Quant aux résolutions du Conseil de sécurité, elles sont uniquement exécutoires si elles sont conformes au chapitre 7 de la charte. Si elles tombent sous le coup du chapitre 6, ce qui est le cas de la plupart d'entre elles, elles ne sont ni punitives ni exécutoires.

    En soi, l'ONU est contrôlée par des intérêts pétroliers dominants. Soit vous avez du pétrole, soit vous y êtes assujetti. Cette organisation a pu obtenir des votes majoritaires pour satisfaire à tous les voeux des pays pétroliers, en majorité arabes, et elle est célèbre pour la résolution associant le sionisme au racisme.

    Sa Commission des droits de la personne a identifié Israël comme étant le perpétrateur de 40 p. 100 de la totalité des violations des droits humains dans le monde. On parle ici d'un petit pays comme Israël. Et si l'on se penche sur l'ensemble des résolutions adoptées par cette instance, on constate qu'elles visent excessivement Israël. Il existe à l'ONU un grand nombre d'entités dont l'unique raison d'être est de diaboliser Israël. J'en veux pour exemple la conférence antisémite tenue à Durban, dont l'organisation a été assumée en grande partie par les Nations Unies. Personne ne voudrait cautionner cet événement et s'identifier à ses organisateurs. Et la liste est longue.

¸  +-(1410)  

    On pourrait parler du scandale du pétrole, de la corruption sous toutes ses formes, du versement de dessous-de-table en contrepartie d'appuis politiques, de reportages favorables dans les journaux, et ainsi de suite. Pourtant, le Canada adopte une attitude très révérencieuse et semble accepter ces résolutions comme si elles étaient l'oeuvre de Dieu, comme si elles étaient en quelque sorte irréprochables et dignes de respect. À mon avis, les faits prouvent le contraire. La position du Canada n'est guère plus reluisante que la position délétère des Nations Unies et pourtant, vous continuez à faire la promotion de ces idées.

    Au sujet du droit international, quelqu'un a déjà dit qu'il n'était ni international ni un droit. Et pourtant, toute la communauté mondiale reproche à Israël ses violations du « droit international ». Qu'est-ce que le droit international? En règle générale, il s'agit de l'ensemble des traités auxquels ont adhéré divers pays, et l'un de ces traités est la Convention de Genève. Cela est mentionné dans votre document.

    La Convention de Genève lie uniquement les hautes parties contractantes — c'est-à-dire les parties qui l'ont signée — et elle s'applique uniquement à leurs territoires. C'est dans le document. Et pourtant, les Nations Unies font fi de cela, tout comme votre document d'ailleurs. On applique la Convention de Genève aux territoires, qui ne sont ni un État ni les territoires d'une haute partie contractante. Légalement, la Convention ne s'applique pas, mais cela ne dérange en rien ni les Nations Unies, ni le Canada. C'est une arme dont on se sert pour s'attaquer à Israël.

    De quel autre droit international est-il question? Je n'en sais rien. Et pourtant, tout le monde parle de violations du droit international en faisant la grimace.

    De plus, le Canada défend le principe du droit d'Israël à la légitime défense, mais comme il fait tout son possible pour limiter l'expression de ce droit, les déclarations de nos porte-parole ne sont pas crédibles. Ainsi, ils disent qu'Israël peut se défendre, mais en prenant des moyens proportionnés. Voilà le premier problème. Comment pouvons-nous mettre un terme à tout cela en ayant une réponse proportionnée?

    Vous tenez pour acquis qu'un processus de paix est en cours. Vous tenrez pour acquis que la loi et l'ordre règnent dans la région et qu'Israël y porte atteinte par sa réponse excessive, au lieu de reconnaître qu'une guerre fait rage depuis 100 ans et que les Arabes sont voués à la destruction d'Israël. Un grand nombre de dirigeants arabes -- et pas uniquement ceux de la communauté palestinienne--, expriment ce objectif. Plus particulièrement, la communauté palestinienne exprime son désir et son intention de détruire Israël. Cette attitude ne se limite pas uniquement aux groupes identifiés comme terroristes. C'est aussi la volonté de l'OLP, ce que reconnaît votre document.

    La célèbre poignée de mains entre les représentants des deux parties sur la pelouse de la Maison blanche il y a une douzaine d'années a été précédée par un document signé par Arafat dans lequel il était mentionné que l'OLP allait modifiert sa charte, qui prévoit la destruction d'Israël. Or, la charte de l'OLP n'a jamais été modifiée.

    Le Canada reconnaît l'OLP, une organisation dont la charte renferme une disposition affirmant que sa raison d'être est la destruction de l'État d'Israël. C'est aussi le cas du Hamas et d'autres groupes.

    Pour autant que l'on veuille ardemment identifier un groupe séparé de prétendus terroristes, le fait demeure que ces derniers vivent au sein de la communauté palestinienne et que celle-ci accepte leur action et adhère à leur objectif ultime. En fait, des sondages récents menés auprès de la population palestinienne révèlent que plus de 60 p. 100 des Palestiniens appuient le recours à la terreur pour réaliser leur objectif. Cela a toujours été considéré...

¸  +-(1415)  

+-

    Le président: À ce propos, pouvez-vous fournir au comité...

+-

    M. Ted Belman: Je peux vous fournir...

+-

    Le président: J'apprécierais que vous le fassiez étant donné que c'est la première fois que nous entendons cela.

+-

    M. Ted Belman: Oui, plus de 60 p. 100.

+-

    Le président: Nous sommes opposés au terrorisme, mais je voulais seulement... Désolé de vous avoir interrompu.

+-

    M. Ted Belman: Je vais vous fournir cela.

+-

    Le président: Merci.

    Poursuivez, monsieur Belman.

+-

    M. Ted Belman: Je peux étayer tout ce que j'ai dit ici.

    Les Palestiniens appuient sans réserve ce mouvement de destruction. C'est écrit dans la charte du Hamas.

    Israël doit composer avec le principe général suivant: tout le monde veut sa destruction. L'Occident veut détruire Israël; les États-Unis veulent détruire Israël. Voilà qui vous étonnera.

    À l'appui de ce document, je peux vous dire que depuis 1948... Tout d'abord, avant 1948, la Grande-Bretagne souhaitait empêcher la création d'Israël. Après 1948, le département d'État des Etats-Unis voulait voter contre la création d'Israël, et seule l'intervention de Harry Truman a convaincu les Amériains de donner leur aval. Le département d'État américain a toujours essayé de freiner la croissance d'Israël, son indépendance, et ainsi de suite. Tout ce qui figure dans ce document vient étayer mes propos. Le département d'État a forcé Israël à retirer ses troupes après la guerre de 1973 et à reculer après la guerre de 1967. De son point de vue, Israël est un emmerdeur que l'Occident se doit de soutenir, pour diverses raisons. Et pourtant, il aimerait beaucoup se débarrasser du problème que représente à ses yeux Israël. Israël est trop problématique. À cet égard, j'affirme que l'Occident serait plus heureux si Israël n'existait pas.

    Le Canada s'intéresse particulièrement à la question des réfugiés. Malheureusement, il va plus loin que le texte des résolutions des Nations Unies. La résolution la plus importante est la résolution 194, qui a été adoptée par l'Assemblée générale, mais ce n'est qu'une recommandation, et non une loi. Dans cette résolution, l'Assemblée générale affirme qu'il y a lieu de permettre aux Palestiniens de rentrer dans leurs foyers. Le Canada est allé plus loin et a déclaré que ce droit de retour doit être exercé. Tout à coup, on emploie le terme « doit » alors que dans la résolution elle-même, dans sa version anglaise, on se borne à dire « devrait ». Le monde entier reconnaît que l'exercice du droit de retour se traduirait, en soi, par la destruction d'Israël pour des raisons démographiques. Personne ne le conteste. Pourtant, votre document préconise le droit de retour. Comme vous appuyez spécifiquement le droit de retour, je ne peux que conclure que vous préconisez la destruction d'Israël. En l'occurrence, il n'y a pas de demi-mesure.

    En outre, on ajoute que la résolution 242 et toutes les résolutions subséquentes de l'Assemblée générale affirment le droit de retour. La résolution 242, qui émanait du Conseil de sécurité, n'a jamais affirmé cela. Elle déclarait seulement que le sort des réfugiés serait décidé lors de discussions sur le statut final des réfugiés. Il n'était pas question de réfugiés palestiniens. Or, dans votre document, on met l'accent sur les réfugiés palestiniens. Dans leurs résolutions, les Nations Unies n'ont jamais même mentionné le terme « palestinien »; il y était simplement question de réfugiés. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais après la guerre de 1948, on a dénombré 800 000 réfugiés juifs qui avaient été expulsés des territoires palestiniens après qu'on leur ait confisqué tous leurs biens. Leur nombre dépasse celui des réfugiés palestiniens.

    Le Canada a préféré identifier ce problème comme un problème concernant uniquement les réfugiés palestiniens, mais aucune des résolutions ou des lois pertinentes ne vise à strictement parler les réfugiés palestiniens. Je vous pose donc la question: Pourquoi pas? Pourquoi cette discrimination contre les réfugiés juifs?

    Qui plus est, la déclaration d'Oslo n'identifiait pas non plus les réfugiés palestiniens — et ce, aussi récemment qu'en 1993. On y disait simplement que le problème des réfugiés serait réglé lors de discussions finales. C'est tout.

    Au sujet de la clôture, après avoir convenu qu'Israël avait le droit à la légitime défense, vous lui refusez le droit de l'ériger là où elle serait le plus efficace. C'est illogique. Le Canada insiste pour que la clôture suive le tracé de ce que l'on appelle la ligne verte. C'est simplement une ligne d'armistice; ce n'est absolument pas une frontière. Je ne sais pas comment on peut privilégier la ligne verte par rapport à toute autre ligne. Mais dans une perspective de défense, elle doit entourer les collectivités juives; c'est uniquement de cette façon que l'on peut appuyer le droit à la légitime défense d'Israël. D'ailleurs, la cour suprême d'Israël a reconnu que ce moyen de défense est légale; sous réserve de certains ajustements quant à son emplacement, elle en a accepté la légalité. Et pourtant, le Canada continue de préconiser que cette clôture ne soit pas érigée autour de ces communautés, ce qui, à mon avis, porte atteinte au droit à la légitime défense d'Israël. Voilà un autre problème inhérent à la position canadienne.

¸  +-(1420)  

    Je conclurai mes remarques avec un autre fait: ce document ignore le contexte et ignore l'histoire. La position qu'il énonce se fonde sur les résolutions d'une organisation aussi viciée et partiale que l'ONU, comme si elles étaient sacro-saintes.

    Je vous rappellerai simplement une chose: Israël qualifie ces territoires de territoires contestés, et pourtant dans le monde entier, il est acquis qu'il s'agit de « territoires palestiniens ». Pourtant la Palestine n'a jamais existé et le peuple palestinien n'a vu le jour qu'après la guerre de 1967. Or, on ne sait trop comment, mais ces territoires qui faisaient partie du mandat britannique, sont considérés comme des territoires palestiniens. Le mandat britannique a été approuvé par les Nations Unies et est devenu partie intégrante de sa charte. En vertu de celui-ci, ces terres, y compris la Cisjordanie et les territoires, en totalité, étaient conservées en fiducie pour le peuple juif. C'est le libellé employé: en fiducie pour le peuple juif, pour assurer l'installation de Juifs dans le pays. On ne parle pas des Juifs et des Arabes, mais exclusivement l'installation de Juifs dans le pays.

    Les Juifs ont donc légalement le droit de s'installer en Cisjordanie. Il est possible qu'ils abandonnent ce droit -- c'est une autre question--, mais la Charte des Nations Unies leur confère le droit légal de s'y installer. Or, la politique canadienne se fonde sur la prémisse voulant que les colonies soient illégales, d'une façon ou d'une autre. Je conteste cela également. Je peux étayer tous mes propos au moyen de documents.

    Merci.

¸  +-(1425)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Belman.

    Nous allons maintenant passer aux questions et réponses.

    Nous allons commencer avec M. Clavet. Ensuite, ce sera au tour de Mme Phinney.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci, monsieur Belman et monsieur Francis.

    Ma question s'adresse à M. Belman. Dans l'argumentation présentée, vous avez des mots très durs. Vous n'allez sûrement pas trouver chez un représentant du Bloc québécois quelqu'un qui va appuyer sans réserve l'énoncé de politique canadienne. Toutefois, je vous entends dire que l'énoncé de politique canadienne, et par conséquent le Canada, favorise la destruction d'Israël. Je trouve que cela est un peu fort, de la même manière que nous, souverainistes, nous nous faisons reprocher de vouloir détruire le Canada. Il y a une analogie que je ne pouvais manquer de soulever. Je connais très peu de gens, mis à part des terroristes, qui expriment le désir de détruire une autre peuple. Il y a toute une nuance à apporter. Vous avez affirmé que la Palestine n'a jamais existé, mais il y a sûrement des Palestiniens qui existent.

    Je voulais savoir ceci. Lorsque vous affirmez que le droit d'Israël à l'autodéfense n'est pas protégé — et je ne le dispute pas dans l'énoncé politique —, comment auriez-vous aimé que le Canada le protège, l'appuie?

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Belman.

+-

    M. Ted Belman: Eh bien, si l'on considère qu'une guerre est en cours... À ce propos, les statistiques révèlent qu'il y a eu plus de 20 000 attentats terroristes au cours des cinq dernières années. On entend parler uniquement de ceux qui sont couronnés de succès, mais il y en a eu 20 000. Je vous invite à diviser ce chiffre par le nombre de jours; vous serez alors convaincus qu'une guerre est en cours.

    Une guerre fait rage en Iraq aussi, et je n'ai jamais lu nulle part que l'Amérique ne devrait pas utiliser une force disproportionnée. L'aviation américaine bombarde des maisons qui servent de refuges aux insurgés. Les forces américaines font exactement les mêmes choses que les forces israéliennes et personne n'envisagerait de leur dire qu'elles ne devraient pas agir ainsi. Israël est dans la même position. C'est la guerre, et nous devons nous défendre, non pas de façon à maintenir le statu quo, mais de façon à gagner cette guerre.

+-

    M. Roger Clavet: De quelle façon le Canada pourrait-il mieux appuyer le droit à la légitime défense d'Israël? Existe-t-il un meilleur moyen de le promouvoir et de l'appuyer?

+-

    M. Ted Belman: Il faudrait cesser de critiquer Israël lorsqu'il se borne à se défendre. Il faudrait tenir pour acquis que le gouvernement démocratiquement élu d'Israël fait ce qu'il doit faire. Si l'on est honnête au sujet de l'action d' Israël, on est forcé de conclure que son gouvernement est aussi valable que n'importe quel autre.

+-

    M. Roger Clavet: Merci.

[Français]

    Monsieur Francis, vous avez mentionné des incidences de racisme systémique à l'égard de pays du Commonwealth, notamment les Caraïbes. Je voudrais que vous détailliez un peu ce qu'on entend par le racisme systémique.

    On entend souvent des allégations de toutes sortes à propos de plusieurs pays. Comment définissez-vous le racisme systémique? Quelles formes peut-il prendre?

¸  +-(1430)  

[Traduction]

+-

    M. Ian Francis: C'est assez évident. Nous savons qu'il existe dans la société canadienne ce qu'on appelle la discrimination systémique, le racisme systémique. C'est un fait connu. D'ailleurs, des études effectuées par le gouvernement fédéral et par différentes personnes en ont toutes convenu. Si l'on approfondit quelque peu les choses, on voit le Canada comme une société multiculturelle, une société très diversifiée, mais cette diversité ne se reflète pas dans les institutions du pays.

    Cela s'explique par la présence de certains obstacles. Prenons le cas du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ou de l'Agence canadienne de développement international, qui oeuvrent dans des sociétés diversifiées au plan racial dans le monde entier. Allez simplement visiter le consulat du Canada dans une ville comme Détroit. Vous n'y verrez pas de gens comme moi.

    Si vous entrez au consulat des États-Unis à la Barbade, vous verrez qu'en dépit de leurs problèmes, les États-Unis ont suffisamment de bon sens pour savoir qu'il est important d'avoir une représentation proportionnelle d'Afro-Américains.C'est une question de volonté politique. Il y a aussi des gens très actifs dans les ambassades à Trinité.

