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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la santé


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 26 novembre 2002




¿ 0910
V         La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.))
V         M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne)
V         La présidente
V         Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD)
V         La présidente
V         Mme Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.)
V         La présidente
V         Mme Kate Acs (témoignage à titre personnel)

¿ 0915
V         La présidente
V         Mme Tanya Constantine (témoignage à titre personnel)
V         La présidente
V         Mme Dana Roth Edney (témoignage à titre personnel)
V         M. Peter Edney (témoignage à titre personnel)
V         La présidente
V         M. Alex Hunter (témoignage à titre personnel)
V         La présidente
V         Mme Diane Allen (directrice exécutive, Infertility Network)
V         La présidente
V         Mme Kate Acs

¿ 0920
V         La présidente
V         Mme Tanya Constantine

¿ 0925
V         La présidente
V         Mme Dara Roth Edney
V         M. Peter Edney

¿ 0930
V         La présidente
V         M. Alex Hunter

¿ 0935
V         La présidente
V         Mme Diane Allen

¿ 0940

¿ 0945
V         La présidente
V         M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne)
V         M. Alex Hunter

¿ 0950
V         La présidente
V         M. Alex Hunter
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Kate Acs
V         M. Rob Merrifield

¿ 0955
V         Mme Kate Acs
V         M. Alex Hunter
V         Mme Diane Allen
V         Mme Brenda Chamberlain
V         La présidente
V         Mme Diane Allen
V         Mme Kate Acs
V         La présidente
V         Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)

À 1000
V         La présidente
V         Mme Diane Allen
V         Mme Kate Acs

À 1005
V         La présidente
V         M. James Lunney
V         Mme Diane Allen
V         Mme Dara Roth Edney

À 1010
V         La présidente
V         M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)
V         Mme Dara Roth Edney
V         M. Peter Edney
V         Mme Diane Allen

À 1015
V         Mme Dara Roth Edney
V         Mme Diane Allen
V         Mme Dara Roth Edney
V         Mme Kate Acs
V         Mme Diane Allen
V         Mme Kate Acs
V         La présidente
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         La présidente
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Mme Dara Roth Edney

À 1020
V         Mme Tanya Constantine
V         Mme Kate Acs
V         La présidente
V         Mme Brenda Chamberlain

À 1025
V         Mme Dara Roth Edney
V         La présidente
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         La présidente
V         La présidente

À 1035
V         M. Ingo Kraemer (témoignage à titre personnel)
V         La présidente

À 1040
V         La présidente
V         Mme Anita MacCallum (témoignage à titre personnel)

À 1045
V         La présidente
V         M. Alan Simpson (témoignage à titre personnel)
V         La présidente
V         Alan Simpson
V         La présidente
V         M. Alan Simpson

À 1050

À 1055
V         La présidente
V         Mme Janet Prince (témoignage à titre personnel)
V         La présidente

Á 1100
V         Jan Silverman

Á 1105
V         La présidente
V         M. James Lunney
V         Janet Prince
V         M. James Lunney
V         Janet Prince
V         M. James Lunney
V         Mme Anita MacCallum
V         M. James Lunney
V         Mme Anita MacCallum
V         M. James Lunney
V         Mme Anita MacCallum

Á 1110
V         M. James Lunney
V         Mme Anita MacCallum
V         Jan Silverman
V         Mme Rebecca Simpson (témoignage à titre personnel)
V         M. James Lunney
V         M. Jennifer Kraemer (témoignage à titre personnel)
V         M. Alan Simpson

Á 1115
V         Le vice-président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.))
V         Mme Brenda Chamberlain
V         M. Jennifer Kraemer
V         Mme Brenda Chamberlain
V         Le vice-président (M. Stan Dromisky)
V         M. Alan Simpson
V         Le vice-président (M. Stan Dromisky)
V         M. Alan Simpson
V         Le vice-président (M. Stan Dromisky)
V         Mme Brenda Chamberlain
V         Mme Anita MacCallum
V         Mme Brenda Chamberlain
V         Mme Anita MacCallum

Á 1120
V         Mme Rebecca Simpson
V         M. Alan Simpson
V         Le vice-président (M. Stan Dromisky)
V         M. Alan Simpson
V         Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne)
V         Mme Jennifer Kraemer

Á 1125
V         M. Ingo Kraemer
V         M. Alan Simpson
V         Mme Carol Skelton
V         M. Alan Simpson
V         Le vice-président (M. Stan Dromisky)
V         Mme Jan Silverman

Á 1130
V         Le vice-président (M. Stan Dromisky)
V         Mme Jan Silverman
V         Le vice-président (M. Stan Dromisky)
V         M. Alan Simpson
V         Le vice-président (M. Stan Dromisky)
V         Mme Carolyn Bennett
V         Le vice-président (M. Stan Dromisky)
V         La présidente

Á 1135
V         La présidente
V         M. Michael Koshan (témoignage à titre personnel)

Á 1140
V         La présidente
V         Mme Shirley Solomon (témoignage à titre personnel)
V         M. Les Kottler (témoignage à titre personnel)
V         Mme Shirley Solomon

Á 1150
V         M. Les Kottler
V         Mme Shirley Solomon
V         M. Les Kottler
V         Mme Shirley Solomon
V         M. Les Kottler
V         Mme Shirley Solomon
V         La présidente
V         Mme Joanne Wright (Canadian Surrogacy Options)
V         La présidente
V         Mme Joanne Wright

Á 1155
V         La présidente
V         M. James Lunney
V         M. Les Kottler
V         M. James Lunney

 1200
V         Mme Joanne Wright
V         M. James Lunney
V         Mme Joanne Wright
V         M. James Lunney
V         Mme Shirley Solomon

 1205
V         La présidente
V         M. James Lunney
V         Mme Joanne Wright
V         M. James Lunney
V         Mme Joanne Wright
V         La présidente
V         Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.)
V         Mme Joanne Wright
V         Mme Judy Sgro
V         Mme Joanne Wright
V         Mme Shirley Solomon
V         Mme Judy Sgro

 1210
V         M. Les Kottler
V         M. Michael Koshan
V         Mme Judy Sgro
V         Mme Shirley Solomon
V         La présidente
V         Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.)

 1215
V         Mme Joanne Wright
V         Mme Yolande Thibeault
V         Mme Joanne Wright
V         Mme Yolande Thibeault
V         Mme Joanne Wright
V         Mme Yolande Thibeault
V         Mme Joanne Wright
V         Mme Yolande Thibeault
V         La présidente










CANADA

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 005 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 26 novembre 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Cette séance du Comité permanent de la santé est ouverte.

    Avant de commencer, j'ai quelques questions à poser aux membres du comité puis à nos témoins. D'abord, sachez qu'une maison de production nous a demandé de filmer notre séance de ce matin pour pouvoir l'utiliser ultérieurement dans un documentaire. Je lui ai dit qu'elle pouvait envoyer ses gens, mais qu'ils devraient peut-être quitter la salle si je n'obtenais pas l'autorisation de tous les participants. Je demande d'abord aux membres du comité s'ils ont une objection quelconque à se faire filmer ce matin.

+-

    M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Pouvez-vous nous dire de quelle maison de production il s'agit?

+-

    La présidente: Il s'agit d'une maison appelée Lank Beach de Winnipeg qui veut faire un documentaire sur la maternité de substitution.

    Réfléchissez-y un instant, pendant que je passe à mon deuxième sujet. Des journalistes nous ont également demandé d'enregistrer la réunion de Toronto, et je leur ai répondu par l'affirmative en précisant qu'ils devraient peut-être cesser de filmer si des témoins ne se sentaient pas à l'aise. Les membres du comité ont-ils des objections?

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Madame la présidente, pour ce qui est de vos deux demandes, il faut comprendre que nos séances sont ouvertes et que les médias peuvent suivre nos audiences ici même à Ottawa. Par conséquent, peu importe que les séances aient lieu ici ou ailleurs, nous ne devrions pas faire de différence. Dans la même veine, nous ne devrions rien trouver à redire à la demande des Productions Lank Beach. Nos séances sont publiques, comme elles l'ont toujours été.

+-

    La présidente: Madame Chamberlain.

+-

    Mme Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.): Je suis d'accord avec ma collègue: il n'y a pas de raison de ne pas tenir nos séances au grand jour. Elles sont publiques, et tout le monde devrait pouvoir les regarder.

+-

    La présidente: Je me tourne maintenant vers nos témoins de Toronto. Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez.

    Commençons d'abord par madame Acs. Avez-vous des objections à être filmée?

+-

    Mme Kate Acs (témoignage à titre personnel): Oui, parce que mon enfant a été conçu grâce à un don d'ovules, et ce n'est pas de l'information très publique. Toutefois, si le documentaire doit porter sur la maternité de substitution et si l'on accepte de ne pas inclure mon exposé ou qu'on accepte de ne pas dire que mon enfant a été conçu grâce à un don d'ovules, je n'aurai pas d'objection.

¿  +-(0915)  

+-

    La présidente: Dans ce cas, on n'enregistrera pas votre témoignage, madame Acs.

    Madame Constantine, qu'en dites-vous?

+-

    Mme Tanya Constantine (témoignage à titre personnel): C'est la même chose pour moi, comme je ne suis pas ici pour parler de la maternité de substitution, j'imagine que mon témoignage n'a pas à être enregistré non plus. Je m'attends donc à ce qu'il soit également exclu.

+-

    La présidente: Monsieur et madame Edney.

+-

    Mme Dana Roth Edney (témoignage à titre personnel): Je n'ai pas d'objection.

+-

    M. Peter Edney (témoignage à titre personnel): Nous ne ferons pas de difficulté.

+-

    La présidente: Monsieur Hunter.

+-

    M. Alex Hunter (témoignage à titre personnel): Je ne ferai pas de difficulté.

+-

    La présidente: Dans ce cas, nous pouvons commencer notre première table ronde; que les journalistes de Toronto et d'ici se le tiennent pour dit et ne filment pas les deux premiers témoins.

    Mme Allen fait également partie de la première table ronde. Que décidez-vous, madame Allen?

+-

    Mme Diane Allen (directrice exécutive, Infertility Network): Cela ne me pose aucun problème.

+-

    La présidente: Merci.

    Cela dit, maintenant que les instructions ont été données à la maison d'enregistrement, nous allons commencer.

    Nous accueillons donc en premier lieu ce matin Mme Acs. Allez-y, vous avez la parole.

+-

    Mme Kate Acs: Merci de m'avoir invitée à comparaître. Je vous parlerai aujourd'hui du projet de loi C-13, et je vous soumettrai une liste de recommandations plus détaillée par écrit.

    De façon générale, je suis d'accord avec le projet de loi, car j'estime qu'il est grand temps que ce domaine soit réglementé. Toutefois, j'aimerais vous parler un peu de ma propre expérience à titre de personne souffrant d'infécondité. C'est tout un défi pour moi de vous raconter en quelques mots les huit dernières années de ma vie.

    Je m'appelle Kate Acs et je suis aujourd'hui la maman d'un enfant de 19 mois conçu par don d'ovules. J'aimerais vous faire part de mon expérience personnelle car je sais que des milliers d'autres Canadiennes vivent la même chose aujourd'hui et que beaucoup plus de Canadiennes la vivront demain.

    Étant donné les nombreuses options d'apprentissage et de carrière offertes aux femmes aujourd'hui, celles-ci attendent de plus en plus longtemps avant d'avoir des enfants. Nous retardons le moment de procréer comme aucune autre génération de femmes l'a fait avant nous, et cette tendance ne devrait pas s'atténuer. La plupart des jeunes femmes instruites et bien informées comme moi supposent naïvement qu'elles pourront procréer jusque dans la quarantaine dans la mesure où elles sont en bonne santé. Ce n'est tout simplement pas vrai. La bonne nouvelle cependant, c'est que bon nombre de ces femmes peuvent arriver à concevoir si elles utilisent des ovules donnés par des femmes plus jeunes. C'est ce que j'ai pu faire, mais je crains que cela ne soit plus possible comme démarche si vous adoptez le projet de loi sous sa forme actuelle.

    La ministre de la Santé a affirmé que le grand objectif de ce projet de loi était de protéger les couples stériles. Toutefois, en raison de certaines de ses dispositions, il serait difficile, voire impossible, aux gens ordinaires comme moi de fonder une famille. Je crois que le gouvernement n'a pas demandé suffisamment l'avis des personnes intéressées au premier chef, c'est-à-dire celles qui ont eu recours ou qui ont actuellement recours aux techniques de reproduction. Pourtant, ce projet de loi aura l'impact le plus direct sur nous. Cette question n'est ni théorique pour nous ni indépendante de nous. Ce que vous êtes à la veille de décider aura une incidence profonde sur nos vies et sur les choix qui nous sont offerts pour fonder une famille.

    Dans une certaine mesure, c'est notre faute si vous n'avez pas entendu parler de nous. Les personnes souffrant d'infécondité font face à un état pathologique fortement entaché de stigmates et d'un sentiment subtil de honte. Comme la plupart d'entre nous hésitent à parler de leurs difficultés, on comprend très peu les problèmes que nous devons surmonter. Mais j'aimerais vous faire part de mon expérience car je veux que vous compreniez ce que j'ai vécu et que j'ai besoin de votre appui; j'aimerais aussi que vous vous fassiez les champions des milliers de Canadiens de tous les horizons économique, racial et religieux qui ont à lutter énormément pour obtenir ce que d'autres tiennent pour acquis, à savoir le privilège d'avoir un enfant.

    J'avais 34 ans lorsque j'ai voulu fonder une famille. J'ai fait des fausses couches et appris que je ne pourrais jamais devenir enceinte. Je me rappelle encore ce jour où, assise en face du médecin, celui-ci m'a expliqué très calmement qu'à 35 ans, j'allais commencer une ménopause prématurée et que je ne pourrais jamais porter mes propres enfants. J'ai vécu un de ces moments dans la vie où le temps semble s'arrêter et où on a l'impression de se regarder vivre de l'extérieur. Je me rappelle avoir atteint de peine et de misère une cabine téléphonique pour pouvoir appeler mon mari et n'avoir pas été en mesure de trouver une pièce dans mon sac à main parce que les larmes brouillaient ma vue. Je me demandais comment tout cela était possible alors que j'étais si jeune et en bonne santé!

    Qu'avons-nous fait alors? Nous nous sommes tournés vers l'adoption et avons été stupéfaits de constater que cette option n'était ni facile ni abordable au Canada. Étant donné que la plupart des mères gardent aujourd'hui leurs enfants, la période d'attente pour avoir un nouveau-né en bonne santé peut être de plusieurs années. De plus, il y a des milliers d'enfants, les pupilles de l'État, qui ne peuvent pas être adoptés, alors que nous aurions été heureux de le faire. Pour ce qui est de l'adoption internationale, elle coûte de 15 à 30 000 $. En connaissez-vous beaucoup de couples qui ont facilement 30 à 50 000 $ de disponibles pour adopter des enfants?

    Je pouvais aussi essayer de devenir enceinte en utilisant les ovules d'une autre femme. À l'époque, je ne savais même pas que cette possibilité existait. Malheureusement, je ne connaissais personne en mesure de me donner des ovules. La seule soeur que j'ai a quatre ans de plus de moi, et comme mes amies sont pour la plupart de mon âge, elles étaient toutes trop âgées pour me faire ce don. Nous nous sommes donc adressés à une clinique, et j'ai été inscrite pendant plus d'un an sur une liste d'attente. Mais grâce à Dieu, je suis tombée enceinte, et j'ai maintenant mon propre enfant, ce qui me réjouit plus que je ne saurais vous le dire.

    La femme qui a donné ses ovules a été indemnisée, et j'ai été heureuse de pouvoir le faire. Le don qu'elle m'a fait est sans prix pour nous. Son geste de si grande générosité est inspirant. Il aurait été impensable pour nous de ne pas l'indemniser. Pour moi, elle n'est pas celle qui m'a donné des ovules; elle est pour moi un ange.

    J'aimerais vous lire ici un extrait de mon journal, daté du 3 novembre 1999:

    Je suis ici dans un restaurant d'hôtel, et j'attends que l'heure de ma réunion arrive. Je suis assiste en face d'une famille de quatre personnes fatiguées aux traits tirés. La mère est pâle et semble être fatiguée, mais je l'envie. J'envie aussi la jolie petite fille fatiguée, collée contre elle à moitié endormie.

    Mesdames et messieurs, mon rêve est aujourd'hui réalisé. De grâce, aidez à réaliser le rêve d'autres Canadiennes dans la même situation que moi.

    Je vous recommande d'accepter d'indemniser les donneurs de gamètes. Je souscris à l'objectif du gouvernement, qui est de contrôler les possibilités de commercialisation dans ce domaine, mais je crois que l'objectif peut être mieux atteint en réglementant la pratique et en octroyant une indemnisation limitée aux donneurs, outre les dépenses déductibles.

¿  +-(0920)  

    Toutefois, si le gouvernement interdit l'achat d'ovules et de sperme sans instaurer un système adéquat pour en assurer un approvisionnement suffisant, cela pourrait avoir les résultats suivants: les mieux nantis se rendront aux États-Unis et la pratique tombera dans la clandestinité, là où la loi de la jungle s'applique.

    Si vous n'êtes pas disposés à appuyer cette recommandation, je vous exhorte à envisager de retarder l'interdiction pendant deux à trois ans, pour permettre à Santé Canada ou à l'agence de réglementation d'entreprendre une campagne de relations publiques destinée à encourager les Canadiens aptes à faire don gratuitement de leurs ovules et de leur sperme pour aider leurs concitoyens aux prises avec l'infécondité.

    Je recommande qu'un des rôles de l'Agence consiste à recueillir les renseignements personnels concernant les donneurs. Toutefois, pour des raisons de protection de la vie privée, les cliniques ne devraient pas avoir le droit de recueillir des renseignements au sujet de ceux qui ont recours aux techniques de reproduction et au sujet des enfants conçus par ces moyens.

    J'appuie également le projet de loi en ce qui concerne la divulgation des renseignements concernant les donneurs. En effet, ces dispositions reflètent les dispositions qui s'appliquent dans les cas d'adoption et en vertu desquelles l'identité des parties ne peut être révélée que s'il y a consentement mutuel.

    Enfin, pour ce qui est du conseil d'administration de l'Agence, la majorité des administrateurs devrait être des personnes qui ont fait l'expérience des techniques de reproduction—à savoir des parents qui le sont devenus grâce au don de gamètes, au don d'embryons ou à la maternité de substitution, et les enfants conçus par les techniques de procréation assistée—ou encore ceux qui font du counselling médical et les personnes travaillant dans le domaine des technologies de reproduction.

    En conclusion, lorsque vous retournerez ce soir chez vous pour retrouver vos enfants, réfléchissez un instant aux milliers de Canadiens qui voudraient un jour pouvoir faire la même chose. De grâce, que le régime de réglementation que vous choisirez protège toutes les personnes concernées et nous permettent de fonder des familles.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci, madame Acs.

    Pouvons-nous maintenant passer à Mme Constantine?

+-

    Mme Tanya Constantine: Mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de la santé, je travaille pour Action Cancer Ontario; je suis infirmière chargée des essais cliniques en oncologie au Toronto-Sunnybrook Regional Cancer Centre. Je prends soin de patients souffrant de cancer gynécologique et de cancer des poumons.

    Mon mari, Tim, et moi nous sommes rencontrés à l'Université McMaster, à l'école des études supérieures. Il est actuellement ingénieur en environnement. Nous nous sommes mariés en 1999. En septembre 2000, j'avais 28 ans, nous avons acheté une maison et avons entrepris de fonder une famille.

    Après environ neuf mois de vaines tentatives, nous avons consulté un médecin. Après de nombreux mois d'examen, nous avons appris que je souffrais de carence ovarienne précoce, ce qui signifiait que mes ovaires ne produisaient plus d'ovules viables. J'ai alors subi plusieurs cycles d'injection de médicaments devant stimuler la production d'ovules.

    Nous avons ensuite tenté la fécondation in vitro, mais, encore une fois, je n'ai pu produire d'ovules pouvant servir à la création d'un embryon.

    Les deux dernières années ont été très difficiles pour nous. Je ne sais comment exprimer la déception personnelle, la culpabilité, la douleur et le désespoir qui accompagnent ce problème de santé. Parce que mon utérus ne présentait aucun problème et que le sperme de mon mari était normal, on m'a dit que rien ne devrait m'empêcher de mener une grossesse à terme. Par conséquent, on nous a parlé de la possibilité d'un don d'ovules.

    Nous étions heureux de nous voir offrir une solution qui me permettrait d'être enceinte et de porter un enfant, qui aurait une partie du patrimoine génétique de mon mari, et le don d'ovules nous apparut comme la meilleure option.

    Grâce au programme de notre médecin, nous savions que la femme qui devait nous faire un don d'ovules avait subi les tests sanguins nécessaires, quels étaient ses antécédents médicaux et familiaux et son profil psychologique. Ces évaluations exhaustives ont permis au médecin de garantir que cette femme connaissait tous les risques liés aux injections et au recueil des ovocytes, qu'on avait discuté de ses émotions et inquiétudes et qu'elle avait pris sa décision en toute connaissance de cause. Mon mari et moi avons été tenus de rencontrer un conseiller avec lequel nous avons discuté de cette décision très importante.

    Ce qui m'inquiète dans le projet de loi C-13, c'est qu'il exclut l'évaluation du médecin et, ce faisant, fait en sorte qu'un couple stérile prêt à accepter un don d'ovules ne pourrait se faire conseiller sur le choix de la donneuse d'ovules. Les droits du couple recevant ces ovules et de la donneuse seraient mal définis et, par conséquent, je serais inquiète s'il me fallait trouver moi-même une donneuse. Sans l'aide d'un médecin, on pourrait passer outre à certaines évaluations médicales et psychologiques, ce qui accroîtrait les risques pour la donneuse et le couple.

    Grâce aux conseils des médecins et des infirmières à notre clinique, mon mari et moi avons choisi une donneuse anonyme. Je suis enceinte, et je viens d'avoir 30 ans.

