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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 31 mai 2005




· 1305
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         M. Terry Rempel (recherchiste sénior, BADIL Resource Center for Palestinian Residency & Refugee Rights)

· 1310

· 1315

· 1320

· 1325
V         Le président
V         M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC)

· 1330
V         M. Terry Rempel
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ)

· 1335
V         M. Terry Rempel

· 1340
V         Le président
V         Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.)
V         M. Terry Rempel

· 1345

· 1350
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)
V         M. Terry Rempel
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Terry Rempel
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Terry Rempel
V         M. Kevin Sorenson

· 1355
V         M. Terry Rempel
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Terry Rempel
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Terry Rempel
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Terry Rempel
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Terry Rempel

¸ 1400
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 044 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 31 mai 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

·  +(1305)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Si vous voulez bien, nous allons commencer.

[Français]

    Bienvenue au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

[Traduction]

    Il s'agit de la 44e réunion. L'ordre du jour est le suivant : Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, étude des relations avec les pays du monde musulman.

    Notre témoin cet après-midi est M. Terry M. Rempel, recherchiste sénior à BADIL Resource Center for Palestinian Residency & Refugee Rights.

    Bienvenue, monsieur Rempel.

    Je crois que vous avez un exposé liminaire à présenter. Allez-y, vous avez la parole.

+-

    M. Terry Rempel (recherchiste sénior, BADIL Resource Center for Palestinian Residency & Refugee Rights): Je vous remercie de me permettre de comparaître devant le comité aujourd'hui. C'est une première pour moi, et vous devrez donc m'excuser si je ne comprends pas parfaitement tous les détails de la procédure.

    J'aimerais vous présenter brièvement le BADIL Resource Center. Je ferai ensuite quelques brefs commentaires sur la situation actuelle dans les territoires palestiniens occupés, sur les préoccupations que suscitent l'avenir immédiat et le plan de désengagement, et enfin sur les réfugiés, qui sont au centre du mandat de l'organisme auprès duquel je suis attaché de recherche depuis sept ans.

    J'aurai quelques informations à vous soumettre à l'occasion de mon exposé.

    Le BADIL Resource Center est une organisation non gouvernementale enregistrée auprès de l'autorité palestinienne. Il a été créé en 1998, à partir des recommandations de ce qu'on a appelé les conférences populaires sur les réfugiés qui se sont tenues en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et auprès des Palestiniens déplacés, qui se trouvaient pour la plupart dans la région de la Galilée, à l'intérieur de l'État d'Israël.

    Ces conférences populaires sur les réfugiés étaient essentiellement la réponse des réfugiés, la plupart d'entre eux non enregistrés, qui résidaient dans les camps de Cisjordanie et de la bande de Gaza. Ils se préoccupaient de la façon dont la question des réfugiés était abordée au cours des négociations de paix d'Oslo. Ils s'inquiétaient en particulier de la structure de création de solutions durables pour les réfugiés, telle qu'on l'applique généralement dans le monde entier.

    Je voudrais parler des trois options généralement proposées aux réfugiés dans le cadre des solutions durables, à savoir le rapatriement volontaire, l'intégration au pays hôte et la réinstallation dans un pays tiers. Ces ensembles de paramètres et les droits que comportent ces solutions durables ne faisaient pas partie des négociations d'Oslo.

    Pour l'essentiel, les réfugiés ont organisé ces conférences pour définir un ordre du jour afin d'énoncer leurs préoccupations et d'élaborer un mécanisme pour les exprimer auprès des leaders palestiniens et internationaux, pour établir un réseau parmi les réfugiés des territoires occupés et ceux du Liban, de la Syrie, de la Jordanie et d'ailleurs. Il s'agissait d'apporter à leurs difficultés une solution conforme au droit international, aux droits de la personne et aux résolutions des Nations Unies.

    Les conférences ont notamment recommandé la création d'un centre qui devait aider les réfugiés à résoudre leurs préoccupations. Le BADIL Resource Center a été constitué en 1998 et il a reçu le mandat de venir en aide à la communauté des réfugiés.

    Je travaille pour le BADIL Resource Center depuis 1998. Je suis originaire de l'Alberta, mais j'ai fait des séjours prolongés dans les territoires occupés depuis 1998 et j'y suis retourné à l'occasion depuis la première guerre du Golfe.

    J'aimerais faire quelques observations sur la situation actuelle, puis parler des réfugiés et du rôle du Canada dans le processus de paix au Moyen-Orient et dans le dossier des réfugiés en particulier.

    Vous savez certainement que nombreux sont ceux qui considèrent la période actuelle comme une occasion exceptionnelle pour faire progresser les négociations entre Israël et les Palestiniens au niveau politique. On parle notamment des élections dans les territoires occupés qui ont porté Mahmoud Abbas à la présidence, des élections municipales, des futures élections du conseil législatif et du plan de désengagement de la bande de Gaza, qui devrait se concrétiser cette année.

·  +-(1310)  

    Malheureusement, malgré la volonté de progresser, certains événements sur le terrain évoluent dans la direction opposée et font craindre que le processus ne s'enlise une fois de plus, sinon qu'il s'effondre. On trouve de plus en plus souvent ces remarques et ces analyses dans la presse israélienne elle-même, et d'après certains commentateurs, il est à craindre que la situation sur le terrain n'aboutisse à un troisième soulèvement.

