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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 21 juin 2005




¿ 0910
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         L'hon. Aileen Carroll (ministre de la Coopération internationale)

¿ 0915
V         Le président

¿ 0920
V         Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC)
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Le président
V         Mme Helena Guergis
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Mme Helena Guergis
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Mme Helena Guergis
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Mme Helena Guergis

¿ 0925
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Mme Helena Guergis
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Mme Helena Guergis
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Mme Helena Guergis
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Mme Helena Guergis
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Le président
V         M. Ric Cameron (vice-président principal, Agence canadienne de développement international)
V         Mme Helena Guergis
V         Le président
V         Mme Helena Guergis
V         L'hon. Aileen Carroll

¿ 0930
V         Le président
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         Le président
V         L'hon. Aileen Carroll

¿ 0935
V         M. Pierre Paquette
V         L'hon. Aileen Carroll
V         M. Pierre Paquette
V         L'hon. Aileen Carroll
V         M. Pierre Paquette
V         Le président
V         L'hon. Aileen Carroll
V         M. Pierre Paquette
V         L'hon. Aileen Carroll
V         M. Pierre Paquette
V         L'hon. Aileen Carroll

¿ 0940
V         M. Pierre Paquette
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.)
V         L'hon. Aileen Carroll
V         L'hon. Dan McTeague

¿ 0945
V         L'hon. Lawrence MacAulay (Cardigan, Lib.)
V         L'hon. Aileen Carroll
V         L'hon. Lawrence MacAulay
V         L'hon. Aileen Carroll

¿ 0950
V         Le président
V         L'hon. Lawrence MacAulay
V         L'hon. Aileen Carroll
V         L'hon. Lawrence MacAulay
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)

¿ 0955
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Mme Alexa McDonough
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Mme Alexa McDonough

À 1000
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Le président
V         M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.)
V         L'hon. Aileen Carroll
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         L'hon. Aileen Carroll
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         L'hon. Aileen Carroll
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         M. Pierre Paquette
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Mme Alexa McDonough

À 1005
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Le président
V         Mme Helena Guergis
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ)
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Mme Francine Lalonde
V         L'hon. Aileen Carroll

À 1010
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Le président
V         L'hon. Aileen Carroll

À 1015
V         M. Kevin Sorenson
V         L'hon. Aileen Carroll
V         M. Kevin Sorenson
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Le président
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Le président
V         L'hon. Aileen Carroll
V         Le président
V         Le président
V         M. John Williams (président , Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption (GOPAC))

À 1025
V         Le président
V         Mme Helena Guergis
V         M. John Williams

À 1030
V         Le président
V         M. Ted Menzies (Macleod, PCC)
V         M. John Williams
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         M. John Williams

À 1035
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         M. John Williams
V         Le président
V         Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)
V         M. John Williams

À 1040
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

À 1045
V         Le président
V         M. John Williams
V         Le président
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua

À 1050
V         M. John Williams
V         L'hon. Maurizio Bevilacqua
V         M. John Williams
V         Le président
V         Mme Beth Phinney
V         M. John Williams
V         Mme Beth Phinney
V         Le président

À 1055
V         M. John Williams
V         M. Martin Ulrich (secrétaire exécutif, Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption)
V         M. John Williams
V         Le président
V         M. John Williams
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague

Á 1100
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 051 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 21 juin 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bonjour à tous.

[Français]

    Bonjour à tous.

    Nous entamons la séance no 51, qui portera sur l'examen de l'Énoncé de la politique internationale.

    Ce matin, nous avons le plaisir de recevoir Mme Aileen Carroll, ministre de la Coopération internationale, ainsi que

[Traduction]

M. Ric Cameron, vice-président de l'Agence canadienne de développement international et M. Rahman, vice-président par intérim à la Direction générale des politiques.

[Français]

    Je vous souhaite la bienvenue à tous les trois. Je crois, madame la ministre, que vous voulez prononcer une allocution d'introduction. La parole est à vous.

+-

    L'hon. Aileen Carroll (ministre de la Coopération internationale): Merci. Il me fait plaisir d'être ici et de revoir des visages que je connais très bien.

[Traduction]

    Je vous remercie de votre invitation.

    Lorsque je vous ai rencontrés au début du mois de mai pour parler du Budget principal des dépenses de l'ACDI, j'ai profité de l'occasion pour mettre en évidence les principaux thèmes relatifs au développement international présentés dans l'Énoncé de politique internationale que le gouvernement venait de rendre public. Vous vous souvenez peut-être que c'est ce jour-là que le Pape a été élu. Certes, c'était une excellente nouvelle que nous ayons un nouveau Pape, mais cela a un peu éclipsé notre propre annonce. Toutefois, je suis heureuse d'avoir une deuxième occasion d'aborder ce sujet et j'aimerais donc vous parler un peu des étapes suivantes pour mon ministère.

    Comme je l'ai déjà mentionné, l'Énoncé de politique internationale, de même que le budget de 2005, indique clairement ce vers quoi doit se diriger le Programme canadienne de coopération au développement, et établit des objectifs ambitieux à cette fin. Cet énoncé nous permet de concentrer nos efforts sur la réduction de la pauvreté et l'atteinte des Objectifs de développement du millénaire. Il souligne que le gouvernement doit réunir en une vision cohérente les politiques d'aide et les autres politiques, afin de tenir compte des intérêts et des besoins des pays en développement dans les domaines autres que celui de la coopération au développement. On présente aussi, dans cet exposé, les secteurs et les pays prioritaires où nos compétences et notre expérience nous permettront de vraiment faire avancer les choses.

[Français]

    Nous voulons continuer de renforcer l'efficacité de l'aide canadienne. C'est pourquoi nous privilégions une plus grande concentration sectorielle. Nos programmes d'aide mettront l’accent sur cinq secteurs directement liés à l’atteinte des Objectifs de développement du millénaire: la promotion de la bonne gouvernance, l’amélioration de la santé, et en particulier la lutte contre le VIH/sida, le renforcement de l’éducation de base, le soutien au développement du secteur privé et la promotion de la viabilité de l'environnement. L’égalité entre les sexes sera un thème transversal systématique de tous nos programmes dans chacun de ces cinq secteurs.

    Nous sommes en train de définir les orientations stratégiques pour chacune de ces priorités. Par la suite, nous établirons des plans d'action qui présenteront en détail les différentes initiatives qui seront menées.

    La politique de développement présentée dans l'Énoncé de politique internationale prévoit aussi une concentration nettement accrue des efforts de l'ACDI dans ses programmes géographiques.

    Nous sommes d'ailleurs en train de réorienter nos programmes bilatéraux dans leur ensemble pour collaborer plus étroitement avec un groupe restreint de partenaires du développement.

    Nous procéderons donc à une réaffectation des ressources, en consultation avec nos partenaires, à mesure que des programmes bilatéraux prendront fin et que d'autres prendront de l'ampleur. Même si les relations du Canada avec chaque partenaire sont uniques, il sera possible de classer les programmes-pays dans cinq catégories.

[Traduction]

    Premièrement, nous avons nos 25 partenaires du développement, dont plus de la moitié se trouvent en Afrique subsaharienne. Ces pays ont été choisis parmi les plus pauvres, sans égard à leur taille. Il s'agit de pays où il est possible d'établir des programmes efficaces pour atteindre les Objectifs de développement du millénaire et où la contribution du Canada peut vraiment avoir une valeur ajoutée. Ces pays peuvent utiliser l'aide de façon efficace et avec prudence. Cela signifie que les programmes de réduction de la pauvreté à grande échelle dans ces pays recevront au moins les deux tiers des ressources bilatérales d'ici 2010.

    Deuxièmement, nous maintiendrons d'autres relations bilatérales en cours en finançant des programmes à même le dernier tiers des ressources bilatérales. Nous choisirons un certain nombre de pays qui revêtent une importance stratégique soutenue pour le Canada ou dans leur région, ou encore des pays où le Canada pourra continuer de contribuer au changement en misant sur les liens solides qui se sont tissés entre les populations, notamment avec les membres de certaines diasporas au Canada.

    Troisièmement, nous ne laisserons pas tomber les États en déroute ni les États fragiles. Pour empêcher les pays soumis au stress de devenir des pays en déroute, le Canada doit déterminer comment il peut aider, en coordonnant ses efforts avec les autres donateurs, les pays qui en ont grandement besoin, mais qui ont du mal à utiliser l'aide de manière efficace. Nous réserverons donc un type particulier de programmes bilatéraux à un nombre restreint de pays qui sont en crise ou qui émergent d'une crise, et qui revêtent une importance stratégique prépondérante. Nous adopterons une démarche pangouvernementale pour fournir à ces États une aide humanitaire et une aide à la reconstruction, comme nous l'avons fait en Iraq, en Afghanistan et en Haïti. L'aide que nous accordons pour favoriser l'instauration d'une paix durable au Soudan fait aussi partie de cette catégorie.

    Quatrièmement, nous entretenons, à l'heure actuelle, des relations avec plusieurs pays à revenu intermédiaire qui ont des besoins moindres. L'ACDI mettra progressivement fin à ses programmes bilatéraux avec ces pays pendant une période de transition. Nous avons déjà commencé à transformer nos relations avec certains pays, comme la Thaïlande, la Malaisie et les pays de l'Europe centrale et de l'Est qui ont récemment adhéré à l'Union européenne.

    Enfin, dans plusieurs pays pauvres où la présence canadienne est très modeste, ou encore où la capacité d'utiliser efficacement l'aide canadienne est limitée, le Canada mettra aussi fin à ses programmes bilatéraux de manière progressive. Soulignons, toutefois, que ces pays demeureront admissibles à l'aide humanitaire et au soutien permanent du Canada par l'intermédiaire des organismes multilatéraux et des programmes des secteurs privé et volontaire de l'ACDI.

¿  +-(0915)  

[Français]

    Dans l'Énoncé de politique internationale, l'ACDI s'engage aussi à comparer l'efficacité de différents mécanismes d'aide multilatérale et bilatérale, dans le but de regrouper les ressources et de les affecter à ceux qui sont les plus efficaces.

    Comme le précise le volet de cet énoncé consacré au développement, l'ACDI mettra bientôt sur pied un groupe d'éminents dirigeants des secteurs bénévole et privé du Canada et de pays en développement. Ce groupe aura pour mandat d'examiner nos programmes de partenariat dans le but d'y promouvoir l'excellence et l'innovation.

[Traduction]

    Nous reconnaissons la contribution remarquable que les ONG et les Canadiens, à titre individuel, apportent au développement international. Nous sommes aussi conscients du rôle important que la société civile locale et internationale joue dans le processus du développement. C'est pourquoi le gouvernement s'est engagé à mobiliser les Canadiens à cet égard, et à les faire participer au dialogue, pour donner à notre société la capacité nécessaire pour contribuer efficacement à la réduction de la pauvreté dans le monde. Nous redoublerons d'efforts dans le domaine de l'engagement du public, en plus de mettre profit la grande expérience du Canada dans les programmes menés avec la société civile, pour faire en sorte que nos activités fassent aussi participer ceux qui ne sont pas issus du milieu gouvernemental, que ce soit au Canada ou dans les pays en développement.

    Nous avons déjà commencé à évaluer l'efficacité des différents mécanismes d'aide. Le but visé est d'établir un juste équilibre entre les mécanismes bilatéraux et multilatéraux et les partenariats en vue de mieux atteindre nos objectifs.

    Ces mesures nous permettront de bonifier notre aide en quantité et en qualité. Mais pour assurer une aide plus efficace et concentrer nos efforts là où les besoins sont les plus criants, nous devons faire des choix difficiles.

    Nous sommes à une étape des plus prometteuses de la coopération internationale. Les membres de la communauté mondiale unissent maintenant leurs efforts pour donner à tous les citoyens du monde les outils nécessaires pour améliorer leurs conditions de vie et celles de leur famille et de leur milieu. Je suis convaincue que l'Agence canadienne de développement international, en collaboration avec ses partenaires ici et à l'étranger, continuera de faire avancer les choses et de contribuer à un monde meilleur pour tous.

    Je vous remercie.

[Français]

    Monsieur le président, je serai heureuse de répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame la ministre.

¿  +-(0920)  

[Traduction]

    Je signale simplement à mes collègues qu'il y aura 10 minutes pour les questions et réponses.

    Nous commençons par Mme Guergis.

+-

    Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Bonjour, madame la ministre. Merci d'être ici. Je suis sûre que nous sommes tous heureux d'avoir l'occasion d'aborder nos préoccupations avec la ministre.

    Ma première préoccupation aujourd'hui concerne la tendance de votre gouvernement à s'appuyer sur des ententes multilatérales pour apporter de l'aide aux pays en développement. D'après les chiffres de votre ministère pour l'exercice 2005-2006, plus d'un tiers de l'aide de l'ACDI va à des programmes multilatéraux.

    Je vous pose donc la question : avez-vous perdu confiance dans les ONG canadiennes? On dirait que vous les mettez sur la touche.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Oh, parfait, merci. En général, je n'ai pas l'occasion de répondre à cette question.

