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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la santé


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 2 décembre 2002




¹ 1535
V         La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.))
V         M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne)
V         La présidente
V         M. Rob Merrifield
V         La présidente
V         M. Rob Merrifield
V         La présidente

¹ 1540
V         Mme Olivia Pratten (témoignage à titre personnel)
V         La présidente
V         Mme Olivia Pratten

¹ 1545
V         La présidente
V         M. Barry Stevens (témoignage à titre personnel)
V         La présidente
V         M. Barry Stevens
V         La présidente
V         M. Rob Merrifield
V         La présidente
V         La présidente
V         M. Barry Stevens

¹ 1550

¹ 1555
V         La présidente
V         Mme Catherine Clute (porte-parole, Coalition for an Open Model in Assisted Reproduction)

º 1600

º 1605
V         La présidente
V         Mme Irene Ryll ( porte-parole, The Infertility Connection (Edmonton, Alberta))

º 1610
V         La présidente
V         M. Rob Merrifield

º 1615
V         Mme Catherine Clute
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Olivia Pratten
V         M. Barry Stevens

º 1620
V         Mme Catherine Clute
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Catherine Clute
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Catherine Clute
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Catherine Clute
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Catherine Clute
V         M. Barry Stevens
V         Mme Catherine Clute
V         M. Barry Stevens
V         Mme Olivia Pratten
V         M. Rob Merrifield
V         La présidente
V         M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)
V         Mme Irene Ryll

º 1625
V         La présidente
V         Mme Catherine Clute
V         M. Paul Szabo
V         Mme Catherine Clute
V         M. Paul Szabo
V         Mme Catherine Clute
V         M. Paul Szabo

º 1630
V         Mme Catherine Clute
V         M. Paul Szabo
V         Mme Catherine Clute
V         Mme Irene Ryll
V         Mme Olivia Pratten
V         Mme Catherine Clute
V         La présidente
V         Mme Catherine Clute
V         Mme Irene Ryll
V         M. Paul Szabo
V         Mme Catherine Clute
V         M. Paul Szabo
V         Mme Catherine Clute
V         M. Paul Szabo
V         Mme Catherine Clute
V         La présidente
V         Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne)

º 1635
V         Mme Olivia Pratten
V         Mme Carol Skelton
V         M. Barry Stevens
V         Mme Carol Skelton
V         M. Barry Stevens
V         Mme Carol Skelton
V         La présidente
V         Mme Catherine Clute
V         M. Barry Stevens
V         La présidente
V         M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)

º 1640
V         Mme Irene Ryll
V         M. Stan Dromisky
V         Mme Irene Ryll
V         M. Stan Dromisky
V         Mme Irene Ryll
V         M. Stan Dromisky
V         Mme Irene Ryll
V         M. Stan Dromisky
V         Mme Irene Ryll
V         La présidente
V         Mme Irene Ryll
V         M. Stan Dromisky
V         Mme Irene Ryll
V         M. Stan Dromisky
V         La présidente
V         M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne)

º 1645
V         Mme Olivia Pratten
V         Barry Stevens
V         Irene Ryll
V         Barry Stevens
V         Irene Ryll
V         Barry Stevens
V         La présidente
V         Barry Stevens
V         La présidente
V         Irene Ryll
V         M. James Lunney

º 1650
V         Catherine Clute
V         M. James Lunney
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.)
V         Barry Stevens
V         Mme Judy Sgro
V         Barry Stevens
V         Mme Judy Sgro

º 1655
V         Barry Stevens
V         Irene Ryll
V         Barry Stevens
V         Mme Judy Sgro
V         La présidente

» 1700
V         Barry Stevens
V         Irene Ryll
V         La présidente
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         Barry Stevens

» 1705
V         La présidente
V         Barry Stevens
V         La présidente
V         Irene Ryll
V         La présidente
V         Barry Stevens
V         Irene Ryll
V         Barry Stevens
V         Irene Ryll
V         La présidente
V         Barry Stevens
V         Irene Ryll
V         La présidente
V         Barry Stevens
V         La présidente
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         Catherine Clute
V         Barry Stevens
V         La présidente
V         Barry Stevens
V         La présidente
V         Barry Stevens
V         La présidente
V         Barry Stevens
V         La présidente
V         Barry Stevens
V         La présidente
V         Barry Stevens
V         Catherine Clute
V         Barry Stevens
V         La présidente
V         Catherine Clute

» 1710
V         La présidente
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         Irene Ryll
V         La présidente
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         M. James Lunney

» 1715
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         M. James Lunney
V         Catherine Clute
V         M. James Lunney
V         Olivia Pratten
V         Barry Stevens
V         La présidente
V         M. James Lunney
V         Barry Stevens
V         M. James Lunney
V         Irene Ryll
V         Olivia Pratten
V         M. James Lunney
V         Barry Stevens
V         Olivia Pratten
V         Barry Stevens
V         M. James Lunney

» 1720
V         Barry Stevens
V         M. James Lunney
V         Olivia Pratten
V         M. James Lunney
V         Barry Stevens
V         Catherine Clute
V         Barry Stevens
V         Irene Ryll
V         Catherine Clute
V         Barry Stevens
V         Catherine Clute
V         M. James Lunney
V         La présidente
V         Irene Ryll
V         Catherine Clute
V         La présidente
V         Catherine Clute
V         Olivia Pratten
V         Catherine Clute
V         La présidente










CANADA

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 009 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 2 décembre 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Nous reprenons les travaux du Comité permanent de la santé. Je souhaite la bienvenue aux témoins.

    Il s'agit du dernier groupe de témoins que nous allons entendre avant de commencer l'examen article par article demain, mais le greffier du comité me signale que les commis législatifs n'ont reçu que 28 amendements.

+-

    M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Nous ne pouvons pas commencer l'examen article par article du projet de loi si nous n'avons pas reçu les amendements.

+-

    La présidente: Nous commencerons avec ceux que nous avons et pour l'instant, nous en avons 28.

    Je vous invite à vérifier auprès du personnel de votre bureau car le greffier pense que les conseillers législatifs ont rédigé les amendements et qu'il vous reste simplement à les approuver.

    Je vais résumer le processus. Vous envoyez des directives et peut-être un libellé provisoire. Les rédacteurs législatifs peuvent remanier le libellé ou tâcher de l'harmoniser avec le reste du projet de loi sans cependant en changer l'esprit. Ensuite, ils vous les renvoient et vous devez les approuver. Vous connaissez sans doute ce processus puisque nous l'avons suivi dans le cas du projet de loi sur les pesticides. Après avoir approuvé les amendements, vous devez les envoyer au greffier du comité.

+-

    M. Rob Merrifield: Je n'ai encore rien reçu à mon bureau.

+-

    La présidente: Je demanderais aux députés qui ont envoyé des amendements de bien vouloir se renseigner auprès de leur personnel avant de rentrer pour savoir si le conseiller législatif leur a renvoyé les amendements. Il suffit de les parafer et de les envoyer à José par télécopieur. Il s'occupera de les insérer dans la liasse pour demain.

    On me dit qu'ils ont travaillé pendant toute la fin de semaine, mais je ne sais pas si c'est pour nous ou pour le projet de loi d'un autre comité. Il faudrait les appeler et leur demander de faire vite.

+-

    M. Rob Merrifield: Ne serait-il pas ridicule de commencer l'examen détaillé du projet de loi sans avoir tous les amendements?

+-

    La présidente: Non, nous allons essayer de le faire parce que je suis persuadée qu'il y aura des débats de fond sur certaines questions. Si nous pouvons régler ne serait-ce qu'un amendement et le mettre aux voix, cela donnera le ton pour les autres.

    Je m'excuse auprès des témoins. Je vous remercie de vous être déplacés et nous avons hâte d'entendre vos exposés.

    Je donne la parole à Mme Olivia Pratten.

¹  +-(1540)  

+-

    Mme Olivia Pratten (témoignage à titre personnel): Je remercie les membres du comité de leur travail dans ce dossier et de m'avoir invitée à nouveau.

    Pour ceux d'entre vous qui ne me connaissent pas, je m'appelle Olivia Pratten et je fais des études universitaires. J'ai été conçue grâce à un don de sperme anonyme.

    Il est très décevant de constater que le projet de loi C-13 légalisera l'anonymat, alors que beaucoup de pays comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Autriche se sont déjà dotés de régimes transparents où les donneurs doivent être identifiés.

    Pour le bénéfice des nouveaux membres du comité, je vais expliquer pourquoi je m'oppose fortement à l'anonymat des donneurs, comme toutes les autres personnes que je connais qui ont été conçues grâce à des dons de gamètes.

    Premièrement et surtout, l'anonymat nous prive de la dignité de pouvoir décider par nous-même si nous voulons connaître la personne qui a contribué à notre conception. Sous sa forme actuelle, le projet de loi C-13 accorde au donneur le droit de choisir de s'identifier ou non, alors que le donneur est un adulte pleinement consentant. Ainsi, des décisions qui se répercuteront sur notre vie à jamais sont prises avant même notre naissance. Si un donneur refuse d'accorder plus d'importance aux éventuels besoins d'un enfant qu'il contribuera à créer qu'à ses besoins propres, il ne devrait jamais être considéré comme un candidat acceptable pour faire un don de gamètes.

    Quant à moi, je ne considère pas le donneur comme mon père, mais il a néanmoins un lien biologique avec moi. Ce qu'il représente à mes yeux est extrêmement personnel. Personne n'a le droit de décider à ma place de ce que je devrais ou ne devrais pas ressentir à son égard. Depuis ma plus tendre enfance, j'ai toujours voulu savoir qui il était. J'avais l'impression d'être au centre d'un casse-tête dont il manquait certains morceaux. J'avais besoin de ces morceaux pour comprendre l'ensemble du tableau.

    J'ai du mal à imaginer comment certains peuvent prétendre qu'il est anormal de vouloir connaître ses origines ou encore de dire que ceux d'entre nous qui veulent des changements sont une minorité. Si personne ne s'intéressait à ses origines, la généalogie n'existerait pas et les pratiques relatives à l'adoption n'auraient jamais été modifiées. Les historiens disent souvent qu'on ne peut pas savoir où l'on va à moins de savoir d'où l'on vient.

    Demandons quel message notre façon de procéder envoie aux personnes conçues par un don de gamètes, lorsqu'on laisse les donneurs disparaître à jamais dans la nature sans révéler leur identité. Est-ce que des personnes issues de tels dons ne seront-elles pas portées à penser que leur père ou leur mère biologique avait honte d'avoir fait un don et de l'être qu'il a contribué à créer? Je me suis souvent demandé si mon père biologique était un homme bien intentionné qui n'avait pas été pleinement renseigné ou s'il s'agissait d'un irresponsable qui n'avait jamais pensé aux conséquences de sa décision. Il n'est pas acceptable de traiter les dons de gamètes comme des dons d'argent anonymes que l'on fait aux organismes de charité à Noël.

+-

    La présidente: Je vous en prie madame Pratten, pourriez-vous ralentir? Les interprètes ont sans doute du mal à vous suivre.

+-

    Mme Olivia Pratten: D'accord, je ralentirai.

    Le sperme ne sauve pas le sperme; il crée la vie. Même si mon père biologique n'avait pas de responsabilités financières ou juridiques envers moi comme c'est le cas des parents, il avait le devoir moral et éthique de répondre à mes questions. Seuls les donneurs qui sont prêts à être identifiés lorsque l'enfant aura atteint l'âge de la majorité devraient être acceptés. Des donneurs parfaitement consentants responsables et prêts à rendre des comptes doivent devenir la norme de la communauté médicale et du gouvernement qui devrait d'ailleurs les assujettir à des règlements.

    Je suis choquée que la naissance d'enfants résultant d'une aventure, d'une liaison extraconjugale, est la justification dont certains ont besoin pour justifier le maintien d'un système de don de gamètes anonyme. Jusqu'où ira-t-on pour excuser cet acte irresponsable?

    Je prononce des discours à des conférences sur les donneurs depuis l'âge de 15 ans et je puis vous dire que le nombre de gens qui apparaissent comme par miracle croît non seulement au Canada, mais à l'échelle mondiale. Je fais partie d'une organisation internationale de descendants qui s'est donné pour mission de défendre les intérêts de la génération à venir pour qu'elle ne soit pas dans la même situation que nous—sans information et sans voix au chapitre.

    On nous a souvent répété que, comme les enfants adoptés, nous devrions être reconnaissants. Si tel est le cas, pourquoi me prive-t-on de la possibilité de remercier le donneur pour ce don de vie? Mon père biologique pourrait essentiellement être n'importe lequel des 30 millions d'hommes de race blanche du groupe sanguin A positif qui habitent cette planète. J'aime le père qui m'a élevé, mais cela n'efface pas en moi le sentiment de n'être l'enfant de personne. En termes clairs, le fait de ne jamais pouvoir voir le reflet de cette personne sans visage et sans nom dans mes traits ou ceux de mes enfants est un boulet que je traînerai toute ma vie.

    À première vue, lorsqu'on examine la question du don de gamètes nominatif, on peut croire que les camps de la descendance et des couples infertiles s'opposent, mais cela n'est pas le cas. Je comprends très bien toute la souffrance que mes parents ont vécu en raison de leur infertilité. La décision qu'ils ont prise de fonder une famille à l'aide de l'insémination artificielle par donneur, souvent appelée IAD, leur a apporté une joie immense—en l'occurrence moi, je suppose—, mais aussi tous les problèmes exacerbés par l'isolement et l'insuffisance des services conseils pour les préparer aux difficultés éventuelles.

    Un système transparent accorde non seulement respect et reconnaissance à l'enfant, mais il a également un effet positif sur tous les intéressés ainsi que sur l'image générale de l'insémination artificielle par donneur. Un système anonyme laisse entendre que cette pratique est en quelque sorte honteuse. Comment peut-on s'attendre à ce que des familles émotivement équilibrées soient fondées dans un tel environnement?

    En deuxième lieu, je souhaite dire que dans sa forme actuelle, le projet de loi C-13 n'aborde pas la protection des dossiers actuels et passés conservés dans les bureaux des donneurs ou dans les banques de sperme.

    J'ai récemment appris que le médecin qui a permis ma conception allait prendre sa retraite d'ici quelques mois. Je me suis rendue à son bureau pour tenter d'en savoir un peu plus long sur mon histoire médicale et mon donneur. J'ai fait photocopier pour ce comité les quelques mots qu'il a griffonnés sur un bout de papier. Ce n'est pas ce qu'on appelle des renseignements médicaux détaillés. Les renseignements sont minimes: couleur des cheveux et des yeux, groupe sanguin et presque aucune information médicale. Lorsque j'ai demandé au médecin où était mon histoire médicale, il m'a répondu, et je cite: «Ne vous inquiétez pas, chère enfant, j'ai posé quelques questions au donneur, et il était en bonne santé.» Je ne sais pas ce que je dois en comprendre. J'avais l'impression d'être en 1882 plutôt qu'en 2002 et je trouvais bien ironique que ses collègues étudient la génétique avancée tandis que lui me griffonnait quelques renseignements douteux sur un vulgaire bout de papier. Malgré tout, je sais que ce médecin est une bonne personne dont les intentions sont bien mal placées.

    Lorsque je lui ai demandé ce qu'il adviendrait de mes dossiers et autres renseignements pertinents, il m'a confié qu'ils seraient conservés au Collège des médecins et chirurgiens pendant deux ans et qu'ils seraient détruits par la suite comme tous les dossiers inactifs. Vous êtes à même de constater que je ne suis pas inactive du tout, mais plutôt bien vivante.