    Il m'apparaît justifié que l'on indemnise la donneuse pour les coûts directs et indirects du don d'ovules, dans un cadre réglementaire. Les donneuses doivent souvent se rendre chez le médecin, elles doivent subir des injections quotidiennes, se soumettre à un prélèvement d'ovules douloureux et à des prises de sang, ce qu'elles font en dépit du risque minime mais très réel d'hyperstimulation ovarienne. Je le sais, parce que j'en ai fait l'expérience de nombreuses fois.

    J'ai été heureuse de savoir que celle qui nous a donné ses ovules sera indemnisée pour avoir accepté de nous rendre ce service, pour sa générosité et son temps. Il est inacceptable de demander à ces femmes de faire don de leurs ovules sans indemnisation. Je n'accepterais pas de voir ma vie personnelle et professionnelle perturbée si cela ne présentait aucun avantage pour ma famille ou mon conjoint. Ces femmes font un don merveilleux, mais elles ont aussi une vie et une famille et devraient recevoir une indemnisation pour leur temps, leur dévouement et leur générosité.

    Si le projet de loi C-13 est adopté sous sa forme actuelle, sans permettre l'indemnisation pour les coûts indirects, très peu de femmes voudront faire don de leurs ovules, et c'est compréhensible. Nous devrons alors nous tourner vers les États-Unis, où les programmes de don d'ovules sont nombreux mais coûteux. Ce serait une option pour les Canadiens, mais seulement pour ceux qui auraient les moyens de payer.

    Être stérile entraîne déjà une certaine stigmatisation personnelle et sociale et d'autres répercussions négatives. Si le projet de loi C-13 est adopté tel quel, les couples stériles devront assumer la tâche humiliante d'ajouter encore à leur vulnérabilité et de solliciter et indemniser privément les donneuses, en l'absence d'une loi les protégeant et sans posséder les connaissances médicales leur permettant de faire un bon choix. Les donneuses et les couples devront alors faire face à des risques accrus.

    Je suis ici aujourd'hui parce qu'il m'a fallu compter sur un don d'ovules pour enfin devenir enceinte. Je ne voudrais pas que les autres femmes n'aient pas les mêmes possibilités que moi en raison du projet de loi C-13.

    De plus, comme je l'ai indiqué plus tôt, je travaille avec des femmes qui souffrent de cancer gynécologique et qui doivent aussi parfois faire appel à des donneuses d'ovules ou à des mères porteuses. Je ne pouvais pas, en toute conscience, ne rien faire sachant que cette femme, après avoir enduré un cancer des ovaires ou de l'utérus, ne pourrait fonder une famille parce qu'on aurait adopté le projet de loi C-13 sous sa forme actuelle.

    Merci.

¿  +-(0925)  

+-

    La présidente: Merci, madame Constantine.

    Nous accueillons maintenant un couple, Dara Roth et Peter Edney.

    J'ignore qui témoignera, mais vous pouvez commencer.

+-

    Mme Dara Roth Edney: Nous témoignerons tous les deux. Je vais commencer par quelques remarques et Peter terminera.

    Bonjour, je m'appelle Dara et voici mon mari, Peter. Nous nous sommes mariés il y a cinq ans. J'avais alors 28 ans. Après avoir essayé pendant un an de concevoir un enfant, nous avons consulté un spécialiste de la fécondité. Après m'avoir administré toute une batterie de tests effractifs et douloureux et avoir tenté plusieurs fois sans succès l'insémination intra-utérine, ce médecin a recommandé la fécondation in vitro.

    La douleur des injections quotidiennes et les prélèvements d'ovules n'étaient rien comparés au choc dévastateur que nous avons subi chaque fois que nous avons appris l'échec d'une de ces tentatives. Enfin, une série de biopsies endométriales ont révélé une carence en protéines nécessaires à toute grossesse. J'ai subi une intervention chirurgicale et pris des médicaments, mais l'anormalité de l'endomètre n'a pu être corrigée. Je ne serai jamais enceinte.

    Depuis maintenant quatre ans, Peter et moi voulons concevoir un enfant, mais nos tentatives sont restées vaines. Nous avons vu ma soeur cadette donner naissance à deux filles, et le frère de Peter a eu un fils. Nous voyons rarement nos amis, car il est trop douloureux pour nous de les voir avec leurs enfants. J'ai eu à retenir des larmes chaque fois que ceux que j'aime m'ont dit, des sanglots dans la voix, qu'ils étaient désolés de m'apprendre qu'ils allaient avoir un enfant. Auparavant, le temps des Fêtes était une joie; maintenant, nous préférons éviter les célébrations.

    Je suis travailleuse sociale et j'aimais bien, avant, travailler avec les personnes âgées, mais leurs questions pleine de sollicitude sur ma situation sont devenues trop douloureuses. Mon mari, qui avait auparavant le sourire si facile, a maintenant trop souvent la larme à l'oeil et nos vies sont imbues de tristesse. Nous avons quand même réussi à garder notre sens de l'humour, notre amour réciproque et notre détermination à avoir des enfants.

    Malheureusement, nous n'avons ni amis ni parents qui pourraient porter un enfant pour nous. La seule solution est donc de trouver une étrangère digne de confiance. Grâce à l'aide précieuse d'un intermédiaire et aux conseils de notre médecin, d'une travailleuse sociale et d'un avocat, nous avons pu trouver une mère porteuse. C'est une mère au foyer de deux enfants vivant à la campagne, en Ontario, avec son mari, un professionnel bien rémunéré.

    Ce qui motive cette femme, ce n'est pas l'argent. Toutefois, il est évident qu'elle ne porterait pas notre enfant et ne devrait pas avoir à porter notre enfant sans une indemnisation. Je tiens cependant à préciser que nous n'achetons pas notre bébé. Nous dédommageons la mère porteuse du temps qu'elle nous consacre, du temps qu'elle doit passer loin de sa famille, de la douleur et des effets secondaires des médicaments qu'elle doit prendre, des risques qu'elle assume en acceptant de mener à bien cette grossesse et de donner naissance à notre enfant, des possibilités auxquelles elle devra renoncer et des restrictions auxquelles elle se soumet en raison de sa grossesse.

    Nous l'indemniserons de ces coûts indirects ainsi que des coûts directs, contre reçu, que nous ayons au bout du compte notre bébé ou non, car ce n'est qu'en offrant un dédommagement raisonnable que nous pouvons garantir une entente équitable et mutuellement satisfaisante qui réponde à nos préoccupations et aux siennes et qui fasse en sorte que nous prenions tous des décisions éclairées.

+-

    M. Peter Edney: Nous croyons que votre comité a la possibilité d'aider les Canadiens stériles à fonder une famille tout en protégeant les parties en cause. La maternité de substitution non génétique devrait être balisée, mais ces balises ne devraient pas empêcher les gens d'avoir des enfants.

    Les futurs parents devraient pouvoir défrayer la mère porteuse de ses frais directs et indirects et devraient pouvoir, au besoin, engager un intermédiaire. La plupart des gens, comme nous, ne savent rien de la maternité de substitution. Il faut des organismes qui sensibilisent et informent les gens et qui défendent la cause des couples stériles. Sans intermédiaire, toutes les parties seront mal préparées et mal informées sur les choix qu'elles devront faire et seront sans information, sans soutien, sans médiation.

    L'adoption du projet de loi C-13 sous sa forme actuelle aura des conséquences dévastatrices pour le nombre croissant de couples stériles qui veulent tout simplement fonder une famille. Sans indemnisation raisonnable, le bassin de mères porteuses sera si petit que la plupart des couples ne pourront recourir à la maternité de substitution.

    Sur toutes les femmes ayant accepté de servir de mères porteuses par l'entremise d'une agence au cours des 10 dernières années, une seule était disposée à le faire gratuitement. S'il n'y a pas d'autres possibilités, on exercera des pressions extrêmes sur les amies et les parentes pouvant porter un enfant. Ces femmes ne feront peut-être pas un choix éclairé; peut-être céderont-elles aux pressions de leur famille ou à leur sens du devoir.

    Sans une indemnisation raisonnable, ceux qui ont les moyens d'aller ailleurs le feront et risquent de se retrouver dans des programmes mal administrés où les mères porteuses ne sont pas bien évaluées. Les enfants auxquels ces mères porteuses donneront naissance présenteront peut-être de nombreux problèmes de santé qui entraîneront une augmentation des coûts des soins de santé au Canada à long terme.

    Ceux qui n'auront pas les moyens d'aller ailleurs resteront au Canada et chercheront une mère porteuse disposée à contracter une entente avec eux et à accepter d'être payée dans l'illégalité. Des informations médicales pertinentes sur la mère de substitution pourraient rester cachées et les futurs parents devront mentir à leur médecin. Sans remboursement des coûts réels, un contrat précis et légal ne pourra être signé et les deux parties seront vulnérables.

    Beaucoup de gens sont dans notre situation. La femme d'un de mes collègues a perdu son bébé au huitième mois de la grossesse et, pour ne pas mourir, a dû subir une hystérectomie. Une connaissance de Dara ne peut porter un enfant parce qu'elle a subi une greffe de reins. Ces personnes et nous avons besoin de l'aide de mères porteuses, et non pas de celle de donneuses d'ovules ou de donneurs de sperme, mais nous préconisons tout aussi fermement l'indemnisation de ces donneurs.

    Ce projet de loi n'empêchera pas les gens de faire appel à des donneurs et des mères porteuses et de les indemniser; plutôt, il favorisera l'exploitation dans un environnement où l'évaluation exhaustive des mères porteuses et des donneurs ne sera pas nécessaire et où des conseils juridiques ne seront pas disponibles. Les couples stériles, les mères porteuses éventuelles et les donneurs et donneuses devront se débrouiller sans conseil ni protection.

¿  +-(0930)  

    Nous vous demandons de protéger les Canadiens et Canadiennes et de faciliter la création de familles en réglementant et non en prohibant le remboursement des coûts réels engagés par les mères porteuses et les donneurs, ainsi que l'indemnisation raisonnable des intermédiaires qualifiés et des professionnels qui les représentent.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci, monsieur et madame Edney.

    Je cède maintenant la parole à M. Hunter.

+-

    M. Alex Hunter: Merci du temps que vous voulez bien m'accorder; je vous en sais gré.

    Je m'appelle Alex Hunter, et ma femme, Sylvia. Nous nous sommes fréquentés cinq ans avant de nous marier, il y a cinq ans. Nous nous sommes rencontrés à l'université; ma femme avait 18 ans, j'en avais 23.

    Trois ans après le début de nos fréquentations, ma femme a subi sa première intervention chirurgicale, l'ablation d'un ovaire et d'un kyste. En cinq ans, elle a subi deux opérations pour traiter un cancer, s'est fait enlever les deux ovaires et a suivi une chimiothérapie pendant six mois.

    Nous n'avions qu'un seul choix, trouver une donneuse d'ovules. Nous avons consacré plus de deux ans à ces recherches avant que ma femme ne subisse l'ablation de son deuxième ovaire, en vain. Puis, nous avons eu la chance de trouver une donneuse d'ovules. La première tentative a été infructueuse. Mais nous n'avons pas perdu espoir. Nous avons essayé de nouveau et nous avons maintenant un bébé de trois mois et demi. Voici Shaina. J'ignore si vous pouvez la voir, mais sur cette photo, elle a 11 jours. C'est la prunelle de nos yeux, et je ne peux tout simplement pas imaginer vivre ma vie sans elle.

    Je vous décris notre cas à nous. Mais je sais que si ce projet de loi est adopté, nous ne pourrons peut-être pas donner de frère ou de soeur à Shaina. Je sais aussi qu'il y a bien d'autres gens dans la même situation que nous qui sont encore sous le choc de ce que représente pour eux ce projet de loi. Nous, nous n'avons pas abandonné la partie et nous espérons que vous, qui pouvez exercer une certaine influence, profiterez de cette occasion qui vous est donnée d'apporter les changements que nous vous avons tous demandés. Je suis sincèrement convaincu qu'il y a bien d'autres gens qui veulent fonder une famille mais ne peuvent le faire et qui réclament tout simplement les mêmes droits que les autres.

    Par exemple, un couple normal a le droit d'avoir un enfant ou d'en adopter un. Pas nous. Si vous adoptez ce projet de loi, vous nous dites que nous n'avons qu'une option, l'adoption. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise solution, seulement, nous, nous voulons des enfants qui aient des liens biologiques avec nous. Je suis le dernier membre de ma famille qui puisse transmettre son nom. J'espère que vous envisagerez sérieusement d'apporter ces changements et que vous donnerez à tous la possibilité d'être aussi heureux que nous.

    Merci.

¿  +-(0935)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Hunter.

    Nous entendrons maintenant Mme Allen.

+-

    Mme Diane Allen: Phyllis Creighton et moi-même sommes de l'Infertiliy Network, c'est-à-dire le Réseau de traitement de la stérilité, qui est un organisme de bienfaisance enregistré. Le Réseau est indépendant de tout médecin et de toute clinique ou organisation pharmaceutique, professionnelle et communautaire. Les membres de notre conseil d'administration sont représentatifs de toutes les régions du Canada ainsi que des patients et familles qui ont recours à la procréation assistée, et des enfants issus de ces techniques. Tous les membres du conseil d'administration, y compris moi-même, ont été personnellement touchés par les problèmes de stérilité, et la plupart d'entre eux ont subi des traitements pour cette raison. Certains ont fondé leur famille grâce aux méthodes de procréation assistée, notamment grâce à des dons de sperme et d'ovules, tandis que d'autres ont eu recours à l'adoption. Aucun de nous ne travaille dans le domaine de la procréation assistée et aucun membre de notre conseil d'administration, pas plus que notre organisation même, ne pourrait profiter financièrement des mesures législatives qui seront prises dans ce domaine.

    L'expérience considérable que nous avons acquise au cours des 12 dernières années, en travaillant avec les gens de la base, nous a permis de former un point de vue particulier sur cette question. Nous avons organisé 65 séances d'information et plusieurs conférences sur la procréation assistée; nous avons également distribué des trousses d'information, des vidéos de séance d'information et des bulletins. Nous avons offert un service d'écoute téléphonique et d'aiguillage à des milliers de personnes, consulté à maintes reprises les fonctionnaires de Santé Canada au sujet des lois et des règlements nécessaires dans ce domaine. Enfin, nous avons établi un vaste réseau dont font partie d'autres groupes de soutien, des professionnels et des organismes au Canada et ailleurs.

    Au mois de juin dernier, nous avons organisé la première conférence internationale sur la procréation assistée faisant appel à des donneurs. Au cours de cette conférence, on a abordé les dimensions personnelles, professionnelles et gouvernementales de la procréation assistée. Trente-six conférenciers de l'Australie, du Canada, de l'Irlande, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis étaient réunis; il y avait parmi eux des adultes issus de méthodes de procréation assistée, des parents, des donneurs de sperme, des personnes adoptées, des parents biologiques, des parents adoptifs, des conseillers, des éthiciens, des professeurs de droit et de travail social, un représentant du ministère de la Santé et un spécialiste de la stérilité. Je vous ai apporté l'enregistrement vidéo et le compte rendu de cette conférence, qui contiennent des témoignages personnels fascinants et très émouvants. J'espère que vous souscrirez aux recommandations formulées.

    C'est grâce à la bonne volonté d'une poignée de bénévoles dévoués, travaillant avec très peu de moyens financiers, que nous avons accompli notre travail au fil des ans. Nous n'avons jamais pu obtenir de subventions gouvernementales ni de contributions financières appréciables de la communauté médicale. Loin de bénéficier d'appui, nous avons subi des pressions considérables, probablement parce que nous préconisons l'adoption de lois et de règlements dans ce domaine et la réforme du système de dons et parce que nous sommes contre le recours à des mères porteuses. Ces pressions se sont exercées de différentes façons, allant du refus de transmettre notre documentation aux patients jusqu'aux propos diffamatoires ou même des menaces explicites à l'endroit d'un membre de notre conseil d'administration, en passant par des démarches visant à amener nos rares bailleurs de fonds à cesser de nous aider pour plutôt subventionner une organisation qui projette devant le gouvernement et les médias une image plus favorable de services de procréation assistée.

    Au cours des deux dernières années, votre comité a entendu le témoignage de nombreux experts et particuliers qui ont fait valoir les raisons pour lesquelles les donneurs d'ovules et de sperme doivent être identifiables et motivés par des buts altruistes. Cela est préférable au système actuel de donneurs anonymes rémunérés qu'il faudrait plutôt appeler vendeurs parce qu'en réalité ils vendent leur sperme et leurs ovules. On vous a également expliqué pourquoi il serait tout à fait inacceptable d'instaurer deux systèmes parallèles dont l'un regrouperait des donneurs anonymes et l'autre, des donneurs identifiables. Cela se trouvera à créer deux catégories de personnes, dont l'une aurait accès aux renseignements sur ses origines génétiques, et l'autre, pas. Vous avez entendu les arguments qui militent en faveur de l'interdiction du recours aux mères porteuses, tout comme de l'achat et de la vente d'ovules, de sperme et d'embryons humains. Enfin, les personnes qui ont comparu devant le comité ont expliqué la nécessité des services de counselling et du consentement éclairé, de même que de la tenue par le gouvernement d'un registre centralisé.

    Notre réseau a toujours eu pour but de fournir aux gens l'information et l'aide dont ils ont besoin pour prendre des décisions en connaissance de cause. Si nous comparaissons devant vous aujourd'hui, c'est parce que nous pensons à l'intérêt des patients et des enfants qu'ils ont ou qu'ils espèrent avoir. Nous ne prétendons pas parler au nom de toutes les personnes qui font appel à des services de traitement de la stérilité, pas plus d'ailleurs que ne devraient le faire d'autres groupements ou professionnels, parce que comme vous avez pu le constater aujourd'hui, les opinions sont loin d'être unanimes à ce sujet.

    Lorsqu'on est aux prises avec des problèmes de stérilité, tous les enjeux peuvent nous sembler éminemment personnels. On peut avoir du mal à voir au-delà de notre fervent désir d'enfants. On pense souvent que personne d'autre ne devrait pouvoir se prononcer sur ce qu'on peut faire et voir les mesures législatives proposées comme des obstacles qui limitent les moyens à notre portée pour fonder une famille.

¿  +-(0940)  

    Par contre, le contact que nous avons établi au fil des ans par téléphone, courrier électronique, colloques de travailleurs et autres sondages très complets avec des milliers de patients, de familles et de descendants me permet de vous dire que la plupart de ces gens déplorent l'absence de lois et de réglementation dans ce domaine et que beaucoup d'entre eux souscrivent en fait aux idées exposées dans le projet de loi C-13. Je veux ici parler en particulier de ceux qui ont eu un enfant à la suite d'un traitement, dont la vie a été marquée par l'adoption ou qui sont eux-mêmes les descendants de donneurs adultes. Tous veulent que le projet de loi C-13 soit modifié dans le sens où le recommande le comité permanent, en l'occurrence pour qu'à l'avenir tous les donneurs puissent être identifiés par leurs descendants. Ils veulent également que l'information concernant les donneurs passés soit centralisée sans risque de disparaître ou d'être détruite, et qu'un registre volontaire soit créé pour faciliter les contacts entre les descendants et les donneurs qui le désirent.

    La procréation assistée peut de prime abord sembler s'entendre de tout traitement médical de la stérilité—aider les gens qui ne peuvent pas procréer de façon normale à avoir une famille—mais en réalité, c'est bien plus que cela. Avant toute autre chose, cela interpelle la vie même des gens: les patients, les donneurs, les mères porteuses et, plus important encore, tous ceux et celles qui vont naître, car ce sont eux qui seront au bout du compte les plus directement touchés et qui le seront le plus longtemps. C'est la raison pour laquelle, comme l'énonce le projet de loi C-13 à l'alinéa 2b), sous le titre «Principes»:

b) la santé et le bien-être des enfants issus des techniques de procréation assistée doivent prévaloir dans les décisions concernant l'usage de celles-ci;

    Il est cependant essentiel de considérer ceux et celles qui ont ainsi été conçus non seulement comme des enfants, mais également comme les adultes qu'ils deviendront, qui vivront 80 ans ou plus suite à des décisions prises par d'autres et auxquelles ils n'ont pas été partie prenante, des décisions qui, surtout dans le cas d'une procréation faisant intervenir un tiers, auront un impact sur leurs enfants, sur leurs petits-enfants et ainsi de suite. En réalité, les intérêts de l'enfant sont distincts de ceux des adultes en cause, voire contraires à ceux-ci. Là où il y a existence ou probabilité de conflit d'intérêts, il est essentiel que les intérêts des adultes—le patient, le donneur, la mère porteuse, le médecin—ne puissent primer sur les besoins et les droits de la personne à naître.

    La procréation assistée est le reflet des valeurs que chérit la société canadienne. Depuis plus de 20 ans, depuis la naissance du premier bébé-éprouvette en 1978, une multitude de groupes représentant les patients, les femmes, les cultes, les handicapés, les milieux juridiques et médicaux, les universités, les comités fédéraux-provinciaux et territoriaux et bien d'autres réclament un débat public, l'élaboration d'une politique, une législation et une réglementation. Une commission royale qui a coûté 28 millions de dollars a travaillé pendant quatre ans en tenant des audiences partout au Canada, en conduisant des sondages, des projets et des analyses en sciences sociales, en déontologie, en droit et en médecine, et cette commission royale a entendu à peu près 40 000 personnes pendant ce laps de temps. Le rapport final, qui a été publié il y a neuf ans ce mois-ci, traîne malheureusement sur les tablettes du gouvernement depuis son dépôt.

    Santé Canada a également multiplié les consultations auprès d'une très vaste palette de groupes représentatifs et, malheureusement, les promesses faites et reniées par cinq ou six ministres de la Santé successifs pour légiférer et réglementer la procréation assistée ont fait que le Canada est pratiquement le seul pays occidental industrialisé totalement dépourvu de lois et de règlements dans ce domaine.

    Le mouvement Infertility Network est très heureux de voir le projet de loi C-13 aller ainsi de l'avant, et nous espérons qu'il sera adopté, de préférence avec des amendements dans certains domaines clés de manière à l'aligner sur les excellentes recommandations du rapport soumis en novembre 2001 par le comité permanent. Ainsi, les dispositions prévues à l'article 12 à la rubrique «Remboursement de frais» doivent être contrôlées de très près, à défaut de quoi elles permettront ni plus ni moins de circonvenir l'interdiction imposée au paiement des donneurs et des mères porteuses. Il suffit à quiconque en douterait de passer un peu de temps dans les groupes de discussion sur Internet où il est beaucoup question de la façon de s'y prendre pour y arriver.