    Je voudrais revenir sur la comparaison entre Haïti et la Grenade. Les deux conseillers spéciaux ont été nommés à peu près en même temps. Certes, les liens et l'histoire qui unissent Haïti et le Canada sont différents. Mais ne venez pas me dire que Denis Coderre, le conseiller spécial pour Haïti, doit aller au ministère, sur la promenade Sussex, et supplier les bureaucrates pour obtenir 5 000 $. Mme Augustine doit le faire.

    Il existe une disparité. Il existe un problème, et il confirme nos propos. Certes, tout le monde dit que le Canada est une société très tolérante; effectivement, nous le savons tous. Mais il existe aussi chez nous une zone d'ombre en ce qui concerne la question de la discrimination systémique — comment le système fonctionne derrière des portes closes, là où il n'y a ni transparence ni surveillance.

    J'espère avoir répondu à votre question.

+-

    M. Roger Clavet: Tout à fait. Merci beaucoup.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci beaucoup.

    Ma question s'adresse à M. Francis. Pouvez-vous me dire — la mémoire me fait défaut — quel est le nom de l'organisation qui représente tous les pays des Caraïbes? Ces derniers travaillent de concert dans le domaine économique...

+-

    M. Ian Francis: Oui, il y a deux organisations. Le CARICOM a son siège social au Guyana. Ses membres s'attachent essentiellement à soutenir la modeste économie de marché des Caraïbes. Pour ce qui est des pays les moins développés, ils bénéficient d'une organisation des États antillais qui comprend les îles du Vent et les îles Sous-le-Vent.

+-

    Mme Beth Phinney: D'accord.

    Je ne suis pas exactement neutre dans ce dossier étant donné que je suis une très bonne amie de Jean Augustine. Je suis allée plusieurs fois à la Grenade.

+-

    M. Ian Francis: Je le sais. Je vous ai déjà rencontrée. Je suis venu à l'un de vos barbecues en sa compagnie il y a un an ou deux.

+-

    Mme Beth Phinney: C'est juste.

    Je suis aussi allée à la Grenade plusieurs fois. Récemment, l'île a été frappée assez durement par un ouragan...

+-

    M. Ian Francis: Deux ouragans.

+-

    Mme Beth Phinney: ...et il n'y en avait pas eu depuis 50 ans environ.

+-

    M. Ian Francis: Effectivement. Le dernier, l'ouragan Janet, remontait à 1955.

+-

    Mme Beth Phinney: La Grenade a-t-elle été l'île la plus durement touchée de toutes?

+-

    M. Ian Francis: Oui. L'ouragan Ivan a d'abord frappé la Grenade il y a environ un an. Il était alors classé de catégorie 4. Il a endommagé environ 98 p. 100 de l'île, détruisant des maisons et dévastant le secteur agricole. Les forces de sécurité étaient débordées. Des postes de police se sont effondrés. Même le Service national de secours d'urgence a perdu son immeuble. C'était le chaos.

+-

    Mme Beth Phinney: Le Canada a envoyé de l'argent au CARICOM, je pense.

+-

    M. Ian Francis: Nous ne parlons pas du CARICOM — eh bien, le Canada a d'abord...

+-

    Mme Beth Phinney: De quelle organisation s'agissait-il? C'est ce que je voulais savoir.

+-

    M. Ian Francis: Peu de temps après le passage de l'ouragan, le premier ministre de la Grenade est venu en visite ici. Il a rencontré Mme Aileen Carroll et il a sans doute rencontré quelqu'un d'autre au ministère des affaires étrangères. Le Canada a annoncé précipitamment qu'il envoyait une contribution de 4,6 millions de dollars à la Grenade. Il ne s'agissait pas de fonds d'aide bilatérale. Cet argent devait essentiellement servir à mettre sur pied l'agence chargée de la reconstruction et du développement. Autrement dit, il sert à payer des salaires et à financer les coûts d'opération.

    Ensuite, le gouvernement a versé certaines sommes à la Croix-Rouge. Puis, par l'entremise de son fonds d'initiative locale à la Barbade, il a distribué des sommes dérisoires à quelques ONG ici et là. Cette contribution n'a pas eu pour la population de la Grenade l'incidence qu'elle aurait normalement dû avoir après une catastrophe.

    Par exemple, nous avons vu ce qui s'est passé dans le cas du tsunami. Nous avons aussi vu récemment ce que l'on a fait pour les Pakistanais. Non seulement cela...

¸  +-(1435)  

+-

    Mme Beth Phinney: Comment évaluez-vous ce qui s'est passé à la Grenade?

+-

    M. Ian Francis: Non, non, il ne s'agit pas de faire une évaluation, mais nous disons qu'il y a lieu de formuler certaines hypothèses à partir de ce qui s'est passé. Certaines initiatives ne sont pas le fruit du hasard. Le premier ministre est parti d'Ottawa avec M. Pettigrew et d'autres ministres de premier plan pour se rendre dans une mosquée parler à la communauté pakistanaise. Ce n'est pas un hasard. De telles initiatives visent un but très précis. Et je ne dis pas que l'aide qu'il faut fournir aux victimes du tsunami devrait être comparable à celle qu'a reçue la Grenade. Notre argument, c'est que nous savons qu'après une catastrophe majeure, il est toujours préférable d'instaurer un programme bilatéral. Le Canada dispose de la structure, des ressources et des mécanismes nécessaires pour gérer un programme bilatéral valable. Ce n'est pas comme il y a 20 ans, à l'époque où le Canada n'avait pas de haut-commissariat à la Barbade.

+-

    Mme Beth Phinney: Désolée, je ne vous suis pas. J'ai du mal à comprendre ce que vous dites.

+-

    M. Ian Francis: Eh bien, j'ai répondu à votre question. Vous m'avez demandé précisément...

+-

    Mme Beth Phinney: L'argent...

+-

    M. Ian Francis: ...si je faisais une comparaison entre les besoins découlant du tsunami ou les besoins au Pakistan, si je fais la comparaison avec la Grenade.

+-

    Mme Beth Phinney: Je pense que c'est vous qui avez évoqué le tsunami.

+-

    M. Ian Francis: Je vous ai dit que je ne faisais pas de comparaison, mais chose certaine, le Canada devrait faire preuve de cohérence dans sa façon de gérer l'aide en cas de catastrophe.

+-

    Mme Beth Phinney: Mme Augustine a aussi reçu un autre chèque d'un million de dollars. Cinq millions ont été versés.

+-

    M. Ian Francis: Oui, mais ce que je reproche au gouvernement du Canada, c'est de revenir quotidiennement sur sa contribution de 10,6 millions de dollars. Cet argent n'a pas été acheminé... Ce ne sont pas des fonds bilatéraux. Voilà ce que j'essaie de faire comprendre. Il s'agit de sommes qui étaient destinées à des fins bien précises, à l'acquisition de produits de première nécessité, de sucre, de farine, et autres. C'était là des acquisitions liées à la catastrophe... Lorsque nous disons que le Canada devrait offrir une aide bilatérale à la Grenade, nous parlons de programmes qui contribueront à rebâtir les maisons des pauvres, à aider le secteur agricole à se relever.

+-

    Mme Beth Phinney: Puis-je vous interrompre? Je n'ai qu'un temps limité.

+-

    M. Ian Francis: Oui.

+-

    Mme Beth Phinney: Y a-t-il d'autres pays qui ont donné de l'argent à la Grenade?

+-

    M. Ian Francis: Le Japon et un certain nombre d'autres pays se sont manifestés, mais...

+-

    Mme Beth Phinney: Les États-Unis?

+-

    M. Ian Francis: Pour ce qui est des États-Unis, USAID a fait certaines choses de son côté. Mais ce que nous voulons faire compendre, c'est que le Canada a raté une occasion. Compte tenu des relations entre le Canada et les Antilles du Commonwealth, nous aurions dû voir un leadership plus clair de sa part dans la région.

+-

    Mme Beth Phinney: Vous auriez souhaité voir cela.

+-

    M. Ian Francis: Oui, c'est notre sentiment, compte tenu de nos relations avec le Canada.

+-

    Mme Beth Phinney: Savez-vous que l'ACDI a maintenant réduit à 25 le nombre de pays qui bénéficieront de son aide? Êtes-vous d'avis que la Grenade devrait être l'un d'eux? Selon vous, la Grenade est-elle en meilleure ou en pire posture que les 25 pays de la liste?

+-

    M. Ian Francis: Il ne s'agit pas de dire qui est pire ou mieux. C'est une politique imbécile. C'est une politique insensée. En réduisant de 106 à 25 le nombre des pays admissibles à l'aide, on a écarté tous les États vulnérables des Antilles du Commonwealth. On a uniquement retenu le Guyana. C'est une politique absolument stupide. J'ignore qui en est l'auteur, mais c'est une politique absolument stupide, et elle ne fonctionnera pas. Il y aura un ressac.

    Le comité devrait peut-être se pencher là-dessus. Je n'ai pas soulevé cette question dans mon mémoire, mais je voudrais faire consigner au compte rendu qu' à mon avis, il s'agit d'une politique d'une stupidité absolue. Ce n'est vraiment pas le fruit d'une réflexion, d'une approche visionnaire.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons maintenant passer à Mme Guergis, je vous prie.

+-

    Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je vous remercie d'être venus ici aujourd'hui. J'apprécie votre témoignage. Je m'adresserai d'abord à M. Francis. Je suis désolée de vous demander de revenir sur une question que vous avez déjà abordée, mais...

+-

    M. Ian Francis: Ça va.

¸  +-(1440)  

+-

    Mme Helena Guergis: S'agissant des 10,6 millions de dollars, vous avez parlé d'une annonce réchauffée. Pouvez-vous nous expliquer votre point de vue un peu plus en détail?

+-

    M. Ian Francis: Oui.

+-

    Mme Helena Guergis: Je vous demanderais cependant d'être bref car je veux aborder de nombreux points.

+-

    M. Ian Francis: Oui.

    Si j'ai qualifié cette annonce de réchauffée, c'est que chaque fois que j'écris au ministre ou au ministère des Affaires étrangères, on me revient avec cette même annonce, qui a été faite il y a plus d'un an. Autrement dit, ce n'est rien de nouveau et c'est pour cette raison que j'ai utilisé des termes aussi forts.

+-

    Mme Helena Guergis: Vous voudriez donc que le gouvernement s'engage à verser davantage d'argent à ce stade-ci.

+-

    M. Ian Francis: Il ne s'agit pas simplement de s'engager à fournir plus d'argent.

+-

    Mme Helena Guergis: Je comprends cela.

+-

    M. Ian Francis: La question est de savoir quel genre d'arrangement bilatéral fonctionnel le Canada peut conclure avec la Grenade après cette catastrophe.

    En fait, créer une agence pour la reconstruction et le développement, donner un million de dollars à la Croix-Rouge et aller à la Grenade pour remettre des sommes dérisoires à une ou deux ONG en disant: « Voyez quel travail formidable nous avons fait, nous du pays de la feuille d'érable »... Selon nous, le Canada a un rôle à jouer, soit définir plus spécifiquement une approche bilatérale, plutôt que multilatérale, à l'égard de la Grenade. C'est plus intelligent.

+-

    Mme Helena Guergis: D'accord.

    Bien des témoins que nous avons entendus — et on me reprendra au besoin — semblent souhaiter que le gouvernement abandonne l'approche bilatérale. Même si je ne préconise pas le recours à une approche plus multilatérale, je suis tout à fait en faveur de faire appel à des organisations non gouvernementales plus petites, et je pense vous avoir entendu mentionner quelque chose au sujet du mécanisme de projets.

+-

    M. Ian Francis: Oui.

+-

    Mme Helena Guergis: Est-ce exact? D'accord.

+-

    M. Ian Francis: Oui. Je...

+-

    Mme Helena Guergis: La ministre a décidé de mettre un terme au financement à cet égard. Y a-t-il de petites ONG qui oeuvraient à la Grenade ou dans les Antilles du Commonwealth qui ont ressenti le contrecoup de cette décision?

+-

    M. Ian Francis: Étonnamment non.

+-

    Mme Helena Guergis: Ils n'en ont pas ressenti le contrecoup.

+-

    M. Ian Francis: Je sais que la ministre a annoncé il y a deux semaines qu'elle avait restauré un financement d'environ cinq millions.

+-

    Mme Helena Guergis: C'est pour un an, en attendant qu'un examen soit complété.

+-

    M. Ian Francis: Mais ce qu'il faut comprendre, lorsqu'on parle du financement du mécanisme de projet, c'est que très peu d'ONG canadiennes oeuvrent dans les Antilles du Commonwealth. Il n'y en a sans doute qu'une ou deux qui sont présentes dans les Caraïbes.

+-

    Mme Helena Guergis: Une ou deux.

+-

    M. Ian Francis: De toute évidence, le Canada compte une vaste population d'origine antillaise et si le gouvernement veut faire place à la diversité dans sa politique internationale et de développement, il devrait y avoir un mécanisme qui permettrait à de telles organisations de rejoindre les diverses communautés raciales. Ces dernières s'intéressent vivement à leur pays d'origine et pourraient devenir parties intégrantes du processus de développement.

    Mais dans les faits, les ONG opposent une résistance car si l'on considère la composition des conseils d'administration, les ONG considèrent encore l'aide au développement dans une région comme les Antilles du Commonwealth d'un point de vue caritatif — elles sont là pour venir en aide à ces pauvres gens. Leur attitude n'est pas tellement différente de celle de Vision mondiale, qui pratique une sorte de pornographie médiatique. Vision mondiale montre jamais de Noirs. Dans ses campagnes de publicité, l'organisation déclare « qu'elle participe à un programme en Afrique et que c'est là une chose positive. » On voit toujours des Noirs assaillis par des mouches, des Noirs qui se laissent tomber sur un lit, des Noirs qui font preuve d'un certain laisse-aller. Nous avons des problèmes au sein des ONG ici. Elles ont, elles aussi, des pratiques systémiques qui leur sont propres. Cela n'arrive pas uniquement dans les pays du tiers monde. 

    Lorsqu'il y avait beaucoup d'argent, il y a environ deux ans, elles étaient toutes présentes dans les Caraïbes. Lorsque le pays était le point de convergence, l'argent ne manquait pas. Il y avait certains éléments au sein des conseils catholiques et différentes choses. Ajourd'hui, si vous allez dans n'importe quelle île des Caraïbes, personne ne connaît qui que ce soit dans les ONG canadiennes. Par conséquent, il faut faire un effort renouvelé.

+-

    Mme Helena Guergis: D'accord. Merci de cette observation.

    Ma question s'adresse à M. Belman.

    On propose de remplacer la Commission des droits de l'homme des Nations Unies par un Conseil des droits de l'homme dont les membres seraient élus. Appuyez-vous cette proposition mentionnée dans l'Énoncé de politique internationale?

+-

    M. Ted Belman: Je ne suis pas au courant de cette proposition.

+-

    Mme Helena Guergis: L'Énoncé évoque une proposition visant à remplacer au sein de l'ONU la Commission des droits de l'homme par un Conseil des droits de l'homme dont les membres seraient élus par l'Assemblée générale.

    Avez-vous eu l'occasion de lire ce passage?

+-

    M. Ted Belman: Cette proposition m'a échappé dans le document que j'ai critiqué.

    Je suis tout à fait disposé à...

+-

    Mme Helena Guergis: Où en était-il question spécifiquement, alors? Quelqu'un peut-il...

+-

    Le président: Je pense que c'est là où il est question des Nations Unies. Vous verrez les objectifs du millénaire, plus cinq.

+-

    M. Ted Belman: D'entrée de jeu, je dirais...

+-

    Mme Helena Guergis: Il y a une autre chose que j'aimerais clarifier. Ai-je tort de supposer que le Canada et l'Énoncé de politique internationale encouragent et appuient cela? Ai-je raison?

+-

    Le président: Ce n'est peut-être pas dans l'Énoncé, mais le Canada encourage...

+-

    Mme Helena Guergis: Et le Canada appuie cela.

+-

    Le président: Nous avons voté en faveur de cette proposition aux Nations Unies.

+-

    Mme Helena Guergis: Merci.

+-

    M. Ted Belman: Je me bornerai à faire une mise en garde. J'ai expliqué ce qui cloche aux Nations Unies et si, d'une façon ou d'une autre, on pouvait isoler cette nouvelle instance de tous les problèmes — ce qui me semble impossible —, je l'appuierais.