+-

    Le président: C'est une très brève question.

+-

    Mme Helena Guergis: Il y en a d'autres.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Je dis simplement que je vous remercie de me donner l'occasion de répondre.

+-

    Mme Helena Guergis: Ayant fait partie du personnel politique, je sais que c'est important.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Bon.

    Premièrement, non. Comme vous l'avez peut-être entendu dans mes remarques liminaires, ce qui est important pour nous c'est de trouver un équilibre. Pour ce qui est des ONG, j'aurai l'occasion d'y revenir plus tard cette semaine, mais je peux discuter de cette question aujourd'hui si vous le souhaitez.

    J'apprécie énormément notre relation avec les ONG, comme mes collègues, en sachant bien que nous n'avons pas le monopole de la créativité ou de l'expérience à l'Agence, bien que ce soit des qualités sur lesquelles j'insiste beaucoup.

    Je vais vous donner un exemple. Si nous n'avions pas eu des relations solidement ancrées avec des ONG lorsque le tsunami s'est produit, nous n'aurions jamais pu être sur le terrain aussi vite pour distribuer de l'aide et intervenir avant la majorité des autres pays donateurs. Nous avons pu le faire grâce aux relations que nous avions avec ces ONG, avec CARE Canada.

    C'est un bon exemple car l'autre organisme que nous financions et qui est intervenu rapidement au nord-est du Sri Lanka était l'UNICEF. C'est donc un bon exemple d'équilibre entre deux partenaires, une ONG et un organisme multilatéral.

    Nous n'allons donc pas perdre cela de vue, mais nous allons faire appel, comme je vous l'ai dit, à un groupe d'experts pour nous aider à réfléchir très sérieusement cet été à ce qui fonctionne bien dans ces partenariats, aux meilleurs mécanismes et à ce qu'il faudrait améliorer.

+-

    Mme Helena Guergis: Merci.

    Ce qui m'inquiète beaucoup néanmoins, c'est de voir votre gouvernement confier ce que j'appellerais la souveraineté canadienne à d'autres organisations multilatérales, comme l'ONU. Je crois que si vous confiez l'argent des contribuables canadiens à une autre organisation, vous perdez la possibilité de rendre des comptes.

    Évidemment, quand je vous pose des questions à la Chambre sur l'argent que nous donnons à la Chine, vous avez l'air de vous dégager de toute responsabilité en me répondant que nous ne donnons pas d'argent directement à la Chine. Cela veut donc dire que vous lui en donnez indirectement. Alors pouvez-vous nous expliquer comment vous rendez des comptes sur cet argent que vous versez indirectement, à la Chine, par exemple.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Comment définissez-vous « indirectement à la Chine », madame Guergis?

+-

    Mme Helena Guergis: C'est moi qui vous demande de définir cela, parce que quand je vous pose la question à la Chambre, vous me dites que vous ne donnez pas d'aide directement à la Chine.

¿  +-(0925)  

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Bon, eh bien moi aussi, je suis comme vous heureuse de cette occasion d'avoir une conversation un peu plus tranquille que dans le cadre de la bousculade de la période des questions.

    Revenons en arrière. On oppose, comme vous l'avez souligné, l'aide bilatérale à l'aide multilatérale. L'aide bilatérale est offerte dans le cadre de la relation avec un pays, ou dans certains cas directement à un gouvernement. Entre le Canada et ce pays ou ce gouvernement, on parle d'aide bilatérale. L'aide multilatérale, c'est quand nous apportons une aide au développement par le biais d'organisations multilatérales—je ferai un commentaire là aussi sur votre question—comme les Nations Unies, l'Organisation mondiale de la santé, les banques internationales de développement. Nous avons donc deux véhicules.

    J'aimerais revenir à la Chine. Pas un seul dollar ne sort de l'ACDI pour aller dans les coffres du gouvernement de la Chine. Pas un. Quand vous lisez dans la ventilation statistique que vous avez déposée à la Chambre des communes… 34 millions de dollars ou 38 millions de dollars l'an dernier en aide bilatérale dans le cadre de nos relations de pays à pays avec la Chine, il s'agit du total des montants qui ont servi à financer les programmes de l'Association du Barreau canadien pour mettre sur pied des dispositifs d'aide juridique. Il s'agit d'argent que nous versons—et je parle ici de partenaires, pour en revenir à ce que vous disiez à propos de nos partenaires—à Agriteam, à Calgary, à l'Université Simon Fraser, à diverses organisations remarquablement efficaces qui sont en train de créer en Chine des capacités que nous voulons tous voir se développer là-bas, c'est-à-dire une société fondée sur les règles, une meilleure compréhension des droits de la personne et la capacité pour la Chine de fonctionner comme nous le souhaitons, car ce moteur économique a d'énormes retombées sur le reste du monde.

    Je donne donc cet argent à l'Association du Barreau canadien, à Agriteam, à l'Université Simon Fraser. Ces organisations apportent une expertise à leurs partenaires chinois. Et je crois que vous seriez stupéfiée de constater la relation exceptionnelle que ces ONG ont établi avec leurs homologues et avec le gouvernement en Chine. La Cour suprême du Canada travaille avec le pouvoir judiciaire en Chine, et le fait que ses partenaires chinois soient prêts à accepter de la part du Canada des choses qu'ils n'accepteraient pas la plupart du temps de quelqu'un d'autre est tout à fait remarquable, et c'est le genre de créneau dont nous profitons.

    On peut condamner de loin le genre de choses dont on entend parler dans les journaux—et vous-même et certains de vos collègues à la Chambre avez dénoncé certaines activités chinoises—ou on peut essayer de collaborer avec eux pour améliorer la situation, et c'est à cela que sert notre programme bilatéral.

    Une dernière remarque. M'arrive-t-il de verser de l'argent directement à un pays dans le cadre d'une relation bilatérale? Oui. Nous apportons une aide financière au gouvernement de la Tanzanie, par exemple—je peux vous donner des exemples—et au Ghana, mais c'est très différent…

+-

    Mme Helena Guergis: Eh bien, dans le document que j'ai déposé à la Chambre,. il est très clairement écrit en haut de la page « de gouvernement à gouvernement ». Est-ce une erreur d'impression?

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Non. Cela veut dire bilatéral. Par « bilatéral », on entend la relation entre deux pays. Cela veut dire que ce pays bénéficie de tous les programmes offerts de sources canadiennes à des sources chinoises.

    Autrement dit, ce n'est pas la même chose que quand j'interviens, par exemple en Bolivie, avec les Hollandais. Les Hollandais et l'ACDI mènent un certain nombre de programmes auprès du gouvernement de la Bolivie. Dans ce cas, il ne s'agit pas d'une intervention bilatérale puisque nous travaillons de pair avec un autre pays donateur.

+-

    Mme Helena Guergis: Mais comment rendez-vous des comptes sur l'argent des contribuables que vous versez à quelqu'un d'autre? Quels sont les mécanismes de reddition de comptes?

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Comme je travaille en collaboration étroite avec l'Université Simon Fraser, l'Association du Barreau canadien, Agriteam…

+-

    Mme Helena Guergis: Avons-nous un dispositif de freins et contrepoids?

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Oui, réjouissez-vous. Nous avons des systèmes de vérification. Nous faisons des évaluations. Nous avons beaucoup travaillé avec des organismes et nous sommes parvenus à un niveau de compétence, d'acceptation et de confiance exceptionnel parce qu'ils nous ont donné satisfaction sur tous ces plans.

+-

    Mme Helena Guergis: Pourriez-vous nous donner plus de détails là-dessus?

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Certainement. Cette reddition de comptes est essentielle. Je dois exercer mon devoir fiduciaire sur toute la ligne.

+-

    Le président: Monsieur Cameron.

+-

    M. Ric Cameron (vice-président principal, Agence canadienne de développement international): Dans tous ces cas, lorsque nous travaillons par le biais d'un intermédiaire comme l'Association du Barreau canadien, suivant le type d'arrangement, nous avons soit une subvention, soit un accord de contribution avec l'organisme en question. L'accord de contribution comporte des dispositifs très détaillés de reddition de comptes. Les justifications sont un peu différentes dans le cas d'une subvention. Il y en a moins, mais les subventions sont elles aussi basées sur les résultats à atteindre et le bilan est établi en fonction de ces résultats. Donc, dans tous ces cas, nous savons ce qu'il faut accomplir et nous avons des paramètres de rendement.

    Nous reviendrons volontiers vous parler…

+-

    Mme Helena Guergis: Je sais, mais je ne veux pas perdre tout mon temps à écouter cela. C'est beaucoup plus détaillé que ce que je cherche à obtenir. Je veux simplement une réponse brève.

+-

    Le président: Dernière question.

+-

    Mme Helena Guergis: Dans la liste des partenaires auxquels l'ACDI verse de l'argent, votre site Web mentionne les ministères chinois.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Madame Guergis, nous avons vérifié ce site Web, mais c'est ce que je vous dis qui est exact, faites-moi confiance. Il n'y a absolument aucun transfert d'argent de l'Agence canadienne de développement international au gouvernement de la Chine, ce gouvernement étant composé de ses ministères.

    Comme nous travaillons avec eux, avec la Cour suprême, il peut nous arriver de fournir des ressources de base par l'intermédiaire de ces ONG respectées, mais encore une fois il s'agit là d'argent que je contrôle ou que mes partenaires des ONG contrôlent, alors que, par exemple, dans le cas d'une initiative pour l'éducation que nous menons avec le DFID, notre homologue britannique, nous travaillons en collaboration très étroite, là encore en rendant des comptes rigoureusement, avec le ministère de l'Éducation du Kenya pour acheter des ouvrages scolaires. J'ai dû travailler très rapidement un soir pour faire passer une proposition au Conseil du Trésor; sinon, il n'y aurait eu littéralement aucun livre, aucun matériel pédagogique, rien pour tout le semestre scolaire qui débutait le mois dernier au Kenya. Mais je surveille de très près le cheminement de ces achats.

    Dans ce cas précis, je téléphone à mon homologue britannique, Hilary Benn, parce que je me préoccupe de certaines choses là-bas, et je lui demande de me faire le point détaillé de ces achats—de me dire qui a notre argent, comment on fait les achats, où sont les livres, tout cela. Je vous garantis que je pourrais vous exposer en détail tout ce cheminement.

    Mais en l'occurence, c'est de l'argent qui est passé par ce gouvernement, contrairement à ce qui se fait en Chine.

¿  +-(0930)  

+-

    Le président: Merci, madame Carroll.

    Nous passons maintenant à M. Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.

    Merci de votre présentation.

    Dès le départ, vous avez mentionné qu'en ce qui a trait à la coopération internationale, d'après l'Énoncé de politique internationale, nous allions concentrer nos efforts sur la réduction de la pauvreté et l'atteinte des Objectifs de développement du millénaire. Je dois vous exprimer notre grande déception devant le fait que l'énoncé ne prend aucun engagement ferme avec échéancier pour atteindre le 0,7 p. 100 du PIB. Récemment, nous avons encore posé des questions en Chambre; M. Goodale nous a alors dit que c'était un engagement, mais qu'il n'y avait pas de calendrier. M. Pettigrew nous a dit la même chose. À mes yeux, cette position n'a aucune crédibilité sur le plan international et cela risque d'affecter grandement la réputation du Canada.

    Je m'avance peut-être un peu, mais je suis convaincu que le comité va recommander au gouvernement d'avoir un échéancier clair pour atteindre les objectifs de 2015.

    Dans votre exposé — et c'était aussi dans le volet « Développement international » de l'Énoncé de politique internationale —, vous nommez cinq secteurs directement liés à l'atteinte des Objectifs de développement du millénaire: la promotion de la bonne gouvernance, l'amélioration de la santé, le renforcement de l'éducation de base, le soutien au développement du secteur privé et la promotion de la viabilité de l'environnement.

    À plusieurs reprises, nous avons noté qu'on ne parle pas d'agriculture. Or, une bonne partie du développement économique des pays en voie de développement passe par l'élimination de la faim et par la possibilité de commercer grâce à leur agriculture. Cela nous a frappés, et j'aimerais que vous vous expliquiez à ce sujet.

    Le lien entre la coopération internationale et le commerce nous semble aussi manquer à l'Énoncé de politique internationale. En termes de coopération internationale, notre approche semble très généreuse. Mais en ce qui a trait à nos positions touchant l'annulation de la dette, l'ouverture des marchés aux produits agricoles venant de pays en voie de développement, la protection de l'agriculture familiale — incluant notre gestion de l'offre —, si notre coordination n'est pas très serrée, nous risquons d'avoir des positions contradictoires: être à la fois très généreux et très inconséquents.

    J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous comptez faire concorder toutes ces apparentes contradictions.

+-

    Le président: Madame le ministre.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Merci.