    Je voudrais énumérer brièvement ces éléments, sans véritablement en discuter. Il s'agit de la poursuite de la construction du mur ou de la barrière à l'intérieur de la Cisjordanie et, parallèlement à cette construction, des plans de développement mis en oeuvre actuellement pour essayer d'améliorer la situation socioéconomique des populations civiles des territoires occupés. Il y a à mon sens une délimitation très ténue entre les projets propices au développement et les projets qui vont aboutir au parachèvement du mur proprement dit.

    Comme cette question n'a guère suscité d'attention, je peux vous donner un exemple pour préciser la situation. Les habitants d'un petit village n'ont plus accès à leur école des filles, dont ils sont séparés par le mur. Pour remédier au problème, on construit une nouvelle école au village. Normalement, dans le cadre d'un plan national de développement, il n'y aurait pas lieu de construire une nouvelle école au village, mais à cause du tracé du mur et de l'impossibilité pour les élèves de fréquenter une école dans un autre village ou dans une ville voisine, on construit une autre école dans le village. La question est de savoir si la construction de cette école, indispensable pour que les enfants poursuivent leur scolarité, ne peut pas être considérée comme un appui tacite au régime qui a ordonné la construction du mur. Dans l'affirmative, quelles mesures autres que la construction de l'école aurait-on pu prendre pour éviter d'apporter un appui tacite à la poursuite de la construction du mur et au régime qui en a pris l'initiative?

    La libération des prisonniers constitue un deuxième sujet de mécontentement même si, récemment, on a annoncé la libération d'un deuxième groupe de prisonniers palestiniens actuellement détenus en Israël. Malgré tout, les libérations sont bien peu nombreuses par rapport à la population carcérale palestinienne. Ce problème affecte la plupart des foyers palestiniens, car presque toutes les familles palestiniennes ont l'un de leurs membres en prison ou connaissent quelqu'un qui est actuellement détenu en Israël.

    Troisièmement, le maintien des restrictions à la liberté de mouvement continue de poser un très grave problème.

    Quant au plan de désengagement de Gaza, s'il se concrétise cette année, il y aura lieu, à mon sens, de s'inquiéter très sérieusement de ce qui va se produire dès le lendemain.

    On a consacré beaucoup d'attention à la mise en oeuvre du plan proprement dit. Plusieurs personnes, dont le rapporteur spécial pour les territoires palestiniens du Comité des Nations Unies sur les droits de la personne, John Dugard, et même les conseillers juridiques du gouvernement israélien, en viennent à la conclusion que tant que l'État d'Israël exercera son contrôle sur les frontières territoriales, l'espace aérien, la zone maritime et les zones côtières de la bande de Gaza, la région restera en pratique un territoire occupé. De graves questions se posent quant à ce que cela signifie du point de vue du développement de la bande de Gaza et de la gravité de la situation économique à l'intérieur de la bande de Gaza.

·  +-(1315)  

    Deuxièmement, il existe une question connexe qui n'a guère suscité d'attention au plan international, même si la presse israélienne en parle régulièrement : il s'agit du plan d'aménagement de la région du Néguev, où vont être envoyés certains habitants de la bande de Gaza. On craint que ce déplacement de population ne porte préjudice aux Bédouins de la région, que le gouvernement israélien considère comme étant de plus en plus « nationalisés » du point de vue de leur identité. Les Bédouins ont depuis plusieurs décennies des revendications territoriales, qu'ils risquent de devoir abandonner dans le cadre d'un plan de développement qui vise à relocaliser dans le Néguev des habitants de la bande de Gaza. Cette relocalisation découle du plan de désengagement, mais elle n'a pas de conséquences immédiates à l'intérieur des territoires palestiniens occupés.

    Passons maintenant rapidement à la question des réfugiés, qui est au coeur du mandat du BADIL Resource Center. Nous avons plusieurs préoccupations quant aux solutions qu'on pourrait apporter au problème des réfugiés. Disons, pour placer la situation dans son contexte, qu'on estime aujourd'hui que les réfugiés de 1948 et leurs descendants représentent plus de cinq millions de personnes, dont environ 4,2 millions sont enregistrées et reçoivent de l'aide de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies, appelé UNRWA.

    L'aide accordée à ces réfugiés comporte d'importantes lacunes et bien qu'il n'y ait pas actuellement de négociations sur leur statut final, un certain nombre de mesures pourraient être prises pour ouvrir la voie à de telles négociations. Ces mesures devraient porter tout d'abord sur les lacunes institutionnelles spécifiques au problème des réfugiés palestiniens.

    Expliquons brièvement le problème : le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés est l'organisme international qui est chargé de protéger les réfugiés et de chercher des solutions durables à leur problème.

    Un régime institutionnel distinct a été créé en 1948 et en 1949 pour faire face à la situation des réfugiés palestiniens, étant donné que le Haut-Commissariat des Nations Unies n'existait pas à l'époque. Ce régime spécial comportait deux mécanismes. Le premier était la Commission de conciliation des Nations Unies pour la Palestine, qui était chargée de protéger les réfugiés palestiniens et de leur proposer des solutions durables, et qui devait par ailleurs s'efforcer de résoudre toutes les questions en suspens de ce conflit. Cette institution a en grande partie disparu aujourd'hui. Elle n'existe plus que sur le papier. Elle dépose un rapport annuel aux Nations Unies, qui se compose d'une demi-page où elle dit qu'elle n'a rien de nouveau à signaler.

    Le deuxième organisme d'aide est l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. Comme vous le savez, cet organisme dont le Canada est l'un des principaux fondateurs et qu'il soutient toujours, existe toujours.