    D'autres invités vous ont peut-être dit que plus de renseignements sur les donneurs étaient maintenant disponibles, mais vous avez trois générations d'enfants issus de l'IAD devant vous qui vous disent le contraire. Rien n'a changé. Le projet de loi C-13 doit rapidement corriger ce problème.

    Enfin, le ministre de la Santé a dit publiquement:

    «Le projet de loi vise à protéger les Canadiens en permettant aux enfants issus des techniques de reproduction humaine d'avoir accès aux renseignements médicaux concernant les donneurs. L'identification du donneur doit être traitée selon des modalités semblables à celles que les provinces appliquent pour l'adoption, c'est-à-dire que l'identification du donneur peut se faire avec le consentement de celui-ci.»

    D'emblée, on est en droit de se demander si la comparaison entre le don de gamètes et l'adoption est acceptable du point de vue juridique puisque le don anonyme de gamètes est la conception volontaire d'une personne qui n'aura jamais accès à son héritage biologique tandis que l'adoption est une solution à une situation non prévue et non intentionnelle.

    Le ministre et le gouvernement ont tort de croire que le projet de loi C-13 traitera les enfants adoptés différemment des enfants issus des techniques de procréation assistée. En Colombie-Britannique, la province où je vis, les enfants adoptés ont un accès libre à leurs dossiers. Ils peuvent découvrir qui sont leurs parents biologiques. Toutefois, le projet de loi C-13 dans sa forme actuelle est discriminatoire envers les enfants conçus à l'aide du don de gamètes car il les prive du droit fondamental d'être traités de façon égalitaire par la loi, droit énoncé dans la Charte canadienne des droits et libertés.

¹  +-(1545)  

    Si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, il est possible que quelques-uns d'entre nous, en Colombie-Britannique, avec l'aide d'un avocat, entreprennent une contestation judiciaire.

    Je vous remercie encore une fois de reconnaître le besoin d'entendre la voix des enfants de la procréation assistée.

+-

    La présidente: Merci, madame Pratten.

    Nous passons maintenant à M. Barry Stevens. Monsieur Stevens, vous avez la parole.

+-

    M. Barry Stevens (témoignage à titre personnel): Merci.

    Y a-t-il une limite de cinq minutes, madame Brown?

+-

    La présidente: Oui.

+-

    M. Barry Stevens: Bien.

+-

    La présidente: Nous ne sommes pas trop stricts. En fait, nous ne sommes pas stricts du tout.

+-

    M. Rob Merrifield: Oui, nous le sommes. Mais tout dépend du moment.

+-

    La présidente: Tout dépend de l'humeur.

    Une voix: C'est hormonal.

+-

    La présidente: Je crois avoir entendu une allusion sexiste.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Barry Stevens: Eh bien, je ne manque pas d'hormones moi-même et je vais commencer.

    Je suis cinéaste et écrivain. Comme Olivia, j'ai été conçu grâce à une insémination avec donneur anonyme. Je suis l'un des premiers. J'ai réalisé un film, intitulé Offspring, au sujet de ma recherche de l'identité du donneur. Il a été projeté ici et partout dans le monde. Il a récolté quelques prix. Je crois que M. Cadorette en a des copies, si vous voulez le visionner.

    Olivia vous a donné les raisons pour lesquelles nous voulons connaître l'identité de nos donneurs. La connaissance de nos origines génétiques forme une partie importante de notre identité et l'ignorance de notre provenance peut gravement nuire à notre santé. En outre, le secret et l'hypocrisie entourant le régime de donneur anonyme sont nocifs pour les familles. C'est pourquoi je veux demander au comité de modifier le paragraphe 18(3) pour en éliminer les mots:  «la communication de l'identité du donneur... ne peut toutefois être faite qu'avec le consentement écrit de celui-ci». Il faudrait aussi modifier le libellé de cet article de manière que les renseignements susceptibles de servir à identifier le donneur ne puissent être divulgués avant que l'enfant ait 18 ans. Ce que nous voulons, essentiellement, c'est que la vérité soit faite.

    Bon nombre d'arguments fallacieux ont été présentés contre cette ouverture. Ils sont rarement fondés sur des données scientifiques. On en a entendus de plus en plus au cours de l'année écoulée, depuis la recommandation du comité précédent pour l'ouverture du système, à laquelle nous applaudissons.

    J'aimerais vous montrer que ceux qui s'opposent à la vérité et à l'ouverture en procréation assistée ont tort. Je vous présente des références à la fin de mon mémoire. Vous pouvez lire les articles de journaux pertinents, si vous le voulez.

    On prétend que les enfants qui s'opposent à l'anonymité des donneurs de sperme sont une faible minorité et que la grande majorité sont contents de leur sort. C'est faux. La majorité des enfants issus de l'insémination avec donneur ne sont pas encore des adultes. Il est donc peu probable qu'ils s'expriment. Beaucoup d'entre eux, bien entendu, ne sont même pas au courant. Mais pour la première fois, au cours des dernières années, on a étudié de manière appropriée l'attitude des enfants issus de l'insémination artificielle. Je vous ai présenté quatre de ces études. Il est clair que la grande majorité d'entre eux, entre 79 et 83 p. 100, estimaient qu'ils devaient pouvoir identifier le donneur, et souhaitaient ardemment y arriver. Les principales préoccupations citées par Amanda Turner, de l'Université de Surrey, en Grande-Bretagne, étaient les suivantes: «interruption de la continuité génétique, frustration dans de vaines recherches de leurs pères biologiques». C'est un sentiment que je connais bien.

    On prétend qu'il n'y aura plus de donneurs, s'ils doivent être identifiables, et qu'en Suède, après le changement du régime en 1985, le nombre de donneurs a chuté de beaucoup. C'est un argument qu'on entend très fréquemment. Ce n'est tout simplement pas vrai comme vous pouvez le constater en examinant les études. Les chercheurs qui se sont penchés sur l'expérience suédoise ont constaté au début une baisse du nombre de naissances par IAD, en partie à cause de la fermeture de cliniques privées régies par la loi et à cause de l'opposition des médecins à la nouvelle loi. Mais le nombre de donneurs avant et immédiatement après la loi est le même. À partir de 1992, il y a eu une augmentation considérable du nombre de donneurs disponibles, coïncidant avec des programmes de recrutement. Le nombre de donneurs a même dépassé de 65 p. 100 ce qu'il était avant l'adoption de la loi.

    La banque de sperme de la Californie, pour donner un autre exemple, a lancé un programme de divulgation de l'identité. Au début, la moitié des donneurs ont choisi d'être identifiables. J'ai parlé hier à la recherchiste principale de la clinique qui m'a dit que maintenant, le nombre de donneurs identifiables dépassent celui des donneurs anonymes. Actuellement, 81,4 p. 100 des donneurs choisissent de permettre qu'on révèle leur identité à leur descendant.

    L'État de Victoria, en Australie, a adopté un système ouvert. Pour l'année la plus récente de leur étude, le nombre de donneurs a commencé à augmenter.

    En Nouvelle-Zélande, où tous les donneurs sont identifiables, on a un nombre suffisant de donneurs et des programmes d'IAD qui fonctionnent bien. Je n'ai pas de chiffres pour ce cas-là, mais je sais que c'est vrai. Dans un système ouvert, les donneurs sont souvent plus âgés et ont d'autres motivations. Ce ne sont pas des étudiants universitaires.

    En passant, on a tort de présumer que les donneurs anonymes veulent rester anonymes pour toujours. D'après une étude, 97 p. 100 des donneurs de l'ancien système étaient prêts à être identifiés et même, dans certains cas, à avoir des contacts avec leur enfant biologique.

    La question de la perte de donneurs est primordiale et je m'étonne qu'il y ait si peu de recherches étudiées ou citées par nos adversaires. Des faussetés et des demi-vérités sont répétées et réitérées jusqu'à ce qu'elles soient acceptées. Pour moi, c'est déplorable.

    On prétend que dans la plupart des provinces, il n'y a pas de cadre juridique pour déclarer les parents récipiendaires et dégager le donneur de toute responsabilité familiale ou financière à l'endroit de son enfant biologique. D'ici là, on prétend qu'il faut garder le statu quo. Autrement dit, les provinces n'ont rien changé au droit de la famille, et on ne peut donc rien faire. Pour un enfant issu de la procréation assistée, c'est un problème typiquement canadien. Je ne veux pas en être victime. Je ne m'y connais pas très bien en relations fédérales-provinciales, mais si le gouvernement fédéral a les mains liés par l'inaction des provinces, c'est très regrettable.

¹  +-(1550)  

    Faute d'une loi, sachez que dans ma propre province, en Ontario, la banque de sperme Xytex s'est vu affirmer par un conseiller juridique que le risque était minime pour les donneurs qui sont déjà identifiables en Ontario et qu'il y avait fort peu de chances qu'ils soient poursuivis par des enfants qui souhaitent recevoir une pension alimentaire, par exemple.

    Ce que j'essaie de vous expliquer, c'est que ces lois doivent être adoptées de toute façon, puisque l'anonymat deviendra de plus en plus difficile à maintenir. On semble souvent négliger ce facteur. L'anonymat constitue une protection très faible, et on ne peut se rabattre sur lui pour empêcher cette éventualité peu probable d'être actionné pour obtenir une pension alimentaire.

    Les tests d'ADN sont très poussés et s'améliorent constamment. L'information sur les donneurs qui est aujourd'hui chose courante rendra très facile l'identification de ces donneurs en rétrospective. Si j'avais eu en main l'information que les familles obtiennent aujourd'hui couramment, je suis sûr que je connaîtrais aujourd'hui l'identité de mon donneur. À mon avis, il est beaucoup plus sûr de prévoir l'ouverture dès le départ.

    Même si c'est stupide, on ne cesse d'affirmer que puisque, de toute façon, un grand pourcentage de la population ne connaît pas vraiment son père biologique—on parle de 30 p. 100!—, il importe peu que les enfants issus d'insémination par donneur connaissent le leur. Voilà encore une fausseté de plus qui est colportée. Le journal de médecine britannique, The Lancet, s'est penché sur les quelques ouvrages portant sur la question et a pris note de ceci:

    «On évoque souvent les taux élevés d'erreurs de paternité, mais ces affirmations ne sont souvent étayées par aucun chiffre publié... Les taux d'erreurs de paternité sont devenus en quelque sorte une légende urbaine, soit des clichés qui circulent largement sans être étayés.»

    On a constaté qu'il était fictif de parler de 30 p. 100, alors qu'il était commun de trouver des cas d'erreurs de paternité d'à peine 1 à 3 p. 100 dans bien des populations. Pas que cela importe, comme disait Olivia. Et même si cela atteignait 30 p. 100, ça changerait quoi? Cela équivaut à dire que l'adultère devrait être la norme des soins médicaux. C'est comme si on disait que puisque certains enfants sont malheureusement nés aveugles, il n'y a pas de problème à en rendre d'autres délibérément aveugles dès leur naissance. C'est parfaitement farfelu, mais on ne cesse d'entretenir un tel raisonnement.

    On prétend que même s'il est légitime pour nous de vouloir connaître notre patrimoine médical, il suffit pour y parvenir de nous donner accès au dossier médical provenant du donneur. Vous savez bien que la plupart de ces enfants sont jeunes et en santé. Or, vous savez aussi à quel point on découvre un nombre croissant de maladies génétiques dans tous les secteurs de la santé, et à quel point ces maladies peuvent survenir tard dans la vie. Soit dit en passant, les donneurs anonymes peuvent plus facilement mentir dans leur dossier médical que ceux qui sont identifiables. Ça, c'est très clair et cela vous a déjà été dit.

    On prétend que s'il vaut mieux tout révéler aux enfants pour des raisons médicales, il est par contre impossible d'obliger les parents de le faire. La plupart d'entre eux refusent de divulguer la vérité, ce qui revient à tout laisser dans l'anonymat. C'est vrai que bien des parents ne veulent rien dire. Selon une étude qui a fait beaucoup parler d'elle, 90 p. 100 des parents n'avaient encore rien dit, mais en lisant à fond l'étude, on apprend que 60 p. 100 d'entre eux avaient l'intention de le faire lorsque leurs enfants seraient plus âgés.

    Dans d'autres études, on laisse entendre que la moitié ou plus des parents ont dit la vérité à leurs enfants ou la diront, et ce pourcentage semble croître. C'est un peu anecdotique, car je n'ai aucun chiffre pour le prouver. Toutefois, si ce n'est pas le cas de la majorité des parents, cela ne veut pas dire que ni les titulaires d'autorisation ni l'agence ne peuvent rien faire pour encourager la divulgation. L'adoption, autrefois considérée comme honteuse et gardée secrète, est aujourd'hui reconnue facilement par la plupart des parents. Mais je crois que Catherine vous en parlera mieux que moi.

    Soit dit en passant, bien des parents m'ont dit qu'ils ne souhaitaient rien révéler à leurs enfants étant donné que l'on ne connaîtra jamais l'identité des donneurs. Dans un système prévoyant l'identification, ce ne serait pas le cas.

    La consanguinité est un problème encore plus important que la profession médicale et l'industrie des cliniques voudraient le laisser croire. Il n'est pas inconcevable que des demi-frères et demi-soeurs aient éventuellement des relations sexuelles, ou même qu'un donneur ait des relations sexuelles avec sa progéniture. Beaucoup d'entre nous qui oeuvrent dans ce domaine savent que cela s'est déjà produit, même si ce n'est que de l'information anecdotique. C'est l'anonymat qui rend cela possible, alors que la divulgation complète rendrait la chose presque impossible.

    Il y a un aspect délicat dans cette affaire: la passion que cela soulève et les sentiments très prononcés qui en découlent sont dus au fait que certains des médecins ou des personnes qui oeuvrent dans le milieu médical et qui prônent vigoureusement l'anonymat ont déjà été parfois donneurs eux-mêmes. C'est en quelque sorte l'arbre qui cache la forêt: au tout début, et même plus récemment, il est arrivé que de jeunes médecins se spécialisant en médecine reproductive aient fait don dans le cadre de leur propre pratique de leur sperme à un de leur confrère aîné. Il est arrivé également que ces mêmes médecins sollicitent du sperme d'amis, de collègues ou de leurs propres étudiants. Cela explique leur nervosité devant la possibilité qu'on divulgue leur passé. Je n'en ai aucune preuve, mais je suis fermement convaincu que beaucoup de médecins qui s'opposent à la divulgation de l'identité le font par crainte. C'est évidemment irrationnel, puisque nous ne prônons pas l'identification rétrospective contre le gré de qui que ce soit.

    Enfin, vous savez sans doute qu'une action en justice a été gagnée récemment devant les tribunaux supérieurs britanniques en vue de faire identifier un donneur. On avait invoqué en cour le code européen des droits de la personne. De plus, la HFEA, qui est l'agence britannique qui a servi à bien des égards de modèle pour l'agence canadienne que met de l'avant le projet de loi, propose maintenant de mettre un terme à la pratique d'anonymat.

¹  +-(1555)  

    J'ignore si vous avez parlé à Suzi Leather à ce sujet, mais si on veut suivre l'exemple du Royaume-Uni, c'est cette orientation qu'on semble vouloir adopter. C'est donc assez ironique que le projet de loi C-13 prévoit l'anonymat alors que l'agence britannique, qu'on semble vouloir imiter, a choisi l'autre voie, comme bien d'autres pays. Je demande donc au comité de recommander que le Canada suive cette tendance progressiste et ne prévoie pas dans la loi que l'anonymat sera préservé à jamais.