¸  +-(1445)  

+-

    Mme Helena Guergis: D'accord. Très bien. Merci.

+-

    Le président: Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.

    Ce qui est toujours frustrant, c'est que nous avons de nombreuses questions et pas assez de temps. Je commencerais rapidement par M. Francis.

    Vous avez dit souhaiter que le Canada fasse de la réduction de la pauvreté un élément central ou une priorité de la politique de développement international du ministère des Affaires étrangères. Or, pour arriver à atteindre cet objectif, il est impératif que le Canada respecte son obligation à long terme et son engagement déclaré de consacrer 0,7 p.  100 de son PIB à l'aide au développement international.

    Je voudrais savoir si votre organisation a pris officiellement position à ce sujet étant donné qu'année après année, les fonds alloués dans le budget sont insuffisants, à tel point qu'ils ne nous permettent même pas d'approcher cet objectif de 0,7 p. 100.

+-

    M. Ian Francis: Nous ne nous sommes pas prononcés à ce sujet bien que nous soyons au fait de certaines positions de défense de cet objectif prises par des ONG. Je sais que récemment, à l'occasion de sa visite à New York, le premier ministre... Je pense que ce serait bien d'atteindre cet objectif; cela ne fait absolument aucun doute. Et si ma mémoire est bonne, je pense que le premier ministre a déclaré publiquement qu'à un moment donné... Sans préciser d'échéancier, il s'est engagé à ce que le Canada atteigne cet objectif.

    En ce sens, notre organisation se déclarera toujours en faveur de toute initiative susceptible d'améliorer le sort des démunis dans le monde, d'éradiquer la pauvreté et de donner aux gens les moyens de se prendre en main aux plans social, économique et autres. Nous appuyons donc l'objectif de 0,7 p. 100, mais encore une fois, je pense qu'il serait déraisonnable d'essayer de pressurer le gouvernement en exigeant qu'il atteigne cet objectif d'ici l'an prochain. Je ne pense pas que ce soit réaliste.

+-

    Mme Alexa McDonough: Je vous dirai simplement — et vous voudrez peut-être fouiller davantage la question — que cet objectif a été instauré dans les années 60 par Lester Pearson et qu'en fait, il est devenu la norme internationale. Un très grand nombre de pays moins nantis que le Canada ont réussi à l'atteindre, et certains l'ont même dépassé. Certains d'entre nous ont du mal à accepter qu'après sept années consécutives de surplus budgétaires, le Canada demeure en deçà de 0,3 p. 100. En fait, à un moment donné, notre contribution s'élevait à 0,5 p. 100, mais sous le gouvernement libéral actuel, elle a reculé à moins de la moitié de ce pourcentage. Si vous aviez l'occasion d'étudier la question, nous aimerions bien connaître le fruit de votre réflexion. Cet objectif a été identifié impérativement comme la clé de la réalisation des objectifs de développement du millénaire, qui visent la réduction de la pauvreté. Si les pays donateurs ne respectent pas cet engagement, cette réduction ne se concrétisera pas.

    La deuxième chose que je veux dire, c'est que je suis tout à fait d'accord avec votre analyse: la Grenade n'a pas été traitée équitablement après le passage de l'ouragan Ivan. Ce fut très décevant.

    Peut-être êtes-vous trop poli pour le dire, mais je pense aussi que c'est avec une grande consternation que... En fait, ce sentiment a été exprimé à l'occasion de la conférence Multiple lenses tenue à Halifax la semaine dernière, sous l'égide de la chaire d'étude sur les Noirs James Robinson Johnston. Si l'on considère à quel point nous sommes encore loin d'atteindre l'équilibre entre les sexes ou la diversité, c'est avec une grande consternation que nous avons appris que Mme Jean Augustine, une femme canadienne noire, avait dû quitter le cabinet à un moment où il faut que les gens puissent voir qu'on accorde une attention sérieuse à...

    Il arrive qu'on fasse valoir qu'on ne peut imposer qui que ce soit aux électeurs et qu'on ne peut s'ingérer dans le processus politique. Eh bien, le premier ministre nomme seul tous les sénateurs et nous avons maintenant un Sénat où la représentation des minorités visibles s'élève à 3,4 p. 100 seulement. Si nous avions une représentation proportionnelle à notre pourcentage de la population, elle atteindrait 18 p. 100. Et pourtant, après avoir fait 17 nominations successives au Sénat, le premier ministre n'a nommé aucun représentant d'une minorité visible.

    En conséquence, à la lumière de vos objectifs — en tout cas d'après ce que votre nom donne à entendre —, j'espère que votre organisation exprimera ses préoccupations et soumettra des recommandations au gouvernement.

+-

    M. Ian Francis: Nous sommes reconnus pour exercer des pressions en ce sens, et nous le faisons tous les jours. Mais pour notre organisation, le fait qu'un représentant d'une minorité visible soit nommé au Sénat ne changera ni n'améliorera pas nécessairement notre condition socio-économique ici. Cela dit, je pense que ce serait une très bonne chose compte tenu de l'argument que j'ai soulevé tout à l'heure au sujet de la reconnaissance institutionnelle.

    Et le Sénat n'est pas seul en cause. Si vous consultez le site Web du gouvernement tous les jours... Encore ce matin, on y mentionnait que le ministre de la Santé a nommé un conseil consultatif auprès du Conseil consultatif national sur le troisième âge. Vous savez, les membres de notre comité disent souvent en plaisantant qu'ils sont à la recherche de noms de Noirs. Sur les dix personnes nommées, il n'y avait évidemment aucun représentant de notre communauté, et pourtant, elle est aux prises avec un très sérieux problème de vieillissement.

    Même si bien des gens refusent obstinément de l'admettre et que certains sont sans doute honteux d'en parler, il est indéniable qu'il existe dans notre pays un très fort sentiment anti-noir, et que le racisme est bien présent chez nous. Quant à ceux qui veulent être gentils, ils sont vraiment à côté de la plaque.

    Je suis d'accord avec vous et j'apprécie également les efforts que vous avez déployés pour aider les gens de la communauté noire en Nouvelle-Écosse. Nous, qui vivons dans le Grand Toronto métropolitain, nous tirons beaucoup mieux d'affaires qu'eux. Nous avons davantage d'outils à notre disposition. Nous avons plus facilement accès aux responsables des politiques et aux décideurs. Si l'on considère la situation à Halifax... Dans un endroit comme Truro, une communauté rurale, il est même difficile pour les gens de se rendre à la ville d'Halifax. Je comprends cela.

    Je vous suis reconnaissant du travail que vous avez accompli dans cette région. Mais je dois dire à quel point la situation est navrante au Canada. Un grand nombre de Canadiens n'en savent rien parce que les gens ont honte d'en parler. Je ne pense pas qu'il soit honteux d'en parler.

    Hier soir, j'ai regardé une entrevue avec Colin Powell sur CNN. Il a relaté son expérience lorsqu'il est entrée dans l'armée et a été posté dans le sud. Son commandant, un Blanc, l'a fait venir et lui a dit qu'il allait avoir des problèmes. Il lui fallait se cacher derrière une fenêtre pour avoir un hamburger. Certes, ce genre de choses ne se produit pas au Canada, mais il n'en reste pas moins que des facteurs institutionnels jouent.

    On ne reconnaît pas nos réalisations antérieures ici, les choses que nous pouvons faire et les partenariats que nous pouvons former. Ce manque de reconnaissance n'est pas uniquement le fait du gouvernement. Les ONG sont aussi coupables de cela, de même que d'autres grandes institutions. Tout ce que nous voulons, c'est un changement d'attitude.

    Nous sommes prêts à travailler. Notre organisation a collaboré avec de nombreux autres groupes et ce n'est pas la volonté qui manque, mais nous devons trouver un terrain d'entente. Il est très agaçant et très contrariant de faire face au racisme. J'y suis confronté tous les jours. J'y fais face tous les jours. Vous ne vous heurtez probablement pas au niveau de racisme auquel je suis confronté quotidiennement. Vous n'aurez jamais à y faire face. Je sais qu'aucun participant autour de cette table ne vit une situation comparable à celle que je vis tous les jours en tant que Canadien d'origine antillaise.

¸  +-(1450)  

+-

    Le président: Merci.

    Je vais d'abord donner la parole à M. Belman. Nous avons eu un échange tout à l'heure. Votre témoignage est fort différent de ceux que nous entendons habituellement.

    J'ai un commentaire. Vous dites que les États-Unis veulent la destruction d'Israël. Mais en tant que membre du Conseil de sécurité, les États-Unis utilisent leur veto la plupart du temps pour protéger Israël. Je vais relire votre témoignage parce qu'à bien des égards, votre perspective est très différente. Je m'y perds un peu.

    J'ai une seule autre question. Êtes-vous d'accord pour qu'il y ait deux États: Israël et un Etat pour les Palestiniens, comme le préconise M. Sharon?

+-

    M. Ted Belman: Permettez-moi d'abord d'aborder la question de la destruction.

+-

    Le président: Je vous demanderais d'être très bref car nos prochains témoins sont arrivés.

+-

    M. Ted Belman: Ce sera très court.

    Mon intervention se veut aussi une réponse à M. Clavet. Endosser et appuyer le droit au retour, c'est endosser et appuyer la destruction de l'État d'Israël. Dans ce contexte, j'affirme que cette destruction découlera du droit de retour.

    Pour ce qui est de l'Amérique et de la destruction d'Israël, l'ensemble du processus de paix vise à bousculer Israël et à l'amener à faire des concessions. Tout est préparé à l'avance. Dans mon mémoire, je parle longuement de cette exigence de la feuille de route selon laquelle la Palestine doit être un État viable et contigu, une proposition qui recueille l'assentiment du Canada. Pourquoi y a-t-il des conditions imposées au préalable? Pourquoi ne sont-elles pas négociées? Pourquoi Israël aurait-t-il le devoir de créer un État palestinien qui soit viable et contigu? L'Amérique n'est pas contiguë avec l'Alaska et Hawaï, mais la communauté internationale complote pour forcer Israël à accepter un résultat final.

    Certes, l'Amérique est le seul défenseur d'Israël. Cela ne fait aucun doute. Mais en même temps, Israël est une Tchécoslovaquie, un pays qu'on traite de façon à courtiser les pays arabes et, en ce sens, les États-Unis ne sont pas le protecteur d'Israël. Ils offrent Israël comme l'agneau du sacrifice.

¸  +-(1455)  

+-

    Le président: Merci.

    J'ai été quelque peu étonné par certains de vos commentaires, mais c'est pour cela que vous êtes ici. Premièrement, vous avez parlé du racisme systémique qui sévit dans notre pays. Je vous signale qu'en ce moment, plus de 40 députés qui siègent au Parlement sont nés à l'étranger.

    J'ai voyagé plusieurs fois dans les Antilles du Commonwealth. Puisque j'y étais en vacances, je n'ai pas visité notre ambassade ou notre consulat. Mais je sais que dans un grand nombre d'ambassades, on embauche des employés locaux car nous estimons que c'est à la fois bon pour eux et bon pour notre pays.

    Je reviens maintenant à vos observations concernant la Grenade. Le gouvernement du Canada fait souvent l'objet de critiques parce qu'il est présent partout dans le monde, et non seulement à la Grenade. Prenons le Pakistan; notre réaction n'est pas suffisamment rapide. Et je suis d'accord; dans un certain un sens, elle n'est pas suffisamment rapide.

    Vous dites que nous ne devrions pas intervenir par l'entremise d'agences. Nous avons créé une agence à la Grenade, mais les gens nous reprochent d'être là au début et de rester pendant quelque temps, mais de ne jamais être présents pour la reconstruction. Pensez-vous qu'en créant une agence, comme à la Grenade, nous pourrions contribuer à la reconstruction du pays, même si cette agence verse des salaires ou assume d'autres coûts? En effet, on nous reproche, entre autres, de partir trop tôt. Après, le pays se retrouve en quelque sorte sans aide, dit-on.

    Ma seconde question est la suivante. Au début de votre allocution, que j'ai suivie, vous avez parlé d'agriculture. Vous avez également évoqué le Sommet des Amériques. Le prochain doit avoir lieu cette semaine. Pensez-vous qu'il y a un avenir pour l'accord de libre-échange des Amériques à l'heure actuelle? Il sera retardé pendant je ne sais trop combien de temps. Dans la perspective des pays des Antilles du Commonwealth, que pensez-vous de la position de l'OMC dans le secteur de l'agriculture?

+-

    M. Ian Francis: Pour répondre à votre première question, le Canada peut s'engager de bien des façons constructives non seulement à la Grenade, mais dans les Antilles du Commonwealth. Chose intéressante en l'occurrence -- et j'ai insisté clairement là-dessus dans ma déclaration --, nous avons déjà une jeune démocratie; et il n'y a dans la région ni conflit civil ni guerre. Par conséquent, en un sens, il est beaucoup plus facile d'y intégrer un modèle de développement. Il existe certaines initiatives, comme le Corps canadien, l'Institut pour la connectivité dans les Amériques, et d'autres encore. Il existe aussi un programme d'apprentissage relevant du ministère des Affaires étrangères et de l'ACDI. Si je ne m'abuse, dans le contexte de la Stratégie emploi jeunesse, les participants subissent un examen du service extérieur.

    Il nous faut repenser tout cela et voir quelles mesures réalistes nous pouvons prendre, outre distribuer des documents, créer des agences... Lorsque nous parlons d'un engagement global, nous parlons aussi de contacts entre les peuples. Je pense qu'il faut examiner cela.

    Deuxièmement, pour ce qui est de la ZLEA, comme vous le savez, de nombreuses initiatives économiques sont en cours dans les Caraïbes. Je songe à l'AEC, l'Association des États des Caraïbes, à Trinité; au CARICOM; à l'OECO également. Ce sont tous différents ... la petite économie de marché des Caraïbes, qui connaît de multiples problèmes, etc.

    Évidemment, j'estime que la ZLEA est une initiative commerciale valable. Elle mettra du temps à se concrétiser. A mon avis, toutes les mesures que nous pourrons prendre pour favoriser les échanges entre les Antilles du Commonwealth et le reste du monde — les Amériques, en particulier, y compris le Canada — seront très utiles. Je pense que ce sont toutes là des initiatives positives.

    Toutefois, je pense que les États des Antilles du Commonwealth sont parfois tellement submergés par d'autres problèmes économiques qu'ils ont parfois du mal à gérer efficacement certaines de ces nouvelles propositions, alors qu'on souhaiterait voir des progrès plus rapides dans le dossier de la ZLEA et d'autres également. Malheureusement, à certains moments, il arrive que la population ne soit pas prête à bouger. Sans oublier le fait que certains groupes protègent différentes choses, etc.

    Pour ce qui est de l'OMC, il est évident qu'elle nous a porté un coup très dur pour ce qui est du sucre, des bananes et d'autres produits. C'est un fait. Prenons le cas de Saint-Kitts. Les dirigeants de l'île ont dû arrêter la production de sucre il y a trois mois, l'arrêter complètement. Plus de 3 000 travailleurs qui travaillaient dans le secteur du sucre depuis 1938 se sont retrouvés sans emploi. La production est tombée à zéro parce qu'on ne nous consentait plus de concessions. A cause des catastrophes naturelles qui se sont abattues sur la région, nous n'avons pas pu exporter nos bananes, comme vous le savez. Le Costa Rica et d'autres pays sont en mesure d'offrir des bananes à meilleur prix.

    Dans la région, c'est donc retour à la case départ. Pas de sucre. Il nous reste quelques exportations de rhum, mais c'est très peu. Pas de bananes. Des ouragans ont détruit la totalité de nos récoltes agricoles.

    J'invite le gouvernement du Canada à envisager la création d'un comité ou d'un sous-comité spécial ponctuel sur les relations entre le Canada et les Antilles du Commonwealth. Dans ce contexte, des parlementaires des trois partis auraient l'occasion de visiter les Etats des Antilles du Commonwealth pour rencontrer divers intervenants au lieu d'entendre la version des bureaucrates insignifiants d'Ottawa qui rédigent de beaux rapports, mais qui ne savent pas vraiment ce qui se passe.

    Je ne suis pas contre l'aide multilatérale, mais une combinaison de diverses mesures d'aide serait plus utile pour les Caraïbes que le fait de confier tout l'argent à une seule agence. En l'occurrence, le CARICOM a reçu tellement d'argent du Canada que la masse salariale de sa bureaucratie est plus élevée que celle de nombreux petits États antillais, et il ne devrait pas en être ainsi.

