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SREN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Sous-comité du renouvellement de la fonction publique du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 17 février 2003




» 1735
V         Le président (M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne))
V         M. Scott Serson (président, Commission de la fonction publique du Canada)

» 1740

» 1745
V         Le président
V         Dr Peter Harrison (ancien président, Réseau du leadership, À titre individuel)

» 1750

» 1755

¼ 1800
V         Le président
V         M. Arthur Kroeger (À titre individuel)

¼ 1805

¼ 1810
V         Le président
V         Le président
V         M. Odina Desrochers (Lotbinière—L'Érable, BQ)
V         M. Scott Serson
V         M. Odina Desrochers
V         M. Scott Serson
V         M. Odina Desrochers
V         M. Scott Serson
V         M. Odina Desrochers
V         M. Scott Serson

¼ 1835
V         M. Odina Desrochers
V         M. Scott Serson
V         M. Odina Desrochers
V         M. Scott Serson
V         M. Odina Desrochers
V         M. Scott Serson
V         M. Odina Desrochers
V         Le président

¼ 1840
V         M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)
V         M. Arthur Kroeger
V         M. Roy Cullen
V         M. Arthur Kroeger

¼ 1845
V         M. Roy Cullen
V         Dr Peter Harrison

¼ 1850
V         M. Scott Serson
V         Le président
V         Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.)

¼ 1855
V         M. Scott Serson
V         Dr Peter Harrison

½ 1900
V         M. Arthur Kroeger
V         Mme Judy Sgro
V         M. Arthur Kroeger

½ 1905
V         M. Scott Serson
V         Le président

½ 1910
V         M. Odina Desrochers

½ 1915
V         M. Arthur Kroeger
V         M. Odina Desrochers
V         M. Arthur Kroeger
V         Le président
V         M. Roy Cullen

½ 1920
V         Dr Peter Harrison
V         M. Scott Serson

½ 1925
V         Le président
V         M. Scott Serson
V         M. Arthur Kroeger

½ 1930
V         Dr Peter Harrison
V         Le président










CANADA

Sous-comité du renouvellement de la fonction publique du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


NUMÉRO 003 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 17 février 2003

[Enregistrement électronique]

»  +(1735)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne)): Le Sous-comité du renouvellement de la fonction publique du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires poursuit ses travaux.

    Il sera certainement question du nouveau projet de loi qui a été déposé à la Chambre, le projet relatif à la modernisation de la fonction publique. Nous allons lui trouver un acronyme.

    Nous accueillons aujourd'hui M. Scott Serson, de la Commission de la fonction publique, M. Arthur Kroeger et M. Peter Harrison. Nous entendrons d'abord les déclarations préliminaires, puis nous prendrons une courte pause étant donné que l'heure du souper approche, et ensuite nous enchaînerons avec la période de questions.

    J'aimerais entendre M. Serson, s'il-vous-plaît.

+-

    M. Scott Serson (président, Commission de la fonction publique du Canada): Merci, monsieur le président.

    Je tiens à féliciter le sous-comité d'avoir entrepris cette étude très pertinente des éléments nécessaires pour nous doter d'une fonction publique moderne et responsable. J'ai l'intention de commencer mon exposé de ce soir sur le thème particulier de la culture de la fonction publique, c'est-à-dire l'obéissance aux règles par rapport à la disposition à prendre des risques, non seulement de mon point de vue à titre de président de la Commission de la fonction publique, mais aussi à la lumière des observations que j'ai pu faire durant les 29 années que j'ai passées dans la fonction publique, d'abord en tant que conseiller en main-d'oeuvre, puis à travers toutes les étapes qui m'ont conduit vers des postes plus élevés.

    Je suis également l'un des champions des valeurs et de l'éthique dans la fonction publique, et cette responsabilité m'a amené à réfléchir sur cette question.

    J'aimerais vous dire tout d'abord que si j'étais un employé de la fonction publique à ses débuts et que j'avais lu l'édition de lundi de l'Ottawa Citizen, j'y aurais pris connaissance de deux points de vue différents, en page 2: celui de la présidente du Conseil du Trésor qui exprimait son désir de nous voir attirer de nouveaux talents dans la fonction publique dans le contexte de la gestion des ressources humaines. Elle aurait dit:

Je veux qu'ils trouvent la fonction publique intéressante, dynamique, novatrice et qu'ils pensent que ses membres sont capables de prendre des risques. Et même s'ils commettent des erreurs, nous refusons de revenir à l'approche fondée sur l'obéissance aux règles.

    L'autre article qui paraissait en page 2 décrivait la revue des événements menée par le Comité des comptes publics à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Voici un extrait de l'article:

Le Comité

    —et je crois qu'il s'agit du Comité des comptes publics—

qui critique depuis longtemps le gouvernement et son application laxiste des règlements régissant la passation des marchés, a exigé une politique de tolérance zéro en ce qui concerne les libertés prises avec ces règlements. Il a déclaré que les bureaucrates chargés de l'attribution des marchés ne devraient pas pouvoir poser leur candidature en vue d'une promotion à moins que leur dossier n'indique qu'ils se conforment aux règles. Le Comité a recommandé également que tout fonctionnaire dont les états de service montrent qu'il fait peu de cas des règles devrait faire l'objet de mesures disciplinaires et être congédié.

    Je ne vous lis pas ces citations en vue de les commenter en long et en large. Je veux seulement illustrer l'importance et la pertinence de vos travaux et souligner le fait qu'un fonctionnaire à ses débuts est en droit de s'interroger au sujet des attentes que l'on entretient à son égard.

    Je pars du principe que l'on tente actuellement d'instaurer dans la Fonction publique du Canada un cadre de gestion qui vise à trouver un nouvel équilibre entre un système fondé sur les règles, considéré comme sûr, stationnaire et moins sensible aux besoins des Canadiens et un système axé sur le changement qui reconnaît les changements survenus dans la société canadienne et qui insiste davantage sur l'innovation, la disposition à prendre des risques et l'amélioration continue en vue de répondre aux besoins des Canadiens.

    Ce cadre de gestion se présente de deux manières. Sous sa forme abrégée, on le retrouve dans la politique du Conseil du Trésor intitulée Des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes, une politique qui réclame que le citoyen soit davantage le point de mire lors de la conception des programmes gouvernementaux et de la présentation des rapports sur la prestation de ces programmes, que l'on se concentre sur les résultats obtenus et que l'on présente des rapports à cet effet, que l'on établisse un lien entre les dépenses et les résultats et que le cadre de gestion établisse des balises permettant de garantir que les dépenses sont effectuées de façon responsable et que les dirigeants de la fonction publique sont guidés par un ensemble de valeurs bien définies.

    La forme plus longue, que l'on appelle la gestion moderne ou gestion axée sur les résultats, ajoute certains éléments importants: le leadership stratégique, un milieu de travail favorisant l'apprentissage, la gestion du risque évoluée ainsi que la meilleure reddition de comptes et une plus grande transparence.

    Ma proposition est la suivante: si tous les éléments de ce cadre étaient mis en place et bien compris des gestionnaires et des employés, on pourrait plus sûrement déléguer des pouvoirs aux gestionnaires et aux employés et peut-être accorder moins d'importance à l'obéissance aux règles. C'est le modèle que la Commission de la fonction publique s'efforce d'introduire dans le système de dotation et de recrutement depuis quelques années.

    Cependant, la mise en place d'un tel cadre de gestion comporte des difficultés. Je n'en mentionnerai que trois, à divers niveaux.

»  +-(1740)  

[Français]

    Premièrement, la fonction publique tente de se réinventer depuis quelque temps déjà en réaction aux réalités fiscales et sociales. Aujourd'hui, ce défi n'est pas moins complexe. Nous devons composer avec de nouvelles priorités, la rapidité des changements technologiques, ainsi qu'une plus grande incertitude sur la scène internationale.

    Dès le début de ce processus de renouvellement, au milieu des années 1990, il était devenu évident que nous devions définir les valeurs fondamentales et les principes éthiques de notre organisation. À ce chapitre, nous pouvons remercier une personne spécifique et son rapport. John Tait, un ancien sous-ministre de la Justice, a présidé un groupe de travail responsable de la création du rapport intitulé De solides assises, une étude innovatrice sur les valeurs et les principes éthiques au sein de la fonction publique.

[Traduction]

    Ces valeurs et ces principes affirment tout ce qu'incarne la fonction publique. Ces valeurs et ces principes contribuent aussi à exprimer clairement les attentes du public et des parlementaires à l'égard de leur fonction publique et ce que les employés du secteur public peuvent attendre les uns des autres. Ma collègue co-championne et moi sommes convaincus que le moment est venu pour la fonction publique d'adopter une déclaration de ses principes et de ses valeurs.

    Deuxièmement, il est dans la nature de ces valeurs d'être en contradiction les unes avec les autres. Les fonctionnaires doivent souvent trouver le juste équilibre entre des valeurs parfois contradictoires. Par exemple, la prudence et la probité peuvent faire obstacle à l'innovation et à l'initiative. La transparence peut entrer en conflit avec la nécessité de faire preuve de discrétion. Le désir d'instaurer des méthodes de travail justes et transparentes doit être mis en équilibre avec le besoin de faire preuve d'une certaine souplesse et de l'efficacité opérationnelle. Voilà bien tout l'enjeu de la nouvelle loi sur la gestion des ressources humaines qui se définit en partie comme le juste équilibre entre la souplesse et l'équité.

    Le mot d'ordre est justement l'«équilibre». Les décideurs doivent constamment chercher à établir un équilibre entre des valeurs contradictoires et examiner le problème sous tous les angles afin de trouver le meilleur équilibre possible dans les circonstances. Afin de favoriser cette recherche de l'équilibre, les leaders doivent encourager la création de milieux de travail où le dialogue peut s'épanouir. Ainsi, les employés sentiront davantage qu'ils sont partie prenante de la solution. De fait, l'une des principales recommandations de John Tait visait la nécessité d'instaurer un dialogue franc et sincère dans la fonction publique. Ce dialogue devrait se concentrer sur les enjeux liés aux vraies valeurs ou aux problèmes d'éthique en milieu de travail et cerner des actions visant à corriger ces problèmes.

    La capacité d'ouvrir un dialogue franc et sincère est au coeur de la gestion moderne de la fonction publique. Comme nous le révèlent l'Association professionnelle des cadres de la fonction publique et le sondage auprès des fonctionnaires fédéraux, le volume de travail des haut dirigeants ne leur laisse peut-être pas le loisir d'entretenir le dialogue qui convient à l'heure actuelle.

    Le troisième élément sur lequel je voudrais insister est l'importance d'établir au sein des programmes un équilibre entre les valeurs et l'éthique dans la fonction publique et les méthodes de travail efficaces pour corriger tout écart de conduite. L'intégrité ne pourra pas être l'objectif de la masse des employés si on ne peut les rassurer sur le fait que les comportements d'inconduite seront signalés et pris en compte. Les politiques relatives à la dotation, au harcèlement, à l'approvisionnement et d'autres enjeux doivent intégrer cet équilibre entre l'intégrité et la conformité.