    Vous voudrez bien également modifier le paragraphe 18(3) qui concerne la divulgation des renseignements médicaux aux personnes qui reçoivent du matériel reproductif afin d'exiger que tous les donneurs puissent être connus de leurs descendants. Cela serait en effet conforme à ce qui se fait en Suisse, en Nouvelle-Zélande, en Autriche et aux Pays-Bas, ainsi qu'en Australie, dans l'État de Victoria, et bientôt aussi dans plusieurs autres États australiens. Le Royaume-Uni a également laissé entendre qu'il allait lui aussi reconnaître aux descendants de donneurs les mêmes droits qu'aux enfants adoptés et que le fait de continuer à refuser cette information aux descendants de donneurs revient à violer leurs droits humains. Cela s'inscrit également dans le droit fil des réformes apportées aux lois canadiennes sur l'adoption. La Colombie-Britannique a déjà complètement ouvert ses registres, et les provinces de Terre-Neuve et de l'Ontario ne vont pas tarder à faire de même.

¿  +-(0945)  

    Nous vous exhortons également à modifier l'article 9 concernant les gamètes provenant d'un mineur de sorte que les donneurs aient au moins 25 ans et qu'ils aient eux-mêmes eu des enfants, ce qui leur permettrait de comprendre parfaitement les implications que leur geste aura pour la vie entière.

    Enfin, nous aimerions que soient interdits les dons ou l'adoption d'embryons...

+-

    La présidente: Excusez-moi, madame Allen, mais le temps qui vous est imparti est déjà dépassé. Vous pourriez peut-être nous faire parvenir votre texte afin que nous puissions prendre connaissance du reste, mais pour l'instant il faut que nous poursuivions. Je vous remercie beaucoup.

    Mesdames et messieurs de Toronto, nous allons maintenant commencer notre période de questions et réponses avec notre premier groupe de témoins.

    M. Merrifield de l'Alliance canadienne sera le premier à intervenir.

+-

    M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Merci à tous et toutes. En fait, je regrette de n'avoir pu entendre notre dernier témoin jusqu'au bout.

    Je suis très intéressé par l'idée que nous soyons tellement obnubilés par le patrimoine génétique que nous donnons à nos enfants. Il y a au Canada, les témoins nous l'ont dit, des centaines d'embryons littéralement entreposés, pourrait-on dire, dans le seul but de se transformer en adultes. Cela a-t-il jamais été une option pour ces parents qui ont tenté une procréation assistée par don d'ovocytes, est-ce là une option à laquelle vous avez réfléchi? Qu'auriez-vous à nous dire à ce sujet?

+-

    M. Alex Hunter: Je pourrais vous en parler.

    Après que ma femme se soit fait opérer une seconde fois pour un cancer, nous avons fait congeler quelques-uns de ses ovules dans l'espoir qu'il y ait un jour une méthode qui nous permettrait d'utiliser ces ovules pour la rendre enceinte, même si actuellement aucune méthode ne le permet encore. Cela n'a en fait jamais été fait.

¿  +-(0950)  

+-

    La présidente: Pourrais-je intervenir ici? Excusez-moi, mais nous avons un peu de mal à vous entendre de ce côté-ci. Pourriez-vous reprendre votre réponse?

+-

    M. Alex Hunter: Certainement, vous m'entendez maintenant?

    La présidente: C'est mieux.

    M. Alex Hunter: Lorsque ma femme s'est fait opérer pour la deuxième fois pour un cancer, lorsque son second ovaire a été enlevé, le chirurgien a prélevé une petite quantité de tissu sain qui a été congelée. Par contre, à l'heure actuelle, la technique ne permet pas d'utiliser ce tissu pour induire une grossesse, de sorte que pour l'instant, il n'est pas possible d'induire une grossesse chez mon épouse à partir de son propre ovule. Il est possible de le faire chez une autre femme, mais pas dans le cas de mon épouse. Nous aimerions que cela soit possible un jour, afin d'avoir un enfant qui soit génétiquement «le nôtre», et jusqu'à présent, la seule option possible est le recours à un don.

+-

    M. Rob Merrifield: Je pense que vous n'avez pas compris le but de ma question. Peut-être n'ai-je pas été suffisamment clair.

    Il existe au Canada, dans les banques d'embryons, des centaines d'embryons fécondés. Avez-vous songé à induire chez votre épouse une grossesse en utilisant un de ces embryons fécondés et serait-ce là une option aussi viable que l'adoption pour vous si vous ne parveniez pas à trouver une mère porteuse?

+-

    Mme Kate Acs: Votre question ressemble beaucoup à celle que les gens nous posent souvent, c'est-à-dire finalement pourquoi ne vous contentez-vous pas d'adopter?

    Pour beaucoup d'entre nous, ce n'est pas simplement une question d'attachement à notre patrimoine génétique, mais en ce qui me concerne plus particulièrement, comme je suis une femme, je voudrais pouvoir vivre une grossesse. En réalité, je ne pense pas qu'il y ait des milliers d'embryons entreposés. Ce qui se passe, c'est que souvent les gens qui ont suivi un traitement contre la stérilité ont fait congeler des embryons qu'ils escomptent utiliser eux-mêmes jusqu'à ce qu'ils aient pu former une famille complète. Moi par exemple, j'ai fait congeler cinq embryons dans l'espoir de pouvoir avoir un autre enfant. J'ai l'intention d'utiliser ces cinq embryons lorsque je serai prête à avoir mon prochain enfant, de sorte qu'il ne devrait en rester aucun.

    En réalité, beaucoup de couples s'accrochent à leurs embryons parce qu'ils escomptent pouvoir les utiliser. Souvent, les femmes produisent, mettons, une dizaine ou une quinzaine d'embryons; elles essaient de les faire congeler afin de les utiliser plus tard pour produire d'autres enfants, mais en vain. Je ne pense pas qu'il y ait vraiment beaucoup d'embryons qui attendent d'être adoptés.

    L'autre problème est que les embryons sont à certains égards un peu comme des enfants dans notre système d'adoption. Il faut que les parents de ces embryons acceptent de les céder pour adoption. Tout comme c'est le cas aujourd'hui dans notre société où les mères répugnent à donner leurs enfants en adoption, beaucoup de parents ne sont pas non plus prêts à céder leurs embryons.

    Très franchement, si c'était possible pour moi effectivement, je serais heureuse de pouvoir l'utiliser parce que j'aimerais beaucoup pouvoir vivre une nouvelle grossesse.

+-

    M. Rob Merrifield: Merci pour votre réponse, mais je ne suis pas certain que vous ayez vraiment répondu à la question. D'après ce que nous avons appris, il y aurait en banque des centaines d'embryons. Certes, vous avez peut-être raison pour ce qui est des intentions, lorsque vous dites que les parents préfèrent les garder pour eux ou en garder un nombre important, mais l'élément le plus controversé de ce texte législatif concerne précisément ce qu'il doit advenir de ces embryons présumément laissés pour compte. Je n'aime pas qualifier un être humain de laissé pour compte, mais peu importe, vous avez dit qu'il n'y en avait pas.

    Alors j'imagine que je voulais en fait vous demander si quelqu'un parmi vous avait envisagé cette option. Avez-vous constaté que cette option n'était pas possible parce qu'il n'y en avait pas suffisamment, comme vous venez de me le dire, ou est-ce une possibilité que vous ne voulez pas envisager? Je pourrais également vous demander si cela vous a été expliqué. Est-ce une option qui vous a été offerte?

¿  +-(0955)  

+-

    Mme Kate Acs: Non.

+-

    M. Alex Hunter: Non. En fait, c'est la première fois que j'en entends parler.

+-

    Mme Diane Allen: Je voudrais ajouter quelques mots. Peut-être n'êtes-vous pas au courant, mais les milieux de l'adoption sont très opposés à l'adoption d'embryons. L'adoption provoque beaucoup de pertes, mais c'est une option dont nous avons besoin parce qu'il arrive qu'il y ait des enfants qui n'ont pas de parents pour s'occuper d'eux. Dans le cas de l'adoption d'un embryon, cette perte est une création délibérée. Au lieu que tous les adultes en cause axent leur attention sur le bien-être de l'enfant, ce qui se passe en réalité, c'est que le processus est là pour créer un enfant pour quelqu'un qui en veut un.

    Par ailleurs, nous ne savons rien non plus des implications à long terme pour toutes les parties en cause. Vous parlez des enfants qui sont élevés en étant complètement coupés de leurs parents génétiques, de leurs frères et soeurs. Qu'est-ce que cela signifie? Nous savons déjà qu'il y a beaucoup de pertes, c'est ce que je vous ai dit, dans le cas de l'adoption classique, et il faut donc que vous sachiez que ceux qui interviennent dans la discussion en connaissant bien le milieu de l'adoption—enfants adoptés, parents biologiques, certains travailleurs sociaux qui oeuvrent dans le secteur de l'adoption—sont vraiment opposés à l'idée d'adopter un embryon.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: Madame la présidente, je ne comprends pas ce qu'elle veut dire lorsqu'elle dit que l'adoption produit beaucoup de pertes. Qu'est-ce qu'elle veut dire par là? Est-ce que quelqu'un a compris? Je pense que c'est fondamental.

+-

    La présidente: Vous pourriez peut-être en effet expliquer ce que vous voulez dire. Elle veut probablement parler des familles dissoutes ou de l'échec de l'adoption, mais je n'en suis pas sûre.

+-

    Mme Diane Allen: En fait, je ne parlais pas vraiment de la dissolution de la famille. Il y a des pertes de tous les côtés. Si vous aviez comme nous des contacts avec les milieux de l'adoption, vous sauriez que les enfants adoptés subissent une perte. Ils nous disent en effet qu'ils grandissent avec un sentiment d'inconnu généalogique. Et je ne parle pas nécessairement ici de ceux qui grandissent dans des familles malheureuses.

    Je viens d'assister à une conférence d'une fin de semaine sur l'adoption où j'ai beaucoup entendu parler de ce genre de thèmes. Il est certain que les parents biologiques subissent une perte très lourde. Et dans le cas des parents adoptifs, eux aussi ont subi une perte. Souvent, les parents adoptifs recourent à l'adoption en raison d'une stérilité, mais il faut qu'ils aient d'excellentes raisons pour le faire. Si l'objectif poursuivi est en fait de créer des enfants pour les parents, pourquoi ne pas payer des mères biologiques pour qu'elles cèdent leurs enfants? Pourquoi ne pas interdire les prestations d'aide sociale pour les mères célibataires, ou encore interdire l'avortement ou la contraception? Il est évident qu'il doit s'agir ici avant tout du bien-être de la personne humaine à qui on donne ainsi vie.

    Vous apprendrez peut-être avec intérêt qu'il y a beaucoup de descendants de donneurs adultes, à tout le moins j'en connais quelques-uns, qui préféreraient que cette pratique disparaisse complètement. La plupart veulent simplement que le donneur puisse être identifié et que les registres soient ouverts.

    Par conséquent, l'adoption ou le don d'embryons est une pratique qui poserait problème dans la mesure où le système de don de sperme et d'ovules ne marche pas suffisamment bien pour répondre aux besoins de la personne la plus concernée, le descendant ou la descendante.

+-

    Mme Kate Acs: Pourrais-je ajouter quelque chose?

    Je ne suis pas d'accord avec Diane à ce sujet. Par contre, je souscris entièrement à ce qu'a dit M. Merrifield. À mon avis, l'adoption d'un embryon est une option à examiner et je pense que cette option devrait être réglementée par l'État. Personnellement, je préférerais que les embryons qui sont déjà entreposés deviennent des enfants. Je pense également qu'il y a beaucoup de couples stériles, le mien par exemple, qui seraient très heureux—le mot est faible—de pouvoir adopter un embryon et de l'utiliser pour induire une grossesse.

    Je pense que le problème tient en partie au fait qu'il n'y a pas vraiment surabondance d'embryons adoptables, et cela pour les raisons que j'ai mentionnées, c'est-à-dire que les gens préfèrent les garder dans l'espoir de pouvoir les utiliser eux-mêmes plus tard pour fonder une famille. Mais si le comité souhaite songer à une formule qui permettrait un jour aux embryons excédentaires d'être offerts en priorité aux couples stériles, je pense que ce ne serait pas une mauvaise option pour nous.

+-

    La présidente: Je dois vous annoncer que le temps de parole de M. Merrifield est écoulé de sorte que nous allons maintenant passer à notre deuxième intervenant qui sera Mme Bennett.

    Madame Bennett, vous avez cinq minutes.

+-

    Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci beaucoup.

    Je vous remercie tous d'être venus témoigner et de nous avoir fait ces récits que j'ai trouvés extrêmement poignants.

    Ma question s'adresse à Diane Allen. En tant que médecin de famille, je ne voudrais pas que nous imposions à ce groupe des normes plus élevées que pour l'ensemble de nos patients. J'ai eu des patientes qui ont décidé de ne pas déclarer qui était le père de leur enfant sur le certificat de naissance ou qui ont inscrit le nom de quelqu'un d'autre. Il y a de nombreux enfants qui ressemblent beaucoup au voisin d'à-côté et c'est le genre de situation dont notre société ne se mêle pas.

    Si vous voulez réglementer cela, les personnes qui sont nées grâce à un don d'ovules, à la FIV ou à un don de spermatozoïdes, vont-elle recevoir, à l'âge de 18 ans, une lettre du gouvernement leur disant qu'elles sont nées ainsi et qui sont leurs parents biologiques? L'enfant n'a peut-être jamais su qu'il a été conçu d'une façon différente.

    En tant que médecin de famille, on m'a demandé un jour d'aller à la morgue pour identifier une de mes patientes, qui avait donné naissance à une fille qui venait de la retrouver deux semaines auparavant. Je ne crois pas qu'il était souhaitable pour sa fille, qui pensait agir pour le mieux, d'apprendre que sa mère était une clocharde et ma patiente n'était pas très heureuse que cette merveilleuse infirmière qui se trouvait être sa fille la retrouve dans un tel état. J'ai ouvert le tiroir et je l'ai identifiée.

    Je crois qu'en ce qui concerne le droit des enfants de savoir qui sont leurs parents, nous devons examiner sérieusement quel doit être le rôle du gouvernement dans tout ce dossier et les avantages qu'on attribue à l'adoption ouverte, quand la vie est tellement compliquée. Je me demande pourquoi nous imposerions à ces personnes des normes plus élevées que nous ne le faisons pour les femmes qui deviennent enceintes à l'arrière d'une automobile et qui ne sont jamais vraiment tenues de dire qui est le père de leur enfant. Je ne trouve pas normal de ne pas tenir compte de l'ensemble de la société, mais seulement des droits de l'enfant.

À  +-(1000)  

+-

    La présidente: Madame Allen.

+-

    Mme Diane Allen: C'est une question complexe. La situation que vous avez décrite, celle de la femme qui devient enceinte sur le siège arrière d'une voiture est très différente. Nous parlons de tout ce qu'une personne subit délibérément pour avoir un enfant.

    Il faudrait mettre en place les mêmes services de counselling que pour l'adoption. Aujourd'hui, tous les couples qui adoptent un enfant doivent se soumettre à une enquête intensive qui ne vise pas à voir si vous avez de la poussière sous votre lit. C'est pour explorer avec le couple les problèmes qui peuvent surgir lorsqu'on élève un enfant adoptif. Les parents adoptifs doivent décider de la façon dont ils parleront de l'adoption à l'enfant et de la façon dont ils le soutiendront pour l'aider à renouer avec sa culture et ses antécédents s'il décide de chercher ses parents biologiques.

    Mentir à un enfant sur ses origines et sur ses antécédents médicaux et génétiques, surtout à notre époque où... C'est notre génétique qui détermine notre santé. Il serait déraisonnable de cacher tout cela délibérément.

+-

    Mme Kate Acs: Puis-je également répondre à cela? Je voudrais seulement revenir à certaines des choses que Diane Allen a dites.

    Lorsqu'elle parle de choix délibéré, c'est bien de cela qu'il s'agit. Ce qui distingue les personnes qui recourent à ces méthodes de procréation de celles qui tombent enceintes à l'arrière d'une voiture, c'est que nous sommes des parents très consciencieux. Ce n'est pas comme si nous tombions enceintes sur le siège arrière d'une automobile. Nous passons des années à penser au bien-être des enfants qui sont conçus grâce aux interventions que nous subissons.

    Je crois que pour la plupart, nous n'avons absolument pas l'intention de mentir à nos enfants sur leurs origines. Nous n'allons pas leur cacher des renseignements médicaux. Quant au fait que de nombreux enfants ne connaissent pas leurs antécédents génétiques, le fait est que c'est le cas pour beaucoup de Canadiens. Les enfants qui ont été adoptés à l'étranger n'ont pas accès à leurs antécédents génétiques. Un grand nombre d'entre nous, qui sont des immigrants, ont laissé derrière eux leur dossier médical et nous ne savons pas grand-chose au-delà de l'histoire médicale de nos parents et peut-être aussi de nos grands-parents.

    En réalité, je ne pense pas que le simple fait d'avoir certains antécédents génétiques va nécessairement déterminer votre destinée médicale. Votre santé dépend d'autres facteurs que la simple génétique.

À  +-(1005)  

+-

    La présidente: Docteur Bennett, vous avez maintenant dépassé six minutes. Passons rapidement à M. Lunney.

+-

    M. James Lunney: Merci beaucoup, madame la présidente.

    Je voudrais revenir à la fin de l'exposé de Diane Allen. Vous avez soulevé certaines questions. L'une d'elles portait sur l'article 9 qui interdit d'obtenir des spermatozoïdes d'un donneur âgé de moins de 18 ans. Je ne suis pas certain d'avoir très bien compris, car cette disposition empêche déjà un jeune de moins de 18 ans de faire ce genre de don. Enfin, vous avez parlé de l'interdiction de la vente d'embryons.

    Pourriez-vous préciser votre pensée, s'il vous plaît?

+-

    Mme Diane Allen: Je dis en fait que les donneurs devraient être âgés de plus de 18 ans, qu'ils devraient avoir au moins 25 ans et de préférence avoir eux-mêmes des enfants. C'est une décision très complexe. Je peux vous dire que je reçois souvent des appels téléphoniques de jeunes femmes qui veulent donner des ovules, sauf qu'il faudrait peut-être appeler les choses par leur nom.

    Dans notre société, le mot «donneur» a une connotation très positive. Nous donnons du sang, nous donnons nos organes, nous donnons de notre temps. Mais dans ce cas, les personnes qui appellent pour faire ces dons demandent également combien d'argent elles peuvent gagner.

    En fait, je voulais dire qu'à 18 ans vous ne pouvez pas vraiment comprendre ce que c'est qu'être le parent biologique de quelqu'un. Les donneurs doivent comprendre qu'ils ont, non pas une responsabilité financière, mais certainement une sorte de responsabilité morale envers la vie qui va être créée.

    En ce qui concerne les dons d'embryons, j'ai fait valoir tout à l'heure qu'on ne sait rien de leurs répercussions à long terme pour tous les intéressés. Il faut que ce système fonctionne. Il ne s'agit pas seulement de créer des bébés; c'est la vie des gens qui est en jeu. Comme je vous l'ai dit, les répercussions que ces décisions auront sur la vie des gens, ne s'effaceront pas. Il faut qu'elles soient positives.

    Je peux vous le faire parvenir, mais les remarques faites par certains enfants nés de ces dons d'embryons vous intéresseront peut-être: «Nous appartenons à nos familles biologiques. Nous ne sommes pas des «pièces de rechange» qu'on peut acheter, vendre ou donner»; «adopter un embryon «restant» ou «de trop» c'est comme acheter des marchandises en solde. Les tissus reproducteurs humains (et donc l'ascendance) ne peuvent pas être achetés, vendus, échangés ou donnés». Ce sont là les opinions exprimées par des adultes qui sont nés de ces dons.

    Si ce projet de loi portait sur d'autres questions, par exemple les questions concernant les Autochtones, demanderiez-vous à ces derniers: qu'en pensez-vous? Comment pouvons-nous faire en sorte que ces dispositions servent vos intérêts? Je crois essentiel que vous entendiez les opinions d'adultes nés grâce à ces dons, que vous sachiez comment il faut modifier le système pour servir leurs intérêts, car ce sont eux qui sont les plus touchés.

+-

    Mme Dara Roth Edney: Puis-je aussi formuler un commentaire, s'il vous plaît?

    Pour commencer, je serais la première à m'indigner si quelqu'un, ici, disait qu'il ne doit pas y avoir de réglementation. Je crois que nous nous sommes tous déclarés très en faveur de la réglementation. Nous ne proposons certainement pas qu'une personne de moins de 18 ans donne de son sperme, de ses ovules ou devienne mère porteuse. Nous sommes d'avis qu'il doit y avoir des règlements, afin que ceux qui décident d'être donneurs ou mères porteuses fassent l'objet d'une évaluation psychologique et médicale. À mon avis, ce qui est aussi important, c'est de savoir combien de ces enfants seraient nés, si cette loi avait été en vigueur; et je parle des enfants adultes décrits par Diane, qui sont nés grâce à un don de gamètes.

    Je ne dis certainement pas que ces personnes n'ont pas les problèmes décrits. Mais en vérité, si la loi est adoptée dans son libellé actuel, ceux qui envisagent actuellement de faire un don de gamètes ou de devenir mère porteuse ne le feront tout simplement pas. Quant à savoir ce que mon enfant ou celui de Peter penserait du fait qu'il est né grâce à une mère porteuse, c'est une question qui ne se poserait pas, puisque l'enfant n'existerait pas. Je pense qu'il est important d'en parler et d'y penser, quand vous songez au sentiment qu'auront plus tard ces enfants grâce à ces techniques. N'oubliez pas que bon nombre d'entre eux ne naîtront pas.

À  +-(1010)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Lunney.

    Monsieur Szabo, vous avez la parole.