¹  +-(1500)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Belman. Merci, monsieur Francis. Je vous remercie de votre temps.

    Nous allons faire une pause de quelques minutes.

¹  +-(1502)  


¹  +-(1507)  

+-

    Le président: Nous reprenons nos travaux. Merci. Nous allons poursuivre l'audition de nos témoins avec M. Allan Gotlieb, conseiller en chef.

    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur l'ambassadeur. La plupart d'entre nous vous connaissons en tant qu'ambassadeur du Canada à Washington dans les années 80, mais vous avez aussi été sous-ministre des Affaires étrangères avant cela.

    Monsieur Gotlieb, pendant que l'examen de la politique internationale était en cours, vous avez conseillé au gouvernement, dans un article de journal, de faire simplement de la politique étrangère, au lieu de l'examiner.

    Maintenant que cet examen est terminé et que nous avons en main l'Énoncé sur la politique internationale, peut-être pourriez-vous nous communiquer vos réflexions à ce sujet et nous proposer quelques suggestions que nous pourrions faire pour l'améliorer.

    Merci d'être venu, monsieur l'ambassadeur.

+-

    M. Allan Gotlieb (conseiller en chef, Stikeman Elliott): Je vous remercie beaucoup de votre invitation. Je ferai quelques brefs commentaires. Je n'ai pas préparé de déclaration parce que le comité m'a invité à court préavis.

    À mon avis, l'Énoncé de la politique internationale est un document constructif. Il a manifestement eu une naissance difficile, mais en soi, ce document renferme des commentaires et indications très utiles concernant notre politique étrangère.

    Dans mes écrits sur le sujet et dans une allocution que j'ai prononcée l'an dernier à Toronto à l'occasion de la conférence annuelle de l'Institut C.D. Howe, je me suis présenté comme un réaliste en matière de politique étrangère, par opposition à un romantique. Dans une perspective réaliste, je suis d'avis que l'Énoncé est plutôt solide car on y réitère à maintes reprises que notre politique étrangère doit être fondée sur nos intérêts nationaux. En outre, il reconnaît aussi la nécessité d'instaurer un monde meilleur et plus sécuritaire, ainsi qu'un monde plus juste. Par conséquent, j'estime qu'il a très bien réussi à marier les courants idéalistes et réalistes.

    À cet égard, j'ai deux commentaires. Premièrement, en ce qui concerne notre approche face aux États-Unis, si l'intérêt national doit nous guider, il va de soi que c'est là la relation la plus importante qui soit pour nous.

    Deuxièmement, le livre blanc, l'Énoncé de politique, mentionne le destin régional du Canada et la nécessité d'avoir un espace économique concurrentiel permettant la libre circulation des personnes. L'une de mes préoccupations à ce sujet, c'est le défi que représente le fait d'essayer de promouvoir ces objectifs et ce, à une période évidemment très difficile compte tenu des sérieux conflits commerciaux que nous avons à l'heure actuelle avec les États-Unis.

    Cela dit, j'estime qu'il est de la plus haute importance de définir notre politique étrangère à l'égard des États-Unis et je n'ai pas l'impression que ce débat a lieu en ce moment. On entend énormément de critiques à propos des Etats-Unis, et bon nombre d'entre elles sont justifiées compte tenu de la façon dont ils traitent les groupes d'experts de l'ALENA. On parle beaucoup, à la manière de Trudeau — et je ne dis pas cela de façon péjorative car j'ai été un conseiller de M. Trudeau à l'époque où j'étais intimement mêlé à sa politique étrangère —, d'une approche fondée sur une troisième option: diversifier notre commerce. On dit aussi beaucoup qu'il faut intensifier notre lobbying auprès des États-Unis et faire plus d'efforts pour défendre notre point de vue, mais je ne pense pas que tout cela soit susceptible de faire avancer nos objectifs en Amérique du Nord.

    Lorsque les pays parlent de l'incidence du mondialisme, le mondialisme pour le Canada... et sans vouloir dire les choses crûment, au plan économique, le mondialisme, c'est l'Amérique du Nord, parce que c'est l'espace où nous commerçons, où nous gagnons l'argent qui nous permet de financer les programmes que nous voulons mettre en oeuvre et les valeurs qui nous sont chères.

    Par conséquent, selon moi, le plus grand défi que nous devons relever est le suivant: nous devons penser stratégiquement et essayer d'anticiper les choses et voir, à partir de là, ce que nous pouvons faire. C'est très difficile étant donné que nous avons un gouvernement minoritaire à l'heure actuelle. Nos relations avec le gouvernement de George Bush sont tendues à cause de la façon dont il a réagi aux conclusions des groupes d'experts de l'ALENA. Cela représente un défi énorme. Il nous faut déterminer comment nous y prendre pour gérer cette relation de façon à progresser.

    Notre économie est intégrée à celle des États-Unis. Je ne suis pas économiste, mais parmi les économistes, un grand nombre affirme que les économies du Canada et des États-Unis sont davantage intégrées que celles des pays d'Europe faisant partie de la Communauté européenne. C'est dire à quel point cette intégration est étroite.

    Nous avons le plus vaste réseau énergétique du monde. Nous avons les échanges les plus importants du monde. Nos économies sont fondamentalement intégrées et pourtant, nous dépendons d'assises juridiques des plus fragiles pour assurer la libre circulation de nos citoyens, de nos biens, de nos services et de nos capitaux.

    Voilà donc, à mon avis, l'énorme défi auquel nous sommes confrontés.

    Shakespeare a écrit Hamlet. On ne peut évacuer de la pièce le prince du Danemark. Voilà notre Hamlet. C'est le coeur de notre politique étrangère. Voilà le plus grand défi qui se pose à nous.

¹  +-(1510)  

    Je vais m'en tenir là. Je pourrais commenter le plaidoyer que l'on fait dans l'Énoncé en faveur d'un rôle accru du Canada au plan humanitaire et du leadership qu'il pourrait démontrer à cet égard. Si vous le voulez, je pourrais vous parler de cela.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur.

    Nous allons commencer par M. Clavet.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Merci beaucoup, monsieur le président. Merci, monsieur Gotlieb.

    C'est sûr qu'il est toujours intéressant de vous entendre, avec un parcours comme le vôtre. J'avoue avec humilité en être aux premiers balbutiements d'une mission politique. Quand on voit des gens comme vous qui ont parcouru un bon bout de chemin en diplomatie, on se sent très humble. Cela ne m'empêche pas d'être plus romantique que réaliste. Cela m'étonne toujours qu'un réaliste nous cite du Shakespeare et Hamlet. En politique internationale, je n'en ai pas l'habitude.

    J'aimerais voir si, pour une personne comme vous, vous avez quand même trouvé dans l'énoncé de politique internationale canadienne quelques accommodements que nous n'aurions pas vus dans l'expression des rapports qui unissent le Canada et les États-Unis.

    Pensez-vous, parce que nos économies sont intégrées, que le document est un peu court, qu'il aurait pu par exemple traiter de solutions à nos différends commerciaux et approcher la politique canadienne à l'égard des États-Unis avec un contenu plus détaillé? Avez-vous l'impression que de respecter l'espace nord-américain, ce ne sont que des voeux pieux? En attendiez-vous davantage du document, avec une réaffirmation de l'engagement du Canada à l'égard des États-Unis, par exemple?

¹  +-(1515)  

[Traduction]

+-

    M. Allan Gotlieb: Je pense qu'on a énoncé des généralités, mais elles sont valables. Autrement dit, ces déclarations sont bonnes, mais elles n'auront aucune résonance dans la réalité si nous n'avons pas un plan, si nous ne concentrons pas notre réflexion et nos stratégies sur la réalisation de ces objectifs, qui consistent à protéger la libre circulation des personnes et des biens du Canada.

    Même si ce qui figure dans le document est valable — il y est question de notre destinée régionale en termes très réalistes —, on n'y parle guère de la marche à suivre à partir de là. À mon avis, le rapport du Council on Foreign Relations produit par le Canada, le Mexique et les États-Unis il y a quelques mois fournissait un plan directeur. Ne me demandez pas comment atteindre cet objectif, parce que je n'en sais rien. Qui plus est, politiquement, les choses ne sont pas faciles à l'heure actuelle. Mais d'après ce plan directeur, on envisageait un espace économique commun unique où il n'y aurait aucun obstacle aux échanges et à la circulation des personnes et des biens. Je pense que la création d'un tel espace économique unique est la voie à suivre. C'est dans notre intérêt national. Et je ne pense pas que cela nuise à notre politique étrangère.

    Comme je l'ai dit, les économies canadiennes et américaines sont déjà parmi les plus étroitement intégrées dans le monde. Cela n'a pas empêché le Canada de dire non aux États-Unis au sujet de l'Iraq, à tort ou à raison. Cela n'a pas empêché le Canada de refuser de participer au programme de missiles de défense des États-Unis, à tort ou à raison. Je ne pense pas que le fait d'avoir un espace économique unique puisse compromettre ou ne pas compromettre notre politique étrangère.

    Ce que nous partageons avec les États-Unis est très paradoxal. En effet, j'estime que les politiques étrangères de nos deux pays comportent une très forte dose d'idéalisme. À l'heure actuelle, le président des États-Unis est en pleine période wilsonienne. C'est le plus grand disciple de Wilson depuis Wilson lui-même, depuis Kennedy: être présent partout, en tout temps, pour défendre la liberté. Les États-Unis se sont engagés à propager la démocratie et à assurer la protection des droits de la personne. Nous sommes en présence d'un discours foncièrement idéaliste, mais c'est plus qu'un discours; c'est un engagement.

    Si l'on considère les déclarations de nos dirigeants, au Canada, elles sont très semblables. Je ne vais pas les citer, mais elles sont dans l'Énoncé. On préconise la propagation de la démocratie et la protection de la sécurité humaine. En fait, nous déclarons que la sécurité humaine est le fondement de notre politique étrangère sur la scène internationale. Nous disons donc sensiblement la même chose, ce qui est plutôt curieux, quoique de nombreux Canadiens semblent très mal à l'aise face à l'idéalisme ou au désir de changer le monde des Américains. Nos déclarations, qui expriment l'engagement extraordinaire d'assurer la protection des êtres humains partout, n'ont rien à envier à celle de nos voisins.

    Cela dit, il existe un très grand fossé dans nos deux pays entre l'idéalisme et la réalité. Entre autres, au plan des moyens. Je suis sûr qu'au cours de vos travaux, on vous a dit que le Canada n'avait pas la capacité de protéger, la capcité d'intervenir pour protéger des populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique, la famine, les conflits, les guerres civiles, etc. Nous n'avons pas cette capacité. Nous avons laissé nos forces armées se dégrader. Par conséquent, nous pouvons faire de beaux discours, mais nous n'avons pas la capacité de les concrétiser par l'action.

    Deuxièmement, nous n'avons pas répondu à la question de savoir qui peut autoriser de telles expéditions. Qui peut donner le feu vert? Qui décide quand il y a lieu d'intervenir pour empêcher ces violations, ces génocides?

    J'avoue que la réunion des dirigeants du Conseil de sécurité de l'ONU il y a quelques semaines a été décevante parce qu'ils n'ont pas abordé cette question. Ils ont pondu une déclaration affirmant que le Conseil était là pour assurer la sécurité humaine, protéger les personnes contre le génocide, les crimes de guerre, et toute une très longue liste d'autres problèmes. Ils ont déclaré cela, mais ils n'ont pas précisé comment ils allaient s'y prendre pour le faire. Si la seule façon d'autoriser ce type d'intervention est de passer par le Conseil de sécurité, cela n'arrivera pas. C'est ce qui est ironique.

    Par conséquent, la question qui se pose est de savoir qui détient l'autorité, outre le Conseil de sécurité. Elle s'est posée aussi au sujet du Kosovo et de l'OTAN, et il n'y a pas de réponse. Dans notre livre blanc ou dans l'Enoncé sur la politique internationale, je ne trouve aucune discussion à ce sujet. On ne pose pas la question: qui a l'autorité, qui va autoriser l'intervention? Si c'est le Conseil de sécurité, en un sens, cela signifie qu'il n'y a aucune autorité. Si ce n'est pas cette instance, envisage-t-on l'unilatéralisme? Est-ce là la solution?

¹  +-(1520)  

    Je pense que c'est le plus grand défi de notre temps. Comment asseoir la légitimité d'une intervention libérale humanitaire?

    L'intervention libérale humanitaire est la plus grande nouvelle idée du XXe et du XXIe siècles. C'est révolutionnaire. Ce concept accorde aux droits humains la préséance sur les États et la souveraineté, ce qui est révolutionnaire. Mais comment s'y prendre? C'est totalement déstabilisant et totalement moral, du moins au niveau des engagements. J'appuie l'idée à 100 p. 100, mais reste à savoir comment s'y prendre.

+-

    Le président: Madame Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney: Merci.

    Vous parlez des moyens à prendre pour promouvoir nos objectifs, pour avancer nos dossiers, etc. Qui devrait discuter de cela? Nous, du comité des affaires étrangères, devrions-nous être les seuls à en discuter?

    Il faut en discuter. On ne trouvera pas de façon de procéder à moins d'en discuter. Qui devrions-nous encourager? Comment inciter les Canadiens à participer à ce dialogue? Comment mettre cette question à l'avant-scène?

+-

    M. Allan Gotlieb: Vous posez cette question à un homme qui a des opinions très démodées.

+-

    Mme Beth Phinney: Ccertaines d'entre elles sont sans doute intéressantes.

+-

    M. Allan Gotlieb: On pourrait dire, en français, que j'ai des visions retardataires; je regarde en arrière plutôt qu'en avant.

    Je crois que le gouvernement devrait montrer la voie. À mon avis, c'est la raison pour laquelle nous élisons des gouvernements. J'attends des gouvernements qu'ils fassent preuve de leadership, et je pense que les gens ont droit à ce leadership. S'ils ne l'obtiennent pas, ils devraient choisir un autre gouvernement.

    À mon avis, les choses sont très difficiles à l'heure actuelle. J'estime que, dans l'ensemble, le livre blanc ou l'Énoncé sur la politique internationale est un document valable. Mais les choses sont difficiles parce que nous avons un gouvernement minoritaire. Le gouvernement s'est engagé à tenir des élections hâtives. Nos relations avec les États-Unis sont tendues. On nage dans la rhétorique. Il y a énormément de tension. Je ne pense pas que cela change au cours des quelques prochaines semaines.

    Mais pour répondre à votre question, le gouvernement devrait diriger. Le premier ministre devrait diriger, le ministre des Affaires étrangères devrait diriger et le ministre de la Défense nationale devrait diriger. L'opposition devrait s'opposer; le chef de l'opposition devrait diriger et le chef du parti minoritaire devrait diriger. Les citoyens devraient participer, mais la direction devrait venir de nos dirigeants; c'est pour cela qu'on les appelle des dirigeants. C'est pour cela qu'il y a de grands leaders et c'est pour cela qu'il y a des leaders médiocres.

+-

    Mme Beth Phinney: Oui, mais je pense que nous pouvons amener le sujet sur le tapis. Pensez-vous que nous devrions amorcer le mouvement bal en communiquant avec les universités pour leur demander de former des groupes de réflexion, devrions-nous recourir aux groupes de réflexion qui existent déjà, ou devrions-nous lancer des initiatives comme tenir des assemblées publiques à la télévision?

+-

    M. Allan Gotlieb: Si vous avez une politique, il est utile de faire certaines choses, de se présenter devant les citoyens et de l'expliquer, et d'être à l'écoute des critiques. Mais en tant que parlementaires, vous devriez user de votre influence au caucus et dans vos relations à l'intérieur du gouvernement pour aborder les enjeux du jour et faire des déclarations exprimant ce que le gouvernement veut faire et ce en quoi il croit.

    Rappelez-vous que c'est au Parlement que vous pouvez exercer le plus d'influence sur votre parti et sur le gouvernement, selon que vous êtes un député ministériel ou un député d'opposition. Le parti d'opposition a un rôle fondamental à jouer. Voyez ce qu'ont fait des gens qui étaient dans l'opposition dans l'histoire. Voyez ce qu'a réussi à faire Churchill dans les années 30. Les députés d'opposition peuvent avoir une influence considérable. Ils ont une tribune et ils ont un programme.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Guergis, je vous prie.