    Vous avez posé quelques questions et je vais d'abord répondre à celle qui concerne le point 7. Il me sera plus facile de répondre en anglais, parce que la question n'est pas simple. Elle n'est pas complexe, mais elle n'est pas simple.

[Traduction]

    C'est certainement une question importante, je le reconnais. Je sais bien que votre comité a adopté à l'unanimité une motion demandant au gouvernement de fixer une date. Je n'étais pas trop sûre de la position du Parti conservateur. Je croyais que les Conservateurs avaient dit qu'ils voulaient vérifier les livres avant de s'engager sur ce montant de 0,7 p. 100. Dois-je comprendre que puisque le député conservateur du comité a signé cette motion unanime…? Donc c'est cela. C'est un peu confus. En tout cas, nous savons que tous les autres l'ont adoptée.

    Le premier ministre et moi-même sommes parfaitement au courant de ce que fait votre comité—c'est extrêmement important—de ce que vous dites et des discussions qui s'ensuivent. Le premier ministre s'est fermement engagé. Vous l'avez entendu affirmer que nous y parviendrons. Vous avez cité le ministre des Finances, mais c'est aussi le premier ministre qui a dit qu'il s'engageait à atteindre le niveau de 0,7 p. 100. Mais il est aussi déterminé à préserver l'équilibre financier pour lequel il est renommé. Il ne s'engagera sur ce pourcentage que s'il est convaincu que nous pouvons le faire.

¿  +-(0935)  

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Madame la ministre, je vous arrête. D'abord, la situation financière du Canada — et on n'arrête pas de nous le répéter en Chambre — est très enviable par rapport à celle des autres pays du G7. Je pense donc que cette explication ne tient pas du tout la route.

    Au cours des neuf dernières années, le gouvernement fédéral a accumulé des surplus dits « imprévus » de plus de 60 milliards de dollars. Je ne crois pas qu'on puisse nous servir cet argument. Des pays comme l'Allemagne et la France, qui sont actuellement en déficit, ont pris cet engagement. Cela ressemble plus à une excuse qu'à une raison valable.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: C'est ce qu'il a dit; je ne fais que répéter ce qu'il m'a dit.

+-

    M. Pierre Paquette: Ah! Vous répétez ce qu'il a dit. D'accord. J'avais entendu cela, moi aussi.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Il y a aussi l'engagement qu'ont pris les pays européens. Toutefois, comme vous le savez, la plupart des pays qui ont pris cet engagement n'ont pas de surplus, n'ont pas une

[Traduction]

la situation d'excédent budgétaire. Je crois que trois de ces pays, comme l'a dit le ministre des Finances, ont reconnu publiquement qu'ils risquaient d'être en difficulté s'ils enfreignaient la réglementation de l'Union européenne, car ils n'ont pas droit à un déficit de plus de 3 p. 100. Ils se sont engagés sur ce pourcentage de 0,7 p. 100, ou ils y ont été engagés dans le cadre général de l'Union européenne, mais ils reconnaissent publiquement que cela les inquiète. Si, en essayant d'atteindre ce pourcentage de 0,7 p. 100, ils se trouvent aux prises avec un déficit de plus de 3 p. 100, ils vont enfreindre leur propre Constitution. Donc, tout cela compte.

    Le premier ministre et le ministre des Finances ont affirmé très clairement qu'il n'était pas question qu'ils se retrouvent dans cette situation. Vous savez que nous avons eu une progression de 30 . 100 l'an dernier. Le gouvernement s'est engagé sur 8 p. 100, mais en fait l'an dernier, la hausse a été de 30 p. 100. Pour être plus clair, il y en a eu 9 p. 100 pour l'aide aux victimes du tsunami, donc disons que la hausse a été de 21 p. 100.

    Nous disons donc que 8 p. 100, ce sera un minimum. Mais nous tous qui sommes concernés avons clairement affirmé, que nous irons plus loin quand nous le pourrons. Notre budget d'aide va ainsi doubler d'ici 2010, même à ce niveau de 8 p. 100, et la comparaison que fait le ministre des Finances est la comparaison du pourcentage de hausse du budget de l'aide étrangère au Canada parmi d'autres budgets tels que celui de la santé ou de la péréquation.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Nous manquerons peut-être de temps pour la question du commerce.

+-

    Le président: Vous avez encore trois minutes.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Souhaitez-vous que je réponde?

+-

    M. Pierre Paquette: Sur le plan du commerce, comment concilierez-vous nos positions et nos politiques commerciales avec nos politiques de coopération internationale?

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Sorry. Du commerce?

+-

    M. Pierre Paquette: Si on veut lutter contre la pauvreté, et c'est l'engagement que vous avez pris, il faut qu'il y ait un développement économique dans les pays en voie de développement, plus particulièrement dans les pays africains. Cela passe en grande partie par l'agriculture. Comment se fait-il que dans les secteurs que vous avez priorisés, l'agriculture ne soit pas présente?

    Deuxièmement, comment allez-vous coordonner vos positions avec celles du ministre du Commerce international pour vous assurer qu'il y ait une cohérence entre notre vision du développement sur le plan de la coopération internationale et nos politiques commerciales?

[Traduction]

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Je n'étais pas sûre que vous vouliez que je réponde à votre autre question, et je vais donc le faire rapidement.

    Quand vous me dites que l'agriculture n'est pas un des cinq secteurs… Il faut bien comprendre tout d'abord que l'agriculture est au coeur de notre stratégie de développement du secteur privé. Nous nous attachons en priorité à travailler au niveau de la dimension rurale des pays africains pour les aider à se doter des capacités nécessaires pour amener leurs produits sur le marché. Une grande partie des programmes de développement du secteur privé que j'approuve portent sur le secteur rural.

    Deuxièmement, dans le domaine de la santé, il faut bien comprendre que nous insistons sur la sécurité alimentaire, comme vous pouvez le voir dans les documents de l'EPI. Il ne faut donc pas extrapoler et séparer ces cinq secteurs de la réalité car ils sont profondément intégrés.

    Je crois aussi que, dans le domaine de l'environnement, lorsque nous nous occupons de la dégradation des terres, nous aidons énormément les agriculteurs. En fait, cette dégradation a des conséquences néfastes, et c'est pour cela que nous insistons beaucoup sur ce domaine.

    Je pense qu'il y a là une combinaison très importante d'initiatives dans les domaines de la santé, du secteur privé et de l'environnement.

    N'oubliez pas non plus que nous intervenons beaucoup aussi par le biais du Programme alimentaire mondial, de la Banque de céréales vivrières du Canada et d'autres initiatives multilatérales auprès du secteur agricole de ces pays et de ces régions. Mais peut-on parler d'un secteur en soi? Non. C'est simplement une priorité de nos interventions dans le monde réel de ces pays en développement.

    Pour ce qui est du commerce…

¿  +-(0940)  

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Cela devrait être mentionné.

+-

    Le président: Monsieur McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.): Vous êtes la bienvenue ici. Nous sommes ravis de vous accueillir à nouveau. Je sais que vous avez indiqué que vous étiez au même niveau de décision que pour le choix de notre pape, mais on argumente encore à cet effet.

    Je vais partager mon temps avec M. MacAuley.

    Madame la ministre, ma question est très simple. Elle a trait à la manière dont nous ciblons nos efforts pour l'aide au développement dans le monde, surtout celle venant de votre ministère.

[Traduction]

    Pourriez-vous nous expliquer les critères utilisés pour choisir les 25 pays avec lesquels vous voulez établir un partenariat? En quoi cela va-t-il nous permettre de cibler plus efficacement notre aide?

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Merci, monsieur McTeague.

    Je crois qu'une de nos toutes premières tâches consistait à déterminer comment nous pouvions avoir une action plus ciblée et plus cohérente à l'ACDI—avant ou en même temps que nous essayions d'avoir une action plus ciblée et plus cohérente avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et celui de la Défense nationale—et de voir ce que nous faisions bien et ce que nous pouvions faire mieux. Le programme de développement du Canada était un véritable saupoudrage—je l'ai déjà dit, quoique peut-être pas à ce comité—le Canada distribuait jusqu'ici de l'aide à environ 155 pays et se dispersait excessivement; il essayait d'avoir une expertise dans trop de domaines et il pouvait difficilement entraîner une réduction de la pauvreté en saupoudrant un peu partout des montants insuffisants.

    Comme vous l'avez dit, nous avons établi une liste de 25 pays que nous appelons des partenaires du développement. D'ici 2010, ces 25 pays recevront les deux tiers du financement bilatéral du Canada.

    Nous avons utilisé trois critères. Le premier était le niveau de pauvreté. Dans ces pays, le revenu annuel par habitant est inférieur à 1 000 $US par an. Ce sont des pays qui figurent parmi les plus pauvres dans l'Indice du développement humain des Nations Unies.

    Le second critère était la capacité d'utiliser l'aide efficacement. Je crois que c'est très important pour le développement. Il s'agit de pays dont les politiques et le développement institutionnel leur permettent d'absorber efficacement l'aide. Dans ce domaine, nous avons recherché un engagement à une bonne gouvernance. Nous ne leur avons pas demandé d'avoir pleinement réalisé tout ce que l'on attend dans le domaine de la gouvernance, mais il fallait qu'ils se soient manifestement engagés sur cette voie.

    Il s'agissait là donc d'éléments fondamentaux pour les deux premiers critères. Le troisième consistait à savoir dans quelle mesure la présence canadienne permettait vraiment de changer les choses. Autrement dit, quel rôle le Canada a-t-il joué auprès de ces pays dans le passé? Sommes-nous quinzième ou seizième sur la liste des bailleurs de fonds? Ou sommes-nous dans les trois ou quatre premiers, auquel cas nous avons déjà établi des liens, des stratégies et des relations qui nous permettent de mettre à contribution de grandes valeurs canadiennes pour leur développement?

    Ce sont les trois critères que nous avons utilisés, et si vous les appliquez à tous ces pays, vous constaterez qu'ils répondent tous à ces trois critères alors que les pays qui ne figurent pas sur cette liste ne satisfaisaient pas à au moins l'un de ces trois critères. Donc c'est un processus rigoureux.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Merci, madame la ministre. Je vais laisser la parole à M. MacAulay.

¿  +-(0945)  

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay (Cardigan, Lib.): Merci beaucoup, et bienvenue.

    Depuis que je fais partie de ce comité, j'ai toujours appuyé les ONG et les partenariats entre le Canada et d'autres pays. On parle beaucoup de notre présence en Chine, par exemple, et dans d'autres pays. Vous avez parlé des changements que nous avons effectués et vous avez dit que nous voulons encourager la bonne gouvernance. J'imagine qu'il s'agit d'un pouvoir judiciaire indépendant, de bons programmes de santé ou d'éducation dans divers pays du monde.

    Si je comprends bien—et j'aimerais que vous développiez cela—si je comprends bien, c'est effectivement ce que nous faisons en Chine. Nous envoyons nos partenaires ou nos ONG travailler en Chine avec d'autres groupes pour développer le pouvoir judiciaire, l'enseignement, la santé, etc. Il est important de dire clairement qu'il ne s'agit pas d'envoyer de l'argent à un gouvernement, mais d'envoyer de l'argent à un pays pour qu'il améliore sa gouvernance et sa situation d'ensemble, comme d'autres pays dans le monde.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: C'est exactement cela, monsieur MacAulay. À la suite de l'EPI, j'ai réduit de cinq secteurs à deux les initiatives et les relations de nos ONG avec la Chine, ces deux secteurs étant la gouvernance et l'environnement, car c'est dans ces deux domaines que nous estimons que notre présence a été la plus marquante en Chine. Si nous réfléchissons à ce que nous pouvons faire de plus productif en Chine, nous constatons que c'est de continuer à être présents dans ces deux domaines, et ce sont naturellement deux de nos cinq secteurs.

    Si je peux faire un petit retour en arrière, quand j'étais députée de l'arrière-ban, Lloyd Axworthy m'a envoyée en Corée du Nord dans le cadre d'un tout petit groupe de délégués. Il nous avait demandé de voir s'il serait possible d'établir des relations diplomatiques avec la Corée du Nord. Nous avons passé un peu plus d'une semaine dans ce pays et nous avons préparé avec diverses personnes et avec lui un rapport et des recommandations pour l'avenir.

    Rares sont les pays au monde qui ont un bilan pire que celui de la Corée du Nord en matière de violation des droits de la personne ou de répression des libertés sous toutes les formes imaginables. Disons qu'on peut difficilement faire pire que la Corée du Nord et la Birmanie. Il y a un goulag là-bas, c'est incroyable. Qu'avons-nous recommandé? Nous avons recommandé d'établir des relations diplomatiques avec ce pays. Pourquoi? Parce que la seule façon d'avoir une influence sur un pays, c'est d'avoir un lien avec lui, d'être en mesure de dialoguer, d'avoir une relation qui va pouvoir susciter un développement et un changement.

