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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent du patrimoine canadien


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 7 avril 2005




¿ 0905
V         La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.))
V         Mme Pamela Brand (directrice nationale, La Guilde canadienne des réalisateurs)
V         M. Sturla Gunnarsson (présidente, Division des directeurs nationaux et des producteurs de films, La Guilde canadienne des réalisateurs)

¿ 0910
V         Mme Pamela Brand

¿ 0915
V         Mme Arden Ryshpan (gérante, Affaires de la direction, La Guilde canadienne des réalisateurs)
V         La présidente

¿ 0920
V         Mme Maureen Parker (directrice générale, Writers Guild of Canada)
V         Mme Judith Thompson (scénariste, Writers Guild of Canada)

¿ 0925
V         Mme Maureen Parker

¿ 0930
V         La présidente
V         M. Gary Schellenberger (Perth—Wellington, PCC)

¿ 0935
V         Mme Maureen Parker
V         Mme Judith Thompson

¿ 0940
V         M. Sturla Gunnarsson
V         L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)
V         M. Sturla Gunnarsson
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         Mme Judith Thompson
V         Mme Maureen Parker
V         Mme Judith Thompson

¿ 0945
V         M. Sturla Gunnarsson
V         La présidente
V         M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ)

¿ 0950
V         La présidente
V         M. Sturla Gunnarsson
V         Mr. Marc Lemay
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         M. Sturla Gunnarsson
V         Mme Judith Thompson
V         M. Sturla Gunnarsson

¿ 0955
V         Mme Pamela Brand
V         La présidente
V         Mme Pamela Brand
V         Mme Maureen Parker
V         Mme Pamela Brand
V         Mme Maureen Parker

À 1000
V         M. Marc Lemay
V         Mme Maureen Parker
V         Mme Judith Thompson

À 1005
V         La présidente
V         M. Marc Lemay
V         La présidente
V         M. Mario Silva (Davenport, Lib.)

À 1010
V         Mme Maureen Parker
V         M. Sturla Gunnarsson

À 1015
V         Mme Arden Ryshpan
V         M. Sturla Gunnarsson
V         Mme Maureen Parker

À 1020
V         M. Mario Silva
V         La présidente
V         M. Mario Silva
V         La présidente
V         Mme Bev Oda (Durham, PCC)

À 1025
V         La présidente

À 1030
V         Mme Bev Oda
V         Mme Pamela Brand
V         Mme Maureen Parker
V         La présidente
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         Mme Maureen Parker
V         M. Sturla Gunnarsson
V         M. Scott Simms (Bonavista—Gander—Grand Falls—Windsor, Lib.)
V         M. Sturla Gunnarsson
V         M. Scott Simms
V         M. Sturla Gunnarsson

À 1035
V         M. Scott Simms
V         M. Sturla Gunnarsson
V         M. Scott Simms
V         Mme Maureen Parker
V         Mme Pamela Brand

À 1040
V         La présidente
V         La présidente
V         M. Doug Dales (président-directeur général, PS Production Services Inc.)
V         La présidente

À 1055
V         M. Doug Dales

Á 1100

Á 1105
V         La présidente
V         M. Doug Dales

Á 1110
V         La présidente
V         Mme Kate Hanley (présidente, Women in Film and Television - Toronto)

Á 1115

Á 1120
V         La présidente
V         M. Gord Brown (Leeds—Grenville, PCC)
V         M. Doug Dales
V         M. Gord Brown
V         Mme Kate Hanley
V         M. Gord Brown
V         Mme Kate Hanley
V         M. Gord Brown
V         Mme Kate Hanley

Á 1125
V         M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, PCC)
V         M. Gord Brown
V         La présidente
V         L'hon. Sarmite Bulte

Á 1130
V         M. Doug Dales
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         M. Doug Dales

Á 1135
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         Mme Kate Hanley
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         Mme Kate Hanley

Á 1140
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         Mme Kate Hanley
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         Mme Kate Hanley
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         Mme Kate Hanley
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         La présidente
V         M. Gary Schellenberger
V         Mme Kate Hanley
V         M. Gary Schellenberger

Á 1145
V         Mme Kate Hanley
V         M. Gary Schellenberger
V         Mme Kate Hanley
V         M. Gary Schellenberger
V         Mme Bev Oda
V         Mme Kate Hanley
V         Mme Bev Oda
V         La présidente
V         M. Marc Lemay
V         Mme Kate Hanley

Á 1150
V         M. Marc Lemay
V         Mme Kate Hanley
V         M. Marc Lemay
V         Mme Kate Hanley
V         M. Marc Lemay
V         Mme Kate Hanley
V         M. Marc Lemay
V         La présidente
V         M. Marc Lemay
V         La présidente
V         M. Scott Simms
V         M. Doug Dales

Á 1155
V         M. Scott Simms
V         M. Doug Dales
V         M. Scott Simms
V         M. Doug Dales
V         M. Scott Simms
V         M. Doug Dales
V         M. Scott Simms
V         M. Doug Dales
V         M. Scott Simms
V         M. Doug Dales
V         M. Scott Simms
V         La présidente
V         M. Scott Simms
V         Mme Kate Hanley
V         M. Scott Simms

 1200
V         Mme Kate Hanley
V         M. Scott Simms
V         Mme Kate Hanley
V         M. Scott Simms
V         Mme Kate Hanley
V         M. Scott Simms
V         Mme Kate Hanley

 1205
V         M. Scott Simms
V         M. Mario Silva
V         M. Doug Dales
V         La présidente










CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 029 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent du patrimoine canadien. Nous poursuivons nos audiences sur le long métrage au Canada.

    Nous sommes heureux d'accueillir la Guilde canadienne des réalisateurs et la Writers Guild of Canada. Je vous remercie infiniment d'avoir pris le temps de venir ici aujourd'hui et je sais que vous vous êtes bien préparées. Nous sommes impatients d'entendre vos exposés.

    Pamela, nous allons commencer par vous et vos témoins.

+-

    Mme Pamela Brand (directrice nationale, La Guilde canadienne des réalisateurs): Madame la présidente, Sturla Gunnarsson, présidente de la Division des directeurs nationaux et des producteurs de film, va commencer.

+-

    M. Sturla Gunnarsson (présidente, Division des directeurs nationaux et des producteurs de films, La Guilde canadienne des réalisateurs): Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je m'appelle Sturla Gunnarsson et je suis cinéaste et présidente de la Division des directeurs nationaux et des producteurs de film de la Guilde canadienne des réalisateurs. Je représente les réalisateurs.

    Je suis accompagnée de Pamela Brand, directrice nationale de la Guilde, et de Arden Ryshpan, qui gère les Affaires de la direction.

    Comme vous le savez sans doute—en fait, je suis certaine que vous le savez—la Guilde canadienne des réalisateurs est une organisation syndicale nationale qui représente plus de 3 800 travailleurs de l'industrie du cinéma et de la télévision, tant du côté créatif que du côté logistique. La GCR a plus de 40 ans d'expérience dans l'élaboration de politiques relatives au film et à la télévision au Canada, et nous sommes heureux de pouvoir participer aux délibérations de votre comité.

    En lisant le Globe and Mail, ce matin, j'ai constaté que nos amis de l'ACTRA avaient comparu hier. Je crois que notre exposé sera probablement moins cérébral, mais je tiens à vous assurer que nous sommes tout aussi inquiets qu'eux. Les choses vont mal.

    La GCR considère comme essentiel que le gouvernement maintienne et renforce son soutien au long métrage. Un tel soutien constitue une excellente utilisation des ressources publiques, car il permet d'atteindre plusieurs objectifs des politiques économiques et culturelles : souveraineté culturelle; édification de la nation grâce à la création d'une mythologie culturelle commune; création de milliers d'emplois bien rémunérés et sans effet sur l'environnement, pour n'en nommer que quelques-uns.

    Nous appuyons les buts fondamentaux de la politique du long métrage. Il demeure important de former et de garder des créateurs de talent, d'encourager la qualité et la diversité des films canadiens, de bâtir un public plus vaste pour les films canadiens, au Canada et à l'étranger, et de préserver notre patrimoine cinématographique.

    Les longs métrage sont la forme d'art la plus coûteuse de notre époque. En raison des facteurs économiques qui régissent la production, la plupart des pays qui désirent préserver une industrie nationale viable dans le secteur du film et de la télévision doivent assurer un soutien continu sous forme de politiques et de mécanismes de financement. Au Canada, cela s'est fait grâce à divers programmes interdépendants et à des politiques publiques. Nous aborderons la plupart de ces mesures aujourd'hui. Il importe de souligner que ces mesures sont précieuses et valables.

    Le film est l'un des modes de communication les plus puissants et les plus influents d'aujourd'hui. Si nous voulons que les créateurs canadiens soient en mesure de faire connaître leur vision artistique aux publics du Canada et du monde entier, il faut appuyer le secteur de la production cinématographique et télévisuelle pour qu'il soit fort dynamique. C'est le seul moyen de garantir que les Canadiens auront un choix, le choix de voir leurs propres créations et d'entendre leurs propres voix. À défaut, la prochaine génération de Canadiens grandira en pensant que ce qui est important se produit ailleurs, qu'il ne se passe rien ici—comme l'aurait dit Northrop Frye, il n'y aura plus d'« ici » si nous ne reconnaissons pas notre art populaire.

    Comme nous l'indiquions dans notre mémoire du 8 février, les programmes et établissements clés qui appuient la production cinématographique et télévisuelle canadienne ont besoin d'un financement stable et à long terme plus généreux. Nous répétons cela depuis longtemps, mais c'est toujours vrai. Nous pensons entre autre à Téléfilm Canada et au Fonds du long métrage du Canada, au Fonds canadien de télévision, à l'Office national du film et à la CBC/Radio-Canada.

    Les crédits d'impôt à la production cinématographique représentent aussi une contribution précieuse et nécessaire à la viabilité de notre industrie. À défaut d'un tel soutien permanent, l'expression cinématographique canadienne disparaîtra des écrans de cinéma et de télévision du monde, ce qui représenterait une grande perte pour nous et pour nos enfants.

    Pamela va maintenant vous exposer l'orientation future et les détails de nos politiques.

¿  +-(0910)  

+-

    Mme Pamela Brand: Merci, Sturla.

    La politique du long métrage a assuré un soutien précieux au secteur canadien de la production de longs métrages. Cette industrie a vu son importance économique et son succès augmenter ces dernières années, et les principales cibles fixées au moment de l'annonce de la politique du long métrage, en 2000, ont été atteintes.

    Le secteur de la production en langue anglaise accuse toutefois du retard, un retard considérable, en comparaison des réalisations du secteur de langue française, et l'industrie canadienne du long métrage continue d'avoir besoin d'un soutien accru de la part du gouvernement.

    Sur cette base, le mémoire que nous avons adressé au comité le 8 février contenait 18 recommandations. J'aimerais mentionner deux des recommandations que la GCR a présentées au Groupe consultatif du long métrage.

    Pour bien faire son travail, le Groupe consultatif doit compter dans ses rangs des représentants des milieux de la création. Tel n'est pas le cas actuellement. Nous recommandons de corriger cette lacune de la composition du Groupe dans les plus brefs délais, et j'aimerais ajouter ici que c'est une grave lacune que de traiter de création artistique sans faire intervenir les créateurs. Cela n'a aucun sens.

    En outre, la GCR recommande que les nominations aux comités se fassent de façon plus ouverte, transparente et opportune.

    Le Fonds du long métrage du Canada a injecté un financement bien nécessaire dans le développement, la production et la promotion des longs métrages canadiens. Depuis 1999, nous avons vu une augmentation des budgets moyens de production et de marketing des films canadiens et nous avons atteint la cible fixée au moment de l'annonce de la politique du long métrage, en 2000.

    Pour pouvoir réaliser des longs métrages canadiens de grande qualité et soutenir la concurrence au Canada et dans le monde, il importe de maintenir les cibles relatives aux budgets moyens de production et de marketing au moins aux niveaux actuels. Plus important encore, le volume global de la production doit augmenter si vous voulez qu'un plus grand nombre de films canadiens se détachent du peloton et connaissent le succès au pays et à l'étranger.

    Pour y parvenir, il n'y a qu'un moyen. Il faut atteindre une masse critique en termes de volume et de diversité des films réalisés. Ce but peut être réalisé grâce à une augmentation du financement à long terme de mécanismes clés comme le Fonds du long métrage du Canada, Téléfilm Canada, le FCT et la CBC/Radio-Canada. À cet égard, le cinéma et la télévision ne sont pas différents des autres industries qui ont besoin de l'aide du gouvernement. La stabilité nous permettra de planifier et de rendre notre industrie viable.

    La GCR appuie l'objectif de Téléfilm Canada qui consiste à développer le public des films canadiens. L'intérêt commercial, toutefois, est difficile à prédire, tout le monde le sait. Il n'existe pas de formule magique qui nous permettrait de savoir—même les plus expérimentés d'entre nous—qu'un film va connaître le succès. Par conséquent, nous affirmons que cela ne devrait pas être le premier critère pour accorder un appui à un projet de film.

    Une importante modification apportée à la politique de Téléfilm pourrait favoriser encore plus la diversification de la production. Les réalisateurs et les scénaristes interviennent dans la production d'un long métrage dès le début, ils font partie intégrante de la production du long métrage et ils sont essentiels à son succès en salle. Ils devraient donc avoir droit à des primes au rendement qui pourraient s'appliquer à la réalisation d'autres longs métrages de qualité. Un financement plus généreux pour du développement et du scénario garantirait que les projets qui passent à l'étape de la production sont de très grande qualité, ce qui en retour améliorerait les chances de succès commercial.

    Outre la recommandations de mieux financer le développement, la GCR est favorable au maintien du programme d'aide à l'écriture de scénarios. La politique du long métrage fixe un objectif en salle de 5 p. 100 pour les films canadiens. Nous nous sommes rapprochés de cet objectif en 2004, mais une grande partie de cette réussite, la plus grande partie en fait, s'explique par le succès des films en langue française du Québec. Il y a eu une légère augmentation des recettes en salle pour les longs métrages de langue anglaise depuis l'entrée en vigueur de la politique, mais le besoin d'appuyer les longs métrages en langue anglaise demeure indiscutable.

    Le succès commercial des films en langue française est dans une large mesure attribuable à l'existence d'un système de vedettariat au Québec. La création d'un système similaire au Canada anglais constitue un objectif important. À l'heure actuelle, les médias canadiens du divertissement ne font presque rien pour favoriser l'avènement d'un tel système de vedettariat. Ils ignorent pratiquement les films et les émissions de télévision faites ici et mettent l'accent sur les vedettes et les produits de divertissement américains. Pourtant, la politique de la télévision adoptée en 1999 par le CRTC leur permettait de compter ces programmes dans leur programmation prioritaire, dans l'espoir que cela contribuerait à l'épanouissement d'un système de vedettariat.

¿  +-(0915)  

    Une mesure positive consisterait pour le CRTC à imposer des exigences par règlement pour que les diffuseurs soient tenus de contribuer à l'établissement d'un système de vedettariat au Canada.

    Arden Ryshpan va maintenant nous entretenir de la diffusion et de la distribution.

+-

    Mme Arden Ryshpan (gérante, Affaires de la direction, La Guilde canadienne des réalisateurs): Il ne suffit pas de réaliser des films; il faut aussi avoir la certitude que nous pourrons tous les voir. Pour réussir, la politique du long métrage doit favoriser l'existence d'un secteur de distribution sain et compétitif, contrôlé par des Canadiens. En retour, les distributeurs et télédiffuseurs canadiens devraient avoir l'obligation d'apporter une contribution équitable et significative tant au financement qu'à la diffusion des productions canadiennes.

    À l'heure actuelle, les diffuseurs et les distributeurs accordent très peu de soutien au cinéma canadien. Les distributeurs canadiens devraient être assujettis à des exigences spécifiques se rapportant à la distribution de longs métrages canadiens avant de pouvoir obtenir des subventions de Téléfilm ou du FCT.

    La politique de télédiffusion peut être un outil puissant pour accroître la production et la circulation de films canadiens, mais elle a été notablement affaiblie par la politique télévisuelle adoptée par le CRTC en 1999, qui éliminait l'obligation pour les télédiffuseurs de financer des dramatiques canadiennes. Cette politique a nui à l'atteinte de l'objectif clé de la politique du long métrage, qui est de former et de garder des créateurs de talent. La scénarisation et la réalisation de productions conçues pour la télévision canadienne est le secteur qui forme une grande partie des talents utilisés dans la production de longs métrages. La quasi-disparition de la dramatique sur les écrans de télévision canadiens oblige les créateurs canadiens doués à s'expatrier pour trouver du travail ou, pire encore, à abandonner purement et simplement le domaine.

    La politique télévisuelle de 1999 devrait être annulée. À notre avis, les télédiffuseurs conventionnels devraient respecter des exigences en matière de dépenses et de programmation pour appuyer la production et le développement de dramatiques canadiennes en général. Une partie de ces exigences serait ensuite réaffectée ou réservée aux longs métrages canadiens. Les choses se font ainsi dans d'autres pays. En outre, les services de télévision payante n'ont pas contribué autant qu'ils l'auraient dû pour appuyer le secteur.

    Grâce à la politique de majoration des droits de diffusion adoptée par le CRTC, ils peuvent éviter de s'acquitter entièrement de leurs obligations en matière de dépenses au titre du contenu canadien. Les services de télévision payante ont aussi réduit leurs obligations financières envers le système parce que leurs investissements et leurs productions sont considérés comme des actifs, même lorsque le risque est minimal. Les services de télévision payante devraient être tenus de respecter toutes les obligations liées à leur licence et ils ne devraient pas pouvoir trouver d'échappatoires dans le système pour limiter leurs contributions.

    À titre de télédiffuseur public du Canada, la CBC/Radio-Canada devrait être tenue de diffuser des longs métrages canadiens pendant les heures de grande écoute. La GCR recommande que le CRTC exige de la CBC/Radio-Canada qu'elle diffuse un nombre minimal de longs métrages canadiens chaque année pour appuyer la production, le développement et la présentation de longs métrages canadiens.

    Finalement, pour accroître les fonds nécessaires pour appuyer le long métrage canadien, une taxe de 5 p. 100 devrait être perçue sur les recettes de distribution de films et de bandes vidéo, et les montants ainsi recueillis devraient être réservés au soutien de la production et de la distribution de longs métrages canadiens.

    Merci, madame la présidente. Nous répondrons avec plaisir à vos question.

+-

    La présidente: Nous allons également entendre la Writers Guild. Les membres du comité pourront ensuite adresser leurs questions à l'un des groupes ou aux deux pour un même sujet. Nous semblons produire un dialogue un peu plus stimulant de cette façon.

    Qui va d'abord prendre la parole au nom de la Writers Guild?

¿  +-(0920)  

+-

    Mme Maureen Parker (directrice générale, Writers Guild of Canada): Bonjour, madame la présidente, membres du comité, mesdames et messieurs. Merci de nous avoir invités à venir témoigner ici aujourd'hui.

    Je m'appelle Maureen Parker et je suis la directrice générale de la Writers Guild of Canada.

    La Writers Guild est une association nationale qui représente plus de 1 800 scénaristes professionnels de langue anglaise spécialisés dans le domaine du film, de la télévision, de la radio et du multimédia.

    Je suis accompagnée aujourd'hui par la directrice de notre guilde, Gail Martiri, et par Judith Thompson, une scénariste spécialiste du long métrage. Judith est la scénariste des longs métrages canadiens Perfect Pie et Lost and Delirious, qui étaient en lice aux Génie. Ses films ont aidé Mischa Barton, Jessica Paré et Wendy Crewson à se faire connaître.

    L'examen des bases de l'industrie cinématographique canadienne par le comité survient à un moment opportun et il est essentiel. La politique de 2000 intitulé « Du scénario à l'écran » a prouvé la détermination de notre gouvernement à l'égard de l'industrie cinématographique canadienne, et nous recommandons vivement de renouveler cette politique. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour que le cinéma anglophone s'épanouisse vraiment. Il est vrai que nous sommes presque parvenus à l'objectif de cinq pour cent des recettes-guichet fixé dans la politique de 2000, mais cela est dans une large mesure attribuable au succès du Québec. La part des recettes-guichet au Canada anglais demeure relativement faible, à 1,6 p. 100.