+-

    Mme Helena Guergis: Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.

    Pour moi qui suis une jeune politique, je tiens à vous dire que c'est un honneur de vous rencontrer et d'avoir l'occasion de vous interroger.

    Je reviens souvent sur le sujet de la Chine, et je pense que vous êtes sans doute la personne idéale à qui poser cette question. Je reproche au gouvernement de continuer d'accorder une aide étrangère très généreuse à la Chine. Je m'insurge contre cela principalement à cause de son piètre bilan en matière de droits de la personne, mais aussi pour d'autres raisons, notamment parce qu'elle a une économie fort dynamique et une capacité militaire considérable.

    Je suis curieuse d'entendre votre réponse. Est-ce que je fais fausse route? Avez-vous des commentaires sur le fait que le Canada accorde une aide étrangère généreuse à des pays comme la Chine et le Zimbabwe, qui sont très corrompus?

¹  +-(1525)  

+-

    M. Allan Gotlieb: Pour vous répondre, je suis sceptique quant au bien-fondé d'accorder de l'aide à des pays dont les gouvernements sont corrompus et compte tenu de l'extraordinaire performance économique des Chinois, je ne sais pas si nous leur venons véritablement en aide. J'aurais cru qu'il y avait d'autres pays candidats dans le monde où nous aurions pu exercer davantage d'influence ou être plus efficaces en leur donnant de l'aide.

    Indéniablement, l'émergence de la Chine est l'une desmeilleures nouvelles du XXe et du XXIe siècles. Tout comme l'Inde, elle a réussi à extraire un grand nombre de ses citoyens de la pauvreté et dans une perspective optimiste, je pense que c'est remarquable. C'est l'une des plus grandes réalisations qui soit.

    Cela dit, il est tout aussi indéniable que la Chine est non seulement une grande puissance, mais qu'elle pense aussi comme une grande puissance. Elle se compare aux États-Unis et à une petite poignée d'autres puissances. Qui plus est, elle a un sens aiguisé de son intérêt national.

    Même si on en parle dans l'Enoncé de la politique internationale — et je suis heureux de voir qu'on l'a fait  —, l'intérêt national n'occupe pas toujours le premier plan dans les politiques étrangères des divers pays. En Europe, ce concept semble s'être quelque peu perdu. À Bruxelles, les Européens semblent avoir délégué énormément à l'autorité centrale, mais ils n'ont pas vraiment élaboré une stratégie ambitieuse pour l'Europe, et on ne sait pas trop où l'Europe veut aller.

    Mais les dirigeants chinois ont un sens aigu de leur intérêt national et du rôle de la Chine dans le monde, et je pense que c'est une très bonne idée que le Canada bâtisse des relations avec ce pays. C'est très bien d'essayer de le comprendre et de l'inciter à jouer un rôle aussi constructif que possible.

    Mon problème, lorsqu'on parle de la Chine, c'est que je ne vois pas nos relations avec la Chine comme une solution de rechange à nos relations avec les États-Unis, ou comme une porte de sortie. Mais bâtir des relations avec la Chine est une bonne chose en soi.

    Nous échangions plus avec la Chine il y a 40 ans qu'aujourd'hui. Nous devrions multiplier ces échanges. Mais il y a relativement peu de chance que les Chinois achètent nos produits finis. Comme vous le savez, notre commerce avec les États-Unis ne se borne pas à l'exportation d'énergie: il repose sur un réseau de fabrication hautement intégré. La plus grande partie de nos échanges avec les États-Unis vise des produits manufacturés. Il sera difficile de faire cela avec des pays où les coûts de main-d'oeuvre sont très faibles.

    N'empêche, nous devrions soigner cette relation. Nous devrions tenter de collaborer avec la Chine sur la scène internationale, sans pour autant voir dans nos rapports un substitut ou une solution de rechange à notre commerce et à nos relations avec les États-Unis. Cette voie a déjà échoué. La troisième option comportait un lien contractuel. Nous avions le Japon dans notre mire, ce pays qui devait émerger comme l'une des grandes puissances mondiale d'ici l'an 2000. Mais pendant tout le temps où nous avons discuté, notre commerce avec les États-Unis a augmenté parce que c'est ce que les Canadiens voulaient. Ils voulaient commercer avec les États-Unis. Comme nous sommes un pays libre, cela continuera. Nous ne pouvons être dirigistes à ce point. Nous n'allons pas essayer de dicter aux Canadiens avec qui ils devraient faire des affaires.

    Mais je suis tout à fait en faveur d'entretenir de bonnes relations avec la Chine. Et c'est là que s'affirme le réaliste en moi. D'une part, il est possible que nous n'approuvions pas le caractère non démocratique de sa société; il est possible aussi que nous n'approuvions pas — et c'est le cas —, sa feuille de route en matière de droits humains. D'autre part, les Chinois sont là, et nous devons engager des relations avec eux si nous voulons avoir une influence positive.

+-

    Mme Helena Guergis: Je conviens qu'il est important d'avoir des relations commerciales avec la Chine, mais je ne pense pas que le commerce et l'aide devraient être liés. Êtes-vous d'accord avec cela?

+-

    M. Allan Gotlieb: Il y a peut-être quelque chose qui m'échappe, mais je ne vois pas pourquoi nous devrions avoir une relation d'aide avec la Chine.

+-

    Mme Helena Guergis: Merci.

+-

    Le président: Madame Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney: Je suis allée en Chine et j'ai vu dans quels domaines nous lui venons en aide. Entre autres, nous aidons les Chinois à mettre sur pied un système judiciaire.

    Dans ce type de projet, il est bon que nous puissions envoyer des experts des Finances et du ministère de la Justice pour leur donner un coup de pouce. Dans des domaines comme celui-là, il est bon que les Chinois s'inspirent des exemples d'autres pays. Après être venus au Canada, leurs représentants ont déclaré qu'ils trouvaient intéressant notre modèle et ils nous ont demandé par la suite de leur envoyer des experts pour leur montrer quoi faire.

    Ce n'est qu'un commentaire.

+-

    M. Allan Gotlieb: Je suis désolé si je n'ai pas su renouveler ma façon de voir les choses à ce sujet. Je m'excuse, mais j'étais là à l'époque où tous les avocats qui auraient pu gagner leur vie à enseigner le droit au Canada s'envolaient pour l'Afrique en vue de rédiger des constitutions pour les Africains. Ils ont pondu des ébauches de toute beauté, mais celles-ci n'ont fait aucune différence.

    La Chine est une nation composée des gens les plus intelligents et les plus sophistiqués du monde et si les Chinois souhaitent renforcer la règle de droit — et ils le souhaitent probablement —, et s'il y a d'éminents professeurs qu'ils veulent consulter, nous pouvons certainement les leur envoyer, mais je ne considère pas que c'est de l'aide et je ne pense pas qu'ils ont besoin d'aide.

¹  +-(1530)  

+-

    Le président: Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci, monsieur le président.

    Merci d'être venu nous rencontrer, monsieur Gotlieb.

    Je vais essayer de poser très rapidement quatre questions, parce que je m'intéresse bien davantage à ce que vous avez à dire.

    Au sujet de la responsabilité de protéger, vous avez dit que vous êtes tout à fait d'accord avec ce concept, mais que la question qu'il faut se poser est de savoir qui doit s'en occuper, si ce ne sont pas les Nations Unies. Si ce n'est pas le Conseil de sécurité, alors qui d'autre? En fait, je vous renvoie la question et je vous invite à nous faire part de plus amples réflexions là-dessus. Il me semble que si nous n'arrivons pas à réformer les Nations Unies, nous aurons vraiment un très grave problème pour ce qui est de traduire ce concept dans la réalité.

    Deuxièmement, je voudrais savoir si vous avez autre chose à ajouter sur le fait que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international soit actuellement chamboulé par la proposition de le scinder. À tort ou à raison, le Parlement du Canada s'est prononcé sur cette question et la majorité a voté contre ce projet. La plupart des intervenants se sont prononcés contre ce projet, et pourtant, il apparaît clairement que cela va se faire de toute façon.

    Troisièmement, vous dites que les gouvernements ont le droit de diriger et que les partis d'opposition ont aussi une responsabilité à cet égard. Je voudrais mieux comprendre — j'espère que vous ne me ferez pas une réponse partisane et automatique — pourquoi vous avez ajouté une réserve à vos propos en disant que les choses sont très difficiles quand le gouvernement est minoritaire. Je dois dire que dans quatre domaines dans lesquels le Canada n'a assurément pas fait preuve de leadership au cours des 12 dernières années, nous avons utilisé nos pouvoirs très limités à titre de parti d'opposition pour dire que nous croyons que le Canada devrait être un chef de file. Nous allons continuer d'insister pour qu'il agisse en ce sens parce que c'est ce dont nous avons besoin et c'est ce que les Canadiens veulent.

    Je voudrais donc mieux comprendre pourquoi vous dites qu'un gouvernement n'est pas nécessairement en mesure de diriger s'il est minoritaire. Il me semble que les possibilités de diriger sont encore meilleures si d'autres sont disposés à accompagner le gouvernement dans cette démarche.

    Enfin, au sujet de l'intégration très poussée des économies du Canada et des États-Unis, vous avez tout à fait raison d'insister sur le degré auquel nous sommes intégrés. Êtes-vous d'avis que nous ne pouvons rien faire pour diversifier davantage nos relations économiques pour éviter de devenir trop dépendants et trop vulnérables? Si l'on prend l'exemple du bois d'oeuvre, il semble que nous soyons tout simplement extrêmement vulnérables quand des intérêts économiques sont en jeu aux États-Unis et que ceux-ci, en dépit de toutes les preuves accablantes, refusent d'accepter des décisions rendues dans des instances de règlement des différends. Dans notre propre intérêt, ne devrions-nous pas nous efforcer de diversifier nos relations commerciales?

[Traduction]

+-

    M. Allan Gotlieb: Eh bien, ce sont toutes d'excellentes questions et je vais tenter de vous donner brièvement mon point de vue sur chacune d'elles.

    Au sujet des gouvernements minoritaires, je suis d'avis que le leadership exige parfois, et même souvent, de prendre des positions impopulaires, des positions qui ne semblent pas nécessairement gagnantes sur le plan politique pour le moment, mais dont on comprendra la justesse ultérieurement parce que ce sont de bonnes positions. Je pense que dans un gouvernement minoritaire, il est très difficile — des élections peuvent être déclenchées n'importe quand — de prendre une décision impopulaire, quoiqu'à mon sens, la popularité et les principes ne vont pas toujours de pair. Mais cela ne veut pas dire qu'un gouvernement majoritaire va nécessairement assurer un excellent leadership. Je ne pense pas que cela a été le cas ces dernières années. Mais dans l'ensemble, il est difficile d'appliquer des politiques qui peuvent être impopulaires quand le gouvernement est minoritaire.

    Sur votre dernier point, je ne crois pas que nous puissions réduire notre dépendance envers l'économie des États-Unis, étant donné que notre intégration est tellement poussée. Je ne crois pas que nous puissions inverser la tendance, et je suis le dossier depuis longtemps.

    La troisième option était une politique très sérieuse. J'étais à Ottawa quand M. Diefenbaker a annoncé en 1957 qu'il allait diversifier le commerce avec la Grande-Bretagne à hauteur de 15 p. 100. Je venais d'arriver quelques semaines auparavant.

    La politique de M. Trudeau n'était pas improvisée. C'est l'engagement le plus sérieux qu'il ait pris en politique étrangère. C'est la seule initiative de politique étrangère vraiment importante qui ait vu le jour au début des années 1970; chaque ministère avait un comité pour l'application de cette politique et à chaque fois que M. Trudeau se rendait à l'étranger, nous faisions la promotion de la diversification des échanges commerciaux avec l'Europe et le Japon, les deux grandes superpuissances de l'époque.

    En 1973, quand Mitchell Sharp a signé ce document, quand il a annoncé la politique de diversification, notre commerce avec les États-Unis se situait aux alentours de 60 p. 100, environ 62 p. 100.

    En 1984, quand M. Trudeau a pris sa fameuse marche dans la tempête de neige, la proportion était d'environ 74 p. 100; on était passé de quelque 62 p. 100 à 74 p. 100. Ces chiffres ne sont pas absolument précis, mais ils ne sont pas loin de la vérité.

    Je suis donc sceptique. Si nous voulons faire du commerce, nous voulons commercer avec tout le monde, il n'y a aucun doute là-dessus. Nous pouvons accroître nos échanges commerciaux. Nous n'en avions pas beaucoup; nous pouvons accroître notre commerce avec certains pays. Dans quelle mesure réussirons nous à vendre des produits manufacturés ou des produits à forte valeur ajoutée plutôt que de vendre des matières premières extraites de la terre?Je l'ignore.

    Sur le bois d'oeuvre, nous essayons de vendre du bois d'oeuvre au Japon quasiment depuis l'époque où j'étais au berceau. C'était un marché naturel et pour une raison quelconque, nous n'avons jamais très bien réussi là-bas.

     Nous devrions donc tenter de commercer davantage, mais nous n'allons pas réduire notre dépendance, compte tenu du degré d'intégration que nous avons atteint. Nous devons aborder cet enjeu sous un autre angle en nous posant la question suivante: compte tenu de ce degré d'intégration, comment pouvons-nous nous protéger contre le caractère arbitraire du système américain, l'arbitraire du Congrès, qui peut intervenir et qui peut causer d'énormes difficultés dans certains dossiers commerciaux?

    Sur votre deuxième point — je procède à l'envers —, je déplore qu'on ait scindé le ministère des Affaires étrangères en deux; je pense que c'était une erreur de laisser aller le commerce. Nous sommes l'une des plus grandes nations commerçantes du monde. De tous les pays du G-7 ou de l'OCDE, aucun ne fait plus de commerce que le Canada. Retirer le commerce de la politique étrangère... Cela ne relève-t-il pas des Affaires étrangères? Le plus ironique, dans cette affaire, c'est qu'immédiatement après avoir fait cela, nous nous sommes retrouvés avec le différend sur le bois d'oeuvre, qui menace d'ébranler, comme nos dirigeants le disent, le fondement même de nos relations avec les États-Unis, nos grands traités, toutes nos relations, que vous l'acceptiez ou non. Je suis un peu sceptique, mais cela relève de la politique étrangère.

    Il nous a fallu 20 ans pour amalgamer les deux ministères. Tout cela a commencé dans les années 50, à l'instigation de la commission Pierce. Le processus s'est poursuivi tout au long des années 60 et 70, sous l'impulsion du Bureau du Conseil privé. C'était essentiellement la bonne décision d'associer étroitement le commerce et les affaires étrangères et je pense que c'était une grande erreur de revenir en arrière. Je n'ai jamais rencontré personne qui ait pu m'expliquer pourquoi on avait fait cela.

¹  +-(1535)  

+-

    Mme Alexa McDonough: [Inaudible — L'éditeur]

+-

    M. Allan Gotlieb: Très bien, mais vous ne réussirez pas. Vous savez, on dit que le succès a beaucoup d'auteurs et que l'échec n'en a aucun. Personne ne veut s'en dire l'auteur.

    Sur votre première question, qui est la plus difficile, au sujet de la responsabilité de protéger, je pense que le point de départ... C'est une grande question que celle de l'intervention à des fins libérales et humanitaires. Cela change le monde dans lequel nous vivons. Cela change l'ordre juridique international.

    Si nous sommes vraiment sérieux, si ce ne sont pas simplement des paroles... Vous savez, nous avons déjà prononcé de beaux discours. Nous avons aboli la guerre dans les années 1930. Il n'y aura plus de guerre. Nous avions mis en place tout un éventail de traités — jamais plus de guerre. Ce n'était que des mots. Quelques années plus tard, nous étions plongés dans la pire guerre de l'histoire de l'humanité.

    Mais si nous sommes vraiment sérieux, et j'espère que nous le sommes, je pense que c'est une avancée extraordinaire que de placer les gens au-dessus de la souveraineté des États, de les élever au niveau le plus élevé. Si nous voulons vraiment passer de la parole aux actes, alors nous devons accepter l'existence d'un agent qui aura quelque part le pouvoir de décision. Si nous nous contentons de dire — comme on l'a dit durant les réunions de l'ONU et comme nous semblons l'avoir dit également — qu'il faut que ce soit le Conseil de sécurité, alors je ne pense pas que ces paroles soient très chargées de sens, parce que nous savons, connaissant la nature du Conseil de sécurité, que celui-ci sera ligoté par des vétos plus souvent qu'autrement. S'il faut obtenir le consentement des cinq grandes puissances et d'autres pays, il est peu probable que l'on puisse intervenir.