+-

    M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Je remercie les témoins qui ont exprimé leur avis sur un projet de loi important. Je n'ai qu'une question à poser aux témoins. Le projet de loi crée une agence qui aura notamment pour responsabilité d'accorder des autorisations aux cliniques de traitement de la stérilité. J'aimerais que les témoins nous parlent de leur expérience de ces cliniques, non seulement pour le positif mais aussi sur ce qui peut être amélioré.

    Est-ce que la procédure d'obtention du consentement était authentique, approfondie et simple, pour vous? Est-ce que vous compreniez bien la procédure? Y a-t-il eu des cas où vous avez préféré ne pas traiter avec une clinique à cause de sa démarche, différente de celle d'autres cliniques où vous étiez plus à l'aise? Je pense qu'il est très important que nous puissions tirer parti de votre expérience avec les cliniques de traitement de la stérilité.

+-

    Mme Dara Roth Edney: Je vais commencer.

    Nous traitons avec notre clinique depuis quatre ans et je crois qu'on y fait un travail vraiment merveilleux. Nous avons suivi toutes les étapes pas à pas, en commençant avec l'insémination in utero avant de passer à la FIV. On n'a certainement pas fait pression sur nous. On nous a parlé de tous les médicaments à prendre, de toutes les démarches à suivre. Il y a eu des séances d'information et on nous a très bien renseignés.

    Lorsque est venu le temps de parler de maternité de substitution, notre médecin nous en a parlé de manière très détaillée. Il a insisté pour que nous rencontrions un travailleur social. Dès le début, nous avons passé beaucoup d'heures avec un travailleur social qui nous a conseillés, nous avons parlé de ce que cela voulait dire pour nous et de l'effet que cela aurait sur nous. Quand nous avons trouvé quelqu'un—grâce à un intermédiaire—cette personne a aussi dû rencontrer un travailleur social, et son conjoint aussi. Ils ont tous deux eu de nombreuses heures pour en parler et pour s'assurer qu'ils faisaient un choix éclairé.

    Nous avons subi un examen médical, pour vérifier si ce serait bon pour nous et s'il n'y avait pas de risque pour elle. Ils ont fait vraiment un excellent travail, en veillant à ce que, des deux côtés, nous fassions des choix éclairés qui étaient dans notre intérêt à tous.

+-

    M. Peter Edney: Je dois reconnaître aussi que l'agence et l'avocat avec lesquels nous avons fait affaire nous ont aidés à comprendre des aspects auxquels nous n'aurions même pas pensé autrement. Dans tout ce processus, leur soutien a été tout à fait essentiel.

+-

    Mme Diane Allen: J'aimerais faire deux remarques au sujet des cliniques.

    Au Canada, l'accès au traitement est vraiment inégal. Les gens qui vivent à Toronto ont une chance incroyable, tellement ils ont de choix, mais tel n'est pas le cas ailleurs. Souvent, ceux qui cherchent un tel traitement doivent se déplacer, ce qui ajoute donc des frais de voyage aux frais déjà très élevés du traitement en soi.

À  +-(1015)  

+-

    Mme Dara Roth Edney: C'est toutefois le cas avec tous les services de santé, Diane. Malheureusement, c'est ainsi que fonctionne notre régime de soins, où que ce soit au Canada.

+-

    Mme Diane Allen: Eh bien, c'est un véritable problème.

    L'autre remarque porte sur la question qu'on nous pose le plus souvent, et à laquelle je suis tout à fait incapable de répondre. Les gens veulent savoir où ils doivent aller, quel service obtient le meilleur taux de réussite, ou quelque chose de ce genre. Or, les renseignements portant là-dessus ne sont pas disponibles ici, contrairement à ce qui se fait aux États-Unis et au Royaume-Uni, où l'on fournit des données sur chaque clinique. Ici, les patients doivent savoir quelles questions poser et croire les réponses qu'on leur donne, car les statistiques canadiennes sont globales, c'est-à-dire qu'elles représentent l'ensemble des cliniques, et de plus, elles ne font l'objet d'aucune vérification. À mon avis, il serait de loin préférable pour les clients d'avoir accès à des chiffres fiables.

+-

    Mme Dara Roth Edney: En fait, Diane, bon nombre de cliniques disposent de ce genre de renseignements. Elles effectuent des recherches, et elles vous fourniront des données si vous en faites la demande. Je précise aussi que les chiffres portent sur chaque clinique et non sur l'ensemble des cliniques. Nous avons demandé l'information et l'avons obtenue.

+-

    Mme Kate Acs: Est-ce que je peux moi aussi répondre à cette question?

    J'estime que les cliniques doivent fournir de meilleurs renseignements sur leur taux de réussite. À cette fin, ce serait certainement une bonne chose de normaliser les données, comme on le fait aux États-Unis.

    Pour ce qui est d'autres améliorations à apporter, s'il y en a une sur laquelle le comité devrait se pencher à mon avis, c'est le fait que la plupart de ces cliniques doivent fonctionner hors du cadre de la Loi canadienne sur la santé. J'irais même jusqu'à dire que si vous êtes tellement préoccupés par la commercialisation des services de santé, je me demande pourquoi vous ne l'êtes par le fait que le traitement de la stérilité échappe à la Loi canadienne sur la santé. On sait pourtant que la stérilité est une maladie.

+-

    Mme Diane Allen: Eh bien, par rapport à ce que Kate vient de dire, nous aurions bien aimé que le gouvernement donne suite à la recommandation de la Commission royale d'enquête voulant que toutes les techniques de reproduction et génétiques soient pratiquées dans un milieu non lucratif. À la place, tous ces actes médicaux s'effectuent dans le cadre d'une médecine privée multimillionnaire. Pourtant, selon tous les sondages, les Canadiens ne veulent pas de médecine privée, mais c'est bien à celle-là qu'il faut recourir lorsqu'on traite la stérilité.

+-

    Mme Kate Acs: Comme le comité va étudier le rapport Romanow, l'occasion est idéale pour ouvrir notre système de santé et examiner les critères adoptés par les diverses provinces lorsqu'il s'agit de financer certains actes médicaux. Par conséquent, au nom des milliers de Canadiens aux prises avec des problèmes de stérilité, je vous prie d'examiner attentivement pourquoi le traitement de la stérilité n'est pas couvert par la Loi canadienne sur la santé.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Szabo.

    Puisqu'il n'y a pas d'autres noms sur la liste, je vais donc remercier ce...

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: [Note de la rédaction: Inaudible]

+-

    La présidente: Je vous rappelle que nous recevons deux autres groupes de témoins. Vouliez-vous poser une question à ces personnes-ci?

    Désolée, je n'avais plus de noms sur ma liste, mais voilà soudain que j'en ai.

    Madame Wasylycia-Leis, à vous la parole; vous serez suivie par Mme Chamberlain.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, madame la présidente.

    La dernière observation qui a été faite doit être prise en considération par notre comité. Il s'agit, pour le comité, de se battre pour convaincre le gouvernement fédéral de faire preuve de leadership quant au fait d'inclure cette question dans la Loi canadienne sur la santé et de s'assurer que les principes qui s'appliquent à d'autres domaines s'appliquent à celui-ci.

    Je voudrais soulever la question générale de la commercialisation. Il me semble que nous devrions travailler vigoureusement pour que toutes ces activités relèvent du secteur à but non lucratif, plutôt que de permettre aux forces du marché de régner librement. Il est important de rappeler que le Parlement ne peut s'occuper de chaque cas particulier. Il ne peut agir en se fondant sur des données anecdotiques; il doit plutôt prévoir des orientations de principe générales, des règlements et un cadre éthique. Je trouve fondamental que ces choses-là se fassent d'une façon tout à fait non commerciale.

    Je crois que nous avons tous été choqués, il y a quelques semaines, en apprenant dans les journaux qu'un homme d'affaires de la région de Toronto qui avait besoin d'un rein s'était rendu aux États-Unis avec sa soignante pour y subir l'opération en question. Je crois que cela nous a montré à tous qu'il est possible, lorsqu'on adopte des principes commerciaux, que les gens vulnérables soient exploités indûment, qu'on abuse de leur situation, et qu'il n'existe pas de protection des éléments essentiels de la vie humaine.

    Donc, en général, ne serait-il pas logique que, relativement à tout ce qui concerne les techniques de procréation assistée, nous refusions catégoriquement toute commercialisation et que nous essayions autant que possible de faire prévaloir le principe du don par compassion, qu'il s'agisse d'un don d'organes, de sang, d'embryons, d'ovules, de sperme ou de toute autre chose nécessaire aux techniques de procréation?

+-

    Mme Dara Roth Edney: Je ne crois pas que «commercialisation» soit le bon terme, parce que, comme je l'ai dit dans notre exposé, nous n'achetons pas un bébé. Nous parlons tous plutôt de l'effort, du temps, des affres par lesquelles il faut passer pour acheter des ovules et réussir à porter un bébé. En fait, je considère qu'il s'agit très exactement du contraire. Je crois vraiment que, sans ce type d'indemnisation, les gens vont être exploités.

    Il existe, dans la vie, des gens qui n'ont aucun autre choix, qui ne peuvent trouver personne d'autre. Par exemple, dans mon cas, j'ai rencontré une femme qui m'a clairement dit qu'elle éprouverait des difficultés morales à porter un bébé pour nous, mais qu'elle envisagerait de le faire si nous ne réussissions pas à trouver quelqu'un d'autre. Selon moi, ce serait là de l'exploitation pure. Cette personne n'est pas prête à faire cela, mais elle voit les souffrances par lesquelles nous passons et elle serait prête à envisager de nous aider. Selon moi, ce serait mal de l'exploiter.

    Ce qui serait acceptable, c'est de trouver une personne bien informée, qui a fait l'objet de vérifications, qui a soigneusement réfléchi à tout cela, qui bénéficie du soutien d'autres personnes, qui prend la décision de faire cela pour quelqu'un d'autre, et qui est indemnisée en conséquence. Selon moi, cette personne n'est pas du tout exploitée.

    Il faut que la loi prévoie que les personnes concernées aient des conseillers juridiques différents pour que les considérations des uns et des autres soient prises en compte, qu'il y ait obligatoirement des vérifications médicales et psychologiques afin de s'assurer que ces personnes ne font rien qui mettraient en danger leur santé physique ou mentale et que l'on s'assure que les appariements se fassent au moyen d'intermédiaires qui savent ce qu'ils font. On peut prévoir des règlements qui sont autant de balises pour que les gens qui ne prennent pas des décisions en connaissance de cause et qui ne font pas ces choses-là dans l'état d'esprit qu'il faut avoir soient inappropriés pour ce genre de programme. Si ces mesures préventives sont en place, la possibilité qu'il y ait exploitation est considérablement inférieure à ce qu'elle serait s'il n'y avait pas indemnisation.

À  +-(1020)  

+-

    Mme Tanya Constantine: Je voudrais simplement ajouter que je suis d'accord avec vous au sujet de... Actuellement, il y a des couples qui dépassent des milliers de dollars en traitement de l'infertilité parce qu'il n'existe aucune mesure gouvernementale d'aide ou d'indemnisation. Il en résulte que les familles de ces couples ne sont pas très nombreuses parce qu'ils ne peuvent pas se permettre financièrement d'avoir beaucoup d'enfants. Vous avez raison. Les cliniques pour traitement de l'infertilité sont privées et on doit payer les honoraires qu'elles exigent. Cela est tout à fait distinct de l'indemnisation pour la mère porteuse ou pour le donneur d'ovules.

    Je reconnais volontiers que nous avons tous recours à cette technique parce que nous avons des problèmes médicaux qui nous empêchent d'avoir des enfants normalement. Je vous encourage d'ailleurs à essayer de trouver un programme adapté à ce genre de situation, parce qu'actuellement les couples doivent essentiellement se débrouiller tout seuls.

    Je connais certaines femmes aux États-Unis qui dépensent des sommes astronomiques, mais il y a également des traitements plus rapides aux États-Unis. C'est pourquoi les Canadiens, comme vous l'avez dit à propos de l'exemple de la greffe du rein, se rendent aux États-Unis.

+-

    Mme Kate Acs: Puis-je également intervenir à ce sujet?

    Je suis totalement d'accord avec le volonté du gouvernement de contenir le potentiel de commercialisation dans ce secteur. Dans cette salle, aucun de ceux d'entre nous qui ont eu recours à un donneur ou à une mère porteuse ne veut, de quelque façon que ce soit, exploiter d'autres femmes pour avoir une famille. Nous nous soucions beaucoup de la santé et du bien-être des femmes qui nous ont aidé à concevoir nos enfants, mais je crois qu'il faut être réaliste.

    Il faut voir ce qui c'est passé dans d'autres endroits tels que le Royaume-Uni, l'Australie et Israël, où l'on a interdit le recours aux donneurs et où il y a eu une diminution considérable de l'offre. Lorsque cela se produit, tout gouvernement réaliste doit être prêt à comprendre que les gens qui peuvent se le permettre iront dans d'autres pays où les options souhaitées sont disponibles. Les gens qui ne peuvent pas se le permettre se sentiront forcés de recourir à des services clandestins. Il se crée donc un marché clandestin que le gouvernement n'a pas la possibilité de réglementer et où il ne peut pas imposer des limites minimales ou maximales d'indemnisation.

    Enfin, selon moi, si vous tenez en fait à empêcher la commercialisation, je vous invite au moins à penser à une autre façon de créer un approvisionnement en gamètes. Ne vous contentez pas simplement de créer une interdiction. Prévoyez un régime qui nous aide vraiment. Par exemple, pourquoi ne pas demander à Santé Canada d'entreprendre une campagne de relations publiques pour expliquer aux Canadiens ce par quoi passe les gens qui se font traiter pour infertilité et pour essayer réellement de trouver des Canadiens qui, par altruisme et sans rétribution, seraient prêts à donner leurs gamètes ou à agir en qualité de mère porteuse? Ne vous contentez pas simplement d'imposer une interdiction. Songez plutôt à ce que vous pourriez faire pour nous aider.

+-

    La présidente: Désolée d'interrompre les réponses, madame Acs, mais le temps accordé à Mme Wasylycia-Leis est écoulé. Je dois passer à Mme Chamberlain.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: Je crois que je vais pouvoir vous aider, madame la présidente. En fait, Mme Wasylycia-Leis a posé beaucoup des questions que je voulais poser.

    Supposons qu'effectivement nous interdisions la rétribution des mères qui offrent ce service. Auriez-vous recours à des services clandestins? Le feriez-vous à n'importe quel prix?

    Des témoins: Oui.

À  +-(1025)  

+-

    Mme Dara Roth Edney: Je crois également que lorsqu'on parle des services d'une mère porteuse, cela ne se fait pas en deux ou trois mois. Il faut choisir la source du don, l faut absorber des médicaments pendant quelques mois et, ensuite, on peut obtenir un gamète. Dans le cas des mères porteuses, il s'agit de l'engagement que prend une femme à nous offrir ses services pendant presque un an, si l'on songe au traitement préalable et à la durée de la grossesse.

    L'idée que nous voudrions exploiter quelqu'un est absurde, parce qu'il est dans notre intérêt que la femme qui porte notre enfant soit heureuse et en bonne santé. Je comprends donc, évidemment, que cela suscite certaines préoccupations, mais lorsqu'on songe qu'il nous faut faire confiance à une personne qui prend en charge l'être qui va devenir notre enfant, il est dans notre intérêt qu'elle fasse cela parce qu'elle veut bien le faire et qu'elle soit en bonne santé. Nous croyons fermement que nous n'allons trouver personne s'il n'y a pas d'indemnisation.

+-

    La présidente: Merci, madame Chamberlain.

    Au nom du comité, je tiens à remercier beaucoup le premier groupe de témoins, qui comparaît depuis 9 h 10.

    Mme Acs, Mme Constantine, M. et Mme Edney, M. Hunter, Mme Allen, merci beaucoup.

    Des témoins: Merci de nous avoir accordé votre temps.

    La présidente: Nous allons faire une petite pause pour permettre au groupe suivant de s'installer. Il s'agit des Kraemer, de Mme MacCallum, de M. Simpson et de Mme Prince.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Puisque nous faisons une pause en attendant le groupe suivant, pourrions-nous avoir une brève discussion sur nos plans pour les audiences concernant la commission Romanow? Je crois qu'il serait logique, avant jeudi, d'avoir une idée de la façon dont nous entendons nous acquitter des responsabilités prévues par la motion et de faire certaines propositions pour y parvenir.

+-

    La présidente: Normalement, nous recevons trois groupes. Cet après-midi, à 15 h 30, nous n'en avons qu'un seul.

    J'avais demandé au greffier de nous présenter un plan, indiquant au moins les noms des témoins et les heures auxquelles nous nous réunirions pour étudier le rapport de la commission Romanow. Donc, si vous le permettez, comme ce plan va vous être remis cet après-midi, il me semble logique que nous attendions jusque-là pour voir comment nous allons nous occuper du rapport Romanow.

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Très bien.

    La présidente: Je crois que nous avons assez de travail à faire ce matin et que nous ferions mieux de nous concentrer là-dessus pour l'instant. Cet après-midi, nous rencontrons Alan Bernstein pour traiter des cellules souches.

    Par conséquent, si vous voulez faire une petite pause, c'est le moment.

À  +-(1028)  


À  +-(1034)  

+-

    La présidente: Mesdames et messieurs, nous poursuivons nos travaux.

    Nous accueillons maintenant un autre groupe de personnes comprenant Anita MacCallum, Ingo et Jennifer Kraemer, Alan Simpson, Janet prince et Jan Silverman. J'espère que toutes ces personnes sont installées autour de la table à Toronto.

    Nous commençons par les Kraemer.

À  +-(1035)  

+-

    M. Ingo Kraemer (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je tiens à remercier le comité de me permettre de parler aujourd'hui du projet de loi C-13. Je traiterai des articles qui figurent dans le texte législatif proposé.

    Tout d'abord, permettez-moi de planter le décor. 1,2 million des femmes en âge de procréer sont touchées par l'infertilité. Il y a probablement un nombre égal d'hommes dans cette situation. La majorité d'entre nous n'a pas été entendue par ce comité. Je suis ici aujourd'hui uniquement parce que la loi a été portée à mon attention par des amis qui sont dans la même situation.

    Le projet de loi n'a pas été très bien compris par les couples infertiles, et particulièrement par ceux qui ont besoin de dons d'ovules ou de sperme et de mères porteuses, parce qu'une grande partie de la publicité entourant ce projet de loi a porté sur la recherche sur les cellules souches.

    Vous avez principalement entendu soit ceux qui n'ont jamais connu l'infertilité, soit ceux qui prétendent parler au nom des personnes infertiles. Je suis certainement une de ces personnes infertiles, mais je ne suis pas d'accord avec ce que d'autres ont affirmé, prétendument en mon nom. Je suis content que le comité cherche maintenant à obtenir l'avis même de ceux d'entre nous qui sont directement concernés par l'infertilité et par cette mesure législative. J'espère que vous continuerez de nous permettre de vous donner notre opinion quant à la réglementation et de participer de façon significative à l'élaboration des dispositions touchant l'Agence canadienne de contrôle de la procréation assistée.

    Je ne peux imaginer ma vie sans mon fils, ce bébé de 10 mois, beau, heureux, et conçu grâce au don généraux des ovules d'une femme, qui nous a ainsi fait le don de vie. Je ne peux pas m'imaginer de ne pas aller voir le père Noël avec James, ou de ne pas voir ses yeux briller de plaisir à la vue des lumières et des décorations, de ne pas le voir s'endormir, le corps tout chaudement recroquevillé contre ma poitrine, sa minuscule main accrochée à mon doigt et de ne pas voir son sourire béat le matin lorsqu'il tend les mains vers son papa et sa maman, disant en quelque sorte: prenez-moi dans vos bras et serrez-moi fort. Il a fait de moi un homme et un père complet. Jennifer et moi vivons cette réalité, à l'instar de beaucoup d'autres personnes, celle de connaître l'amour d'un enfant qui ne demande rien d'autres que d'être aimé en retour. Cette richesse n'aurait pas été possible sans les ovules donnés, parce que Jennifer, qui est affectée par l'endométriose depuis son adolescence, a connu une ménopause prématurée.

    Nous avons été très éprouvés d'apprendre, dans le bureau d'un médecin, que nous ne connaîtrions jamais la joie d'être les parents d'un enfant.

+-

    La présidente: Monsieur Kraemer, permettez-moi de vous interrompre un instant. J'ai oublié de vous demander si vous avez une objection à ce qu'on vous filme pour le documentaire éventuel.

    M. Ingo Kraemer: Non.

    La présidente: Cela ne vous dérange pas. Merci. Désolée d'avoir dû vous interrompre.

+-

    M. Ingo Kraemer: Cela ne fait rien. Toutefois, permettez-moi de recommencer ce paragraphe.

    Nous avons été accablés d'apprendre dans le bureau du médecin que nous ne connaîtrions jamais la joie d'avoir un enfant. Cependant, en même temps, on a fait naître chez nous l'espoir que, grâce à la bonté et à la sollicitude d'une femme merveilleuse, nous pourrions en fait avoir un enfant, chose dont nous serions très reconnaissants. Je me souviens, comme si c'était hier, du moment où j'ai vu Jennifer donnée naissance à Shane. Il gigotait, il hurlait lors de sa naissance, les larmes roulaient sur mes joues, et je me suis dit: Dieu merci, nous vivons en cette époque bénie où des techniques me permettent de tenir dans mes bras la plus grande richesse pour notre pays, un enfant, mon enfant.

    Je crains maintenant que Shane ne puisse jamais avoir de frère ou de soeur si les membres du Comité ne trouvent pas le moyen, en leur âme et conscience, de faire ce qui doit être fait.

    Je suis parfaitement d'accord avec le fait que les techniques de procréation assistée doivent être réglementées pour protéger toutes les personnes concernées; toutefois, je ne suis pas d'accord avec certaines des dispositions actuellement prévues par le projet de loi.

    Les donneurs devraient être dédommagés, quitte à imposer un plafond monétaire. Après tout, ces personnes donnent un minimum de six semaines de leur temps pour suivre un traitement qui nécessite de leur part des efforts considérables. L'infertilité augmente et, si nous ne pouvons pas indemniser ces personnes, le bassin des donneurs disparaîtra au Canada. Malheureusement, c'est ce qui produit dans de nombreux pays qui ont suivi cette voie. L'autre crainte, c'est que les charlatans vont être libres d'agir dans la clandestinité, où n'importe quoi peut arriver.