    Le Canada anglais est prêt à relever le défi, mais pour accroître sa part des entrées-guichet, il lui faut accroître les volumes et les budgets de production. Un volume accru permettra d'offrir aux Canadiens un éventail de genres, tandis que des budgets plus généreux donneront aux films des scénarios plus développés, des talents d'expérience et la possibilité de mener les indispensables activités de promotion et de marketing.

    Avec l'augmentation des budgets de production cinématographique, le financement public ne suffit plus à appuyer les volumes de production supérieurs qu'il nous faut pour pouvoir soutenir la concurrence efficacement.

    En 2003-2004, par exemple, il n'y a eu que 26 productions cinématographiques certifiées par le BCPAC. Pourtant, Hollywood alignait 276 nouveaux titres pour le public des cinémas. La compétition est féroce, et nous avons besoin de l'investissement des télédiffuseurs et des distributeurs canadiens pour favoriser le développement, la production et les activités de promotion.

    Les télédiffuseurs et les distributeurs canadiens profitent énormément de notre marché national réglementé, mais ils appuient très peu les projets cinématographiques et télévisuels indigènes. En 2003-2004, Téléfilm a signalé que la contribution des distributeurs couvrait seulement 4,5 p. 100 des budgets de production des films de langue anglaise tandis que la part des télédiffuseurs classiques et des services de télévision payante atteignait un modeste 8,6 p. 100 de ces budgets. Ces niveaux sont inacceptables. Pourquoi ces entreprises sont-elles autorisées à se prévaloir des privilèges de diffusion simultanée américains si elles ne sont pas disposées à appuyer honnêtement les productions canadiennes?

    Avec la GCR, nous proposons que tous les distributeurs paient une taxe de cinq pour cent sur les recettes tirées de la distribution de films et de bandes vidéo pour aider à financer la production et le développement. Nous demandons aussi une révision de la politique télévisuelle adoptée par le CRTC en 1999, afin de rétablir les exigences imposées aux télédiffuseurs en matière d'investissement et de présentation de dramatiques télévisées et de longs métrages canadiens grâce à l'achat de fenêtres de diffusion.

    Le FilmFour britannique, une division de la chaîne de télévision Channel 4, offre un bon exemple de la façon dont cela peut se faire. Cette entreprise a financé et diffusé un total d'environ 300 films au total, avec une vingtaine de longs métrages en production chaque année.

    Je vais maintenant laisser à Judith Thompson le soin de traiter de la question des métiers.

+-

    Mme Judith Thompson (scénariste, Writers Guild of Canada): La principale difficulté à surmonter pour que les films anglophones réussissent à attirer le vaste public qu'ils méritent et qu'ils n'obtiennent généralement pas est la concurrence des super productions de Hollywood, qui ont d'énormes budgets de publicité. Mes propres enfants refusent d'aller voir un long métrage canadien!

    Parce que les budgets canadiens sont modestes, les scénarios truffés d'effets spéciaux et qui font appel à de nombreux personnages pour présenter des récits complexes sont tout simplement trop coûteux pour le jeune public dont nous avons particulièrement besoin. Souvent, le développement se fait de façon précipitée, ou les scénaristes et les directeurs doivent travailler presque gratuitement pendant des années. De fait, les agents vous diront régulièrement que c'est exactement ce que nous faisons au sein de l'industrie. Vous ne pouvez pas espérer être bien rémunéré, sinon vous n'obtiendrez pas de travail. Nous avons donc les mains liées. Une fois diffusé, le film fait souvent long feu, en particulier en raison de marketing inefficace et d'une promotion trop discrète dans les médias. Je le sais d'expérience.

    Les films québécois ont toutefois réussi à s'imposer, comme vous le savez, et même si une bonne part de leur succès est attribuable à la situation linguistique particulière de la région, cela n'est qu'un facteur parmi d'autres. Le succès n'est pas venu du jour au lendemain, c'est le résultat d'un effort concerté à l'échelle de l'industrie. Les cinéastes ont ramené leur public parce qu'ils lui ont présenté des récits locaux et régionaux qui ont trouvé un écho auprès des Canadiens francophones. Nous devons tirer les leçons qui s'imposent de l'expérience québécoise.

    Les producteurs me disent souvent, lorsque je prépare un scénario, qu'il faut en éliminer toutes les références canadiennes pour pouvoir le vendre aussi à l'étranger. Je crois que c'est catastrophique, parce que le produit devient alors très peu typé et que nous nous effaçons du récit. Au Québec, l'industrie est loyale à ses racines et investit vraiment dans les talents locaux. La profession de scénariste est beaucoup plus respectée dans le cinéma québécois.

    Lorsque j'ai travaillé pour le producteur québécois Cité-Amérique inc. sur Lost and Delirious, avec la réalisatrice Léa Pool, on m'a laissé beaucoup de latitude créatrice. Évidemment, il y avait des discussions et une collaboration, mais il y avait aussi beaucoup de respect pour l'aspect rédaction, et je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles ce film a été vendu dans 23 pays et qu'il est devenu un film fétiche. Dans d'autres films auxquels j'ai travaillé, tout était édulcoré de façon à plaire aux Américains.

    Il faut aussi faire reconnaître que la rédaction de scénario n'est pas seulement un art, c'est un métier. Il m'a fallu 25 ans pour vraiment maîtriser mon métier, et je sais que je suis meilleure scénariste aujourd'hui que lorsque j'ai commencé. Bien des gens pensent qu'ils pourraient rédiger un scénario si seulement ils en avaient le temps, mais ce n'est pas donné à tout le monde. Je serais peu encline à mettre sur pied une production de plusieurs millions de dollars basée sur un scénario rédigé en deux ou trois semaines par quelques personnes réunies dans une pièce avec du café et des beignets, et qui n'ont aucune expérience de l'écriture.

    Au Québec, les longs métrages ne sont presque jamais confiés à des amateurs. Par exemple, 61 p. 100 des films en français en compétition pour les Prix Jutra de 2005 ont été rédigés par des membres de l'équivalent de notre guilde, la SARTEC. Au Canada anglais, la situation est très différente, et seulement 25 p. 100 des films appuyés par Téléfilm sont scénarisés par des membres expérimentés de la Writers Guild of Canada. Cela me scandalise, je ne le savais même pas moi-même. Nous sommes si nombreux à vouloir travailler et à être capables de travailler. En 2004, après l'avènement de l'entente avec la Writers Guild of Canada, les longs métrages ne représentaient plus 9 p. 100 des revenus totaux des membres, comme en 2003, mais bien seulement six pour cent.

    Nous souffrons de l'absence d'un système de vedettariat au Canada anglais, et cela nuit vraiment à nos films. Le Québec a son propre système, avec des scénaristes de télévision expérimentés, des producteurs et des artistes pour réaliser des longs métrages; tous ces spécialistes peuvent passer facilement du cinéma à la télévision, et inversement, mais ici cela est plus difficile.

    Le système de vedettariat a contribué à convaincre le public que les films et les émissions de télévision locaux valaient la peine d'être regardés, et les projets connaissent un vif succès en salle et à la télévision. Je ne pense pas que les adolescents dans cette province se rebellent à l'idée de devoir regarder un film ou une émission de production québécoise.

    En 1999, les télédiffuseurs ont convaincu le CRTC de permettre de considérer les magazines de divertissement canadiens comme une programmation prioritaire pour créer ici aussi un système de vedettariat. C'était une excellente initiative. Même si les réseaux utilisent ces émissions pour se conformer aux conditions de licence du CRTC, la WGC a constaté que Global, CTV et Toronto One respectaient rarement les exigences en matière de contenu canadien parce qu'ils favorisent, bien sûr, les vedettes d'Hollywood—elles sont plus sexy, j'imagine—et non pas les vedettes canadiennes. Nous ne pourrons jamais bâtir un solide système sans que l'ensemble de l'industrie y mette du sien.

¿  +-(0925)  

    Il nous faut aussi mieux nous préparer avant de commencer le tournage. Bien sûr, tout commence par le scénario, et les étapes du développement forment le secteur R et D . de notre industrie. Si l'on augmente le temps consacré au développement et si nous payons adéquatement les personnes qui participent au développement du scénario, nous aurons un texte au point avant de commencer la production. Nous avons tous entendu parler des cauchemars du développement, et souvent cela signifie qu'il faut prolonger cette étape, mais c'est parce que personne n'est payé et que toutes les opinions ont du poids sauf celle du scénariste et du réalisateur, etc.

    À Hollywood, on développe une dizaine de scénarios pour chaque film réalisé, et la plupart des studios font deux fois plus que cela pour accroître les chances de succès. Au Canada, la proportion est beaucoup plus élevé, faute d'argent, évidemment.

    Merci.

+-

    Mme Maureen Parker: En matière de développement, Téléfilm Canada offre deux types de programme, le programme canadien de développement de longs métrages et le programme d'aide à l'écriture de scénarios.

    Le premier type de financement du développement passe par les réalisateurs, qui embauchent un scénariste pour un projet précis. Nous recommandons que ce financement soit non seulement maintenu, mais surtout augmenté.

    Le second, le programme d'aide à l'écriture de scénarios, accorde aux scénaristes un financement direct pour rédiger une première version d'un scénario. Les premières versions sont la monnaie de l'industrie. Personne n'investira dans un projet s'il n'y a pas de première version, mais plutôt que de laisser les scénaristes écrire gratuitement, ce programme finance en partie les candidats retenus pour rédiger ces projets.

    Ce programme est le fruit d'activités de lobbying que la Writers Guild of Canada a menées il y a environ cinq ans pour faire en sorte qu'il y ait des oeuvres en développement. La Writers Guild a longuement discuté avec les représentants de Patrimoine canadien, et ce fonds a été créé. Il est maintenant administré par Téléfilm, pour éviter aux scénaristes de devoir concevoir et développer des projets sans rémunération financière aucune.

    Lancé en octobre 2000, le programme d'aide à l'écriture de scénarios distribue environ 1,5 million de dollars annuellement pour le développement de scénarios en langue anglaise. Les données de mars 2005 que Téléfilm a fournies révèlent que parmi les 101 projets de scénario en langue anglaise appuyés par le programme d'aide à l'écriture de scénarios en quatre ans, cinq ont été réalisés et environ 27 ont été retenus sur option par des réalisateurs. C'est un taux de succès élevé, si l'on en juge par nos étranges standard industriels. À titre de comparaison, disons qu'à Hollywood, le nombre de scénarios retenus sur option est d'environ 1 p. 100.

    Nous vous implorons de maintenir ce programme. Le programme d'aide à l'écriture de scénarios en est encore à ses balbutiements, puisqu'il faut en général compter trois ans pour développer un scénario, mais ses résultats justifient déjà l'investissement du gouvernement.

    Nous collaborons aussi avec Téléfilm pour renforcer le programme d'aide à l'écriture de scénarios. Nous croyons qu'un marketing plus efficace et des critères d'admissibilité plus rigoureux sont requis. Depuis près de trois ans, nous pressons Téléfilm de créer un site Web qui permettrait aux réalisateurs et aux distributeurs de trouver des scénaristes et des projets appuyés par le programme d'aide à l'écriture de scénarios, mais nous attendons toujours. Il n'y a absolument aucun marketing pour faire connaître ce programme. La Writers Guild est particulièrement déçue de cette inertie, puisque la semaine dernière encore Téléfilm lançait un site Web pour les tournages étrangers.

    Nous travaillons aussi avec Téléfilm pour resserrer les critères d'admissibilité au programme d'aide à l'écriture de scénarios afin de diriger les fonds vers des scénaristes professionnels et expérimentés. C'est une étape importante pour accroître la qualité des scénarios appuyés.

    Finalement, les créateurs et les artistes doivent être représentés au sein des principaux conseils décisionnels de l'industrie du cinéma et de la télévision. Les scénaristes, les réalisateurs et d'autres artistes canadiens mettent leur carrière en jeu lorsqu'ils choisissent de rester au Canada et de réaliser des productions canadiennes, avec très peu d'espoir de succès financier. Ils méritent d'avoir voix pour déterminer comment les fonds de la culture seront alloués.

    Pour terminer, si nous voulons accroître les possibilités que nos films rejoignent leur public, nous devons commencer à la base. En premier lieu, il nous faut choisir une recette appétissante, d'est-à-dire utiliser des récits locaux et régionaux. Nous ajoutons des ingrédients de qualité, et dans notre industrie cela signifie des professionnels—des scénaristes professionnels et des réalisateurs professionnels. Il nous faut aussi prévoir suffisamment de temps pour la préparation et pour ce faire, appuyer les scénaristes tout au long du processus de développement; il ne faut pas demander aux gens de toujours travailler gratuitement.

    Une fois nos films réalisés, il faut appliquer une stratégie de marketing et de promotion efficace. Nous avons aussi besoin d'un système de vedettariat concret pour rejoindre les divers publics. Si nous suivons cette recette, nous pourrons faire des films que les Canadiens voudront voir.

    Merci.

¿  +-(0930)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons commencer avec M. Schellenberger.

+-

    M. Gary Schellenberger (Perth—Wellington, PCC): Merci beaucoup d'être venues ici ce matin. Nous avons entendu divers exposés au fil des séances, et me paraît particulièrement intéressant.

    On a souvent mentionné ce 5 p. 100 que nous avons presque atteint. Je sais que le Québec est le principal responsable de ce succès.

    C'est là que nous devons regarder. Nous devons voir ce qui réussit. Pourquoi est-ce que le Québec a réussi? Il faut tirer les leçons de certains de ses succès. Vous dites qu'au Canada anglais nous devons apprendre de l'expérience québécoise. Le Québec n'a pas l'exclusivité de la culture. Nous avons une culture aussi au Canada anglais. Il me semble que les récits qui peuvent être présentés dans le reste du Canada sont très intéressants. Lorsque je vais dans les écoles et que je raconte certaines de mes expériences, les jeunes m'écoutent. Ils veulent écouter et ils veulent comprendre.

    Je me souviens de l'époque où j'étais à l'école secondaire. Il n'y avait même pas d'histoire du Canada. Nous étudions seulement l'histoire européenne. Nous apprenions que les explorateurs étaient venus de l'autre côté de l'océan et avaient découvert le Canada. À cette époque, la raison pour laquelle personne n'aimait l'histoire ou la géographie, c'est que nous apprenions seulement ce qui s'était passé ou ce qu'il y avait ailleurs, jamais ici, dans notre pays. Je félicite donc l'industrie cinématographique—les scénaristes, les réalisateurs et les acteurs—parce qu'ils cherchent à explorer cet aspect.

    Je veux vous demander de quelle façon vous croyez que nous devrions aborder les histoires propres au Canada anglais et les exploiter dans le domaine culturel. Les Québécois ont l'avantage de la langue, ils ne sont pas confrontés autant au géant américain, qui est si gros et qui peut nous dominer.

    J'aimerais savoir comment nous pourrions profiter de cette connaissance. Comme Charlie est absent aujourd'hui, je vais défendre sa cause, celle de la création d'un système de vedettariat. Si vous avez une vedette que vous pouvez inviter à une émission, vous avez immédiatement un avantage. Pourquoi n'avons-nous pas de vedettes? Vous avez dit que l'industrie ne vous aidait peut-être pas autant qu'elle le devrait à cet égard.

    Vous avez aussi dit que même si les réseaux utilisent les émissions pour se conformer aux conditions de leur licence du CRTC, les études de la WGC ont montré que les émissions présentées sur les réseaux Global, CTV et Toronto One respectent rarement les exigences en matière de contenu canadien. Comme cela se fait-il? S'il y a des exigences à satisfaire, pourquoi n'a-t-on pas demandé des comptes à ces télédiffuseurs?

¿  +-(0935)  

+-

    Mme Maureen Parker: Je vais commencer par la dernière question. La Writers Guild of Canada a déposé une plainte auprès du CRTC la semaine dernière. Nous avons documenté et enregistré un certain nombre d'émissions présentées à divers réseaux et nous avons préparé une plainte très détaillée. Nos chiffres et nos analyses montrent que ces réseaux ne répondent pas à l'exigence d'un contenu aux deux tiers canadien. Il est scandaleux de constater à quel point ils sont loin du compte.

    CHUM, par contre, présente un contenu presque uniquement canadien. C'est en raison de la philosophie particulière de Moses Znaimer—promouvoir la création canadienne, faire connaître l'endroit où vous vivez. Je suis convaincue que si vous écoutiez eTalk, par exemple, vous constateriez qu'il n'y a absolument aucun contenu canadien. S'il y en a, c'est de la musique. C'est déjà quelque chose, bien sûr, mais cela ne répond pas aux exigences à strictement parler. Cela va à l'encontre de l'esprit du changement apporté au règlement. En 1999, les télédiffuseurs ont déclaré qu'ils avaient besoin d'aide pour créer un système de vedettes canadiennes. Ils voulaient promouvoir les acteurs canadiens, les scénaristes et les réalisateurs canadiens. Malheureusement, ce n'est pas ce qu'ils ont fait.

    Nous avons donc déposé une plainte officielle. Le CRTC nous a avisés qu'il en avait informé les deux réseaux, Global et CTV, et je m'attends à une réponse officielle sous peu.

+-

    Mme Judith Thompson: Oui, j'ai remarqué—je ne sais pas si quelqu'un est allé au Festival du film canadien à Kingston, mais il était remarquable de voir qu'il n'y avait à peu près que des films canadiens. J'y ai assisté parce que mon film, Perfect Pie, y était présenté et que je suis moi-même de Kingston.

    Ces trois jours étaient d'autant plus fantastiques qu'il n'y avait que des films canadiens. Je n'avais jamais même pas entendu parler de la moitié d'entre eux. J'étais heureuse d'avoir l'occasion de voir ces excellents films, qui n'avaient rien à envier—au contraire—à 95 p. 100 de ce qui nous vient de Hollywood et que personne ne connaissait. Je disais à mes amis et même à des gens du milieu, « Avez-vous vu ceci? Avez-vous vu cela? »

    Tout est lié aux médias. Personne n'avait jamais entendu parler de ces films, malgré les petits festivals qui existent. Il y en a plusieurs autres, je crois—je pense qu'il y en a un à Sudbury—où tout est canadien; c'est une immersion.

¿  +-(0940)  

+-

    M. Sturla Gunnarsson: Je suis moi aussi d'avis qu'une partie de la réussite du cinéma québécois vient de ce qu'on y relate des histoires où le spectateur se retrouve. On y traite de la vie quotidienne des gens, alors naturellement cela intéresse. Nous le faisons aussi de notre côté, mais nous sommes confrontés à plusieurs obstacles, dont le fait qu'à l'heure actuelle, il n'est question que de recettes. Cela signifie que lorsque vous voulez faire connaître ou proposer un film aujourd'hui—quand vous présentez un film à Téléfilm ou à n'importe quel organisme de financement—les décideurs veulent y voir des éléments très commerciaux.

    Dans le milieu du cinéma, personne ne sait rien, personne ne sait ce qui est commercial, c'est pourquoi certains se rabattent sur les éléments génériques. On demande que les éléments des plus grosses productions soient non spécifiques. C'est pourtant dans la spécificité, dans le détail, qu'un récit atteint à l'universalité. Il faut en passer par là; il faut aller du spécifique à l'universel. Nos contrôleurs croient souvent que l'on peut éliminer cette étape parce que c'est l'étape où les créateurs interviennent et, vous savez—Oh! ils sont tellement compliqués! Voilà le problème.

    Deuxièmement, nous en revenons toujours au marketing. Il n'y a pas très longtemps, j'en ai moi-même fait l'expérience. J'avais réalisé un film à caractère très régional; l'action se passait à Terre-Neuve. Les acteurs parlaient avec l'accent de là-bas. C'était une comédie—c'en est encore une, je crois—et elle a connu un honnête succès. Le public lui a réservé une très bon accueil.