    Le fait que la Commission de conciliation n'existe plus et que le Haut-Commissariat se considère comme dépourvu de mandat à l'égard des réfugiés palestiniens signifie qu'aucun organisme international n'est chargé de protéger les réfugiés palestiniens ou de rechercher des solutions durables à leur intention.

·  +-(1320)  

    On constate donc un vide institutionnel qui n'est pas pris en charge actuellement par le réseau des Nations Unies et qui explique la situation actuelle des réfugiés palestiniens dans leurs différentes régions d'exil. Par exemple, au Liban, où leur situation est la plus dramatique, aucun organisme international n'a pour mandat d'intervenir en leur nom auprès des autorités libanaises. Deuxièmement, un organisme international serait indispensable pour chercher et mettre en oeuvre des solutions durables. Actuellement, il n'y aucune négociation sur le statut final des Palestiniens. Ce serait donc l'occasion d'aborder ce problème, mais rien ne se fait dans ce domaine.

    Par ailleurs, l'une des principales préoccupations concernant le problème des réfugiés, c'est que ces derniers ont été exclus du processus visant à trouver une solution. On a beaucoup étudié leur situation socioéconomique, mais ils n'ont pas été consultés sur les types de solutions qu'ils souhaiteraient voir mises en oeuvre.

    Troisièmement, il n'y a toujours pas de débat public sur la question. À mon avis, c'était déjà la principale faiblesse du processus d'Oslo dans les années 90, jusqu'aux négociations sur le statut final de 2000-2001, qui a contribué à l'échec du processus d'aide aux réfugiés.

    Comme je l'ai dit, les réfugiés ont donc été exclus de la structure de recherche d'une solution durable, et la question des réfugiés a été laissée de côté jusqu'aux négociations sur leur statut final, la communauté internationale partant du principe qu'il vaut mieux réserver les questions les plus difficiles pour la fin de façon à établir la confiance avant de les aborder. Le problème, c'est que dans l'immédiat, personne n'a voulu parler de la question, qui est restée tabou, et lorsqu'est venue l'heure de l'aborder, il n'y a pas eu de consensus ni de langue commune, et c'est toujours la situation qui prévaut aujourd'hui. La question reste en grande partie tabou.

    Enfin, j'aimerais maintenant faire quelques observations sur le rôle du Canada. Au lendemain de la visite du président palestinien Mahmoud Abbas, je pense que la réunion a eu quelques effets positifs, mais j'estime qu'il existe certains éléments dont il aurait fallu tirer parti.

    Tout d'abord, la formation sur les droits de la personne et la réforme judiciaire constituent des initiatives très importantes, mais je suis convaincu qu'il faudrait aller au-delà des droits de la personne et de l'ordre judiciaire palestinien pour envisager le rôle des droits de la personne dans la résolution du conflit proprement dit, dans la perspective spécifique des réfugiés. Dans le processus d'Oslo, on remarque l'absence totale de référence aux droits de la personne dans les accords provisoires. Aucun mécanisme n'a été prévu pour vérifier le respect des droits de la personne ni pour fixer des lignes directrices aux deux parties, pas plus que pour permettre à la communauté internationale de surveiller la mise en oeuvre des accords. Je pense donc qu'en plus de la réforme de l'appareil judiciaire, il serait utile de veiller à la formation de négociateurs dans le domaine des droits de la personne.

    Au niveau régional, on remarque l'absence de toute convention concernant les réfugiés et de tout mécanisme qui permettrait de surveiller la mise en oeuvre d'une éventuelle convention. Quelle que soit la solution qu'on puisse envisager d'apporter au problème des réfugiés palestiniens, cette solution devra faire intervenir des réponses régionales. Certains réfugiés opteront pour le retour, d'autres préféreront rester dans leur pays d'accueil, d'autres encore choisiront de s'établir dans un pays tiers. Actuellement, on note un manque total d'infrastructure pour fournir des réponses régionales au problème des réfugiés palestiniens.

    Deuxièmement, en ce qui concerne l'aide canadienne à l'organisation des élections prévues pour juillet prochain, j'aimerais savoir quels processus peuvent être mis en place pour assurer la participation des réfugiés à cette démarche visant l'avènement de la démocratie en Palestine.

·  +-(1325)  

    Les élections législatives sont réservées aux Palestiniens qui résident actuellement dans les territoires palestiniens occupés, et qui représentent moins de la moitié de la population palestinienne. Autrement dit, la moitié des Palestiniens n'ont pas la possibilité de voter ni de participer à l'édification d'un État palestinien démocratique.

    L'OLP a son conseil national palestinien. Malheureusement, des circonstances internes empêchent actuellement que les membres de ce conseil soient élus, ce qui pourrait assurer la représentation de l'ensemble de la collectivité palestinienne. Voilà donc un élément à prendre en considération si l'on veut instaurer la démocratie et organiser des élections. Les élections sont importantes, mais il faut se demander qui peut y participer et qui en est exclu dans les territoires occupés.

    Enfin, je voudrais faire référence à un problème extérieur à la région, à savoir au statut des réfugiés palestiniens qui revendiquent le droit d'asile. En plus du régime particulier créé pour assurer la protection des réfugiés et pour élaborer des solutions durables, les réfugiés palestiniens ont un statut spécifique aux termes de la Convention de 1951 sur le statut de réfugié. Ce statut spécifique est défini à l'article 1D de la Convention.