    Pouvez-vous imaginer un monde clandestin où il n'y a aucun contrôle, où c'est l'offre la plus importante qui l'emporte? C'est là que l'on transformera vraiment des vies humaines en marchandises. D'autres, qui en ont les moyens, iront aux États-Unis. Même avec le système actuel, où les donneurs sont indemnisés de leur temps et de leurs dépenses, il nous a fallu plus d'un an pour trouver un donneur. Personne ne peut vraiment s'enrichir avec ce système, personne ne s'attend à en tirer profit.

    Je crois également qu'il devrait y avoir un registre en parallèle avec le registre des adoptions, où les deux parties doivent consentir à ce qu'on entre en contact avec elles. Je crois également qu'à l'Agence, il devrait y avoir représentation égale de ceux qui sont ou qui ont été directement touchés par cette loi. Les gens qui ont passé par ce processus peuvent fournir des renseignements plus utiles au sujet des difficultés qu'éprouvent les personnes infertiles.

    Je voudrais dire ces derniers mots pour mon fils qui, s'il pouvait parler, dirait: Je suis le bébé né d'une grossesse extracorporelle, né grâce à ma maman et mon papa, et grâce à la générosité d'une autre femme. Je les aime de tout coeur. Je vous en prie, n'allez pas étouffer les espoirs et les rêves possibles. Je m'appelle Shane.

    Voilà ce dont je vous parle aujourd'hui.

À  +-(1040)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Kraemer.

    Pourrions-nous entendre maintenant Mme MacCallum, s'il vous plaît? Madame MacCallum, cela vous dérangerait-il d'être filmée en vue de la réalisation éventuelle d'un documentaire?

+-

    Mme Anita MacCallum (témoignage à titre personnel): Non, pas du tout.

    J'habite à Toronto et je suis comptable indépendante. Mon mari, Richard MacCallum, est bibliothécaire. Il nous a pratiquement fallu sept ans pour réaliser notre rêve: avoir un enfant. Notre fille Erica a maintenant deux ans et elle est notre joie de vivre.

    Avant sa naissance, mon mari et moi-même avions essayé tous les tests de diagnostic et procédures imaginables, y compris la chirurgie endométriosique, l'insémination multiple et deux tentatives sans succès de fécondation in vitro. Sur tous les autres plans, je suis en très bonne santé mais j'ai un certain nombre de problèmes au niveau de mon système de reproduction. Il semble, pour des raisons que les médecins ne peuvent expliquer, que mon problème le plus sérieux, c'est la qualité de mes ovules. Ils m'ont dit qu'il était fort peu vraisemblable que mes ovules puissent jamais produire un embryon viable, ce qui expliquerait la raison pour laquelle j'ai fait deux fausses couches en tout début de grossesse.

    Lors de notre troisième tentative de fécondation in vitro, nous avons ajouté un autre facteur. C'est ma soeur, Rebecca Daniels, qui a 10 ans de moins que moi, qui a fourni les ovules. Contrairement au don de sperme, le don d'ovules est une opération beaucoup plus complexe. Il a fallu que ma soeur consacre presque deux mois de sa vie à préparer son corps pour fournir les ovules nécessaires à notre fécondation in vitro. Elle s'est injectée pendant 31 jours des doses de Lucron, médicament qui bloque le système de reproduction, suivis de 14 jours d'injections de Fertinorm, médicament qui stimule les ovaires. Elle a dû rendre visite au médecin une douzaine de fois pour des examens sanguins et des ultrasons vaginaux pour contrôler la croissance de ses follicules. Lorsque ses follicules ont atteint la taille appropriée, il a fallu qu'elle subisse une procédure grave et très douloureuse d'extraction de plus de 25 ovules de ses ovaires.

    Ma soeur, mon mari et moi-même assumons le financement des dépenses directes et indirectes subies par les donneurs, tout particulièrement par les donneuses d'ovules. Je n'ai pas payé à ma soeur ses ovules, mais je lui ai certainement fait un cadeau pour la remercier des épreuves qu'elle a subies pour nous aider. Sa principale récompense c'est la belle nièce qu'elle a maintenant dans sa vie. Quels sont les remerciements offerts à une donneuse inconnue si ces coûts indirects ne sont pas couverts? Payer les donneuses et les mères porteuses, ce n'est pas du commerce; c'est la manière de reconnaître les sacrifices qu'accepte une personne généreuse pour aider un couple à réaliser son rêve: avoir une famille. Si les donneuses et les mères porteuses ne sont pas indemnisées, elles ne voudront certainement plus aider ceux qui en ont besoin.

    Pour éviter aux couples infertiles qui ont besoin de recourir aux services de donneuses de gamètes ou de mères porteuses des souffrances et des peines inutiles, nous vous supplions de modifier les articles 6 et 7 du projet de loi C-13 pour autoriser le remboursement des dépenses directes autant qu'indirectes. Nous voudrions également que vous retiriez les articles 6 et 7 de la section intitulée «Activités interdites» pour les ajouter à la section «Activités contrôlées» du projet de loi. Que les Canadiens infertiles veuillent des enfants n'est pas un crime. Cette loi devrait aider ces couples dont les problèmes de santé les poussent à trouver d'autres solutions pour fonder une famille et non pas leur compliquer la vie.

    Je vous encourage à prêter l'oreille la plus attentive possible aux témoignages personnels des couples infertiles, ceux qui seront le plus touchés par cette loi. Au Canada, actuellement, aucun groupe ni aucune organisation ne représente les intérêts des couples infertiles et le mieux qu'ils puissent faire, c'est venir eux-mêmes vous raconter leur histoire. Prêtez-leur une oreille attentive, je vous en prie.

    Merci de votre patience.

À  +-(1045)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup, madame MacCallum.

    C'est maintenant le tour de M. Simpson, s'il est revenu.

+-

    M. Alan Simpson (témoignage à titre personnel): Je suis ici.

    À quoi va servir l'enregistrement magnétoscopique?

+-

    La présidente: On espère réaliser un documentaire sur les mères porteuses. La question est de savoir si vous voulez ou non en faire partie. Si vous ne voulez pas, ils arrêteront de filmer.

+-

    M. Alan Simpson: Je suis ici avec ma femme et mon fils, ils sont à côté de moi. Mais ma femme ne veut pas que nous soyons filmés.

+-

    La présidente: Merci beaucoup. Le technicien va arrêter sa caméra.

    Monsieur Simpson, c'est à vous.

+-

    M. Alan Simpson: Merci.

    Je commencerai par vous remercier de nous avoir invités à venir vous parler aujourd'hui. Voici ma femme, Rebecca et mon fils, Jared.

    Voici notre histoire. Il y a environ cinq ans, ma femme et moi attendions à l'hôpital Mount Sinai, la naissance de notre premier fils. En un clin d'oeil, nos vies ont été bouleversées pour toujours. En janvier 1998, dès que notre fils est né, nos médecins et nous avons su que quelque chose n'allait pas du tout. Notre bébé ne pleurait pas et ne se tenait pas. Les médecins l'ont immédiatement mis dans un respirateur. Ma femme qui ne pouvait voir le bébé lui-même, pouvait voir mon visage et hurlait et criait: «Qu'est-ce qui va pas? Qu'est-ce qui va pas?» Bien entendu, je ne pouvais rien dire.

    Au cours des mois suivants, notre enfant est resté dans l'unité de soins de troisième niveau de l'hôpital Mount Sinai, c'est-à-dire dans l'unité de soins intensifs. Chaque mois les médecins nous donnaient une mauvaise nouvelle: votre enfant ne marchera jamais. Le mois suivant c'était: votre enfant ne verra jamais. Le mois suivant: votre enfant n'entendra jamais. Comme vous pouvez l'imaginer toute notre vie était bouleversée. Nous étions déprimés, traumatisés. Un rêve se transformait en cauchemar. Malgré cette peine incroyable, nous avons fini par accepter et par aimer notre fils. Il s'appelait Eli. Mais à peine un an et demi plus tard, en avril 1999, notre enfant ne s'est pas réveillé. La douleur ressentie à sa naissance a été remplacée par la perte d'un enfant.

    Malgré la gravité de la situation, une nouvelle encore pire nous attendait. Les médecins nous ont appris que Rebecca ne pourrait plus jamais concevoir suite à des complications médicales pendant la grossesse elle-même. Nous continuions à vouloir un enfant. Mais d'autres médecins que nous avons consultés nous ont dit que l'état de mon fils Eli était héréditaire. Sa maladie et sa mort étaient directement attribuables à un facteur héréditaire du côté de ma femme. Qu'allions nous faire et à qui nous adresser? Nous voulions une famille.

    Il est devenu évident qu'une mère porteuse et une donneuse d'ovules restaient nos seules options viables. Qui allait porter notre bébé? Où allions-nous trouver un ovule? Nos mères et nos soeurs étaient trop âgées pour porter un enfant et ne pouvaient certainement pas offrir d'ovules. Rebecca a une soeur, mais elle avait un grave problème de cancer. Elle ne pouvait ni porter un enfant ni offrir un ovule à cause de cela. Il allait nous falloir essayer de trouver—par la grâce de Dieu—une porteuse et une donneuse d'ovules, ou une combinaison des deux.

    Avant d'aboutir, nous avons rencontré environ huit femmes. Toutes avaient quelque chose en commun. Elles avaient toutes des enfants; elles avaient toutes eu des grossesses faciles; elles avaient toutes accouché sans problème—toutes choses que nous n'avions pas connues. Elles étaient toutes issues de la classe moyenne. Chaque fois que nous lisons des articles sur les mères porteuses, ma femme et moi sommes furieux d'entendre parler de femmes de classe inférieure qui sont exploitées. Non seulement avons-nous vu huit femmes, mais nous avons probablement parlé à 10 autres. Cela n'a jamais été le cas.

    Ce que nous cherchions, bien entendu, c'était quelqu'un qui ne serait pas exploité. Nous cherchions quelqu'un qui s'occuperait de notre bébé pendant neuf mois. Nous cherchions quelqu'un qui travaillait et n'était pas toxicomane—Dieu nous en garde. Nous cherchions quelqu'un qui puisse bien nourrir notre enfant pendant sa gestation.

À  +-(1050)  

    Que le gouvernement propose de ne pas indemniser les porteuses est à nos yeux une véritable absurdité. Et permettez-moi de ne pas être d'accord, ce n'est pas une affaire de neuf mois, c'est plutôt une affaire d'un an et demi, parce qu'il y a toujours une période de convalescence après la naissance d'un enfant; et la grossesse ne marche pas forcément du premier coup ce qui certainement était le cas pour nous.

    À nos yeux, ce n'est pas un commerce. Si une infirmière s'occupe d'un vieux monsieur dans un foyer 24 heures sur 24 pendant une année, c'est un service. L'infirmière est payée. À notre avis, il n'y a pas de différence, entre quelqu'un qui fournit un service et quelqu'un qui nous fait l'incroyable cadeau de porter un enfant pour nous.

    Notre expérience de deux années nous montre que légiférer contre la rémunération des mères porteuses éliminera virtuellement toutes les candidates pour ce service. Comme cela a déjà été dit, cela ne fera qu'inciter les couples désespérés à se rendre aux États-Unis—s'ils sont super riches—ou à entrer dans la clandestinité sans aucune protection ni documentation juridiques. Nous avons eu la chance de trouver une clinique merveilleuse et un bon avocat qui a aidé les deux parties.

    Notre mère porteuse—qui avait son propre avocat—et nous-mêmes comprenons tout ce qui est nécessaire et toutes les questions qui doivent être réglées. Nous aurions fait n'importe quoi pour avoir un enfant, je le crains, je ne sais pas exactement ce que nous aurions fait mais nous aurions tout fait pour en avoir un. Je peux vous garantir que nous le referions même dans la clandestinité.

    Ce n'est pas par choix que les couples font appel aux technologies de reproduction. Nous n'avons pas choisi d'avoir un fils qui est mort; nous n'avons pas choisi d'avoir hérité de ces gènes. Ce n'est pas par choix que les victimes du cancer, par exemple, subissent tous ces traitements. Ce n'est pas par choix qu'on subit une hystérectomie. C'est là notre donne. Personne au monde n'aurait accepté de porter notre bébé gratuitement. C'est aussi simple que cela.

    Avec cette nouvelle loi, Jared, notre deuxième fils, n'existerait pas. Nous serions toujours recouverts du linceul de la douleur.

    J'aimerais conclure par un gros plan sur la loi. Dans un communiqué de Santé Canada publié en mai 2002, que j'ai lu, intitulé «Proposition de loi concernant la procréation assistée», la toute première ligne disait: «Pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens recourant à la procréation assistée pour fonder leurs familles en réglementant des pratiques éthiquement acceptables telles que la fécondation in vitro».

    J'aimerais m'arrêter sur ce qui est le plus important: la fondation d'une famille. Déclarer cette rémunération illégale et nous transformer, moi et ma femme—qui avons fait des études—qui travaillons dur, en criminels ne semble pas particulièrement faciliter la fondation de famille. Jared n'existerait certainement pas. Quels que soient les problèmes, et je suis certain qu'il y en a beaucoup, rendre illégal d'avoir des enfants en interdisant, à toute fin pratique, les dons d'ovules et les mères porteuses—c'est exactement ce que fait le projet de loi, ne vous faites pas d'illusions-- il élimine en réalité ce qu'il est censé protéger. C'est le résultat pervers de cette loi.

    Qu'il soit nécessaire de réglementer les qualifications des mères porteuses et le montant des indemnisations ne me paraît pas déraisonnable. Cela ne me pose pas de problème. Nous retirer la possibilité d'avoir notre propre enfant et notre droit d'avoir des enfants est inacceptable.

    Ce pays a besoin de plus de Canadiens. Nous le savons tous. Nous le lisons dans les journaux tous les jours. Laissons les familles canadiennes désespérées fonder les familles dont nous avons désespérément besoin. Peut-être que notre fils, Jared, sera le prochain premier ministre du Canada. Qui sait? Mais ce que je sais c'est que si on ne nous avait pas laissé avoir Jared, ma femme et moi serions toujours en deuil quatre ans plus tard.

    Je vous le demande, si vous avez vous-même la chance de connaître la joie d'avoir des enfants, interrogez votre coeur et donnez la chance aux couples de Canadiens désespérés d'avoir leurs propres enfants.

    Merci de votre patience.

À  +-(1055)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Simpson.

    Pourrions-nous maintenant entendre madame Prince.

+-

    Mme Janet Prince (témoignage à titre personnel): Bonjour, je m'appelle Janet Prince et je ne voudrais pas être filmée.

    La présidente: Merci beaucoup.

    Mme Janet Prince: Je vous parle forte de mon expérience de six années d'infertilité, d'innombrables procédures, y compris trois laparoscopies et quatre tentatives de fécondation in vitro. Malheureusement, rien n'a marché et finalement j'ai subi une hystérectomie il y a environ un an et demi. J'aimerais donc vous parler des mères porteuses et des donneuses d'ovules, parce qu'au point où j'en suis c'est quelque chose que j'envisage.

    D'après ce qu'on m'a dit, l'offre dépasse largement la demande. Je crois qu'il est nécessaire de réglementer et de légiférer le don d'ovules. Si nous n'indemnisons pas financièrement ces donneuses, nous n'arriverons jamais à faire face parce que la demande dépasse largement l'offre. Néanmoins il faut qu'il y ait des directives.

    Aux États-Unis certaines cliniques vont jusqu'à offrir aux donneuses 5 000 $ et plus et elles font de la publicité sur la toile. Le Canada devrait éviter cette solution, mais il nous faut des directives. Je crois qu'il faudrait imposer une limite à l'indemnisation des donneuses et la fixer à environ 2 500 $. Ayant moi-même vécu cette expérience, je sais que, physiquement et mentalement, c'est très dur.

    Deuxièmement, pour ce qui est de la limite du nombre d'essais pour une donneuse, à mon avis cela ne devrait pas dépasser quatre, et on devrait avoir un registre de donneuses, lequel devrait être totalement anonyme. Le contrôle et la gestion de ce registre devraient être confiés aux cliniques et non pas au gouvernement.

    Donc, à mon avis, le don d'ovules devrait être autorisé par la loi dans des circonstances comme les miennes et, deuxièmement, le recours aux mères porteuses. Comme beaucoup de vos témoins vous l'ont dit, pour beaucoup c'est le rêve de toute une vie et nous avons toutes subies des procédures très longues et très douloureuses. Je propose donc que la loi réglemente mais non pas interdise le recours aux mères porteuses et aux donneuses d'ovules.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci, madame Prince.

    Pourrions-nous maintenant entendre madame Silverman, je vous prie.

Á  +-(1100)  

+-

    Mme Jan Silverman (spécialiste des programmes cliniques, Programme de soutien et d'éducation à l'infertilité, Centre régional de santé des femmes de Sunnybrook et Centre des sciences de la santé du Women's College): Je travaille comme conseillère en matière d'infertilité depuis 11 ans. Pendant les quelque 11 ans qui ont précédé cette période, j'ai pris part à des activités de soutien communautaire pour les personnes atteintes d'infertilité. Ainsi, depuis plus de 22 ans, je suis dans une situation unique qui me permet d'entendre de vive voix des milliers d'hommes et de femmes souffrant d'infertilité. Je dispense du counselling aux personnes et aux couples et j'anime des groupes de soutien pour personnes infertiles auxquelles participent de nombreuses personnes, ainsi qu'un groupe de soutien pour femmes, après que celles-ci ont fondé leur famille, soit au moyen de traitement contre l'infertilité, soit par l'adoption.

    De ce point de vue privilégié, j'aimerais partager avec votre comité ce que j'ai appris au fil des ans.

    Tout d'abord, il me faut l'assurance que l'angoisse et la situation complexe que vit un homme ou une femme infertile dans une société féconde sont bien comprises et bien respectées. Comprenez bien qu'il n'y a pas un seul aspect de la vie d'une personne ou d'un couple qui ne soit touché profondément et transformé par un diagnostic d'infertilité. Comprenez aussi qu'il n'y a aucun groupe, aucun porte-parole collectif, aucun organisme qui parle au nom de ce groupe muet.

    La plupart d'entre nous tenons votre propre fertilité pour acquis. Nous tenons pour acquis que nous allons rencontrer et épouser la bonne personne et que, lorsque nous serons prêts, nous serons en mesure d'avoir un enfant. Dans la plupart des cas, tout se passe normalement.

    Imaginez-vous maintenant que vous avez eu votre ménopause, comme on l'a entendu un peu plus tôt, avant la vingtaine pour des raisons absolument inconnues, ou encore que vous avez dû subir, dans la vingtaine, une hystérectomie à la suite d'un cancer. Ou encore, imaginez-vous que vous êtes née avec le syndrome de Turner et que vos fonctions ovariennes ne se sont jamais développées, ou que vous êtes née avec une agénésie vaginale et qu'un vagin ou un utérus fonctionnel ne se sont jamais développés chez vous. Voilà une partie des cas auxquels j'ai affaire.

    Imaginez-vous l'estime de soi qu'éprouve une femme lorsqu'elle se rend compte qu'elle ne sera jamais en mesure de réaliser les espoirs, rêves et voeux qu'elle a toujours tenus pour acquis.

    Ensuite, vous apprenez qu'il existe une technologie qui permettrait à cette femme de tomber enceinte en utilisant l'ovule d'une donneuse et le sperme de son mari, ou encore son ovule avec le sperme de son mari, qui se développe cette fois au sein d'une mère porteuse. Imaginez maintenant ce que ressent cette femme, pensez au renouveau que connaît son estime de soi et à l'incidence positive que cela aura sur sa vie et celle de son enfant.

    Et maintenant, dites-vous que la technologie existe mais qu'elle n'est pas facilement accessible à ces Canadiens, femmes et hommes. Ces derniers doivent trouver un donneur ou une mère porteuse aux États-Unis, et j'ai deux clients qui ont envisagé cette possibilité. Ajoutez à cela des frais exorbitants en dollars américains parce que le nombre de donneurs et de mères porteuses disponibles est réduit considérablement lorsque la formule de rémunération est modifiée sensiblement.

    Imaginez qu'il y a des lois qui, plutôt que de prendre en considération et de protéger l'homme et la femme infertiles ainsi que les donneurs et les porteuses éventuels, les poussent à entrer dans une économie parallèle.

    Le cheminement qui mène à la décision d'utiliser des ovules ou du sperme de donneurs, ou encore de faire appel à une mère porteuse, est long et ardu. Il n'est pas facile de se résoudre à utiliser un gamète qui n'est pas le nôtre ou de faire appel à une autre femme pour une grossesse que l'on désire ardemment.

    Je discute de ces questions et je chemine avec des couples remplis d'espoir dans le cadre de mon travail, et je côtoie aussi les donneurs et donneuses et les mères porteuses potentiels. Dans nos discussions, mon rôle consiste notamment à aider toutes les parties intéressées à s'informer et à mieux connaître le sujet. Je les oriente vers une réflexion pouvant guider leurs décisions et je leur fait réfléchir aux conséquences possibles que cela pourrait avoir sur eux et leur progéniture, et pourtant, je traite les donneurs, les porteuses et les couples respectueusement comme des adultes maîtres de leur destinée.

    Avec sa permission, je vous citerai une cliente qui affirme:

Ce qui me dérange vraiment à propos de ces présumés «experts», c'est cette idée qu'ils ont que l'on ne s'intéresse pas vraiment aux enfants, et c'est complètement faut. Nous nous livrons à une réflexion douloureuse sur les choix, le pour et le contre.

    --et cela est aussi vrai des donneurs et des mères porteuses.

Á  +-(1105)  

Mon travail consiste à les aider dans cette démarche.

    Présumer que la faible proportion d'hommes et de femmes infertiles devant faire appel à ces technologies, ainsi que les donneurs potentiels et les mères porteuses ne réfléchissent pas à l'enfant qui sera issu de cette technologie est tout simplement cruel, injuste et erroné. Ces enfants sont intensément désirés. Ces femmes et ces hommes souhaitent désespérément avoir un lien génétique ou biologique qui les unisse à leurs enfants. Tout comme vous, n'est-ce pas?