    Les fonctionnaires doivent respecter un éventail de règles et de règlements dans leur mise en application des désirs du Parlement. Les valeurs de l'organisation, permettez-moi d'insister, ne remplacent nullement toutes ces règles et tous ces règlements. Au contraire, les valeurs aident les fonctionnaires dans l'application de ces règles. Il ne peut y avoir une nouvelle règle pour chaque situation qui se présente à notre époque de turbulence. Il faut conserver des règles fondamentales, puis appliquer ces règles à l'intérieur du cadre des valeurs de la fonction publique.

    À mon avis, il ne s'agit pas de mettre en opposition les règles et les risques, mais plutôt de déterminer comment établir un équilibre qui viendra les renforcer mutuellement. Je suis heureux de voir que ce comité ouvre un dialogue franc et sincère sur ces questions.

    Enfin, j'aimerais conclure en recommandant au Comité de se pencher plus en profondeur sur deux aspects de la question, deux aspects sur lesquels il serait important de connaître l'opinion des députés. Premièrement, la fonction publique a fait des efforts concrets depuis quelques années en vue de devenir une organisation apprenante qui accepte de prendre des risques calculés et d'apprendre non seulement à partir des initiatives couronnées de succès mais aussi de celles qui ont moins bien réussi. Mais dans quelle mesure cela est-il faisable dans un contexte de partisanerie politique où les erreurs peuvent faire l'objet de débats enflammés?

    Deuxièmement, comme je l'ai déjà mentionné, en tant qu'employés du secteur public, il nous arrive souvent de souhaiter pouvoir faire preuve d'une plus grande souplesse. Je ne crois pas qu'aucun fonctionnaire affectionne les chinoiseries administratives. Nous nous comparons fréquemment au secteur privé, mais il faut que l'on se penche sérieusement sur les exigences procédurales véritablement essentielles dans la fonction publique.

    John Tait déclarait en conclusion dans son rapport sur les valeurs:

Une organisation publique n'a pas et ne peut pas avoir les mêmes marges de manoeuvre dont jouissent les organisations du secteur privé. Elle devra toujours respecter des normes plus élevées de transparence et de conformité aux procédures afin de dissiper toute crainte de favoritisme, interne ou externe dans l'exercice de ses tâches en raison de sa situation de confiance, ainsi que dans son utilisation des fonds publics.

    Je me demande si le Comité approuve cette observation.

»  +-(1745)  

    Enfin, monsieur le président, je salue la création de ce comité et le considère comme un signal que les parlementaires prennent un intérêt plus actif dans la fonction publique afin de nous aider à assurer sa bonne santé générale et sa capacité de répondre aux besoins des Canadiens, aujourd'hui et dans le futur. Mes collègues commissaires se joignent à moi pour dire qu'ils aimeraient que la Commission de la fonction publique devienne, à titre d'organisme indépendant relevant du Parlement, un instrument doté de moyens plus importants pour lui permettre d'atteindre cet objectif.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Serson. Voici qui reflète un peu certains commentaires positifs que j'ai faits dans mon exposé lors de la deuxième lecture sur l'avenir éventuel de la Commission de la fonction publique.

    Accueillons maintenant M. Peter Harrison.

+-

    Dr Peter Harrison (ancien président, Réseau du leadership, À titre individuel): Merci, monsieur le président.

    À l'instar de mon collègue Scott Serson, je salue l'initiative de ce comité et je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître.

    Je suis sous-ministre du ministère des Pêches et Océans, mais je comparais aujourd'hui devant vous à un autre titre, et c'est pour aborder un certain nombre de questions ayant trait aux événements liés au changement de culture survenu ces dernières années.

    J'ai eu l'extraordinaire privilège de diriger le Groupe de travail La Relève, et je sais que ce Comité en a entendu parler et qu'il s'intéresse à cette initiative. J'ai eu également l'honneur d'être le sous-ministre fondateur du Réseau du leadership.

»  +-(1750)  

[Français]

    J'aimerais aujourd'hui passer en revue ce qu'on a essayé de faire, la façon dont on l'a fait, les résultats qu'on a obtenus et ce que cela veut dire dans le contexte actuel.

[Traduction]

Dans ce contexte, monsieur le président, j'ai fourni à vos attachés de recherche des documents que j'ai pris dans ma collection personnelle. Je ne prétends pas qu'il s'agisse d'un jeu complet de documents, mais j'ai cru qu'il serait utile de les transmettre à ce Comité.

    J'aimerais faire référence à un certain nombre de documents ayant été publiés antérieurement. Pour commencer en 1997, l'année où le Groupe de travail La Relève a été créé par la greffière du Conseil privé, madame Bourgon, elle avait mentionné dans son rapport au Premier ministre, qui est également adressé au Parlement, avoir déjà signalé auparavant l'existence d'une «crise tranquille» au sein de la fonction publique du Canada. Pour la citer:

Il devenait difficile de garder en poste, de motiver et d'attirer les personnes essentielles au travail de la fonction publique. Cette situation résultait d'une combinaison de facteurs: réduction d'effectifs et gel salarial pendant plusieurs années, critiques, recrutement insuffisant et départ prématuré de fonctionnaires expérimentés. Je parlais de «crise tranquille» parce que peu de gens consentaient à parler ouvertement du problème, et encore moins étaient prêts à poser des gestes pour la résoudre.

Cet extrait est tiré du cinquième rapport annuel au Premier ministre.

    Le défi qui a été confié au groupe de travail consistait, monsieur le président, à essayer d'aider la greffière, la collectivité des sous-ministres et les ministères à venir à bout de cette situation. Le défi que l'on nous a confié consistait essentiellement à trouver le moyen de nous adapter au changement de culture au sein de l'organisation. À l'origine, en janvier 1997, le groupe de travail qui a été créé était très restreint. Nous avions comme mandat de prêter main forte à la greffière et aux ministères de même qu'aux sous-ministres champions dans un certain nombre de domaines, notamment dans l'élaboration de plans de gestion des ressources humaines pour tous les ministères.

    Nous avons collaboré étroitement avec un certain nombre de collectivités fonctionnelles, qu'il s'agisse des communicateurs, des milieux scientifiques ou des milieux d'orientation, sur le plan des défis que leur posait le renouvellement. Entre autres choses, monsieur le président, le groupe de travail s'est montré proactif en ce qui concerne l'engagement de personnel dans toutes les régions du Canada et, à mon point de vue, le fait que le groupe de travail ait pu assurer une présence aux quatre coins du pays constitue en soi une réalisation digne de mention pour un aussi petit groupe de personnes.

    À l'époque, nous étions aussi chargés d'apporter notre soutien à un certain nombre d'activités ministérielles dirigées par les sous-ministres et par la greffière, notamment tout l'effort visant à stimuler la fierté et la reconnaissance, la reconnaissance individuelle et collective, l'élaboration de nouveaux programmes ministériels en matière de perfectionnement professionnel et aussi le programme de perfectionnement accéléré des cadres supérieurs et l'évaluation préalable des qualités de candidats au poste de sous-ministre adjoint, et nous avons collaboré étroitement à la modernisation du Programme Cours et affectations de perfectionnement.

    Nous avons accordé une attention particulière à la valorisation de nos employés et à la nécessité d'obtenir l'engagement du personnel de tous les niveaux à l'échelle de la fonction publique du Canada, comme l'a mentionné le président de la Commission de la fonction publique, à entretenir un dialogue sur les défis qui se présentaient à nous.

    Je pense qu'il est important de souligner pour le bénéfice du Comité que nous n'avions alors aucune velléité de travailler à l'élaboration d'une nouvelle loi. Nous concentrions plutôt nos efforts sur l'institution elle-même et sur les difficultés que posait l'évolution en vue de relever les nouveaux défis.

[Français]

    Quand je vous parle du changement culturel, je crois qu'il est évident, dans la définition de la crise tranquille que je viens de vous donner, qu'il y avait des défis extraordinaires. Comment promouvoir la fierté? Comment appuyer les carrières? Comment faire face à la question de l'avenir de la fonction publique du Canada?

[Traduction]

    Il s'est accompli beaucoup de travail préparatoire à cette occasion, monsieur le président, et les résultats de ce travail ont été publiés dans un rapport rédigé à l'époque par les sous-ministres, les ministères, les régions et ainsi de suite. Ce document s'intitule La Relève: un parti pris pour l'action. Ce rapport figure dans la trousse que j'ai remise à vos attachés de recherche.

    Dans les grandes lignes, ce document passe en revue les aspects pratiques qui avaient été discutés à l'époque en vue de stimuler le renouvellement de la Fonction publique du Canada.

    Le groupe de travail a joué le rôle d'un secrétariat; il a aussi assumé la fonction d'un groupe de communications et il a même joué le rôle d'un animateur lors de divers événements tenus dans l'ensemble du pays. L'un des défis qui nous incombait est décrit en ces termes par la greffière dans son rapport au Premier ministre:

...Le défi de bâtir une institution moderne et dynamique capable de tirer pleinement profit des aptitudes de ses employés; l'engagement des fonctionnaires de tout mettre en oeuvre, sur le plan individuel et collectif, pour faire de la fonction publique une organisation moderne et dynamique aujourd'hui et demain; l'obligation en tant que gardiens de l'institution, de léguer à nos successeurs une organisation dotée de personnes compétentes et dévouées capables de relever les défis de leur temps.

    Il en est résulté un certain nombre de produits, monsieur le président: les divers plans d'action ayant découlé de Un parti pris pour l'action. J'ai remis un exemplaire de chacun de ces divers plans d'action à vos attachés de recherche. Je n'ai pas l'intention de les examiner en détail.

    Nous avons constaté une ouverture très grande au dialogue, sans doute une conséquence des expériences menées par John Tait. Le groupe de travail a joué un rôle très central dans un certain nombre de ces expériences de dialogue organisées un peu partout au pays. Nous avons entre autres choses donné notre appui à un certain nombre d'événements, à la fois à l'échelle nationale et des régions, visant à amener le personnel à ouvrir le dialogue sur le défi que représente le changement de culture. Également, en tant que groupe de travail, nous avons publié un certain nombre de documents qui, à mon avis, vont surmonter l'épreuve du temps, y compris la description d'une journée type dans la vie d'un fonctionnaire au Canada qui avait été remise aux parlementaires à l'époque et qui a connu une suite sous la forme écrite et virtuelle, afin de bien saisir la richesse du moment et l'avenir de la fonction publique.

    Voulez-vous un échantillon des résultats obtenus par le groupe de travail? Je vous fais part, monsieur le président, de mon point de vue personnel sur ces résultats. La mise à l'épreuve de ces résultats est sans aucun doute qu'un certain nombre de personnes y ont participé et continueront de le faire.