    Notre distributeur nous avait fait de belles promesses. Il avait un plan de distribution, et ce plan devait… en principe, le film devait ouvrir au le Canada atlantique, parce que c'était là que l'action se situait. Nous devions ensuite essayer de créer une certaine publicité, de bouche-à-oreille, et tout débloquerait. Le distributeur avait élaboré toute une stratégie de diffusion nationale.

    Le film a été lancé au Canada atlantique, et nous avons battu tous les records d'assistance. La fin de semaine du lancement, c'est notre film qui a généré le plus de recettes en salle—pas le plus de recettes de tous les films canadiens, le plus de recettes de tous les films, point final. Pour le reste du plan de distribution… Eh bien, la salle à Toronto n'était pas libre avant trois semaines parce que… je ne sais pas. Et puis à Vancouver, c'était encore deux semaines plus tard; et oh, en passant, l'article dans le Maclean's—seule couverture nationale pour le film, à l'exception de la radio anglaise de Radio-Canada—on avait communiqué des dates de lancement erronées, et il a paru deux semaines avant le lancement du film.

    En effet, il nous faut mieux travailler. Nous devons trouver des histoires qui ne décrivent pas seulement la vie au sud de la rue Bloor, c'est indiscutable. Nous devons faire des recherches, parler aux gens. C'est ce que nous faisons, mais nous avons besoin d'aide de la part de nos contrôleurs, pour qu'ils demandent des comptes à nos distributeurs, qu'ils les obligent à tenir leurs promesses.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Une précision madame la présidente. Est-ce qu'il s'agit du film au sujet du canard?

+-

    M. Sturla Gunnarsson: Oui. Je n'ai pas donné de détails parce que je ne veux pas dénigrer un distributeur en particulier pour l'instant.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: J'ai simplement demandé si c'était au sujet d'un canard. Je n'ai pas mentionné de titre.

+-

    Mme Judith Thompson: J'aimerais ajouter qu'il est inquiétant de voir que… Le Québec bénéficie d'un fort protectionnisme culturel, et lorsque j'assiste à des conférences, j'entends dire que le Canada anglais a des politiques protectionnistes beaucoup moins strictes. Certains croient que nous n'avons plus besoin de protection—contre l'envahisseur américain ou britannique, etc.—mais nous pensons le contraire. Nous avons besoin que quelqu'un dise que l'action d'un film doit se dérouler au Canada et renvoyer au contexte local, qu'il faut embaucher un nombre X d'acteurs canadiens. Et qu'il faut que le scénariste soit Canadien. J'ai été renversée d'apprendre de Maureen que tel n'était pas nécessairement le cas actuellement; Téléfilm encourage l'embauche de scénaristes américains. Le scénariste…

+-

    Mme Maureen Parker: C'était autrefois. Ce n'est plus le cas. C'était un changement administratif.

+-

    Mme Judith Thompson: Bien, parce que chaque élément est très important, je crois que c'est un système de points. Je pense que le protectionnisme demeure très important. Le besoin de protectionnisme n'a pas du tout disparu.

¿  +-(0945)  

+-

    M. Sturla Gunnarsson: Permettez-moi de glisser un mot et de reprendre ce que Maureen et Judith viennent de dire. Nous avons besoin de professionnels en pleine possession de leur talent; en outre, les créateurs doivent avoir leur mot à dire dans le processus d'élaboration des politiques.

    L'idée qu'il suffirait de réunir des éléments génériques pour produire un film commercial ne viendrait jamais à l'esprit d'un réalisateur ou d'un scénariste. C'est impossible. Ceux qui le pensent n'ont aucun respect pour le processus créateur, ils croient que les créateurs sont un mal nécessaire qu'il leur faut subir pour arriver à leurs fins.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Lemay.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): Je vous remercie d'être ici.

    Je ferai d'abord quelques commentaires. Ce qui me fascine depuis deux jours, c'est de voir la jeunesse de ceux qui se présentent devant nous. Vous êtes jeunes, déterminés, mais vous n'êtes pas assez agressifs, contrairement à nous, au Québec. Ce n'est pas négatif. Je pense que vous pouvez être beaucoup plus agressifs que vous l'êtes envers ceux qui dirigent l'industrie cinématographique au Canada.

    Je vais vous donner des exemples. Le Québec a peut-être l'avantage de la langue, ce qui lui assure une certaine forme de protection, mais nous avons la France, la Suisse, la Belgique contre nous. Alors, il faut être aussi performants que vous devez l'être pour vous battre contre les Américains.

    Je remarque une deuxième chose sur laquelle vous devriez insister. On devrait avoir une traduction simultanée de tous vos films, car au Québec, on ne les connaît pas. Cela fait deux jours que je le répète et je l'ai dit à trois reprises la semaine dernière: on ne connaît pas vos films, à part de rares exceptions, bien évidemment.

    Mambo Italiano a été traduit immédiatement en anglais, en italien et en français. Il a été fait ainsi en même temps. La grande séduction a été fait en anglais et en français. Je ne suis pas capable d'obtenir une réponse à la question suivante: pourquoi vos films ne sont-ils pas traduits en français? Est-ce une question de coût? Qu'on le dise.

    Ma question s'adresse à la Guilde canadienne des réalisateurs. J'ai lu votre mémoire et j'ai pris des notes. Je vous assure que j'ai fait mes devoirs comme un bon avocat. Je poserai mes questions en rafale, et vous pourrez y répondre l'un après l'autre.

    Comment voyez-vous un système de désignation adéquat pour les postes au CRTC, à Téléfilm Canada, etc. — je ne les nommerai pas tous — qui tienne compte des revendications que j'ai vues dans votre mémoire?

    J'aimerais que vous m'expliquiez le paragraphe 30, à la page 8 de la version anglaise de votre mémoire. J'admets que j'ai eu de la difficulté à le comprendre, peut-être à cause de la traduction. Dans la version française, les deux dernières phrases se lisent ainsi: « Cette politique récompense les diffuseurs pour ne pas appuyer l'industrie canadienne et elle doit être annulée. » Vous pourrez répondre tout à l'heure. Je connais ma présidente: il faut que je pose toutes mes questions en rafale, sinon je ne reviens plus.

    Maintenant, je m'adresse aux scénaristes. Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Au Québec, il est impossible que les gens qui rédigent des scénarios de films ne soient pas des scénaristes professionnels. Seule une minorité d'individus rédigent des scénarios de films. Généralement, ces scénaristes ont fait leurs classes dans des émissions de télévision. Je peux vous nommer Watatatow, par exemple.

    Je vous pose la question suivante. Croyez-vous que ce serait une porte pour vous aider, en tenant pour acquis, bien évidemment, que la décision du CRTC de 1999 soit renversée? J'aimerais bien que quelqu'un m'explique pourquoi cette décision a été prise, en 1999, par le CRTC. Je ne comprends pas.

    Êtes-vous d'accord, mesdames les scénaristes ici présentes, qu'un bon film commence par un bon scénario, et que sa rédaction ne peut pas être confiée à des amateurs?

    Voilà, j'ai posé toutes mes questions. C'est maintenant à vous.

¿  +-(0950)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Lemay.

[Traduction]

+-

    M. Sturla Gunnarsson: Je vais traiter de l'obligation de rendre compte. Je crois, sans vouloir insulter personne ici, que les seuls emplois sûrs dans le secteur culturel canadien sont ceux des fonctionnaires et des avocats de ce secteur.

+-

    Mr. Marc Lemay: Je suis avocat.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: Mais pas avocat du secteur culturel.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Sturla Gunnarsson: Ce que je veux dire par là, c'est que nous n'avons aucun système de révocation; aucune de nos agences n'a de comptes à rendre à cet égard. Aux États-Unis, si un studio produit une série de films à succès, la personne qui est à la tête de ce studio est assurée de conserver son poste, à moins qu'elle n'en accepte un plus intéressant ailleurs. Si elle produit une série d'échecs, elle est à la porte. Ce n'est pas ainsi que les choses se font ici.

    Ce qui se passe, c'est que… et vous saurez mon âge, parce qu'il y a déjà un certain temps que j'oeuvre dans notre milieu. J'ai connu l'époque où il n'y en avait que pour la culture, la création, et tant pis pour les aspects commerciaux. Tout le monde était au diapason. Maintenant, nous traversons une période où les recettes commerciales règnent en maître, et tout le monde est du même avis. Pourtant, ce sont les mêmes personnes qu'auparavant. Rien n'a changé. Ces gens étaient ici il y a 20 ans, rien n'a changé. Si nous voulons que ces organismes favorisent notre réussite, il faut leur demander d'appliquer des normes identiques aux nôtres. Si nos productions n'ont pas la qualité voulue, nous ne trouverons plus de travail.

    Cela ne se produit pas au sein de nos organismes culturels.

+-

    Mme Judith Thompson: J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet.

    Est-ce que notre patrimoine culturel sera un superbe film comme Rare Birds ou…? Je ne donnerai pas de nom, mais c'est une production qui s'est très bien vendue et qui, franchement, est un peu embarrassante. C'est la raison pour laquelle nous devons protéger la qualité, ce qui reflète notre réalité, ce qui résistera à l'épreuve du temps et qui sera étudié dans les universités, ce qui demeurera. Un tel film ne fera peut-être pas entrer des millions dans la caisse, mais il nous permettra de savoir qui nous sommes—voilà le genre de culture dont je parle.

+-

    M. Sturla Gunnarsson: Je sais que je parle trop, mais je voudrais ajouter un mot au sujet de ce que Judith a dit, au sujet des recettes au guichet. Il faut quand même admettre que le guichet est un indicateur important. Si personne n'achète de billet pour voir des films canadiens, nous avons un problème, mais le guichet ne peut toutefois pas être le seul indicateur utilisé.

    Ce n'est pas la façon dont le secteur du cinéma fonctionne. Dans l'industrie cinématographique, aujourd'hui, la sortie d'un long métrage dans les salles est essentiellement un produit d'appel. Le lancement en salle d'un film sert à accroître la valeur du film lorsqu'il passera aux marchés auxiliaires, lorsqu'il sera offert sur bande vidéo, en DVD, pour payer les stations de télévision et les télévisions publiques. Un film distribué dans de nombreuses salles a beaucoup plus de valeur dans tous ces marchés qu'un film qui n'a pas beaucoup circulé. Par conséquent, les studios sont disposés à dépenser beaucoup pour la distribution en salle, non pas parce qu'ils espèrent réaliser un profit, mais parce qu'ils considèrent cette étape comme une campagne de marketing.

    Nous devons donc garder à l'esprit que le marché national des salles de cinéma, en soi, n'est pas un indicateur pertinent de la situation.

¿  +-(0955)  

+-

    Mme Pamela Brand: Monsieur Lemay, j'aimerais ajouter quelque chose à ce que Sturla Gunnarsson a expliqué. Vous avez demandé très précisément quelles étaient nos recommandations au sujet de la représentation au sein de tous ces comités consultatifs. Tant la GCR que la Writers Guild recommandent, et elles exercent des pressions en ce sens depuis des années, que les créateurs soient représentés au sein des comités consultatifs. C'est la seule façon dont un film pourra vraiment réussir. Sinon, c'est un peu comme si vous essayiez de faire de la chirurgie sans chirurgien dans la salle—avec seulement un technicien. Cela vaut pour toutes ces organisations, ces comités consultatifs et ces conseils. Sans les créateurs, les scénaristes et les réalisateurs, ils font n'importe quoi, mais certainement pas du bon cinéma. Voilà la recommandation à laquelle vous faisiez allusion dans votre question.

    Vous avez posé une question au sujet du paragraphe 30 et de la politique des droits complémentaires que le CRTC a malheureusement adoptée en 1994, contre les voeux des télédiffuseurs. J'ignore si vous l'avez en français, mais je pense que c'est assez clair en anglais. Cela permet aux services payants et spécialisés de déduire de leurs dépenses au titre du contenu canadien les droits de diffusion complémentaires auxquels ils ont accès grâce au programme de droits de diffusion du FCT. Ils se trouvent donc à comptabiliser comme des dépense des sommes qui ne leur appartiennent pas, et cela sert à étoffer leur contribution en matière de contenu canadien. Nous vous avons fourni le chiffre de 112 millions de dollars, un montant qui aurait pu être affecté à la production canadienne si cette politique n'existait pas.

+-

    La présidente: Pamela, je ne veux pas vous interrompre, mais la plupart des membres du comité font leurs premières armes, alors nous avons beaucoup à apprendre. C'est une question fort technique. Je me demandais si vous pourriez nous expliquer non seulement ce qui se passe en ce qui concerne la réduction des montants versés, mais d'abord ce que sont les droits de licence.

+-

    Mme Pamela Brand: Ce que les droit de licence…?

+-

    Mme Maureen Parker: Je vais commencer par le FCT. Nous pouvons peut-être nous aider les uns les autres à ce sujet. Le FCT est le Fonds canadien de télévision. Comme vous le savez, les télédiffuseurs doivent satisfaire à certaines exigences. Les canaux spécialisés doivent effectivement consacrer une certaine part de leurs recettes au contenu canadien, contrairement aux canaux conventionnels. Ils n'ont pas été touchés par la politique de 1999, et ils ont donc des obligations en matière de dépense.

    En l'occurrence, ils comptabilisent les fonds publics, de sorte que le FCT, qui est notre bailleur de fonds… Comme vous le savez, vous investissez 100 millions de dollars par l'entremise de Patrimoine canadien dans le FCT. Les télédiffuseurs ont accès à cet argent et ils l'utilisent pour produire des émissions canadiennes. Cela s'ajoute à leurs droits de licence. Leur contribution à un programme est appelée droit de diffusion. Ils versent un certain montant et, en contrepartie, ils obtiennent les droits de diffusion. Ils utilisent ce supplément de fonds publics et privés qui provient du FCT et ils le présentent comme s'il s'agissait de leurs propres fonds.

    C'est illogique, parce que c'est illogique; ce n'est pas parce que vous manquez d'expérience. C'est illogique que l'on puisse déduire des fonds publics au titre des dépenses.

+-

    Mme Pamela Brand: Et nous vous avons fourni les chiffres. Si vous êtes avocat, vous avez sans doute des connaissances en comptabilité. Ce n'est logique ni du point de vue financier ni du point de vue de la comptabilité.

+-

    Mme Maureen Parker: Il y a deux questions qui s'adressent à la Writers Guild.

    La première concerne les scénaristes professionnels. Dieu merci, quelqu'un écoute; merci. Nous martelons ce message depuis très longtemps, mais nous n'arrivons à rien et les chiffres ne s'améliorent pas, au contraire. Nous comptons sur notre organisme gouvernemental, Téléfilm, pour appuyer une communauté professionnelle, mais nos attentes sont toujours déçues.

    Nos données statistiques montrent que le nombre de nos scénaristes qui travaillent dans le secteur du long métrage ne cesse de diminuer. C'est intéressant, parce que c'est une arme à deux tranchants. En effet, nombre de nos scénaristes ne veulent pas travailler à des scénarios de long métrage. Il faut investir énormément de temps et d'efforts pour réussir à produire un long métrage au Canada. Il faut prendre des engagements financiers, et je suis certaine que Sturla pourrait vous en parler. Les sacrifices financiers qu'il faut consentir dans notre pays pour arriver à réaliser un long métrage sont immenses : pas de rémunération, pas de salaire, de longues journées de travail, etc. Vous pouvez faire plus d'argent en télévision, et c'est un secteur plus stable, alors bien sûr, si vous avez une famille à nourrir et si vous avez du talent, etc., vous allez travailler dans le domaine de la télévision, pas dans celui du long métrage. C'est vraiment trop difficile.

    Pour devenir membre de la Writers Guild, en passant, il faut faire ses preuves. Il faut présenter un certain nombre de scénarios, des dramatiques de 60 minutes, etc. N'entre pas qui veut à la guilde. Nous sommes une association professionnelle.

    Nous essayons de veiller à ce que nos longs métrages soient scénarisés par des professionnels. Il est absurde de confier un projet de plusieurs millions de dollars—six ou sept millions de dollars, Beowulf & Grende a coûté 14 millions de dollars, jusqu'à 17 millions de dollars—à quelqu'un qui n'a aucune expérience, à quelqu'un qui ne sait pas rédiger ni concevoir un scénario pour l'écran, qui ne sait pas combien de personnages on peut se permettre de créer. Pouvez-vous vous offrir une poursuite en voiture ou pas? C'est un art; il y a des questions pratiques qu'il faut se poser. Qu'est-ce que votre public recherche? Tous ces éléments viennent de l'expérience, comme nous le savons bien, ici, à cette table.

    Merci de nous dire que nous sommes jeunes, mais ce n'est vraiment pas le cas.

    Vous apprenez. La vie vous enseigne comment faire les choses un peu mieux à mesure que vous progressez, et c'est dans cela que nous voulons investir.

    Je crois que Téléfilm devrait vérifier qui rédige le scénario. Si ce n'est pas un professionnel, Téléfilm ne devrait pas investir dans le projet.

À  +-(1000)  

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Ce n'est pas dans le système de points d'avoir un scénariste professionnel.

[Traduction]

+-

    Mme Maureen Parker: Non, vous devez avoir un Canadien. Il peut s'agir d'un immigrant reçu qui n'a en fait jamais vécu au Canada ou d'un citoyen canadien qui n'a aucune expérience, quelqu'un qui a rédigé deux ou trois scénarios de court métrage, qui a des amis dans l'industrie et qui a une bonne idée.

    Et j'aimerais ajouter une dernière chose—désolée, je ne peux plus m'arrêter. Nous avons constaté une nouvelle tendance, la diminution du nombre de contrats financés par l'entremise de Téléfilm, mais nous relevons aussi une augmentation du nombre de contrats conclus avec des consultants.

    Judith est une auteure et une scénariste de renom.

    C'est une nouvelle façon de réussir à produire quelque chose. Vous ne voulez pas payer un scénariste professionnel, alors vous faites rédiger le scénario par quelqu'un qui a relativement peu d'expérience. Vous ne pouvez pas livrer le scénario, parce qu'il n'est pas au point, alors vous embauchez un rédacteur d'expérience comme consultant, pour une fraction du coût. Nos membres ont besoin de travailler; ils acceptent cette façon de procéder. C'est une façon de contourner le système, et je pense que là aussi c'est un manque de respect envers nos scénaristes et nos réalisateurs. C'est un manque de considération absolue.

    Les producteurs? Nous les adorons, nous avons besoin d'eux, nous ne pouvons survivre sans eux, mais ils ne s'y connaissent pas en scénarisation ni en réalisation. Ils ont besoin de nous.

    Finalement, au sujet des scénaristes de télévision, je veux dire, Marc, que les scénaristes de télévision ont certainement de l'expérience, en particulier nos scénaristes qui travaillent à des émissions de télévision à gros budget. Je sais que Sturla, notamment, a dirigé des programmations de longue durée pour la télévision. Il faut bien gagner sa vie d'une façon ou d'une autre. Judith aussi a travaillé en télévision. Il faut faire les deux.

    Je le répète, je crois que la question… et nous nous tournons vers le Québec pour cela. Lorsque nous parlons d'un système de vedettariat, nous ne parlons pas seulement d'un système où toutes les étoiles sont des acteurs. Il nous faut un système qui reconnaisse aussi les scénaristes et les réalisateurs, un système qui reconnaisse que Judith a 25 ans d'expérience dans son métier. Elle a conçu et rédigé de très beaux scénarios de long métrage. Pourquoi a-t-elle de la difficulté à trouver du travail? Pourquoi est-ce qu'on lui offre un contrat de 3 000 $ à titre de consultante au scénario?

    Je suis désolée, je n'avais pas l'intention de le leur dire.

    C'est tout à fait déplorable.

+-

    Mme Judith Thompson: Au cinéma, pour ce qui est du scénario, c'est ce que nous ne cessons de répéter. Je remarque, par exemple, que la plupart des scénarios de film sont maintenant des adaptations de livre. Les producteurs prennent une option sur un livre, et je dirais qu'un pourcentage très élevé de scénarios sont des adaptations. Eh bien nous, les scénaristes, nous accepterions d'écrire des scénarios originaux si on nous le demandait, nous produirions des récits neufs, qui ne sont pas adaptés d'un livre, quelque chose qui ferait honneur à notre art.