    Ces femmes et ces hommes veulent désespérément devenir parents, et le monde fertile leur répond qu'ils peuvent toujours adopter. Je vous dirais qu'il s'agit là d'une insulte envers le processus d'adoption puisque cela présume que tous les parents qui veulent avoir un enfant seraient de bons parents adoptifs. Or, l'adoption est une procédure extrêmement complexe, coûteuse et difficile.

    Toutefois, la loi dont il est question ne porte pas sur l'adoption. La loi tente notamment d'assurer aux femmes et aux hommes infertiles un choix en matière de procréation. Le projet de loi devrait incarner un respect envers tous les Canadiens. Je vous exhorte à comprendre et à respecter les Canadiens atteints d'infertilité, de même que les femmes qui sont disposées à faire don de leurs ovules ou d'agir comme mères porteuses. Écoutez-les, respectez-les et appuyez-les, et soutenez-les dans leur démarche. Permettez aux donneurs et aux mères porteuses de toucher un montant raisonnable de leurs coûts directs et indirects. Réglementez, mais n'interdisez pas.

    Je vous remercie.

    Une voix: Bien dit.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, madame Silverman.

    Nous passons maintenant aux questions, et nous commençons avec monsieur Lunney.

+-

    M. James Lunney: Merci, madame la présidente.

    Janet Prince, je crois que vous avez parlé du registre. Vous avez recommandé qu'un registre soit créé et complété. Un peu plus tôt, nous avons entendu un témoin nous dire qu'on devrait établir et garder un registre des donneurs. Je me demande si vous parliez de la question de l'anonymat et de la divulgation, le cas échéant et selon un plan, à l'enfant de son identité biologique. Est-ce pour cela que vous dites que les renseignements sur les donneurs devraient être gardés dans un registre central? Votre remarque allait-elle en ce sens?

+-

    Mme Janet Prince: Par-dessus tout, le registre servirait davantage de moyen de contrôle. Je crois que la décision de divulguer ou non ces renseignements à leur enfant doit revenir au couple ayant reçu un don d'ovules. Je crois que la plupart des couples seraient portés à divulguer cette information à leur enfant, mais le registre serait important pour l'enfant pour des raisons médicales peut-être.

+-

    M. James Lunney: Mais personnellement, vous ne croyez pas qu'il faudrait tenir obligatoirement un registre de dossiers d'identité, mais plutôt un registre central pour tous les donneurs.

+-

    Mme Janet Prince: En fait, oui.

+-

    M. James Lunney: Vous croyez que oui.

    Merci.

    Je me tourne vers Anita MacCallum. Au cours de votre témoignage, vous avez parlé de votre expérience à la clinique. Pouvez-vous nous dire quelle clinique vous avez fréquenté?

+-

    Mme Anita MacCallum: Mon médecin s'appelle Clifford  Librach.

+-

    M. James Lunney: Je me demande tout simplement combien d'ovules on a produits. Vous avez dit, je crois, que c'est votre soeur qui a...

+-

    Mme Anita MacCallum: C'est exact.

+-

    M. James Lunney: Et jusqu'à 25 ovules ont été prélevés pour la procédure?

+-

    Mme Anita MacCallum: En effet. Elle était assez jeune et réagissait très bien aux médicaments.

    Ils ont prélevé environ 25 ovules. qui ont ensuite été inséminés mais tous ne deviennent pas des embryons. Ils doivent être maintenus dans un boîte de Petri pendant trois jours. Aux termes de ces trois jours, il restait cinq embryons. Deux d'entre eux n'étaient pas de bonne qualité mais nous avons décidé de les implanter tous. Nous avons eu une fille. Ainsi, il a fallu prélever 25 ovules pour obtenir un enfant. C'est la réalité. Il faut stimuler les ovaires pour accroître les possibilité de porter ne serait-ce qu'un enfant.

Á  +-(1110)  

+-

    M. James Lunney: Il y a une question qui a été soulevée par le dernier groupe de témoins, et peut-être qu'elle mérite d'être soulevée à nouveau. D'après l'expérience que vous avez vécue dans les cliniques—ce qui nous intéresse, ce sont les registres des cliniques, la divulgation de renseignements et le consentement libre et éclairé—êtes-vous d'avis qu'il y a eu divulgation suffisante pour vous et votre soeur? À travers toute cette procédure, avez-vous été suffisamment bien renseignées?

    Et la question s'adresse aussi aux autres témoins.

+-

    Mme Anita MacCallum: Je crois que nous avons toutes été traitées respectueusement. Nous avons dû signer des formulaires de consentement, ma soeur les a signés et nous étions toutes d'accord. Nous étions libres d'aborder n'importe quel sujet. Nous avons été très bien traitées à la clinique. Je ne peux pas me plaindre. Je crois qu'ils font un travail remarquable et qu'ils tiennent d'excellents dossiers.

+-

    M. Ingo Kraemer: Au vu de mon expérience, compte tenu du fait que cette industrie n'est pas réglementée à l'heure actuelle, j'ai été impressionnée par le degré de professionnalisme et de compassion dont a fait preuve le personnel de la clinique où nous avons été traitées. J'ai eu l'impression de recevoir des meilleurs soins que si j'avais été à l'hôpital pour une greffe du rein.

    J'ai été vivement impressionnée. Nous avons été conseillées à chaque étape du procédé. Chaque possibilité a été discutée en ce qui a trait à la fécondation in vitro, pour s'assurer que nous allions prendre la bonne décision et choisir la bonne voie.

+-

    Jan Silverman: J'ajouterais que le counselling est obligatoire pour tous les couples qui participent au programme de dons de sperme et d'ovules, ainsi que pour les mères porteuses. Les mères porteuses, les donneurs et les couples sont tenus de suivre du counselling. Ce n'est pas facultatif. On ne peut pas franchir les étapes sans counselling.

+-

    Mme Rebecca Simpson (témoignage à titre personnel): Nous avons été suivis par un psychologue également, tout comme la mère porteuse et son mari. Ce suivi était obligatoire pour eux également. Nous avons tous reçu d'excellents conseils juridiques: nous avions notre propre avocat, et ils avaient le leur. Par ailleurs, chaque étape nous a paru bien réglementée. À la clinique, ils ont veillé à ce que tout le monde réfléchisse aux différentes possibilités et permutations, à toutes les éventualités. Toutes les parties ont été bien encadrées.

+-

    M. James Lunney: J'ai une autre question en ce qui concerne la rémunération de la mère porteuse. J'ai entendu quelqu'un dire—je ne me souviens plus qui, je m'en excuse—que 2 500 $ semblaient être une rémunération raisonnable. On nous a cité des chiffres de 2 500 à 25 000 ou 30 000 $. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.

    Pourriez-vous clarifier votre position à ce sujet, ou peut-être que d'autres aimeraient parler de ce qu'ils considèrent une rémunération adéquate?

+-

    M. Jennifer Kraemer (témoignage à titre personnel): Personne n'a dit que 2 500 $ représentait la rémunération d'une mère porteuse. Je crois que ce chiffre a été cité en parlant du don d'ovules, et non de la rémunération de la mère porteuse.

    Ce n'est peut-être pas à nous de juger ce qui constitue une somme adéquate. Nous croyons tout simplement qu'il devrait avoir rémunération. En dernière analyse, il revient au comité, aux autorités de réglementation, et au groupe consultatif de décider de ce qui est juste et raisonnable comme rémunération.

+-

    M. Alan Simpson: Donc, 2 500 $ c'était pour le don d'ovules. J'en ai parlé un peu dans mon exposé. Premièrement, je crois que la plupart des gens donneraient volontiers leur bras droit pour leur enfant, chacun d'entre vous le ferait si votre enfant en avait besoin.

    Quant aux mères porteuses, il y a toute une démarche qu'elles doivent suivre pendant quelques mois avant même d'essayer. Et cela ne fonctionne pas nécessairement. Elles doivent prendre soin de l'enfant pendant neuf mois et ensuite se remettre de la grossesse, comme c'est le cas pour toutes les grossesses.

    Alors je ne sais pas ce qui constitue une rémunération adéquate. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'un bras droit, le prix de la moitié d'une voiture,d'une voiture...si c'est le prix qu'il faut payer, c'est raisonnable. Peut-être devriez-vous vous fonder sur le salaire minimum. Ce que je sais, c'est qu'une infirmière qui soigne un patient prodigue un service, et si elle soigne ce patient 24 heures, 7 jours pendant un an et demi, je n'ai aucune idée de la somme que cela représenterait, mais le total serait considérablement plus élevé que ce que vous envisagez au comité. Je conviens que vous devrez probablement obtenir un avis à ce sujet.

    Par ailleurs, elles ne le font pas uniquement pour l'argent; elles le font parce qu'elles sont aptes à porter un enfant et elles veulent faire un don de vie. Mais elles doivent être rémunérées, et 2 500 $ ne suffisent pas.

Á  +-(1115)  

+-

    Le vice-président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)): Merci beaucoup, monsieur Lunney.

    La parole est à madame Chamberlain.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais poursuivre sur le sujet de la rémunération et il m'apparaît très clair que le groupe de témoins est d'avis que c'est un aspect très important de la question. Or, du point de vue politique, cela pose problème. Le fait de rémunérer quelqu'un pour une grossesse ou pour faire des bébés pour quelqu'un d'autre, concerne le public. Très souvent, même si nous sommes appelés à faire preuve de leadership, il faut aussi tenir compte du public pour certaines questions. Alors je vous demande conseil parce que je sais que vous aimeriez que nous nous penchions là-dessus. Cet aspect a occupé une partie très importante des témoignages aujourd'hui, soit l'aspect de la rémunération. Comment pourrions-nous convaincre le public de l'accepter ?

    Croyez-vous, par exemple, qu'il soit acceptable d'acheter, à une autre personne, un rein, un poumon ou autre chose encore lorsqu'on en a besoin? Je suis consciente que l'optique est différente lorsqu'il s'agit d'une personne qui peut très bien mener une grossesse à terme et s'en remettre parfaitement, toutefois, le public y attache un préjugé qui veut que ce soit un service de fabrication d'êtres humains.

+-

    M. Jennifer Kraemer: Je crois savoir que le gouvernement a commandé une étude dans laquelle on demandait aux membres du public s'ils souhaitaient que les mères porteuses et les donneuses d'ovules soient rémunérées. D'après les résultats du sondage, la majorité des répondants acceptent l'idée. C'est le gouvernement qui a commandé cette étude.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: Peut-être bien qu'ils l'ont fait; toutefois...

+-

    Le vice-président (M. Stan Dromisky): Permettez-moi de vous interrompre un instant.

    Il y a quelque chose qui doit être tiré au clair pour les témoins. Certains membres du groupe de témoins à Toronto n'ont pas donné leur consentement à ce que leurs exposés soient filmés pour le documentaire. Toutefois, je constate que nous entendons ici des réponses profondes à certaines des questions soulevées par le comité. Je demande à ceux qui n'ont pas encore signifié leur accord de consentir à ce que les réponses qu'ils font à certaines questions soient filmées de façon anonyme. En d'autres mots, votre nom ne sera pas cité et votre visage n'apparaîtra pas à l'écran.

    Des témoins: Certainement, d'accord.

    Le vice-président (M. Stan Dromisky): NOus avons droit à quelques réponses vraiment brillantes. Il y a des gens très intelligents dans ce groupe.

    Oui.

+-

    M. Alan Simpson: Bonnie, j'ai noté que vous avez changé votre tenue vestimentaire.

+-

    Le vice-président (M. Stan Dromisky): Oui. Aimez-vous ma cravate?

+-

    M. Alan Simpson: Je ne sais pas ce qui se passe là-bas, mais ça nous convient parfaitement.

+-

    Le vice-président (M. Stan Dromisky): Nous non plus.

    Bon, désolé de vous avoir interrompu, Brenda. Je vous en prie, allez-y.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: Je suis au courant de ce sondage; toutefois, à titre de fonctionnaire, je dois vous dire que le sentiment prédominant chez les Canadiens est un sentiment de réticence face à la rémunération. C'est pourquoi nous vous demandons votre aide, puisque vous êtes si fermement en faveur de la rémunération.

+-

    Mme Anita MacCallum: D'accord, écoutez. Êtes-vous prête à m'écouter un instant.

+-

    Mme Brenda Chamberlain: Oui.

+-

    Mme Anita MacCallum: Je crois comprendre que Diane Allen a témoigné un peu plus tôt. Elle a probablement omis de vous dire qu'elle a effectué un sondage auprès de ses membres il y a quelques années, et elle a partagé avec moi certains résultats de cette étude. Elle a constaté que ses membres étaient d'accord avec l'idée de dédommager les mères porteuses pour leur temps et les dépenses encourues. Une grossesse, c'est long, c'est pourquoi il faut rémunérer la personne.

    J'ai une amie qui a porté le bébé de sa cousine. C'était une entente conclue entièrement en privé, sans l'entremise des médecins, des avocats ou de qui que ce soit. Sa cousine ne l'a pas payée mais je suis sûre qu'elle lui a offert un très beau cadeau en guise de remerciement. Je crois qu'il aurait été très ingrat de ma part de ne pas réserver un traitement spécial à ma soeur en échange de ce qu'elle a fait pour moi, et je crois que la plupart des Canadiens seraient d'avis que, sans une forme d'indemnisation, il s'agirait là d'une forme d'exploitation des femmes.

    Elles ne vont pas devenir riches en étant mères porteuses. Les êtres humains ne sont pas des machines à fabriquer des bébés; ce sont des personnes qui en aident d'autres, et on ne peut s'attendre à ce qu'une personne consente à en aider une autre pendant neuf mois sans obtenir une certaine reconnaissance.

Á  +-(1120)  

+-

    Mme Rebecca Simpson: Je crois que ce qu'elle a dit est vrai. Pensez-y: porter un enfant pendant neuf mois. Comme mon mari l'a dit, le processus est en fait plus long que neuf mois. Si ma soeur avait été en bonne santé et qu'elle ne souffrait pas de cancer, si elle avait été en mesure de porter mon enfant, je lui aurais fait un cadeau... Disons 15 000 $. Compte tenu du temps qu'elles y consacrent, de leurs visites fréquentes chez le médecin, ce n'est rien. Chose certaine, ce n'est pas assez d'argent pour changer une vie. Ce n'est qu'un gage de reconnaissance; il s'agit d'une mesure raisonnable de reconnaissance envers une personne qui vous accorde une aide extraordinaire.

+-

    M. Alan Simpson: J'aimerais répondre à la question. Vous nous avez demandé comment les Canadiens réagiraient. D'abord, dans le cadre de cette enquête, on a constaté que 54 p. 100 des personnes interrogées étaient d'accord pour que l'on rénumère les mères porteuses. Il faut d'abord comprendre qu'il s'agit d'une majorité de Canadiens et que s'ils entendaient ce témoignage, leur nombre grimperait sans doute à 66 ou 70 p. 100.

    Je ne suis toutefois pas convaincu que le comité doive se pencher cette question. Je crois plutôt qu'il faut voir la situation dans son ensemble. Cette situation, c'est que nous voulons fonder des familles. Je ne prétends pas que la loi sera parfaite à tous points de vue pour tout le monde, mais son objectif est de nous aider à fonder des familles, et cela devrait être une partie importante de cette loi. L'absence de rénumération réduira à néant les contrats de maternité de substitution et les dons d'ovules; ils disparaîtront complètement. Cela ne devrait pas être l'objectif visé par la loi si vous en croyez les témoignages des couples réunis dans cette pièce. L'objectif devrait être de nous aider à fonder des familles dans un cadre réglementé pour garantir que personne ne soit exploitée. La mère porteuse ne devrait pas être une jeune fille de 18 ans qui n'a jamais eu d'enfant. Cela tombe sous le sens. Peut-être avons-nous visité des cliniques bien organisées dispensant du counselling, qui s'occupent bien de leurs clients, et c'est de ce genre de service dont on veut assurer la pérennité.

    Ce service n'est pas couvert en vertu de loi sur la santé, et je ne crois pas que cela changera. Alors, jusqu'à ce qu'on soit prêt à rétribuer la maternité par substitution... Ce n'est pas différent du travail d'une infirmière ou d'un médecin. Si le gouvernement du Canada était prêt à dédommager les mères porteuses de leur frais, il ne s'en tirerait pas à moins de 15 000 $; ce serait sans doute bien plus si l'on tient compte du salaire minimum. Si le gouvernement du Canada est prêt à rémunérer les mères porteuses en échange du service rendu, nous serons tous ravis, mais nous savons très bien qu'il s'agit d'un service et non pas d'un rein. Quelqu'un a parlé d'un rein un peu plus tôt au cours de cette séance, et je tiens à souligner qu'il ne s'agit pas d'un don d'organes d'une famille vivante ou décédée; il s'agit d'un service, que ce soit un don d'ovules d'une durée de six semaines, ou d'une maternité par substitution.

+-

    Le vice-président (M. Stan Dromisky): Désolé, mais je dois interrompre votre exposé puisque madame Skelton souhaite poser une question.

+-

    M. Alan Simpson: D'accord.

+-

    Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Je veux simplement revenir sur la question qu'a posée mon collègue Rob Merrifield au groupe précédent. Des témoins ont dit au comité qu'il y avait une grande quantité d'embryons disponibles au Canada. Vous a-t-on déjà proposé d'adopter un embryon?

+-

    Mme Jennifer Kraemer: On ne nous a jamais proposé d'adopter un embryon et, d'ailleurs, nous conservons quinze embryons congelés.

    Je vais à nouveau répéter ce que Kate a dit précédemment. Ces embryons sont conservés dans l'espoir qu'ils nous donnent un nouvel enfant. Pour avoir Shane, nous avons déjà utilisé 35 embryons; il a donc fallu 35 embryons pour concevoir un seul enfant. Je ne crois donc pas qu'il ait des quantités énormes d'embryons congelés pour les gens qui souhaiteraient en adopter. La plupart des gens savent qu'il en faut bien plus qu'un pour qu'une femme tombe enceinte.

    Ainsi, les 15 embryons congelés que je conserve resteront là où ils sont jusqu'à ce que je décide si je veux un autre enfant. Le cas échéant, je devrais sans doute tous les utiliser pour concevoir un autre enfant.

Á  +-(1125)  

+-

    M. Ingo Kraemer: Vous devez comprendre aussi que les embryons frais produisent le taux de succès le plus élevé. Quand on commence à utiliser des embryons congelés, le taux de succès est plus bas. C'est pourquoi cette réserve d'embryons que nous avons peut disparaître très rapidement. Un chiffre comme 25 ou 30 embryons peut sembler élevé pour des gens qui ne connaissent pas vraiment ce domaine, mais ils peuvent disparaître le temps de le dire pour une seule patiente.

    Je vois où vous voulez en venir. Il y a plein d'embryons excédentaires, pourquoi ne pas les utiliser? Mais je ne les considère pas vraiment excédentaires, malheureusement, parce qu'ils sont utilisés essentiellement pour une seule bénéficiaire et disparaissent très rapidement.

+-

    M. Alan Simpson: C'est un bon point.

    Premièrement, sur la question de l'adoption, je pense que tous les membres du comité qui ont eu des enfants à eux savent que pour la plupart des parents, le rêve est d'avoir un enfant qui vous ressemble, qui agira peut-être comme vous, qui voudra vous ressembler, un enfant qui aura un lien biologique avec la génération précédente. Je ne pense pas que l'on puisse minimiser l'importance de cela en disant simplement: pourquoi ne pas se contenter d'adopter? Je viens moi-même de vivre quatre années pendant lesquelles j'essayais d'avoir un enfant à moi.

    Deuxièmement, ce que l'on a dit au sujet des embryons congelés est très juste. Il nous a fallu essayer six fois et les embryons congelés ne fonctionnent pas. Nous tenterons peut-être d'avoir un frère ou une soeur pour Jared, quoique je ne suis pas certain que nous soyons autorisés à en discuter, mais le fait est que les embryons congelés ne fonctionnent pas et que les embryons frais fonctionnent, en général, mais pas toujours. Mais il est certain que ce que l'on a dit du taux de succès des embryons congelés est vrai.

    Mais je voudrais réitérer qu'à mon avis, nous devrions avoir le droit d'avoir des enfants à nous et nous devrions toujours garder à l'esprit la vision d'ensemble.

+-

    Mme Carol Skelton: Je voulais ajouter une observation: vous avez de beaux enfants.

+-

    M. Alan Simpson: Merci, nous en sommes reconnaissants et nous les aimons tous beaucoup.

    Question suivante. Allez-y, Bonnie.

+-

    Le vice-président (M. Stan Dromisky): Comme personne ne pose de questions ni d'un côté ni de l'autre, la présidence voudrait en poser une .

    Je m'appelle Stan Dromisky, d'accord? Pas Bonnie.

    Ma question porte sur un point qui me préoccupe et qui se trouve au paragraphe 6(2) du projet de loi. Je m'adresse à Jan Silverman, qui dispense depuis plus de 22 ans des services de counselling.

    Voici ma question. À la lumière de cette disposition, Jan, est-ce que vous considérez que vous êtes une criminelle parce que vous offrez un service de ce genre? Autrement dit, vous aidez à prendre des dispositions de maternité de substitution, puisque vous offrez des services de counselling aux gens qui envisagent cette solution, autant les mères porteuses que la future mère infertile, ainsi qu'à un père qui pourrait être en cause et vous faites aussi des consultations avec des médecins. Est-ce que vous considérez que vous-même et les médecins qui participent au processus préalable à la grossesse et aux interventions pendant et après la grossesse commettez, pourrait-on dire, un acte criminel?

+-

    Mme Jan Silverman: Est-ce que vous me demandez si je suis une criminelle? Serais-je une criminelle? Vous savez, je vais vous dire: je vais me considérer comme une criminelle parce que je considère qu'il est tellement impératif et tellement important que ce service puisse continuer, que ces hommes et ces femmes aient la possibilité, que les donneurs et les mères porteuses soient traités honnêtement, équitablement et ouvertement. Alors je suppose que je m'en vais tout droit en prison. Je devrai embaucher un nouveau conseiller.

Á  +-(1130)  

+-

    Le vice-président (M. Stan Dromisky): Si c'est l'interprétation qui est retenue par le grand public et par le service du contentieux et par le gouvernement, cela pousserait les gens à entrer dans la clandestinité, n'est-ce pas?