    Tout d'abord, nous avons accordé une attention sans précédent à l'élément humain et aux défis que posent les ressources humaines dans les sphères supérieures de la fonction publique en adoptant une approche intégrée et concentrée. Certains ont déclaré que c'était probablement la première fois que l'on entreprenait un tel exercice d'une manière aussi concertée.

    Deuxièmement, nous avons constaté de plus en plus que les personnes—les individus, les «talents»—étaient au centre des préoccupations de la haute direction.

    Troisièmement, nous avons réussi à mettre en oeuvre un certain nombre de programmes ministériels auxquels j'ai déjà fait allusion, en étroite collaboration avec la Commission de la fonction publique qui en assumait la responsabilité, ainsi qu'en coopération avec le Bureau du Conseil privé.

    Nous avons fait le lien avec le dialogue sur les valeurs et l'éthique, dont j'ai déjà parlé. Et au chapitre de la fierté et de la reconnaissance, un certain nombre de décisions importantes ont été prises par la fonction publique: la création du Prix du Chef de la fonction publique; la réintégration du Prix pour services insignes qui vise à reconnaître la contribution individuelle à la société; de concert avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, nous avons donné un deuxième souffle à la Semaine nationale de la fonction publique; et en collaboration avec les ministères, les régions et les collectivités fonctionnelles, nous nous sommes concentrés sur la reconnaissance qui était nécessaire.

    Par ailleurs, monsieur le président, avec Statistique Canada, nous nous sommes penchés sur l'évolution des effectifs—non seulement dans l'optique des processus de dotation, mais également dans le sens de la répartition des effectifs selon l'âge et le sexe au fil du temps. Les ministères ont été mis à contribution pour ce projet.

»  +-(1755)  

    J'ai déjà mentionné l'établissement d'un dialogue à l'échelle du pays. Sur une période de 18 mois, nous avons dialogué avec plus de 15 000 fonctionnaires. À l'époque, on a décidé de procéder à un sondage auprès des employés. Il y en a eu deux depuis lors. Nous avons mis davantage l'accent sur les cadres intermédiaires et sur les défis qu'ils doivent affronter dans l'exécution de leurs rôles et responsabilités, ainsi que sur les jeunes et sur les Forums d'apprentissage à l'intention des ressources étudiantes.

[Français]

    On a essayé de faire en sorte qu'il y ait des dialogues partout dans le système, sans tenir compte des niveaux et de la hiérarchie. On a voulu mettre ensemble en même temps des gens de plusieurs institutions.

[Traduction]

Les résultats de ces événements figurent dans le premier rapport d'étape que j'ai déjà mentionné.

    J'aimerais maintenant me référer au cinquième rapport annuel de la greffière du Conseil privé qui mentionnait qu'au cours de la période visée nous avions été à même de constater un certain nombre de choses. Premièrement, l'accent mis sur le leadership et, si vous me permettez, monsieur le président, à mon avis, le dialogue sur le leadership a accompli une évolution importante au cours des cinq dernières années.

    Deuxièmement—et le président de la Commission a lui aussi insisté sur ce point—un redoublement d'attention sur l'apprentissage; et troisièmement, le défi que représente l'ambition de devenir une institution décloisonnée.

    Le sixième rapport annuel, que je vous ai remis également, n'était pas un rapport adressé par la greffière du Conseil privé au Premier ministre, comme elle l'avait fait initialement, mais plutôt une vidéo sur les employés de toute la Fonction publique du Canada qui s'exprimaient sur les défis qu'ils doivent affronter.

    Permettez-moi en terminant, monsieur le président, de vous faire part d'une décision qui a été prise en juin 1998 voulant que le groupe de travail poursuive ses activités durant un certain temps—assez limité, il est vrai. À l'origine, le groupe de travail devait exercer ses activités durant une année; dans la réalité, il les a poursuivies durant plus de 18 mois. La décision qui avait été prise à l'époque fut de créer Le Réseau du leadership et de lui confier deux mandats. Le premier consistait à continuer de favoriser le changement de culture, de soutenir les chefs de file et de développer un réseau pour le groupe de travail; et le deuxième était de se concentrer sur le système de gestion collectif des sous-ministres adjoints qui est ressorti d'un certain nombre de rapports et de suggestions ayant été faites au gouvernement.

    Le Réseau du leadership a officialisé le soutien à l'égard des ministères, des régions et des collectivités. Nous avons également mis au point proactivement un certain nombre de ce qui, à mon avis, représentaient et représentent toujours, des outils de communication de pointe, et notamment un site Web.

    Monsieur le président, la présence des sites Web est beaucoup plus répandue de nos jours qu'elle ne l'était en 1998. Nous avons assisté à une évolution importante. Le site Web à l'adresse «leadership.gc.ca», qui existe toujours, a enregistré au cours de sa première année d'existence 5 millions d'occurrences de la part de plus de 72 000 abonnés différents, et ce chiffre est passé à 8 millions d'occurrences en 1999-2000.

    Nous sommes particulièrement fiers, monsieur le président, d'avoir réussi grâce à cet éventail de moyens—à la fois en personne et avec l'aide de la technologie moderne—à amorcer le processus de changement de culture qui, à mon avis, est requis dans la Fonction publique du Canada.

    Merci.

¼  +-(1800)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Harrison. Quelle excellente entrée en matière! Vous nous avez mis en appétit.

    Très bien, maintenant nous allons entendre M. Arthur Kroeger.

+-

    M. Arthur Kroeger (À titre individuel): Merci, monsieur le président.

    Je vais vous faire part de quelques remarques générales.

    Mes deux collègues ont davantage de prise que moi sur les événements récents. En effet, j'ai quitté la fonction publique depuis 10 ans. J'ai été sous-ministre durant 17 ans au cours de ma carrière. J'ai tenté de suivre l'évolution de la situation depuis mon départ, et tout particulièrement cette question du changement de culture, dont on entend beaucoup parler. C'est un processus qui est en cours d'évolution. Il s'est amorcé durant la période qui s'est écoulée depuis mon séjour dans la fonction publique.

    Il est difficile de citer plus particulièrement deux ou trois événements notables ayant suscité beaucoup d'attention pour témoigner des changements survenus. Ces changements se font plutôt lentement et imperceptiblement, mais ils sont bien réels. À mon avis, la personne ayant joué le rôle le plus marquant à cet égard est l'ancienne greffière du Conseil privé, Jocelyne Bourgon.

    Historiquement, le greffier du Conseil privé était un conseiller en matière de politiques et parfois un négociateur dans les dossiers entre le gouvernement fédéral et les provinces. Mme Bourgon a accordé une attention unique aux besoins de la fonction publique. Elle a créé un éventail de comités de sous-ministres chargés d'examiner divers sujets comme l'évaluation de la capacité d'élaboration de politiques en matière de communications horizontales concernant les mandats horizontaux—autrement dit, le Groupe de travail La Relève dont parlait tout à l'heure Peter Harrison. Ces activités ont eu à mon avis des effets bénéfiques sur le plan concret.

    Si je regarde en arrière pour voir ce qui a changé, l'une des choses qui me frappe est l'ampleur du réseautage. Ce changement a été suscité en partie par la technologie moderne. Au début des années 90, le courrier électronique faisait à peine son entrée au gouvernement; aujourd'hui, tout le monde s'en sert. Plutôt que de s'écrire des notes de service, les fonctionnaires s'échangent des courriels. Cela peut sonner technocratique, mais c'est très important. Je constate aujourd'hui que les échanges d'information entre les ministères et au sein des ministères, de même que dans toutes les hiérarchies va bien au-delà de tout ce que j'ai connu.

    Au gouvernement tout est affaire d'information et de communication. La technologie qui permet à la capacité de communiquer de faire un bond sur le plan qualitatif a une incidence sur la bonne marche d'une fonction publique.

    Il y a eu beaucoup de réseautage. Au fil du temps, on a mis de plus en plus l'accent sur le service. Quelqu'un a dit qu'il fallait passer de gouverner à servir. Nous avons toujours parlé de servir le public, mais historiquement, l'orientation réelle était axée sur le gouvernement. L'accent qui est mis aujourd'hui sur la recherche de moyens permettant de mieux servir le public est assez frappante, en partie parce que le public lui-même l'a exigé. Mais, ce changement s'est opéré, et les gouvernements qui avaient pour habitude de mener leurs activités indépendamment du public ont commencé à collaborer. À Winnipeg, je pense que les trois ordres de gouvernement partagent des locaux et assurent la prestation de services en commun. Ce genre de situation marque une évolution importante qui va, évidemment, dans le sens des intérêts de la fonction publique et bien entendu, dans celui de la manière dont le gouvernement fonctionne.

    Mon autre commentaire, parce que j'ai tendance à m'exprimer assez succinctement, est que la loi qui est actuellement à l'étude par le Parlement représente une importante étape ultérieure favorable au changement de culture. Beaucoup d'éléments contenus dans ce projet de loi auraient pu être mis en oeuvre sans nécessairement faire partie d'une loi. La Commission de la fonction publique pourrait déléguer des pouvoirs additionnels aux ministères en ce qui a trait à la dotation. Il y a beaucoup d'autres choses que l'on pourrait faire. Mais il est important que cette loi soit adoptée par le Parlement parce que de cette manière on indiquera clairement à la fonction publique à quel point il est important de poursuivre l'évolution, par exemple, de supprimer certains mécanismes de contrôle, de donner plus de latitude aux gestionnaires et, par conséquent, de leur confier davantage de responsabilités, et à mon avis on va y parvenir, tout comme on est parvenu à une suppression graduelle des mécanismes de contrôle durant les années que j'ai passées à Ottawa.

¼  +-(1805)  

    Il est également important pour la fonction publique que les parlementaires expriment catégoriquement leurs attentes et leurs désirs. Il est rare que cela se produise, parce que les parlementaires sont très sollicités et manquent de temps.

    Donc, il est important que ce projet de loi obtienne beaucoup d'attention. J'espère qu'il sera adopté, parce qu'il servira de balises à la fonction publique durant les années à venir et qu'il permettra au changement de culture qui, à mon avis, s'est amorcé de se poursuivre.

    Mon dernier commentaire portera sur la contrainte imposée à l'évolution du changement de culture dans la fonction publique, et cette contrainte origine du fait qu'en fin de compte les fonctionnaires évoluent dans un milieu politique. C'est bien joli de dire: «vous devez faire preuve d'innovation, prendre des risques, être prêts à faire des erreurs», mais les gens savent lire, ils regardent autour d'eux et ils enregistrent ce qui est arrivé à ceux qui ont commis des erreurs. C'est une chose de dire: «oui c'est une bonne idée d'apprendre de ses erreurs et de prendre des risques». Mais, qu'est-ce qu'il advient des personnes qui s'engagent dans cette direction?