    Les grandes puissances doivent satisfaire les besoins de leurs clientèles. Il existe une telle chose qu'une grande puissance. Les grandes puissances pensent différemment. Elles pensent aux besoins de leurs clients et elles pensent à leurs propres intérêts. Je pense que le point de départ doit être de décider qui sera le policier et qui va autoriser le policier à agir. Si nous disons que c'est le Conseil de sécurité et que ça s'arête là, fin de la discussion, alors je ne crois pas que l'intervention humanitaire libérale soit réelle.

¹  +-(1540)  

+-

    Le président: Alors qu'est-ce que ce sera?

+-

    M. Allan Gotlieb: Je pense qu'il est très important que les Canadiens posent cette question. Il y a plusieurs possibilités. On peut envisager une organisation régionale. Je ne suis pas très chaud à cette idée. Dans le cas du Kosovo, il y a eu une organisation régionale et elle a fonctionné. C'était l'OTAN. C'était illégal. L'intervention n'avait pas eu l'aval du Conseil de sécurité. C'était une action illégale. C'était aussi la chose à faire. D'aucuns affirment le contraire, mais la plupart des gens sont d'avis que c'était la chose à faire pour empêcher un génocide. C'était une organisation régionale, mais l'OTAN n'était pas véritablement une organisation régionale puisqu'elle incluait les grandes puissances. La Russie n'en faisait pas partie, mais elle incluait les États-Unis et tous les pays d'Europe.

    Au sujet de la coalition des partenaires pour une même cause, malheureusement cette expression est entachée par l'Iraq puisque l'intervention en Iraq ne va pas très bien. Mais je pense que de telles coalitions représentent peut-être une solution intelligente. Par exemple, advenant qu'il y ait un terrible génocide quelque part en Afrique, et que Washington, Berlin, Paris et Londres conviennent tous qu'il faudrait l'arrêter, cela confère-t-il une légitimité à leur intervention? Il aurait été impossible d'obtenir l'aval du Conseil de sécurité parce que la Russie, par exemple, aurait opposé son véto. J'invente une situation qui n'est pas improbable. La coalition formée de ces quatre capitales, Berlin, Paris, Londres et Washington, offrirait-elle une légitimité? Sans doute.

+-

    Le président: J'ai une question pour vous, monsieur l'ambassadeur. Quelle place notre politique étrangère devrait-elle faire à l'Organisation des Nations Unies, étant donné qu'à votre avis, c'est avec les États-Unis que nous entretenons nos relations les plus importantes? L'ONU n'est pas très populaire aux États-Unis à l'heure actuelle.

+-

    M. Allan Gotlieb: C'est une question à laquelle il est extrêmement difficile de répondre. Nous avons raison de faire autant de place à l'Organisation des Nations Unies dans notre politique étrangère, mais nous avons tort d'en exagérer l'importance, et notamment de nous attendre à ce qu'elle agisse lorsqu'elle ne peut pas le faire. Dans l'hypothèse d'un génocide — et ce n'est qu'un exemple en passant — si les Nations Unies ne peuvent agir, à ce moment-là, ce ne serait pas la fin des recours.

    Lorsque le Canada a décidé de ne pas se joindre aux États-Unis dans la coalition contre l'Iraq, j'ai été critique. J'ai rédigé un article dans le magazine Maclean's pour expliquer ma position. Ce que je n'aimais pas dans cette décision, c'est ce que j'ai appelé la doctrine Chrétien. Je m'explique: M. Chrétien, qui était alors premier ministre, a déclaré que sans l'autorisation du Conseil de sécurité, sans la mise en oeuvre d'une résolution du Conseil de sécurité, nous ne pouvions pas y aller. Cette attitude représente une distorsion des principes humanitaires, une distorsion de l'idéalisme qui, à mon avis, peut en arriver à masquer un certain isolationnisme. Si nous déclarons constamment: « Aucune action à moins d'avoir la bénédiction de l'ONU », et que nous savons que l'ONU ne sera pas d'accord, à ce moment-là, nous adoptons une position isolationniste. C'est un prétexte pour ne rien faire.

    La seconde chose que je veux dire au sujet de l'ONU est la suivante — et ce faisant, je vais engager mon crédit. S'agissant de la paix et de la sécurité — et je ne parle pas de l'Organisation mondiale de la santé ou d'autres domaines remarquables de coopération —, il n'y a pas d'ONU sans les États-Unis. L'ONU ne peut agir. Elle n'a pas pu agir au Kosovo et ce, même avec les Européens. Elle n'a pas pu agir. L'ONU n'est donc pas une solution de rechange aux États-Unis. L'ONU ne peut être efficace sans les États-Unis, et l'un des plus grands défis de notre politique étrangère est d'accroître notre influence auprès des États-Unis pour qu'elle soit comparable à ce qu'elle était auparavant. Ainsi, nous pourrions avoir une voix, un accès et contribuer à convaincre les États-Unis d'utiliser l'Organisation des Nations Unies dans la mesure où elle peut être utilisée pour réaliser nos objectifs communs. Mais sans les États-Unis, l'ONU ne peut agir.

¹  +-(1545)  

+-

    Le président: Une dernière question. Comment voyez-vous l'avenir du service extérieur canadien?

+-

    M. Allan Gotlieb: C'est une question difficile. À l'heure actuelle, son avenir est sombre pour diverses raisons. Premièrement, le retrait du commerce. On affirme que le commerce est au coeur de notre intérêt national, mais le ministère des Affaires étrangères ne s'en occupera pas. Je me répète. Il faudrait abandonner cette idée incessamment. M. Martin devrait simplement dire: « C'était une erreur. Revenons aux affaires. »

    Deuxièmement, je m'inquiète qu'en ce qui concerne la gestion des relations canado-américaines, l'autorité est passée en grande partie du ministère des Affaires étrangères au Bureau du Conseil privé et au Cabinet du premier ministre. On peut faire valoir que c'est inévitable, mais je ne suis pas d'accord avec cela. Le ministère des Affaires étrangères jouait un rôle sensationel, et l'une des raisons était qu'il pouvait compter sur un service extérieur sensationel. Le service extérieur pouvait compter sur les cerveaux les plus brillants, mais il ne parviendra plus à les attirer si on lui retire le champ de l'économie et les relations avec les États-Unis. Je peux affirmer avec le plus grand regret que vous aurez un ministère qui s'occupera uniquement de dossiers secondaires.

    Par conséquent, je ne suis pas optimiste quant à l'avenir du service extérieur.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur. Je sais que vous avez un autre engagement. Je vous remercie d'être venu comparaître devant le comité. Ce fut fort apprécié.

    Nous allons faire une pause de quelques minutes. Merci.

¹  +-(1547)  


º  +-(1600)  

+-

    Le président: Nous reprenons nos travaux.

    Nous accueillons M. Andrew Cooper, professeur à l'Université de Waterloo et directeur associé du Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale.

    Vous avez déjà comparu devant le comité, monsieur Cooper, et je vous remercie de nous aider en partageant avec nous votre réflexion sur l'Énoncé de politique internationale et sur la façon dont nous devrions l'aborder.

    Monsieur Cooper.

+-

    M. Andrew Cooper (directeur associé, Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale): Je suis très heureux d'être ici.

    Comme le président l'a mentionné, je suis directeur associé du CIGI. Sous ses auspices, j'ai dirigé un certain nombre de programmes de recherche. J'ai notamment été coéditeur de l'édition 2005 de Canada Among Nations. Comme vous le savez, il s'agit d'une série de publications de longue date qui est le fruit de la collaboration de la Norman Paterson School of International Affairs et de l'Université Carleton depuis 21 ans.

    Si vous avez eu un moment pour parcourir l'Embassy Magazine la semaine dernière, qui donnait un avant-goût du thème central retenu pour l'édition de cette année de Canada Among Nations, vous savez sans doute aussi que le thème de cette année est « Split Images »(images composites). Au cours des quelques minutes dont je dispose, c'est ce thème que j'aimerais aborder en trois volets: premièrement, la raison d'être; deuxièmement, le ciblage et enfin, lesmécanismes de la politique étrangère, dont l'ambassadeur Gotlieb a aussi parlé.

    L'ambassadeur Gotlieb a beaucoup parlé du contexte de l'Énoncé de politique internationale, et je pense qu'il serait utile que j'ajoute un ou deux commentaires à son intervention. En effet, nous vivons dans un monde bien différent qu'à l'époque de la parution de l'énoncé Le Canada dans le monde, en 1995, et certainement très différent qu'à l'ère post-1945.

    Pendant l'ère post-1945, le Canada a souscrit à la théorie des clubs, que vous reconnaîtrez tous: l'ONU et l'OTAN. Même pendant l'après-guerre froide, il était acquis que l'on pouvait adhérer à de multiples réseaux. L'ambassadeur Gotlieb a aussi parlé des coalitions des partenaires pour une même cause. Dans les années 90, bien entendu, bon nombre de ces coalitions venaient de la base plutôt que d'en haut. Elles se concentraient surtout sur des dossiers comme la Cour pénale internationale et les mines terrestres.

    Présentement, on peut en identifier trois types de clivages. D'abord, cette tension sérieusement étudiée — par vous et par d'autres — entre les valeurs et les intérêts. Et bien entendu, dans l'Énoncé, on en parle en termes de fierté et d'influence. Je pense qu'à certains égards, il s'agit d'une fausse tension. Il y a évidemment des gens qui penchent d'un côté ou de l'autre. D'une certaine façon, c'est un choix générationnel: la jeune génération, dont fait partie Jennifer Welsh, pense que notre politique internationale peut assurément être meilleure, et elle hausse les attentes. Parallèlement, les disciples de la vieille garde de la politique étrangère mettent de l'avant les intérêts — et non seulement les intérêts. Ils évoquent un jeu stratégique central dont les États-Unis sont, en un sens, les seuls acteurs, tout le reste étant des enjolivures. À mon avis, il faut aller au-delà de cette dichotomie. Lorsque je m'adresse à mes étudiants, je compare la politique étrangère à des haltères: il faut lever les deux côtés en même temps, les valeurs d'un côté et les intérêts de l'autre.

    J'aimerais situer mon intervention dans un contexte qui, je le sais, vous intéresse. Le sujet a été effleuré dans l'Énoncé sans être vraiment approfondi. Il s'agit de l'initiative du forum des leaders de 20 pays, le L-20. Je pense qu'on peut démontrer que tant les valeurs que les intérêts ont tout à gagner dans ce type d'initiative. Je parle de “valeurs“, parce qu'une instance comme le L-20 va au-delà du concept des anciens clubs et pave la voie vers un certain réaménagement. Évidemment, elle ouvre la porte à des États ancres ou à de nouveaux pivots régionaux, une réalité qu'il faut reconnaître.

    Voilà qui m'amène à mon second thème, le ciblage. Je sais que c'est tentant, et je sais que l'ambassadeur Gotlieb a évoqué le du jeu central, qui s'articule autour des États-Unis, mais je pense que ce serait une erreur de se borner à ce jeu. Peut-être que les possibilités qu'offrent les pays du BRIC — le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine — ou même du BRICSAM, lorsqu'on ajoute les pays de l'ANASE, l'Afrique du Sud et même le Mexique à ce groupe... Je pense que ces pays sont importants tant sur le plan matériel que symbolique. Chose certaine, ils ont un poids énorme au plan économique. Ce sont des pays affamés d'investissements et de ressources.

º  +-(1605)  

    Ils constituent un bassin d'immigrants de talent pour le Canada. En même temps, ils ont une forte résonance diplomatique. Je vous invite à passer en revue la liste de tous ces pays au riche potentiel diplomatique: la Russie, qui sera l'hôte de la réunion du G-8 en 2006; l'Afrique du Sud, dont le président Mbeki a sans doute assisté à plus de rencontres du G-8 que la plupart des dirigeants du G-7 ou du G-8, depuis l'an 2000; et, bien entendu, la Chine, qui vient d'accueillir avec succès la réunion des ministres des Finances du G-20; et c'est sans compter le trio Brésil, Afrique du Sud et Inde, qui a dans sa mire le cycle de Doha sur le développement.

    Encore une fois, vu leur importance, ces pays peuvent contribuer à résoudre des problèmes comme la sécurité énergétique. Et je pense que le L-20 pourrait se consacrer à la santé. En outre, on peut voir se profiler à l'horizon des problèmes de compensation dans la foulée du plan de réforme problématique de l'ONU.

    En dernier lieu, il nous faut évidemment parler un peu de mécanismes. Les mécanismes de la politique étrangère canadienne présentent un curieux mélange, une combinaison d'une forte concentration et d'une forte fragmentation. De diverses façons, un grand nombre de dossiers de la plus haute importance sont acheminés au centre du gouvernement. La dernière fois que j'ai comparu devant votre comité, c'était deux semaines après le 11 septembre. À ce moment-là, nous avions parlé de frontières intelligentes. Évidemment, l'initiative sur la frontière intelligente a été pilotée pour une grande part par le centre du gouvernement. Mais en même temps, il existe une fragmentation. Dans la capitale régionale, presque tous les ministères, toutes les agences et tous les acteurs font de la politique étrangère d'une façon ou d'une autre.

    Bien entendu, la scission, ou la scission putative du MAECI complique la question. Chose certaine, cette scission est problématique à bien des égards, sans doute surtout parce qu'elle a pour effet de souligner de façon douteuse la tension entre les valeurs et les intérêts. Autrement dit, on identifie très fortement un ministère comme le ministère associé aux valeurs et l'autre comme le ministère associé aux intérêts. À mon avis, c'est un manque de vision.

    Le seul bon côté de ce divorce, c'est qu'il a mis la politique étrangère sous les feux de la rampe. En effet, comme je le mentionnais informellement tout à l'heure, je ne pense pas que la politique étrangère ait jamais été autant le centre d'attention, au sein du gouvernemental et, assurément, dans les cercles universitaires.

    Si l'on reprend l'analogie entre la politique étrangère et les haltères, il faudra certainement soulever des poids lourds. Mais pour réussir, pour contribuer à la finalité de la politique étrangère, il faut qu'il y ait un équilibre entre sa raison d'être, ses objectifs et ses mécanismes.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Cooper.

    Nous allons commencer avec M. Clavet.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Monsieur Cooper, j'ai écouté avec beaucoup d'attention ce que vous avez dit en ce qui concerne l'intérêt que nous avons en ce moment pour la politique étrangère. Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais vous sembliez dire que nous avons une occasion unique. En ce moment, au Canada, on parle beaucoup selon vous de politique étrangère. Ce n'est pas la vision quotidienne que j'en ai. Les gens lisent les journaux. Nous voyons les sujets de politique étrangère, nous les regardons. Toutefois, est-ce que nous les analysons? Avons-nous vraiment cette perception que vous semblez avoir à l'effet que nous avons beaucoup parlé de politique étrangère?

    Peut-être qu'on en parle dans des milieux politiques comme le nôtre, au sein du comité ou chez des gens qui travaillent au Centre pour l'innovation de la gouvernance internationale. En général, diriez-vous que c'est partagé par l'ensemble de la population? Si oui, est-ce que c'est une belle occasion d'aller davantage de l'avant avec notre politique? Vous avez parlé du split of DFAIT, soit de la division du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Est-ce un bon moment? Est-ce que le climat est propice pour parler de politique étrangère? Peut-on aller plus loin sur cette avenue?

º  +-(1610)  

[Traduction]

+-

    M. Andrew Cooper: Je pense que c'est l'une des grandes questions. Il est arrivé que les pessimistes et les défaitistes évoquent avec nostalgie cet âge d'or. Bien sûr, cette période bénie, allant de la fin des années 40 au début des années 60, avait bien des attraits. Mais en même temps, la politique étrangère de cette époque comportait aussi son lot de lacunes, ne serait-ce qu'en raison de la composition de ses représentants... si l'on considère la place faite aux ethnies, aux femmes, et ce, à tous les échelons. Ce n'était pas une politique étrangère particulièrement diversifiée ou pluraliste.