    J'ai relevé des exemples de soutien pour les arts dans d'autres pays, notamment en France, où j'étais à l'occasion de la mise en scène de la traduction d'une de mes pièces de théâtre. La pièce demandait cinq acteurs, mais il y a eu 25 acteurs à l'atelier pendant trois semaines, parce que le gouvernement garantit à tous les acteurs l'occasion de participer à deux ateliers.

    Dans notre domaine, s'il y avait vraiment un appui pour les scénaristes, on nous demanderait de rédiger des scénarios avec nos propres histoires. Et cela coûterait très peu. Dans le cas des scénaristes professionnels, vous communiquez avec la guilde, vous déclarez que vous allez passer une commande à dix scénaristes tous les deux ans et travailler ensuite avec un réalisateur. Et nous aurions au bout du compte un produit merveilleux. Ce n'est pas un livre—il n'est pas nécessaire d'avoir une adaptation— un récit original, écrit spécialement pour le cinéma, pour l'écran.

À  +-(1005)  

+-

    La présidente: J'aimerais maintenant accorder la parole à M. Silva. Normalement, Charlie Angus serait notre prochain intervenant, mais Charlie…

+-

    M. Marc Lemay: Je peut parler aussi pour Charlie Angus.

+-

    La présidente: Non, non, pas question. Charlie a dû retourner dans sa circonscription pour des funérailles ce matin.

+-

    M. Mario Silva (Davenport, Lib.): Je crois que comme notre intervenant précédent, Marc, je vais d'abord formuler une série de commentaires et poser plusieurs questions plutôt que de procéder point par point.

    Je ne veux pas trop m'attarder sur le système de vedettariat, parce qu'il s'agit d'une question complexe au Canada anglais. Nous avons notre propre système, car nous avons beaucoup de grands acteurs, de nombreux réalisateurs de talent et un grand nombre de scénaristes très doués. Malheureusement, un trop grand nombre d'entre eux vivent aux États-Unis. Le Canada est une véritable pépinière de talents, mais le marché est beaucoup plus vaste et on peut gagner beaucoup plus aux États-Unis. Ce sont des réalisateurs, des scénaristes et des acteurs qui sont reconnus sur la scène internationale.

    Je voulais me pencher sur quelques autres questions et priorités. Je veux m'assurer qu'en matière d'appui à l'industrie du long métrage, les priorités sont valables. Oui, il faut y mettre de l'argent, mais est-ce que nous mettons cet argent au bon endroit? On nous a affirmé à diverses reprises que nous n'investissions pas suffisamment dans le marketing, dans les scénaristes qui assurent le développement et dans le développement des outils. Le Canada a besoin de plus d'artistes comme Judith Thompson, c'est indiscutable. Maureen Parker a parlé d'investir dans le développement d'un plus grand nombre de films canadiens, et j'aimerais savoir si c'est vraiment le problème ou s'il nous faut allouer plus d'argent dans des aspects comme le marketing et la scénarisation.

    Je veux aussi parler de distribution. À Toronto, par exemple, où je connais assez bien le marché, j'ai été membre du conseil d'administration du festival du film pendant sept ans et j'ai siégé au comité de liaison avec l'industrie cinématographique, le FLIC, pendant environ huit ans. Essentiellement, il y a deux principaux intervenants à Toronto qui doivent rendre des comptes à leurs actionnaires. Famous Players a des patrons américains. Ils savent que s'ils ne font pas de recettes avec un film, ils doivent le retirer très rapidement de l'affiche, alors ils prennent des décisions en fonction des chiffres.

    Malheureusement, les films canadiens sont trop souvent désavantagés. Le public ne sait même pas qu'ils existent, parce qu'il n'y a pas de fonds pour le marketing, il n'y a pas de promotion. Même lorsque vous en avez entendu parler, il est très difficile de savoir où ils sont projetés. Et lorsqu'ils jouent quelque part, ils sont là pour une semaine ou deux et vous n'avez pas le temps de vous retourner qu'ils ont disparu.

    C'est donc très difficile. Je pense qu'il faut aussi en tenir compte.

    Par ailleurs—me voilà qui pose encore une série de questions—j'aimerais pouvoir protéger l'industrie cinématographique torontoise. Nous avons énormément bénéficié des Américains qui venaient tourner au Canada et en particulier à Toronto. Ils venaient en partie en raison d'un taux de change favorable au dollar canadien et en partie parce que nous avons une immense réserve de talents à Toronto, que nous avons créée au fil des ans. Mais maintenant, les États-Unis sont submergés par une vague de protectionnisme et ils veulent à nouveau tout faire à Hollywood. Est-ce que nous ne devrions pas craindre, si nous accordons plus de protection à l'industrie cinématographique canadienne—et c'est une question à laquelle j'aimerais qu'on me donne une réponse ferme—est-ce que nous ne devrions craindre de mettre en danger ce type de marché aussi, au Canada?

    Voilà donc mes questions.

À  +-(1010)  

+-

    Mme Maureen Parker: Je crois que je vais commencer par la dernière. J'espère que nous pourrons nous entendre, mais je dois dire que cette dernière question m'irrite vraiment. Vous ne parlez pas de l'industrie cinématographique canadienne lorsque vous parlez de films américains qui sont tournés au Canada. Vous parlez plutôt de films américains qui profitent de notre dollar plus bas et de notre régime d'imposition et de crédits d'impôt.

    C'est fort bien, parce que cela procure du travail à beaucoup de personnel « below-the-line », mais il ne s'agit pas de cinéma canadien; il s'agit de cinéma américain. Si nous sommes ici pour parler de cinéma américain, c'est très différent. Les films canadiens sont écrits par des Canadiens, ils sont réalisés par des Canadiens et ils mettent en vedette des Canadiens. Nous ne parlons pas de réaliser des films pour les États-Unis.

    Je comprends que ce secteur de l'industrie traverse une période difficile, après le SRAS, la chute du dollar américain, etc. Ce sont des circonstances inévitables. S'il y a une variation du taux de change, nous n'y pouvons absolument rien. Si nous consacrons notre énergie à essayer d'attirer ce type de productions… Vous ne pouvez pas changer les facteurs économiques mondiaux. Ces gens vont aller là où il en coûte le moins cher de réaliser un film. La seule façon de garantir que nous avons des films à réaliser, c'est de produire les nôtres.

    J'espère donc que cette question n'intéressera pas vraiment le comité, parce qu'elle ne profite en rien aux long métrages canadiens.

+-

    M. Sturla Gunnarsson: Mario, j'aimerais ajouter quelque chose à cela. Le secteur des services est certainement important pour nos membres—pas tant pour les réalisateurs que pour le personnel « below-the-line » et certains réalisateurs. Mais franchement, je ne vois aucun lien entre le soutien à notre secteur culturel et le fait que les Américains viennent ou non réaliser des films à Toronto ou au Canada. Ils viennent ici parce qu'ils comparent les coûts. Ils vont en Nouvelle-Zélande, ils vont en Australie, ils vont au Tennessee, et ils tiennent compte des crédits d'impôt et des taux de change. Ils vont là où c'est le plus logique pour eux sur le plan financier. C'est aussi simple que cela.

    De fait, la plupart des gens avec qui j'ai discuté à Los Angeles comprennent très bien lorsque nous leur expliquons ce que nous faisons pour notre cinéma. Ce qui les met en colère, et cela se comprend, c'est lorsque nos fonds publics sont utilisés pour subventionner les Viacom et les sociétés étrangères qui choisissent de venir tourner ici.

    Nous avons nos raisons pour procéder de la sorte, et je ne vais pas m'engager dans ce débat, mais en toute honnêteté je ne vois aucun lien entre la création d'un secteur indigène fort et dynamique et le niveau de services de production que nous offrons.

    Pour ce qui est de la protection de Toronto, c'est un passe-temps national chez nous que de casser du sucre sur le dos de Toronto—et je peux le dire puisque j'ai grandi à Vancouver. Nous avons adopté des politiques systémiques qui handicapent Toronto. On se dit simplement que Toronto possède déjà le secteur des services. Concrètement, les structures financières qui appuient la production au Canada sont établies de façon à favoriser la production partout au pays sauf à Toronto. Je n'ai pas réalisé de film canadien à Toronto depuis dix ans. J'ai tourné des films américains à Toronto. Mes films canadiens, je les tourne à Terre-Neuve et je les tourne à Vancouver. Je vais en Islande. Je vais en Inde. Je ne tourne pas à Toronto. C'est une honte.

    Troisièmement, en ce qui concerne les exploitant, vous avez tout à fait raison, les exploitants ne sont pas réglementés. Ils sont en affaires, et le lundi matin le distributeur appelle l'exploitant et lui dit « Quels sont les résultats? » Celui qui a rapporté le moins est remplacé, parce qu'il y a toujours de nouveaux produits qui arrivent. C'est indiscutable. Mais que fait un distributeur américain lorsqu'un film ne rapporte pas suffisamment? Il promet à l'exploitant qu'il va investir encore plus. Il le rassure, cet exploitant, il lui affirme qu'il croit dans le film. Pourquoi l'exploitant croirait-il dans un film si le distributeur lui-même n'y croit pas?

À  +-(1015)  

+-

    Mme Arden Ryshpan: J'aimerais compléter ce que Sturla a dit au sujet de la distribution.

    Nous utilisons le modèle américain lorsque nous pensons à la distribution; il est vrai que tout se résume à un argument à caractère très économique. Cet argument ne tient peut-être pas la route ici, au Canada. À l'extérieur des États-Unis et de l'Inde, aucune industrie cinématographique n'est en mesure de survivre sans un soutien gouvernemental considérable.

    Les Américains voient le cinéma comme un produit de divertissement. Ils abordent la question comme ils le feraient, dans une certaine mesure, pour l'exportation de tasses de café ou de stylos semblables à ceux que nous avons, et ce secteur a une importance économique énorme pour eux. Ici, nous l'appelons « culture », et pour une bonne raison. Il ne me paraît pas particulièrement valable, à l'extérieur des États-Unis, de le réduire comme je pense que certains distributeurs ou exploitants de notre pays l'ont peut-être fait à un argument strictement économique. Les contribuables canadiens ont dans une large mesure payé ces films. Je pense qu'ils ont le droit de voir ce qu'ils ont payé et je pense qu'ils veulent le voir. Je refuse de croire que nous puissions accepter intégralement cet argument ici.

    Il devrait y avoir—il y a—dans notre société des activités dans lesquelles nous investissons sans discussion, sans invoquer l'argument économique, sans nous dire que si nous n'obtenons pas de rendement de notre investissement nous allons éliminer ces activités. Toutes les industries ne fonctionnent pas ainsi, Dieu merci. Nous ne voulons pas tout ramener à l'économie, aux profits et pertes. Nous devons vraiment tenir compte de l'immense bénéfice que les films procurent à notre pays. Nous parlons de la façon dont ils présentent nos histoires. Sturla a commencé la séance ce matin en demandant comment nos enfants peuvent comprendre notre pays s'ils croient que rien d'important ou d'intéressant ne s'y est jamais produit.

    De toute façon, je dois m'arrêter. Je crois que vous m'avez comprise.

+-

    M. Sturla Gunnarsson: Je suis désolée Arden, je veux reprendre un peu ce thème. Personnellement je veux que mes films soient vus; j'y tiens absolument. Cela me fend le coeur de consacrer quatre ou cinq années de ma vie et de faire des sacrifices pour quelque chose qui va être présenté à un festival du film, recevoir un accueil aimable et poli, faire l'objet d'une critique relativement tiède mais plutôt positive dans le Globe and Mail et être projeté quelques semaines en salle quelque part. Qu'est-ce que c'est que cela. C'est ridicule. Aucun adulte ne devrait être soumis à un tel traitement.

    Alors je suis d'accord, nous devons trouver un moyen de montrer nos films au public. Ce n'est pas une question de rentabilité, c'est simplement pour que notre travail reçoive une certaine visibilité, soit d'une certaine conséquence. C'est la raison pour laquelle je mentionnais le distributeur.

    Je ne sais pas ce que nous pouvons faire au sujet des exploitants. Ce sont des sociétés multinationales. Elles sont en affaires. Si vous tentez de les réglementer, c'est très bien. Je suis prête. Mais nous avons exploré cette avenue—là encore je révèle mon âge—, nous l'avons fait.

    Ce qu'il nous faut, vraiment, c'est ce qui a été prouvé il y a deux ou trois ans par un médiocre film canadien qui était un projet pilote pour le cinéma commercial. On a investi beaucoup d'argent dans sa distribution en salle, il est sorti dans de nombreuses salles, beaucoup de billets ont été vendus. Cela n'a pas duré très longtemps, mais le film a été remarqué. S'il avait été bon, il aurait pu avoir beaucoup de succès. La règle est simple : plus vous consacrez d'argent à la distribution en salle et plus vous attirez de spectateurs. Si personne ne sait que ce film est projeté quelque part, personne n'ira le voir.

+-

    Mme Maureen Parker: Je suis désolée, vous nous aviez posé deux très brèves questions au sujet du développement.

    Le développement. Nous disons toujours : Si quelque chose accroche sur le papier, cela accrochera aussi dans la production. C'est vraiment comme cela que nous devons envisager cette étape. S'il y a des faiblesses dans le scénario, si vous n'arrivez pas à faire progresser le récit, si les personnages ne sont pas bien développés, vous n 'êtes pas prêt à passer à l'étape de la réalisation. Ce qu'il faut faire à cette étape, c'est d'investir un peu. Il faut payer quelqu'un qui va peaufiner le scénario. Vous pouvez dire : « Voilà, vous devez me faire une 11e version s'il vous plaît, quelque chose ne va pas. » Il faut qu'il y ait de l'argent dans le système pour les personnes qui vont parfaire le scénario en vue de la production.

    La promotion et le marketing sont absolument essentiels. C'est ce dont nous parlons. Je crois que Téléfilm a déjà défini de nouvelles règles qui ont été adoptées à la suite de cette politique—au sujet des fonds à investir dans le marketing et la promotion. Je pense que cette mesure donne d'assez bons résultats et sera maintenue, mais il faut continuer à insister sur ce point.

    Quant au dernier sujet que vous avez abordé, le réservoir de talents, vous dites que nous avons des vedettes qui se sont installées à Los Angeles. Cela est vrai, mais pas par choix. Certaines personnes veulent aller vivre à Los Angeles, il y en a dans tous les pays, parce que Los Angeles est le centre de notre industrie, c'est indiscutable. Des gens comme Jim Carrey, etc., voudront aller s'installer aux États-Unis. Je connais plusieurs scénaristes très doués qui n'ont jamais même songé à aller vivre aux États-Unis.

    Je vais simplement mentionner Hart Hanson, un bref instant. C'est un scénariste-créateur deTraders. Il n'a pas réussi à obtenir un autre contrat de développement au Canada. Il vit maintenant aux États-Unis. Il fait partie de l'équipe de la série Judging Amy. Scott Gemmill, de Toronto, fait partie de l'équipe de ER. Ce sont d'énormes contrats… Des millions de dollars par année. Si vous lui proposiez du travail ici au Canada, je suis convaincue qu'il pourrait produire une série et qu'il n'aurait pas besoin de passer par le système de loterie du FCT. Il reviendrait en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Les choses ne fonctionnent pas ainsi. Ce que nous voulons, c'est une industrie où les Canadiens peuvent choisir de rester ici et espérer gagner adéquatement leur vie.

    Merci.

À  +-(1020)  

+-

    M. Mario Silva: J'aimerais faire un dernier commentaire, madame la présidente.

+-

    La présidente: Je suis désolée, Mario. Nous avons largement dépassé les dix minutes et je dois donner sa chance à Mme Oda.

+-

    M. Mario Silva: Comme la déclaration a été faite, je veux simplement vous informer que même si je partage nombre des préoccupations et des convictions exposées ici, je m'inquiète aussi pour les nombreux travailleurs de cette industrie à Toronto.

+-

    La présidente: Madame Oda.

+-

    Mme Bev Oda (Durham, PCC): Merci, madame la présidente.

    Je vous remercie beaucoup d'être venues. C'est très aimable à vous. J'aimerais dire à M. Lemay qu'il prend des risques s'il invite Mme Parker à se montrer plus agressive…

    Des voix: Oh, oh!

    Mme Bev Oda: Mais j'appuie son encouragement parce que je crois que nous devons prendre le temps de vous entendre, et de vous entendre non seulement haut et fort, mais aussi avec clarté. Je veux faire quelques commentaires et je vais moi aussi reprendre un des trucs de M. Lemay, qui est de poser toutes mes questions au début, puis de vous laisser répondre à votre rythme.

    Un des aspects qui me paraît clair ce matin c'est que nous avons une industrie cinématographique, une industrie de la radiodiffusion, et que nous avons des politiques, mais nous n'avons pas encore déchiffré… et je pense que nous devons admettre que les services de production ont leur raison d'être, mais cette raison d'être revêt un caractère industriel, elle est liée aux ressources humaines. Ces services contribuent à la formation. Cela aidera le cinéma canadien, le produit culturel canadien, parce que nous aurons une main-d'oeuvre plus qualifiée. Je crois qu'il faut comprendre que l'un ne se fait pas aux dépens de l'autre et qu'il faut considérer les services de production comme un secteur d'activité qui génère des profits et qui remplit bien son rôle, sans exclure le secteur du long métrage.

    Je pense que la politique du long métrage devrait reconnaître cet aspect, mais nous devons concentrer notre attention sur ce que nous appellerions le long métrage culturel canadien. Lorsque nous regroupons tous les secteur d'activité de l'industrie, nous obtenons des chiffres impressionnants pour ce qui est du nombre de personnes qui travaillent dans l'industrie—vous savez, le nombre de dollars injectés dans l'économie, etc., et c'est très bien. Mais si nous voulons nous pencher sur la façon dont nous pourrions faire voir aux Canadiens le produit de Sturla, il faut faire les choses différemment, et c'est sur cet aspect que nous devons nous concentrer. C'est ainsi que je vois les choses, très clairement.

    J'aimerais vous demander certains renseignements supplémentaires en manière de suivi à la discussion d'aujourd'hui—par écrit, et plus précis—afin que nous puissions à la fin du processus avoir des recommandations concrètes, spécifiques. Vous avez parlé des plans de distribution et vous avez dit que vous recommandiez d'imposer aux distributeurs des exigences spécifiques concernant leurs plans de distribution. Les distributeurs canadiens ne sont pas réglementés, mais ils tirent des avantages des politiques existantes; ils ont un avantage sous la forme du soutien assuré par l'argent des contribuables, mais ils n'ont pas de comptes à rendre. Nous avons entendu cet argument auparavant, mais j'aimerais savoir—et peut-être pourrez-vous me l'indiquer plus tard, par écrit, lorsque vous y aurez réfléchi un peu—quel type d'exigences spécifiques Téléfilm devrait leur imposer, à votre avis.

    J'ai une autre question. Vous avez mentionné dans votre exposé la possibilité d'instaurer des primes au rendement pour les réalisateurs et les scénaristes. Pouvez-vous aussi nous fournir quelque chose par écrit, des recommandations plus spécifiques sur la façon dont cela pourrait se faire?

    Vous avez aussi demandé—et pas seulement vous, l'ACTRA l'a mentionné aussi—une plus grande représentation des créateurs au sein des comités et des conseils. Si je vous disais que je vais accepter un représentant de l'un de vos secteurs, seriez-vous satisfaits? Comment procéderons-nous? Est-ce que nous choisissons un réalisateur, un scénariste, un acteur—parce que c'est toujours le problème—et qui choisit? Là encore, si tous les secteurs de la création pouvaient se réunir et nous dire… vous savez, il y a actuellement un débat public au sujet du processus de nomination des juges à la Cour suprême. Diverses modalités sont suggérées, et un des procédés prévoit la présentation d'une liste de candidats. Est-ce que vous pouvez proposer, du côté des créateurs, un processus que vous approuveriez collectivement pour nommer des représentants aux conseils de ces organisations?