    Tous les fonctionnaires ont pour objectif de faire en sorte d'éviter au ministre d'être la cible d'attaques répétées durant la période de questions. Inévitablement, cela entraîne une certaine aversion pour le risque. L'interrogation qui se pose dans l'avenir est la suivante: «allons-nous constater la même tolérance à l'égard des erreurs que celle dont le vérificateur général nous invitait à faire preuve, ou alors la tentation de marquer des points continuera-t-elle de restreindre la marge de manoeuvre ou la volonté des gens de prendre des risques?» C'est la véritable question qui se pose aux parlementaires. Et c'est une question qui prendra beaucoup d'importance durant le débat entourant l'adoption de cette loi par le Parlement.

    Nous avons fait beaucoup de progrès dans le domaine du changement de culture. Je pense que nous pouvons aller encore plus loin, parce que la société change et que le gouvernement doit changer lui aussi, mais il reste encore des points d'interrogation au sujet de la vitesse avec laquelle ce changement peut se produire.

    Merci, monsieur le président.

¼  +-(1810)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Vous avez introduit un concept très intéressant lorsque vous avez parlé de faire le passage de gouverner à servir. Il semble que cette loi nous forcera à abandonner l'idée de «servir» et la remplacera par celle d'«administrer». C'est la nouvelle façon de s'exprimer. Il sera certainement question de l'orientation que prendra le changement de culture et que l'on voudra qu'il s'effectue du sommet vers la base plutôt qu'inversement.

    Nous allons faire une pause et cesser la diffusion durant 15 minutes.

¼  +-(1811)  


¼  +-(1830)  

+-

    Le président: Nous reprenons nos travaux. Je pense que nous avons fait une pause de pratiquement 15 minutes.

    Je tiens à vous remercier, messieurs, de vos déclarations préliminaires. Vous nous donnez amplement matière à réfléchir. Je constate également avec plaisir qu'en vous déplaçant pour venir témoigner vous avez également l'occasion de discuter les uns avec les autres.

    Nous allons commencer avec quelques questions et remarques de M. Desrochers.

[Français]

+-

    M. Odina Desrochers (Lotbinière—L'Érable, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je voudrais vous dire que j'ai travaillé pendant six ans à la réorganisation d'une société d'État à Québec et que je vois que nous faisons face aux mêmes contraintes que vous: la relève, les départs massifs d'employés, la concurrence avec le secteur privé, les contraintes régionales, etc.

    Vous parlez de votre nouveau schéma de valeurs. Est-ce que ce schéma a été instauré avant les départs massifs, ou s'il s'agit tout simplement de nouvelles valeurs que vous voulez intégrer dans la fonction publique de façon à mieux atteindre les objectifs des années 2000?

+-

    M. Scott Serson: Monsieur Desrochers, quand Mme Bourgon a demandé à John Tait d'étudier la situation des valeurs, elle craignait que la revue des programmes de 1992-1993 n'ait eu un impact sur nos valeurs, sur la croissance des valeurs dans la fonction publique. John a commencé à étudier la situation et a présenté son rapport. On a commencé un processus de discussion, et ma collègue et moi avons continué ce processus de discussion et donné au greffier une ébauche d'une annonce sur les valeurs à mettre en oeuvre dans la fonction publique. On pense qu'il est maintenant temps de légitimer cette base de valeurs. On a eu des discussions à ce sujet avec plusieurs fonctionnaires, et ils sont aussi d'avis qu'il faut maintenant soumettre cette base de valeurs et légitimer les discussions sur nos valeurs.

+-

    M. Odina Desrochers: Actuellement, en 2003, quelles sont vos valeurs corporatives comparativement à celles de 1990? Pouvez-vous identifier les valeurs organisationnelles que vous intégrez dans la fonction publique?

+-

    M. Scott Serson: D'habitude, on parle des valeurs à plusieurs niveaux: les valeurs démocratiques, les valeurs professionnelles, les valeurs éthiques et les valeurs quant à nos relations avec nos collègues.

+-

    M. Odina Desrochers: Est-ce que ces valeurs sont intégrées dans le cadre du fonctionnement et dans le cadre des conventions collectives existantes?

+-

    M. Scott Serson: Non.

+-

    M. Odina Desrochers: Comment les syndicats réagissent-ils à l'arrivée de ces nouvelles valeurs? Est-ce qu'ils se sentent menacés?

+-

    M. Scott Serson: Non, pas du tout. On a eu des discussions avec les syndicats et les représentants syndicaux, et je crois qu'ils pensent que maintenant, un énoncé de valeurs sera quelque chose d'aspirational. Il ne s'agit pas d'une réflexion sur chaque aspect de notre réalité, mais de quelque chose qu'on veut travailler à atteindre.

¼  +-(1835)  

+-

    M. Odina Desrochers: Maintenant, plus concrètement, toujours en relation avec les syndicats, étant donné les départs volontaires et le vieillissement de la fonction publique, avez-vous évalué le plancher d'emploi? On sait que la fonction publique se modernise, que tout se modernise. On ne peut pas demander à la fonction publique de fonctionner comme il y a 20 ou 25 ans. Compte tenu de tout cela, avez-vous établi un plancher d'emploi afin de répondre aux nouvelles attentes de la fonction publique?

+-

    M. Scott Serson: Pour la Commission de la fonction publique, on a essayé d'étudier les attentes des nouveaux employés et de communiquer ces résultats aux sous-ministres afin qu'ils puissent comprendre ces attentes et gérer l'environnement de travail de manière à répondre aux besoins de ces jeunes fonctionnaires.

+-

    M. Odina Desrochers: Compte tenu du rattrapage que vous avez à faire, vous parlez de réinventer la fonction publique. Étant donné que vous avez commencé à intégrer ces valeurs et à tenter de recruter des jeunes, êtes-vous encore en retard dans le programme de relève? Où en êtes-vous rendus actuellement?

+-

    M. Scott Serson: À la Commission de la fonction publique, on a plutôt étudié la relève des cadres de gestion. Maintenant, on sépare les feeder groups.

    Il y a beaucoup de fonctionnaires qui ont pour but de devenir gestionnaires à la fonction publique. Si les choses restent équilibrées, on va avoir assez de cadres de gestion.

+-

    M. Odina Desrochers: L'une des valeurs que vous ajoutez au niveau de l'organisation est celle de la performance, de l'efficacité. Vous avez des budgets à respecter. Êtes-vous en mesure d'aller chercher une aussi bonne main-d'oeuvre que le secteur privé?

+-

    M. Scott Serson: Nous avons eu un défi à relever dans plusieurs domaines. Dans le cas des infirmières, c'est toujours difficile parce que le marché n'est pas bon.

[Traduction]

    Nous avons éprouvé des difficultés particulières dans le domaine de l'informatique et dans tout ce secteur jusqu'à ce que l'économie de la région d'Ottawa fléchisse et que l'industrie de la haute technologie emboîte le pas. Actuellement, le marché de la concurrence se porte un peu mieux.

    Nous avons tenté de convaincre les sous-ministres de l'importance de planifier leurs ressources humaines trois, quatre et même cinq ans à l'avance. Peter et moi nous disions justement durant la pause que c'est l'un des aspects du processus qui découle de La Relève dont les sous-ministres n'ont pas suffisamment fait de cas.

    Aussi, lorsque Statistique Canada publie ses chiffres, comme il le fait depuis les deux ou trois dernières semaines, sur les pénuries de main-d'oeuvre anticipées plus tard au cours de la décennie, je m'inquiète de voir si les ministères vont améliorer leurs capacités d'établir des prévisions en ce qui concerne les secteurs où il y aura des pénuries de main-d'oeuvre.

[Français]

+-

    M. Odina Desrochers: Ça va aller pour l'instant, monsieur le président. Je vais céder la parole à mes collègues.

[Traduction]

+-

    Le président: Sur ces questions, avant que je cède la parole à M. Cullen, est-ce que l'un d'entre vous voudrait renchérir? Pas maintenant?

    Bon, très bien. Vous avez la parole.

¼  +-(1840)  

+-

    M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur Serson, monsieur Harrison et monsieur Kroeger.

    Monsieur Kroeger, durant la période où DRHC a connu les événements malheureux que l'on sait, j'ai lu un de vos articles. Je l'ai trouvé fort intéressant et tout à fait pertinent.

    Vous disiez, si je vous ai bien compris, que l'on mettrait davantage l'accent sur les règles et que l'on suivrait certains cycles. Vous disiez en substance: un scandale ou un événement quelconque va survenir et le gouvernement va faire marche arrière et revenir à un système fondé sur les règles. Les fonctionnaires sauront interpréter le signal et s'adapteront à un retour à l'obéissance aux règles. Plus tard, on sentira un mouvement pour que les gestionnaires fassent davantage preuve de souplesse, et le cycle recommencera.

    Est-ce inévitable ou existe-t-il un moyen de mieux gérer la situation afin que les cadres supérieurs du gouvernement, où je suppose que le mouvement va s'amorcer, puissent prendre la décision consciente de vivre avec un certain degré de risque, sans égard à la mauvaise presse qui pourrait sévir à l'occasion?

+-

    M. Arthur Kroeger: Il est difficile d'être catégorique à ce sujet. Je ne pense pas que l'on doute un seul instant, peu importe les mérites de tout ce que l'on a pu dire durant l'affaire de DRHC, que cette situation a eu pour effet d'entraîner un retour vers la bureaucratisation du gouvernement. Cela ne fait aucun doute. Tout un chacun est devenu très soucieux d'obéir aux règles, et s'est beaucoup plus inquiété de ce qui se passerait lors de la vérification suivante et de l'importance de faire les choses dans les règles.

    Je suis président du conseil d'une organisation appelée Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques—l'organisation de Judith Maxwell. Les RCRPP, comme on les appelle, ont constaté qu'il faut deux fois plus de temps aujourd'hui pour obtenir l'autorisation d'un marché lorsque l'on présente une soumission dans le cadre d'un programme gouvernemental. Un certain nombre d'organisations du secteur bénévole pourront vous fournir les mêmes données.

    On assiste à un mouvement de retour du pendule. D'un côté, Scott Serson cite un article dans lequel on dit qu'il est très important que la fonction publique prenne des risques. Puis il en cite un autre où l'on dit que les règles sont faites pour être respectées. Alors, force est de constater qu'il se produit un mouvement de va-et-vient.

    J'ignore comment sortir de cette impasse, parce que en présence d'une cible politique, la tentation est toujours grande de l'exploiter, peu importe ce qui s'y oppose. Mais si l'on voulait faire une observation de l'extérieur, ce serait une bonne chose de réfléchir aux effets à moyen terme de cette oscillation sur le fonctionnement du gouvernement, parce qu'il s'agit d'un frein à la transition vers un gouvernement flexible qui s'efforce de faire preuve d'un peu d'imagination et de prendre des risques. Les moyens de dissuasion à cet égard sont assez puissants, parce que si vous exposez votre ministre à subir durant six semaines une série d'attaques durant la période des questions, vous risquez sérieusement d'abréger votre carrière.

+-

    M. Roy Cullen: J'aimerais poser une question à M. Kroeger ou à M. Harrison—surtout à vous, monsieur Kroeger, maintenant que vous êtes un sous-ministre à la retraite.