    Au cours des trois dernières années, nous avons participé à une enquête et à la rédaction d'un ouvrage sur l'interprétation de l'article 1D dans 33 pays situés en dehors du monde arabe; nous avons constaté que cet article donne lieu à au moins huit interprétations différentes. Certains pays n'intègrent pas l'article 1D dans leur législation visant les réfugiés, et c'est notamment le cas du Canada et des États-Unis. Quoi qu'il en soit, ces différentes interprétations font en sorte qu'il est à peu près impossible, pour les réfugiés palestiniens qui revendiquent une protection, d'obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention. Il serait utile, à mon sens, de réenvisager toute la question de la Convention sur le statut de réfugié et, en particulier, la question du statut des Palestiniens, car aucune solution immédiate et durable n'a été proposée à ce groupe de réfugiés.

    Voilà qui met un terme à mon exposé.

+-

    Le président: Merci, monsieur Rempel. Nous allons maintenant passer aux questions et réponses.

    Nous commencerons avec M. Day. Il nous reste une demi-heure. Nous allons accorder cinq à six minutes à chacun d'entre vous.

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie, Terry, de cet excellent exposé.

    J'ai rencontré le président Abbas vendredi dernier. Je pense que nous sommes plusieurs à partager un certain optimisme. Je lui ai posé plusieurs questions, auxquelles il a répondu sans se mettre sur la défensive. Il a reconnu l'existence de certains problèmes. J'ai parlé de la télévision publique qui incite constamment à la haine dans la région de la Palestine, des attaques quotidiennes de missiles contre Israël à partir de la bande de Gaza, ainsi que de l'action du Hamas sur le terrain. Le président Abbas s'est montré tout à fait ouvert et ne s'est pas mis sur la défensive. Il a reconnu l'existence de ces problèmes et il entend faire tout ce qu'il peut pour les résoudre.

    Il y a une chose que je ne parviens pas à comprendre. Les pays arabes et musulmans qui entourent Israël couvrent une superficie près de 100 fois supérieure à celle d'Israël, qui a pourtant absorbé environ un million de réfugiés, et qui compte actuellement une population d'environ six millions d'habitants. C'est énorme. En proportion, le Canada ne parviendrait sans doute pas à accueillir autant de réfugiés. Pensez-vous que les pays arabes avoisinants puissent faire leur part et pourriez-vous nous dire pourquoi ils ne l'ont pas encore fait?

    Je sais que la Jordanie est le seul de ces pays qui accepte des Palestiniens en tant que citoyens. À ma connaissance, on compte environ 400 000 Palestiniens dans les camps du Liban, mais ils ne sont pas autorisés à fréquenter des écoles ni à travailler en dehors des camps. Avez-vous observé un changement d'attitude dans les pays qui entourent Israël et pensez-vous qu'on puisse y voir une partie de la solution? Je sais qu'il y a, comme vous l'avez dit, d'autres éléments à prendre en compte, mais pensez-vous que les attitudes ont évolué?

·  +-(1330)  

+-

    M. Terry Rempel: Merci de cette question.

    La réponse est oui, et si vous considérez le contexte historique, au début des années 50, des pays comme la Syrie et la Jordanie ont indiqué à l'ONU qu'ils étaient prêts à recevoir des réfugiés, à condition toutefois que cela se fasse par choix. Ainsi, il fallait que toutes les options soient présentées et que si les réfugiés décidaient de ne pas retourner à leur lieu d'origine dans l'État d'Israël, certains pays de la région étaient prêts à laisser des réfugiés palestiniens s'installer sur leur territoire.

    La situation est assez unique au Liban pour des raisons internes de déséquilibre démographique entre les chrétiens et les musulmans, bien que je pense que même le Liban pourrait, au cas où l'on offrirait un choix réel aux réfugiés, être prêt à laisser s'installer certains réfugiés palestiniens. Par exemple, bien que la décision ait été influencée par certains intérêts sectaires au Liban, il y a quelque 30 000 à 60 000 réfugiés palestiniens, dit-on, qui sont chrétiens et ont obtenu la citoyenneté libanaise.

    Mais la question clé reste, évidemment, celle du choix et c'est pourquoi il est tellement difficile pour les États arabes d'offrir le réétablissement, sans reconnaissance de la part de l'État d'Israël—qui est considéré comme le pays d'origine, si l'on veut, puisque ces réfugiés sont originaires du territoire de l'ancienne Palestine auquel a succédé l'État d'Israël. Tant que cette option de retour n'est pas offerte, il est très difficile, politiquement parlant, pour les États arabes d'offrir cette possibilité.

    Je crois que l'on pourrait toutefois faire quelque chose entre-temps. Il y a d'ailleurs un consensus général parmi les réfugiés. Pendant longtemps, essentiellement, ils ne voulaient pas développer les camps mais améliorer les conditions de vie dans les camps, parce que cela aurait mené à un réétablissement de facto. On s'entend maintenant pour dire qu'améliorer les conditions de vie et définir des normes de logement élémentaires n'entraveraient pas leurs revendications de réfugiés en matière de statut final. C'est pourquoi j'ai mentionné toute la question d'une infrastructure régionale pour les réfugiés qui permettrait d'envisager la situation au niveau régional. On pourrait beaucoup faire de ce côté pour améliorer la situation, du moins des réfugiés, en attendant que les négociations sur le statut final reprennent et qu'un accord fixe les conditions de solutions durables pour ces réfugiés.

[Français]

+-

    Le président: Merci.

    Madame Lalonde, la parole est à vous, s'il vous plaît.

+-

    Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Merci beaucoup d'être ici. Je suis sûre que certains d'entre nous auront de nouveau recours à votre expertise. Vous allez nous laisser votre carte d'affaires, bien sûr.