À  +-(1025)  

    En effet, le gouvernement risque de désigner quelqu'un pour constater ensuite que 80 p. 100 des gens du milieu de la création ne sont pas très heureux de cette nomination, même si cette personne fait partie de leur groupe. Ce que nous voulons, c'est un processus ouvert, transparent et responsable, que vous auriez suggéré.

    Pour ce qui est de l'annulation… de la politique de 1999 du CRTC… comprenez-moi bien : je ne défends aucunement le Conseil et je n'entérine pas ses activités. Je crois toutefois que le CRTC a sa raison d'être et qu'il peut lui aussi être amélioré. Je pense que nous devons être équitables et exposer fidèlement la décision de 1999. Il ne s'agissait pas de nier l'existence de la dramatique ni du long métrage canadien. Cette décision a élargi la catégorie dite de programmation prioritaire pour englober d'autres types de programmation qui pouvaient s'avérer moins coûteux. En outre, il y a eu un ajout de contenu canadien aux heures de grande écoute, ce qui correspond à une augmentation du contenu canadien.

    Si vous réclamez l'annulation, vous demandez l'élimination des programmes documentaires et de divertissement, ce qui pourrait créer certaines lacunes en matière de promotion des talents canadiens et entraîner une réduction du nombre d'heures de diffusion. L'annulation de la décision de 1999 aurait des répercussions, et je veux être certaine que c'est vraiment ce que vous préconisez et ce que vous demandez, parce que je pense que dans un cas, celui de la programmation de divertissement… Je suis impatiente de voir ce que vous avez présenté au Conseil.

    Parlons des deux tiers de contenu canadien : Est-ce que cela comprend l'animation? C'est ma question. S'agit-il de préciser la définition de ce qui satisfait cet objectif, ou est-ce que cette approche est inadéquate? Pouvons-nous répondre à cette question?

    Je vous suis très reconnaissante d'avoir présenté des recommandations précises. Je pense que cela va sensiblement accroître l'efficacité du comité. Je vous encourage toutefois à profiter de cette occasion pour essayer de faire avancer encore un peu plus le processus; je vous demande de répondre en précisant certaines de vos propositions. J'aimerais simplement savoir en quoi vous croyez que vos propositions nous permettrons de renforcer notre soutien.

+-

    La présidente: Madame Oda, vous avez demandé une rétroaction à diverses reprises, et comme votre temps est presque écoulé, malheureusement—c'est une frustration que nous éprouvons depuis le début de nos audiences—je crois qu'il faut maintenant donner à M. Simms l'occasion de poser ses questions, et vous pouvez demander une rétroaction.

À  +-(1030)  

+-

    Mme Bev Oda: J'ai demandé une rétroaction au sujet de divers éléments et j'ai proposé que cela se fasse par écrit, mais j'aimerais bien que nos témoins abordent brièvement ces questions aujourd'hui. Tout ce que j'ai demandé ne doit pas nécessairement me parvenir par écrit.

+-

    Mme Pamela Brand: Je veux simplement vous assurer que la Guilde des réalisateurs se range à l'opinion que vous avez présentée dans vos remarques initiales au sujet du caractère industriel des services de production. Nous croyons que cela développe l'infrastructure et contribue à la formation de nos membres, ce qui leur permet ensuite de mieux travailler à la réalisation de films canadiens. Nous, les membres de la Guilde des réalisateurs, nous l'admettons sans difficulté.

    Quant au reste, c'est la GCR qui a fait les recommandations au sujet de la distribution et des primes au rendement. Nous transmettrons au comité d'ici 15 jours, si cela vous convient, des recommandations spécifiques, par écrit. Pour ce qui est de l'annulation de la politique de 1999, je comprends parfaitement ce que vous nous dites, et je vous promets que nous y répondrons par écrit.

    Merci.

+-

    Mme Maureen Parker: Merci d'avoir posé ces questions. Nous aussi nous allons vous répondre par écrit. Nous appuyons les deux politiques que proposent nos collègues.

    L'annulation? Certainement. De fait, j'ai pris bien soin lorsque j'ai donné mon exposé, aujourd'hui, de dire qu'il fallait rétablir les exigences en matière de dépenses et de présentation. Je sais bien comment la catégorie a été élargie, mais il est toujours bon qu'un professionnel m'aide à voir les choses un peu plus en profondeur. Je vous remercie. Nous en tiendrons compte.

    En ce qui concerne les conseils et les commissions—je veux simplement souligner que cette question nous intéresse depuis très longtemps. De fait, je la mentionne dans ma campagne épistolaire régulière. Susan Peterson, à Patrimoine canadien, m'adore. Elle ne pense sans doute pas elle non plus que je devrais me montrer plus agressive, mais tant pis.

    Nous tenons à souligner, au sujet des conseils, qu'un représentant ne suffit pas. Vous avez raison. Et pourquoi devrions-nous nous en tenir à un? Nous avons deux marchés, deux langues distinctes et, comme vous l'avez dit précédemment, nous avons des préoccupations distinctes. Nous avons un secteur des services qui constitue une ressource précieuse—et je n'en disconviens pas—pour le personnel « below-the-line » et pour l'expérience, mais nous avons aussi un secteur créatif. Les membres de mon organisation ne rédigent pas de scénarios de films américains. Ils ne travaillent généralement pas sous les ordres des Américains. Alors si la personne désignée était, par exemple, un acteur qui travaille dans une production américaine, comment est-ce que le reste de la collectivité serait représenté?

    Il faut vraiment tenir compte de tout cela. Nous pouvons vous garantir qu'il y aura des points communs et une entente. Nous avons aussi affirmé qu'il fallait laisser les syndicats et les guildes désigner des porte-parole. Si vous nommez un écrivain ou un réalisateur de renom, cette personne pourrait tout ignorer de nos problèmes. Elle n'assistera peut-être pas à toutes les réunions parce qu'elle a un horaire chargé. Faites appel aux syndicats et aux guildes pour trouver des porte-parole plus appropriés.

    Nous vous répondrons aussi par écrit.

    Merci, Bev.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: Madame la présidente, je voudrais demander une précision. Lorsque vous parlez de personnel « below-the-line », nous ne savons pas ce que cela signifie.

+-

    Mme Maureen Parker: C'est un terme de budget dans notre industrie. Généralement, les producteurs, les scénaristes et les réalisateurs sont regroupés dans une catégorie du budget, la catégorie A. Les vedettes sont aussi sur la ligne A du budget. L'autre catégorie contient la distribution et les équipes techniques, tout le personnel sauf les vedettes. Je suis désolée, c'est un peu spécialisé.

+-

    M. Sturla Gunnarsson: Et toujours à titre de précision, il y a effectivement des réalisateurs canadiens qui travaillent dans les services de production.

+-

    M. Scott Simms (Bonavista—Gander—Grand Falls—Windsor, Lib.): Merci.

    Sturla, j'aurais une petite question, moi aussi. J'aimerais obtenir une précision. Vous avez dit quelque chose précédemment au sujet de la loterie du FCT. Est-ce exact? Que vouliez-vous dire?

+-

    M. Sturla Gunnarsson: Combien de temps avez-vous?

+-

    M. Scott Simms: Ciel! Eh bien, j'aimerais aussi parler d'autre chose. Si j'ai bien compris,vous faisiez de l'ironie? D'accord.

+-

    M. Sturla Gunnarsson: C'est simplement qu'il existe une grille et que les projets qui demandent un financement doivent progresser dans cette grille et obtenir un certain nombre de points pour ceci et pour cela. Au bout du compte, les seuls projets qui se rendent jusqu'à la fin du processus sont ceux qui n'offensent personne. Vous savez, il y a des points pour la représentation régionale, des points, j'en suis certaine, pour la représentation des sexes, des points aussi pour la race, toutes sortes de choses, et pour la nature du financement. Je ne peux même pas vous en donner une idée.

    C'est comme la kremlinologie. Moi, qui travaille dans le domaine, je ne comprends pas bien le système. Mais si je m'oppose à ce système, c'est parce que tout cela ne tient même pas compte de ceux qui ont réalisé un bon film l'an dernier et qui sont peut-être prêt à en commencer un autre.

À  +-(1035)  

+-

    M. Scott Simms: Très bien.

    Je veux aborder une question qui a fait surface hier. Bien sûr, comme je suis député de Terre-Neuve, j'ai un petit faible pour le développement régional. Et je suis un grand admirateur de votre film ainsi que du livre. Mais au coeur de l'histoire, qui est une bonne histoire, je crois—et je me trompe peut-être—qu'un homme d'âge moyen veut changer sa vie, c'est donc dire qu'il est entouré de personnages très colorés. Cela n'est pas très représentatif de Terre-Neuve, mais le cadre ajoute certainement à l'histoire.

    Toutefois, en arrivant ici hier, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas accepter qu'il y ait dans le système un élément—et je ne connais pas tous les détails— pour empêcher la production de converger vers Toronto. C'est une question de principe. Je ne dis pas ça souvent, mais Toronto c'est un centre, c'est un endroit où il est possible de transformer un bon scénario en un bon film et de montrer ce film à un grand nombre de personnes, et je suis convaincu que c'est ce qu'il nous faut.

    Si cet élément n'était pas là, qu'auriez-vous fait différemment pour cette production? Dans le livre, l'action se passe à Terre-Neuve. Je suppose donc que vous auriez tourné là-bas.

+-

    M. Sturla Gunnarsson: Rare Birds était une production organique. Le roman se situait là-bas. Le scénariste et le producteur étaient tous deux des Terre-Neuviens, et ils m'ont fait venir par avion et ils m'ont amenée au Ship Inn. C'était un test. Comme je l'ai réussi, je suis devenue réalisatrice. Tout dans ce film vient de là-bas, c'est là que le film a ses racines.

    Les types de films qui ont du succès sont les films moins organiques. Ils n'appartiennent pas à un lieu précis; ils ont une base plus industrielle. À mon avis, en éliminant le désincitatif pour la production à Toronto, on ne créerait pas de handicap culturel pour une région quelconque du pays. On pourrait toutefois désavantager les membres de certains services de production dans certaines régions du pays—des producteurs affiliés à des producteurs de Toronto, qui entrent en scène lorsque ceux-ci ont besoin d'un cadre régional.

+-

    M. Scott Simms: Parmi les questions posées hier, il y en avait une concernant les raisons pour lesquelles il devrait y avoir un incitatif pour Vancouver alors que c'est déjà un grand centre de l'industrie. Est-ce que cela devrait se faire par étape? Et au sujet de ces encouragements intégrés au système pour éloigner les productions du centre, faudrait-il entièrement les éliminer ou pourrions-nous en garder quelques-uns?

+-

    Mme Maureen Parker: Peter Grant a publié un livre merveilleux intitulé Blockbusters and Trade Wars. Je vous le recommande, parce qu'il porte sur une théorie dite des grappes. Cette théorie suppose que dans chaque pays il y a un centre vers lequel les artistes convergent. Là, les artistes peuvent être appuyés par leur collectivité et recevoir des services. C'est un phénomène naturel qui existe depuis des milliers d'années. Ici, nous avons Toronto et Montréal. Vancouver est également un centre, mais apparemment plus axé sur les services.

    Il n'est pas normal que nous luttions contre la formation de grappes, et je pense que c'est quelque chose que nous devons examiner. Je ne dis pas qu'il est possible d'éliminer les encouragements régionaux, mais nous avons besoin d'appuyer les lieux où la majorité de nos artistes choisissent de vivre.

+-

    Mme Pamela Brand: Dans le mémoire de la GCR, nous avons une recommandation au sujet des encouragements régionaux. Ce que Maureen a dit au sujet du livre de Peter Grant est très juste. Et cela ne vaut pas seulement pour l'industrie cinématographique, cela touche toutes les industries. Qu'il s'agisse de logiciels ou de pêche, les activités ont tendance à se concentrer dans certains centres.

    Toutefois, nous croyons que les règles du jeu doivent être équitables. Il ne devrait pas y avoir de désincitatif pour Toronto et il ne devrait pas y avoir de désincitatif pour les productions en langue anglaise à Montréal, ce qui est le cas actuellement. Le plus important, c'est d'assurer la mobilité des créateurs dans l'ensemble du pays. Sinon, vous aurez des films boiteux, faute de vision artistique et créatrice.

    Tant que les règles sont équitables dans l'ensemble du pays, et nous espérons que votre comité s'orientera en ce sens, je crois que tout ira bien.

À  +-(1040)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup. Je sais que vous avez consacré beaucoup de temps à vous préparer à la séance de ce matin, et nous vous en sommes reconnaissants.

À  +-(1040)  


À  +-(1052)  

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    La présidente: Mes amis, je pense que nous devrions nous remettre au travail. Nous avons fait attendre nos prochains témoins, et je demande à tous de m'excuser de ne pas avoir bien fait respecter l'horaire.

    PS Production Services et Women in Film and Television.

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    M. Doug Dales (président-directeur général, PS Production Services Inc.): J'aimerais avoir de la compagnie, ici. Après avoir eu six personnes devant moi, je me sens…

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    La présidente: Pendant que nous attendons Gary, Gord et Marc, examinons un point que Sam a soulevé—il m'a dit que j'accordais un peu trop de temps aux questions de chacun, ce qui veut dire que tout le monde n'a pas l'occasion d'interroger chaque groupe de témoins. Par contre, chacun aura l'occasion de poser des questions au cours de la matinée.

    Je me trouve devant un dilemme, ici, Sam, parce que je sais à quel point il est frustrant d'avoir seulement cinq minutes pour amorcer une série de questions et fouiller un aspect du problème; par contre, je sais qu'il est également frustrant d'être en présence de tout un groupe de témoins que vous mourez d'envie d'interroger sans en avoir jamais l'occasion. J'ai choisi de laisser la période de question de chacun s'étirer un peu, de sorte que pour chaque groupe de témoins, tous les membres n'auront peut-être pas l'occasion de poser des questions, mais au cours de la matinée chaque membre du comité pourra poser une série de questions et engager une discussion.

    Nous pouvons continuer de cette façon avec le groupe de témoins suivant, et cet après-midi nous discuterons un peu pour déterminer si vous préférez que j'interrompe chacun un peu plus tôt. Le problème, bien sûr, si l'on procède ainsi, c'est d'éviter que les questions et les réponses ne soient trop brèves, mais c'est à vous qu'il revient de décider de la façon dont vous préférez que j'intervienne. Nous pouvons maintenant continuer. Je vais veiller à ce que tous ceux qui n'ont pas encore posé de questions ce matin puissent s'adresser à nos prochains témoins. Cet après-midi, en commençant la séance, nous verrons si vous préférez avoir moins de temps pour poser des questions et moins de temps pour écouter les réponses afin que chacun puisse poser des questions à chaque groupe de témoins.

    Nous devons commencer sans plus tarder, car nous avons suffisamment mis à l'épreuve la patience de nos témoins.

    Alors nous accueillons d'abord le président et chef de la direction de PS Production Services Inc., monsieur Doug Dales.

À  +-(1055)  

+-

    M. Doug Dales: Merci, madame la présidente. Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureux de vous rencontrer.

    À titre de remarque préliminaire, j'aimerais signaler que le document d'information sur la politique canadienne du long métrage diffusé sur le site Web de Patrimoine canadien est extrêmement précis, concis, direct et complet. Je pense qu'il expose très équitablement nos enjeux et nos problèmes. En particulier, dans un monde où il n'y a que de mauvaises nouvelles, les sections qui soulignent les réussites de célébrités canadiennes comme Atom Egoyan, David Cronenberg et Denys Arcand montrent que certaines mesures portent fruit. Toutes les nouvelles ne sont pas mauvaises.

    Mon rôle ici, ce matin, est de vous offrir une perspective et des détails d'un point de vue rarement évoqué, celui du volet de l'industrie que forment les entreprises indépendantes, les entreprises de soutien, qui sont elles aussi nécessaires au bon fonctionnement de l'industrie. Je vous ai fait parvenir des notes d'information il y a quelque temps déjà, mais je pense que vous ne les avez pas reçues. Je ne sais pas si on les a fait circuler, alors je vais vous présenter un rapide bilan de notre situation.

    Production Services est une société de location spécialisée qui fournit, par location, des caméras, du matériel d'éclairage, de l'équipement machiniste—c'est-à-dire les chariots et les grues pour les caméras ainsi que des génératrices électriques mobiles silencieuses. Nos clients sont des producteurs de longs métrages, de dramatiques pour la télévision, de commerciaux et de documentaires. Il s'agit d'un équipement très coûteux. Une seule caméra 35 mm avec lentilles et accessoires, par exemple, coûte à peu près un million de dollars canadiens. Il s'agit donc d'une industrie à fort coefficient de capitaux.

    Dans tout le Canada, il y a quatre grands fournisseurs qui sont des concurrents dans mon domaine d'activité et probablement 20 ou 30 petites sociétés qui sont aussi des concurrentes, car elles fournissent les mêmes produits et services à la même clientèle.

    Nous fournissons de façon économique—parce que l'équipement est utilisé par un grand nombre de producteurs et de clients—sur demande, le matériel de production convenant à toutes sortes de situations. Nous entreposons, nous tenons l'inventaire, nous entretenons et nous réparons tout le matériel requis pour tourner des longs métrages, des émissions de télévision, des documentaires, des commerciaux et même des films d'étudiant.

    C'est une activité qui nécessite énormément de capitaux, comme je l'ai dit. Les productions ont des besoins très différents. Pour une poursuite en voiture, il peut être nécessaire d'éclairer toute une rue pendant la nuit. Une autre scène peut se dérouler dans le cadre intime d'une chambre à coucher. Ces deux scènes sont complètement différentes en ce qui concerne l'équipement d'éclairage, les caméras, etc. La poursuite en voiture peut nécessiter plusieurs caméras tandis que la scène intime peut être tournée avec une seule.

    Nos clients sont variés : grands studios de Hollywood et producteurs principaux de dramatiques canadiennes, étudiants du Centre canadien du film et néophytes qui font leurs premières armes.

    PS est né en 1973, dans un entrepôt de 3 500 pieds carrés au centre-ville de Toronto et a survécu beaucoup trop longtemps avec seulement deux employés. Aujourd'hui, nous comptons quelque 150 employés. Nous occupons à peu près 150 000 pieds carrés de locaux à Vancouver, à Halifax, à Toronto, à Winnipeg, et à Regina. Notre inventaire est évalué à environ 60 millions de dollars. Au fond, la croissance de PS est le reflet de la croissance du secteur de la production au Canada.

    Par le passé, nous avons surtout fourni de l'équipement à des productions canadiennes, mais notre clientèle évolue. Notre principal concurrent, William F. White Limited, a pris de l'expansion en commençant à desservir l'entreprise étrangère, dans une large mesure les productions américaines originaires de Hollywood.

    Nous sommes un sous-groupe d'entreprises directement tributaires de l'industrie de la production cinématographique et télévisuelle. D'autres dans notre secteur pourraient en faire aussi partie, notamment les studios; les laboratoires; les installations de montage cinématographique et de bande sonore; les costumiers; la construction de plateaux; la location et la production d'accessoires; les services de location de voitures d'époque; les services de restauration; les services de location de véhicules spécialisés par exemple pour les costumes, le maquillage et les loges; les laboratoires d'effets spéciaux; les studios d'enregistrement et de mixage; les salles de visionnement; les installations de conversion du film à la vidéo et inversement; les bibliothèques d'effets sonores; etc.

Á  +-(1100)  

    Ce sont des compagnies qui offrent un soutien direct, particulièrement à l'industrie de la production; en plus, il y a une foule d'autres prestataires de services indirects. Les hôtels, les restaurants, les entreprises de location de camions et d'automobiles, les services de taxi et de livraison, d'autres traiteurs, des teinturiers et même des policiers rémunérés et le pompier occasionnel profitent tous directement de la production de films et d'émissions de télévision au Canada. Les centaines de compagnies énumérées dans les guides du film de Toronto, le guide Reel West , et d'autres guides produits par des entreprises privées et publiques concernant le tournage de films au Canada font état de la vaste gamme de ressources et de disciplines qui contribuent à la réalisation d'un film.