    Si on examine certains événements survenus récemment—l'histoire de DRHC, l'enregistrement des armes à feu, les commandites—d'un côté, les gens disent que le gouvernement est une grosse machine et qu'il ne faut pas se surprendre qu'il y ait des bévues, mais je n'approuve pas cette affirmation.

    Je comprends pourquoi les grandes organisations s'exposent toujours à ce qu'il y ait un certain nombre d'erreurs commises, mais que s'est-il passé dans ces cas précis? Sommes-nous en face d'une dynamique qui dit que les fonctionnaires sont débordés, que nous avons perdu les gestionnaires de talent ou encore serait-ce un cas d'une trop grande ingérence politique? Est-il possible de trouver un certain fil conducteur pour toutes ces situations, ou bien est-ce seulement le lot des grandes organisations?

+-

    M. Arthur Kroeger: Ces trois situations sont complexes, mais je vais vous donner une explication pour les trois.

    En un sens, la fonction publique ne faisait que ce qu'on lui avait demandé de faire. Dans le cas de DRHC, les effectifs du Ministère avaient été réduits d'environ 20 p. 100—ce qui correspond à 5 000 personnes. Que faire dans une situation semblable alors que vous devez assurer la prestation d'un éventail de programmes? Si vous aviez posé la question dans tous les caucus de la Chambre des communes, ils auraient tous répondu, débarrassez-vous des gratte-papier et continuez d'assurer la prestation des programmes aux gens qui en ont besoin. Débarrassez-vous de la bureaucratie. Ne vous en faites pas avec les chinoiseries administratives. Contentez-vous de livrer la marchandise.

    Dans le cas du programme d'enregistrement des armes à feu, il s'est produit beaucoup de choses. Je ne suis pas un spécialiste des systèmes informatiques, aussi je ne vais pas me risquer à fournir d'explication. Mais il était absolument clair d'après les déclarations du ministre de la Justice de l'époque, du Premier ministre et de l'ensemble du gouvernement que nous nous dirigions tout droit vers ce genre de situation. Peut-être avez-vous lu dans les journaux que des fonctionnaires du ministère de la Justice avaient tenté d'avertir le ministre de l'époque que ce programme était très compliqué, que beaucoup de choses pouvaient aller de travers, et que cela risquait de coûter très cher. Mais, on leur a répondu de faire avec, et c'est ce qu'ils ont fait.

    Dans le troisième exemple, l'affaire des commandites, la conduite des fonctionnaires n'était certainement pas à blâmer, à mon avis. Il s'agit encore d'une situation, d'après ce que je peux voir, où les décisions étaient motivées par des impératifs politiques dans une très large mesure et où les fonctionnaires dans ce cas aussi n'ont fait que ce qu'on leur a demandé de faire. Je ne dis pas que je les exonère de tout blâme. Ils ont commis des erreurs, et ils auraient dû s'y prendre autrement dans bien des cas. Mais, je m'insurge contre certaines choses qui ont été dites et qui semble-t-il se sont retrouvées dans le rapport préliminaire du Comité des comptes publics comme quoi tout ce qui s'est passé était exclusivement la faute des fonctionnaires. C'est faux.

¼  +-(1845)  

+-

    M. Roy Cullen: Merci.

    Monsieur Harrison, peut-être pourriez-vous faire vos commentaires à ce sujet plus tard. J'aimerais vous poser une question à tous les trois, et sentez-vous libre de répondre.

    Il est question d'encourager les fonctionnaires à prendre des risques et d'améliorer la gestion horizontale au sein du gouvernement. Il suffit de regarder ce qui se passe dans le secteur privé, lorsqu'il est question de la gestion horizontale et de sa capacité à encaisser des coups de Jarnac. Le PDG d'une société ouverte doit toujours se rappeler qu'il est en quelque sorte dans une cage de verre lui aussi. Mais il peut toujours déclarer qu'il a fait fi de la hiérarchie officielle afin de s'organiser et d'obtenir certains résultats ou encore qu'il a décidé de prendre des risques calculés. Dans le secteur public, nous évoluons aussi dans une cage de verre, mais les contribuables nous demandent de rendre des comptes en ce qui concerne l'argent de leurs impôts.

    Lorsque nous parlons d'améliorer la gestion horizontale et de prendre un peu plus de risques, pourrions-nous mieux nous organiser au sein du gouvernement afin d'améliorer la gestion horizontale, et par ailleurs—et j'admets qu'il pourrait s'agir d'une question un peu différente—améliorer aussi notre organisation générale et peut-être redéfinir les mesures d'encouragement afin que les fonctionnaires prennent plus de risques?

+-

    Dr Peter Harrison: Permettez-moi, monsieur le président, de faire deux ou trois commentaires.

    Je pense que l'on peut affirmer sans crainte que toutes les organisations de la société pourraient sans doute mieux s'organiser. Le contexte dans lequel nous travaillons change continuellement, et je pense que le défi tient en partie à ce que l'organisation doive s'adapter à ces changements.

    Le défi de l'horizontalité découle, à mon avis, d'abord et avant tout, de la nature changeante des problèmes. En effet, ce défi est d'abord et avant tout un problème organisationnel, mais aussi un problème qui exerce une pression pangouvernementale.

    Vous faites référence, monsieur Cullen, au secteur privé. Je crois que la même chose se produit dans ce secteur, mais il est certain qu'il devient de plus en plus difficile de classer les problèmes qui surviennent chaque jour dans une sphère précise de l'organisation. Le défi que nous devons affronter continuellement est d'être en mesure de nous organiser pour faire face à ces questions. Aussi, ma première observation est que ce sont les problèmes eux-mêmes qui sont les moteurs de l'action.

    Le deuxième point que j'aimerais faire valoir est que les gens que nous servons, c'est-à-dire les citoyens du Canada, ne pensent pas en termes d'organisation; ils pensent en termes de résultats. Je pense que cela s'exprime clairement dans le processus parlementaire, qui peut avoir un lien ou pas avec une organisation particulière, mais qui a certainement un lien avec les résultats. Donc, je pense que l'émergence de l'horizontalité n'est pas le résultat d'une notion théorique; elle est suscitée directement par la société.

    Pourrait-il y avoir des mesures incitatives? Il est toujours possible de définir des encouragements, mais à mon avis le meilleur encouragement pour les fonctionnaires que je connais est le désir de faire du bon travail et de bien servir les Canadiens, ce qui signifie qu'ils doivent se montrer de plus en plus prêts à s'adapter, et également qu'ils doivent faire face à un niveau accru d'incertitude, ce qui revient à travailler suivant un mode horizontal.

    Je ne pense pas qu'une organisation puisse jamais prétendre qu'elle se trouve dans un état stable. C'est la raison pour laquelle j'ai fait mes premiers commentaires sur le changement de culture; je pense que nous vivons une adaptation continuelle aux besoins changeants de la société. De toute évidence, le défi de l'horizontalité en fait partie.

    En ce qui concerne la complexité, de plus en plus nous assistons au groupement de questions que nous aurions qualifiées, il y a 10 ou 15 ans, de problème économique ou social; ou de problème de ressources ou bien d'un défi sur le plan culturel. Nous constatons que les questions qui se posent à nous tous les jours ont un lien avec tous ces éléments. Je pense que nous nous dirigeons inévitablement dans cette direction.

    Mon troisième point vise la fonction publique du Canada. Je me souviens d'une personne avisée qui m'expliquait, il y a quelques années, que les institutions peuvent être structurées soit verticalement, soit horizontalement; il est très difficile de le faire en diagonale. Si vous avez adopté une structure verticale, vous devez vous préoccuper de la gestion horizontale. Si par ailleurs, vous avez opté pour une structure horizontale, vous devez néanmoins vous préoccuper de la gestion verticale.

    À mon avis, monsieur le président, à cet égard comme à bien d'autres, il s'agit de maintenir l'équilibre. L'équilibre auquel je fais allusion est que les redditions de compte se font à la verticale. Elles se distribuent du Parlement aux ministres, en passant par les ministères et nous devons nécessairement respecter ce principe. Le défi consiste à trouver le moyen de nous acquitter de ces redditions de compte tout en nous occupant des affaires courantes qui touchent à tous les secteurs.

    Mon opinion personnelle à ce sujet est que nous avons progressé énormément au fil des années. D'après mon expérience des 20 dernières années ou à peu près dans la fonction publique, on constate un intérêt croissant à l'égard des questions horizontales et des tentatives de plus en plus marquées en vue de s'en occuper.

¼  +-(1850)  

    Vous avez soulevé la question que l'on pourrait avoir besoin à l'occasion de conclure des arrangements précis à l'échelle de l'institution. Je pense que c'est le cas. À n'en pas douter, la création du Groupe de travail La Relève, que j'ai déjà mentionné, illustre bien ce point. Pour créer un groupe qui agit comme un catalyseur, qui oeuvre à l'horizontale à la fois dans tous les ministères et aussi dans toutes les régions à la réalisation de choses nécessaires. Je pense que tout le défi est de savoir quand il faut procéder de cette manière et quand il faut s'arrêter.

+-

    M. Scott Serson: Pour faire juste un petit commentaire pratique, monsieur Cullen, comme je l'ai déjà mentionné, il semble qu'il y ait un réel problème de volume de travail au niveau de la direction, c'est-à-dire des cadres supérieurs. La gestion horizontale n'est pas une mince affaire; elle prend beaucoup de temps. Aussi, je m'inquiète au sujet de l'intersection de ces pressions. Nous voulons qu'il y ait davantage d'horizontalité, nous réclamons plus d'engagement de la part des citoyens, mais par ailleurs, les pressions sont bien réelles.

    L'une des choses qui me préoccupent depuis que j'ai accepté le poste de président de la Commission de la fonction publique est la nature et la portée du programme de travail de la direction, pas les priorités qu'ont les ministères responsables d'assurer la prestation de services améliorés, mais tous les autres domaines où l'on doit apporter des améliorations—la planification des RH, un sujet pour lequel je harcèle constamment les sous-ministres et certaines autres choses. Je m'inquiète souvent à l'idée que les choses pourraient devenir un peu confuses et désorganisées. Je m'inquiète de ce que nous n'avons pas établi clairement les priorités internes et que nous ne travaillons pas suivant cet ordre de priorités. Par exemple, si nous décidons d'aller de l'avant avec un projet, si nous avons vraiment l'intention d'implanter la gestion moderne au cours des années qui viennent à cause des événements que vous avez mentionnés, dans ce cas, il faudra éliminer certains éléments de notre programme de travail, parce que les gestionnaires ne peuvent tout simplement pas suffire à la tâche et commencer à changer leur style de gestion pour adopter un mode de fonctionnement horizontal que nous souhaitons leur voir adopter.

+-

    Le président: Merci.

    Je cède la parole à Mme Sgro.

+-

    Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Plus la discussion avance, et plus j'ai de questions à poser. Il faut que je décide par quoi commencer étant donné le peu de temps dont je dispose.