    Ma première question est peut-être la plus difficile. Est-ce que les réfugiés palestiniens s'attendent vraiment à retourner sur la terre de leurs parents? J'en connais qui s'y attendent, oui, mais il me semble qu'il y en a quand même beaucoup d'autres qui ne s'y attendent pas.

    Deuxièmement, j'ai lu le livre de Charles Enderlin — qui vit en Israël depuis 20 ans et qui est lui-même Israélien — sur les Accords d'Oslo. D'après lui, si on avait été aussi bien préparé à Oslo qu'à Tabah, si Bill Clinton avait vraiment pris au sérieux les négociations, elles auraient pu s'achever dans le bon sens. Cela veut dire que, selon lui, la question des réfugiés pourrait trouver une solution assez rapidement. Qu'en pensez-vous?

    Troisièmement, le Canada est président du Groupe de travail sur les réfugiés, mais ce groupe n'a pas travaillé depuis plusieurs années parce que les deux parties ne se rencontrent pas. Pensez-vous qu'il y a là quelque chose à faire?

·  +-(1335)  

[Traduction]

+-

    M. Terry Rempel: Il est vraiment difficile de répondre à la question de savoir si les réfugiés souhaitent revenir. Évidemment, l'une des principales préoccupations d'Israël concerne la démographie et ce qui se passerait s'il y avait un retour en masse des réfugiés vers Israël. Au cours de la dernière décennie, on a mené de nombreux sondages d'opinion dans la population des réfugiés précisément pour savoir combien d'entre eux souhaiteraient revenir ou non.

    Le problème, c'est que toute cette question de choix et de décision de revenir ou non est extrêmement complexe. Il y a toutes sortes de variables qui vont de l'offre d'ensemble elle-même—ce qui est proposé aux réfugiés s'ils veulent revenir s'établir en Israël—à la décision des membres de la famille ou de la communauté au sens plus étendu, en passant par la situation actuelle dans le pays où ils se trouvent ou dans leur pays d'origine, et bien d'autres questions encore. Malheureusement, les sondages d'opinion ne tiennent pas compte de tout cela.

    Ce qui se passe souvent, c'est que les réfugiés examinent ces sondages d'opinion en se plaçant dans une situation où il n'y a pas encore d'accord de paix sur la table et de négociations sur le statut final. Ils y voient quelque chose qui risque de se retourner contre eux politiquement s'ils disent qu'ils ne veulent pas revenir. Il est donc très difficile de savoir si ces sondages expriment le choix véritable que vont faire les réfugiés ou simplement leur réaction au contexte politique dans lequel ce sondage est effectué. Les gens vont faire toutes sortes de choix, mais le problème, c'est qu'on ne sait pas combien choisiront telle ou telle option.

    Deuxièmement, à propos de Tabah et d'Oslo, je crois qu'une des grandes tragédies de la période 2000-2001 a été de penser que tout s'arrêtait à partir de l'échec de Camp David et de Tabah. En fait, quand les réfugiés eux-mêmes se sont adressés aux dirigeants palestiniens en leur disant que ce qu'ils souhaitaient dans un accord de paix... Je me souviens par exemple d'une déclaration populaire adressée directement au président Arafat par l'une des organisations de réfugiés qui lui disait que s'il ne ramenait pas le droit au retour, il n'avait pas besoin de revenir du tout.

    Beaucoup en ont conclu que c'était soit cette option, soit la fin de tout le processus. Or, il n'a jamais été question... Quand on parlait aux gens qui participaient à la rédaction de ce texte, ils disaient simplement : essayons d'obtenir ce que nous pouvons aujourd'hui, et si nous ne pouvons pas obtenir une bonne entente, nous allons poursuivre notre effort, mais il ne faut pas abandonner tout le processus. Malheureusement, c'est ce qui s'est passé. Le processus s'est effondré et voilà où nous en sommes aujourd'hui.

    Si l'on avait eu un peu plus de temps et notamment si l'on avait pu consulter les réfugiés eux-mêmes, qui ont eu dès le début des discussions d'Oslo le sentiment d'être tenus à l'écart, si l'on avait pu faire participer les réfugiés aux discussions de Tabah, les consulter et reprendre les négociations, je pense qu'on aurait pu, à défaut d'obtenir une entente sur le statut final des réfugiés, au moins accomplir un pas supplémentaire.

    En ce qui concerne le rôle du Canada dans les négociations multilatérales et auprès du Groupe de travail sur les réfugiés, les représentants de la région se plaignent de ce que le Canada se fasse beaucoup plus discret depuis trois ou quatre ans sur la question des réfugiés. Je pense qu'il pourrait faire preuve d'intérêt ou d'ouverture. Je veux dire, quand il n'y a pas de négociations, la marge d'intervention est limitée.

·  +-(1340)  

    La communauté des réfugiés a estimé qu'il était important que le Canada la consulte pour que le dossier des réfugiés demeure actif. L'un des grands échecs d'Oslo, c'est qu'on a continué à en faire une question tabou. Tant qu'on n'en discute pas officiellement au niveau de la base, cela reste un dossier tabou. Je crois qu'il faut continuer à avoir une visibilité dans la région et à rencontrer les dirigeants dans les camps de réfugiés, les représentants de l'UNRWA et d'autres.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Beaumier.

+-

    Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.): Merci d'être venu nous rencontrer, Terry. Vous dites que l'ONU n'est pas mandatée pour rechercher une solution durable pour les réfugiés palestiniens. Savez-vous pourquoi? Y a-t-il d'autres groupes de réfugiés qui n'ont pas obtenu le droit de retour? Comment a-t-on réglé ce problème?