    Toutes ces entreprises, ou du moins la plupart d'entre elles, se sont déterminée à soutenir l'industrie canadienne du film. La plupart, y compris PS, soutiennent activement la production de longs métrages canadiens au-delà de l'aspect commercial en fournissant des biens et des services à titre bénévole, contre un paiement différé ou sur une base d'investissement.

    Selon moi, il y a plusieurs raisons qui expliquent cet état de fait. Nous sommes fiers de notre pays. Nous estimons que notre histoire est intéressante et qu'il y a plusieurs faits à raconter. Nous sommes persuadés qu'il y a un point de vue distinct à exprimer. Au plan industriel, nous estimons que nous ne devrions pas être tributaires des films américains qui sont projetés au Canada et qui disparaissent aussi rapidement qu'ils sont arrivés. Selon nous, c'est en établissant une industrie canadienne forte que nous pouvons le mieux atténuer les fluctuations du marché étranger.

    Suivant sa pratique normale, et cet aspect a été abordé plus tôt, l'industrie installe ses centres de production dans des endroits qui regroupent tous les éléments d'infrastructure requis pour appuyer la productions, les studios, l'équipement, les techniciens de laboratoire et le talent, c'est-à-dire tous les éléments essentiels nécessaires. Historiquement, les politiques du gouvernement canadien pour appuyer la production de manière équitable dans toutes les régions du pays ont entraîné une certaine anomalie. Aujourd'hui, il se tourne des films de haute qualité non seulement à Toronto, à Montréal et à Vancouver, mais également à Halifax, à Terre-Neuve, à Winnipeg et à Regina. Tout cela est en quelque sorte anormal pour le Canada, mais d'un point de vue culturel, cela est bon. Par contre, ce point de vue est plus difficile à accepter du point de vue de l'industrie.

    Cela étant dit, il est évident que le secteur canadien de la production-et d’autres témoins vous l’ont signalé ce matin-doit essentiellement livrer un combat perpétuel pour sa survie. Beaucoup de nos clients de longue date demandent des privilèges commerciaux dans presque tous les projets qu’ils exécutent.

    Selon moi, c'est le concours « Aussi canadien que » où la participation gagnante était « Aussi canadienne que possible dans les circonstances » qui définit le mieux notre problème d'identité culturelle. Ce concours était organisé dans le cadre de l'émission bien connue This Country in the Morning, animée par M. Peter Gzowski. La réalité qui se dégage de cette simple expression est à tout le moins aussi déplorable qu'elle est vraie. Si nous ne travaillons pas activement et de manière dynamique pour protéger notre identité canadienne particulière, notre culture, il n'y en aura plus pour la prochaine génération.

    Nous devons avoir une idée claire de ce qu'est la culture canadienne. Nous ne pouvons plus nous en tenir à l'étiquette « non américain ». Il y a une identité canadienne distincte, que nous devons reconnaître et que nous devons promouvoir.

    En ce qui a trait aux longs métrages, j'aimerais vous rapporter les propos de M. Rock Demers, l'éminent producteur québécois de plusieurs merveilleux films pour enfants depuis le début des années 80. Il disait que les longs métrages sont la fenêtre par laquelle le reste du monde perçoit une nation. Nous connaissons les films suédois de M. Ingmar Bergman. Nous connaissons le Japon par le biais de l'objectif d'Akira Kurosawa. Bien que le Canada puisse être connu internationalement grâce aux films d'Atom Egoyan, de David Cronenberg et de Robert Lantos, nous ne parvenons pas très bien à nous définir nous-mêmes face à nous-mêmes.

    Ce n'est pas le produit qui est en cause. Il y a plusieurs années, un ami a repris l'opinion populaire selon laquelle les trois premières minutes d'un film permettent toujours de savoir qu'il s'agit d'un film canadien. J'ai pris cela comme un défi, et non comme un truisme, et je suis allé sur le site Web de Téléfilm Canada. C'était il y a un certain nombre d'années. Malheureusement, je ne suis plus capable de retrouver la liste. Mais si dressez la liste des longs métrages canadiens dans lesquels la SADC et Téléfilm ont investi depuis les tout débuts, vous y trouverez, je puis vous l'assurer, un grand nombre de très bons longs métrages canadiens. Nous sommes capables de faire de très bons films et nous en faisons.

Á  +-(1105)  

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    La présidente: Monsieur Dales, puis-je vous interrompre pour un moment? Je déteste interrompre un témoin, surtout lorsqu'il a pris grand soin de préparer son exposé, mais nous avons besoin de temps pour échanger avec vous. Pourriez-vous en arriver rapidement à votre point principal, à ce que nous devons considérer et à ce que vous recommandez pour améliorer la situation.

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    M. Doug Dales: Très bien, madame la présidente.

    L'ingrédient qui manque, c'est le public. Nous n'aurons jamais les budgets extravagants dont disposent les Américains. Il nous faut plutôt faire la promotion de nos films de manière beaucoup plus efficace. Les Américains, c'est bien connus, sont reconnus pour leurs dépenses considérables pour la commercialisaiton et la vente. Des engagements ont été pris ici ce matin concernant l'élaboration d'un système de vedettariat. Il y a eu des engagements concernant la commercialisation et ainsi de suite. Je persiste à croire que le problème se situe au niveau de la promotion.

    Plus tôt, Mme Sturla Gunnarsson a dit souhaiter plus que tout que ses films soient vus plus. Il n'y a rien de plus décourageant pour un producteur de film que de constater qu'à peine 100 ou 200 personnes se sont déplacées pour assister à la projection de son film. Le film doit être vu par le plus grand nombre possible de personnes.

    Il est essentiel que Patrimoine canadien continue d'insister sur l'appui à la culture canadienne et à la production canadienne, mais le véritable problème est de trouver comment faire pour que les films soient vus. Dans la réalité, l'approche à laquelle je fais allusion dans mon mémoire, c'est-à-dire projection sur trois écrans pendant une période de trois semaines, est plutôt la projection sur trois écrans pendant une seule semaine par ville, par exemple à Toronto, Montréal et Vancouver. Ce n'est pas ce qu'il y a de mieux pour développer ni même promouvoir une solide entreprise.

    J'ai des réserves quand il s'agit d'obliger les distributeurs à établir ou à respecter un système de quota. Selon moi, un tel est très difficile de mettre en application et il ne contribuera pas nécessairement à remplir les salles de cinéma. J'estime plutôt que nous devons faire la promotion des artistes canadiens. Nous devons consacrer beaucoup plus de temps et d'argent à la vente et à la commercialisation des films si nous voulons attirer les cinéphiles dans les salles de cinéma, si nous voulons établir une base de spectateurs qui contribueront à nous donner une saine entreprise.

    Le système de distribution canadien est grandement tributaire des Américains qui nous fournissent du matériel de commercialisation existant pour les films américains. Cela ne nous apporte pas beaucoup de connaissance ni de discipline ni d'expérience pour ce qui est de la commercialisation des films canadiens. C'est là un domaine sur lequel nous devons nous pencher.

    En termes simples disons que s'il n'y a pas de promotion, il n'y aura pas de public. La distribution et la commercialisation des films canadiens se limitent trop souvent à dépenser le moins possible. Mais les choses doivent changer. Tant que le système de distribution canadien ne pourra pas consacrer les mêmes montants à la commercialisation et à la promotion des longs métrages canadiens auprès des Canadiens, comme il le fait pour la production, les films canadiens ne pourront connaître de succès dans un contexte de concurrence féroce.

    Peut-être que Patrimoine canadien estime que ce n'est pas la bonne façon de procéder que de dépenser plus d'argent pour la commercialisation et estime que si le public aime les films il devrait aller les voir. À parler franc, nous devons faire concurrence aux produits américains qui nous viennent du Sud. S'ils font la promotion de leurs films, nous devons en toute légitimité faire la promotion de nos propres films. C'est aussi simple que cela.

    Je vous remercie de votre temps.

Á  +-(1110)  

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    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Dales.

    Nous entendrons maintenant les déclarations de Mme Kate Hanley, présidente, et de Mme Natalie Kallio, coordonnatrice des communications, de Women in Film and Television - Toronto.

+-

    Mme Kate Hanley (présidente, Women in Film and Television - Toronto): Bonjour. Je ne nomme Kate Hanley et je suis présidente de Women in Film and Television - Toronto. Je suis accompagnée de Mme Natalie Kallio, coordonnatrice des communications de WIFT-T.

    WIFT-T est une organisation professionnelle canadienne de longue date qui forme dont le mandat est de mettre en valeur et de faire progresser les femmes dans le domaine du film, de la télévision et des médias. Organisme actif au plan local et national, le WIFT-T dessert près de 900 membres de même que l'industrie dans son ensemble, avec plus de 300 heures de formation données à l'année longue, avec des travaux de recherche à l'échelle nationale et l'attribution de prix respectés.

    Permettez-nous de vous remercier d'avoir invité WIFT-T à faire une déclaration aujourd'hui. Je tiens à m'assurer tous les membres de votre comité ont bien reçu l'information au sujet de l'étude nationale sur l'emploi menée par WIFT-T et intitulée Frame Work, parce que les observations que je ferai aujourd'hui sont tirées de cette étude. Il me fera plaisir d'envoyer des copies imprimées à quiconque au sein de votre comité. Nous en avons déjà transmis une copie imprimée et le document est également accessible sur le site Web. Il s'agit d'abord et avant tout de l'annuaire téléphonique que nous ne transportons pas avec nous, vous comprendrez pourquoi.

    Le document Frame Work est une étude relativement récente publiée en juin dernier. Elle a été commandée par WIFT-T avec l'appui de 23 partenaires de l'industrie et du gouvernement, y compris Patrimoine canadien. Le document fournit le tout premier aperçu statistique de notre main-d'oeuvre nationale dans le domaine du cinéma, de la télévision et des médias. Le cadre de travail nous a permis, pour la toute première fois, de voir qui travaille, de savoir comment nous travaillons et de mieux saisir l'étendue de nos compétences dans un secteur qui se mondialise de plus en plus.

    Aujourd'hui, j'aimerais vous présenter quelques-uns des faits saillants de l'étude et certaines des questions qui y sont soulevées. Votre comité voudra sans doute examiner l'étude pour y trouver d'autres éléments. Vous constaterez que l'étude traite de toutes sortes de choses, de la taille des entreprises, de leur emplacement, de leurs activités principales. C'est une étude très approfondie. Elle aborde également la participation des femmes, des minorités visibles, des Autochtones et des personnes handicapées et s'attarde aux compétences recherchées et aux compétences qui seront nécessaires dans le futur.

    Nous sommes très encouragées de constater que l'examen de la politique sur les long métrages fait par votre comité permanent tient compte de la nécessité de développer nos créateurs de talent et de la nécessiter de favoriser la diversité en matière de films canadiens. Si nous devons nous donner une industrie cinématographique viable, nous devons tenter d'utiliser et de développer notre ressource la plus importante, c'est-à-dire notre capital intellectuel. En d'autres mots, nous devons nous poser les questions suivantes : Est-ce que nous utilisons les compétences et le talent de toutes les populations du Canada? Les Canadiens participent-ils pleinement au paysage culturel? Est-ce que les artistes, les entrepreneurs et les artisans de reliés à nos longs métrages ont les compétences pour livrer une concurrence équitable sur le marché mondial face à l'évolution impressionnante de la technologie et des entreprises?

    D'autres marchés dans le monde se posent les mêmes questions. À ce propos, Skillset de Grande-Bretagne est un magnifique exemple de partenariat secteur public-secteur privé qui fait suite au désir du gouvernement du Royaume-Uni de s'assurer que sa main-d'oeuvre est inclusive, qu'elle est prête et qu'elle est compétitive sur une base internationale. Il s'agit d'un projet considérable qui mérite qu'on s'y arrête compte tenu du peu d'attention qu'on y a porté jusqu'à maintenant.

    Si nous voulons que cette industrie prenne de l'expansion, nous devrons nous arrêter à ces aspects. De fait, l'étude en arrive à la conclusion qu'il y a des lacunes graves dans le développement de nos gens de talent dans le domaine du long métrage. Il y a une sous-représentation importante de tous les groupes visés par l'équité en matière d'emploi et il y a des pénuries de compétences à l'échelle du pays.

    Compte tenu que la technologie numérique, la mondialisation et l'évolution de la population canadienne transforment tout cet aspect, les lacunes prendront de l'importance au fil des ans si on n'y prend garde, et elles auront des effets négatifs sur la productivité, sur le succès économique et sur la viabilité culturelle.

    Permettez-moi de vous donner quelques exemples. En ce qui a trait à la différence entre les sexes, qui est une des priorités principales de WIFT-T, nous constatons que les femmes sont mieux représentées au sein de l'industrie du cinéma et de la télévision qu'elles ne l'étaient il y a 15 ans, époque à laquelle notre organisme a fait une étude sur la participation des femmes. Toutefois, les femmes sont à peu près exclues de tous les postes de création principaux et elles sont encore immensément sous-représentées chez les cadres supérieurs et dans le milieu technique. Seulement 10 p. 100 des membres de La Guilde canadienne des réalisateurs, section réalisateurs, sont des femmes. Ce n'est pas là un reflet de La Guilde. La Guilde est notre plus grande source de soutien et elle est aussi un de nos partenaires. C'est plutôt le reflet d'une tendance plus globale de l'industrie. Le réalisateur est celui qui a le rôle créatif le plus important au cinéma et, de toute évidence, les femmes n'en sont pas. Elles ne représentent que 15 p. 100 des opérateurs de caméra cinématographique et vidéo, un autre poste de grande influence en matière de création. Les femmes ne représentent que 27 p. 100 des cadres supérieurs dans l'industrie du cinéma et de la vidéo. Les femmes entrepreneures ont du mal à créer et à développer leurs propres compagnies; elles ne représentent que 27 p. 100 des grands propriétaires de sociétés de production.

Á  +-(1115)  

    Les femmes doivent avoir des chances égales de partager leur vision et de faire connaître leurs idées. Bien entendu, il est économiquement sensé de recourir à notre gamme complète de gens de talent.

    L'étude contient beaucoup d'information sur les autres groupes visés par l'équité en matière d'emploi. Je note au passage que les membres de minorités visibles, les Autochtones et les personnes handicapées sont sous-représentés dans l'ensemble du secteur du film et de la vidéo. Par exemple, les membres de minorités visibles ne représentent que 5,6 p. 100 des cadres supérieurs du secteur de la cinématographie et de la vidéo, mais ils représentent 12,6 p. 100 de la main-d'oeuvre canadienne. Les Autochtones et les personnes handicapées éprouvent sensiblement les mêmes difficultés. Sur une note plus positive, il est bon de savoir que nous disposons maintenant d'une étude qui établit des repères et que l'industrie manifeste beaucoup d'intérêt en faveur de changements.

    Les questions qui concernent les femmes ne sont pas très à la mode aujourd'hui. Nous sommes plutôt surprises par les résultats, parce que les récits et les sujets proposés par les femmes sont généralement de bonne tenue. Il s'agit là d'un problème grave qui, selon nous, mérite plus d'attention.

    En ce qui a trait aux lacunes en matière de formation, l'autre volet de l'édification d'une main-d'oeuvre compétente et du développement de notre base de gens de talent, l'étude indique que des changements importants ont des conséquences pour les cinéastes canadiens, et cela à tous les niveaux. Les cinéastes doivent être de plus en plus polyvalents, avisés au plan technique et capables d'accomplir une foule de tâches qui, traditionnellement, constituaient des domaines spécialisés, peu importe qu'il s'agisse d'effets spéciaux numérisés ou d'édition non linéaire—il doivent parfois utiliser eux-même la caméra—sans parler de tâches plus complexes comme la prospection, le financement et la mise en marché internationale.

    Tout cela découle principalement de deux éléments du développement technologique. L'édition d'un film était autrefois un travail très, très spécialisé qui ne pouvait être fait que par des monteurs professionnels—ce travail se fait encore à l'extérieur— et de plus en plus, le premier montage se fait maintenant à l'interne en raison de la technologie numérique qui est si peu dispendieuse. À titre anecdotique, je peux vous dire que nous avons constaté ces changements partout.

    Aujourd'hui, les attentes de nos cinéastes sont très élevées et la pression qui s'exerce sur l'industrie est déjà très nette. Quarante pour cent des compagnies de production de films et d'émissions de télévision du Canada disent avoir éprouvé de la difficulté à trouver des personnes ayant les compétences requises. La pénurie se manifeste surtout dans les secteurs techniques, commerciaux et financiers, les secteurs mêmes où il y a aura une croissance exponentielle dans le futur.

    Notre stratégie en matière de longs métrages permettra-t-elle d'aborder ces problèmes? Selon nous, il devrait en être ainsi et nous sommes heureux que votre comité ait adopté une approche holistique à la politique du long métrage. Si nous voulons que se développe une industrie canadienne du long métrage, et si nous souhaitons que cette industrie connaisse du succès au pays et partout dans le monde, nous devons nous concentrer sur notre ressource la plus importante, notre capital humain. L'économie du savoir ne consiste pas à faire la récolte de diamants; nos diamants à nous sont les artistes, les entrepreneurs et les artisans compétents.

    Par conséquent, il faudra nous tourner davantage du côté des femmes et leur accorder un soutien plus important, parce qu'elles risquent fort d'être laissées pour compte. Pour cela, il faudra intégrer la diversité culturelle en tant que question essentielle en matière de ressources humaines et culturelles dans toute la planification de politique, un aspect que vous connaissez mieux que moi. Il faudra aussi se servir de l'étude comme repère pour continuer de mesurer la diversité, y compris les différences entre les sexes, au sein de l'industrie cinématographique canadienne.

    Finalement, il faudra élaborer une stratégie nationale innovatrice en matière de formation et une stratégie d'apprentissage continue, qui soit financée de manière convenable, qui tienne compte de la réalité d'une industrie qui est dominée par des micro-compagnies et des artistes indépendants n'ayant aucun accès à une formation professionnelle, une approche qui reconnaisse la nécessité d'une formation abordable, accessible pour les artistes à tous les stades de leurs carrières, et non seulement en début de carrière.

Á  +-(1120)  

    Je termine en vous disant qu'il y a une très grande concentration de main-d'oeuvre du film et de la télévision et de compagnies de production et de distribution à Toronto.

    L'étude est beaucoup plus importante que ce que je viens d'aborder et vous pourriez la trouver intéressante.

    Merci beaucoup. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Brown.

+-

    M. Gord Brown (Leeds—Grenville, PCC): Merci, madame la présidente.

    Tout ce processus a été très intéressant. Après avoir entendu les porte-parole de divers segments de l'industrie du film, je constate qu'il y a une grande divergence de vues. Ce qui nous intéresse le plus, c'est d'entendre parler de recommandations et d'améliorations potentielles pour chacun des composants. Je commencerai donc par M. Dales. Y a-t-il quelque chose, selon vous, que nous devrions faire de manière spécifique pour améliorer les politiques relatives à votre secteur?

+-

    M. Doug Dales: Je voulais surtout vous rappeler ce que tout ce que Patrimoine canadien a fait au fil des ans pour assurer la promotion du secteur de la production canadienne est très bien.

    Votre comité a entendu de nombreux commentaires au sujet de la décision rendue en 1999 par le CRTC. De nombreuses composantes, notamment en matière de diversité, sont des questions précises qui concernent le secteur de la production. Elles sont assez mineures comparativement au fait que les Canadiens voient des films canadiens à plus grande échelle. En attendant que cela se produise, l'industrie aura toujours besoin de subventions importantes. Elle sera toujours un citoyen de deuxième classe du point de vue du contribuable; on donne des fonds aux cinéastes pour qu'ils se tiennent tranquilles.