    Des témoins: C'est exact.

+-

    Mme Jan Silverman: Je m'excuse de vous interrompre, mais selon certains indices que j'ai recueillis, c'est déjà ce qui se passe, parce que les gens sont tellement nerveux et inquiets de ce projet de loi. Il y a déjà des ententes légales en discussion, même si l'on n'avance pas d'argent, juste au cas où... On est donc déjà en train de pousser les gens dans la clandestinité.

    Qu'est-ce qui m'empêche de trouver quelqu'un et de la présenter comme ma nouvelle meilleure amie? Au lieu de protéger les Canadiens, au lieu de protéger les donneuses d'ovules ou les mères porteuses, nous allons retomber une fois de plus dans un système archaïque d'ententes secrètes. Au lieu que ce soit légal, au lieu que ce soit protégé...nous retombons dans un système d'ententes à la bonne franquette conclues entre hommes ou entre femmes.

    Je pense que c'est tellement effrayant, et je dois vous le dire encore une fois, je perçois des indices que c'est déjà ce qui se passe. Je vois déjà des gens qui commencent à échafauder des plans, pour voir comment ils vont contourner cette loi, si jamais elle est adoptée, pour atteindre leur but. Le comité refuse peut-être de croire que cela arrive, mais c'est pourtant la vérité. Les gens veulent pouvoir profiter des possibilités et des choix en matière de reproduction qu'offre la nouvelle technologie.

    Cette technologie ne va pas disparaître. Elle existe. J'ai de nombreux collègues aux États-Unis qui poseront la question suivante: au lieu de nous concentrer sur des interdictions, pourquoi ne trouvons-nous pas de meilleures façons de faire, une meilleure méthodologie pour protéger toutes les parties en cause? Et je le dis encore une fois, réglementez, mais n'interdisez pas.

    [Applaudissements de l'auditoire]

+-

    Le vice-président (M. Stan Dromisky): Très bien. Merci beaucoup. Je dois...

+-

    M. Alan Simpson: Je pourrais dire qu'elle parle en notre nom à tous. Nous souscrivons à ce qu'elle dit. Voulez-vous nous jeter en prison? Nous voulons nos enfants. Si vous voulez nous enfermer, alors il semble bien que tel sera l'effet pervers de cette loi.

+-

    Le vice-président (M. Stan Dromisky): Je vous remercie beaucoup de nous avoir fait part de vos perceptions de la loi et de vos réactions qui, je le crois, sont très sincères, profondes et très honnêtes. Merci encore d'avoir témoigné devant nous.

    Nous entendrons maintenant le groupe suivant de témoins.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Monsieur le président, j'ai vu le sondage que ces groupes distribuent. Ils sont venus me voir à mon bureau pour le montrer. J'aimerais savoir d'où vient ce sondage.

    Est-ce que notre recherchiste pourrait se renseigner et nous le dire?

+-

    Le vice-président (M. Stan Dromisky): Voici Bonnie qui vient mettre fin à cette session et vous dire de sortir de la salle pour laisser entrer les témoins suivants.

    C'est bien cela?

+-

    La présidente: Comme il n'y a pas d'autres noms sur la liste, nous allons passer aux témoins suivants.

    Je demanderais à M. Koshan, Mme Solomon, M. Kottler et Mme Wright de venir prendre place au micro.

Á  +-(1135)  

+-

    La présidente: Je souhaite la bienvenue aux nouveaux témoins. Je vais demander à M. Koshan de commencer.

    Monsieur Koshan, voulez-vous être filmé ou non?

+-

    M. Michael Koshan (témoignage à titre personnel): Je n'ai pas d'objection.

    La présidente: Allez-y, monsieur Koshan, vous avez la parole.

    M. Michael Koshan: Je voudrais d'abord remercier les membres du comité de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-13.

    Avant d'aborder les détails du projet de loi, j'aimerais vous raconter brièvement l'expérience de l'infertilité que nous avons vécue, ma femme Samantha et moi-même. Sam et moi avons tous deux 32 ans. À l'automne 2001, nous avons commencé à essayer de concevoir notre premier enfant. Quatre mois plus tard, Samantha a été diagnostiquée avec un cancer du sein. Son traitement comprenait la chimiothérapie et la thérapie hormonale. La chimiothérapie pose un risque important d'infertilité. Si Sam a la chance de conserver sa fertilité, la thérapie hormonale lui interdira la grossesse pendant encore cinq ans. De plus, il y a un risque important que Sam atteigne la ménopause pendant la thérapie hormonale, ce qui la rendrait infertile, ce qui serait pour nous vraiment catastrophique.

    En plus de nos propres difficultés, mon seul frère John est récemment décédé du cancer en 2001 au jeune âge de 35 ans. Au moment de son diagnostic, John était en train de fonder une famille. Mais le cancer a détruit ce rêve et il n'a pas pu connaître la joie de la paternité. Avec la perte de mon seul frère, j'étais confronté non seulement au terrible chagrin causé par la perte d'un être cher décédé si jeune, mais aussi à la réalité que la continuation de ma lignée familiale repose sur Sam et moi. Il est très important pour nous de maintenir ce patrimoine génétique. C'est pourquoi nous croyons que la maternité de substitution et le don de gamètes seraient la meilleure solution pour nous, pour résoudre notre problème d'infertilité.

    Je vais maintenant traiter des aspects du projet de loi C-13 qui touchent le plus les Canadiens infertiles, à savoir la maternité de substitution et le don de gamètes.

    Je respecte entièrement et je comprends les préoccupations exprimées par le comité et le gouvernement au sujet du remboursement des frais des mères porteuses et des donneuses de gamètes, ces préoccupations tournant notamment autour de l'exploitation, la chosification et la commercialisation de la reproduction humaine. Veuillez comprendre que je partage ces préoccupations. Ce à quoi je m'oppose, ce n'est pas aux objectifs du projet de loi C-13, mais plutôt à la méthode que l'on a choisie dans le projet de loi pour atteindre ces objectifs.

    Je crois que si on limitait les remboursements aux mères porteuses et aux donneuses de gamètes aux frais justifiés par des reçus, le nombre potentiel de mères porteuses et de donneuses diminuerait sensiblement. En conséquence, la maternité de substitution et le don de gamètes ne représenteront plus une solution de rechange légitime pour les Canadiens infertiles. La maternité de substitution et le don de gamètes imposent des coûts réels mais inquantifiables dans le cours de l'aide apportée à des couples infertiles qui veulent fonder une famille.

    Ces coûts indirects comprennent, mais cette liste n'est pas limitative, le dérangement, les congés, la douleur et l'inconfort, la perte de possibilités et le fait d'assumer certains risques médicaux. En conséquence, il n'est pas déraisonnable ni amoral de suggérer que les mères porteuses et les donneuses de gamètes aient le droit à se faire rembourser de leurs frais.

    En me fondant sur ma propre expérience et m'exprimant aussi au nom des couples qui rêvent d'avoir une famille, je dis que la découverte soudaine de l'infertilité porte un coup très dur. Pour cette raison, cela ne m'étonnerait pas que des couples recourent à des mesures désespérées pour résoudre ce problème. Donc, criminaliser un acte ne signifie pas que cet acte va tout simplement disparaître. Cependant, en légiférant pour criminaliser le paiement des mères porteuses et l'achat de gamètes, je crois que le gouvernement ferme tout simplement les yeux sur le problème dans l'espoir qu'il va disparaître. Je pense que l'approche la plus raisonnable serait plutôt de créer une solution qui soit dans le meilleur intérêt de tous les Canadiens, au lieu de se contenter d'une solution qui est acceptable aux yeux de certains mais qui en pénalise d'autres.

    Compte tenu de cela, je formule les recommandations suivantes relativement à des amendements au projet de loi C-13 qui, à mon avis, protégeraient les droits des Canadiens infertiles tout en permettant d'atteindre les objectifs énoncés dans les principes directeurs du projet de loi.

    Dans le cadre de la proposition dont vous êtes saisis aujourd'hui, il est recommandé que les articles 6 et 7 du projet de loi, «Rétribution de la mère porteuse» et «Achat de gamètes», soient retirés de la partie du projet de loi intitulée «Actes interdits» et insérés plutôt dans la partie intitulée «Activités réglementées». En incluant ces dispositions dans les activités réglementées, je crois que le gouvernement serait mieux en mesure de réglementer et de superviser ces activités tout en protégeant au mieux la santé et le bien-être de tous les Canadiens.

    Pour empêcher l'exploitation, il faudra que toutes les parties impliquées dans la maternité de substitution et le don de gamètes bénéficient de conseils indépendants, juridiques et psychologiques et un contrat juridique doit être exécuté avant d'aller plus loin.

    Pour empêcher la commercialisation et la réification, nous recommandons que tout remboursement des coûts directs soit raisonnable et justifié par des reçus, tandis que le remboursement des coûts indirects serait plafonné.

Á  +-(1140)  

    Enfin, des règles détaillées établissant les détails de ce qui précède seraient formulées dans les règlements qui régiront l'ensemble de ces activités réglementées.

    En conclusion, je demande aux membres du comité de se mettre à ma place. Imaginez-vous être confrontés à la situation suivante: votre frère unique décède sans enfants à un jeune âge; votre femme est diagnostiquée avec un cancer du sein en même temps que vous essayez de concevoir votre premier enfant; vous découvrez qu'il y a une forte probabilité que les médicaments que votre femme doit prendre dans le cadre du traitement de son cancer la rendront infertile—et tout cela en deux ans à peine. Quand vous réfléchirez aux conséquences que le projet de loi C-13 aura sur les Canadiens, je vous prie de ne pas oublier Samantha et moi et d'autres qui souffrent d'infertilité. Je vous demande d'envisager sérieusement d'apporter les amendements qui vous ont été proposés aujourd'hui avant de prendre une décision quelconque.

    En terminant, j'ai bon espoir que vous, membres du comité, adopterez l'approche responsable et formulerez des recommandations justes, raisonnables et dans le meilleur intérêt de tous les Canadiens.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci monsieur Koshan.

    Pouvons-nous maintenant entendre Mme Solomon?

+-

    Mme Shirley Solomon (témoignage à titre personnel): Merci et bonjour. Je suis ici accompagnée de mon mari Les Kottler.

+-

    M. Les Kottler (témoignage à titre personnel): Bonjour.

+-

    Mme Shirley Solomon: Nous sommes venus ici aujourd'hui pour vous parler d'une affaire qui est profondément personnelle et privée. Avant de commencer, je sais que vous allez probablement me demander si je veux être filmée. Alors au lieu de me faire interrompre, je vous donne tout de suite ma réponse, qui est oui.

    Pas d'objection?

    M. Les Kottler: C'est très bien.

    Mme Shirley Solomon: Nous n'avons pas d'objection ni l'un ni l'autre.

    La présidente: Je voudrais simplement réitérer que c'est aux fins de la réalisation d'un documentaire qui pourrait être diffusé plus tard. Cela vous va?

    M. Les Kottler: Oui.

    Mme Shirley Solomon: Bien sûr. Cela nous va parfaitement.

    La présidente: Merci beaucoup. Allez-y, je vous prie.

    M. Les Kottler: Nous aimons être à la télévision.

    Mme Shirley Solomon: Nous sommes venus ici aujourd'hui, je le répète, pour vous parler d'une affaire profondément personnelle et très privée dont, normalement, nous ne parlerions pas avec des étrangers. C'est très difficile pour nous de parler de tout cela. Mais nous avons le sentiment que le projet de loi C-13 ne nous laisse pas le choix.

    Notre fille Stéphanie a 31 ans et elle est mariée à David depuis deux ans. Ils veulent désespérément un enfant. Mais Stéphanie a terriblement souffert depuis 15 ans du forme très grave de colites et de la maladie de Crohn.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Les Kottler: Stéphanie fait constamment des séjours à l'hôpital depuis l'âge de 16 ans. Il y a cinq ans, elle est devenue tellement malade qu'il a fallu lui faire l'ablation du côlon pour lui sauver la vie. Elle portait un sac spécial attaché à son ventre pour qu'elle puisse déféquer. Peu de temps après, elle est retombée encore plus gravement malade de la maladie de Crohn. Depuis, Stéphanie doit prendre 36 pilules chaque jour—sans parler du fait que toutes les sept semaines, elle doit se soumettre à une intraveineuse d'une durée de six heures pour qu'on lui injecte un nouveau médicament appelé Remicade, qui est le médicament de dernier recours pour sa maladie.

+-

    Mme Shirley Solomon: Je vous ai apporté une photo de notre fille, Stephanie, et de son mari, David. Comme vous voyez, le visage de Stephanie est extrêmement gonflé à cause de tous les stéroïdes et médicaments qu'elle prend.

    C'est une jeune femme très courageuse avec un bon mari. Elle est enfant unique et son rêve a toujours été d'avoir beaucoup d'enfants. Mais des spécialistes en grossesse à risque lui ont appris qu'à cause de la gravité de sa maladie, le fait de porter un enfant mettrait sa vie en danger. Cette nouvelle lui a porté un coup terrible. Malgré son courage, elle pensait que sa vie était ratée en tant que femme, épouse et fille. Pendant des mois elle a été inconsolable. Elle avait un sentiment terrible de perte.

    C'est à ce moment-là que nous avons envisagé, en tant que famille—et nous ne sommes pas nombreux—, le recours à une mère porteuse pour elle et son mari. Elle souffrait moins de ce sentiment de perte et d'échec parce qu'avec une mère porteuse, ils auraient un lien biologique avec le bébé. Pour bien des raisons, c'était très important pour eux.

+-

    M. Les Kottler: Ensuite nous avons appris l'existence du projet de loi C-13. Comme on vous l'a fait remarquer à maintes reprises aujourd'hui, si ce projet de loi est adopté, il va en fait empêcher Stephanie et David d'avoir un enfant biologique. Il va aussi nous empêcher de devenir des grands-parents, ce qui nous brise le coeur.

    D'après les dispositions de ce projet de loi, les donneuses et les mères porteuses auront le droit de se faire rembourser seulement les dépenses qui peuvent donner droit à un reçu, ce qui va mettre effectivement fin à la pratique de donner des ovules et de servir de mère porteuse au Canada. L'expérience dans d'autres pays a démontré de façon irréfutable de tels résultats.

    Mais encore plus important, nous voudrions vous faire comprendre qu'il ne s'agit pas ici d'exploitation commerciale ni de réification, comme on l'a prétendu aujourd'hui. Il s'agit de rémunérer les donneuses et les mères porteuses de leurs actes essentiellement altruistes, des risques médicaux, du temps qu'elles y consacrent et de ce que cela implique comme perturbation de leur vie. Nous sommes donc d'avis qu'il faudrait prévoir une rémunération raisonnable pour les donneuses et les mères porteuses, en plus de leurs dépenses qui peuvent donner droit à un reçu. Le règlement d'application du projet de loi C-13 permettrait d'assurer une indemnisation juste, sans être excessive, et fondée sur des précédents historiques.

+-

    Mme Shirley Solomon: Vous ne pouvez pas imaginer ce que l'adoption du projet de loi C-13 pourrait représenter de douleurs, souffrances et chagrin pour notre famille et toutes les autres familles. Stephanie et David en sont rendus au point où ça leur fait mal de voir tant de leurs amis devenir parents, et eux qui restent sans enfant. C'est douloureux pour nous de voir tous nos amis devenir grands-parents, mais pas nous. Nous vous implorons de ne pas adopter une loi qui va pénaliser encore plus des personnes comme Stephanie, des personnes qui pour des raisons médicales totalement indépendantes de leur volonté ne peuvent pas avoir d'enfants. N'est-ce pas assez qu'elle ait déjà cette terrible maladie? Faut-il encore aggraver son malheur en adoptant une loi qui va la priver de la possibilité d'avoir son propre enfant biologique, ou même des enfants tout court?

+-

    M. Les Kottler: Mesdames et messieurs, aucun comité et aucune loi n'a le droit de se prendre pour Dieu et nous estimons que la version actuelle du projet de loi C-13 cherche à le faire. Il empêcherait des Canadiens et des Canadiennes comme notre fille d'exercer leurs droits de choisir comment créer leur famille. De quel droit l'État se mêle-t-il de cette décision extrêmement personnelle et privée?

    George Radwanski, le commissaire à la vie privée, avait raison quand il a dit ce week-end que «ce gouvernement a perdu son sens moral pour ce qui est du droit fondamental des humains à la vie privée» et que cela crée «un préjudice irréversible à la société canadienne». Nous estimons que le projet de loi C-13 en constitue un exemple.

    Nous avons du mal à croire que nous sommes vraiment devant vous dans le Parlement du Canada—oui, le Canada avec sa Charte des droits et des libertés, y compris la liberté de choisir, avec les valeurs fondamentales canadiennes—nous sommes devant vous en train de plaider pour le droit de devenir grands-parents et pour que notre fille et notre gendre aient le droit et la liberté de choisir comment ils veulent créer leur famille.

+-

    Mme Shirley Solomon: Mes parents sont venus au Canada en 1950 à la recherche de la liberté religieuse et politique et pour échapper à l'oppression et au racisme. Ma mère a survécu au camp de concentration d'Auschwitz et je suis née dans un camp de réfugiés. Je n'ai jamais connu mes grands-parents parce qu'ils n'ont pas survécu. Leurs cendres sont restées dans un four à Auschwitz. Alors je n'ai jamais connu la joie et l'amour d'une grand-mère ou d'un grand-père. Et maintenant je dois faire face à la possibilité de ne jamais connaître la joie d'avoir un petit-enfant génétiquement lié à ma famille et à moi en raison de cette loi punitive et draconienne.

    Je vous supplie de ne pas nous priver, mon mari et moi, de cette joie. Je vous supplie de ne pas priver ma fille, Stephanie, ou son mari, David, de cette joie. Priver les Canadiens et Canadiennes de ce choix constituerait une parodie de justice pour le projet de loi C-13.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci, madame Solomon et merci, monsieur Kottler.

    Est-ce qu'on pourrait maintenant donner la parole à Mme Wright, qui nous attend si je ne me trompe pas?

    Madame Wright, on est en train de filmer cette séance en vue d'un documentaire. Est-ce que cela vous gêne?

+-

    Mme Joanne Wright (Canadian Surrogacy Options): Pas du tout.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Vous avez la parole, madame Wright.

+-

    Mme Joanne Wright: Bonjour, mesdames et messieurs. Merci de m'avoir invitée aujourd'hui pour vous éclairer quelque peu et dissiper certains mythes concernant le monde de la maternité par substitution. Je m'appelle Joanne Wright, et je vis un mariage heureux depuis plus de 23 ans. Je suis également la mère de trois enfants, qui ont 15, 18 et 20 ans. J'ai eu le privilège d'aider trois couples à avoir des enfants en leur servant de mère gestatrice.

    Comme notre famille était faite et que je savais les joies que les enfants peuvent apporter, je trouvais très triste que tant de couples ne puissent vivre ce bonheur sans qu'il y aille de leur faute. La technologie a fait beaucoup pour aider les couples stériles à avoir un enfant biologique par l'entremise d'une autre personne. À l'époque où j'attendais notre troisième enfant, j'ai vu un documentaire sur les mères porteuses et je me suis dit que je pouvais faire cela. Après fait des recherches sur la question, j'ai constaté que le seul choix que j'avais à l'époque était de me rendre aux États-Unis et de passer par une agence, qui m'a également présenté à mon couple.

    J'allais être la mère gestatrice, ce qui veut dire que nous avons utilisé des embryons qui avaient été créés avec les ovules de la future mère et le sperme du futur père. En décembre 1988, lorsque leur fils et leur fille sont nés, j'ai senti que j'avais fait quelque chose de merveilleux dont j'étais fière. Jamais je n'ai pensé que leurs enfants faisaient partie de moi. Ces enfants appartenaient à leurs parents. Oui, j'ai eu la déprime lorsque tout cela a été terminé, mais c'est une réaction hormonale normale pour les femmes qui viennent d'avoir un enfant. Grâce aux conseils que j'ai reçus pendant ma grossesse et après la naissance, j'étais tout de même préparée à cela. C'était également peu de chose à côté de la joie totale que j'avais lue sur le visage de ces nouveaux parents.

    Je n'ai jamais pensé un instant à garder leurs enfants, et ce n'était pas non plus une question d'argent. La mère gestatrice sacrifie ses émotions, ses hormones, son corps, son intimité avec son mari et son mode de vie actif avec ses enfants. Elle risque de sérieuses complications au niveau de la santé et oui, peut-être même sa vie, pour aider un couple à réaliser son rêve. Si on lui verse 20 000 $ pour neuf mois, cela fait environ 2,50 $ l'heure. Est-ce que c'est beaucoup d'argent pour vous? Personne ne fait cela rien que pour l'argent.

    Depuis 1992, je travaille avec des avocats, des médecins, des travailleurs sociaux et du personnel de clinique dans le but de réformer et de réglementer la maternité par substitution. J'ai fondé Canadian Surrogacy Options Inc., qui est un service de liaison pour un couple ayant besoin d'une mère gestatrice et pour les femmes qui songent à devenir gestatrices. Mon agence a pour but d'aider les gens à avoir un enfant. J'espère que des lois et des règlements régissant de telles agences au Canada nous permettront de raviver l'espoir de ces couples.

    Lorsque les couples viennent à moi, ils ont épuisé toutes les autres interventions médicales. Grâce à une agence autorisée comme la mienne, les couples et les gestatrices peuvent avoir l'assurance que ce sont des personnes ayant une formation professionnelle, responsables et chevronnées qui régleront ces questions des plus complexes. Mon agence est des plus professionnelles. J'ai fait des recherches sur les autres agences pour en connaître les pratiques exemplaires, et je suis un guide valable tant pour la mère gestatrice que pour les futurs parents qui veulent entreprendre ce périple complexe et merveilleux. J'adore ce que je fais depuis quelques années.

    Malheureusement, nombreux sont les couples dans notre pays qui ont du mal à avoir un enfant. Nombreux sont les témoignages qu'on entend, et j'ai encore le coeur brisé chaque fois que je rencontre une personne qui a un problème de stérilité. Permettez-moi de vous faire part de certains de ces témoignages pour concrétiser un peu plus tout cela.