    J'entends parler de toute cette question de la coordination des services gouvernementaux depuis que je suis ici, c'est-à-dire depuis deux ou trois ans, et aussi à quel point elle est d'une importance cruciale. Et pourtant, tous nos sous-ministres semblent garder jalousement—et je suppose que si j'étais sous-ministre, j'en ferais autant—leur ministère, autrement dit ils adoptent cette attitude un peu protectionniste et semblent réticents à travailler de concert. Comment nous, les politiciens, pourrions-nous les encourager à abandonner ce comportement? Il me semble qu'il est beaucoup plus logique de se réunir et d'essayer de régler un problème tous ensemble, et si six ministères sont concernés par une question...

    Je sais que nous essayons d'y parvenir dans divers domaines, mais cette attitude devrait devenir une seconde nature. J'ai horreur de parler en faveur d'une plus grande bureaucratie ou d'accroître le nombre de niveaux hiérarchiques, mais d'une manière ou d'une autre, il faut que l'on trouve le moyen d'amener ces ministères à travailler en coordination. Bien sûr, le programme des affaires urbaines est le dossier avec lequel j'ai le plus d'expérience.

    Mais on peut voir facilement que l'on obtiendrait de bien meilleurs résultats si l'on trouvait le moyen d'y parvenir, sauf que lorsque je lis des documents publiés antérieurement, j'apprends qu'il y a 30 ans, on disait déjà que le gouvernement fédéral devrait amorcer l'horizontalité et améliorer sa coordination. J'apprécie le fait que nous fassions des progrès dans cette voie, mais je m'inquiète de ce que nous arrivions peut-être trop tard. Si nous avons attendu toutes ces années avant de décider que c'était la voie à suivre, comment allons-nous faire pour accélérer les choses? Je pense que le train file à toute allure, et que nous devons faire vite si nous voulons régler certains de ces problèmes.

    Avez-vous des commentaires? Monsieur Serson, vous êtes le chef de la Commission de la fonction publique, aussi je m'attends à ce que vous soyez capable de m'informer de toutes ces choses fantastiques qui sont en train de se faire afin d'accélérer les choses.

¼  +-(1855)  

+-

    M. Scott Serson: N'oubliez pas que la Commission de la fonction publique dispose d'une marge de manoeuvre très limitée pour ce qui est de la dotation et du recrutement. Mais, si je me rappelle de mes années en tant que sous-ministre, je peux dire que cette notion de l'horizontalité dans un domaine particulier doit s'accompagner d'une réelle volonté politique pour pouvoir s'accomplir.

    J'étais sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Il y avait tant et tant de choses à faire pour rendre la vie plus facile aux Premières nations. Je fais référence à ce que disait Arthur un peu plus tôt, pour présenter une demande de subvention et de contribution, en ce qui concerne les conditions et les échéances courantes, et ainsi de suite. Mais sans la volonté politique et sans l'intérêt des parlementaires pour que cela se concrétise, on sent une inertie, non par manque de volonté, mais seulement parce qu'il y a tellement d'autres priorités qui exigent notre attention dans ce système de reddition de comptes vertical au sein duquel évolue la fonction publique.

    J'ai beaucoup insisté sur ce point lorsque j'ai témoigné devant la commission royale d'enquête qui a tenté d'établir le profil du gouvernement et qui nous a permis de faire quelques pas en avant concernant la coordination de nos méthodes de travail parce que l'on sentait une volonté politique de surveiller notre comportement durant nos entretiens avec les membres de la commission d'enquête. Cette volonté nous a fourni la justification nécessaire pour maintenir la pression sur la coordination.

    Je ne sais pas si mes collègues voudraient commenter eux aussi sur ce point.

+-

    Dr Peter Harrison: Merci.

    La question que vous soulevez est sans aucun doute très importante, c'est-à-dire la coordination des services, mais aussi la réticence à travailler ensemble. Je n'ai pas de commentaire en ce qui concerne la question précise des affaires urbaines, mais je pense qu'il est juste d'affirmer que la manière dont les sous-ministres se réunissent a changé énormément au fil des années. M. Kroeger a beaucoup plus d'expérience et de discernement que quiconque à cet égard.

    Je me souviens d'une époque où les réunions entre sous-ministres n'étaient pas si fréquentes qu'aujourd'hui. Depuis environ une dizaine d'années, le greffier du Conseil privé réunit les sous-ministres tous les mercredis—habituellement, pendant que la Chambre siège—afin d'examiner les affaires du gouvernement, les principales questions de la journée et les problèmes de gestion, y compris, à mon grand plaisir, les défis liés aux ressources humaines que nous devons affronter régulièrement.

    Nous voyons aussi un nombre croissant de sous-ministres jouer le rôle de champions pour certaines activités particulières. M. Serson nous a décrit son rôle à titre de co-champion dans le domaine des valeurs et de l'éthique. Quant à moi, l'une de mes responsabilités consiste à représenter les intérêts du milieu scientifique en tant que groupe. Cette prérogative m'oblige à réunir un certain nombre de collègues ayant des intérêts et des problèmes similaires. La liste de ces responsabilités s'allonge.

    Je ne prétends pas que nous ne pourrions pas faire beaucoup plus, parce que je sais que nous sommes tous d'accord là-dessus. Mais, en terminant, je voudrais répéter que le défi réel consiste à trouver l'équilibre, parce que d'un côté nous devons rendre des comptes concernant la prestation de ces services que nous avons le privilège de gérer de façon statutaire ou parce qu'ils font partie de nos programmes. D'un autre côté, il est nécessaire de collaborer avec d'autres qui ont peut-être un point de vue différent sur une question particulière.

    M. Kroeger a mentionné l'émergence des réseaux. Nous avons constaté une évolution marquée des réseaux à tous les niveaux, y compris à celui des sous-ministres. Le groupement des questions, le changement et tout ça entraînent un mode de fonctionnement qui, à l'instar des amibes, ne déplace que les gens qu'il faut et au moment où l'on a besoin de leur participation.

    De fait, madame, je pense qu'il y a eu des progrès.

½  +-(1900)  

+-

    M. Arthur Kroeger: Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce que mes deux collègues viennent de dire.

    L'une des choses que j'ai apprises dans le passé est que lorsque l'on met sur pied une institution en vue d'essayer de gérer une fonction, tout va bien durant un certain temps, puis l'institution commence à élaborer son propre programme de travail. La sclérose s'installe remarquablement vite lorsque l'on laisse les choses aller. À la lumière de mes observations passées, si l'on veut régler une question particulière, comme le Protocole de Kyoto, et que cela touche les villes ou encore les Autochtones qui ont quitté leurs réserves pour aller vivre dans les centres urbains du Canada, mon point de vue personnel est qu'il est préférable de ne pas créer un nouveau ministère pour coordonner tout cela. Il faut plutôt créer de toutes pièces une institution ou un processus afin de s'occuper de cette question particulière durant une période de temps déterminée, puis à un moment donné, l'institution ou le processus peut s'auto-détruire.

    Donc, l'idée de désigner un sous-ministre ou un champion est brillante. Il suffit de créer un réseau en vue de régler un problème particulier, de le lancer et de le mettre en branle, mais ne pas l'institutionnaliser. Il est probablement louable d'injecter un certain degré d'improvisation et de souplesse au sein du gouvernement. Toutes les institutions, les banques, les organisations du secteur privé, tout autant que les gouvernements, éprouvent ce genre de problèmes. Mais, au sein du gouvernement, à mon avis, il est préférable de créer de toutes pièces une entité chargée de régler un problème particulier et une fois que le problème a plus ou moins été résolu, laisser le remède d'évaporer.

+-

    Mme Judy Sgro: J'ai une autre petite question.

    Comment pourrions-nous améliorer ou susciter la confiance entre la fonction publique et les parlementaires, étant donné que nous poursuivons tous le même objectif qui est de faire en sorte que notre pays soit vigoureux? Nous tâchons d'atteindre cet objectif en empruntant diverses voies et à divers échelons.

    Je suis très étonnée du manque de confiance que j'ai constaté. C'est compréhensible dans certains domaines, mais il me semble constater une absence presque totale de confiance entre les parlementaires et les fonctionnaires. Comment pourrions-nous améliorer la situation afin d'instaurer le respect mutuel qui est essentiel à la prestation des services que nous sommes chargés de rendre?

+-

    M. Arthur Kroeger: Peut-être qu'il est plus facile pour moi de répondre à cette question que pour mes deux collègues, qui sont toujours dans le système.

    J'ai été très surpris de lire dans l'Ottawa Citizen, il y a une ou deux semaines, que le président du Comité des opérations gouvernementales, Reg Alcock, a déclaré que la relation en question était déplorable et Mme Sgro semble laisser entendre qu'effectivement elle laisse à désirer. Je suis un peu surpris d'apprendre cela. Je n'ai jamais pensé durant toutes les années où j'ai été sous-ministre que notre relation avec les parlementaires était mauvaise.

    Il est certain qu'il existe un certain fossé et que lorsque vous êtes appelé à comparaître devant un comité parlementaire vous devez faire très attention à ce que vous allez dire, même si je n'ai jamais trouvé personnellement que les limites à cet égard étaient très contraignantes, parce que l'on peut se montrer très franc, et que les parlementaires l'apprécient. Ils sentent qu'on les prend au sérieux. Je pense que si j'avais un conseil à donner à mes anciens collègues de la fonction publique, ce serait de reconnaître à quel point il est important pour les parlementaires d'être pris au sérieux, et que l'on reconnaisse qu'ils ont vraiment une fonction importante dans le système.

    J'ai pu observer moi-même à l'époque que les parlementaires canadiens, dans l'ensemble, traitaient bien les fonctionnaire. J'ai dû répondre à des questions difficiles, mais dans le contexte normal d'un employé qui doit rendre des comptes. Peut-être que certaines choses qui se sont passées au cours des dix dernières années m'ont échappées. Mais, bien sûr, les parlementaires doivent reconnaître les contraintes avec lesquelles les fonctionnaires doivent composer et ne pas essayer de les exploiter à des fins politiques. À mon époque, cela arrivait très rarement. J'ai rarement eu à me plaindre à ce sujet.

    Je pense qu'il serait utile—et peut-être que cela existe déjà—d'inclure dans la formation des fonctionnaires une journée ou deux de cours sur la façon de communiquer avec le Parlement et les parlementaires, individuellement et en groupe. Peut-être que Scott Serson pourrait nous dire si une telle formation existe. Ce n'était pas le cas dans mon temps. Mais j'ai toujours pensé que ce serait une bonne idée.

½  +-(1905)  

+-

    M. Scott Serson: Je suis incapable de répondre de mémoire, Arthur. Tout comme vous, je pensais qu'il s'agissait d'un élément important des programmes de formation des cadres supérieurs lorsque je suis entré dans le système. Mais je ne saurais dire si ce programme existe aujourd'hui. Je sais qu'il est question de revenir à un programme obligatoire de formation en gestion et je pense que c'est parce que l'on veut s'assurer que des besoins fondamentaux comme celui-là sont pris en compte.