    Merci beaucoup.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Stevens.

    Nous accueillons maintenant la représentante de la Coalition for an Open Model in Assisted Reproduction, Catherine Clute.

    Madame Clute, vous avez la parole.

+-

    Mme Catherine Clute (porte-parole, Coalition for an Open Model in Assisted Reproduction): Merci.

    Je représente COMAR—la Coalition pour un régime ouvert d'aide à la procréation. Notre organisation est composée de personnes devenues parents grâce à l'aide à la procréation, à l'adoption ou de façon naturelle, d'enfants issus du don de matériel reproductif humain, d'enfants adoptés, de chercheurs et d'éthiciens. Nous avons une expérience théorique et pratique du dossier.

[Français]

    Moi, je suis une mère grâce à l'adoption.

[Traduction]

    Voici une photo de mon fils où on le voit avec sa soeur naturelle. Sa soeur naturelle ne vit pas avec nous. Nous avons adopté notre fils de façon très ouverte. Il sait que sa soeur est sa soeur naturelle. Il l'aime beaucoup, mais chacun vit dans sa propre famille.

    Lorsque j'ai commencé à vouloir fonder une famille, j'aurais coupé ma main droite et appris à écrire avec ma main gauche si on m'avait dit que, ce faisant, je pourrais tomber enceinte, mener ma grossesse à terme et donner naissance.

    Lorsque nous avons fondé notre famille grâce à l'adoption, lorsque notre fils est entré dans notre vie, nos priorités ont changé. Maintenant, je serais prête à donner mes deux bras pour le bien-être de mon fils. Voilà pourquoi je suis ici, et je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée.

    Nous du milieu des gens qui ont adopté, nous estimons pouvoir apporter une contribution précieuse à la mesure législative dont vous êtes saisis. Nous vous prions instamment de ne pas répéter dans le domaine des dons de sperme, d'ovules et de gamètes les erreurs qui ont été faites dans le domaine de l'adoption. Des pages et des pages ont été écrites sur les dégâts qu'entraînent l'adoption en secret, les dossiers sous scellés, les pratiques axées sur le marché, la honte, la perte de contact avec la famille naturelle, l'impossibilité d'avoir accès aux informations médicales pertinentes et le sentiment d'identité incomplet pour les personnes adoptées.

    Ces erreurs ont été terriblement douloureuses. À à peine cinq kilomètres de chez moi, un monument a été érigé à la mémoire des «bébés des boîtes à beurre». Ce sont les bébés de la Ideal Maternity Home, à Chester en Nouvelle-Écosse, qu'on a laissé mourir parce qu'ils ne pouvaient pas être vendus. En souvenir de ces enfants et des parents et professionnels de l'adoption de cette époque, nous devons faire l'impossible pour ne pas adopter des méthodes axées sur le marché en matière de dons d'embryons, de sperme et d'ovules. Les dispositions du projet de loi sur l'information qui sera exigée des donneurs nous portent à croire que l'on répétera ces erreurs.

    Dans le domaine de l'adoption, l'ouverture et l'honnêteté sont maintenant la norme. Il doit en être ainsi dans le domaine de la conception par don de matériel reproductif humain. Dans le domaine de l'adoption, tous les professionnels ont le mandat de veiller au bien-être de l'enfant. Les souhaits des médecins, des parents naturels et des parents adoptifs n'ont jamais préséance sur les besoins des enfants.

    Mon fils a besoin d'être en contact avec sa famille. Nous facilitons ces contacts. Nous n'hésiterons pas à le faire, car c'est tout à fait sensé. Plus un enfant est entouré de gens qui l'aiment, mieux c'est. Dans le domaine de la conception par don de matériel reproductif, on devrait de même répondre à tous les besoins des enfants.

    Il semble que, lorsqu'on a rédigé ce projet de loi, on a cru le mythe selon lequel on manquerait de donneurs si on ne les payait pas ou si on ne permettait pas l'anonymat. En matière d'adoption, je suis certaine qu'on pourrait augmenter le nombre de bébés si les parents naturels étaient payés ou si on les encourageait autrement, mais nous ne le faisons pas, parce que cela nous semble dégoûtant. Nous ne pouvons même pas l'envisager.

    L'évolution de la société a entraîné une baisse du nombre d'enfants pouvant être adoptés et a modifié les pratiques d'adoption. Pourtant, à l'heure actuelle, il y a des milliers d'enfants qui attendent une famille permanente au Canada. Dans ma petite région de la Nouvelle-Écosse, il y a 65 enfants dans des foyers nourriciers qui attendent qu'une famille les adopte.

    Dans le cas de la conception par don de matériel reproductif, d'autres pays ont déjà prouvé que de demander aux donneurs de s'identifier n'entraîne pas une baisse de leur nombre, comme Barry vous l'a expliqué de façon exhaustive et éloquente un peu plus tôt. Le Canada devrait établir un programme sérieux de sensibilisation et de recrutement à l'intention des donneurs altruistes qui acceptent de révéler leur identité. Ensuite, on pourrait régler le problème du bassin de donneurs.

    Le projet de loi C-13 permettra d'obtenir les antécédents médicaux du donneur au moment du don seulement. Cela ne suffit pas. Cela ne suffit pas en adoption non plus. Nous, nous sommes en contact avec la mère naturelle de notre fils. Lorsque les premiers signes d'eczéma sont apparus, lorsqu'il a commencé à faire de l'asthme, j'ai téléphoné à sa mère naturelle pour lui demander si Bronwyn, la soeur aînée de mon fils, avait eu des problèmes semblables quand elle a commencé l'école. Elle m'a tout de suite répondu.

    Je ne veux pas dire par là que c'est ainsi que ça devrait se passer quand il y a conception par don de matériel reproductif, mais quand elle a rempli les formulaires, la mère naturelle de mon fils n'a pas indiqué que Bronwyn était asthmatique, parce que Bronwyn n'avait alors que cinq ans et que ce n'est qu'à neuf ans qu'elle a commencé à faire de l'asthme. La situation a changé et je crois qu'Irene va vous parler de l'importance de pouvoir compter sur des informations médicales actualisées. Il y a actuellement 3 000 maladies héréditaires. Il faut donc que les renseignements médicaux du donneur soient à jour, comme je viens de l'indiquer.

    La ministre a laissé entendre que, pour ce qui est de l'identité du donneur, on devrait adopter des pratiques semblables à celles des provinces en matière d'adoption. Or, ce n'est pas ce qui est prévu au projet de loi. Le projet de loi crée deux catégories: les donneurs qui acceptent de révéler leur identité et ceux qui refusent. De plus, les pratiques des provinces sont beaucoup plus progressistes que ce qu'on envisage de créer avec ce projet de loi.

º  +-(1600)  

    En Colombie-Britannique, les enfants adoptés ont le droit d'avoir leur certificat de naissance—leur véritable certificat de naissance original. Des lois semblables sont en voie d'élaboration en Ontario et à Terre-Neuve et Labrador, et c'est déjà une pratique établie au Royaume-Uni, dans plusieurs États américains, en Nouvelle-Zélande et en Australie.

    Si vous adoptez ce projet de loi sous sa forme actuelle, je crains que vous ne prêtiez le flan à des contestations aux termes de la Charte des droits et libertés, et que les personnes nées d'un don de matériel reproductif prétendront faire l'objet de discrimination parce qu'elles n'auront pas les mêmes droits que les personnes adoptées.

    Avant, les personnes adoptées se faisaient dire de ne pas en parler. De nos jours, quand il y a insémination par donneur, les médecins disent aux patients de ne dire à personne, y compris à leur enfant, comment celui-ci a été conçu. On ne donne pas aux parents de conseils sur les conséquences à long terme de leurs décisions et on ne leur donne pas non plus de conseils ou d'outils sur la façon d'aborder le sujet avec leurs enfants. Irène vous en touchera aussi quelques mots.

    Si je m'adressais à une travailleuse sociale pour lui dire que je veux adopter un enfant mais que je ne veux en parler à personne, elle me mettrait à la porte et je n'aurais pas le droit d'adopter un enfant. Mais c'est encore la norme pour ceux qui reçoivent des dons d'embryons, de sperme ou d'ovules et qu'on encourage tacitement et ouvertement à édifier sur un mensonge leurs relations avec leur enfant. Comment peut-on considérer cela de bons conseils médicaux, comment peut-on juger que c'est conforme à l'éthique et comment peut-on prétendre que ce projet de loi prévoit le consentement éclairé alors qu'il encourage l'anonymat et le secret? Il ne le fait peut-être pas directement, mais il le fait implicitement en permettant l'anonymat.

    Outre les antécédents médicaux, l'identité culturelle est aussi importante. Ceux qui ont adopté des enfants à l'étranger le savent déjà. Pensons à ceux qui ont adopté des enfants chinois et qui ont su adopter aussi la culture chinoise. Ils savent que c'est important non seulement pour leurs enfants, mais pour toute leur famille. Lorsqu'on adopte un enfant, on adopte un être entier dont la culture fait partie.

    Il y a trop longtemps que tout ce qui touche l'insémination par donneur se fait en secret. Cette tendance à refuser d'accepter la réalité a commencé avec les dons d'ovules et on semble vouloir l'enchâsser dans le projet de loi.

    Le don anonyme de gamètes est un retour en arrière et une énormité. Comme on l'a vu pour l'adoption, les mensonges et les secrets ne peuvent constituer les fondements solides d'une famille ou d'une vie.

º  +-(1605)  

[Français]

    Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités.

    Hier, en partant pour l'aéroport, j'ai dit à mon fils que j'espérais ne pas avoir à revenir de nouveau ici.

[Traduction]

    Daniel n'était pas content de me voir partir, car il se passe beaucoup de choses en ce moment à son école. Je lui ai dit que cette fois, c'était pour vrai, que le projet de loi allait être adopté et que je n'avais pas l'intention de me présenter à nouveau.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci, madame Clute.

    Nous entendrons maintenant Mme Ryll qui représente Infertility Connection, d'Edmonton en Alberta.

    À vous la parole, madame Ryll.

+-

    Mme Irene Ryll ( porte-parole, The Infertility Connection (Edmonton, Alberta)): Merci de m'avoir invitée à revenir faire des commentaires sur ce projet de loi et tout particulièrement sur la question des donneurs.

    Nous avons créé notre famille grâce à des dons anonymes de sperme et nous avons trois jeunes enfants de 8, 7 et 4 ans. Nous étions très heureux du rapport du comité déposé l'an dernier qui prévoyait un régime ouvert de dons et qui faisait certaines recommandations. Il était merveilleux de voir que l'on tenait compte de nos préoccupations à l'égard du régime actuel et que le comité proposait des façons d'y remédier. Donc, je vous remercie.

    Par contre, nous avons été très déçus lorsque le projet de loi a été déposé sans qu'on y tienne compte de vos recommandations, parce que les dons anonymes de gamètes ne sont certes pas dans le meilleur intérêt des enfants ni des familles constituées grâce aux technologies de reproduction.

    Nous nous souvenons de la douleur de l'infertilité. Nous avons une gratitude immense pour le donneur qui nous a aidés à créer notre famille. Toutefois, après être devenus parents, après avoir été sensibilisés aux questions auxquelles nos enfants et nous-mêmes comme famille serons confrontés, et plus important, après avoir entendu les propos des enfants devenus adultes, nous avons compris qu'en devenant donneur, on assume une plus grande responsabilité que de simplement fournir son sperme ou ses ovules—une responsabilité morale à l'égard des enfants.

    Si les donneurs ne sont pas à l'aise à l'idée de savoir que l'on connaîtra leur identité, ils ne devraient pas être acceptés comme donneurs. Nous commençons aussi à entendre la voix de nos propres enfants. Notre enfant de 7 ans m'a dit récemment: «Pourquoi nous cache-t-on l'identité de ces gens? Est-ce qu'ils ont fait quelque chose de mauvais?» Et il m'a dit aussi: «Si on ne sait pas qui a donné le sperme, comment le remercier?»

    Nous demandons que l'on modifie le paragraphe 18(3) de façon à ce que les donneurs de gamètes soient obligés de révéler leur identité, sur demande, lorsque l'enfant a atteint l'âge de majorité. On prétend souvent que ce faisant, on découragera les dons et que les donneurs ne veulent pas révéler leur identité. Nous ne pensons pas que ce soit le cas, et si l'on regarde la tendance dans d'autres pays—d'autres intervenants l'ont déjà mentionné—qui ont déjà ouvert leur régime de dons, on est quand même capable de trouver des donneurs. On trouve d'ailleurs souvent des gens plus âgés qui sont peut-être déjà parents et qui savent ce que cela signifie d'avoir un enfant.

    Cela empêcherait également la création d'un régime à deux vitesses où dans un cas le donneur serait identifié et dans l'autre il serait anonyme. La Human Fertilisation and Embryology Authority en Grande-Bretagne, l'organisme de réglementation depuis l'adoption de la loi britannique il y a plus de 10 ans, a récemment recommandé de ne pas adopter un tel régime pour des raisons d'éthique.

    Après une entrevue que nous avons donnée à la revue McLean's plus tôt cette année, un ancien donneur de sperme de notre clinique a communiqué avec nous. Il pensait qu'il avait peut-être été le donneur dans le cas de nos enfants et il était prêt à partager l'information avec nous. Il nous a également dit qu'il était disposé à faire partie d'un registre volontaire que nous voulons que le gouvernement fédéral mette sur pied de façon à ce que les enfants des familles et les donneurs du régime anonyme actuel puissent entrer en contact s'ils le souhaitent et partager de l'information.

    Nous avons mentionner ceci à la ministre McLellan lorsque mon époux et moi l'avons rencontrée l'été dernier. Nous n'avons aucune donnée médicale sur le donneur de nos enfants. Nous ne sommes pas les seuls dans cette situation. Comme parents, il y a toujours eu une grande préoccupation à ce sujet et je suis persuadée que nos enfants et leurs enfants auront cette préoccupation aussi.

    Nous avons préconisé vigoureusement des modifications au régime actuel de don de gamètes afin d'assurer que les données médicales seront communiquées aux parents et à leurs enfants. Nous sommes heureux que l'on ait inclus cet aspect au paragraphe 18(3) pour les familles de demain. Toutefois, nous demandons que l'on modifie cette disposition afin de prévoir que toutes les données médicales qui ne révèlent pas l'identité soient communiquées aux familles et à leur progéniture, sur demande, rétrospectivement.

    Notre aîné—au cours des deux dernières semaines—a reçu un diagnostic d'un trouble génétique qu'on ne retrouve pas dans ma famille. Ce serait extrêmement utile de connaître les antécédents médicaux du donneur de nos enfants pour cette raison et pour l'avenir. Or, dans notre situation, il n'y a pas d'endroit où s'adresser.

    Notre médecin m'a dit que toute communication de données médicales qui ne révèlent pas l'identité doit être accompagnée du consentement du donneur. Il n'y a aucune procédure en place pour tenter même d'obtenir ce consentement. Notre clinique dit qu'on ne peut pas trouver le donneur. Tout ce qu'on nous a donné—et j'ai un autre bout de papier—c'est ce bout de papier avec six caractéristiques physiques de notre donneur. Et il y a quelques petits renseignements de l'autre côté.