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay: Donc, ce que vous me dites, c'est que vous voulez tendre la main aux peuples de ces pays, à la population, pour que ces gens-là comprennent comment d'autres pays fonctionnent, comment les gens vivent dans d'autres pays, quelles devraient être leurs priorités en matière de santé ou dans le domaine judiciaire, ou dans le domaine de l'éducation. Alors, c'est du peuple lui-même que viendra la volonté de changer le gouvernement et sa façon d'agir. C'est bien ce que vous êtes en train de me dire?

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Oui. Je crois que je ne pourrais pas le dire mieux que cela.

    Nous pouvons laisser ces pays enfermés dans leur bulle et ils vont continuer à pourrir, ou alors nous pouvons leur tendre la main pour les raisons que vous venez d'énoncer, notamment dans le cas d'un pays comme la Chine qui représente sur tous les plans une force colossale dans le monde actuel et qui va devenir une force encore plus énorme. Par conséquent, puisque nous jouissons de certaines relations, il nous incombe d'orienter cette force dans la bonne direction et de nous servir de ce que nous faisons particulièrement bien au Canada—et c'est pour cela que je prends la gouvernance et l'environnement—pour infléchir la progression de la Chine et sensibiliser cette nation à la notion de droits de la personne, de société fondée sur les règles, à la notion de séparation du pouvoir judiciaire.

    Claudette Bradshaw, quand elle était ministre du Travail, m'a rappelé après une discussion à la Chambre des communes tout le travail accompli par des Canadiens pour mettre sur pied une législation du travail en Chine, et elle m'a dit que cela avait été un succès retentissant. Je n'ai pas tous les détails, mais elle m'a parlé de tous les progrès qui avaient été accomplis. Si nous avons contribué à améliorer la législation du travail dans ce pays, nous avons apporté quelque chose de considérable aux travailleurs de ce pays, et leur situation dans la société chinoise s'est améliorée grâce à cet apport du Canada.

    Ce sont des relations complexes, et on peut très bien les accuser d'être des communistes ou autres et quitter la table en levant les bras au ciel, mais quand on parle de relations internationales, ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit, ni maintenant ni à un autre moment.

    Merci de votre question.

¿  +-(0950)  

+-

    Le président: Allez-y.

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay: Je suis tout à fait d'accord, et dans votre exposé vous dites qu'il va y avoir un groupe d'éminents dirigeants des secteurs volontaire et privé qui ont pour mandat de préciser les changements à effectuer. Est-ce que cela va éclairer la façon dont l'enveloppe de l'aide au développement international sera gérée au cours des prochaines années?

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris, monsieur MacAulay.

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay: Dans votre exposé, vous dites que vous allez nommer un groupe de dirigeants des secteurs volontaire et privé. Ces experts du Canada et des pays en développement auront pour mandat d'examiner nos programmes de partenariat dans le but d'y promouvoir l'excellence et l'innovation.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Exactement.

    Excusez-moi, je vous avais perdu. Cela arrive.

    C'est quelque chose qui me passionne. Nous avons terminé notre évaluation du mécanisme de projet ONG qui a été très utile, mais qui à bien des égards débouche sur l'entreprise plus vaste que vous venez de mentionner, et qui consiste à demander à des experts de nous aider à préciser nos relations avec la société civile—au Canada, il s'agit de toutes les ONG et du secteur privé qui est intégralement partie prenante et il y a aussi, comme l'a dit Mme Guergis, la nécessité de se pencher sur nos partenaires dans les pays bénéficiaires.

    La tâche ne sera pas facile, mais l'essentiel au départ était de réaliser l'EPI. Je crois que c'est un excellent document. Franchement, il y a eu beaucoup de critiques dans la presse parce que cela prenait trop longtemps, mais je crois que le produit final est un véritable bijou. Maintenant que nous allons passer à la mise en oeuvre, c'est passionnant. En fait, nous avons déjà commencé, et c'est pourquoi je dis très sincèrement que cette époque est passionnante pour les gens qui s'occupent du développement international au Canada.

+-

    Le président: Merci.

    Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je suis heureuse que vous puissiez être ici aujourd'hui, madame la ministre. Comme vous le savez, notre comité a travaillé très dur pour parvenir à une résolution unanime demandant au gouvernement de s'efforcer par tous les moyens d'atteindre l'objectif de 0,7 p. 100 pour l'APD. Cette résolution énonce deux autres points de vue unanimes importants : la nécessité pour le gouvernement de renforcer sa relation avec la société civile pour améliorer l'efficacité de l'aide; et la nécessité de présenter un projet de loi qui ferait de la réduction de la pauvreté l'élément central de l'aide publique au développement du Canada.

    Je crois que notre comité voudrait s'assurer que vous êtes le véritable porte-étendard de ces positions. Nous comprenons bien que vous n'êtes pas ici pour nous raconter ce qui se passe dans les réunions du Cabinet quand vous vous débattez farouchement pour faire progresser ces objectifs. Mais il est très inquiétant et frustrant de voir le ministre des Finances signer le rapport 2005 de la Commission pour l'Afrique, qui réclame une place centrale pour l'objectif de 0,7 p. 100, et se lancer ensuite dans des explications sans fin pour nous expliquer que le Canada ne peut pas s'engager parce qu'il n'en a pas les moyens.

    Vous avez vous-même joué ce matin le même jeu que le ministre des Finances. Nous n'arrêtons pas de nous vanter de notre bonne santé budgétaire. Nous sommes fiers d'être un pays qui dispose d'excédents considérables. Et ensuite, nous nous retournons pour critiquer les gouvernements européens qui se sont engagés à le faire. Le gouvernement s'en tire par cette pirouette. J'aimerais que vous nous donniez l'engagement que vous vous battez pour faire progresser cette cause. Notre engagement sur les Objectifs du millénaire pour le développement ne signifie rien si nous ne le faisons pas. Les uns après les autres, nos témoins nous ont répété qu'il ne servait à rien de dire que nous appuyons ces objectifs si nous ne passons pas à ce montant de 0,7 p. 100. Nous n'avons pas un véritable engagement à abolir la pauvreté si nous ne le faisons pas—il ne s'agit pas de simplement le dire, il faut le faire.

    Je voulais savoir si vous pouviez nous donner l'assurance que vous en faites votre cheval de bataille par tous les moyens possibles. Pouvons-nous compter sur vous pour présenter un projet de loi par lequel nous nous engagerons à réduire la pauvreté en passant à ce montant de 0,7 p. 100? Et que peut faire notre comité pour vous appuyer? Nous souhaitons travailler en partenariat avec vous pour y parvenir. Il est attristant de vous entendre nous servir les mêmes justifications. Le ministre des Finances est peut-être obligé de le faire pour se présenter comme Paul Martin II, avec tout son discours de responsabilité financière. Mais vous êtes ministre de l'ACDI. C'est vous qui devez nous faire avancer sur cette voie. Et nous voulons savoir ce que nous pouvons faire pour vous y aider.

¿  +-(0955)  

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Comme vous le savez, madame McDonough, j'ai été membre de ce comité moi-même, et j'adorais cela. J'ai été députée de l'arrière-ban beaucoup plus longtemps que je n'aie été ministre, et je crois que le travail que nous faisons en comité a une importance énorme. Je peux vous dire que je n'ai pas lu chaque parole de tous les témoins que vous avez entendus sur cette question entre autres, mais que je suis de très près vos délibérations et que je lis le résumé de tous les témoignages. Je crois que ce que vous faites et ce que vous allez continuer de faire a des retombées importantes, et c'est ainsi que ça doit être.

    Indépendamment de ce que vous pensez de la position du premier ministre à propos de ce 0,7 p. 100, vous devez savoir qu'en matière de déficit démocratique, il consacre un temps précieux à faire exactement la même chose que moi quand je dis que je garde le contact avec ce qui se passe au comité, et que c'est une priorité importante pour lui.

    Je sais que le comité a demandé à l'unanimité qu'un projet de loi soit élaboré. Je pense qu'il y a un certain mérite à ce genre de programme pour notre Agence de développement, mais, à mon avis, il faut que ce programme englobe tout ce que nous faisons sur le plan du développement. Je ne pense pas qu'il nous appartienne, et je ne pense pas que cela nous rende plus efficaces, de couper l'ACDI de la démarche d'ensemble du gouvernement. Je crois que vous êtes d'accord avec moi là-dessus. Le mandat que nous énonçons doit être un mandat qui englobe toutes les activités du Canada en matière de développement. Je voulais simplement le signaler. Et effectivement, je crois que ce serait quelque chose d'utile.

    Je sais que vous avez entendu des experts sur cette question du 0,7 p. 100. J'ai lu leur opinion dans les journaux. Quand je vous parle de l'Énoncé de politique internationale, j'ai la conviction, et je sais que Jeffrey Sachs est du même avis—j'ai discuté avec lui au téléphone pas plus tard que vendredi soir, et il a comparu à votre comité—que la question de l'efficacité de l'aide est fondamentale. Il est essentiel que notre aide soit efficace. Certes, nous parlons de l'objectif de 0,7 p. 100, qui est une notion purement quantitative, mais nous devons aussi agir judicieusement en faisant ce que nous faisons, c'est-à-dire par exemple en choisissant les 25 pays qui sont capables d'utiliser efficacement notre aide. Je crois que cette dimension de capacité est bien réelle. Il faut en tenir compte dans vos délibérations et il faudrait peut-être que les médias y fassent un peu plus attention au lieu de ne parler strictement que de ce 0,7 p. 100.

    Me désolidariser de mon gouvernement, il n'en est pas question. Je peux simplement vous assurer que je crois personnellement très sincèrement à cet objectif.

    J'ai rencontré hier soir Jeffrey Pearson, le fils de Mike Pearson, à une réception et nous avons eu, comme vous pouvez l'imaginer, une discussion très intéressante.

    Donc je comprends très bien, et je crois que nous devons avancer dans ce sens. C'est un objectif qui doit occuper une place centrale et auquel je consacre beaucoup d'énergie. Mais je ne peux pas vous dire grand-chose de plus.

+-

    Mme Alexa McDonough: Je dois dire que je suis très déçue que vous n'alliez pas plus loin. Nous faire la leçon en nous disant que nous ne nous préoccupons pas suffisamment de l'efficacité de l'aide…

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Je ne vous fais pas la leçon du tout. Je ne me le permettrais pas.

+-

    Mme Alexa McDonough: Alors peut-être devrais-je parler de condescendance.

    Si vous ne consacrez à l'aide internationale que la moitié du montant prévu par les normes de Pearson, il ne semble pas très honnête d'affirmer que vous vous souciez tellement de l'efficacité de cette aide. Il n'y a pas un seul des membres de ce comité, dans les quatre partis politiques, qui ne soit pas convaincu de l'importance extrême de l'efficacité de l'aide.

    Que notre gouvernement puisse s'imaginer qu'il peut préserver sa réputation internationale sans s'engager sur cet objectif de 0,7 p. 100 et en l'écartant parce que, vous savez… C'est comme si ce n'était pas tellement important ou si ce n'était qu'un petit facteur annexe. C'est au contraire l'élément essentiel qui nous permet de garder la tête haute et de préserver notre réputation internationale. Les uns après les autres, les témoins nous l'ont dit : des hauts responsables du développement international et de la coopération internationale, des experts de haut niveau sur la situation sur le terrain, et nos propres hauts fonctionnaires et ambassadeurs disent tous que c'est notre réputation qui s'effondre si nous ne sommes pas capables de faire preuve de leadership.

    Alors encore une fois, pouvons-nous compter sur vous pour donner une plus grande priorité à cet objectif? Avons-nous des raisons de penser que c'est une priorité pour la ministre que vous êtes, en dépit de toutes les justifications et de tous les faux-fuyants que vous nous servez à chaque occasion?

À  +-(1000)  

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Je pense que ce n'est pas juste de dire que je considère ce 0,7 p. 100 comme un gaspillage. Je crois que je n'ai jamais dit, ici ou ailleurs, quoi que ce soit qui puisse être interprété en ce sens.

    À mes yeux, l'objectif de 0,7 p. 100 est très important. Je crois que nous devons y parvenir. Je l'ai dit ici et ailleurs. Et je n'ai certainement pas voulu paraître condescendante quand j'ai parlé d'efficacité de l'aide, mais j'ai élaboré un document dont l'efficacité de l'aide est le véritable fil conducteur. L'allusion à ce document n'avait strictement rien de péjoratif pour notre discussion actuelle.

    C'est tout ce que je peux vous répondre.

+-

    Le président: Merci.

    Il nous reste 10 minutes, donc je vais pouvoir prendre quelques questions.

    Monsieur Bevilacqua, allez-y.

+-

    M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan, Lib.): Je serai bref.

    Vous êtes manifestement d'accord pour cet objectif de 0,7 p. 100. J'imagine donc que vous vous tracez un chemin pour y parvenir, comme pour parvenir à n'importe quel autre objectif dans la vie. Comment allez-vous y parvenir? C'est ma question. Que faut-il faire? Dans quelles conditions?

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Avant tout, vous savez que le gouvernement s'est engagé à y parvenir quand il en aura les moyens, et je vous l'ai répété. Il le fera lorsque cela ne risquera pas d'entraîner un déficit.