    Qui plus est, c'était un exercice très gauchement élitiste. À cette époque, les artisans de la politique étrangère savaient quel était l'intérêt national et n'hésitaient pas à jouer cette carte. Encore là, cela était assez attrayant à certains égards. En temps de crise, on pouvait voir se manifester les représentants de l'État canadien, en compagnie d' intellectuels et même de journalistes, et tous étaient reçus à bras ouverts sur la scène internationale. Mais encore là, je pense qu'il faut reconnaître qu'il y avait des lacunes. D'une certaine façon, c'est le côté fascinant du désordre, en ce sens que toutes sortes de gens se mêlaient de la politique étrangère.

    À ce sujet, sans vouloir porter un jugement qualitatif sur ces oeuvres, on constate que de nombreux livres sur la politique étrangère ont énormément de succès, en tout cas au Canada anglais. Au Canada français, des journalistes comme Jocelyn Coulon rédigent des chroniques très sérieuses dans les journaux. Il y a aussi des gens comme Jennifer Welsh et Andrew Cohen. À l'échelle canadienne, ces livres sur la politique étrangère canadienne sont des succès de librairie; ce ne sont pas seulement des ouvrages dont le lectorat est limité au milieu universitaire. Ce sont des livres que les gens ordinaires achètent, ce qui m'apparaît un changement fondamental.

    L'autre élément que nous ne manquerons pas d'aborder, j'en suis sûr, concerne les acteurs non sécuritaires. Il ne s'agit pas simplement du grand public, mais de gens qui ont des préoccupations très précises en matière de politique étrangère et dont l'engagement est encore une fois très brouillon, mais aussi très riche. Je pense que c'est l'un des thèmes qu'a relevé Jennifer — l'existence d'une nouvelle génération de gens qui peuvent être Canadiens à certains égards, mais hyper-mondialistes à certains autres. Ils peuvent vivre dans différents pays mais conserver, sous bien des rapports, une mentalité canadienne.

    Les sondages offrent une appréciation différente, mais chose certaine, si je me fonde sur cette preuve anecdotique, nous traversons une période idéale pour à tout le moins étudier la politique étrangère. Le problème, bien sûr, c'est de passer de la théorie à la pratique.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Clavet.

+-

    M. Roger Clavet: Vous avez également parlé, avec beaucoup de valeur et d'intérêt, du nécessaire exercice d'équilibre qu'on doit avoir entre les deux.

    Dans le cas de la Chine, qui est un dossier qui me tient particulièrement à coeur étant porte-parole de l'Asie-Pacifique pour le Bloc québécois, comment peut-on concilier à la fois les droits de l'homme et le potentiel énorme du commerce international? En même temps, on entend souvent: « Doit-on couper l'aide internationale à la Chine puisqu'elle a des excédents commerciaux? » J'aimerais vous entendre à ce sujet.

[Traduction]

+-

    M. Andrew Cooper: Je pense que c'est là l'un des grands désavantages de la scission ou du divorce dans le domaine de la politique étrangère. S'il y a une scission dans l'appareil gouvernemental, cela crée une distinction artificielle. En un sens, on force même le personnel du MAECI à regarder la Chine à travers un prisme particulier. Sans aller jusqu'à dire que c'est une approche dysfonctionnelle, cela constitue certainement un handicap si l'on veut avoir une compréhension exhaustive de la Chine.

    Il est assez évident que le Canada doit faire certaines choses qui mettront les Chinois mal à l'aise. Je suis plutôt content que le Dalai Lama vienne au Canada, même si les Chinois disent que cette visite est problématique et qu'elle pourrait peut-être même nuire à certains aspects des relations sino-canadiennes. Toutefois, je suis certainement suffisamment réaliste pour savoir que l'on ne changera pas la Chine en jouant en quelque sorte un jeu de quid pro quo — en leur faisant la morale ou en dénonçant énergiquement la tradition impériale en Chine. Il va de soi qu'une telle approche ira à l'encontre du but visé.

    En somme, il faut faire un peu les deux. Le secret, c'est de jouer le même jeu que les Chinois. Vous vous souvenez tous du commentaire de Chou En-lai au sujet de la Révolution française lorsqu'on lui avait demandé quelles en étaient les répercussions, à son avis. Il avait répondu: il est trop tôt pour le dire. Je pense que c'est la même chose pour nous. Nous devons jouer nos cartes en fonction du long terme. Il faut se dire que nous allons essayer de faire avancer la Chine à certains égards. Je sais que tous les intervenants, de l'ACDI aux ONG, essaient de jouer ce jeu. Il y a énormément d'activités dans le domaine de la justice, des tribunaux, mais je pense qu'il faut aussi s'attacher à cette idée fondamentale d'intégrer la Chine par le biais d'un instrument comme le L-20.

    La question centrale est de savoir comment on peut embrasser la Chine et faire en sorte qu'elle adhère aux règles de la gouvernance et du droit. Si l'on y réussit aux plus hauts échelons, le reste suivra. Non sans réticence peut-être, les dirigeants chinois adopteront un comportement différent parce qu'ils savent que de cette façon, ils seront acceptés par la communauté internationale. Mais je le répète, il faudra une myriade d'initiatives canadiennes à la pièce, assortie d'une conception plus stratégique des mesures à prendre pour ouvrir la porte à la Chine et l'amener au centre de la scène internationale.

º  +-(1615)  

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Merci, M. Cooper.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney: Je n'ai pas de questions pour l'instant.

+-

    Le président: Madame Guergis.

+-

    Mme Helena Guergis: Je n'ai pas de questions.

+-

    Le président: Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Il y a plusieurs éléments sur lesquels j'aimerais revenir, mais à propos du L-20, comment pouvez-vous rassurer les personnes que cette initiative préoccupe. J'avoue être l'une d'elles. Ce qui m'inquiète, comme d'autres, c'est que si nous optons pour la voie du L-20, nous allons en quelque sorte diminuer l'urgence que nous sentons — à l'instar d'autres pays — d'engager une réforme sérieuse à l'ONU. Par conséquent, cette voie s'apparente un peu à un détour, mais il ne nous permet pas d'arriver là où nous voulons en arriver sur bien d'autres fronts.

    Deuxièmement, j'apprécie votre franchise au sujet de la scission. J'avoue que je n'ai jamais entendu une meilleure description des problèmes qu'elle créera que votre analogie sur la nécessité d'équilibrer les haltères. J'aime beaucoup cette image parce que la plupart des gens peuvent la comprendre, et je pense que nous vivons déjà les conséquences de ce divorce dans bien des dossiers.

    Selon votre perspective, quel est l'état actuel des choses à cet égard? Que pensez-vous que le gouvernement canadien devrait faire?

+-

    M. Andrew Cooper: Mon dernier argument — et je pense pouvoir pousser l'analogie encore un peu plus loin —, c'est que cela aura pour effet d'imposer une pression énorme à chaque employé. Je m'explique. Une personne qui travaille aux affaires étrangères à Beijing sous la direction d'un patron du volet commerce va-t-il avoir le courage de dire: « Peut-être devrions-nous réfléchir à un problème de droits humains donné et en parler? » Je pense que c'est en ce sens que la scission créera des difficultés.

    À mes yeux, l'intérêt du modèle intégré, c'est qu'en un sens, il nuançait ces opinions et permettait peut-être aux gens de voir les mérites des deux côtés de l'haltère au lieu de considérer que leur cheminement de carrière sera mieux servi, selon qu'ils sont du volet intérêts ou du volet valeurs. Bien sûr, votre comité a contribué pour une grande part à formuler ou à reformuler cette mesure.

    Encore là, cela montre une certaine tendance à se tourner vers les experts. Ce qui me frappe au sujet de cette décision à l'heure actuelle — et reprenez-moi si je me trompe —, c'est qu'on a décidé de la soumettre à un certain nombre de personnes en leur demandant de se prononcer, de dire si c'est là une bonne ou une mauvaise chose et ensuite, pour ensuite revenir et de faire rapport.

    Mais une chose est sûre. La scission ne recueille guère d'appuis. Ce qui est intrigant, c'est que des deux côtés de l'ancien clivage politique-commerce, dans les deux camps, on est contre la scission. L'ambassadeur Gotlieb, qui a comparu avant moi, et dont je ne partage certainement pas l'opinion quand il dit que nos relations avec les États-Unis représentent le seul dossier de premier plan pour le Canada, est peut-être un critique encore plus véhément que moi de ce divorce. Cette réaction au sein de la communauté des affaires étrangères est pour le moins fascinante.

    Au sujet du L-20, il faut assurément prendre ces préoccupations au sérieux. Mais par ailleurs, la réforme de l'ONU s'est heurtée à un mur de brique, en tout cas en bout de ligne, au Conseil de sécurité. Le L-20 est attrayant, entre autres, parce qu'il offre une certaine compensation à la fois aux adversaires et aux partisans de la réforme du Conseil de sécurité, les acteurs de poids qui ont mené la charge en faveur du changement. En l'occurrence, ce ne sont pas uniquement les pays que j'ai examinés. Ce sont aussi l'Allemagne, le Japon, l'Inde et le Brésil.

    Cette formule offre aussi une compensation à certains des pays qui ont bloqué la réforme du Conseil de sécurité. Ils formaient une coalition étrange où l'on retrouvait des pays comme le Mexique et l'Argentine, qui tentaient certainement par là de faire échec au Brésil. Qui plus est, dans cette formule, la Chine se retrouve en vedette. D'ailleurs, la Chine avait de sérieuses réserves au sujet de la place du Japon dans un Cconseil de sécurité réformé.

    Je pense en outre que la formule est intéressante pour les États-Unis, en ce sens qu'elle les pousse vers le multilatéralisme. Si ce n'est pas là une proposition que l'administration Bush peut endosser, on se demande bien quels sont les paramètres du multilatéralisme pour les États-Unis. Il s'agit là d'une réunion informelle de dirigeants où l'on s'attacherait à des enjeux que même le gouvernement Bush pourrait juger extrêmement importants — la sécurité énergétique, entre autres. Le thème que je préconiserais est la santé, que l'on discute plus directement de sujets comme les pandémies... Ou peut-être aurait-on pu discuter du tsunami et de la protection civile. Ce sont là des questions de nature très technique. Il ne faudrait pas se risquer à aborder des questions portant sur la souveraineté, non seulement des États-Unis, mais de la Chine.

    On a pu voir, lors de la crise du SRAS, que les Chinois ont été amenés à bouger, à réagir bien différemment qu'ils l'ont fait face à l'expression de préoccupations concernant les droits humains, un dossier où, manifestement, la souveraineté est perçue comme extrêmement problématique par le gouvernement chinois.

    Encore une fois, à cet égard, c'est un équilibre qu'il faut rechercher. Ce qui m'apparaît plus crucial encore, c'est de savoir quoi faire au sujet des pays qui ne sont pas inclus.

    L'une des autres critiques exprimées à l'endroit du forum L-20, c'est qu'il crée en quelque sorte un niveau supérieur. Vous savez, c'est une façon de récompenser les pays de la classe moyenne supérieure. Ils ont bien réussi. Il y a une classe moyenne dans ces pays. Et voilà que soudainement, ils montent en grade. Mais qu'en est-il des petits pays africains?

º  +-(1620)  

    Je pense que cela mérite réflexion. J'ai rédigé avec des collègues de l'Institut allemand de développement un document sur la possibilité de combiner une réunion de type L-20 avec une réforme d'ECOSOC, ce qui permettrait d'obtenir un conseil plus efficient à cet égard. Mais encore là, je pense qu'il y a toute une réflexion à faire et quantité d'autres propositions à examiner pour que ces pays ne se retrouvent pas à l'écart.

+-

    Mme Alexa McDonough: Je vous demanderais de bien vouloir faire parvenir au comité le document en question. Je pense que c'est un problème vraiment sérieux.

+-

    M. Andrew Cooper: Oui.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Phinney, voulez-vous poser une question?

+-

    Mme Beth Phinney: Oui.

+-

    Le président: Allez-y.

+-

    Mme Beth Phinney: Vous avez mentionné dans votre déclaration liminaire que les gens s'intéressaient davantage aux affaires étrangères aujourd'hui. Vous qui êtes professeur depuis 20 ans, avez-vous remarqué un changement d'attitude chez les jeunes? Des représentants de l'AUCC nous ont dit que le gouvernement devrait dépenser plus d'argent, investir davantage pour faire venir des étudiants étrangers ici et envoyer des étudiants canadiens à l'étranger. Le groupe Canada 25 a aussi comparu devant notre comité. Que pensez-vous de cela?

+-

    M. Andrew Cooper: Je pense que je peux vous donner une réponse beaucoup plus ferme à ce sujet. Évidemment, ce ne sont pas tous les étudiants que la politique étrangère intéresse, mais je pense que vous avez constaté une recrudescence de l'enthousiasme des étudiants que ce domaine fascine. Bien sûr,ils sont beaucoup plus informés. Cela s'explique par le fait qu'ils ont effectué des stages pertinents, qu'ils ont quitté... Je suis de la génération des jeunes qui allaient en Europe l'été, s'ils pouvaient se le permettre. Maintenant, les étudiants vont un peu partout. Ils vont en Amérique centrale; ils vont en Asie du Sud-Est. Ils évoluent dans un monde beaucoup plus éclaté que celui de ma jeunesse, où l'Espagne, l'Italie ou la Grèce étaient les pôles d'attraction. À l'heure actuelle, les pôles d'attraction sont beaucoup plus nombreux, et je pense...

+-

    Mme Beth Phinney: Est-ce à cause de la télévision? Pourquoi en est-il ainsi?

+-

    M. Andrew Cooper: Cela s'explique en partie parce qu'il était très compliqué de trouver des vols nolisés; maintenant, il suffit de voir quelles sont les destinations d'Air Canada. Les étudiants peuvent même se rendre à Caracas en vol direct. Et c'est la même chose pour Lima, Bogota, Colombia, Santiago, au Chili, Buenos Aires et Sao Paolo. Le contexte est très différent. À notre époque, nous aurions probablement pris un vol pour Amsterdam. Je le répète, c'est très différent.

    Et je pense que d'une certaine façon, même s'il s'agit d'une génération un peu plus âgée... Le livre de Jennifer Welsh fait ressortir cela. Il s'agit d'une histoire très personnelle, mais le nombre de personnes, tous ces jeunes de l'après-baby-boom... Je pense que c'est très impressionnant. Et bien entendu, chaque génération veut faire concurrence à la précédente. D'une certaine façon, les personnes qui sont intéressées sont très intéressées.

    Pour ce qui est des cours, le nombre d'inscriptions dépasse le nombre de places dans n'importe quel cours dont l'énoncé comporte le terme mondial ou international. C'est la même chose pour les cours de langue, surtout l'espagnol, qui est sans doute plus populaire que toute autre langue, mais pas seulement l'espagnol. Encore là, on voit à l'oeuvre toutes sortes de courants différents, et je ne pense pas que ce soit un phénomène circonscrit géographiquement. Suivre des cours de développement international, cela se fait à Montréal, à Halifax, à Guelph, de l'autre côté de... On offre ce type de programmes un peu partout. Et ils sont fort populaires. Bien des étudiants n'envisagent pas de s'engager dans une carrière immédiatement, un an ou deux après avoir obtenu leur diplôme, mais ils savent que s'ils voient du pays, qu'ils se cultivent, ils réussiront dans la vie. Et je pense qu'ils nouent des liens avec d'autres jeunes d'autres pays qui ont la chance d'avoir les mêmes perspectives qu'eux.

º  +-(1625)  

+-

    Mme Beth Phinney: Cela dit, seriez-vous en faveur que le gouvernement investisse davantage dans ce domaine?

+-

    M. Andrew Cooper: Oui. J'ajouterais que l'un de mes anciens étudiants, Parker Mitchell, est le fondateur de Ingénieurs sans frontières. Il y a aussi une concordance avec Canada 25. Même si c'était un étudiant en génie très brillant, il voulait connaître l'histoire, les sciences politiques. C'est un cheminement hybride qui est très impressionnant et qui est le choix d'étudiants qui sont sans doute exceptionnels et, chose certaine, les participants à Canada 25 sont assez exceptionnels. Cela dit, il est très bon d'avoir une cohorte comme celle-là — certains au Canada, certains à Boston, certains au Royaume-Uni, certains en France. C'est très impressionnant.

+-

    Le président: Merci, monsieur Cooper. Je veux revenir sur le L-20.