    Encore une fois, cette condition génétique a des répercussions pour les enfants de nos enfants, les propres enfants du donneur ainsi que toute autre famille dont les enfants proviennent de ce donneur. Et pourtant, il n'y a aucune façon de partager cette information avec le donneur et avec les familles.

º  +-(1610)  

    Pour éviter qu'à l'avenir d'autres familles se retrouvent dans la même situation, nous demandons que tous les dossiers médicaux des banques de sperme soient placés dans un registre central afin qu'ils ne puissent pas être détruits ou perdus. Ce genre de registre serait extrêmement utile. Notre gouvernement devrait favoriser la transparence afin que les parents se sentent soutenus pour parler à leurs enfants de leurs origines.

    En tant que parent et professionnel de la santé, je sais qu'il est indispensable de disposer d'antécédents médicaux complets et exacts pour prendre des bonnes décisions concernant sa santé et son mode de vie. Rien que pour cette raison, on ne peut certainement pas prétendre que l'anonymat des dons de gamètes soit dans l'intérêt supérieur de l'enfant. En incitant les parents à dire la vérité à leurs enfants sur la façon dont ils ont été conçus et les antécédents médicaux des donneurs, notre gouvernement fera preuve de leadership en favorisant un changement dans la façon dont la société considère ce mode de conception au Canada.

    Notre gouvernement a l'occasion de mettre un terme à l'anonymat actuel des dons de gamètes et de respecter le principe énoncé à l'alinéa 2b) qui veut que la santé et le bien-être des enfants issus des techniques de procréation assistée doivent prévaloir dans les décisions concernant l'usage de celles-ci. Et cela soutiendra et favoriser la création de familles saines et fortes, ce qui devrait être l'objectif de la procréation assistée.

    J'ai préparé, pour mes enfants, un album montrant comment nous sommes devenus une famille et j'y indique que nous avons fait appel à un donneur de sperme pour nous aider à avoir des enfants. À la fin de l'album, il y a plusieurs histoires ainsi qu'une courte lettre que ma fille, qui a sept ans, a écrite à son donneur de sperme.

Cher donneur de sperme,

Merci d'avoir donné à ma maman le sperme qui m'a permis d'avoir une famille. Vous devriez être fier de vous, car vous avez bien agi. Dieu est content de vous. Vous êtes un homme bon. Continuez à faire de bonnes choses. J'aimerais pouvoir vous rencontrer.

Je vous embrasse

    Et elle a signé son nom.

    Merci beaucoup.

+-

    La présidente: Merci, madame Ryll.

    Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par M. Merrifield.

+-

    M. Rob Merrifield: Merci d'être venu témoigner. Je me souviens très bien de votre dernière comparution. En fait, elle a marqué un tournant dans les travaux de notre comité, car nous avons pu voir pour qui nous travaillons. La plupart des personnes réunies ici ont réexaminé de plus près ce projet de loi. En fait, nous avons été tellement impressionnés que nous avons modifié le nom du rapport. Nous l'avons intitulé «Bâtir la famille», car c'est ce dont il est question ici.

    Je ne pense pas que beaucoup de gens ici contestent le droit de savoir d'où l'on vient. Certains disent que si nous divulguons l'identité des donneurs, cela risque de les faire fuir. Comme M. Stevens l'a laissé entendre, je crois, ce n'est pas ce qui s'est passé dans les autres pays. Par conséquent, le problème n'est pas là. Des témoins nous ont dit que c'est ce qui se passerait, qu'il est très important de ne pas dissuader les gens de faire les dons de gamètes qui leur permettront de concevoir un enfant.

    Je suppose que le conflit se situe donc à ce niveau. Est-il préférable d'autoriser l'anonymat au risque de ne pas obtenir de dons ou d'avoir des enfants et de protéger les donneurs? Vaut-il mieux avoir des enfants dans ces conditions ou est-il préférable de renoncer aux dons?

º  +-(1615)  

+-

    Mme Catherine Clute: La Déclaration universelle des droits de l'homme reconnaît à tous le droit de se marier et de fonder une famille. Cela n'inclut pas le droit de donner naissance à un enfant. C'est un merveilleux privilège que d'être parents.

    Les gens qui prétendent que cela fera fuir les donneurs sont mal informés. Ils n'ont pas étudié la question; ils n'ont pas examiné la situation dans les autres pays. Le nombre de donneurs ne diminue pas. Même s'il diminuait, il y aurait d'autres moyens de bâtir une famille. Si le véritable but est de fonder une famille, il y a des enfants à adopter au Canada. Nous avons adopté notre fils, Daniel, en Nouvelle-Écosse. Je l'ai emmené à la maison quand il avait 17 jours.

    Dans le cadre de certaines de mes autres fonctions... Je suis la présidente de l'Association des parents adoptifs de Nouvelle-Écosse. Certains membres de notre organisme ont adopté des frères et soeurs par l'entremise des services sociaux. Un parent a adopté un enfant âgé d'un mois, un autre 17 jours après sa naissance. Son aîné a trois ans. Il est possible d'adopter. C'est une solution à la disposition des personnes qui désirent fonder une famille. Ceux qui tiennent beaucoup à vivre l'expérience de la grossesse ne sont pas si nombreux et pourront faire appel aux donneurs disponibles, même si leur nombre diminue.

+-

    M. Rob Merrifield: J'ai une autre question à poser. Si nous n'arrivons pas à faire inclure dans ce projet de loi certains amendements qui tiendront compte de vos désirs concernant l'anonymat des donneurs, allez-vous contester collectivement cette décision devant les tribunaux?

+-

    Mme Olivia Pratten: Je peux répondre à cela. Nous sommes plusieurs dans ce cas en Colombie-Britannique, car c'est une des provinces où les dossiers d'adoption sont accessibles. Nous avons parlé à un avocat et nous sommes prêts à aller devant les tribunaux si le projet de loi est adopté tel quel, pour le contester en vertu de l'article 15.

+-

    M. Barry Stevens: Permettez-moi de revenir au premier point que vous avez soulevé. J'ai abordé cette question précisément parce que j'avais entendu le témoignage du Dr Leader et d'autres personnes à ce sujet. Ce qui me frappe chaque fois, c'est qu'ils prétendent que cela arrivera, mais ils ne présentent jamais de preuve à ce qu'ils avancent. J'essayais donc de présenter quelques éléments de preuve, quoique très limités. Je peux vous remettre les études qui ont été faites sur cette question et vous pourrez voir ce qui s'est réellement passé dans ces pays.

    Je ne prétends pas qu'il n'y aura pas de difficulté. Il faut sensibiliser et recruter les donneurs et il faut assumer certains coûts. J'ai demandé au directeur de la Banque de sperme de la Californie pourquoi qu'on tient tant à l'anonymat, parce qu'il faut savoir que les cliniques et les médecins y tiennent beaucoup plus que les donneurs eux-mêmes. Il m'a expliqué que cela coûtait très cher, qu'il fallait garder deux séries de dossiers. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le nombre de donneurs qui choisissent d'être identifiés a beaucoup augmenté et il faut suivre ces donneurs et leurs enfants biologiques pendant 18 ans, recueillir en détails leurs antécédents médicaux, offrir des services de counselling, donner l'information aux cadres; toutes ces démarches entraînent des coûts supplémentaires que les cliniques doivent supporter.

    Il est indéniable qu'un régime fondé sur l'anonymat coûte moins cher qu'un régime fondé sur des donneurs identifiés, et c'est ce qui explique les réticences des propriétaires de cliniques privées. Il n'y a rien de mal à faire des profits ou à assumer des coûts, mais il faut tenir compte de ces facteurs.

    J'ai essayé de présenter les choses sous cet angle parce qu'on prétend souvent que nos droits sont incompatibles avec les droits des donneurs. J'ai essayé de montrer dans mon témoignage que ce n'est pas forcément vrai. Nous pouvons tous obtenir ce que nous souhaitons.

º  +-(1620)  

+-

    Mme Catherine Clute: Il fut un temps pas très lointain où tout le monde fumait et tout le monde prenait le volant après avoir bu, et sans boucler sa ceinture. Nous agissions ainsi. Les gens allaient à une soirée bien arrosée, puis ils prenaient le volant. Mais nous avons changé de comportement parce que...

+-

    M. Rob Merrifield: Pas tout le monde.

+-

    Mme Catherine Clute: Bien sûr, certaines personnes agissent encore ainsi, mais c'est une minorité. Nous avons réussi à changer les mentalités, à changer une attitude sociale très répandue par la sensibilisation.

+-

    M. Rob Merrifield: Cela m'amène à l'autre question. C'est le risque de la commercialisation dans le domaine de la procréation assistée. Le projet de loi permet de rembourser certains frais, mais il ne définit pas très clairement lesquels. C'est peut-être le règlement qui donnera ces précisions. J'aimerais savoir quel devrait être le montant de l'indemnité, ou encore doit-il y en avoir? Je ne parle plus de l'anonymat. Cette question relève de...

+-

    Mme Catherine Clute: Je crois l'avoir dit la dernière fois, mais je donne du sang en échange d'un café et de deux biscuits Oreo. L'été dernier, dans le cadre de la conférence des donneurs tenue à Toronto, un nombre important d'Australiens nous ont confié que chez eux, certains donneurs étaient vexés qu'on offre de rembourser leur stationnement parce qu'ils posaient le geste de façon tout à fait altruiste.

+-

    M. Rob Merrifield: D'accord, vous modifieriez les deux parties du projet de loi donc.

+-

    Mme Catherine Clute: Oui, mais ce n'est pas l'objet de notre comparution aujourd'hui. J'ai souvent répété...

+-

    M. Rob Merrifield: Nous sommes ici pour en parler. Croyez-moi.

+-

    Mme Catherine Clute: Nous n'achetons ni ne vendons des reins. Pourquoi achèterions-nous ou vendrions-nous autre chose. Pourquoi achèteriez-vous du sperme? C'est...

+-

    M. Barry Stevens: Les frais, toutefois, c'est peut-être un peu... N'est-ce pas une catégorie différente?

+-

    Mme Catherine Clute: Oui, mais lorsqu'il est question d'un billet de 100 $, ce n'est pas le prix du stationnement à Toronto.

+-

    M. Barry Stevens: Juste.

+-

    Mme Olivia Pratten: Vous devez aussi tenir compte de l'image que cela envoie à l'enfant. Je sais que je me suis souvent demandé, et d'ailleurs je crois l'avoir dit, si le donneur avait donné du sperme en toute connaissance de cause ou s'il trouvait plutôt que c'était un moyen rapide de gagner 50 $ qui lui permettrait d'acheter ses livres.

    Je crois que cela sème le doute dans l'esprit de l'enfant au sujet de sa conception, à savoir si elle est en partie due à un geste authentiquement altruiste ou, à l'inverse, à une rétribution ou un geste irréfléchi.

    Ce n'est pas une indemnité; c'est une mesure incitative. Je m'oppose à toute forme de rétribution quelle qu'elle soit. C'est inacceptable.

+-

    M. Rob Merrifield: D'accord, merci.

+-

    La présidente: Monsieur Szabo, c'est à vous.

+-

    M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.

    J'ai entendu la plus grande partie de l'intervention d'Irene Ryll, et je crois en avoir entendu assez des autres témoins pour comprendre, d'après les réactions de tous, que l'élément d'altruisme doit l'emporter sur les droits à l'anonymat du donneur. Personnellement, j'aimerais que le principe de la communication complète des renseignements soit respecté. Il y a des exemples qui sautent aux yeux, comme celui d'Irene Ryll, et qui justifient pour la famille la connaissance complète de tous les antécédents.

    Je suis d'accord avec vous, et étant donné que vous avez sans doute une connaissance de première main bien plus poussée que moi de l'industrie des cliniques de traitement de l'infertilité et de la façon dont elles fonctionnent, pourriez-vous me dire quelles sont les ombres au tableau plutôt que me donner la liste de leurs réussites? Pourriez-vous nous faire part de votre expérience de première main devant certaines choses comme le consentement préalable avant le don ou avant le traitement et pourriez-vous nous en expliquer tous les détails? Avez-vous l'impression que ce qui se fait actuellement dans l'industrie des cliniques de traitement se conformerait aux critères de la loi, critères qui seront ensevelis dans les règlements? Nous n'avons pas encore vu les règlements, même si les instituts de recherche en santé du Canada ont établi avec beaucoup de détails les critères de communication préalable des renseignements, entre autres.

    Auriez-vous des renseignements à nous communiquer là-dessus, pour nous dire ce qui se passe dans l'industrie des cliniques de traitement et pour nous faire part de votre expérience, pour que nous fassions en sorte que l'octroi d'autorisations aux cliniques de traitement de l'infertilité réponde aux préoccupations que vous ressentez aujourd'hui?

+-

    Mme Irene Ryll: Je peux vous parler facilement de l'expérience que j'ai vécue avec l'insémination par donneur. Nous n'avons suivi aucun counselling qui nous explique quels sont les besoins psycho-sociaux des enfants ni quelles pourraient être les conséquences après quelques années; on ne nous a pas expliqué non plus à quoi notre famille devait se préparer ni quoi dire à l'enfant. Nous n'avons eu, je le répète, aucun counselling. D'ailleurs, la clinique où nous nous sommes rendus ne comptait dans son personnel aucun conseiller, et n'en compte toujours pas aujourd'hui.

    Donc, lorsque vous parlez de cliniques de traitement, tout dépend de l'endroit où vous vous rendez pour suivre le traitement et des genres de services fournis. D'après ce que j'ai compris, les services de soutien et l'information diffusée sont très disparates d'un endroit à l'autre. Cela me préoccupe énormément. Dans tous les cas de dons de gamètes, il devrait y avoir des services de counselling offerts obligatoirement aux bénéficiaires du traitement—ce qui se trouve dans le projet de loi, à ce que je sache—et tout autant aux donneurs de gamètes, pour qu'ils sachent exactement ce dans quoi ils s'embarquent.

    Quand nous avons suivi le traitement, mon mari et moi savions déjà que nous en parlerions ouvertement à nos enfants, ce dont je me réjouis. En effet, c'est souvent un très grave problème pour les parents: doivent-ils en parler ou pas? Il faut qu'ils comprennent dès le départ toutes les questions qui se poseront dans les années à venir. Or, lorsqu'un couple veut désespérément un enfant, il ne pense qu'à l'enfant. Je suis très sensible à cette situation, car je l'ai vécue moi-même. Mais il faut apprendre à voir bien au-delà du présent.

    Je ne sais si j'ai répondu à votre question. Dans la négative, je m'en excuse, mais je sais que toutes ces questions devraient être évoquées lors du counselling.

º  +-(1625)  

+-

    La présidente: Catherine, avez-vous des observations?

+-

    Mme Catherine Clute: Actuellement, en Nouvelle-Écosse, on dit encore aux patients de ne pas révéler qu'ils ont recouru à l'insémination avec donneur de sperme ou d'ovules.

    J'ai aussi offert des services d'aide pour infertilité en Nouvelle-Écosse, au cours des dix dernières années. J'ai entendu dire qu'on mélangeait encore le sperme du donneur à celui du mari, de manière qu'on ne sache pas de qui l'enfant était vraiment. J'ai aussi entendu parler d'une femme traitée dans une clinique de procréation assistée de Halifax qui n'a pas dit à son partenaire qu'on se servait du sperme d'un donneur. Toutes sortes d'histoires très étranges et très épouvantables se passent dans les cliniques un peu partout au pays.