    Il se fait de grands films. Nous avons fourni de l'équipement pour des productions merveilleuses. Nous avons également fourni de l'équipement pour des productions qui auraient tout avantage à tomber dans l'oubli, ce qui feraient le bonheur de tout le monde, y compris les cinéastes et leur réputation. Mais il y a de grands films sur le marché qui méritent d'être vus. Les cinéastes qui les ont tournés méritent que leurs films soient vus et reconnus.

    Pour ce qui est des exploitants et des distributeurs et aussi des entreprises publiques et privées qui doivent s'assurer que leurs actionnaires touchent un rendement intéressant, il faudrait inciter les Canadiens à sortir et à voir ces films. Selon moi, la seule façon d'y parvenir est de consacrer des sommes importantes pour les activités de vente et de commercialisation de ces productions. À long terme, cela apportera une stabilité à l'ensemble de l'industrie, y compris à mon secteur qui, comme je l'ai dit plutôt, compte sur des capitaux importants.

+-

    M. Gord Brown: Ma prochaine question s'adresse à Mme Kate Hanley. Quels sont, selon vous, les éléments qui empêchent les femmes d'accéder à l'industrie? S'agit-il d'obstacles différents de ceux auxquels sont confrontées les femmes dans la société en général, qui empêchent les femmes d'occuper des postes de leadership ou qui limitent le nombre de celles qui peuvent y accéder? Quelles seraient vos recommandations pour aider davantage de femmes à s'intégrer à l'industrie et à y occuper des postes de leadership?

+-

    Mme Kate Hanley: Selon moi, le problème n'est pas tant d'inciter les femmes à entrer dans l'industrie que de résoudre le problème de la diversité culturelle. Le grand problème, comme vous l'avez dit, est de permettre aux femmes d'occuper des postes de leadership et des postes de technicien.

    Selon notre expérience, il faut bien souvent une approche très holistique, assortie de mesures de soutien et d'incitatifs. Pour le moment, nous ne souhaitons pas commenter cet aspect, mais il nous ferait plaisir de collaborer avec un groupe plus important pour en discuter. Par ailleurs, nous estimons qu'il serait très important à ce stade-ci qu'il y ait un programme de mentorat et de formation relativement intensif. Vous le savez bien, quiconque veut accéder à un rôle de leadership ne peut se contenter d'un cours à l'Institut Ryerson. On parle toujours d'une industrie où il y a des gens de l'intérieur et des gens de l'extérieur. Les éléments qui permettent aux femmes d'atteindre ces niveaux sont le mentorat intensif, la formation intensive en vue du développement de carrière, du leadership et de la créativité. Tout cela est bien sûr lié aux opportunités.

    Permettez-moi de vous donner un exemple. Une des choses que nous faisons, même si elle ne règle pas le grand problème et qui donne des résultats, est d'offrir un programme de mentorat aux réalisatrices pleines de potentiel et dont un court métrage a été présentés dans au moins un grand festival du film. Nous les jumelons à un mentor—cette année avec Mme Patricia Rozema, une grande cinéaste, et aussi avec M. Dan Lyon, un de nos grands chefs de production. Le but du mentorat est de préparer les réalisatrices et les autres femmes à participer au Festival du film international de Toronto. Selon mois, c'est un festival auquel un très petit nombre de cinéastes du Canada sont en mesure de participer, non parce que le festival ne les accueille pas, mais parce qu'il y a si peu d'infrastructure que peu de personnes sont en mesure de bien travailler dans un festival du genre.

    Ce sont là les choses qui doivent être faites.

    Deuxièmement, si vous démystifiez tout ce secteur et que vous érigez une infrastructure, vous créerez des opportunités pour tout le monde. Ainsi, nous pourrons offrir de meilleurs débouchés, les offrir à un plus grand nombre de réalisatrices, ce qui nous permettra d'envisager des personnes qui ont déjà d'autres fonctions au sein de l'industrie, qui ont une vision créatrice, qui veulent aller de l'avant et assumer un certain leadership.

    Nous avons la chance de travailler à un grand projet avec nous une réalisatrice qui est membre de La Guilde et qui voulait tourner un premier long métrage. Elle a passé 15 ans au sein de l'industrie à titre d'assistante-réalisatrice, une assistante-réalisatrice de haut niveau qui avait le plus grand mal à comprendre d'un point de vue commercial comment tout fonctionnait, simplement parce qu'il y a si peu d'infrastructure pour la connaissance et l'apprentissage.

    Il s'agit donc de travailler dans une relation de un à un, d'établir des mentorats, de créer des débouchés, de développer une infrastructure d'apprentissage pour que tous et toutes, quelle que soit leur provenance, aient accès à l'information très complexe requise pour comprendre comment faire un long métrage d'un point de vue commercial.

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    M. Gord Brown: D'accord. Y a-t-il eu un appui important de la part du secteur privé pour le mentorat ou les bourses d'études, ou pour un programme d'aide quelconque?

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    Mme Kate Hanley: Oh oui.

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    M. Gord Brown: Pouvez-vous nous donner des précisions, s'il-vous-plaît?

+-

    Mme Kate Hanley: Certainement. Il est très important de comprendre que c'est La Guilde des réalisateurs, région de l'Ontario, qui est venue nous voir et qui nous a dit « Nous disposons d'un fonds établi par nos membres pour le développement de l'industrie, pour le développement des membres, et nous aimerions utiliser une partie de ce fonds pour que vous puissiez construire un site Web qui soit un guide interactif pour les réalisateurs qui en sont à leur premier et à leur deuxième long métrage sur la façon de faire un long métrage ». Cela est merveilleux parce que c'est La Guilde qui s'est manifestée et elle a reçu l'appui du gouvernement de l'Ontario avec Trillium. Au niveau fédéral, ce genre d'appui n'existe pas.

Á  +-(1125)  

+-

    M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, PCC): Téléfilm fait un excellent travail et nous apporte un appui très apprécié. Il y a aussi le mentorat dont nous avons parlé avec Mme Patricia Rozema, en rapport avec Kodak.

    Je crois que WIFT-T regroupe une soixantaine de partenaires, mais ce qui nous manque, c'est le financement stable dont profitent certaines écoles nationales reconnues pour nous permettre d'effectuer une percée et de faire le travail qui doit être fait.

    Parallèlement à la question des femmes, nous administrons une école qui tourne à longueur d'année. Nous avons offert 300 heures de formation, parce que c'est ce dont les membres avaient besoin, puis parce que le reste de l'industrie voulait y participer. L'an dernier, quelque 3 000 personnes ont assisté à nos cours. Voilà qui en dit long sur la question des femmes et des minorités visibles. Plus on peut développer l'infrastructure, plus il est possible de donner la formation et d'assurer le développement. Ce n'est pas tout, mais cela fait partie de nos efforts pour accroître la diversité et l'égalité entre les personnes.

+-

    M. Gord Brown: Merci, madame la présidente.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Madame Bulte.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: Merci.

    Monsieur Dales, j'ai trois questions à vous poser concernant vos observations sur la commercialisation et la promotion. Ce que vous avez dit était intéressant, et j'ai tendance à être d'accord avec vous : on obtient davantage avec une carotte qu'avec un bâton, dans toutes les situations.

    Hier, le chef de ThinkFilm, un des distributeurs du Canada, était parmi nous. Il nous a dit que les distributeurs canadiens ne peuvent pas faire la commercialisation et la promotion comme le font les studios américains, faute de moyens financiers. Il y a sans aucun doute consensus autour de cette table à ce sujet. Il a aussi parlé d'autres façons de faire la promotion et la mise en marché et donné un exemple où on a incité les gens à voir un film qu'il distribuait en leur accordant une remise de 50 p. 100 sur le prix d'un billet. Voilà une façon peu conventionnelle de faire les choses.

    Je suis d'accord avec vous, le problème est considérable. M. Jack Blum est venu ici, au nom du conseil d'administration du Festival du film de Toronto mis sur pied par le maire Miller, pour nous parler d'idées innovatrices comme d'aller dans les écoles pour tenter d'élaborer ou de bâtir des publics. Nous avons aussi l'exemple du Royal Conservatory et de leur initiative Learning Through the Arts, qui vise d'autres fins, mais qui passe par le système d'éducation.

    Je cherche d'autres exemples spécifiques de façons de faire différentes pour accéder aux budgets de promotion de millions de dollars des studios américains. Je veux savoir si vous avez quelque chose en tête. Avez-vous des suggestions en ce qui a trait à la carotte ou aux incitatifs que nous pourrions offrir aux distributeurs à cet effet?

    Il y a deux semaines, j'ai parlé dans une école du travail de notre comité concernant le film canadien. J'en ai déjà parlé. Un élève de 11e année m'a regardé et à dit « Des films canadiens? Où y a-t-il des films canadiens? ». Ils en connaissaient un. Quand je leur ai demandé de nommer un film canadien, ils ont répondu La Grande Séduction. Comme par hasard, c'était dans une classe de français, mais cela n'a pas d'importance. Le fait est qu'un élève de 11e année qui vit dans un milieu presque complètement anglophone connaissait le film La Grande séduction.

    Manifestement, il y a un problème et si seulement nous pouvons entrer dans les écoles. Mais je vous prie de bien vouloir m'appuyer avec des choses plus précises. Nous pouvons toujours nous adresser à Mme Oda. Vous n'avez pas à répondre dès maintenant, mais quel genre d'incitatif pourrions-nous offrir? Quelle façon différente de faire la promotion pensez-vous que nous pourrions recommander ou endosser?

Á  +-(1130)  

+-

    M. Doug Dales: Ma préoccupation principale est la stabilité de l'industrie. L'industrie canadienne peut avoir une certaine stabilité. Pour le moment, elle est instable parce qu'elle n'est pas axée sur le marché; elle est davantage dépendante de subventions. L'industrie américaine n'a aucune stabilité, du moins selon moi. Par contre, les affaires sont bonnes mais l'industrie n'est pas particulièrement stable.

    La question tourne autour du financement pour la commercialisation, mais il y a aussi une question d'expertise. Les Américains savent vraiment comment promouvoir leurs produits. Ce n'est pas que l'emballage. C'est plutôt la façon dont on fait la promotion, la façon dont on met en marché un film canadien. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que les distributeurs canadiens n'ont pas les moyens pour y arriver. Je ne connais pas la meilleure façon d'y arriver, mais je puis identifier le problème sans toutefois être capable de trouver la solution. Vous êtes les technocrates et je ne sais pas ce que vous feriez d'un point de vue de politique.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: Vous êtes le spécialiste.

+-

    M. Doug Dales: Non, désolé, je ne suis expert que dans un domaine. Je puis vous dire, du point de vue de l'industrie, qu'il faut une stabilité à long terme et que c'est la seule façon d'y arriver.

    Peut-être y aurait-il lieu d'établir un fonds de commercialisaiton distinct au sein de Téléfilm, un fonds qui serait égal au budget de production. Je ne crois pas que la solution en soit une de 30 secondes, je crois plutôt qu'il s'agit d'une solution dans une perspective de 5, 10 ou même de 15 ans. Le problème est semblable à celui qui caractérisait la radio canadienne il y a une trentaine d'années. Aujourd'hui, personne ne pense, mais le problème en était un d'importance dans les années 60 alors que la question du contenu canadien a fait surface dans le domaine de la radio.

    Je vous dirai que les projets comme celui de l'école secondaire de Toronto—auquel travaille M. Jack Blum et auquel je collabore aussi—sont le genre de choses qui auront des retombées à long terme. C'est un programme qui coûte relativement peu, compte tenu de sa portée. Si vous faisiez de même à l'échelle du pays pendant dix ans, vous auriez des gens intéressés et vous auriez des enfants intéressés à aller voir des films canadiens, du moins je crois bien. C'est cela qu'il faut faire. C'est carrément du marketing, c'est-à-dire la création d'un contexte qui permet d'aller voir un film canadien. C'est cela qu'il faut et non seulement un geste que l'on pose uniquement parce que on y est obligé.

Á  +-(1135)  

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: Certainement, on nous a dit partout au pays que le marketing est la clé, et même l'ONF l'a abordé en parlant des cinémas virtuels et du potentiel que cela représente. Nous avons entendu parler du travail du Festival du film international de Toronto pour le circuit cinématographique, et ce travail est considérable, mais tout de même limité. Nous disposons d'un certain nombre de pratiques exemplaires. J'estime que nous nous tournons vers vous et votre industrie non seulement pour que vous nous fassiez part des problèmes, mais que vous nous aidiez à y trouver des solutions. Comme l'a fait plus tôt Mme Oda, je vous encourage, vous les témoins, à nous soumettre des idées un peu plus tard sur la façon d'améliorer la situation.

    De toute évidence, le message semble être qu'il faut investir davantage dans le développement et dans la commercialisation. Grâce à la politique canadienne du long métrage, nous sommes, semble-t-il, parvenus à réunir des outils pour que la production ait lieu. Par contre, que faisons-nous pour l'autre aspect?

+-

    Mme Kate Hanley: Si nous cherchons des pratiques exemplaires, et compte tenu de ce que nous avons pu observer en matière de formation et de soutien des femmes, le Québec est véritablement le centre d'intérêt. Nous discutons souvent de la barrière linguistique et de la facilité relative pour le Québec d'aller de l'avant parce que sa langue n'est pas la même que celle des États-Unis. Ce sont là des réalités. De même, le Québec a une compréhension très avancée de la commercialisation à la base : par exemple, on amène les vedettes en un autobus pour quelles participent à des dîners au spaghetti dans les régions éloignées, avant même de songer à faire le marketing à Montréal.

    Ce n'est pas tout, bien sûr, et nous ne voudrions pas dire une telle chose mais il faut bien admettre que le Québec fait des choses intéressantes et qu'il faudrait le consulter. Au Québec, on fait également des promotions croisées. Les émissions de cuisine qui sont présentées à la télévision sont co-animées par des vedettes du cinéma, ce qui est une autre façon de créer un lien entre le public et les vedettes.

    Des émissions de télévision et des spectacles comme Corner Gas et Trailer Park Boys permettent de constater que les gens sont très intéressés à des récits intensément canadiens qui ne sont pas faits nécessairement avec de gros budgets. Nous devons offrir au public la possibilité de développer cette loyauté et cette confiance envers les artistes.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: Je vous prie de m'excuser, j'ai dû m'absenter. Dites-le-moi si je reprends les propos de M. Brown.

    En ce qui a trait à la formation, en quoi la vôtre diffère-t-elle de celle qui est offerte par l'Institut national des arts de l'écran ou par le Centre canadien du film?

+-

    Mme Kate Hanley: La formation que nous offrons est assez différente et elle a été élaborée en fonction d'un besoin. Il faut considérer la formation comme un continuum. Nous menons des projets en partenariat avec le Centre canadien du film, un organisme qui fait un travail incroyable. Nous collaborons aussi avec l'Institut national des arts de l'écran.

    Les gens vont au Centre canadien du film pour y recevoir une formation qui dure des mois. Il s'agit principalement d'un centre de formation en création, extrêmement important et essentiel, qui accueille, en général, des gens en début de carrière. Il y a aussi l'Institut national des arts de l'écran, qui suppose un engagement moins rigoureux. Ceux qui le fréquentent n'ont pas à laisser leur emploi, mais chacun doit s'engager à suivre le programme offert, souvent pendant une année entière. Le Centre s'adresse surtout à ceux et à celles qui ont été au Centre canadien du film et qui tournent présentement leur premier film. Dans ce contexte, ils recevront un soutien important.

    Nous avons commencé par des gens de niveau élémentaire, puis il y a eu des gens de niveau intermédiaire qui travaillaient, qui avaient un court métrage à leur actif et qui avaient peut-être même tourné un long métrage et qui avaient besoin d'une formation brève, abordable et accessible après les heures de travail. Il faut que ce soit des professionnels de l'industrie qui donnent la formation parce que celle-ci doit être à la fine pointe des changements qui surviennent au sein de l'industrie. Elle ne peut être coûteuse parce que ces gens n'ont pas beaucoup d'argent. Nous avons eu 3 000 participants et ils en redemandent.

    Au début, nous avons amorcé notre travail avec des groupes de spécialistes mais les participants nous ont dit qu'ils préféraient des instructeurs particuliers. Après tout, ce sont des cinéastes. Nous ne pensions pas qu'ils voudraient, vous savez, avoir un pupitre, travailler avec PowerPoint, que nous leur remettions des documents. Ils veulent apprendre.

    En ce qui a trait à la commercialisation et à la distribution, le manque de compétences dans ce domaine, le manque de compétences commerciales très poussées, nécessaires pour survivre, n'est qu'une très petite partie du problème.

    Nous abordons donc ce travail à long terme et c'est ce qu'il faut reconnaître. La formation que vous recevez en début de carrière ne sera pas suffisante pour la suite de votre carrière.

Á  +-(1140)  

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: D'où recevez-vous votre financement?

+-

    Mme Kate Hanley: Nous avons une soixantaine de partenaires. Nous recevons des fonds d'un tel ou d'un tel. Seul le ministère de la Culture de l'Ontario nous accorde un financement de base, mais vraiment un financement minimum. Autrement, notre financement de projet nous vient d'un peu partout. Il est difficile d'aider l'industrie de la façon dont nous le faisons présentement sans qu'il y ait de stabilité.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: Obtenez-vous quelque chose du gouvernement fédéral par l'entremise de RHDC?

+-

    Mme Kate Hanley: Non.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: Obtenez-vous des fonds fédéraux? Je cherche une enveloppe qui pourrait peut-être vous aider.

+-

    Mme Kate Hanley: Je vous dirai qu'il y en a pas vraiment. Idéalement, cette enveloppe éviterait de priver des organismes existants, des institutions que nous aidons entièrement et qui ont besoin d'un engagement supérieur pour la formation. J'estime que Patrimoine canadien doit prendre l'initiative parce qu'il s'agit d'une industrie culturelle, très spécifique.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: Merci.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Schellenberger.

+-

    M. Gary Schellenberger: Merci.

    Je n'ai que quelques questions à poser et Mme Bulte vient tout juste de poser la question que je m'apprêtais à poser, celle qui concerne les écoles nationales de formation. Nous avons entendu dire qu'elles espéraient être en mesure de donner toute la formation. D'accord, il y a une formation à divers niveaux qui peut-être ne peut pas être morcelée. J'ai donc écouté votre réponse.

    J'aimerais commenter sur un aspect de votre réponse, soit sur le fait que l'industrie du film francophone amène ses vedettes en autobus à des dîners au spaghetti ou quelque chose du genre. J'estime que ce moyen d'établir la loyauté et l'ingéniosité dont fait preuve pour aider l'industrie du film devrait exister ailleurs. Nous devons chercher des solutions hors des sentiers battus. Il est remarquable qu'une industrie qui fonctionne à partir d'idées, de rêves et de récits soit incapable de faire quelque chose de différent pour faire connaître ses films.

    Je viens d'une petite ville située en bordure de Stratford, en Ontario, et certaines choses me reviennent constamment à l'esprit concernant les films canadiens. À la bibliothèque, un groupe a fait la projection de films canadiens uniquement, une fois par mois me semble-t-il. Peut-être devrions-nous faire la promotion de tels événements même à l'extérieur des bibliothèques et peut-être aussi dans des endroits plus considérables. Une telle initiative pourrait se tenir sur une base régulière.

    En ce qui a trait aux autres aspects, j'ai vu les chiffres que vous citez et j'entends parler de pourcentages et ainsi de suite. Laissez-vous entendre qu'il y a un système de quota pour l'emploi de femmes ou membres de minorités visibles ou quelque chose du genre? Pour une industrie qui table sur le talent et les compétences, j'estime que c'est aller à l'encontre du but poursuivi.

+-

    Mme Kate Hanley: Permettez-moi de préciser ma pensée. Pour le moment, nous ne proposons aucun remède particulier. Toutefois, nous estimons que les femmes doivent faire partie de toute discussion sur la question. Il y a eu des discussions très importantes sur la diversité culturelle mais il faut que les femmes puissent à cette table de discussion pour parler de ce qui donnera des résultats. Aujourd'hui, nous ne sommes pas en mesure de donner un conseil, mais nous pensons qu'il y a des solutions et même de très bonnes solutions. Il doit y avoir un débat sérieux sur la question. Dans ce contexte, je n'exclurais pas les incitatifs.