    Je suis du même avis qu'Arthur. J'ai apprécié les quelques rares occasions que j'ai eues de parler avec des groupes de députés à bâtons rompus, en-dehors des cadres structurés. Je veux dire que même la discussion que nous avons ce soir constitue un exemple inhabituel et rafraîchissant par rapport à certaines autres audiences des comités. À mon avis, cela permet d'entretenir un dialogue plus ouvert et plus franc qu'à l'accoutumée.

    Je n'aurai peut-être pas beaucoup d'autres occasions de le faire, aussi je vous dis qu'en ce qui concerne la Commission de la fonction publique, je m'inquiète du fait que depuis les trois ans et demi que j'en suis le président, aucun autre comité que le Comité des opérations gouvernementales ne nous a convoqués pour venir discuter en long et en large des travaux que nous avons entrepris. Lorsque j'ai obtenu ce poste et que j'ai examiné les pouvoirs que le Parlement avait accordés à la Commission de la fonction publique, mes collègues vous diront que ma première réaction a été de dire: «où sont nos ententes de délégation, sont-elles à jour, parce que je sais que l'on va me convoquer pour me demander ce que nous sommes en train de faire et comment nous procédons pour le faire.»

    Trois ans et demi plus tard, je n'ai toujours pas été convoqué, et je m'en inquiète. Lorsque je m'adresse personnellement à des députés, tous m'affirment que ce sont des questions importantes, mais qu'ils doivent s'occuper de tellement de choses importantes du même genre qu'ils manquent de temps.

    Donc, voici l'heure juste en ce qui concerne notre point de vue à la Commission de la fonction publique. Il est certain que j'attache de l'importance à la relation redditionnelle qui existe avec le Parlement et j'aimerais que cette relation soit renforcée dans le futur.

+-

    Le président: Pour parler du manque de temps, étant donné notre échéancier, nous allons clore la séance à 19 heures 30 exactement. Nous avançons bien, mais j'aimerais que nous fassions un autre tour de table et j'ai quelques questions à poser moi aussi.

    Je me demande si nous ne pourrions pas nous tourner un peu plus vers le projet de loi que le Parlement étudie actuellement, le projet de loi C-25, si vous avez des observations à faire à ce sujet. Comme vous le savez, j'ai fait certaines remarques concernant le principe du mérite qui ont été récupérées par des talk-shows dans tout le pays—et l'on s'interroge à savoir si la redéfinition du principe du mérite est le sens dans lequel nous devons aller.

    Par ailleurs, vous voudrez peut-être aborder la question des droits par rapport aux besoins de plus en plus d'employés et leur donner la possibilité à un moment ou l'autre de leur existence de se lancer en politique, et d'établir où se situe la limite à cet égard pour les employés du secteur public. Peut-être qu'ils pourraient envisager une nomination et se lancer activement dans la politique eux aussi, ou seulement pouvoir adhérer à un parti politique ou travailler comme bénévole un samedi, ou s'intéresser à la politique municipale et d'autres choses de ce genre.

    Le projet de loi tente aussi de définir certaines lignes claires en ce qui concerne le pouvoir de délégation et de définition pour les sous-ministres, et peut-être voudrez-vous faire des commentaires sur l'ensemble des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi.

    Ce ne sont que quelques suggestions de points dont nous pourrions discuter.

    Monsieur Desrochers.

½  +-(1910)  

[Français]

+-

    M. Odina Desrochers: Merci.

    J'aimerais revenir sur les rapports qui existent entre les fonctionnaires et les parlementaires et à la façon dont on s'adresse aux fonctionnaires. Quand je m'adresse à un fonctionnaire, c'est pour avoir de l'information; je n'use pas d'un quelconque pouvoir de décision. Je pense que c'est là que la friction commence. Quand on appelle un fonctionnaire et qu'on lui demande où en est rendu le dossier afin de donner une information à un commettant ou à une organisation qui attend une réponse, le fonctionnaire est de bonne foi. Par contre, quand on utilise notre titre de parlementaire et qu'on tente de décider à la place du fonctionnaire, c'est là que les frictions commencent.

    Pour ma part, je n'ai pas du tout de difficulté avec les fonctionnaires. Je trouve qu'on leur en met beaucoup sur le dos. Je regarde, par exemple, toute la question des commandites et celle de l'enregistrement des armes à feu. C'est incroyable. D'un coup sec, toute la responsabilité de ces événements tombe sur les épaules des fonctionnaires. Il y a des audiences qui s'en viennent, notamment sur les armes à feu au Comité des comptes publics. J'ai aussi entendu beaucoup de choses sur le programme des commandites.

    Je ne suis pas ici pour tirer des conclusions sur ces choses. Par contre, j'aimerais revenir sur le point que M. Kroeger a soulevé. À un moment donné, on devait atteindre rapidement certains objectifs financiers et on a procédé à une purge, à de nombreuses coupures. On a coupé dans beaucoup de ministères et on a tenté de faire appel à des contractuels pour remplacer des fonctionnaires en place.

    Vous avez parlé aussi, monsieur Serson, de l'éthique, une valeur très importante dans le cadre du débat qui s'amorce en vue de la révision de la fonction publique. Je pense que l'éthique est respectée dans la fonction publique.

    J'aimerais savoir si les problèmes qu'on a connus au cours des dernières années sont attribuables au fait qu'on a coupé dans la fonction publique. Des gens qui étaient compétents--je ne doute pas du tout de la compétence des fonctionnaires--ont été remplacés par des contractuels. Les ministères n'ont pas du tout le même contrôle sur les contractuels que sur les employés de la fonction publique. Les employés de la fonction publique doivent réussir des concours. Ils doivent passer par tout un processus avant d'être embauchés et, par la suite, ils sont régis par des conventions collectives ou des ententes avec la Commission de la fonction publique.

    Si c'était à recommencer, croyez-vous qu'on serait bien avisé de faire la même chose, ou s'il faudrait plutôt envisager d'autres avenues pour épargner des sous et ainsi maintenir un personnel efficace et compétent en mesure de répondre aux besoins du public et de la population?

    Je vous invite à commenter tous les trois.

    Je ne pense pas que les problèmes qu'on a vécus aient été attribuables aux contractuels.

[Traduction]

    À l'instar de bien des employés du secteur public, il est certain que je suis inquiet en raison des compressions sévères des effectifs que nous avons subies vers le milieu des années 90, et du fait que la charge de travail s'en est trouvée augmentée. J'ai déjà mentionné ce point à quelques reprises. Mais je ne pense pas que l'engagement de contractuels entraîne un manque de professionnalisme ou de respect des valeurs. À mon avis, il y a suffisamment de cadres, de superviseurs et d'employés à plein temps pour s'occuper de ces problèmes.

    Arthur, voulez-vous ajouter quelque chose?

½  +-(1915)  

+-

    M. Arthur Kroeger: Je suis d'accord avec vous.

[Français]

+-

    M. Odina Desrochers: C'est tout? Vous n'avez pas de commentaire à faire, monsieur Kroeger? Tout à l'heure, vous sembliez dire qu'il y avait eu surcharge à un moment donné, notamment au ministère du Développement des ressources humaines, parce qu'il y avait eu des coupures importantes. Je parle du maintien d'un bon niveau de service à la clientèle.

+-

    M. Arthur Kroeger: Il est vrai que les coupures très importantes qu'il y a eu au ministère du Développement des ressources humaines ont contribué à certains problèmes qui ont été identifiés par le vérificateur général. Les gens doivent faire un choix: est-ce qu'ils vont continuer à livrer les services ou est-ce qu'ils vont s'en occuper en s'assurant que tous les formulaires ont été remplis et que toutes les règles ont été observées?

    J'ai été sous-ministre pendant quatre ans au ministère de l'Emploi et de l'Immigration, le prédécesseur du ministère du Développement des ressources humaines. J'étais toujours frappé de voir à quel point nos employés s'identifiaient à la personne qui était devant eux. Ils étaient très conscients des problèmes des parents qui avaient perdu leur emploi, etc. Ils se fâchaient contre nous quand nous ne pouvions pas leur donner assez de ressources pour servir les gens. Donc, je comprends très bien pourquoi les gens en première ligne ont dit qu'ils allaient continuer de livrer les services à leur clientèle.  Ils ont fait des erreurs et il y a eu évidemment de grands débats au Parlement.

    D'autre part, les problèmes reliés au programme de commandites et à l'enregistrement des armes à feu n'étaient pas attribuables aux coupures, mais bien à la complexité des programmes et également à des problèmes de direction politique. Les fonctionnaires suivent la direction politique.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Je cède la parole à M. Cullen.

+-

    M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président. Je vais essayer d'être bref, parce que je sais que le président veut poser quelques questions lui aussi.

    Monsieur Harrison, je vous approuve lorsque vous affirmez que la gestion horizontale n'est pas la solution magique à tous les problèmes. Peut-être que nous devrions nous contenter d'une amélioration graduelle. Mais j'entretiens toujours quelques inquiétudes en ce qui concerne la reddition de comptes ministérielle. Autrement dit, s'il existe un problème de gestion horizontale par exemple, entre l'Environnement et la Santé, disons que l'Environnement est le champion ou alors le BCP, ou quelqu'un d'autre ayant pris l'initiative, en ce qui concerne la manière d'affecter les ressources et une partie de la reddition ministérielle qui vous concerne—et je ne suis pas sûr; c'est pourquoi je voulais en venir à la question des mesures d'encouragement—comment faire pour inciter les gens à faire une bonne gestion horizontale alors qu'ils sont tenus de rendre des comptes sur le plan hiérarchique et que ces contraintes peuvent interférer avec la gestion horizontale. Je ne sais pas si nous pouvons nous lancer là-dedans, mais j'aimerais bien, si vous voulez, que nous en discutions un peu plus.

    J'aimerais revenir à La Relève. Je me demande si l'on peut parler de travail en cours. Monsieur Harrison, je vous écoutais et j'essayais de lire entre les lignes. Il me semble que vous affirmiez qu'en ce qui concerne le leadership et le moral ainsi que la reconnaissance du rendement fourni par les employés du secteur public, on notait des progrès, mais qu'il semble subsister quelques lacunes ou certains secteurs mous sur lesquels nous devrions nous pencher.

    Je remarque, monsieur Serson, que vous avez mentionné que les ministères devraient avoir davantage de programmes de perfectionnement des ressources, ce qui me paraît important. Avec ces programmes, seriez-vous en mesure d'élaborer l'approche de la planification de la relève que l'on a mise en place dans le secteur des entreprises où elle confine à l'obsession? On entend parler de manoeuvres de court-circuitage et du fait que les cadres supérieurs passent un temps exagéré à examiner ces programmes de planification de la relève. Pourrions-nous régler cette question au moyen d'un plan de perfectionnement des ressources à l'échelle de la fonction publique du Canada?