+-

    M. Paul Szabo: Puis-je vous poser une autre question à laquelle vous pourrez peut-être répondre?

    Nous avons entendu toutes sortes de témoignages au sujet du prélèvement des ovules, son caractère invasif, les médicaments et le nombre d'ovules prélevés. D'après ce que vous savez ou ce que vous avez constaté, est-ce qu'on parle de la santé des femmes aux gens qui participent à des procédures de procréation assistée, est-ce qu'on dit aux femmes l'effet qu'auront les médicaments sur leur organisme et ce qui arrivera à l'embryon?

+-

    Mme Catherine Clute: Non. On en parle toutefois aux réunions de groupes d'entraide. La plupart des personnes qui disent avoir été très bien informées disent aussi: «Ma foi, je ne connaissais pas l'existence de cette étude. Qu'est-ce que cela veut dire, qu'on prélève 22 ovules; qu'est-ce qui leur arrive?» On ne saisit pas bien l'information. Celle-ci leur est peut-être communiquée, mais elle n'est pas assimilée pendant le traitement.

    Quant à ce qui est arrivé de mes deux autres embryons—puisque j'en ai produit sept pendant mon premier traitement in vitro—j'ai su qu'ils ont servi à la recherche. Par après, on m'a envoyé le formulaire de consentement en disant: «Oups, nous avons oublié de vous dire que c'était ce qui allait arriver. Vous devez signer ici et veuillez bien inscrire une date qui remonte à deux ans.»

+-

    M. Paul Szabo: Quelle horreur...

+-

    Mme Catherine Clute: C'est kafkaïen.

+-

    M. Paul Szabo: Pourriez-vous nous donner une idée de... Nous savons que la clinique de traitement de l'infertilité d'Ottawa est associée à l'Hôpital d'Ottawa. On voit ce genre de chose et on nous a dit que lorsqu'il y avait des embryons excédentaires et que le consentement était donné, etc., on les confiait tout simplement aux chercheurs.

º  +-(1630)  

+-

    Mme Catherine Clute: Oui.

+-

    M. Paul Szabo: Il y a 24 cliniques de fertilité au Canada et je ne connais pas leurs liens organisationnels, mais y en a-t-il à but lucratif, ou qui ne sont pas associées à un hôpital, ni rien de ce genre, et aux sujets desquelles nous devrions poser des questions, notamment sur le fonctionnement? La question de la non-commercialisation et de la non-réification revient souvent.

    Je ne vois pas pourquoi on participerait à la production ou à l'entreposage d'embryons excédentaires, en obtenant tous les consentements, s'il n'y a pas de possibilités d'indemnisation pour tout ce travail, pour l'obtention des consentements, pour les frais juridiques, etc. Il me semble que s'il y a des cliniques de fertilité dont la structure n'est pas directement intégrée au système de soins de santé et de recherche médicale, il doit bien y avoir des activités de commercialisation.

+-

    Mme Catherine Clute: La clinique de la Nouvelle-Écosse est affiliée à l'hôpital et c'est le seul endroit où l'on fait vraiment des FIV. À Toronto, toutefois, il y a une foule de cliniques privées et indépendantes.

    J'ai une bonne amie qui vit en Nouvelle-Écosse, qui a eu un traitement de FIV chez IVF Canada qui a adopté 16 de ses embryons. On ne sait vraiment pas ce qu'il adviendra de ces 16 embryons congelés, et je ne crois que pas qu'IVF Canada ait de service de recherche.

    Au sujet de la clinique du Dr Virro, à Markham, je ne crois pas qu'il fasse beaucoup de recherche. Il a pourtant beaucoup d'ovules de donneuses. Quand le marché est là, ce n'est pas compliqué d'être dans le domaine du don d'ovules et du don d'embryons, quand on a déjà les embryons en laboratoire. Il semble y avoir à Toronto la plus grande concentration de cliniques privées.

    Vous en avez une.

+-

    Mme Irene Ryll: Il y en a une à Calgary; une pour l'Alberta. C'est une clinique de FIV.

+-

    Mme Olivia Pratten: Il y en a une aussi à Vancouver.

+-

    Mme Catherine Clute: Genisis.

    Mme Olivia Pratten: Oui.

+-

    La présidente: Dans sa question, M. Szabo laissait entendre que ces cliniques qui ont des embryons excédentaires, assortis de consentement d'utilisation pour la recherche, pourraient avoir des opérations commerciales avec des établissements de recherche. Ce qu'il vous demande, je crois, c'est si vous avez des preuves que cela se fait? Je crois que vous me dites que non.

+-

    Mme Catherine Clute: Non.

+-

    Mme Irene Ryll: Non. En procréation assistée, l'objectif de la FIV, c'est de stimuler la femme pour qu'elle produise autant d'embryons que possible, afin qu'il en reste pour congélation, pour des grossesses ultérieures ou en cas d'échec du traitement. Certaines femmes en produisent 20 ou 30, d'autres, 10; tout dépend.

    Mais je crois qu'on fait de la recherche pour réduire le nombre d'embryons ou d'ovules prélevés, en donnant de meilleures chances à ces embryons, afin qu'il y en ait moins à entreposer, à cause de tous ces couples qui se demandent quoi faire de ces embryons.

+-

    M. Paul Szabo: Enfin, rapidement, êtes-vous pour ou contre l'adoption d'embryons par un couple?

+-

    Mme Catherine Clute: J'aurais beaucoup à dire au sujet de l'adoption, mais cela prendrait trop de temps.

    Si on songe à procéder à l'adoption d'un embryon, il faut examiner de près le modèle d'adoption, il faut s'assurer que tous les intéressés reçoivent du counselling sur ce qui va se passer.

    Les embryons entreposés ont été créés parce qu'un couple a subi un traitement de procréation assistée et désirait ardemment un lien génétique avec son enfant. Ce n'est pas la même chose que pour des parents confrontés à une grossesse non désirée. Dans le cas qui nous intéresse, quelqu'un a ardemment désiré un enfant qui est maintenant excédentaire par rapport à ses besoins. On crée vraiment...

+-

    M. Paul Szabo: C'est la même chose que l'adoption d'un enfant déjà né.

+-

    Mme Catherine Clute: Non, pas du tout.

+-

    M. Paul Szabo: L'adoption d'un embryon et l'adoption d'un enfant?

    Mme Catherine Clute: Il est plus facile de faire semblant.

    M. Paul Szabo: Dans les deux cas, ce sont des êtres humains.

+-

    Mme Catherine Clute: Oui, c'est vrai, mais il est plus facile pour le couple qui reçoit l'embryon congelé de faire comme si de rien n'était. C'est plus facile dans le cadre d'une démarche commerciale que dans le cadre d'une démarche sociale. Vous faites ça dans une clinique et vous payez de l'argent.

    Il n'est pas nécessaire qu'on étudie votre ménage, aucun travailleur social n'est mêlé à la chose. Vous ne pouvez pas divulguer la chose. Il y a donc cette différence. Mais en effet, nous parlons d'êtres humains.

    Je pense que c'est possible, mais il faudrait qu'on étudie la question soigneusement et je crois qu'il faudrait trop de temps pour...

+-

    La présidente: Madame Skelton, à vous.

+-

    Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): J'aimerais m'adresser à Olivia.

    Je suis troublée à l'idée que vous n'avez pas eu de counselling. Ça me dérange beaucoup. Vous avez aussi déclaré, dans votre exposé, que vos parents n'en avaient pas eu non plus.

    Pourriez-vous me dire, étape par étape, comment cela s'est passé pour vos parents?

º  +-(1635)  

+-

    Mme Olivia Pratten: Je vais vous dire ce que j'en sais. C'est la vérité.

    Comme mon père ne pouvait pas avoir d'enfant, ma mère et lui sont allés chez un urologue, qui leur a dit: «Vous savez, on ne pourra pas y arriver ici, allez plutôt voir le docteur X et servez-vous du sperme d'un donneur.» C'était comme s'il n'y avait pas de différence entre le sperme d'un donneur et celui de mon père.

    Ils y sont allés, il y a eu des inséminations, mais pas de counselling. Le médecin leur a conseillé de ne pas m'en parler. Ma mère lui a demandé ce qu'il fallait me dire et il lui a répondu que la plupart des gens n'en parlaient pas à leur enfant.

    Je sais qu'ils se sont sentis très isolés. Ma mère m'en a parlé et mon père aussi, mais moins. Ils auraient voulu pouvoir communiquer avec quelqu'un, dans la communauté, savoir qu'ils n'étaient pas les seuls à vivre cela, parce que c'était pour eux si grave. Ils ont demandé au médecin s'il y avait d'autres couples avec qui ils pourraient en parler et il leur a dit qu'il ne pouvait pas leur donner de nom, pour des raisons de confidentialité.

    Je sais que les choses ont changé depuis. On en parle bien davantage et mes parents ont fini par créer leur propre réseau d'entraide. Mais ils ont été très seuls et isolés.

    Je suis allée voir ce médecin et l'attitude qu'on a eu envers moi semblait dire: «Que faites-vous ici?» J'ai parlé à la secrétaire qui m'a demandé si j'avais besoin d'un traitement. J'ai répondu que non, que j'étais le résultat du traitement. On n'a pas semblé comprendre que j'avais besoin de visiter ce bureau. Je ne suis pas du tout d'accord avec ce médecin, mais c'est un homme très âgé, très paternaliste. Il a été très gentil à mon endroit en disant simplement: «Vous êtes une bonne fille, vous pouvez partir», d'un ton très gentil. Il ne veut pas que j'aille à son bureau, ce qui me frustre, puisque c'est là que j'ai été conçu. Il a de l'information à mon sujet dans ses dossiers. Ce sont des renseignements médicaux à mon sujet, qu'ils soient importants ou pas. Quand je vais là, on devrait me respecter et on ne le fait pas.

+-

    Mme Carol Skelton: Barry, je vous avoue que je n'ai pas vu votre film, mais que j'ai bien l'intention de le faire.

    Est-ce que vos parents ont eu du counselling?

+-

    M. Barry Stevens: Oh non! C'était il y a longtemps, en 1947, puis plus tard, pour moi, en 1952. C'était un grand secret. Il y avait un médecin qui en faisait, à l'époque, en Angleterre. Le sperme était laissé en un endroit secret, derrière un pot de fleurs, puis apporté au bureau du médecin, par un intermédiaire. Il y avait toutes sortes de noms de code très intéressants. Ce médecin enfermait le tout dans un coffre-fort chaque soir et quand elle a pris sa retraite, elle a brûlé tous les dossiers. On avait un dévouement absolu pour le secret, c'était incroyable. Nous aurions été des bâtards, pour les lois anglaises, des enfants illégitimes, et à l'époque, cela voulait encore dire quelque chose.

    Donc au sujet du counselling, rien n'était disponible. Il n'y avait pas de groupe d'entraide, rien de ce genre. On leur a dit par voie légale qu'il ne fallait en parler à personne. Le secret était donc encore plus grand à l'époque.

+-

    Mme Carol Skelton: Cela devait être très grave pour votre mère...

+-

    M. Barry Stevens: En effet, je veux dire deux choses seulement à ce sujet. Pour commencer, cela est fondé en partie sur la honte des hommes au sujet de leur stérilité, il faut bien le dire. Pour ce qui est de l'anonymat, du secret, c'est en partie une question financière, mais aussi, en raison de la honte ressentie par les hommes, dont l'estime de soi est amoindrie si... Les femmes sont moins touchées par ce problème.

    Deuxièmement, au sujet de la honte et du secret, il faut dire qu'un secret pareil dans une famille nuit aux communications. J'en ai parlé avec ma mère et c'est comme si toute conversation pouvait mener à ce sujet interdit. Il faut donc contrôler ce que dit l'enfant et ce qu'on dit à l'enfant.

    C'est comme si c'était là, au vu et au su de tous, sans que personne puisse en parler. Il est facile d'isoler ces problèmes, mais l'anonymat est lié à la honte, au secret, et tout cela a un effet sur l'épanouissement de la famille.

+-

    Mme Carol Skelton: Merci.

+-

    La présidente: Vouliez-vous ajouter quelque chose, madame Clute?

+-

    Mme Catherine Clute: Il faut bien que je lui fasse un peu de promo: Barry est trop modeste. Il a gagné un prix Gemini pour son film.

+-

    M. Barry Stevens: Qu'est-ce qu'un prix Gemini?

+-

    La présidente: Monsieur Dromisky, allez-y.

+-

    M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup. Ma question se rapporte au sujet dont nous discutions pendant le dernier quart d'heure.

    Je vous regarde et je vous écoute. Vous parlez très bien, vous êtes intelligents, et brillants dans la façon dont vous traitez de toute cette question. J'ai vraiment l'impression qu'il y a un gaspillage parce que vous appartenez à ces organismes et que vous communiquez les uns avec les autres. C'est comme les borgnes qui sont rois au royaume des aveugles.

    Vous avez parlé du secret, cela existe encore, je le sais. Dans ma propre famille, il a fallu des années avant qu'on apprenne que quelqu'un avait vécu un peu la même chose que vous. Vous dites qu'on en fait un secret.

    Je suis d'accord avec vous, cela se rapporte à l'estime de soi. C'est une sorte d'échec pour lequel on ne peut blâmer personne. C'est peut-être elle, c'est peut-être lui. Vous voyez ce que je veux dire? Tout d'un coup, elle se retrouve enceinte. Mais je m'écarte du sujet.

    Voici où je veux en venir. La plupart des gens veulent encore garder le secret. Ils ne veulent pas que ce soit ouvert. La raison à cela, c'est qu'on ne sait pas combien c'est facile d'être ouvert. Je pense que c'est là le principal problème.

    Je tiens à dire quelque chose. J'ai lu votre ouvrage, très attentivement, et j'ai regardé les photos. J'ai été vraiment très ému. Vous avez là quelque chose qui vaut son pesant de diamants. Ce genre de chose doit être publié. Il faut que ce soit sur le marché. Il faut que les gens intéressés y aient accès. Il faut renseigner le public, sans parler des aspects scientifiques. Pas cela. N'employez pas tous ces mots compliqués et tout le reste. Le public ne comprendrait pas cela. Mais la façon dont vous vous êtes exprimé dans ce livre est inouï. Je n'ai jamais rien vu de tel. Félicitations.

º  +-(1640)  

+-

    Mme Irene Ryll: Merci beaucoup.

+-

    M. Stan Dromisky: Vos enfants ont vraiment beaucoup de chance.

+-

    Mme Irene Ryll: C'est ce que nous pensons aussi. Merci, merci beaucoup.

+-

    M. Stan Dromisky: Est-ce qu'on commence à sortir de ce moule et à adopter une attitude différente, pour renseigner le public? La plupart des médecins vont vous renvoyer à tel ou tel autre, pour vous faire faire ceci ou cela. Vous voyez ce que je veux dire? Tout est gardé secret. Même ceux qui vivent ce processus ne savent pas vraiment ce qui leur arrive.

+-

    Mme Irene Ryll: Mon mari et moi participons à un groupe d'entraide aux couples infertiles, à Edmonton. Parfois, on nous donne le nom d'un couple. Il nous appelle pour nous parler. Nous allons les voir, avec nos livres pour enfants, et nous parlons à chacun d'eux. Mais bien entendu, nous ne rejoignons ainsi qu'un petit nombre de personnes.