    On parle ici d'environ 40 milliards de dollars. Vous qui avez un bagage dans le domaine de la finance, vous savez que le gouvernement doit planifier la façon dont il devra absorber cette dépense de 40 milliards de dollars. Il faudrait élaborer une démarche stratégique sur un certain nombre d'années… sachant que les Objectifs du millénaire pour le développement fixent 2015 comme date cible. Certains pays ont donné cela; d'autres sont en avance, d'autres y sont même déjà.

    Mais dans un plan financier, il faut déterminer comment on peut absorber une hausse de 40 milliards de dollars—quelles années, de quelle façon. C'est tout un débat.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Je crois que sur ce sujet, il est très important de bien expliquer aux Canadiens que c'est d'environ 40 milliards de dollars qu'on parle, car après tout, ils participent aussi au débat et ils ont des décisions à prendre, parce que c'est leur argent que nous investissons. Et 0,7 p. 100, ce n'est pas un chiffre énorme, mais c'est un montant qui a des retombées financières très lourdes.

    Je crois savoir, madame Carroll, que le gouvernement a effectivement un plan pour parvenir à cet objectif de 0,7 p. 100, et que c'est l'année 2015 que vous visez.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Vous croyez savoir que le gouvernement a un plan?

    Des voix: Oh, oh!.

    L'hon. Aileen Carroll: Excusez-moi, monsieur Bevilacqua.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Enfin, vous avez dit que vous aviez un objectif.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: J'ai dit que j'avais un objectif.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Un objectif sans plan, c'est cela?

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: En français, on dit que c'est la main de Dieu.

    La main de Dieu va nous mener au point 7.

[Traduction]

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Vous me posez les mêmes questions et je vous donne toutes les réponses que je suis en mesure de vous donner à ce stade. Je peux continuer à vous les répéter, et cela agace Mme McDonough…

+-

    Mme Alexa McDonough: C'est ce que fait le gouvernement qui nous agace.

À  +-(1005)  

+-

    L'hon. Aileen Carroll: C'est exact, parce que Mme McDonough et moi-même, qui sommes deux filles de Halifax, ne nous agaçons pas l'une l'autre d'habitude.

    Quoi qu'il en soit, monsieur Bevilacqua, je ne pense pas avoir autre chose de plus pertinent ou de plus instructif à ajouter.

+-

    Le président: Très bien.

    Madame Guergis, juste une question.

+-

    Mme Helena Guergis: J'ai une question et mon collègue en a une aussi, donc nous allons les poser et vous pourrez répondre au président.

    Sachant ce qui se passe entre l'Éthiopie et l'Érythrée, pourquoi choisir l'une et pas l'autre? Certains de nos témoins nous ont posé la question; ils ne comprennent pas. Ils ont l'impression que nous prenons parti.

    L'autre question concerne le concert Live 8. Nous avons demandé une exonération de droits, et j'aimerais savoir si vous appuyez cela?

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Madame Guergis est ma voisine. Nous allons le déplacer à Alliston.

    À propos de l'Éthiopie et de l'Érythrée, comme vous le savez, l'ONU a lancé un appel pour l'Érythrée, et j'ai pour l'instant répondu à cet appel en offrant 5 millions de dollars. Je suis votre débat de près, mais je suis avec encore plus d'attention ce qui se passe là-bas. Cela dit, 5 millions de dollars, c'est plus que le pourcentage habituel pour le Canada. Les pays ont normalement un certain pourcentage pour ces appels de fonds ponctuels. Donc, avec 5 millions de dollars, nous sommes au-delà du montant normal.

    Comme le comité le sait certainement, le bilan de l'Érythrée en matière de gouvernance, de droits de la personne et de liberté religieuse est lamentable. C'est pourquoi ce pays n'a pas pu bénéficier dans le passé du statut de partenaire bilatéral à part entière auprès de l'ACDI.

    Nous l'avons aidée dans le passé, depuis 2002, en lui versant 8 millions de dollars, mais il s'agit d'un effort humanitaire plutôt que d'un véritable partenariat pour le développement.

    En revanche, l'Éthiopie est un de nos partenaires du développement. Elle respecte les trois critères que j'ai exposés au comité et à partir desquels nous déterminons ces partenariats. L'Éthiopie a atteint sur tous ces plans un niveau qui lui permet d'utiliser efficacement l'aide au développement.

    On ne peut pas par exemple faire de développement sans sécurité. On ne peut pas faire un travail de développement dans certaines situations, dans certains États en déroute ou fragiles. On peut aider ces États à progresser jusqu'à un niveau de sécurité suffisant pour semer les graines du développement. Ce sont des leçons que tous les pays donateurs ont apprises au fil des ans.

    Je suis donc cette situation de près, et je ne suis pas opposée à renforcer notre aide, madame Guergis, s'il faut le faire, mais vous savez certainement très bien que nous subissons des pressions énormes et que nous recevons énormément de demandes d'aide pour répondre à des situations effroyables, qu'il s'agisse du Congo qui a été décrit comme une nation en perdition qui n'a pas reçu toute l'attention qu'il aurait dû recevoir selon bien des gens… Je suis de très près la situation au Congo.

+-

    Le président: Madame Carroll, nous devons passer à Mme Lalonde pour une question, et ensuite à M. Sorenson.

    Une simple question sans préambule, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Madame Carroll, merci d'être ici.

    Vous avez dit, par rapport à vos cinq secteurs d'intervention, que vous étiez à élaborer une stratégie. Ai-je bien compris?

    J'aimerais connaître vos réflexions sur cette stratégie. J'aimerais savoir quelle direction vous prenez, parce que le développement va bien au-delà d'une suite de programmes dans le temps. Le développement, c'est beaucoup plus que cela, et ce que vous proposez, c'est du développement.

    Quelle est votre réflexion?

[Traduction]

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris. Vous voulez savoir comment nous allons nous concentrer de plus en plus sur les activités sectorielles?

+-

    Mme Francine Lalonde: Sur le développement plutôt que sur les programmes. Des programmes ajoutés à des programmes, cela ne signifie pas du développement.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Non.

    Tout d'abord, madame Lalonde, en matière de développement, il faut écouter le gouvernement du pays en développement qu'on veut aider. Il est très important que ces gouvernements commencent par élaborer sur le plan intérieur une stratégie de réduction de la pauvreté. Leurs priorités sont essentielles. Ce sont eux qui savent où ils ont le plus besoin d'aide. C'est donc la première étape. Nous les aidons à ce niveau, et une fois que c'est fait, nous nous efforçons de travailler dans le cadre qu'ils ont établi. Vous avez tout à fait raison, il ne s'agit pas de disséminer des projets de-ci de-là.

    Quand nous agissons dans le cadre d'une stratégie de réduction de la pauvreté, il est important, comme je le fais au niveau ministériel et comme mes hauts fonctionnaires et d'autres le font, de suivre ce qui se passe dans les autres pays aussi. Certains pays peuvent être facilement submergés. Ils n'ont que très peu de fonctionnaires ayant l'expérience et la compétence nécessaires pour gérer l'aide que vous leur apportez, vos systèmes comptables et toutes les demandes que vous leur soumettez.

    Naguère, par exemple, il arrivait très souvent que les Britanniques viennent dans un pays avec un projet dans le domaine de l'enseignement. Les quatre fonctionnaires du pays se mettaient à travailler avec les Britanniques. Ensuite, c'était les Hollandais qui frappaient à la porte, et on enlevait deux de ces fonctionnaires pour qu'ils s'occupent des Hollandais, et ensuite, oh mon Dieu, c'était les Canadiens qui arrivaient.

    Ce qui est aussi très important sur le plan concret, c'est que nous travaillons en tant que pays donateurs de façon très coordonnée pour mettre en place des programmes d'enseignement correspondant à leurs paramètres et à leurs besoins. Nous agissons de façon coordonnée dans le domaine de la santé en créant une capacité avant même qu'on puisse exploiter un projet de loi comme le projet de loi C-9 du Canada et la possibilité d'obtenir des médicaments antirétroviraux. Il faut au départ avoir des gens sur place qui soient prêts à distribuer les médicaments et à s'occuper de la nourriture et tous les autres éléments nécessaires. Les choses doivent se faire suivant une certaine séquence et de façon coordonnée. Je crois que cette coordination est plus poussée que jamais auparavant.

    Comment avons-nous appris à avoir des stratégies de réduction de la pauvreté, comment savons-nous qu'il faut coordonner nos efforts, comment savons-nous quels sont nos meilleurs interlocuteurs dans un domaine prioritaire? Grâce à l'expérience. C'est grâce à des années d'expérience de distribution de notre aide, en tirant les leçons de nos erreurs pour progresser.

    Je ne sais pas si mes collègues veulent ajouter quelque chose.

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Nous allons donner une question à M. Sorenson.

    Monsieur Sorenson.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Merci.

    N'est-il pas vrai que la pauvreté dans le monde n'est pas votre priorité? N'est-ce pas évident?

    Nous avons discuté du projet de loi C-48 pendant je ne sais combien de jours. Vous avez signé une entente tout d'un coup avec le NPD, mais ce n'était pas une priorité. Cela ne pouvait pas être une priorité pour le NPD à ce moment-là. On n'a pas prévu un accroissement massif de l'aide dans le monde dans ce projet de loi et il n'a pas été question d'insister plus là-dessus dans le budget. Ce n'était pas une grosse priorité.

+-

    Le président: Vous n'êtes pas pour?

+-

    M. Kevin Sorenson: Non, je ne suis pas pour.

+-

    Le président: Désolé, je ne voulais pas vous interrompre. Posez votre question.

+-

    M. Kevin Sorenson: Il n'y a rien dans le projet de loi C-48 qui nous garantisse que ce plan va être mis en oeuvre, qu'il va y avoir des étapes graduelles, et que nous allons atteindre les objectifs dont vous parlez. Même si on parle beaucoup d'établir des priorités en matière d'aide, cela ne se voit jamais vraiment en pratique. En dernière analyse, cela ne se voit pas.

    Il y a un commentaire sur lequel je voudrais poser une question. Vous avez dit en effet que nous devrions être plus présents en Corée du Nord. Pensez-vous que ce n'est jamais le moment de rompre les relations diplomatiques avec un pays, pour quelque raison que ce soit?

    Vous avez la Corée du Nord et la Birmanie, qui, comme vous l'avez très justement dit, sont responsables du plus grand nombre de violations des droits de la personne, qui sont toujours menaçantes, même maintenant avec la prolifération nucléaire et tout le reste. Vous dites que l'on devrait dépenser de l'argent et s'occuper de la Corée du Nord. Pouvez-vous nous dire ce que vous voulez qu'on fasse en Corée du Nord?

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Peut-être que je ne parle pas assez clairement, c'est très possible.

+-

    Le président: Madame Carroll, soyez brève, vous avez 30 secondes.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: J'ai pris l'exemple de la Corée du Nord simplement pour expliquer qu'il faut communiquer. Il faut avoir des relations. On ne peut pas laisser ce pays dans sa bulle et penser que l'on peut réussir à le faire changer d'attitude. C'est pour cela que je l'ai mentionnée.

    C'est pour cette raison que nous accordons la reconnaissance diplomatique. La reconnaissance, ça ne veut pas dire que l'on approuve tout ce que fait le pays. La reconnaissance diplomatique signifie simplement que l'on a établi des lignes de communication, et ce n'est qu'ainsi que l'on peut avoir un impact sur le pays en question. Autrement, on lui permet de continuer à être une bombe nucléaire à retardement. On n'essaie pas d'avoir une influence. C'est incroyablement naïf de dire qu'il faut continuer à ne pas parler aux pays qui ne répondent pas aux normes canadiennes ou ne pas avoir de relations avec eux.

    C'est comme ce que disait votre parti la semaine dernière, vendredi, au cours de la période des questions, lorsqu'il demandait que l'on cesse le commerce avec la Chine parce que l'on pense qu'il se passe quelque chose.

À  +-(1015)  

+-

    M. Kevin Sorenson: Ce n'est pas vrai.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Je crois qu'il est grand temps de…

+-

    M. Kevin Sorenson: Non, vous n'avez plus de temps; c'est mon temps. Cesser de commercer avec le deuxième partenaire commercial du monde? Je ne crois vraiment pas que nous ayons dit cela.

+-

    L'hon. Aileen Carroll: C'est maintenant à moi de répondre. Vous n'étiez pas là vendredi. Allez chercher les bleus de la période des questions; c'est ce qu'a dit votre vice-leader en Chambre.

+-

    Le président: Madame Carroll, j'ai une dernière question pour vous…

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Je ne peux pas vous parler, Alexa, à propos du NPD.

+-

    Le président: Je voudrais vous poser une question un peu différente. Vous avez parlé de vos cinq catégories. Dans le cadre de la troisième, vous dites que nous réserverons un type particulier de programmes bilatéraux à un nombre restreint de pays qui sont en crise ou qui émergent d'une crise, et qui revêtent une importance stratégique prépondérante. Pourriez-vous me donner quelques précisions, ou un exemple de ce que vous souhaitez faire?