    Quels sont les domaines, monsieur Harrison, où nous devrions suivre de façon beaucoup plus dynamique les jalons plantés par l'exercice de La Relève?

½  +-(1920)  

+-

    Dr Peter Harrison: Merci, monsieur Cullen et monsieur le président.

    À mon avis, il ne faut pas aborder la planification de la relève dans le secteur public de la même manière que dans le secteur privé. Je pense que cela va sans dire, étant donné les obligations imposées par la loi et ainsi de suite.

    Ceci dit, je pense que l'on peut affirmer sans crainte que de plus en plus de cadres supérieurs—et je m'inclus dans ce groupe—consacrent un temps fou, plus que jamais auparavant, à l'étude des défis que présentent les réserves de talents et de capacités à tous les niveaux.

    Un certain nombre d'entre nous décriraient la situation comme suit: il faut s'assurer de disposer d'un bassin d'employés dont on a pu déterminer qu'ils possédaient les antécédents et l'expérience nécessaires au moyen d'un concours ou d'un processus de sélection et susceptibles d'être nommés à des postes. C'est une optique un peu différente de celle qui veut que l'on trouve la personne qui convient précisément au poste à combler.

    Donc, même si le modèle est un peu différent de celui du secteur privé, il reste que nous faisons plus que jamais auparavant appel au processus de planification de la relève. Si je regarde, par exemple, la décision de se doter d'un groupe de sous-ministres adjoints compétents, en vue de créer une réserve, en quelque sorte. Nous avons décidé de procéder de la même manière et de créer des réserves à divers niveaux, des fonctionnaires débutants jusqu'à la direction. Dans les ministères, nous sommes nombreux à avoir adopté le même mode de fonctionnement, à la fois sur le plan du soutien technique et administratif, en vue de créer des réserves de talents. Donc, le processus est en cours.

    Leadership, moral et progrès: ces éléments représentent un défi permanent pour tous les dirigeants. Je ne pense pas qu'aucune organisation, qu'elle soit du secteur public ou autre, puisse affirmer à un moment donné que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et qu'elle peut se reposer sur ses lauriers. Il faut constamment pousser à la roue et il faut offrir un soutien, que ce soit par l'entremise du Groupe de travail La Relève, ou du Réseau du leadership, nous nous sommes efforcés d'offrir ce soutien, de rendre disponibles des outils pouvant servir de catalyseur à ce processus.

    En ce qui a trait à la planification des ressources humaines, Scott va pouvoir donner son appréciation des choses. Je vous ai dit un peu plus tôt que je pensais que l'une de nos principales réalisations a été de commencer à analyser les ressources humaines systématiquement—dans tous les secteurs du système, dans les diverses collectivités, horizontalement, ainsi que dans toutes les régions du pays. Devons-nous faire plus d'efforts à cet égard? À mon avis, la réponse est oui parce que, je le répète, on ne peut pas se reposer sur ses lauriers et faire comme si on avait atteint la perfection. Toutefois, si on regarde les choses d'un peu plus près, bon nombre de ministères et d'organismes sont tout simplement en train de travailler à la réalisation de ces plans.

    Pour ce qui est de votre dernier point, la reddition de comptes, tous les cadres supérieurs, y compris les sous-ministres, sont assujettis à des ententes de responsabilité. Ces ententes de responsabilité qui sont, dans le cas des sous-ministres, élaborées en collaboration avec le greffier du Conseil privé et le Comité des hauts fonctionnaires, font de plus en plus souvent référence à des aspects qui relèvent de la gestion horizontale, mais aussi, si vous me permettez cet ajout, de l'ensemble pangouvernemental. Autrement dit, le rôle de l'individu se définit à la fois au sein de l'organisation particulière et aussi à l'échelle beaucoup plus vaste de l'institution. Cette façon de faire s'inscrit dans la continuité de bon nombre des recommandations ayant été faites par les comités consultatifs au sujet de la rémunération et des avantages sociaux des cadres supérieurs.

+-

    M. Scott Serson: Je voudrais faire deux brefs commentaires, monsieur le président.

    Si on me pose la question, je vous dirai que la planification de la relève au niveau des sous-ministres adjoints et probablement des directeurs généraux ne m'inquiète pas. À mon avis, la plupart des ministères s'en sortent très bien à cet égard. Je m'inquiète bien davantage au sujet de la réserve de talents dont nous pourrons disposer d'ici quatre ou cinq ans, et si ces candidats seront bilingues, s'ils seront polyvalents. Pour vous donner un exemple du genre de choses qui me préoccupent, je voudrais que l'on s'attache moins aux situations de dotation et de recrutement et davantage aux besoins collectifs.

    Si on regarde nos collègues de l'Agence des douanes et du Revenu, qui ne sont plus régis par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, ils ont fait notamment comme changement... Ils devaient par exemple exécuter quelque chose comme 6 000 processus pour engager 9 000 personnes. Grâce à une bonne planification, ils n'ont plus qu'à écrire 1 000 processus pour engager 9 000 personnes. Je ne connais pas les chiffres exacts, alors je vous en prie, ne me citez pas, mais c'est le genre de ratio que l'on peut obtenir et on allège d'autant le fardeau des dirigeants lorsque l'on planifie les besoins en matière de ressources humaines et que l'on s'y prend à l'avance. C'est ce type de planification que je m'efforce de faire adopter par les ministères.

½  +-(1925)  

+-

    Le président: Techniquement, le projet de loi C-25 n'est pas à l'étude du Comité; je le reconnais. Mais, tôt ou tard, il le sera. Nous entendrons des témoins directement en rapport avec ce processus et vous faites partie des gens dont nous voulons connaître l'opinion.

    Le temps dont nous disposons est pratiquement écoulé, mais j'ai pensé que nous pourrions au moins aborder la question du principe du mérite. Je comprends qu'historiquement les tribunaux ont toujours défini le principe du mérite comme le moyen de trouver le meilleur candidat possible pour effectuer un travail donné. Je suppose que l'origine de ce principe remonte à la création du Home Office britannique qui s'efforçait de mettre sur pied une fonction publique indépendante qui soit professionnelle et qui agisse indépendamment du processus politique.

    Il y a bien cent ans que nous comparons le principe du mérite aux décisions politiques. Maintenant que nous voulons essayer de l'enchâsser dans la loi, il y a eu passablement de discussions dans tout le pays à ce sujet, et étant donné la manière dont le projet de loi a été formulé, il se peut très bien qu'il soit dilué. À première vue, il me semble que l'on essaie de définir le remède à un problème qui existe ailleurs et qui ne nous concerne pas.

    Je pense avoir donné suffisamment d'indices pour que l'on comprenne à quoi je veux en venir, je pense que l'on ne fait qu'effleurer le problème et peut-être vaut-il la peine de tenter le coup en ce qui concerne ce processus ou cette question particulière, au point où nous en sommes, et je pense qu'il est à peu près temps que nous fassions quelque chose.

+-

    M. Scott Serson: Mes collègues se tournent vers moi et je dois me montrer prudent, monsieur le président, parce que la commission que je préside est formée de trois membres et que nous n'avons pas terminé notre étude du projet de loi.

    Je comprends dans quel but on adopte une définition large du mérite, mais j'aimerais faire remarquer que, personnellement, je m'inquiète de l'orientation qui s'en dégage pour la Commission de la fonction publique. Vous avez déclaré que la Commission avait un rôle important à jouer notamment en ce qui a trait à la définition du processus, mais en toute sincérité, j'ai l'impression que nous avons besoin d'une orientation un peu plus précise, comme Arthur l'a suggéré, de la part du Parlement en ce qui concerne la façon d'interpréter l'intérêt public dans ce domaine.

+-

    M. Arthur Kroeger: Je suppose que le projet de loi sera à l'ordre du jour une prochaine fois. Je l'ai lu et je pense qu'il représente une étape utile. Il permet de réaliser un certain nombre de choses qui ne sont pas très spectaculaires, mais il prépare le terrain en prévision de l'étape suivante de l'évolution dans la fonction publique.

    Si on regarde en arrière, il y a eu un assouplissement graduel des mécanismes de contrôle. Il suffit de se reporter à l'époque où un ministère devait faire approuver et classifier chacun des postes de son organigramme car ces choses étaient gérées par l'administration centrale et les ministères devaient se débrouiller avec ce qu'on leur donnait. Il y a eu une évolution extraordinaire pour ce qui est d'assouplir les mécanismes de contrôle et d'accorder aux dirigeants une plus grande latitude.

    Mais il y a toujours des risques, et il faut sans cesse faire un compromis entre le contrôle et la disposition à prendre des risques. On entend dire de plus en plus qu'il faut accepter de prendre des risques. Aux États-Unis, quelqu'un a dit: «nous avons été tellement prudents dans notre intention de protéger les fonds publics que nous avons rendu impossible la gestion de ces fonds». On peut dire la même chose au sujet de la gestion des ressources humaines.

    Je pense qu'il est fondamental que le projet de loi C-25 préserve le rôle de la Commission de la fonction publique en tant que première gardienne du principe du mérite. Ceci dit, je ne pense pas que l'on ait besoin d'une définition du mérite aussi rigide que celle qui a toujours eu cours dans la fonction publique. Il faut faire preuve d'une plus grande souplesse et laisser les responsables prendre des décisions sensées, tout en sachant qu'ils pourront parfois se tromper.

    La mesure de protection ultime, à part la définition contenue dans la loi, est qu'aucun gestionnaire qui se respecte ne voudrait engager une personne incompétente. Tout ce que l'on réussit à faire dans un cas semblable c'est de se rendre la vie plus difficile. Il est dans l'intérêt des dirigeants d'engager les personnes les plus compétentes possibles, et si la loi fournit une certaine orientation à cet égard, tant mieux. Mais ne je pense pas qu'il soit nécessaire de le stipuler de façon très détaillée.

½  -(1930)  

+-

    Dr Peter Harrison: Permettez-moi de dire, monsieur le président, que je ne suis pas venu ici pour vous parler du projet de loi, d'autant plus que vous avez dit vous-même qu'il n'était pas encore soumis à l'étude du Comité. Et j'ajouterais qu'il y a des gens beaucoup plus compétents que moi pour le faire lorsque le moment sera venu.

-

    Le président: Je tiens à vous remercier d'être venus témoigner devant le Comité aujourd'hui. J'ai pris bonne note d'un grand nombre de vos remarques et vous nous avez donné matière à réfléchir.

    J'espère que vous continuerez de nous aider lorsque le moment sera venu pour notre Comité d'examiner le projet de loi de plus près. Je sais que le projet de loi sera à l'étude encore demain. Je ne prévois pas qu'il y aura beaucoup de discussion au-delà de la deuxième lecture, et je pense qu'il sera adopté assez rapidement et qu'il parviendra au Comité comme prévu. À ce moment-là, nous ferons appel à vos services.

    Je tiens à vous remercier de vous être déplacés aujourd'hui. Merci beaucoup.

    La séance est levée.