+-

    M. Stan Dromisky: Oui, en effet.

+-

    Mme Irene Ryll: J'ai parlé à quelqu'un qui fait du counselling en infertilité et nous avons parlé de mettre sur pied une sorte de site national, ne serait-ce qu'un site Web, où l'on fournirait de l'information et le nom de personnes à contacter, afin qu'on puisse communiquer avec nous, pour que nous leur donnions des noms de personnes à qui parler. Mais ce n'est encore qu'un projet.

    Nous espérons que ce projet de loi sera adopté et que l'agence produira une brochure simple, dont nous avons besoin, qui traitera des mêmes éléments que ce livre, sur la façon d'en parler, les raisons d'en parler, les avantages de le faire et les raisons de le faire. Ce document pourrait être remis aux personnes qui suivent un traitement ou qui envisagent un traitement. Ils se diraient: «Il n'y a rien de mal à cela! Il n'y a pas de secret. C'est écrit dans un livre alors ça doit être acceptable. Ou alors, c'est imprimé dans cette brochure.» Il n'y a pas suffisamment de renseignements de ce genre pour le public.

+-

    M. Stan Dromisky: Je viens de Thunder Bay. Dans cette ville, je connais un couple sans enfant. L'un est dans la quarantaine avancée, l'autre dans la cinquantaine. Ils en sont arrivés au point où ils rationalisent; ils disent qu'ils n'ont jamais vraiment voulu d'enfants. Mais pour ceux qui les connaissent bien, les signes sont clairs; il n'y a qu'à voir la façon dont ils se comportent avec des enfants et avec des couples accompagnés de leurs enfants, ou lorsque d'autres couples parlent de ce que font de leurs enfants, à l'école ou ailleurs. Leur expression corporelle les trahit.

    Beaucoup de gens vivent ce genre d'expérience sans savoir que faire. Ils n'ont pas ce... Ils doivent tout à coup franchir ce seuil pour pouvoir s'aider.

+-

    Mme Irene Ryll: Dans le domaine de la procréation assistée, il est important d'avoir l'appui de ses pairs car il ne s'agit pas seulement de la période de la grossesse, mais aussi de tout ce qui vient après.

    Les gens se demandent quand et comment ils doivent l'annoncer. Ils veulent le dire, mais ils ne savent pas comment, et les années passent.

    Récemment, j'ai été contactée par une femme qui a maintenant une adolescente. Elle et son mari ne l'ont jamais dit à l'enfant et ne savent comment le faire. Ils se demandent si l'adolescence est le meilleur moment pour annoncer quoi que ce soit à qui que ce soit.

+-

    La présidente: Les adolescents n'écoutent pas de toute façon.

+-

    Mme Irene Ryll: Ils savent qu'ils devraient le lui dire, mais ils se demandent comment le faire. Nous l'avons encouragée à faire des lectures et des recherches, à prendre contact avec un conseiller et peut-être...

+-

    M. Stan Dromisky: Ou à lire votre livre...

+-

    Mme Irene Ryll: Eh bien, je n'ai jamais essayé celle-là.

    Elle a 13 ans et je ne suis pas sûre qu'elle...le texte est un peu simple.

+-

    M. Stan Dromisky: Merci.

+-

    La présidente: Monsieur Lunney, vous avez la parole.

+-

    M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.

    Merci à tous nos témoins d'être venus nous rencontrer avec aussi peu de préavis et d'avoir changé leurs plans pour venir nous aider à examiner ces questions.

    Nous avons entendu des commentaires assez fermes à propos des incitatifs et des dons de gamètes.

    D'après la version actuelle du projet de loi, l'importation et l'exportation de gamètes seraient autorisées. Dans les témoignages que nous avons entendus, on nous a dit que des cliniques de la région de Toronto recueillent du sperme et paie 50 $ chaque don. Les donneurs ne peuvent faire que trois dons par semaine pour des raisons de sûreté et sont également payés pour faire du recrutement. Cela signifie qu'un étudiant d'université qui amène avec lui un copain reçoit une commission d'intermédiaire si son copain répond aux critères.

    Ma question porte en fait sur l'importation et l'exportation de gamètes. On nous a dit qu'il y a au Canada une clinique qui importe du sperme provenant de prisons des États-Unis. C'est vrai.

    Vous travaillez dans ce secteur. Vous avez connu cette situation très difficile de l'infertilité et vous avez donc une perspective entièrement différente de certains des témoins que nous avons récemment entendus. On dit qu'il y a un manque de matériel biologique au Canada, mais croyez-vous que 33 millions de Canadiens devraient être en mesure de résoudre ce problème entre eux, ensemble, sans qu'il y ait besoin d'importer et d'exporter ce genre de chose?

º  +-(1645)  

+-

    Mme Olivia Pratten: Oui, j'en suis intimement convaincue. J'estime que la population est mal informée, qu'il y a un manque de financement et de sensibilisation dans ces domaines. Dans d'autres pays, on a tenu des campagnes de sensibilisation à grande échelle et le nombre de donneurs a augmenté. Ces pays n'ont pas eu de difficulté à recruter des donneurs anonymes par le passé, et cela ne représente qu'une partie de la population. Je ne crois pas qu'il serait difficile de recruter des donneurs non anonymes. C'est tout à fait possible et il faut que cela soit également une priorité.

    C'est de la paresse de dire que c'est plus facile d'importer le matériel biologique de la Suisse, des prisons ou d'ailleurs. C'est encore une fois une question de finances, de ce que ce serait plus économique. Mais nous avons le devoir de faire davantage pour nos enfants.

+-

    Barry Stevens: La distance facilite l'anonymat. Si nous préconisons la transparence, il faut favoriser alors tout ce qui facilite la re-personnalisation du processus. Importer des quantités de sperme du Danemark—le pays où se trouve la plus grande banque de sperme au monde, une banque qui exporte partout sur la planète—peut présenter un problème.

    Je sais très bien comment fonctionne la Banque de sperme de Californie, je sais qu'elle a des donneurs identifiables, de très bons contacts, etc. Je ne suis pas sûr qu'il faille interdire totalement ce genre de choses. Mais je suis d'accord avec vous, il serait bien étonnant qu'on ne trouve pas ici au Canada des donneurs de sperme si les choses se font comme elles se doivent et avec altruisme.

+-

    Irene Ryll: Moi aussi je suis également d'accord sur ce point. Par exemple, notre clinique possédait une banque de sperme privée. Cette banque a été fermée lorsque s'est produite la crise du sperme de 1999, et elle n'a jamais été réouverte.

    J'ai parlé à plusieurs spécialistes de la fertilité qui m'ont affirmé que les médecins ne sont pas intéressés à réouvrir leurs banques de sperme. C'est triste, car s'ils veulent aider les personnes infertiles qui ont besoin de sperme, ils devront peut-être aller à l'encontre de leurs méthodes habituelles, mais s'ils veulent répondre aux besoins de leurs patients, il faudra recruter des donneurs. Et je suis sûre que cela peut se faire.

    À London, en Ontario, il y a une clinique qui est actuellement intéressée à lancer un projet pilote ou à commencer à recruter des donneurs identifiables. L'intérêt existe, c'est quelque chose que les gens souhaitent et dont ils ont besoin.

+-

    Barry Stevens: S'ils ont pu fermer ces banques de sperme, c'est parce que le sperme pouvait être importé.

+-

    Irene Ryll: C'est plus facile pour eux. Et ça coûte beaucoup plus cher également aux patients de se procurer du sperme des banques américaines à cause des frais d'envoi, etc.

+-

    Barry Stevens: Mais en limitant ces importations, ne provoquerait-on pas une contestation sous le régime de l'ALENA?

+-

    La présidente: On doit signaler qu'il faudrait interdire l'usage de sperme qui a été payé. Dans cette optique, si les donneurs ont été payés aux États-Unis...

+-

    Barry Stevens: Cette pratique va cesser.

+-

    La présidente: ...les médecins et les cliniques du Canada ne pourront plus légalement s'approvisionner de l'autre côté de la frontière. Certains croient que cette mesure législative réduira au moins les quantités de sperme importées des États-Unis, mais M. Lunney n'est pas aussi optimiste.

+-

    Irene Ryll: La question est de savoir pourquoi ils ouvrent de nouveau leurs banques de sperme pour pouvoir approvisionner les Canadiens. Ils le font parce qu'ils savent que ce nouveau système d'identification sera mis en place. Si cette mesure n'est pas adoptée maintenant, elle le sera plus tard. C'est mon opinion.

+-

    M. James Lunney: Dans la même veine, certaines personnes ont défendu avec passion l'idée que les mères porteuses devraient pouvoir, sous le régime du projet de loi, être indemnisées au titre de dépenses définies d'une façon générale et pour la perte de revenu. D'après ce que nous avons entendu ce matin, le système du Royaume-Uni s'applique à la perte de revenu. Si une mère porteuse est avocate et gagne 150 000 $ par année, par exemple, je suppose que son indemnisation devrait correspondre à son revenu.

    Que pensez-vous de cette idée de l'indemnisation?

    Catherine.

º  +-(1650)  

+-

    Catherine Clute: Je viens de remettre à Mme Brown une lettre dans laquelle j'exprime mon opinion au sujet des mères porteuses. J'y explique sur deux pages pourquoi je m'oppose à l'indemnisation des mères porteuses.

    La mère naturelle de mon fils était une de mes amies avant qu'elle tombe enceinte de Daniel. Je n'étais pas autorisée à lui acheter des fleurs car cela aurait pu être considéré comme une tentative de l'inciter à nous donner cet enfant. Je ne vois pas pourquoi les mères porteuses devraient être traitées différemment des mères d' enfants adoptés. Il est certain que si vous me payez 100 000 $ pour rester à la maison, c'est pour m'amener à faire quelque chose. Ce n'est pas une dépense raisonnable.

+-

    M. James Lunney: À vrai dire, c'est peut-être exagéré. D'après le témoignage que nous avons reçu, la moyenne, dans les États où il n'existe pas de réglementation, est d'environ 18 000 $ à 20 000 $.

+-

    Catherine Clute: Je suis d'accord ave Olivia au sujet des incitatifs et des remboursements. Pour ma part, je ne suis pas en faveur de tout ce qui pourrait même vaguement être considéré comme un incitatif.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Lunney.

    Madame Sgro.

+-

    Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci beaucoup.

    Merci à tous d'être venus nous faire part de vos opinions sur cette mesure législative. Barry et Olivia font partie des gens qui ont influé sur notre réflexion dans cet examen.

    Barry, pourriez-vous nous répéter les chiffres que vous avez mentionnés, les pourcentages...?

+-

    Barry Stevens: Sur le nombre des naissances?

+-

    Mme Judy Sgro: Oui. Si les donneurs ne peuvent pas conserver l'anonymat, il n'y aura plus suffisamment de donneurs. Et vous avez dit que dans d'autres pays, cela se faisait déjà, qu'il n'y avait plus de donneurs anonymes.

+-

    Barry Stevens: En Suède, une loi a été adoptée en 1985. Il y a eu une réduction du nombre des naissances par IAD. Cela s'expliquait par un certain nombre de facteurs, dont la fermeture de cliniques privées et l'opposition de certains médecins à la nouvelle loi. Parallèlement, le pays avait adopté des lois pour faciliter l'adoption. Il y a donc diverses raisons pour lesquelles il y a eu une diminution du nombre des naissances par IAD.

    Dans l'un des rapports, le nombre des donneurs est demeuré le même. Dans un autre, il a légèrement diminué. Le problème vient en partie de ce qui n'existait pas un registre vraiment précis à l'échelle du pays. Tout comme le Canada, il était difficile d'obtenir des statistiques.

    Mais en Suède, il y a eu depuis 1992 une augmentation considérable du nombre des donneurs, augmentation qui coïncide avec les programmes de recrutement. Le nombre des donneurs a même augmenté de 65  p. 100. C'était en 1994. Il y avait donc 65  p. 100 plus de donneurs qu'en 1985. Ces chiffres datent de huit ans, mais ils décrivent néanmoins la période qui a suivi l'adoption de la mesure législative. Il y a eu ensuite l'étude réalisée par Ken Daniels et Othon Lalos, un chercheur suédois. J'en ai apporté un exemplaire que vous pourrez conserver.

    La Banque de sperme de Californie est la première, aux États-Unis, à avoir communiqué l'identité des donneurs. Je vous signale que 80  p. 100 des couples qui se sont prévalus des services de la banque ont voulu connaître l'identité du donneur. Il s'agit de femmes célibataires, de couples hétérosexuels et de couples de lesbiennes. Il n'y a pas de différence entre ces groupes, par ailleurs. Auparavant, la proportion était de 50  p. 100, je ne me souviens pas exactement du chiffre. Mais d'après les chiffres les plus récents, 81  p. 100 des donneurs ont accepté d'être identifiés. À ce propos, c'est cette année—peut-être bien l'année prochaine qu'auront lieu les premières réunions organisées entre enfants et donneurs.

    Pour ce qui est de Victoria, je n'ai pas les chiffres précis sous les yeux—oh si, je les ai—mais il y a eu une réduction du nombre des donneurs lorsqu'on a commencé à effectuer des IICS, à utiliser de nouvelles méthodes de fécondation et de nouveaux traitements contre l'infertilité qui ont réduit la nécessité. Il y a alors eu une diminution. Mais depuis l'adoption de la mesure législative, le nombre des donneurs a légèrement augmenté. Je ne connais pas les chiffres pour la Nouvelle-Zélande, mais j'ai parlé à un chercheur, et il semble qu'il y ait suffisamment de donneurs.

+-

    Mme Judy Sgro: D'après vous, le problème au Canada où certaines de nos cliniques sont très réticentes au sujet de l'anonymat des donneurs, de l'élimination de l'anonymat, s'explique par le fait que les cliniques seraient chargées de retracer qui sont les donneurs, ce qui leur coûterait plus cher, etc.?

    Ce n'est pas du moins ce que j'ai entendu, mais nous cherchons toujours à entendre les points de vue différents.

º  +-(1655)  

+-

    Barry Stevens: Oui, je ne connais pas leurs motifs, bien sûr, et je crois que c'est parce qu'ils ne savent pas comment faire. L'une des grandes différences entre l'adoption et la procréation humaine assistée, c'est la provenance de l'enfant. Les adoptions se font initialement par le truchement des églises, puis des travailleurs sociaux et des psychologues. C'est très différent de la façon traditionnelle d'établir une famille. Et les médecins sont issus d'un milieu technique. Ils ne sont pas habitués à l'interaction humaine. Cela les rend mal à l'aise. De plus, ils sont habitués à protéger les renseignements concernant leurs patients et au fait que les dossiers médicaux demeurent secrets. C'est ce à quoi ils sont habitués. Ils sont aussi habitués à la microbiologie cellulaire. Ils se sentent à l'aise dans ce milieu et, à mon avis, l'interaction entre humains les gène un peu.

    Je ne crois pas qu'ils sachent comment recruter des donneurs. Cela dit, il est frustrant de voir que lorsqu'on leur offre d'acquérir des compétences dans ce domaine, cela les intéresse plus ou moins, et je trouve cela agaçant.

    Cela dit, certains médecins ont manifesté de l'intérêt. Alfonso Del Valle à Toronto, a examiné ces questions avec nous.

    Je sais que Xytex, une banque américaine qui ouvre à Toronto, a maintenant des donneurs identifiables, de même que le University Health Sciences Centre à London, en Ontario. Je ne sais ce qui se passe dans d'autres provinces, mais c'est...