    Avec la construction du mur, et même si les Israéliens se retirent de Gaza, que va-t-il se passer s'il n'y a pas un règlement équitable de la question de la Cisjordanie? Même s'ils se retirent de Gaza, je crois qu'il n'y aura pas beaucoup de Palestiniens favorables aux gens de la Cisjordanie. Vu ce qui s'est passé à Hébron, beaucoup d'entre nous comprennent bien cette attitude blasée des Palestiniens. Cela fait quelques années que je ne suis pas allée au Moyen-Orient, mais la dernière fois que j'y suis allée, j'ai pu voir que les gens étaient de plus en plus désespérés et écoeurés de voir des étrangers aller et venir sans que rien ne change. Est-ce que la situation a changé depuis l'arrivée d'Abbas?

    En ce qui concerne la Syrie, je me demande si les Syriens ne considèrent pas les Palestiniens comme une sorte de frontière tampon à long terme. Quand j'étais là-bas avec Mme Lalonde, un député de là-bas nous a dit que l'objectif ultime pour lui et pour son parti était de récupérer la totalité de la Judée-Samarie. Je ne dis pas qu'il était représentatif de tous les parlementaires, mais je demande s'il n'y a pas une certaine paranoïa de part et d'autre en Syrie et en Israël.

+-

    M. Terry Rempel: Merci.

    Pour ce qui est de la question de savoir si l'ONU est mandatée pour rechercher des solutions durables, le mandat en question remonte essentiellement ou uniquement même à la Commission de conciliation des Nations Unies pour la Palestine créée en 1948 en vertu de la résolution 194 de l'Assemblée générale. En 1952, le mandat de la Commission de conciliation a été considérablement réduit parce qu'on estimait qu'elle ne pouvait plus faire progresser les négociations politiques entre les parties, et on lui a assigné pour seule tâche principale d'établir une base de données de revendications foncières pour les arabes et les juifs de la Palestine à l'issue du conflit, travail qu'elle a terminé en 1964. Mais à partir de 1952, elle s'est consacrée uniquement à cette question et ne s'est plus occupée de rechercher des solutions durables, exception faite d'une mission éphémère en 1960 de Joseph Johnson de la Carnegie Foundation, qui a essayé une fois de plus en vain de trouver une solution sous l'administration Kennedy.

    Dans le cadre du régime particulier établi par la Convention de 1951 sur les réfugiés dont j'ai parlé tout à l'heure, il y a un article, l'article 1D, qui précise dans sa deuxième partie que si, pour une raison quelconque, la protection ou l'assistance cesse, et cet article s'applique uniquement aux Palestiniens, ces personnes bénéficieront de plein droit du régime de la Convention, ce qui veut dire que le mandat du HCNUR devra être réactivé pour rechercher des solutions durables.

    Or, on ne l'a jamais fait, et pour deux raisons. Premièrement, le HCNUR a un statut particulier—et ceci est assez technique—qui n'est pas le même que celui qui est mentionné à l'article 1D. L'article 1D de la Convention relative aux réfugiés a deux parties : la première partie qui exclut les réfugiés palestiniens, et la deuxième que je viens de mentionner, qui les inclut dans le cas où l'un de ces organismes cesserait d'exister. Mais le statut du HCNUR n'inclut que la première partie. Il inclut la clause d'exclusion ou de suspension, mais pas la clause d'inclusion. C'est là qu'il y a un problème juridique technique.

    Deuxièmement, il s'agissait d'un problème politique, car le HCNUR, comme l'UNRWA, dépend de dons volontaires, et compte tenu des pressions qui s'exercent sur le HCNUR en tant qu'organe de l'ONU, pourquoi cet organisme irait-il se charger d'un nouveau contingent de réfugiés—environ 5 millions de personnes—en élargissant son mandat actuel?

    Troisièmement, il y a les sensibilités du monde arabe. Dans le monde arabe, le HCNUR a été perçu, du fait de sa vocation initiale, comme un organisme dont le principal mandat était de réinstaller des réfugiés et non de faciliter leur retour. Les États arabes n'ont donc pas facilité le rôle du HCNUR. Voilà pour la question du mandat.

    Je sais qu'il y a actuellement un débat aux Nations Unies, mais il s'agit surtout de la question de la protection et non de celle de la « recherche d'une solution durable ».

    Y a-t-il des cas d'autres réfugiés auxquels on n'a pas donné le droit de retour...? Je crois qu'il faut faire la distinction entre ce qui est reconnu et la question de la mise en application, car ce sont deux choses différentes. Si l'on prend par exemple les accords de paix, depuis la fin de la Guerre froide jusqu'à maintenant, qui ont porté sur des conflits qui avaient entraîné de vastes mouvements de réfugiés, même si le texte de chacun de ces accords diffère—et on peut mentionner 10 ou 12 accords de paix différents portant sur d'importantes affaires de réfugiés où on leur reconnaît le droit de revenir volontairement à leur lieu d'origine, où l'on parle de la question de la propriété et de la restitution du logement, et où l'on propose aussi des solutions à ceux qui choisissent pour une raison quelconque de ne pas exercer leur droit de retour—on constate que la question de la mise en oeuvre varie beaucoup, car ce droit de retour s'est exercé dans toutes sortes de conditions qui vont de bonnes à lamentables en passant par médiocres. C'est très difficile. Le HCNUR reconnaît que c'est l'une des solutions les plus difficiles à mettre en oeuvre.