+-

    L'hon. Aileen Carroll: Pour le tiers correspond à notre aide bilatérale—oui, c'est ce que nous allons faire, monsieur le président, pour continuer ou réduire nos relations bilatérales. Comme je l'ai dit clairement, nous allons maintenir tous nos engagements jusqu'au moment où nous nous retirerons de certains de ces pays. Nous finirons par nous retirer de certains des pays à revenu moyen, mais nous continuerons à utiliser une partie de ces ressources budgétaires pendant que nous terminons les programmes, parce que nous voulons aller au bout de nos engagements.

    Nous allons aussi continuer à aider des pays comme l'Iraq, l'Afghanistan et Haïti, en leur accordant des fonds importants, comme vous le savez, pour les aider à sortir de leur situation, à ne plus être des États en déroute ou fragiles, pour arriver au point où le développement peut commencer. Stratégiquement parlant, il y a des pays où le Canada doit garder une empreinte, des pays qui ne doivent pas tomber, et où nous espérons construire d'autres liens, avec l'ensemble du gouvernement. Je peux juste ajouter que l'Afghanistan est un exemple parfait de trois ministères travaillant main dans la main. L'EPR que nous avons mis sur pied—et je vais aller voir ça cet été, j'espère, si nous finissons par ajourner—est un exemple direct de la façon dont le développement, la défense, la diplomatie peuvent se combiner pour avoir un effet sur un pays qui ne doit pas échouer.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame la ministre.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Cameron et monsieur Rhaman. Je crois que vous allez comparaître demain au Sous-comité des droits de la personne du développement international et vous allez continuer ce charmant dialogue. C'est ce que j'ai cru comprendre.

    Nous allons lever la séance pour deux minutes.

À  +-(1017)  


À  +-(1022)  

[Français]

+-

    Le président: S'il vous plaît.

[Traduction]

    Nous allons maintenant commencer le

[Français]

deuxième volet de notre réunion de ce matin.

[Traduction]

    Nous accueillons M. John Williams, président de l'Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption—GOPAC qui comparaît à titre individuel.

[Français]

    Bienvenue, monsieur Williams.

[Traduction]

    Avez-vous des observations à présenter au comité avant de commencer?

+-

    M. John Williams (président , Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption (GOPAC)): Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai distribué mes notes dans les deux langues officielles.

    Je voudrais tout d'abord présenter M. Martin Ulrich, directeur général de l'Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption. M. Ulrich est un ancien cadre supérieur du Conseil du Trésor et travaille maintenant au Centre parlementaire.

    Monsieur le président, je remercie les membres du comité de l'occasion qu'ils me donnent de leur parler de la GOPAC dans le cadre de leur étude de l'Énoncé de politique internationale du gouvernement . Je crois que ce que font les parlementaires est important pour assurer le bon gouvernement et la démocratie, le développement et la sécurité. Monsieur le président, il incombe aux parlementaires—c'est en fait leur responsabilité constitutionnelle—d'obliger les gouvernements à rendre compte de leur gestion des ressources qui leur sont confiées et de leur administration de la société.

    Avant de décrire la GOPAC, je veux signaler que, comme certains de vos témoins l'ont dit, on est connu pour les actes qu'on pose et pour les résultats qu'on obtient et non pour ses paroles. Je tiens à insister sur l'importance des résultats pour la GOPAC, parce que des résultats clairs sont un élément clé du programme de notre organisation.

    La GOPAC est un organisme de parlementaires du monde entier qui représentent au moins 70 pays. Elle compte plus de 300 membres et est organisée en sections régionales et nationales. Elle a été créée lors d'une conférence organisée en octobre 2002 par le Parlement du Canada et qui s'est tenue ici-même à la Chambre des communes. Elle a été officiellement constituée en société en septembre 2002 grâce à un financement initial de l'ACDI et de l'Institut de la Banque mondiale.

    La GOPAC a des sections régionales et nationales indépendantes qui travaillent en symbiose avec son conseil d'administration et son secrétariat. Nous avons défini trois programmes fondamentaux pour aider les parlementaires à être efficaces dans leur rôle de représentants de la société chargés de surveiller le gouvernement.

    Premièrement, l'aide fournie par les pairs aux parlementaires qui luttent contre la corruption. Les parlementaires doivent savoir qu'ils ne sont pas seuls sur la route parfois isolée et très peu fréquentée de la lutte contre la corruption. L'entraide comporte aussi le mentorat dispensé par des parlementaires chevronnés à d'autres parlementaires, surtout à des nouveaux, sur le rôle du Parlement en tant qu'institution chargée de responsabiliser et de surveiller le gouvernement.

    Deuxièmement, fournir des programmes de formation aux parlementaires, d'une façon plus officielle, pour leur faire mieux comprendre leur rôle de surveillants du gouvernement. Nous envoyons nos jeunes à l'université pour qu'ils deviennent avocats, médecins, ingénieurs, etc., mais nous devenons parlementaires instantanément, dès notre élection, même si nous n'avons aucune expérience susceptible de nous rendre efficaces dans ce rôle.

    Troisièmement, fournir des objectifs clairs avec des résultats mesurables. La GOPAC pense qu'il est essentiel d'énoncer des objectifs clairs—en commençant par des cibles modestes—quant à ce que nous pouvons faire pour contrer la corruption. C'est en mesurant les résultats obtenus grâce à ces actions et ces objectifs, que la GOPAC et ses sections pourront démontrer leur efficacité en tant qu'organisation de parlementaires qui demandent des comptes à leurs gouvernements et vont démontrer l'efficacité de la démocratie.

    En plus de ces programmes régionaux et nationaux, la GOPAC travaille à des dossiers internationaux également. Roy Cullen, député, dirige avec enthousiasme le travail qu'elle fait à l'échelle internationale pour contrer le blanchiment d'argent. Son collège Garry Breitkreuz, député, fait partie de notre groupe de travail mondial sur l'application de la Convention des Nations Unies contre la corruption.

    La GOPAC est une organisation internationale dont le conseil d'administration est élu par les sections régionales, mais les Canadiens, en l'occurrence les parlementaires canadiens, peuvent y jouer des rôles importants. Rappelons que c'est le Parlement du Canada qui a organisé la conférence dans le cadre de laquelle la GOPAC a été créée en 2002.

    Je voudrais également insister sur le fait qu'il est essentiel que les Parlements soient efficaces, et les parlementaires convenablement formés et soutenus, pour assurer la bonne gouvernance. L'Énoncé de politique internationale du Canada insiste sur l'importance de la gouvernance et signale que le Parlement en est un élément important. L'expérience de la GOPAC le démontre clairement.

    Nous savons tous, monsieur le président, que la corruption peut être seulement contrôlée, mais jamais éliminée. Mais ici au Canada, lorsque nous en décelons les signes, nous ne négligeons rien pour l'extirper. À mon avis, la différence entre les pays développés et les pays en développement est que les premiers sont parvenus à contrôler la corruption, alors qu'elle est tout à fait incontrôlée dans les pays non développés parce que les Parlements n'exercent pas de contrôle efficace sur leur gouvernement. Les pays en développement souffrent beaucoup du fait que la corruption est très répandue chez leurs dirigeants. Les pots-de-vin et l'extorsion y sont monnaie courante. Leurs économies sont exsangues, faute de capitaux. De plus, l'absence de tribunaux compétents et de règlements efficaces découragent les investissements étrangers directs.

    Bref, lorsque le Parlement manque à ses responsabilités de surveillance du gouvernement, celui-ci faillit à la sienne de gouverner la société, et chacun en sort au mieux appauvri, au pire exposé à la guerre civile et à l'anarchie.

À  +-(1025)  

    Par conséquent, en tant que parlementaires, nous avons un rôle crucial à jouer dans la bonne gouvernance. La GOPAC, monsieur le président, est un exemple d'initiative mondiale à leadership canadien, créée au Parlement du Canada par des parlementaires. Le secrétariat mondial se trouve au Centre parlementaire canadien et le président actuel est un Canadien, bien que cela doive bien sûr changer, et je vous demande donc de reconnaître l'organisation, de vous y joindre, et de l'appuyer ici au Canada et dans le monde entier.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, monsieur Williams.

    Nous aurons cinq minutes pour les questions et les réponses.

    Madame Guergis, s'il vous plaît.

+-

    Mme Helena Guergis: Merci.

    Je vais commencer par mon propre exemple. Je suis allée récemment à Taïwan et j'ai été très gênée parce que certains des hauts dignitaires, et je ne les nommerai pas, ont posé des questions sur le scandale actuel au Canada en demandant des commentaires. Ils en parlaient un peu à la légère avec le sourire, mais en fait ils voulaient sérieusement savoir.

    Savez-vous—ou était-ce juste pour moi—s'il y a d'autres pays qui parlent du scandale en cours au Canada?

+-

    M. John Williams: C'est une grave question ici au Canada et l'affaire se sait dans le monde entier, mais l'essentiel, c'est que nous avons dépensé peut-être 100 millions de dollars pour essayer de faire toute la lumière sur l'affaire, avec la Commission Gomery, l'enquête des Comptes publics, les enquêtes de police, etc. Nous ne reculons devant rien pour lutter contre la corruption ici lorsque nous la voyons apparaître. Dans le monde en développement, on se borne à hausser les épaules et tout continue comme d'habitude. C'est parce que nous réussissons à limiter la corruption ici—nous ne pouvons éliminer la corruption, mais nous la contrôlons ici—que nous pouvons jouir de notre prospérité.

    Et c'est pour cette raison, que d'autres pays sont tellement pauvres : les dirigeants n'ont pas de comptes à rendre au Parlement parce que le Parlement ne fonctionne pas et ils peuvent donc partir avec l'argent et même parfois commettre des meurtres impunément.

À  +-(1030)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Menzies.

+-

    M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Merci, monsieur Williams, de votre exposé et je vous félicite de tous les efforts que vous avez consacrés à cela.

    Quel rôle voulez-vous donner à cette organisation ? Travaillez-vous sur certains des domaines que l'ONU est censée couvrir, ou votre organisation veut-elle s'aventurer sur des terres inexplorées?

+-

    M. John Williams: Ce sont des terres inexplorées, monsieur Menzies, pour ce qui est de faire participer les parlementaires. C'est la première fois que les parlementaires qui ont la responsabilité constitutionnelle de demander des comptes au gouvernement, se sont réunis et ont décidé qu'ils avaient un travail à faire, et que mieux ils le feraient, mieux nos gouvernements allaient pouvoir servir notre société. L'ONU est une organisation parrainée par les gouvernements. Les gouvernements sont bien sûr importants.

    L'aide au développement est aussi extrêmement importante, mais comme nous l'avons constaté, elle ne peut pas régler le problème. L'aide au développement doit être accompagnée d'une gouvernance améliorée. Gordon Brown, le chancelier de l'Échiquier au Royaume-Uni a déclaré il y a à peine deux semaines, à propos du pardon de la dette des pays appauvris, qu'à partir de maintenant, on s'attend à une gouvernance améliorée.

    La Convention de l'ONU contre la corruption porte sur l'amélioration de la gouvernance. Comment va-t-on améliorer la gouvernance? C'est en faisant participer les parlements et les parlementaires de chaque pays en disant, votre fonction est de faire rendre des comptes au gouvernement. S'ils y parviennent, les gouvernements vont devoir répondre devant leur propre société de leur corruption, de leur mauvaise administration, et s'il y a des élections libres et justes, nous avons ce qui va arriver aux gouvernements qui pratiquent la corruption et les malversations : ils se retrouvent à la porte et remplacés par quelqu'un d'autre.

[Français]

+-

    Le président: Merci.

    Madame Lalonde.

+-

    Mme Francine Lalonde: Merci beaucoup, monsieur Williams, et bienvenue. C'est intéressant que vous soyez ici. J'ai plusieurs questions à vous poser.

    Je trouve cette initiative très intéressante. J'aimerais savoir si elle couvre le type de loi que les gouvernements devraient adopter pour s'assurer de contrer la corruption dans l'entreprise privée. Par exemple, l'affaire Enron est-elle le signe qu'il y a plus de corruption aux États-Unis ou que les lois canadiennes sont moins sévères ou moins bien appliquées?

    Il y a un cercle vicieux dans la corruption. Établissons un parallèle avec les lois sur le financement des partis politiques: si ces lois encourageaient la corruption des politiciens qui, à leur tour, fermaient les yeux sur ce qui se passe dans le secteur privé, cela créerait un impact profond sur la capacité de bonne gouvernance des gouvernements et des parlementaires.