+-

    M. Gary Schellenberger: D'accord. Vous avez suggéré que nous établissions un programme d'apprentissage pour améliorer les compétences des femmes qui pourront par la suite progresser et occuper des postes plus importants. En ce qui a trait au rôle que vous jouez actuellement, avez-vous l'impression d'être le véhicule approprié pour améliorer ces compétences?

Á  +-(1145)  

+-

    Mme Kate Hanley: Je n'y ai jamais pensé. Le sommes-nous? Oui, je crois que oui. Je vous dirais que nous sommes très représentatifs. Il n'y a aucune autre organisation pour femmes qui représente l'industrie du divertissement. L'Association des femmes en communications, un groupe très important, représente le secteur de la radiodiffusion, de la câblodistribution et des télécommunications. Nous sommes donc les seuls à nous consacrer à la progression, à la promotion des femmes dans le domaine du film, de la télévision et, dans une moindre mesure, des nouveaux médias.

+-

    M. Gary Schellenberger: Quand vous avez parlé des Autochtones ou des minorités visibles, parliez-vous uniquement en ce qui a trait aux femmes, dans votre cas?

+-

    Mme Kate Hanley: Oui. Le quart de nos membres proviennent des minorités visibles, et nous avons l'impression que notre travail est plus utile si nous faisons de la recherche et si nous faisons la promotion des femmes autochtones, des femmes provenant de minorités visibles, de femmes qui sont des bagarreuses, c'est-à-dire, comme vous l'imaginez bien, tout le bazar. Leur cheminement sera rude.

+-

    M. Gary Schellenberger: D'accord. Je refile ma question à Bev.

+-

    Mme Bev Oda: J'aimerais avoir des clarifications sur un point. Comme vous le savez, je connais très bien le WIFT-T. Vous considérez-vous comme une organisation nationale? Deuxièmement, Téléfilm dispose d'un petit budget pour la formation. Êtes-vous exclus de l'utilisation de ces fonds en raison de certains critères?

+-

    Mme Kate Hanley: Permettez-moi de répondre à la première question. Le WIFT a fait ses débuts à Toronto. Il s'agit d'un réseau international mis sur pied en fonction de centres de production. Nous sommes le troisième chapitre en importance parmi les 40 qui existent, et nous venons derrière Los Angeles et New York. Il existe d'autres chapitres du WIFT au Canada, mais nous sommes le plus important.

    Puisque nous sommes dans un centre de production du Canada, et ce n'est certainement pas le seul, mais tout de même un centre très important, nous avons commencé à entreprendre de plus en plus de tâches nationales. Nous assurons une formation à l'échelle nationale et cette formation permet aux candidates d'aller à Téléfilm; nous faisons aussi de la recherche nationale et nous avons nos prix Crystal qui font la promotion de l'excellence chez les femmes au sein de l'industrie. Ce sont toutes des activités nationales et essentielles.

    En ce qui a trait à votre seconde question, Téléfilm a fait preuve de générosité à notre endroit. Nous sommes admissibles à leurs plus petites activités de développement professionnel axées sur des projets. Au début, nous étions actives à l'échelle régionale, mais par la suite, Téléfilm nous a permis de porter notre action à l'échelle nationale. Toutefois, pour mener des projets à l'échelle nationale, nous devons déployer des effort considérable pour attirer des gens de partout au pays. Dans certains, cela est très valable.

    Par contre, notre organisme est exclu du financement pour la formation de groupe quotidienne que se donne à Toronto. Nous sommes également exclus du financement opérationnel en raison des critères qui ont été établis et parce que les écoles qui obtiennent le financement en ont besoin. Nous ne voudrions pas qu'elles aient moins d'argent pour que nous puissions en avoir un peu. Cela ne serait pas très utile. Nous estimons qu'il devrait y avoir une expansion et une reconnaissance de ce qui se fait.

+-

    Mme Bev Oda: Merci.

+-

    La présidente: Merci

    Monsieur Lemay.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: J'ai une question à poser à Mme Kate Hanley. Je n'ai rien vu dans votre rapport qui concerne le Québec. Je crois effectivement que nous sommes différents, mais le sommes-nous à ce point? Je suis un peu surpris. Rien dans l'étude ne parle de la situation au Québec. Est-ce volontaire?

[Traduction]

+-

    Mme Kate Hanley: Je vous prie de m'excuser, mais je ne maîtrise pas bien le français.

Á  +-(1150)  

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Très bien, nous procéderons lentement.

[Traduction]

    Voudriez-vous avoir tout cela en anglais?

+-

    Mme Kate Hanley: Ce serait très utile, oui.

+-

    M. Marc Lemay: Aucun problème. Je me demande pourquoi il n'y a rien dans vos rapports concernant la situation au Québec.

+-

    Mme Kate Hanley: Oh, notre rapport a une portée nationale, nous nous en sommes assurés. Je dois d'abord préciser que tous les travaux de recherche, la recherche primaire et les enquêtes ont été traduits en français. Nous avons élaboré notre liste d'intrants à partir de personnes du Québec pour nous assurer que les personnes que nous allions sonder étaient représentatives.

    L'étude plus vaste comporte des éléments régionaux et vous constaterez que le Québec en fait partie. Vous constaterez également que nous avons parlé avec les représentants des principaux syndicats et guildes du Québec.

    L'étude a été publiée en français également. L'étude complète existe en français, de telle sorte que nous avons véritablement pris toutes les mesures possibles pour nous assurer d'examiner l'ensemble de la situation au pays.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Ce n'est pas un reproche par rapport à la traduction. Il m'apparaît que la situation au Québec est différente. L'exemple qui me vient immédiatement en tête est celui de Denise Robert, productrice des Invasions barbares et propriétaire d'une firme de marketing. Je me demandais si votre association avait une composante québécoise.

[Traduction]

+-

    Mme Kate Hanley: Oh, désolée. Oui, il y a un chapitre WIFT-Montréal.

    Il est intéressant que vous mentionniez Mme Denise Robert, la personne qui m'a renseignée sur les dîners au spaghetti. Elle faisait partie d'un comité dont tous les membres cherchaient à maîtriser les questions de distribution et de commercialisation et elle a dit « Eh bien, voici ce que nous faisons et ça donne des résultats ». Elle a été merveilleuse pour nous fournir des renseignements.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Merci.

+-

    La présidente: C'est tout?

+-

    M. Marc Lemay: Oui.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Simms, je vous céderai la parole bientôt parce que vous avez été lésé à la dernière ronde.

+-

    M. Scott Simms: On me coupe toujours l'herbe sous le pied, mais cela n'a pas d'importance.

    Je n'ai qu'une question rapide à vous poser.

    Monsieur Dales, j'aimerais parler d'infrastructure en ce qui a trait aux studios et à l'équipement dont vous disposez. Je viens du secteur de la télévision et j'ai une certaine compréhension de l'industrie cinématographique, mais pas suffisamment bonne. J'essaie simplement de me faire une idée des besoins d'infrastructure d'une ville qui constitue un bon choix pour le tournage d'un film et du type d'équipement nécessaire. J'estime que Toronto a tout cela de même que Vancouver, Montréal et plusieurs autres régions.

    Je me demande quel est le niveau de difficulté de tourner des productions canadiennes dans des régions éloignées compte tenu que l'infrastructure n'est pas toujours appropriée.

+-

    M. Doug Dales: Selon moi, il y a deux volets à cela : il y a d'abord l'infrastructure que l'on peut transporter et ensuite l'infrastructure permanente ou fixe, ainsi que vous pourriez l'appeler. Il y a un aspect économique aux deux types d'infrastructure.

    Il est très difficile d'avoir un grand plateau de tournage. Comme la région du Canada atlantique le sait très bien, il est très difficile d'avoir de grands plateaux de tournage qui soient rentables, parce qu'il n'y a pas suffisamment de travail pour les rentabiliser. De fait, c'est le cas presque partout, sauf à Montréal, à Vancouver et Toronto. Le problème est le même en ce qui a trait à l'infrastructure fixe que constituent les industries des services généraux, de l'hôtellerie, de la restauration et ainsi de suite. Quand une équipe de production de l'étranger se présente, l'infrastructure existe déjà.

    En ce qui a trait à l'infrastructure transportable, c'est ce que nous faisons. Nous envoyons notre équipement non seulement partout au Canada et aussi dans plusieurs pays du monde où nous avons tourné des films. Cette infrastructure est raisonnablement transportable. Ce n'est pas une industrie, c'est du tournage sur place. Il est plutôt inconcevable que quiconque construise un laboratoire et une installation de postproduction de la taille de Delux ou Technicolor à Toronto, ou de Rainmaker à Vancouver, ou d'un quelqu'autre laboratoire à Montréal. Il est également assez inconcevable qu'il y ait suffisamment de travail où que ce soit, ailleurs que dans les grands centres urbains.

    Mon dernier point serait qu'il y ait une base de gens de talent et d'équipes techniques. À Toronto, à Vancouver et à Montréal, il y a d'importantes structures de soutien qui permettent de tourner plusieurs films au même moment.

    Au Canada, il est plutôt curieux que l'infrastructure au niveau du personnel ait été installée à Halifax, à Winnipeg et, dans une moindre mesure, à Calgary, à Regina et, plus récemment, à Terre-Neuve. Je me demande s'il y aura jamais une industrie capable de survivre dans ces marchés. Il y a certainement de bons films qui sont tournés dans ces endroits et on y trouve de bonnes ressources.

    Je m'attendrais à ce que le coeur de l'industrie se trouve dans les grands centres urbains, là où il y a abondance de gens de talent et là où se trouvent les ressources pour tirer profit de ce talent. Cela étant dit, vous pouvez déplacer les gens en cas de besoin et vous pouvez envoyer votre film dans les laboratoires de Toronto ou de Montréal pour le traitement. Donc, cela peut fonctionner.

Á  +-(1155)  

+-

    M. Scott Simms: C'est là l'essentiel de ma question, et c'est assurément ce dont nous entendrons parler à Halifax, où on nous dira qu'il y a des besoins en matière d'infrastructure. J'anticipe sur les propos de ces témoins ou j'échafaude peut-être des hypothèses. Je m'en excuse auprès d'eux, mais j'aimerais avoir votre opinion sur cette question avant que nous n'allions là-bas. Je voudrais savoir quel rôle le gouvernement peut jouer en ce qui concerne le développement régional.

+-

    M. Doug Dales: À titre d'information, nous avons un bureau à Halifax.

+-

    M. Scott Simms: Oui, d'accord.

+-

    M. Doug Dales: Il y est depuis 15 ans.

+-

    M. Scott Simms: C'est très bien pour vous et très bien pour nous.

+-

    M. Doug Dales: Oui, cela a été bon et cela a été difficile. Il a fallu lutter et je suis personnellement très fier de certains des films que nous avons pu tourner. Ce sont des oeuvres magnifiques et certains projets remarquables ont été réalisés dans cette partie du monde, entre autres à Terre-Neuve et dans les autres provinces du Canada atlantique.

    Mais nous sommes des infrastructures transportables. Nous déplaçons les équipements vers les Maritimes et à l'extérieur des Maritimes, selon les besoins. Nous disposons de matériel fixe qui permet de faire le travail de base. Il y a eu développement de l'industrie dans les Maritimes, et je serais bien mal venu de vous dire qu'il n'y a pas d'industrie, parce que certains des meilleurs producteurs du Canada vivent et travaillent à Halifax.

    Il y a eu des tentatives pour établir et maintenir des plateaux de tournage sur ces marchés mais il est très difficile de gérer de tels sur une base commerciale. Du point de vue de l'infrastructure, il s'agit de composantes qui offrent un excellent moyen pour l'établissement de certains partenariats secteur public-secteur privé.

    Pour revenir à ce que mon point initial, vous jouez avec la dernière tranche de 10 p. 100 pour ce qui est de l'amélioration du secteur de la production. Le gros problème est d'inciter le public à voir les films canadiens.

+-

    M. Scott Simms: D'accord, vous dites donc que le plateau de tournage est un élément essentiel pour toute ville qui souhaite devenir un joueur sérieux pour tout type de réalisation cinématographique?

+-

    M. Doug Dales: Nous parlons ici de l'industrie de base. Je ne crois pas que les gens aillent dans le Canada atlantique parce qu'il y a des plateaux de tournage. De fait, il y en a dans cette région.

+-

    M. Scott Simms: Ils y vont parce que…?

+-

    M. Doug Dales: Ils y vont en raison de l'emplacement, parce que le scénario est établi en fonction de la région, parce qu'ils peuvent y baser le scénario, parce que, visuellement, le paysage est intéressant. L'infrastructure qui existe là-bas convient pour le tournage d'un, deux ou même trois films à la fois. La taille des installations dans cette région diffère grandement de ce qui peut exister à Montréal, à Vancouver et à Toronto.

+-

    M. Scott Simms: Est-ce que j'ai encore un peu de temps?

+-

    La présidente: Oui, et ensuite j'aimerais céder la parole à Mario—parce que c'est son domaine—et nous ferons une pause de quelques minutes.

+-

    M. Scott Simms: Dans une vie antérieure, j'ai travaillé au sein de l'industrie de la télédiffusion et nous faisions pas mal de démarches pour que les personnes handicapées puissent être reconnues en vertu des lignes directrices fédérales. Je suis au courant des quatre groupes que vous avez mentionnés. Ai-je bien raison—il s'agit de quatre groupes?

+-

    Mme Kate Hanley: Les femmes, les minorités visibles, les Autochtones et les personnes handicapées. Oui.

+-

    M. Scott Simms: Bon, d'accord.

    Il semble donc y avoir un gros problème concernant les cadres intermédiaires et supérieurs, si je comprends bien. Ai-je bien compris qu'une grande partie du problème concerne les compétences des femmes et les obstacles quelles doivent surmonter pour acquérir ces compétences?

  +-(1200)  

+-

    Mme Kate Hanley: Je ne dirais pas cela. Les obstacles sont très complexes à ces niveaux. Je voulais plutôt dire que la solution est plutôt liée à une combinaison d'éléments qui peuvent inclure des incitatifs et, également, le mentorat, la formation et la préparation. L'approche en est souvent une qui est holistique mais je ne voudrais en aucun cas dire que les femmes ne gravissent pas les échelons parce qu'elles ne sont pas compétentes ou parce qu'elles ne sont pas talentueuses. Ce n'est absolument pas le cas.

    Je suis désolée si je n'ai pas été absolument claire à ce sujet.

+-

    M. Scott Simms: Non, peut-être que ce n'était pas clair pour moi. Je constate que plusieurs compagnies se tournent vers des gens de l'intérieur pour combler les postes, ce qui semble être le cas de toutes les industries et non seulement de la nôtre. Je suis sûr que cette façon de procéder est beaucoup meilleure pour l'employeur. Quant au nombre de femmes qui occupent des postes de cadre supérieurs, êtes-vous d'avis que la plupart d'entre elles viennent de l'intérieur ou croyez-vous plutôt qu'elles viennent de l'extérieur?

+-

    Mme Kate Hanley: L'industrie de la radiotélédiffusion est composée d'entreprises publiques assez importantes. Par contre, l'industrie de la production de films et d'émissions de télévision est composée, à quelques exceptions près, de micro-organisations, de PME dans le meilleur des cas. La main-d'oeuvre y est également assez réduite. La main-d'oeuvre interne est composée à environ 40 p. 100 de pigistes et la tendance s'accentue.

    La plupart du temps, les créateurs ne sont associés à aucune compagnie. Par conséquent, une grande partie du problème consiste à reconnaître le talent. Nous devons transmettre les compétences qui permettront aux femmes d'être reconnues davantage, d'évoluer dans les cercles où elles doivent se trouver. C'est la raison pour laquelle nous décernons des prix. À la fin d'un programme de mentorat, il y a presque toujours une remise de prix. La reconnaissance est, en quelque sorte, aussi importante que la formation elle-même. Ces prix permettent de reconnaître les compétences et le talent des récipiendaires. C'est un moyen de dire que les femmes peuvent également avoir d'excellents résultats, de les aider à acquérir un profil intéressant pour les gens de l'industrie.

+-

    M. Scott Simms: Comment se débrouillent les femmes sur le marché de la pige? Y a-t-il eu amélioration ces derniers temps?

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    Mme Kate Hanley: Nous n'avons pas de données sur les activités des pigistes d'aujourd'hui par rapport à celles d'hier.

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    M. Scott Simms: J'essaie simplement d'avoir une impression générale.

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    Mme Kate Hanley: Quand vous travaillez à l'extérieur d'une grande structure corporative, la situation est plus difficile. Vous n'avez pas les mentors de l'entreprise et il n'y a pas de règles du jeu claires qui permettent de connaître du succès et de montrer qui vous êtes. À ce moment, vous faites face à une compétition féroce. Vous devez vous débrouiller pour trouver vos mentors, pour acquérir une la formation, pour acquérir un profil professionnel.

    C'est la raison pour laquelle nous avons ces programmes de mentorat. Du côté de la télévision, nous avons un mentorat de marché. Nous prenons par exemple un producteur indépendant qui dirige une micro-compagnie, une femme, et nous la jumelons à un cadre supérieur. Cette année ce sera Mme Loren Mawhinney de Global pour la télévision. Ce mentor travaille avec la femme choisie en fonction du Festival du film de Banff. Ainsi, la femme commence à se considérer davantage comme une compagnie plutôt qu'un petit producteur. Le cheminement se termine à la cérémonie de remise de prix à Banff. Nous offrons à ces femmes le cadre qui existerait dans une entreprise.

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    M. Scott Simms: C'est agréable d'entendre cela. Je n'ai jamais travaillé comme pigiste dans un média et je me suis toujours demandé quelles étaient les avenues qui s'ouvraient à ces gens.

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    M. Mario Silva: Madame Kate Hanley, je vous remercie d'avoir insisté sur le capital humain et sur l'importance du mentorat. Ce que vous faites est très utile.

    Pour en revenir à la question de la diversité, disons que la moitié de la population de Toronto est née à l'extérieur du pays. Quand nous recherchons une voix canadienne, nous devons nous assurer qu'elle parle au nom de toutes ces personnes qui, comme moi, ne sont pas nées au Canada.

    Pour ce qui est de la diversité et du capital humain, vous avez parlé de lacunes. J'aimerais rattacher une partie de vos propos à ce que disait M. Dales, qui souhaite éviter que l'on intervienne pour imposer la projection de films canadiens. Si vous ne le faites pas, comment parviendrez-vous à faire entendre les voix canadiennes, à faire connaître la voix de la diversité dont Kate parlait? J'aimerais avoir des précisions à ce sujet.

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    M. Doug Dales: Peut-être faudra-t-il utiliser le bâton. Je ne sais pas. Quant à moi, l'utilisation du bâton seul ne remplira certainement pas les cinémas. Vous devez créer une demande auprès du consommateur et c'est un processus long qui doit être associé à une mise en marché.

    Les deux films dont M. Lemay a parlé constituent un cas assez intéressant. De fait, les efforts de commercialisation au Québec ont débordé les frontières et ces films sont maintenant connus sur le marché canadien anglais. Voilà qui témoigne bien de la force et de la vitalité de la machine promotionnelle du cinéma québécois.

    Le secteur de langue anglaise du Canada n'a rien de comparable, il n'a pas cette expérience. Le distributeur canadien type utilise plutôt des affiches. Qu'attendez-vous d'autre? Cette approche ne parviendra jamais à livrer concurrence à la machine de commercialisation américaine qui fait appel à des professionnels.

    C'est un processus à long terme qui ne saurait être mis en place du jour au lendemain. Il faut des années. C'est un peu comme le projet dans une école secondaire qui, à long terme, créera une demande pour la projection de films canadiens à des publics canadiens.

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    La présidente: Je remercie encore une fois nos témoins et tous ceux d'entre vous qui avez écouté patiemment. Je vous remercie aussi de votre intérêt pour la question.

    Nous ajournons nos travaux jusqu'à 14 heures.