·  +-(1345)  

    Pour ce qui est du mur et de la situation en Cisjordanie, je crois effectivement que la frustration monte là-bas et que la situation risque de s'aggraver après le plan de désengagement, car les gens ont très peur qu'il y ait uniquement ce désengagement, un point c'est tout. Or, ce mur crée une situation explosive.

    Je crois que les remarques de John Dugard à propos du mur sont très judicieuses, car l'une des principales raisons pour lesquelles Israël a construit ce mur, c'était la sécurité. Ils appellent cela une barrière de sécurité. Dugard a souligné que, comme l'ont dit les Israéliens, les attaques contre des civils israéliens ont diminué d'environ 80 p. 100 depuis le début de la construction de ce mur en 2002. L'argument de Dugard, c'est que si ce mur a amené une diminution aussi impressionnante du nombre d'attaques, il n'y a aucune raison crédible de penser qu'on n'aurait pas pu construire ce mur sur la ligne verte elle-même pour obtenir les mêmes résultats. Il en conclut par conséquent que, vu la localisation du mur, qui englobe de vastes zones de colonisation entre le mur et la ligne verte, c'est-à-dire la ligne de l'armistice de 1949, et compte tenu de l'emplacement des principales ressources en eau et terres fertiles de la région, il s'agit en fait d'une pure et simple tentative d'annexion de terres supplémentaires en Cisjordanie.

    Cela entraîne de nouvelles formes de déplacement à l'intérieur de la Cisjordanie. Des gens sont déplacés à cause de la construction du mur ou du régime imposé parallèlement. Les gens ne peuvent pas obtenir de permis, ne peuvent pas rester dans certaines zones, ou cela devient trop frustrant d'essayer d'aller au travail, etc., ils ne trouvent pas d'emploi, n'ont pas accès à des services de santé, tout cela. Et il y a aussi la question de Jérusalem elle-même.

    C'est peut-être une réponse personnelle, mais je suis de nature optimiste et après sept ans passés dans les territoires occupés, je reste encore optimiste, mais en l'occurrence l'avenir me semble plutôt sombre sur le plan politique. Je crains qu'on se retrouve dans une situation analogue à celle de 2003, où M. Abbas a été premier ministre pendant une courte période, et où la situation sur le terrain a complètement sapé sa crédibilité parce qu'il n'a pas pu engager un processus politique concluant.

·  +-(1350)  

+-

    Le président: Merci.

    Nous passons à M. Sorenson.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Merci d'être des nôtres aujourd'hui, monsieur Rempel.

    Il est toujours intéressant d'entendre parler des problèmes qui se posent dans la région probablement la plus mouvementée au monde. On a l'impression que chaque jour, quand on allume la télévision, les informations parlent d'Israël ou de la question palestinienne.

    Il y a un certain nombre d'années, je suis allé en Israël avec plusieurs dirigeants palestiniens arabes et en fait je suis allé à Jéricho où j'ai rencontré Ehoud Barak. Je n'oublierai jamais ce qu'il a dit. Il s'est adressé à notre délégation et il a déclaré : « Israël veut la paix ». En fait, ce n'était pas Ehoud Barak...

+-

    M. Terry Rempel: Saëb Erekat.

+-

    M. Kevin Sorenson: Exact, Erekat. Ce n'était pas Ehoud Barak. Quoi qu'il en soit, Erekat a dit : « Israël veut la paix » et il a ajouté : « Comprenez bien que les Palestiniens veulent la paix ». Il a ajouté deux ou trois choses et il a dit : « Le problème, c'est qu'Israël et la Palestine veulent la même chose aussi ». Je crois qu'il l'a dit de façon aussi percutante à cause de ces... vous avez parlé de Jérusalem et de divers autres problèmes.

    J'allais vous poser une question au sujet du mur. Vous dites que les attentats terroristes ou les attentats-suicides ont diminué de 80 p. 100. C'est exact?

+-

    M. Terry Rempel: Oui, c'est Israël qui mentionne ce chiffre de 80 p. 100, du moins dans un des rapports que j'ai lus.

+-

    M. Kevin Sorenson: Donc, c'est un succès?

+-

    Mme Francine Lalonde: Il y a d'autres raisons.

+-

    M. Terry Rempel: C'est un succès du point de vue d'Israël, mais le problème, c'est qu'il y a d'autres effets secondaires qui nuisent sur le plan politique à...

+-

    M. Kevin Sorenson: Effectivement, cela nuit à certains objectifs politiques, mais les gouvernements nationaux sont censés assurer la sécurité de leurs citoyens. Donc, dans cette région dont on parle quotidiennement aux nouvelles, le mur a vraiment permis d'atteindre l'objectif recherché.

·  +-(1355)  

+-

    M. Terry Rempel: Je crois que non seulement les Palestiniens, mais aussi les responsables de la surveillance des droits de l'homme dans le contexte de l'ONU à l'intérieur des territoires occupés, comme le BCAH, se demandent si on n'aurait pas pu obtenir les mêmes résultats en érigeant ce mur sur la ligne verte elle-même. Concrètement, il n'existe strictement aucun obstacle à la construction du mur sur la ligne verte. S'il avait été installé sur la ligne verte, il y aurait eu beaucoup moins de retombées négatives sous forme de confiscation de terres, de déplacement d'individus, de problèmes d'accès et de liberté de mouvement.

    C'est donc la question que les gens posent. Je pense que l'OLP et l'Autorité palestinienne ont dit que s'il fallait vraiment construire ce mur, il fallait le construire sur la ligne verte pour atténuer son impact négatif sur l'existence des individus et sur le processus politique lui-même.