[Traduction]

+-

    M. John Williams: Merci beaucoup, monsieur le président.

    La corruption peut exister dans le secteur privé; elle peut être au gouvernement. C'est au gouvernement qu'il incombe de veiller à la contrôler, à la sanctionner et la faire apparaître. Aux États-Unis, bien sûr, le scandale Enron a abouti à la Loi Sarbanes-Oxley, encore une fois pour resserrer les règles, pour essayer d'empêcher que le problème ne surgisse pas à nouveau. C'est ainsi que le monde en développement réagit lorsqu'on s'aperçoit qu'il y a de la corruption aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public.

    La GOPAC vise à faire participer les parlementaires. C'est à nous de demander des comptes aux gouvernements. Bien sûr, il y a un certain nombre d'instruments comme par exemple la Convention contre la corruption de Santiago. Beaucoup de pays en Amérique latine ont signé et ratifié cette convention. Mais la mettre en oeuvre? Ça ne les intéresse pas.

    Comment allons-nous amener ces pays à agir pour pousser les parlementaires à tenir des séminaires? Roy Cullen est très actif en Amérique latine où il travaille à l'organisation d'un séminaire visant à sensibiliser les parlementaires à la loi antiblanchiment d'argent afin que l'on puisse leur donner les documents et les lois en leur disant, voilà ce que vous devez essayer d'obtenir et ce que vous devez faire adopter et mettre en oeuvre dans votre pays.

    Nous pouvons en parler ici au Canada ou aux États-Unis ou au Royaume-Uni, mais il faut que ce soit les parlements des pays. Ils doivent exercer des pressions sur leurs gouvernements et leur demander des comptes, exiger qu'ils adoptent ces lois et les mettent en oeuvre si l'on veut voir la corruption diminuer en Amérique latine.

    Nous avons la Convention de l'ONU contre la corruption—c'est la même chose. Nous avons la nouvelle Convention africaine contre la corruption. C'est symbolique. Qui va veiller à ce que l'on agisse vraiment? Ce sont les parlementaires—c'est-à-dire nous—dans le monde entier.

À  +-(1035)  

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Paquette.

+-

    M. Pierre Paquette: Vous parlez de blanchiment d'argent. Je me demandais si, dans le cadre de la réflexion que mène votre groupe, vous proposiez des mesures qui touchent aux paradis fiscaux. Si on tolère les paradis fiscaux, cela réduira l'efficacité de quelque loi que l'on pourrait adopter sur le blanchiment d'argent. Comme vous le savez, environ un cinquième de l'argent qui transite par les paradis fiscaux est de l'argent blanchi.

    Je me demandais si vous aviez mené une réflexion là-dessus. Cela demande une certaine cohérence sur le plan des prises de décisions gouvernementales. Si on est contre le blanchiment d'argent mais que l'on favorise l'émergence de paradis fiscaux ou leur consolidation, cette contradiction fera en sorte qu'on ne sera jamais capable d'enrayer le blanchiment d'argent.

[Traduction]

+-

    M. John Williams: La GOPAC ne s'occupe pas de rédiger des lois. Nous avons la capacité politique voulue pour appuyer les experts techniques qui rédigent ce genre de lois. Nous avons le Groupe d'action financière, qui fait partie de l'OCDE à Paris, qui a rédigé la Loi sur le blanchiment de capitaux. Nous pouvons prendre ce travail et donner la poussée politique nécessaire pour le faire avancer et mettre en oeuvre.

    C'est la même chose avec la Convention de l'ONU contre la corruption, qui traite des paradis fiscaux. Elle parle du rapatriement de biens qui ont été sortis du pays par des dirigeants corrompus. Ces instruments doivent être appliqués, et la GOPAC veut pousser les parlementaires à intervenir pour tout faire pour cela. Notre rôle n'est pas de rédiger des projets de loi pour traiter des paradis fiscaux. Nous demandons aux parlements du monde de faire appliquer les lois et les textes qui sont déjà écrits, comme la Convention de l'ONU contre la corruption. Il faut la mettre en oeuvre parce qu'elle porte sur les paradis fiscaux.

    Notre force en tant que parlementaires, c'est la capacité politique, la pression politique, et par conséquent nous combinons cette capacité avec l'expertise technique qui existe dans le monde dans le cadre de l'ONU, du Groupe d'action financière et d'autres. Ensemble, nous faisons mieux, parce que cela engendre la bonne gouvernance. Si on la lie à l'aide au développement, on peut espérer voir une différence et des améliorations dans la prospérité des pays en développement.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Phinney, s'il vous plaît.

+-

    Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais remercier M. Williams d'être venu ici aujourd'hui.

    Vous avez dit que l'ACDI et la Banque mondiale avaient contribué au financement de la première conférence où votre organisation a été créée. Pouvez-vous nous dire pour quels motifs ces organisations vous ont aidé, vous ont financé? Quelles sont les organisations qui financent maintenant toutes vos activités? Pouvez-vous nous le dire?

    J'ai trois questions, et je vais donc vous les poser toutes les trois. Je sais que vous avez une opinion très tranchée sur le rôle des parlementaires et sur la façon dont nous devons surveiller le gouvernement. Vous me l'avez expliqué à plusieurs reprises, et je trouve cela très intéressant, ce triangle dont vous parlez à propos de notre rôle. Vous pourriez peut-être expliquer cela au comité.

    Et vous avez dit qu'il fallait énoncer des objectifs clairs et commencer par des mesures modestes. Pouvez-vous nous donner un exemple concret de ce que vous faites, ou nous parler de différentes choses que vous réalisez dans le monde, afin de nous montrer comment vous procédez ainsi par petites étapes?

+-

    M. John Williams: Merci, madame Phinney.

    S'agissant du financement, oui, le Parlement du Canada, l'ACDI, et l'Institut de la Banque mondiale nous ont aidés à financer la conférence organisée sous l'égide du Parlement du Canada à la Chambre des communes en octobre 2002.

    Depuis lors, nous avons continué à bénéficier du financement de l'ACDI et aussi de la Banque mondiale. Le secrétariat est placé dans le Centre parlementaire. Il gère toute l'organisation mondiale et il est dirigé par M. Martin Ulrich qui est accompagné par un agent de programmes, Meaghan Campbell.

    Nous envisageons un financement en trois parties. La première est l'Amérique du Nord. Nous demandons maintenant à l'Agence des États-Unis pour le développement international d'appuyer l'organisation, et les premiers signes sont très encourageants.

    Nous voudrions qu'un tiers du financement vienne d'Europe. Nous n'avons pas pu obtenir de financement européen parce que nous sommes comme un clou carré dans un trou rond. Nous ne sommes pas une ONG; nous ne sommes pas une organisation gouvernementale, nous sommes une association de parlementaires; nous ne sommes même pas une association parlementaire. Nous sommes donc une institution unique en son genre. Et nous ne travaillons pas à l'échelle régionale; nous ne travaillons pas sur des questions précises. Nous parlons de gouvernance et de faire fonctionner les parlements. Nous avons donc du mal à réussir à convaincre les Européens de nous financer. Ils reconnaissent les avantages, mais ils n'ont pas encore trouvé dans quelle case nous placer pour nous octroyer un financement.

    Le rôle des parlementaires est crucial. Il faut être tenu responsable pour être efficace. C'est un concept fondamental de la nature humaine. Je parle de ce que j'appelle ma théorie du sablier. On commence avec les gens en haut—la société. Ce sont eux qui nous élisent comme parlementaires. Ensuite, nous devons demander des comptes au gouvernement—au premier ministre et au Cabinet. Ensuite on descend par le biais de la bureaucratie jusqu'aux gens qui sont en bas. Le public est là pour s'assurer que les parlementaires, par le biais des élections, demandent aux gouvernements qui fournissent les services à l'ensemble de la société par l'intermédiaire de la bureaucratie, de rendre des comptes chaque jour.

    Lorsque cette structure en forme de sablier fonctionne bien, il y a une bonne gouvernance. C'est lorsque le Parlement est inefficace, lorsque ce lien dans le sablier n'existe pas ou est brisé et inefficace, que les gens n'ont aucun moyen d'obliger leurs gouvernements à rendre des comptes. C'est là que tout s'écroule.

    Notre section latino-américaine travaille avec le Traité anticorruption de l'OEA et la Convention de Santiago contre la corruption. L'ACDI appuie l'Organisation des États américains. En fait, je dois rencontrer des membres de l'organisation cet après-midi même pour essayer tout d'abord de déterminer quels sont les gouvernements qui prennent des mesures pour appliquer le Traité. Nous voulons savoir où se trouvent les lacunes afin d'en informer les parlementaires et leur dire : « C'est là que vous devez agir ».

    Je suis allé en voyage dans les Antilles, et les comités des comptes publics là-bas sont terriblement inefficaces. En fait, le président des comptes publics à Trinité-et-Tobago m'a dit: « Nous avons tant de travail que, si nous n'en recevions plus de nouveau, nous en aurions assez pour continuer pendant encore 50 ans ». Lorsque j'étais là-bas, ils ont reçu les états financiers d'une société de la Couronne qui dataient de 20 ans. Les états financiers pour 1984 ont été déposés au Parlement en 2004. Qui peut travailler avec des états vieux de 20 ans? Ils ont donc besoin d'aide et de soutien pour que le Comité des comptes publics puisse être efficace. Ils ne savent pas comment s'y prendre, ils ne savent pas quel est leur rôle, et nous sommes au travail là-bas.

    Il y a une Convention africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption. Nous nous concentrons sur cette convention. Nous voulons la faire avancer, la faire mettre en oeuvre, la faire contrôler. On peut la signer et la ratifier, mais si l'on ne va pas plus loin, ce sont des mots vides de sens.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci, monsieur le président.

    Je suis restée là à écouter votre présentation, et j'ai lu certains des documents de la GOPAC, et je dois vous avouer que je suis quelque peu sceptique. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a bien sûr aucun membre du comité ni d'aucun autre comité parlementaire qui soit pour la corruption.

    Nous regardons le nom de l'organisation, qui vise à montrer clairement qu'il s'agit d'une organisation mondiale de parlementaires contre la corruption. Je ne dis pas cela pour vous manquer de respect, mais il me semble que pour que cette organisation et les dirigeants qui la mènent soient vraiment crédibles, il faut y intégrer la notion de l'importance du gouvernement lui-même, qui est un instrument positif.

    Je dois dire que l'une des choses qui me dérangent beaucoup à propos de votre parti et de beaucoup de ceux qui se sont lancés là-dedans, c'est que j'ai l'impression que vous et vos collègues vous nourrissez des scandales gouvernementaux. On a toujours l'impression que sans les scandales, vous n'auriez même pas assez d'oxygène pour pouvoir poursuivre cette lutte. Je sais que j'exagère, mais je trouve qu'il est prétentieux et qu'il n'est pas exact de prétendre que votre organisation soit la seule qui se préoccupe de cette question.

    J'ai assisté à des colloques régionaux sur la bonne gouvernance dans les pays du Moyen-Orient. On y fait du très bon travail concret, et le Canada appuie ce travail. Nous avons entendu ici les témoignages brillants de plusieurs témoins qui ont fait de gros efforts pour faire figurer l'évaluation de la bonne gouvernance et les initiatives de bonne gouvernance au coeur des Objectifs du millénaire pour le développement.

    Disons que j'essaie de comprendre de quoi il s'agit vraiment. Quand nous avons entendu divers représentants d'ONG, des experts en politique internationale, à ce comité, il n'a pas fallu deux secondes aux représentants du caucus conservateur pour bondir sur les scandales et essayer de discréditer ce que ces gens essaient sérieusement d'accomplir. Voici donc ma question : si cette entreprise doit vraiment contribuer de façon décisive à établir une bonne gouvernance, pouvez-vous nous garantir qu'elle part du principe que le gouvernement est un outil constructif pour y parvenir?

    Deuxièmement—et là encore j'avoue que je suis sceptique—j'ai l'impression qu'on a tendance à fermer les yeux avec une légèreté incroyable sur la corruption phénoménale qui se pratique dans le secteur privé qui fonctionne sans réglementation alors qu'il faudrait au contraire renforcer la réglementation et resserrer les restrictions. Disons que je me demande si cette organisation, comme votre parti, ferme délibérément les yeux sur l'absence d'une réglementation adéquate qui laisse le champ libre au secteur privé.

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Madame McDonough, il ne reste que 30 secondes pour la réponse. C'était plus un commentaire qu'une question. Vous avez 30 secondes.

+-

    M. John Williams: Merci, monsieur le président. Je ne connais pas de parlementaire qui soit opposé à la bonne gouvernance. Ce n'est pas la même chose quand on demande à un parlementaire s'il est contre la corruption. Les réponses dans ce cas varient, car de nombreux parlementaires à travers le monde, croyez-le ou non, sont directement mêlés à de la corruption. Ils y sont plongés jusqu'au cou. Par conséquent, les faire dire qu'ils sont contre la corruption, cela veut dire les amener à reconnaître qu'ils ont un sérieux problème sur les mains, et nous constatons que c'est ce qui permet de faire le tri.