    Je crois que c'est dû à l'habitude du secret dans la profession médicale.

+-

    Irene Ryll: L'un des donneurs à qui j'ai parlé a déclaré qu'il donnait également du sang, et il connaissait également dans sa famille un médecin qui travaillait auprès de patients infertiles. Il connaissait donc la question, il donnait aussi du sang et il estimait que c'était une autre chose qu'il pouvait faire.

+-

    Barry Stevens: Une petite anecdote. Rona Achilles, une de mes connaissances qui a témoigné devant vous à votre dernière réunion, a dit qu'elle avait rencontré un médecin qui lui avait dit: «Oui, on m'a demandé d'être donneur dans les années 70. J'étais bien prêt à le faire, mais lorsque j'ai appris que ce serait anonyme, je me suis dit que je ne voulais pas le faire .»

    Je ne sais pas si c'est vrai—rien ne le prouve dans les statistiques—mais est-il possible que certaines personnes refusent de faire un don parce qu'il est anonyme?

    Ce sont des hypothèses, mais je ne suis pas certain qu'elles soient bien fondées. De toute façon, les preuves montrent qu'il est possible de trouver des donneurs identifiables dans des pays plus ou moins semblables au Canada à d'autres égards.

+-

    Mme Judy Sgro: Merci beaucoup.

+-

    La présidente: Merci, madame Sgro.

    Je voulais continuer dans la même veine. Nous sommes aux prises avec ce dilemme. Votre témoignage, la première fois, et encore aujourd'hui, naturellement, est très convaincant.

    Nous avons entendu, la semaine dernière je crois, un autre groupe et je ne sais pas si vous avez entendu leur témoignage. Ils faisaient partie de ces gens qui tentent d'utiliser la procréation assistée pour fonder leurs familles et, en résumé, ils sont d'avis que les couples qui s'adressent à une clinique de fertilité devraient pouvoir demeurer anonymes, comme tout autre patient qui va voir un médecin pour tout autre type d'intervention. Ils ne veulent pas figurer sur un registre.

    Ils veulent que leurs médecins puissent acheter du sperme et des ovules, et ils veulent essentiellement avoir à leur disposition le plus grand nombre d'embryons possible, car il en faut tellement pour réussir à en implanter suffisamment pour avoir un enfant.

    Ils veulent que tous les dons soient anonymes et qu'on puisse rembourser ce qu'ils appellent des dépenses très élevées pour les mères porteuses, car ils veulent leur rembourser aussi les pertes de salaire, peut-être pour toute une année.

    Ils veulent tout. Ils ne sont pas inquiets au sujet de la commercialisation. Ils ont comparé une mère porteuse qui se fait essentiellement payer pour s'occuper de leur bébé à une personne qui s'occupe d'un parent âgé, d'un autre membre de leur famille, dans une maison de soins infirmiers, comme si c'était un emploi. Quoi qu'il en soit, c'était là leur attitude.

    Ils ont l'appui des médecins de famille ou des médecins qui réfèrent les patients à ces cliniques de fertilité, et naturellement ils ont l'appui des médecins qui travaillent dans ces cliniques de fertilité.

    Je crois, Barry, que vous nous avez peut-être fait comprendre cette question. Je ne comprends pas les médecins qui appuient cette position—je vous donne tout simplement mon opinion personnelle. Vous avez peut-être raison lorsque vous dites qu'il s'agit de sociologues, de travailleurs sociaux, de psychologues... pour qui la société représente un tout; et peut-être que les scientifiques, les chercheurs et les médecins établissent un rapport avec ce couple et ce bébé potentiel, plutôt qu'avec tout le système.

    Il s'agit peut-être de voir les choses du point de vue scientifique plutôt que du point de vue social, mais il faut en quelque sorte tenir compte des besoins de tous ces gens, ou aller au-delà de ces deux visions et créer un cadre de travail qui soit acceptable aux Canadiens, car il y a beaucoup de gens qui ne participent pas du tout à ce processus. Ils n'adoptent pas et ne s'adressent pas à des cliniques de fertilité. En tant que législateurs, nous ne pouvons pas avoir une loi avec laquelle ils sont terriblement mal à l'aise, car c'est l'argent de leurs contribuables qui financera en partie cette agence et l'administration de tout ce processus.

    Notre comité compte deux nouveaux membres qui sont médecins.

»  +-(1700)  

+-

    Barry Stevens: Ils ne sont pas ici.

+-

    Irene Ryll: Ils ne sont pas ici.

+-

    La présidente: Pour être honnête, il y en a une qui a raté son avion ce matin en Colombie-Britannique, et l'autre fait en ce moment un exposé. Je pense vraiment qu'ils ne pouvaient pas être ici. Le problème c'est que tout le monde était ici pour entendre l'autre groupe.

    Je ne sais donc pas trop quoi faire pour m'assurer que, d'une façon ou d'une autre—peut-être que le secrétaire parlementaire peut y réfléchir un peu—nous pourrions trouver un compromis entre ces deux visions pour fonder une famille, car l'autre groupe, par exemple, m'a dit au téléphone, après la publication de notre rapport, qu'il était tout à fait ridicule que nous ayons intitulé notre rapport de l'an dernier Bâtir la famille, car en fait nous étions en train d'éliminer les possibilités pour eux de bâtir une famille. Ils ont détesté notre rapport et tout ce qu'il renfermait.

+-

    Catherine Clute: Puis-je vous parler de cette question, madame Brown? Nous étions nombreux à penser que c'était merveilleux, que c'était magnifique...

+-

    La présidente: Oui.

+-

    Catherine Clute: ...mais nous n'avons pas téléphoné.

+-

    La présidente: Non, je le savais. Je savais que vous seriez satisfaits.

+-

    Catherine Clute: Oui, et pas seulement moi, toutes sortes de gens. Ma mère est ici, et elle aussi a pensé que c'était une bonne chose.

    Nous ne nous opposons pas cependant à leur points de vue; la tendance est la même. Si on voulait réformer la chirurgie cardiaque, la Fondation des maladies du coeur et les gens qui attendent une greffe du coeur seraient d'un certain avis tandis que les autres qui sont moins touchés par ce problème seraient d'un avis un peu différent.

    Je me suis retrouvée exactement dans la même situation que ces gens qui étaient dans cette salle de conférence mardi dernier à Toronto, tout comme Irene. J'ai pleuré dans le bureau de mon médecin. J'ai fait toutes ces choses. Lorsqu'on a des problèmes d'infertilité, cela nous concerne.

+-

    La présidente: Oui.

+-

    Catherine Clute: Lorsqu'on a déjà une famille, cela ne nous concerne plus uniquement.

+-

    La présidente: Ça concerne les enfants.

+-

    Catherine Clute: On ne peut pas accorder notre attention uniquement aux gens qui sont en crise. Il faut tenir compte de toute la gamme d'émotions et de réactions.

    Et une autre raison, au-delà de la divergence d'opinion des médecins sur le plan des principes—c'est que le médecin voit le problème d'infertilité comme une crise, et puisqu'ils sont médecins, ils veulent remédier au problème. Ils le font et la personne repart. Ils ne voient jamais les gens qui viennent à nos groupes de soutien, qui décident au départ qu'ils ne vont pas recourir à ces moyens de haute technologie car ce n'est pas la bonne chose à faire pour eux ou leur famille. Ils veulent trouver d'autres façons de vivre leur vie.

    Le médecin qui m'a soigné à la clinique de fertilité ne me voit plus maintenant lorsque je suis avec mon fils. Je ne vais pas retourner a la clinique. Ils ne voient qu'un instantané dans le temps. Donc, en réalité, nous n'avons pas des points de vue qui s'opposent; nous sommes tout simplement un peu plus loin dans le processus.

+-

    La présidente: Eh bien, pour ce qui est du projet de loi, vous avez un point de vue tout à fait opposé.

+-

    Catherine Clute: Oui. Sur le plan sociétal, nous sommes là; nous avons le T-shirt. J'ai toujours la cicatrice de ma laparoscopie.

+-

    La présidente: M. Stevens, voulez-vous faire une observation?

+-

    Barry Stevens: Je ne vous envie vraiment pas. Je pense que vous aurez une grande photo du roi Salomon derrière vous. Je pense que ce qu'a dit Catherine à ce sujet était tout à fait juste.

    Si ces gens disent: «Nous voulons désespérément un enfant et vous nous en privez, et nous voulons pouvoir acheter des bébés au Guatemala, ce que nous considérons comme un service identique à celui que rend quelqu'un que l'on paie pour s'occuper de notre mère dans une maison de retraite», ce que je tente de dire c'est que de toute évidence nous devrions limiter certains types de comportement et certains types de commercialisation dans ces domaines.

»  +-(1705)  

+-

    La présidente: Mais même leur définition...

+-

    Barry Stevens: Et je dirais qu'en ce qui concerne le principe que l'on retrouve au paragraphe 2(b) selon lequel «la santé et le bien-être des enfants issus des techniques de procréation assistée doivent prévaloir dans les décisions concernant l'usage de celles-ci», ce qu'ils peuvent oublier je crois dans cette situation, ce sont les enfants nés de ces technologies. Et cela devrait être une priorité, leur santé et leur bien-être devraient être une priorité.

+-

    La présidente: Je crois qu'ils prétendaient—et je les ai crus—que s'ils avaient ces enfants grâce à ces technologies, rien ne serait plus important pour eux dans leur vie que ces enfants qu'ils désirent. Et je pense que nous pouvons compter là-dessus.

    Cependant, ils sont d'avis que ça leur regarde eux, leur médecin et les enfants qu'ils auront grâce à ce procédé, et ils ne veulent pas qu'on s'en mêle; ils veulent qu'on ne leur impose aucune restriction; ils prendront un excellent soin de ces enfants et ils les adoreront. Et je les crois lorsqu'lis disent cela.

    Ce qui est difficile de faire comprendre, c'est le point de vue sociétal plus général, comme Catherine l'a souligné.

+-

    Irene Ryll: Et je me rappelle lorsque la commission royale a été mise sur pied et que nous étions en pleine crise d'infertilité. On aurait sans doute pu regarder les transcriptions. Je me rappelle avoir rédigé des lettres, car j'étais bouleversée du fait que le gouvernement faisait tout en son pouvoir pour éliminer mes chances de FIV, car c'est là où j'en étais à cette époque.

    C'est la souffrance, la peine et la tristesse de vouloir avoir cet enfant. On ne peut pas penser à autre chose et je le comprends. Et je veux que les gens puissent avoir accès à la conception grâce à un donneur, mais il faut qu'il y ait un élément de responsabilité pour les familles qui sont fondées de cette façon.

    Ces enfants sont de jolis petits bébés. Ils grandissent et commencent à vous poser des questions. Lorsque vous leur racontez comment cet homme très gentil a fait cela et que vous l'avez payé 50 $ sinon il ne l'aurait pas fait, est-ce le genre de choses que vous voulez dire à votre enfant? J'aimerais bien ne pas être obligée de dire cela, car je sais qu'un jour nous devrons en parler.

+-

    La présidente: Pas toutes ces personnes, mais quelques-unes ont dit qu'elles n'avaient pas l'intention de le dire à leurs enfants, de sorte qu'on se retrouve avec toutes ces questions de secret qui, nous le savons, rend les familles neurotiques.

+-

    Barry Stevens: Par ailleurs, cela peut résulter par le décès précoce des enfants.

+-

    Irene Ryll: C'est tellement tragique.

+-

    Barry Stevens: Le fait qu'ils n'ont pas l'information génétique qui pourrait leur sauver la vie risque de les tuer.

+-

    Irene Ryll: C'est une question de santé. Et si nous ne pouvons promouvoir et...

+-

    La présidente: Eh bien, le projet de loi le prévoit. Le projet de loi stipule qu'il doit y avoir des renseignements sur la santé. Je ne sais pas si les règlements seront assez stricts pour faire en sorte que ces renseignements soient constamment mis à jour.

+-

    Barry Stevens: Ils pourraient tous divulguer...

+-

    Irene Ryll: Mais il faut l'appui de la société pour cela. Je pense qu'il faut que cela s'arrête et qu'on puisse repartir à zéro.

+-

    La présidente: Oui, s'ils ne divulguent pas ces renseignements, à quoi cela peut-il servir?

+-

    Barry Stevens: Je n'en ai pas parlé dans le mémoire. En fait, je crois que les règlements stipuleront, enfin, je l'espère, que tout couple qui suivra un traitement de fertilité devra s'engager à révéler à ses enfants d'où ils viennent. Et c'est ce que nous faisons avec l'adoption, comme Catherine l'a dit.

    J'aimerais beaucoup qu'à un moment donné—et c'est radical, tout le monde n'est pas d'accord avec moi—que lorsqu'ils atteignent l'âge adulte, ces enfants puissent obtenir un certificat de naissance qui leur révèle la vérité. En d'autres termes, on évite ainsi toute la question des parents qui révèlent ou pas la vérité.

+-

    La présidente: Vous dites «puissent obtenir», alors supposons que les parents n'ont pas révélé à leur enfant comment il ou elle a été conçu. Lorsque cet enfant atteint l'âge de 18 ans, voulez-vous dire que le gouvernement devrait lui envoyer une lettre lui disant...

+-

    Catherine Clute: Non.

+-

    La présidente: Mais si l'enfant n'est pas au courant, il ne va pas poser de question.

+-

    Catherine Clute: On ne laisse pas ces gens suivre le processus tant qu'ils n'ont pas reçu de services de counselling leur expliquant toutes les conséquences. Si après tout cela ils décident de ne pas révéler la vérité, alors ils peuvent s'adresser ailleurs pour un traitement.

+-

    Barry Stevens: Je dirais qu'à l'âge de 18 ans, toute personne pourrait s'adresser à l'HFEA et demander: «Ai-je été conçue par insémination artificielle? Que dit mon certificat de naissance?»

    Naturellement, une personne devrait avoir des soupçons si ses parents ne lui en avaient pas parlé.

+-

    La présidente: C'est bien loin de ce que nous avons entendu l'autre jour et de certains avis qui ont été exprimés autour de cette table. Ils ont fait une blague en disant que le gouvernement devrait être obligé d'informer tous les enfants qui avaient été conçus de cette façon, et tout le monde a bien ri.

    Vous dites que pour que cet enfant ait les mêmes droits que les autres enfants, il faudrait peut-être que l'on tienne une sorte de registre.

+-

    Barry Stevens: C'est ce qu'on est en train de faire pour l'adoption, et je pense que c'est ce que nous aimerions faire également.

    À mon avis, on s'apprête à découvrir de nombreuses nouvelles technologies, et les gens ne seront peut-être pas tout à fait les mêmes dans un siècle. Les liens humains, nos antécédents, notre généalogie est importante. C'est le réseau vital auquel nous appartenons tous. Je ne veux pas être trop sentimental ici, mais j'en suis vraiment convaincu.

+-

    La présidente: J'aime bien quand vous faites cela. Cela me donne une entrée en matière pour demain.

+-

    Barry Stevens: Nous sommes tous reliés, et nous sommes reliés à notre passé, à notre corps.

+-

    La présidente: Je suis d'accord avec cela.

+-

    Barry Stevens: Cela est important pour des raisons de santé, mais il était très important pour moi de découvrir... Je ne connais pas l'identité de mon donneur, mais je sais qu'il était juif et qu'il est venu d'un peuplement de Pale en Russie occidentale il y a longtemps, car j'ai fait analysé mon chromosome Y.