    Il y avait un ministre des finances chinois, et c'était une initiative formidable. Comment donner suite au L-20? Quelle serait votre recommandation, sachant qu'aux Nations Unies, la réforme du Conseil de sécurité...? Manifestement, ce n'est pas pour demain. Cela ne fait aucun doute. Vous avez mentionné qu'au L-20, on pourrait discuter de certains enjeux, comme la santé ou d'autres. Le L-20 pourrait-il être un forum susceptible de remplacer le G-8, en un certain sens, peut-être pas à court terme mais à long terme? Il y a davantage de participants, et les dirigeants de 26 pays sont réunis.

    Quelle serait votre recommandation à cet égard?

+-

    M. Andrew Cooper: Vous comprenez la notion de clubs. Il est difficile de changer un club. Une fois qu'un club est établi, un statu quo s'installe. C'est uniquement dans des circonstances exceptionnelles -- prenons l'exemple de la Russie qui a été acceptée à cause de Yeltsin --, mais il y aurait sans doute des gens qui diraient que même l'intégration de la Russie a été problématique.

    Mais je crois tout de même que si l'on considère la géographie et même les questions de civilisation dont les gens parlent, il semble logique d'avoir un groupe élargi.

    Comment peut-on avoir une sorte de club du milieu des années 70 — le Japon étant le seul pays à l'extérieur de cette orbite — et déclarer qu'un tel club émettrait des opinions que les autres pays devraient suivre, sans pour autant les leur dicter? C'est tout à fait problématique.

    Par conséquent, en intégrant la Chine, l'Inde, le Brésil... Le choix des pays suscitera toujours des critiques, mais tout le monde sait quels pays font partie du niveau supérieur. Ensuite, on peut commencer à envisager l'Afrique du Sud par opposition au Nigeria, l'Égypte par opposition à l'Arabie saoudite, et ainsi de suite.

    Parfois, on se perd dans les détails, mais parfois les détails suivent quand l'armature est bonne et si vous avez une bonne armature... À ce sujet, il n'est pas nécessaire que cette entité s'appelle le L-20, même si cette appellation la distingue de tous les autres G. Au cours de nos travaux, mes collègues et moi nous sommes véritablement enlisés lorsque nous avons essayé d'expliquer la différence entre le G-20 des ministres des Finances et le G-20 du cycle de Doha que L-20 nous a paru la solution.

    Il y a aussi des courants qui viennent d'ailleurs. Le sous-secrétaire du Trésor des États-Unis, M. Tim Adams, qui vient d'être nommé il y a environ un mois, se penche certainement sur ce genre de questions puisqu'il sait pertinemment qu'il faut aller au-delà d'un certain statu quo — que ce soit en modifiant la réunion des ministres des Finances du G-7/G-8 ou en élargissant le groupe pour constituer un L-20.

    Les Allemands sont intéressés. Dès que les Britanniques ne seront plus les hôtes du G-8... Encore une fois, on revient aux problèmes de clubs. Une fois que vous êtes accepté dans un club, vous ne voulez pas que les choses changent. Dès qu'on se libère de ce carcan, il est possible de concevoir que c'est peut-être une belle occasion.

    Je pense qu'il faut jouer d'audace, ne pas simplement se borner à appuyer ce genre d'initiative, et affirmer qu'elle s'impose pour des motifs symboliques et opérationnels.

    Chose certaine, le choix est là. On peut dire qu'immédiatement dans la foulée du tsunami, il aurait été possible de rassembler les dirigeants. Ils seraient tous venus dans la foulée de cette crise.

    L'ambassadeur Gotlieb parlait tout à l'heure des coalitions des partenaires pour une même cause. L'une des coalitions des pays disposés s'est constituée en réaction au tsunami. Une myriade de pays se sont minifestés.

    Dans le domaine de la santé, il y a eu la semaine dernière à Washington une réunion sur une pandémie, à laquelle 70 pays ont participé. Évidemment, c'est un trop pour que cette réunion puisse avoir quelque efficience opérationnelle. Par conséquent, c'est sans doute sous ce rapport...

    L'un des problèmes du G-7/G-8, c'est qu'il ne rassemble pas les bons pays. Lorsqu'on discute d'endettement, il faut qu'il y ait des pays débiteurs à la table. Lorsqu'on parle de réforme monétaire, il serait peut-être bon que la Chine soit présente. S'agissant de santé, peut-on en parler uniquement entre pays riches? Lorsqu'on aborde le sujet de l'eau, comme on l'a fait à la rencontre du G-7 à Evian, comment peut-on en parler pertinemment en l'absence des pays en développement?

    Évidemment, cette approche, marquée par l'ouverture, rend plus évidente la solution. Chaque année, on note une ouverture. Il y a donc probablement deux modèles du G-7/G-8. On peut choisir certains pays en fonction de la géographie ou inviter les dirigeants des pays africains, ou encore, suivre l'exemple de l'administration Bush, qui a fait tenu une rencontre en Géorgie, ou on peut inviter les pays du Moyen-Orient, ou encore on choisit des pays ancres ou pivots, ce qui semble être un modèle auquel on revient.

    Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, le président Mbeki participe à toutes les réunions depuis 2000. Voilà qui en dit long sur la signification de la gouvernance au XXIe siècle. Pourquoi est-il là? C'est qu'il estime que du point de vue tant de la légitimité que de l'efficience, il est utile qu'il soit là.

    On peut discuter des détails, mais l'idée générale semble s'imposer.

º  +-(1630)  

+-

    Le président: À propos de la réforme de l'ONU, bien des gens ont été déçus de la dernière grande rencontre des dirigeants à New York. Entrevoyez-vous un changement dans le rôle de l'ONU? Qu'est-ce qui fait obstacle présentement à la réforme de l'ONU?

+-

    M. Andrew Cooper: Comme l'ambassadeur Gotlieb l'a mentionné, le seul succès, fort modeste, a été l'adoption du principe du droit de protéger, qui s'est faufilé. Il y a trois ou quatre ans, il aurait été très difficile de faire un pareil choix, d'adhérer à cette idée, non seulement pour les pays développés mais pour les autres également. Je pense qu'il faut regarder derrière soi et dire qu'à cet égard, les idées comptent.

    La commission constituée au Canada a certainement fait un excellent travail, ne serait-ce que par sa persévérance. Nous avons également enregistré des progrès au sein de diverses commissions internationales, et c'est l'une des leçons qu'il faut retenir. Il faut être persévérant. On ne peut tout simplement pas proposer tout un train de recommandations, comme on l'a fait à la Commission de gouvernance globale, ou même avant, et dire que les dirigeants de gouvernement devraient y adhérer. Il faut vendre ces idées, et la promotion du principe du droit de protéger a été extrêmement bien faite.

    Malheureusement, il y a aussi eu bien des déceptions, mais certains de ces dossiers pourraient être discutés dans le contexte d'un L-20 consacré à la santé. Ce serait peut-être une meilleure façon de monter la barre au lieu de s'en tenir uniquement à certains objectifs de développement du millénaire. Le week-end dernier, Jeffrey Sachs est venu donner une conférence. S'il y a quelqu'un qui peut faire la promotion des objectifs de développement du millénaire, c'est bien lui, mais en soi, cela ne sera pas suffisant. Il faut faire d'autres choses.

    Il va de soi que la réforme du Conseil de sécurité sera un véritable noeud gordien, et encore une fois on se retrouve devant le problème des clubs. Pour chaque partisan de la réforme, il y aura des adversaires de la réforme. On retrouvera parmi eux des pays dont on ne se serait pas attendu à ce qu'ils bloquent avec autant d'énergie l'adhésion d'autres pays, comme l'Italie et l'Espagne qui font front commun contre l'Allemagne. L'Italie et l'Espagne se tirent très bien d'affaire. Ce sont des miracles économiques. Ce sont des pays démocratiques. Jamais on aurait cru il y a 20 ou 25 ans que l'Espagne serait dans une situation aussi favorable, et pourtant, les Espagnols font des pieds et des mains pour empêcher ld' autres pays ayant connu un boom économique de prendre place à la table. Encore là, c'est une énigme.

º  +-(1635)  

+-

    Le président: Je vais vous poser la même question que j'ai posée à l'ambassadeur Gotlieb: dans un contexte de mondialisation, comment voyez-vous l'avenir du ministère des Affaires étrangères et du service extérieur? Pensez-vous qu'il faudrait, peut-être pas avoir un ambassadeur différent, mais un ambassadeur qui aurait davantage de compétences dans un certain...? Pensez-vous que les personnels du service extérieur sont bien équipés pour faire face aux problèmes qu'ils rencontrent dans les pays où ils sont postés?

+-

    M. Andrew Cooper: Oui, en ce sens que ce sont des gens extrêmement talentueux. Mais face à un contexte fort différent, le service extérieur est sans doute pénalisé par des modèles anciens. Il privilégie toujours une structure hiérarchique, et tant qu'il on n'y aura pas de verticalité...

    Le service extérieur a besoin d'employés agiles, de personnes capables de travailler en équipe. À cet égard, le secteur de la haute technologie a sans doute davantage de solutions à proposer pour façonner le service extérieur que n'en a l'appareil gouvernemental traditionnel. Les gens peuvent entrer et sortir. La structure est plutôt informelle. Elle a la souplesse voulue pour faire appel à des gens de l'extérieur, le cas échéant.

    Il y a 20 ou 30 ans, des gens comme l'ambassadeur Gotlieb se dirigeaient vers d'autres ministères, comme les communications, etc. C'est ce qu'il faut faire. Il ne faut pas simplement avoir des silos et des piliers, une structure dans laquelle on entre à 23 ou 25 ans pour devenir agents du service extérieur et ensuite gravir les échelons.

    C'est l'un des autres problèmes liés à cette nostalgie de l'âge d'or. En 1947 ou 1963, le service extérieur était un pôle d'attraction, mais les gens y travaillaient toute leur vie. Ils y entraient en provenance d'une poignée d'universités. Ils travaillaient tout au long de leur carrière selon le modèle des rotations, et ils gravissaient les échelons. De nos jours, ce modèle ne fonctionne plus vraiment. Il faut attirer des gens qui ont une myriade de caractéristiques différentes et diverses possibilités dans la vie.

    Cela soulève la question des couples, des partenariats. C'est un problème que de déménager les familles tous les trois ou quatre ans. Comment peut-on s'attendre à ce que tous les membres de la famille suivent? Ce n'est pas un modèle qui sourit tellement aux jeunes étudiants et stagiaires que je rencontre. Ils veulent un mode de vie beaucoup plus souple.

+-

    Le président: Au sujet de l'Énoncé de politique internationale, avez-vous des observations concernant ses forces ou ses faiblesses spécifiques? Avez-vous des recommandations?

+-

    M. Andrew Cooper: J'aurais davantage insisté sur le volet économique. Pour en revenir aux pays BRIC, ce sont là les grands pays émergents. En règle générale, pour quiconque a lu l'étude de Goldman Sachs sur ces pays, cela va sans dire.

    Les handicaps les plus sérieux sont sans doute les possibilités et les contraintes. Tous les pays du BRIC subissent des contraintes énormes, et il faut les prendre très au sérieux.

    La Russie a des problèmes de gouvernance et de criminalité putative.

    Le Brésil a des relations très compliquées avec le Canada dans bien des dossiers comme l'extradition, l'aéronautique, et d'autres. Nos rapports avec le Brésil ne seront jamais absolument harmonieux, même si nous y avons de nombreux bons contacts.

    Pour ce qui est de l'Inde, d'une certaine façon, nous pouvons bénéficier beaucoup plus que d'autres pays de l'externalisation ou de ce qu'on pourrait appeler d'une certaine façon l'internationalisation. Encore là, il y a eu de multiples occasions de traiter avec l'Inde dans le passé, mais à certains égards, le Canada n'a jamais embrassé l'Inde. Il y a toujours eu quelque chose — parfois des choses très sérieuses — qui ont compliqué la relation.

    On ne peut voir tous ces pays à travers le seul prisme du modèle économique, un modèle selon lequel tous ces pays sont en bonne posture et, par conséquent, à notre portée. Il faut qu'il y ait une lien entre l'appréciation économique et les volets politique, social, etc. Encore une fois, les problèmes tiennent au modèle du silo appliqué à la politique étrangère. Même si je ne pense pas que l'on puisse jamais accéder à l'intégralité avec cohérence, il faudra certainement viser l'équilibre et faire des compromis en termes de politique étrangère.

º  +-(1640)  

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres questions?

    Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: M. Gotlieb et vous-même avez fait référence à la participation accrue de la société civile de diverses manières. La semaine dernière, à l'occasion d'une réunion de notre comité, du comité des affaires étrangères et du comité des affaires politiques du Conseil de l'Europe, nous avons entendu un exposé intéressant.

    La réunion s'articulait autour de l'idée suivante: pour que l'ONU soit plus sensible aux préoccupations et aux aspirations des peuples — que l'Organisation a été créée pour servir, après tout —, on devrait multiplier les avenues permettant l'engagement des parlementaires, prévoir des points de jonction entre parlementaires pour éviter que les bureaucraties ne deviennent des forces en soi, que les gouvernements échappent à la reddition de comptes, etc. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

    Deuxièmement, je m'Intéresse à un dossier particulier. J'ignore si le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale s'intéresse aussi à ce dossier, mais parmi les questions qui ont manifestement perdu énormément de terrain, il y a celles du désarmement nucléaire et de la non-prolifération des armes nucléaires. Au printemps, le processus d'examen du traité a été un désastre. Au sommet de l'automne, le dossier n'a pas avancé d'un pouce. Et plus récemment, le Canada a torpillé une initiative qui aurait réuni six pays . C'est tragique parce que ce sont là des progrès dont on a désespérément besoin, sans compter que cela entache la réputation du Canada dans le monde. Il y a peut-être une explication, mais on ne nous la donne pas. Il est difficile de ne pas en conclure que le gouvernement a cédé aux pressions de l'administration Bush.

+-

    M. Andrew Cooper: J'avoue que je ne suis certainement pas un expert sur le sujet. Toutefois, Project Ploughshares a ses bureaux dans notre immeuble, et Ernie Regehr a de l'expertise à revendre dans ce domaine.

    Pour ce qui est de votre première question, je serais vivement intéressé à l'approfondir car elle soulève des interrogations très pointues concernant la démocratie. Quel type de démocratie a préséance sur l'autre? C'est toute la notion de la démocratie représentative, qui fait la part belle aux parlementaires, qui est en cause.

    On peut déjà anticiper des plaintes, même au sujet du L-20: si le groupe laisse les parlementaires à l'écart, sera-t-on en présence d'un multiculturalisme strictement exécutif? Chose certaine, je dirais que même dans le cas du L-20, il faut privilégier davantage une approche axée sur le réseautage. Cela compliquera peut-être les choses, mais il semble qu'il y ait certainement place pour les parlementaires.

    L'autre question délicate est de savoir comment les parlementaires travaillent avec les ONG. De certaines façons...

+-

    Mme Alexa McDonough: Ou les uns avec les autres.

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    M. Andrew Cooper: Ou les uns avec les autres. Évidemment, les choses sont encore davantage compliquées par l'intrusion de personnalités connues, comme on l'a vu au Sommet de Gleneagle. Il y a tout un éventail de gens qui proposent — du moins dans ma perspective — des positions plutôt intéressantes mais qui, d'une certaine façon, se nuisent les uns les autres. Je songe aux critiques de Bob Geldof qui, en un sens, éclipsent les ONG. Dans certains magazines et journaux spécialisés de Grande-Bretagne, on a beaucoup critiqué le rôle d'Oxfam par opposition à d'autres ONG. Encore là, que ce soit pertinent ou non, les divers acteurs manoeuvrent énormément pour se tailler une place dans le monde à cet égard.

    Pour en revenir aux parlementaires, la seule observation que je peux faire est la suivante: que ce soit dans une structure de comité ou dans une structure internationale, ils semblent avoir beaucoup plus de succès lorsqu'ils se spécialisent dans certains domaines. Si vous acquerrez une certaine expertise, que ce soit en matière de désarmement ou de développement international, vous haussez votre cote et votre capacité d'obtenir des avantages à la fois matériels et symboliques.

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    Le président: Merci beaucoup, monsieur Cooper. Le comité a beaucoup apprécié votre témoignage, et notamment vos derniers conseils.

    Nous reprendrons nos travaux à 19 heures ce soir. La séance est levée. Merci.