    Vous dites que la gouvernance est une force proactive. Au Canada, oui, évidemment, mais pas nécessairement dans le monde entier. Nous avons parlé du régime despotique de la Corée du Nord quand la ministre était là, et en Birmanie c'est la même chose. Les droits de la personne et autres sont bafoués parce que le gouvernement n'est tenu de rendre aucun compte. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas d'assemblée ou de parlement efficace pour exiger que ces gouvernements rendent des comptes à leurs citoyens. Quand cette institution ne fonctionne pas, n'allez pas vous imaginer que les gouvernements sont des forces proactives dans leurs sociétés. Certainement pas. Ils sont là uniquement pour s'en mettre plein les poches.

    C'est pour cela que nous nous sommes appelés la coalition contre le corruption. C'est pour motiver les parlementaires à dire que nous avons un travail à faire. C'est pour engager le dialogue avec nos collègues parlementaires dans le monde entier en leur disant que s'ils font correctement leur travail, leur gouvernement se comportera mieux vis-à-vis de sa société. Voilà pourquoi nous avons une responsabilité.

    On ne peut pas toujours accuser le gouvernement. Nous réglementons aussi le secteur privé, et s'il y a de la corruption à grande échelle dans le secteur privé, c'est parce que nous ne donnons pas aux corps de police et autres suffisamment de pouvoir pour enquêter et porter des accusations.

+-

    Le président: Merci, monsieur Williams.

    Je passe maintenant à M. Bevilacqua.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Je suis curieux d'en savoir plus sur les origines de cette organisation, l'Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption. Pensez-vous qu'il faudrait créer des organisations mondiales de parlementaires contre tout ce que nous rejetons ou pour tout ce que nous approuvons? Est-ce que cette organisation devrait servir de modèle pour une centaine d'autres questions qui sont probablement toutes aussi importantes pour la population?

À  +-(1050)  

+-

    M. John Williams: N'importe quel parlementaire peut créer l'organisation qu'il veut. Je crois qu'il est bon que nous insistions, en tant que parlementaires, pour faire le travail pour lequel nous avons été élus, c'est-à-dire exiger des comptes de nos gouvernements. C'est fondamentalement pour cela que nous sommes là. Nous pouvons parler de politique, réclamer plus ou moins d'impôts, plus ou moins de programmes, ou parler de faire les choses différemment, mais fondamentalement, le rôle du Parlement, c'est de réclamer des comptes au gouvernement. Si cela ne fonctionne pas, c'est le gouvernement qui ne fonctionne pas, et quand le gouvernement ne fonctionne pas, c'est toute la société qui ne fonctionne plus; c'est à nous qu'incombe cette responsabilité.

    Nous sommes donc une organisation de parlementaires contre la corruption. J'aurais pu l'intituler les parlementaires pour la bonne gouvernance. Même ceux qui sont plongés jusqu'au cou dans la corruption sont pour la bonne gouvernance, j'en suis sûr, du moment qu'ils peuvent s'en mettre plein les poches.

    Évidemment, nous avons des associations parlementaires. Nous avons l'UIP, l'Association parlementaire du Commonwealth et d'autres organisations qui ont chacune leur thème. Les parlementaires doivent être des leaders. C'est notre travail.

+-

    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Comment tout cela a-t-il commencé? Vous avez participé à la création?

+-

    M. John Williams: Si vous voulez savoir comment tout cela a commencé, monsieur le président, j'ai assisté à la conférence sur la corruption parrainée par l'Institut de la Banque mondiale à New Delhi. Il y avait là plusieurs gouverneurs de banques, des vérificateurs généraux, des ministres des Finances et la crème de la crème. Au bout de quatre jours de discussion, nous avions entendu des tas de très bonnes idées et j'ai dit: « Tout cela est bien gentil, mais qu'allons-nous faire maintenant? » Car il s'agissait strictement d'une conférence et c'était tout. Quelqu'un a dit: « Pourquoi ne pas recommencer? Nous pourrions nous retrouver sur les contreforts de l'Himalaya la prochaine fois. » Ce n'est pas cela qui allait faire avancer les choses. Un peu plus tard, je discutais avec un de mes amis qui vient d'Australie de l'Ouest et qui m'a dit: « John, vous devriez lancer une organisation, proposer un programme, mobiliser des gens pour faire avancer cette cause. » Voilà comment a débuté la GOPAC.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney: Quand je vous ai demandé de me donner des objectifs clairs, vous avez parlé des Antilles et vous avez dit en réponse à la question de quelqu'un d'autre que les parlementaires y étaient d'une efficacité pathétique.

    Quand on lit ceci, on ne sait pas ce que vous faites. Vous avez de belles idées grandioses, mais cela ne nous dit pas ce que vous faites.

    Qu'attendez-vous de ces parlementaires des Antilles? Est-ce qu'ils sont censés arriver un jour, ces quatre députés de leur Parlement, et dire : « Nous allons prendre le contrôle du gouvernement et gérer correctement l'État »?

    Donnez-nous un exemple concret de ce que vous faites.

+-

    M. John Williams: Nous essayons de brancher chaque section régionale sur une organisation multilatérale. Par exemple, la section régionale d'Amérique latine est alignée sur l'Organisation des États américains; la section régionale du Moyen-Orient est alignée sur le PNUD.

    Dans les Antilles, j'espérais que ce serait le Secrétariat du Commonwealth à Londres, mais apparemment ils préféreraient que ce soit le CARICOM que nous choisissions comme organisation multilatérale pour appuyer les parlementaires. Il faudrait que nous organisions une conférence des parlementaires des Antilles à laquelle nous inviterions par exemple les présidents des comités des comptes publics pour leur expliquer comment ils doivent faire leur travail et exiger des comptes de leur exécutif.

    Ces parlements sont dominés par un exécutif ravi d'avoir des parlementaires qui n'ont aucune efficacité; nous devons donc changer cela en leur donnant l'information, l'éducation et les outils nécessaires. C'est pourquoi nous avons la responsabilité de partager nos connaissances avec nos collègues parlementaires dans le monde entier qui en sont dépourvus.

+-

    Mme Beth Phinney: Bon.

    Allons-nous voter?

+-

    Le président: Oui, il y a un vote, mais c'est vers 11 h 12. Nous avons donc encore une dizaine de minutes.

    J'ai une question à vous poser, monsieur Williams.

    Premièrement, vous dites que vous avez reçu des fonds de l'ACDI. J'aimerais savoir combien.

    Deuxièmement, vous dites que vous êtes présents dans environ 70 pays. Y a-t-il parmi vos membres des représentants de pays non démocratiques ou de pays qui selon vous violent les droits de la personne?

    Je sais que vous êtes une très jeune organisation qui se porte très bien pour l'instant. Il n'y a pas de problème. Je voudrais simplement savoir si vous constatez un changement dans certains pays—disons, dans le comportement des parlementaires de certains pays qui peuvent contribuer à lutter contre la corruption.

    Voici ma dernière question. Il y a d'autres associations ou groupes, comme Transparency International, qui publient des rapports annuels. Est-ce que vous travaillez avec cette association, Transparency International, et deuxièmement, la section canadienne de la GOPAC publie-t-elle un rapport annuel?

À  +-(1055)  

+-

    M. John Williams: Merci, monsieur le président.

    Pour répondre à première question sur le financement, monsieur Ulrich, nous recevons environ 150 000 $ par an de l'ACDI actuellement?

+-

    M. Martin Ulrich (secrétaire exécutif, Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption): Oui. Le financement de base—et je dis que c'est le financement de base parce que c'est pour le secrétariat d'ensemble plutôt que pour les autres domaines—est de 150 000 $ et nous vient de l'ACDI.

    Je pense qu'il est important de souligner qu'aucun des parlementaires qui travaillent à la GOPAC, aucun des membres des conseils d'administration ou des organes de direction dans le monde entier ne touche le moindre dollar de ce budget. Ils travaillent bénévolement et ce travail vaut bien ce montant, même si on l'évalue de façon très conservatrice. Nous avons aussi reçu un financement spécial de l'Institut de la Banque mondiale cette année, environ 100 000 $CAN, pour l'organisation de notre conférence mondiale.

+-

    M. John Williams: Pour répondre à vos autres questions, en ce qui concerne la démocratie tout d'abord, je vous signale que l'Ukraine et la Géorgie ont mené leur révolution tranquille sans le moindre bain de sang. Il faut que les parlementaires de ces pays sachent qu'ils peuvent compter sur d'autres formes d'aide dans le monde, sur nous, par exemple. J'ai discuté avec la Westminster Foundation for Democracy au Royaume-Uni pour voir si nous ne pourrions pas organiser une conférence au Liban. Comme vous le savez, ce pays vient d'avoir des élections. Il a connu un important tournant démocratique. Il faut que nous donnions aux parlementaires nouvellement élus du Liban l'éducation et l'information nécessaires pour leur permettre de fonctionner efficacement au lieu d'être canalisés vers des programmes sectaires, et les aider à comprendre leur rôle de parlementaires.

    Pour ce qui est de votre troisième question, au sujet de Transparency International, nous avons effectivement des liens étroits avec cette organisation. Ses sections locales à travers le monde appuient les nôtres, car je préfère que ce soit elles qui gèrent l'argent plutôt que les parlementaires. Nous travaillons donc avec Peter Eigen et le siège social de cette organisation à Berlin et avec les sections locales à travers le monde.

+-

    Le président: J'ai une dernière question, monsieur Williams.

    Vous êtes venu dans le contexte de notre étude sur l'Énoncé de politique internationale. Si vous avez une suggestion, quel genre de recommandations pensez-vous que nous devrions adresser au gouvernement dans notre document?

+-

    M. John Williams: Voici ce que je vous recommanderais, monsieur le président. La gouvernance va de pair avec l'aide étrangère pour favoriser le développement, et la gouvernance est le résultat du contrôle que les parlementaires exercent sur le gouvernement. Par conséquent, il faut que l'aide étrangère serve à construire des institutions démocratiques dans les pays, et non pas simplement à réaliser des projets d'alimentation en électricité, etc., car nous savons qu'il y a des détournements d'argent énormes au profit de gens corrompus. Il faut donc consolider la gouvernance et les parlements pour qu'ils fonctionnent de façon efficace.

    Je me souviens d'un député africain qui me disait qu'en tant que député de l'opposition, ses seules ressources étaient deux téléphones publics sur le mur, qui ne fonctionnaient pas la plupart du temps, et que dans ces conditions il lui était bien difficile d'avoir un rôle efficace.

    Les parlements sont un aspect fondamental de la démocratie. Démocratie égale développement. Il faut donc bien en être conscient.

    Il est intéressant de constater que dans aucun des documents publiés par la Banque mondiale depuis 1945—l'année de sa création—jusqu'au milieu des années 90 environ, on ne trouve pas une seule fois le mot « corruption ». Pour cette organisation, c'est quelque chose qui n'existait pas. Maintenant, elle reconnaît que la lutte contre la corruption est essentielle pour le développement et que la gouvernance est essentielle pour lutter contre la corruption, autrement dit qu'il faut que les parlements puissent fonctionner.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Williams, d'être venu nous rencontrer ce matin.

    Je précise à mes collègues que nous allons poursuivre jeudi matin notre examen de l'EPI. Nous accueillerons M. Thomas d'Aquino, du Conseil canadien des chefs d'entreprise, et le vice-président du Congrès du travail du Canada.

[Français]

    Il est possible également que nous recevions M. Massé, de la FTQ. Ce n'est pas encore confirmé.

    Mr. McTeague.

[Traduction]

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur le président, je pense qu'il est dans l'intérêt de tous les membres du comité que nous mettions fin à l'imbroglio suscité par la motion de M. Day. Je sais que M. Day nous a tous accusés de ne pas nous occuper sérieusement de la motion avant la semaine dernière, mais je trouve assez curieux que toute cette question soit dans l'air depuis environ deux mois et demi. Nous avons eu deux occasions, hier et aujourd'hui, de nous en occuper, mais M. Day a d'autres obligations qui ne lui permettent pas d'être ici.

    Je me demande ce que pense le comité de l'idée d' insister auprès de M. Day pour trancher la question d'une façon ou d'une autre. Franchement, je crois qu'on peut la régler, mais on dirait qu'en raison de son absence persistante, cette question demeure de façon assez futile à notre programme. Je ne sais pas, mais je pense qu'il serait utile que le président explique clairement à M. Day ce qu'il a l'intention d'en faire, car je sais qu'il va y avoir d'autres motions, et tout cela complique notre travail. Nous prévoyons des jours ou des heures pour discuter, nous rajoutons une demi-heure à notre horaire pour essayer de régler ce genre de choses, et c'est manifestement injuste pour le reste du comité.

Á  -(1100)  

-

    Le président: Très bien, monsieur McTeague. Je comprends.

    Je vais parler à M. Day et nous allons probablement nous en occuper jeudi, durant la première partie de nos travaux, à 8 h 45—normalement la réunion va de 9 heures à 11 heures—en commençant avec 15 minutes d'avance. Nous allons voir ce qui se passera, mais je vais commencer par lui parler.

    La séance est levée.