    Une jeune femme avait eu le cancer et avait dû subir une hystérectomie à l'âge de 13 ans. Pouvez-vous imaginer ce que c'est de savoir à l'âge de 13 ans qu'on ne pourra jamais donner naissance à un enfant? La maternité par substitution est le seul espoir.

    Dans le dernier couple que j'ai aidé, la maman s'est mise à faire des hémorragies pendant la naissance de son premier enfant. Pour lui sauver la vie, il a fallu pratiquer une hystérectomie. Elle avait 29 ans, elle ne pourrait plus jamais avoir d'enfant. Il y a deux semaines, j'ai eu l'honneur d'être celle qui a donné naissance au fils de ce couple. J'ai encore les larmes aux yeux lorsque je me rappelle l'expression de joie et d'émerveillement qui est apparue sur leurs visages. Cet enfant-là n'a jamais été une marchandise, et je ne me suis jamais senti exploitée non plus. C'était vraiment une grande joie pour moi que d'avoir contribué à ce miracle.

    Ces témoignages, mesdames et messieurs, sont innombrables, tout comme la douleur dans la voix de ces parents qui parlent de leur situation.

    Mon agence n'a jamais rencontré de mère gestatrice qui ait changé d'avis. Aucune femme s'adressant à mon service n'a jamais été exploitée ou forcée de faire cela. Il y a des mesures de protection qui sont déjà en place, et l'on a accès à des conseillers dignes de confiance qui s'assurent de savoir ce qui les motive. Les futures mères gestatrices doivent être autonomes et ne doivent pas vivre de l'aide sociale. Le couple doit avoir d'authentiques raisons médicales pour passer par la maternité par substitution. Les deux parties doivent recevoir les conseils d'un avocat distinct. La mère gestatrice doit avoir la santé voulue pour porter un autre enfant et doit subir des examens médicaux avant d'entreprendre une autre grossesse.

    Je mets tout mon coeur dans les combinaisons que j'arrange. Je suis avec attention tous les intéressés. La maternité par substitution est une option merveilleuse pour un grand nombre de familles. Ce peut être aussi une expérience heureuse tant pour la famille que pour la mère gestatrice.

    En terminant, j'espère que vous prendrez le temps voulu pour examiner mon témoignage et celui de mes collègues. Au lieu d'interdire la rémunération des mères gestatrices, des intermédiaires et des donneurs d'ovules et de sperme, vous vous rappellerez, j'espère, ceux qui souffriraient le plus de ces mesures. Nous pourrons un jour réglementer cette pratique en arrêtant des limites pour la rémunération ainsi qu'en donnant un statut législatif aux agences dignes de confiance qui seront celles qui feront observer ces règlements en appliquant les critères médicaux, psychologiques et juridiques voulus.

    Merci.

Á  +-(1155)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup, à vous, madame Wright, et à tous les témoins.

    Nous allons maintenant passer aux questions, et nous allons commencer avec M. Lunney.

+-

    M. James Lunney: Merci, madame la présidente.

    Je tiens d'abord à remercier nos témoins. Chose certaine, j'ai moi aussi le coeur brisé quand je vois les complications médicales et les difficultés qu'éprouvent les personnes dont la fécondité est compromise, et je vois que c'est très difficile pour tous les intéressés. De même, je sais moi aussi ce que c'est que de vivre avec le cancer, de combattre le cancer, de vivre avec une colostomie, et toutes les difficultés que cela pose. Nous comprenons les expériences troublantes qu'ont vécues vos familles. Bien sûr, c'est une question difficile et chargée d'émotion pour nous tous. Ayant tâché de démêler toutes ces questions depuis le début, nous avons entendu les témoignages comme les vôtres, et nous sommes sûrement sensibles à l'aspect émotif de ce débat à plusieurs égards.

    Monsieur Kottler, vous avez parlé des autres pays qui ont démontré qu'un système ouvert inhibait les donneurs. Nous savons que la Suède est passée à un système ouvert d'enregistrement et de don de services. Au début, on a vu chuter le nombre de personnes désireuses de s'inscrire au système, mais nous comprenons que le profil des participants a changé, dans la mesure où l'on a vu apparaître des donneurs plus mûrs, des gens qui avaient réfléchi davantage peut-être, et la crise qu'on attendait ne s'est pas matérialisée. Vous dites qu'il y a des pays dans le monde qui ont mis un terme aux dons transparents et qui ont complètement fermé boutique. Pouvez-vous nous donner un exemple de ces pays?

+-

    M. Les Kottler: Je peux citer l'exemple du Royaume-Uni où, vous savez sans doute, la Human Fertility and Embryology Authority, en 1990 ou 1991 je crois, passait à un système où la rémunération, exception faite des dépenses, a été interdite, et l'on a vu diminuer radicalement le nombre de donneurs de gamètes et de mères gestatrices. On a modifié la loi à cause de cela. On a modifié la loi sur la HFEA au Royaume-Uni afin de rétablir un équilibre. C'est l'exemple parfait d'un pays où la loi a été changée et où l'on est revenu au système qu'on avait avant la création de la HFEA.

+-

    M. James Lunney: J'aimerais poser une question à Joanne Wright. Joanne, vous avez décrit votre expérience personnelle en tant que mère gestatrice en expliquant pourquoi c'était important pour vous d'aider ces couples et ainsi de suite. L'avez-vous fait par altruisme ou avez-vous été indemnisée? Et si c'était dans ce dernier cas, combien vous a-t-on payée?

  +-(1200)  

+-

    Mme Joanne Wright: On m'a rémunérée pour les risques ainsi que les inconvénients que cela comportait pour ma famille. En toute honnêteté, je peux vous dire que j'ai gagné moins de 2,50 $ l'heure.

+-

    M. James Lunney: Pourriez-vous nous lire, aux fins du compte rendu, le montant exact que vous avez reçu ou est-ce que nous devons faire les calculs nous-mêmes?

+-

    Mme Joanne Wright: Faites les calculs.

+-

    M. James Lunney: D'accord.

+-

    Mme Shirley Solomon: Ma mère est au Baycrest Centre for Geriatric Care où elle reçoit des soins à plein temps. Je peux vous assurer que cela nous coûte à mon frère, ma soeur et moi 50 000 $ par an pour ces soins, et j'ajouterais que ces soins sont prodigués non pas par des infirmières mais par des personnes soignantes. Ma mère se fait maintenant soigner par ces personnes depuis deux ans, et ce n'est pas par altruisme que ces personnes viennent s'occuper d'elle et lui changer la couche—ma mère a maintenant perdu toute autonomie—la mettre dans son fauteuil roulant, lui donner son bain, et faire toutes ces choses pour elle. Je suis extrêmement reconnaissante pour toutes les choses qu'elles font pour ma mère, et nous les traitons avec le plus grand respect—ces personnes qui prennent soin de ma mère.

    Nous les rémunérons parce que nous estimons qu'elles lui donnent de la chaleur, de l'amour et de l'affection, un cadeau extraordinaire pour ma mère. Je n'oserais même pas ne pas les payer. Ces choses qu'elles font pour ma mère, je souhaiterais qu'il ne soit pas nécessaire de les faire.

    Je dois vous dire qu'au fil des ans, lorsque je faisais mon émission de télévision, j'ai rencontré un certain nombre de mères porteuses, dont Joanne Wright. La plupart d'entre elles sont comme Joanne; en général, elles sont de la classe moyenne, elles ont des familles, elles ne vivent pas dans de grandes maisons, elles n'ont pas de grosses voitures de luxe. Ce ne sont pas des femmes avides d'argent. Cela ne veut pas dire que dans notre société nous devrions décider qu'elles devraient travailler gratuitement. Personne ne travaille gratuitement. Personne d'entre vous ne travaille gratuitement. Nous n'avons pas une société où les gens travaillent gratuitement.

    Si ces personnes nous aident et nous font ce cadeau, elles devraient être indemnisées. Quoi qu'il en soit, Joanne a été indemnisée, et je pense qu'en moyenne une mère porteuse reçoit entre 18 000 et 20 000 $ pour les mois où... Et toutes les femmes qui ont eu un enfant, et tous les maris dont la femme a passé quatre mois à vomir dans la toilette et les cinq mois suivants à grossir et grossir jusqu'à ce qu'elles se sentent de plus en plus inconfortables pour finalement accoucher... Et, mesdames, y a-t-il quoi que ce soit de pire qu'un accouchement, de plus difficile ou de plus souffrant? Il y en a peut-être, mais c'est une expérience qu'aucune d'entre nous n'a oubliée. Et nous pouvons vous raconter ce qui s'est passé en détail, à chaque moment. Voilà donc ce que font ces femmes pour nous.

    Il est plus que naïf de dire que les Canadiennes devraient faire preuve d'altruisme et faire tout cela sans être indemnisées. C'est tout simplement ridicule.

    L'une des raisons pour lesquelles mon mari et moi-même sommes venus ici aujourd'hui, c'est que nous avons des rêves et des espoirs pour nos enfants, et nous croyons qu'une partie de la liberté politique au Canada est le droit de choisir comment nous voulons fonder nos familles et que le gouvernement n'a pas le droit de nous dire comment le faire. Cela étant dit, je crois qu'il devrait y avoir une réglementation. Si l'on regarde de quelle façon on a traité la question par le passé, je pense qu'on l'a fait avec beaucoup de respect, avec noblesse. Il n'y a personne ici dans cette pièce qui a eu un enfant ou qui planifié d'avoir un enfant en faisant appel à une mère porteuse qui puisse vous dire d'avoir l'impression d'avoir été exploité, y compris bon nombre des mères porteuses que Joanne connaît et que nous avons rencontrées.

    Je ne sais pas d'où vient cette idée. Je ne le sais vraiment pas. Je vous supplie cependant de faire preuve d'ouverture d'esprit et d'équité et de penser aux enfants, comme Stephanie et David, qui veulent avoir un enfant avec lequel ils ont un lien biologique. Je ne comprends pas pourquoi cela poserait un problème pour votre comité et pourquoi vous croyez avoir le droit d'envahir notre vie privée en faisant des choix pour nous. Si vous dites qu'on ne peut plus payer les mères porteuses, celles qui donnent des ovules et toutes les autres personnes qui interviennent dans une telle situation, alors vous allez essentiellement détruire le système. Aucune de ces personnes, aucune des personnes présentes ici, qui n'a pas d'enfant, qui veut avoir des enfants, y compris nos enfants, et aucun Canadien à l'avenir...nous irons tous sur le marché noir.

  +-(1205)  

    Voulez-vous faire de nous des criminels? Je n'arrive pas à croire que c'est l'intention de ce gouvernement. Je n'ose pas croire que je suis venue dans un pays qui ferait de moi une criminelle pour vouloir avoir un petit enfant qui partage mes gènes. Je serais passible d'une peine d'emprisonnement de 10 ans et d'une amende de 500 000 $; enfin, c'est ce que je crois comprendre du projet de loi dans son libellé actuel.

    Cela ressemble plutôt à une peine pour meurtre. Même une personne trouvée coupable de viol n'écope pas de 10 ans. Mais c'est la sentence que vous voulez nous infliger simplement parce que nous voulons avoir des enfants qui ont un lien biologique avec nous? C'est une perversion. Je n'arrive pas à croire que ce gouvernement...

+-

    La présidente: Je crois que M. Lunney a une autre petite question. Ensuite, nous passerons à Mme Sgro.

+-

    M. James Lunney: Merci pour votre intervention passionnée, madame Solomon.

    J'aimerais revenir à Mme Joanne Wright, parce qu'elle est l'une des quelques personnes qui représentent une agence. C'est un domaine non réglementé et nous voulons mieux comprendre comment le système a fonctionné jusqu'à présent.

    Mme Solomon a mentionné un chiffre variant entre 18 000 et 20 000 $, qui, à son avis, représente la somme que reçoit normalement une mère porteuse. Est-ce que c'est exact et aimeriez-vous dire quelques mots à ce sujet?

+-

    Mme Joanne Wright: C'est le montant moyen. C'est le montant moyen que reçoit une mère porteuse comme indemnisation au Canada à l'heure actuelle.

+-

    M. James Lunney: Très bien, merci beaucoup.

+-

    Mme Joanne Wright: Nous nous réglementons nous-mêmes.

    Mme Shirley Solomon: C'est ce qu'on gagne si on travaille chez McDonald's pendant une année.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Lunney.

    Le prochain nom sur ma liste est celui de Mme Sgro. Madame Sgro, vous avez la parole.

+-

    Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci beaucoup.

    J'aimerais remercier tous les témoins pour avoir le courage de nous faire part de leurs expériences.

    Ma première question s'adresse à Mme Joanne Wright.

    Joanne, en tant que femme, j'ai encore de la misère à comprendre que... C'est formidable qu'une femme veuille s'offrir, mais je ne comprends pas encore, tout ce qu'une femme doit traverser. Je trouve incroyable et très difficile à comprendre qu'il y a des femmes qui s'offrent pour porter l'enfant d'un couple qu'elles ne connaissent pas, qu'elles sont prêtes à faire cela et à assumer des risques.

+-

    Mme Joanne Wright: Absolument. Il y a un risque à tout et si vous compreniez ce que nous faisons, vous comprendriez également nos motivations, qui ne sont pas financières. Je reçois des appels de femmes chaque jour offrant leur service et je dois dire en toute franchise que leurs motivations sont pareilles aux miennes. Ce sont des femmes issues de la classe moyenne qui ont déjà eu leurs enfants et qui veulent aider un autre couple à en avoir également.

+-

    Mme Judy Sgro: Connaissez-vous des mères porteuses qui, après la naissance de l'enfant, ont décidé de le garder?

+-

    Mme Joanne Wright: Cela ne s'est pas encore produit au Canada.

+-

    Mme Shirley Solomon: Je m'excuse, mais il ne s'agit pas de mères porteuses; ce sont plutôt des mères gestatrices. Il n'y aucun lien biologique entre les bébés et les mères gestatrices. Ce sont des porteuses. Les ovules proviennent de la famille, de la famille à laquelle l'enfant est destiné, dans certains cas, et dans d'autres, le sperme également. Ce sont des porteuses. C'est clair. Il n'y a pas de problème au niveau du lien biologique au Canada.

    Je ne parle pas au nom de tous les autres intervenants, mais je crois que le statu quo nous convient, puisqu'il n'y a aucun lien biologique.

    Nous préférerions que vous ne parliez pas de «mères porteuses». Vous avez rencontré les mères des enfants aujourd'hui. Elles n'étaient pas les porteuses. C'était les femmes qui étaient assises dans cette salle. Ce sont elles les mères.

+-

    Mme Judy Sgro: Les, vous avez parlé, entre autres, du sens moral. Il faut comprendre que nous avons pour mandat d'examiner la loi et de faire de bonnes recommandations. Et je dois vous avouer que, personnellement, à mesure que nous avançons, j'ai le sentiment de décevoir certains, qu'il y en a qui étaient exploités, et ainsi de suite.

    J'ai maintenant une meilleure compréhension de cette question, et je tiens à vous remercier, ainsi que votre épouse, pour nous avoir fait part de vos sentiments. Il nous faut tenter d'être équitables, d'assurer une protection et d'agir en quelque sorte comme un grand frère. Il faut faire des choix judicieux, chose qui n'est pas toujours facile. C'est pour cela que nous avons de la difficulté avec ce projet de loi qui vous inquiète tellement.

    Vous m'avez aidée à comprendre; mais comment pouvons-nous faire notre travail, comment pouvons-nous vous permettre de créer une famille, tout en vous protégeant contre une exploitation possible? Est-il nécessaire d'être plus précis lorsqu'on parle de dépenses raisonnables, ou pouvons-nous tout simplement laisser l'expression telle quelle?

  +-(1210)  

+-

    M. Les Kottler: Tout d'abord, comme vous l'avez déjà entendu plusieurs fois ce matin, il est nécessaire d'avoir une réglementation, mais non une prohibition. Tous autour de cette table seraient de l'avis qu'il nous faut une réglementation. Il ne nous revient pas de décider de la valeur appropriée de l'indemnité; il faudrait en discuter à un autre moment.

    Il existe cependant des précédents au Canada, au moins dans la recherche que ceux qui sont assemblés ici ce matin ont faite—et vous êtes sans doute conscients de tout le travail que nous avons accompli—qui vous donneraient des pistes de solutions quant aux montants et aux dépenses admissibles. Je crois qu'une réglementation accorderait une protection à tous, et tous seraient à l'abri de l'exploitation si vous tenez compte de ce qui s'est fait dans le passé et jusqu'à présent.

    Les Canadiens qui sont impliqués se sont eux-mêmes réglementés. Nous avons assuré cette réglementation pendant 10 ou 15 années, et à ma connaissance, ça n'a causé aucun problème. Mais nous cherchons à avoir une réglementation formelle: les cliniques, les intermédiaires, les indemnités; sinon, il n'y aura plus aucun contrôle, et comme vous, ce n'est pas quelque chose que nous souhaitons voir.

+-

    M. Michael Koshan: Puis-je ajouter quelque chose?

    Nous devons tenir compte de l'objectif ultime. Nous voulons le supprimer des activités prohibées pour en faire une activité contrôlée. Une fois que nous aurons établi les règlements, nous pourrons planifier les étapes pour y arriver. C'est une question trop complexe dans l'immédiat. Nous voulons faire adopter un projet de loi qui nous permettra d'exercer un contrôle, de réglementer, de protéger les intérêts de tous les Canadiens, plutôt que de se perdre dans les détails et la confusion.

    À la réunion précédente, Alan a parlé de la «vue d'ensemble». Il faut tout d'abord examiner la question dans son ensemble—apporter les correctifs nécessaires, savoir de quoi il s'agit—et ensuite on passe aux détails. Nous pouvons très bien discuter des éléments précis qui devraient se retrouver dans les règlements, nous pouvons tous exprimer nos opinions, mais je crois qu'il faut un plan général avant de passer aux éléments plus précis. C'est dans les règlements que nous allons pouvoir régler ces questions, comme on a déjà répété maintes fois aujourd'hui. Merci.

+-

    Mme Judy Sgro: Merci beaucoup.

+-

    Mme Shirley Solomon: Puis-ajouter quelque chose?

    Je crois qu'il est absolument essentiel pour nous, les citoyens de ce pays, de croire toujours que la liberté de choix et la liberté de la vie privée constituent un baromètre important. À bien des égards, je crois que c'est comme ça qu'un pays se regarde. Lorsque les gouvernements décident comment nous créerons nos familles, lorsqu'il s'agit d'une question de la vie privée et de choix, eh bien, cela me choque énormément.

    Je suis d'accord avec ce que les gens ont dit aujourd'hui au sujet des règlements. Mais nos idées en ce qui concerne les règlements et les vôtres peuvent varier énormément. Je crois que tous les personnes intéressées, y compris les futurs parents et les autres personnes intéressées, devraient faire partie de la séance du counseling. Je crois que les gens devraient faire des choix éclairés et que toutes les parties intéressées devraient être traitées de façon respectueuse, honorable et véridique. Nous croyons que le rôle du gouvernement n'est pas de nous dire qu'on devrait interdire ces processus en refusant de rénumérer ces gens, mais plutôt de dire «nous savons que cela se produit»—nous vous avons tous dit que nous le ferons en cachette s'il le faut—«faisons de notre mieux pour tous les Canadiens qui aimeraient avoir leur famille de cette façon». Nous pourrions ainsi réglementer le système en nous assurant que tout le monde y trouve son compte.

+-

    La présidente: Merci, madame Solomon. Nous donnerons maintenant la parole à Mme Thibeault, qui aimerait poser une ou deux questions.

[Français]

+-

    Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Bonjour messieurs, dames.

    Madame Wright, j'aimerais que vous m'apportiez certains éclaircissements. Depuis plusieurs mois, ici, au comité, on parle de mères porteuses; or, je n'ai jamais eu une idée claire du nombre de personnes en cause. Vous dites que vous avez une clinique depuis plusieurs années, que vous avez réuni des mères porteuses et des couples qui voulaient des enfants. De combien de couples, de personnes et de naissances résultant de vos interventions parle-t-on?

  -(1215)  

[Traduction]

+-

    Mme Joanne Wright: Nous arrivons à réunir entre 50 et 100 couples et mères porteuses par an en moyenne, mais sans doute pas autant de bébés qui naissent. Ce n'est pas chaque couple qui connaît du succès. Nous aurions peut-être entre 40 et 50 bébés par an. Il ne s'agit pas alors d'un très grand nombre. Je tiens à vous préciser qu'il s'agit de mères porteuses. Ces mères n'ont aucun lien biologique avec les bébés.

[Français]

+-

    Mme Yolande Thibeault: Il va peut-être falloir trouver un terme français équivalent à «gestational carrier». Je ne connais pas le terme français.

    Lorsque vous parlez de 50 à 100 couples par année, est-ce qu'il s'agit, au meilleur de votre connaissance, de chiffres qui se limitent à votre clinique, ou qui couvrent le Canada entier?

[Traduction]

+-

    Mme Joanne Wright: Avez-vous une expression pour désigner une «surrogate carrier» en français? Existe-t-il un tel terme?

    Je ne gère pas une clinique et je n'offre pas des procédures FIV. Par contre, je fais de la médiation et je réunis des couples avec des mères porteuses. Les chiffres que je vous ai donnés sont mes propres chiffres.

[Français]

+-

    Mme Yolande Thibeault: Pour votre clinique, et non pas pour le Canada entier, est-ce exact?

[Traduction]

+-

    Mme Joanne Wright: Je travaille partout au Canada.

+-

    Mme Yolande Thibeault: Ah oui.

+-

    Mme Joanne Wright: Je n'ai pas les chiffres des autres. Je vous ai donné mes chiffres à moi.

[Français]

+-

    Mme Yolande Thibeault: Vous ne parlez que pour vous-même. Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

-

    La présidente: Y a-t-il d'autres questions?

    Étant donné qu'il n'y a plus de questions, j'aimerais, au nom du comité, vous remercier beaucoup d'avoir comparu et d'avoir partagé avec nous certains de vos sentiments et croyances très profonds. Nous avons beaucoup appris ce matin. Nous sommes très reconnaissants non seulement à l'égard du dernier groupe de témoins, mais aussi à l'égard de tous les gens qui ont participé à ce processus avec nous. Merci beaucoup.

    La séance est levée.