    C'est une expérience très importante pour moi. Je ne peux vous dire exactement pourquoi, mais je crois qu'il est très important d'affirmer ces liens, alors que nous entrons davantage dans le XXIe siècle et le meilleur des mondes.

+-

    La présidente: Comme si le monde n'était pas déjà suffisamment dépersonnalisé, toute la révolution technologique il me semble sépare les gens. Il y a le phénomène de coconnage, lorsque les gens passent beaucoup de temps à la maison seuls. Et combien de gens vivent maintenant seuls? À chaque recensement, on s'aperçoit que le nombre augmente.

    Il semble que tout ce qui peut nous relier à notre tribu, à nos antécédents, à notre histoire...

+-

    Barry Stevens: M. Daniels en Nouvelle-Zélande, que j'ai cité dans l'une des études, a ouvert le système en Nouvelle-Zélande, en fait sans mesure législative, cette dernière ayant suivi par la suite. Il s'est inspiré de la nation Maori, les Autochtones de la Nouvelle-Zélande. Ils ont ce concept qu'ils appellent «fuckapapa»—je sais, le mot est bien déplorable. En fait, c'est «whatkapapa», mais ce n'était pas... Ils sont d'avis qu'on ne peut prendre la parole dans sa collectivité à moins de savoir d'où on vient et de qui on descend. Ils parlent de ce concept qui consiste à entrer dans le futur en revenant en arrière, à se pencher sur sa généalogie.

    Le peuple maori est en quelque sorte horrifié par le don anonyme. M. Daniels a été très influencé par cela, et la Nouvelle-Zélande a beaucoup été influencée par cela également.

+-

    La présidente: Comme c'est intéressant.

+-

    Barry Stevens: J'aurais une petite observation à faire au sujet de ces gens qui ont comparu il y a quelques jours. Je pense qu'ils sont motivés en grande partie par la peur de choses terribles qui pourraient se produire: ils n'auront pas de famille, les donneurs vont disparaître.

+-

    Catherine Clute: C'est ce qu'on leur dit.

+-

    Barry Stevens: C'est ce qu'on leur dit, et c'est ce qui les motive. Je comprends cette motivation. Il y a le secret: «Nous ne le dirons pas à nos enfants». Toutes ces réponses me semblent être motivées par la peur, et la honte. J'espère que le projet de loi ne sera pas motivé par ces mêmes sentiments.

+-

    La présidente: Cela ne m'a pas frappé, mais il est possible que les propriétaires de la clinique de fertilité leur ait parlé de toutes ces conséquences terribles. Les seules conséquences terribles sont que la clinique de fertilité devra faire davantage de travail, être davantage responsable, et peut-être faire moins de bénéfices.

+-

    Catherine Clute: Lors d'une adoption, le travailleur social peut offrir des conseils aux parents biologiques, mais pas aux parents adoptifs dans le même dossier.

    Nous avons dans les cliniques des travailleurs sociaux qui parlent à la personne qui vend ses ovules et à celle qui les reçoit. Conformément à sa description de poste, le travailleur social doit s'assurer que tout le monde s'entend, et il n'est pas nécessairement le mieux placé pour...

»  +-(1710)  

+-

    La présidente: Nous avons appris que nombre de cliniques n'ont pas de vrais travailleurs sociaux, mais ont plutôt des employés qui ont des diplômes en psychologie. Certains de ceux qui ont ces diplômes ont suivi plus de cours de sciences que les autres.

+-

    Catherine Clute: Oui, et c'est donc le message...

+-

    La présidente: Oui. Vous avez mentionné à deux ou trois reprises, pour diverses raisons excellentes, la University of Western Ontario. Nous avons entendu un travailleur social de cette université qui était absolument extraordinaire.

    Des voix: C'est vrai!

+-

    Catherine Clute: Jean Haase.

+-

    La présidente: Oui. Elle était excellente. Elle est certainement la référence à imiter, et j'espère que notre rapport a poussé les gens à penser la même chose de nous. Il me semble cependant que ces conseillers objectifs ne travailleraient peut-être pas pour les cliniques de fertilité...

+-

    Catherine Clute: Parce que si cela fonctionne, vous perdez des clients.

+-

    La présidente: Elle a dit en fait qu'elle refusait certains clients.

+-

    Catherine Clute: C'est vrai.

+-

    La présidente: Ce n'est pas qu'elle refusait leur requête, mais grâce à son counselling ses clients en sont venus à la conclusion qu'ils n'étaient pas prêts ou que tout ça n'était pas pour eux.

+-

    Irene Ryll: Elle rencontre parfois certains clients plus d'une fois.

+-

    La présidente: Souvent à plusieurs reprises parce qu'ils doivent avoir son approbation. Il se peut qu'à ce moment-là, elle ait rencontré des clients six ou dix fois avant qu'ils constatent qu'ils ne sont pas prêts—sans qu'elle ne leur dise vraiment elle-même.

+-

    Catherine Clute: À la clinique de Halifax, si vous pleurez ils vous envoient voir leur psychiatre. Cependant vous devez fondre en larmes avant de pouvoir voir un psychiatre.

+-

    La présidente: C'est vrai.

    M. Lunney va intervenir.

+-

    M. James Lunney: Je me contenterai d'un bref commentaire parce qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps.

    Je crois que le sentiment d'appartenance et l'identification personnelle sont des facteurs très importants. Je crois que notre société souffre en raison des divorces et des séparations, en raison du fait que les enfants sont séparés de leurs familles et de leurs grands-parents. Il y avait jadis un certain sens de responsabilisation à l'égard de la famille élargie, et cela n'existe plus aujourd'hui ce qui nuit aux enfants à mon avis. Le fait de ne pas connaître ses origines aggrave la situation.

    J'aimerais revenir si vous voulez bien à la question des renseignements sur la santé et sur la mise à jour des dossiers. Dans le cas de don anonyme ou dans les exemples que vous nous avez donnés aujourd'hui—ce petit bout de papier avec les renseignements sur la santé...

»  +-(1715)  

+-

    Catherine Clute: Je m'excuse de vous interrompre mais je dois signaler qu'il ne s'agit pas de renseignements sur la santé. Avez-vous le document d'Irene? Voici ce qu'elle dit.

+-

    La présidente: Veuillez le lire à voix haute.

+-

    M. James Lunney: Bien c'est assez détaillé. On dit que le donneur faisait six pieds, pesait 175 livres, avait les cheveux bruns clairs, les yeux couleur de noisette, le teint pâle et qu'il était A positif, ce qui je suppose est son groupe sanguin.

+-

    Catherine Clute: Et voici le document d'Olivia.

+-

    M. James Lunney: Voici un autre petit bout de papier, mais pour Olivia. Il s'intitule «Information sur le donneur». On y dit qu'il s'agit d'un étudiant en médecine qui a fait plusieurs dons et pour lequel il n'y a eu qu'un résultat positif. Il n'y a donc pas de frères ou de soeurs dans le programme. Race blanche, cheveux bruns clairs, yeux bleus, cinq pieds dix, robuste, groupe sanguin A positif. Le seul renseignement sur son état de santé est son groupe sanguin. 

+-

    Olivia Pratten: Nous connaissons quelqu'un qui a fréquenté cette clinique. En ce qui concerne les renseignements sur sa santé, on lui a simplement demandé «êtes-vous en bonne santé?» C'était il y a 15 ans.

    M. James Lunney: Je vois.

    Mme Olivia Pratten: D'après ce qu'on nous a dit, cette clinique n'offre pas de services de counselling. Il n'y a pas de système de renvois. Absolument rien. Si les patients veulent avoir accès à des services de counselling, ils doivent payer la note. Ils ont simplement un renvoi de leur médecin de famille.

    Je n'ai pas dit tout ce que j'aurais voulu dire aujourd'hui. Personnellement je ne crois pas qu'il ait quoi que ce soit d'autre. Même les renseignements qu'il m'a donnés, je peux vous dire—simplement en fonction des caractéristiques génétiques—, que la couleur des yeux et des cheveux ne sont pas exacts. C'est simple. C'est pourquoi je me dis que je ne veux vraiment pas lui demander quoi que ce soit d'autre. Je demande «Qu'allez-vous me dire? Est-ce que ce sera d'autres mensonges, simplement parce que vous voulez que je m'en aille?» Je ne crois donc pas ce qu'il dit, même si les facteurs génétiques peuvent révéler que son groupe sanguin est peut-être positif.

    Je ne pense même pas qu'il connaît le nom,ou qu'il possède des renseignements détaillés ni qu'il sache quoi que ce soit de précis. La seule façon pour moi d'en savoir plus long c'est si j'ai des problèmes de santé plus tard. Je suis extrêmement frustrée avec ce médecin; je peux accepter le fait que je ne rencontrerai peut-être jamais cet homme, mais je ne peux pas accepter qu'il n'y ait pas d'intermédiaire. Il n'y a aucun moyen d'obtenir les renseignements ou même de se renseigner en lui faisant parvenir une lettre. À chaque question on répond: «Absolument pas. Désolé, ce n'est pas ma responsabilité».

    C'est frustrant, absolument frustrant.

+-

    Barry Stevens: L'ancien ministre de la Santé, M. Rock, a parlé publiquement des résultats favorables de son traitement pour le cancer de la prostate il y a quelques années. Il a obtenu un traitement précoce qui a été un succès en raison d'un diagnostic précoce. Il a eu ce diagnostic parce que son père était, c'est tragique, décédé de cette maladie. Si le père d'Allan Rock avait été le donneur du sperme, et je suppose qu'Allan Rock aurait eu son diagnostic trop tard pour pouvoir avoir accès à un traitement.

    Il y a toutes sortes d'histoires de ce genre. Vous comprenez mon message.

+-

    La présidente: Monsieur Lunney.

+-

    M. James Lunney: La situation que vous avez vécue à la période où il y avait des autodiagnostics a évidemment changé et aujourd'hui les exigences d'information sur l'état de santé sont beaucoup plus strictes. L'autodiagnostic, simplement demander aux gens comment ils se sentent, n'est évidemment plus acceptable aujourd'hui.

+-

    Barry Stevens: Très juste.

+-

    M. James Lunney: Si vous demandez à un détenu des renseignements sur son dossier médical, encore une fois, il faut se demander si sa réponse sera honnête, s'il connaît ces renseignements ou si ça l'intéresse de vous fournir les bonnes données. En fait, quand il s'agit d'un détenu, il faut se demander s'il est en mesure de vous fournir des renseignements pertinents.

+-

    Irene Ryll: Et on le paie?

+-

    Olivia Pratten: Justement. Si quelqu'un est payé, il y a plus de chance qu'il tire....

+-

    M. James Lunney: On rembourse simplement ses dépenses.

+-

    Barry Stevens: La question de l'impact des facteurs génétiques sur le comportement criminel suscite une vive controverse. Ce qui est plutôt ironique dans ce secteur c'est que les médecins dont toute la formation est fondée sur la génétique et sur les sciences disent soudainement que ça ne compte pas, et que c'est la famille sociale qui compte.

+-

    Olivia Pratten: C'est vrai, c'est ironique.

+-

    Barry Stevens: Mais il est ironique que les gens dont la formation est dans le domaine de la génétique, n'hésitent pas à obtenir le sperme d'individus ayant des problèmes de comportement.

+-

    M. James Lunney: Voici ma dernière question. Certaines dispositions du projet de loi autoriseraient l'extraction posthume de gamètes, et je me demandais....

»  -(1720)  

+-

    Barry Stevens: Post quoi?

+-

    M. James Lunney: Posthume, après la mort. Je me demandais si vous aviez une opinion à ce sujet.

+-

    Olivia Pratten: Oui, j'en ai pris note. Je suis contre. Encore une fois, il faut se demander comment l'enfant vivra ça, comment l'enfant vivra le fait que son père est mort avant même que lui ne soit né. Je suis contre.

    J'ai déjà entendu une femme expliquer qu'elle avait perdu son conjoint, qu'il avait subi un traitement pour le cancer mais qu'il avait fait préserver son sperme auparavant. Elle voulait conserver ce lien avec lui et avoir des enfants de lui. Je sympathise avec elle, mais j'estime qu'il faut voir tout cela du point de vue de l'enfant. Il est tragique de perdre un parent quand on est encore enfant, alors, pourquoi faire en sorte que des enfants naissent après la mort d'un des parents?

    C'est très complexe, mais, en dernière analyse, je ne crois pas que cela devrait être prévu par le projet de loi.

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    M. James Lunney: Est-ce que quelqu'un d'autre a une opinion?

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    Barry Stevens: Aux États-Unis, on parlait beaucoup du «facteur dégoût» dans tous ces domaines. Je ne me souviens plus...

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    Catherine Clute: J'allais justement dire que c'est un peu répugnant.

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    Barry Stevens: Peut-être. C'est ainsi que moi, je réagis. En revanche, j'imagine que pour certains... Je ne sais pas quoi vous répondre. L'idée ne me plaît pas beaucoup, c'est tout ce que je peux vous dire.

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    Irene Ryll: Je ne sais pas non plus quoi vous répondre, surtout s'il y a eu traitement, qu'on a congelé des embryons et que le père est mort ensuite.

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    Catherine Clute: J'aime bien ce qu'on fait en Angleterre dans ce genre de cas: chacun en est un cas d'espèce.

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    Barry Stevens: Comme dans le cas de Diane Blood.

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    Catherine Clute: Oui.

    Mon mari a eu le cancer, alors, c'est une possibilité bien réelle pour nous. Habituellement, on sait d'avance ce qui se passera... On ne tombe pas mort comme ça. L'idée de prélever le sperme d'un homme qui est mort dans un accident de la route m'est plutôt répugnante, mais lorsqu'on y a longuement réfléchi et qu'on le fait pour fonder une famille plus tard, cela devrait peut-être être permis.

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    M. James Lunney: Merci.

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    La présidente: Merci beaucoup.

    Y a-t-il d'autres interventions? Non? Je remercie donc tous nos témoins d'être venus. Je vous encourage à continuer d'exercer des pressions, car il est encore possible que le projet de loi soit encore modifié. Il sera probablement amendé par le comité. Puis, il sera renvoyé à la Chambre où il est encore possible qu'il soit modifié à l'étape du rapport. Je vous encourage donc à redoubler d'efforts dès que la Chambre sera de nouveau saisie du projet de loi.

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    Irene Ryll: Il nous faut une loi. La pratique doit être réglementée.

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    Catherine Clute: J'ai réussi à convaincre mon député fédéral, Gerald Keddy, de la circonscription de Salt Shore, en Nouvelle-Écosse, à s'intéresser à la question qui ne lui était d'aucun intérêt avant que nous commencions à correspondre. Nous ne disparaîtrons pas. Nous continuerons de faire sentir notre présence.

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    La présidente: Il y a environ 35 députés fédéraux qui représentent la région de Toronto, et ceux qui ne sont pas de votre avis n'hésitent pas à le dire.

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    Catherine Clute: J'ai déjà fait tout ce que je pouvais faire au niveau local.

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    Olivia Pratten: Oui, nous savons qui ils sont, même s'ils n'étaient pas ici aujourd'hui.

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    Catherine Clute: Si vous me permettez une question intéressée, j'ai besoin d'un formulaire de demande de remboursement de frais de déplacement...

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    La présidente: Adressez-vous au greffier.

    La séance est levée.