+-

    M. Stockwell Day: Espérons que la question des frontières se réglera complètement un jour. On peut toujours être optimiste.

    D'après ce que je comprends de la construction de ce mur, bien souvent, là où il s'incurve ou fait un crochet, c'est parce qu'il y a là une zone exposée aux tireurs embusqués, qui menacent les civils qui circulent à cet endroit. Je ne dis pas que c'est le cas à chaque fois que le mur s'écarte d'une ligne de frontière existante, mais bien souvent, ces détours sont motivés par des questions de sécurité parce qu'il s'agit de zones qui étaient dans la ligne de mire des tireurs embusqués ou dans une zone d'attaque au mortier.

+-

    Le président: Ce sera votre dernière question.

+-

    M. Kevin Sorenson: Oui, ce seront les deux dernières questions.

    Quand nous parlons de réfugiés, nous pensons souvent à des choses différentes. Que font ces réfugiés actuellement? Vous parlez de toutes ces personnes déplacées, mais que font-elles actuellement? Quand on pense aux réfugiés au Soudan, au Tchad ou dans d'autres régions, on voit des gens qui errent, qui vivent dans des tentes, sans rien à manger et sans personne pour s'occuper d'eux. Dans quelles conditions vivent ces réfugiés et s'occupe-t-on d'eux?

    Vous avez aussi parlé de l'article 1D. C'est celui qui porte sur le droit d'asile, le droit au retour? C'est cela?

+-

    M. Terry Rempel: Non. L'article 1D définit la notion de réfugié. La plupart des réfugiés relèvent de l'article 1A pour leur demande d'asile. L'article 1D a été inclus dans la Convention pour parler spécifiquement de la question des réfugiés palestiniens.

+-

    M. Kevin Sorenson: Et vous dites que dans le cas du Canada et des États-Unis, cela ne fait pas partie de notre politique ou de notre législation visant les réfugiés?

+-

    M. Terry Rempel: La Convention fait évidemment partie de la législation canadienne concernant le droit des réfugiés et le droit d'asile, mais l'article 1D n'y est pas spécifiquement inclus.

+-

    M. Kevin Sorenson: Pourquoi?

+-

    M. Terry Rempel: Je ne sais pas pour quelle raison historiquement on n'a pas intégré cela à la législation. Les États-Unis et quelques pays d'Europe—la Suisse, par exemple—ne l'ont pas incorporé mais je ne sais pas exactement pour quelle raison.

[Français]

+-

    Le président: Madame Lalonde, vous pouvez poser une dernière question avant que nous terminions.

+-

    Mme Francine Lalonde: Qu'est-ce qui vous fait espérer malgré tout?

[Traduction]

+-

    M. Terry Rempel: Ce qui me donne de l'espoir? Je vais vous donner un exemple. On s'entend aujourd'hui pour dire que l'écart entre les parties en présence n'a jamais été plus grand sur les grandes questions, les questions de fond du conflit, depuis le début du deuxième soulèvement palestinien. Pourtant, sur la question des réfugiés... et c'est difficile à expliquer, peut-être à cause de la situation.

    Par exemple, pour la première fois en sept ans, notre institution a des partenaires institutionnels du côté israélien, parmi les juifs israéliens, qui travaillent sur le dossier des réfugiés. Ils sont en train de sensibiliser la société israélienne au problème des réfugiés et d'essayer de créer une base de discussion sur la question, un terrain de rapprochement pour en parler. Ils emmènent des Israéliens visiter des villages de réfugiés palestiniens où un réfugié leur parle de leur vie dans le village avant la guerre de 1948 et de ce qui s'est passé ensuite. Après cela, fatalement, ils parlent des solutions possibles

    Ces contacts permettent de décomposer le problème, de prendre du recul par rapport aux grands discours et aux passions, et d'aborder des questions concrètes, car il y a des préoccupations légitimes de part et d'autre à aborder de front si l'on veut trouver une solution. Pour les Israéliens, qui se préoccupent de leur sécurité, il est parfaitement légitime de s'inquiéter du risque de voir revenir de nombreux réfugiés, comme c'est le cas dans toute situation de ce genre.

    Mais il existe de nombreux exemples de règlement du problème des réfugiés à travers le monde. Par exemple, comment règle-t-on le problème de la sécurité? Il y a des gens qui se disent que si les réfugiés reviennent et qu'ils se trouvent à vivre dans la maison d'un Palestinien dans Jérusalem-Ouest, ils risquent de se faire expulser et de devenir des sans-abri. C'est une inquiétude légitime, mais il y a des moyens de régler ces problèmes.

    En décomposant le problème, en laissant de côté un moment le débat juridique et le débat sur le droit au retour, en laissant de côté les passions que suscite la question de part et d'autre, on peut isoler les diverses composantes du problème et entamer un débat de fond. Je ne dis pas qu'on va conclure une entente ou convaincre les foules de part et d'autre, mais c'est quelque chose qu'on n'avait jamais essayé de faire avant et qu'on fait maintenant. Donc, c'est un point positif. Je pense que personne ne sait où cela aboutira, mais c'est quelque chose de nouveau, quelque chose qu'on n'avait pas essayé avant.

¸  -(1400)  

[Français]

-

    Le président: Merci, monsieur Rempel, de votre visite.

[Traduction]

    Nous allons conserver votre enthousiasme et votre optimisme.

    Merci encore une fois.

    La séance est levée.