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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 18 septembre 2003




¹ 1535
V         Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.))
V         M. Robert Marleau (Commissaire à la protection de la vie privée par intérim, Bureau du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada)

¹ 1540
V         Le président

¹ 1545
V         Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne)
V         M. Robert Marleau

¹ 1550
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Robert Marleau

¹ 1555
V         Le président
V         M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.)

º 1600
V         Le président
V         M. John O'Reilly
V         Le président
V         M. John O'Reilly
V         M. Robert Marleau

º 1605
V         M. John O'Reilly
V         M. Robert Marleau
V         M. John O'Reilly
V         Le président
V         M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC)

º 1610
V         M. Robert Marleau
V         Le président
V         M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)

º 1615

º 1620
V         M. Robert Marleau

º 1625
V         Le président
V         M. Pat Martin (Winnipeg-Centre)
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         M. Robert Marleau

º 1630
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Robert Marleau
V         Le président
V         M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.)
V         M. Robert Marleau

º 1635
V         M. John Bryden
V         M. Robert Marleau
V         Le président
V         M. John Bryden
V         M. Robert Marleau

º 1640
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)

º 1645
V         M. Robert Marleau
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Robert Marleau

º 1650
V         Le président
V         M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.)
V         Le président
V         M. Sarkis Assadourian

º 1655
V         Le président
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. Robert Marleau
V         Le président
V         M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)

» 1700
V         M. Robert Marleau
V         M. Massimo Pacetti
V         Le président

» 1705
V         M. Robert Marleau
V         Le président
V         M. Robert Marleau
V         Le président

» 1710
V         M. Robert Marleau
V         Le président
V         M. Robert Marleau

» 1715
V         Le président
V         Mme Diane Ablonczy
V         Le président
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Robert Marleau
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral

» 1720
V         M. Robert Marleau
V         Le président
V         M. Inky Mark
V         M. Robert Marleau
V         Le président
V         M. Sarkis Assadourian
V         M. Robert Marleau
V         M. Sarkis Assadourian
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 070 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 18 septembre 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour à mes collègues et à nos invités.

    Avant d'aborder l'ordre du jour, je voudrais profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue à de nouveaux greffiers à la procédure qui se joignent à nous aujourd'hui pour observer ce qui pourrait les attendre. Nous voulons vous souhaiter un avenir très productif comme greffiers à la Chambre des communes.

    Je peux vous dire que certains d'entre nous sont d'avis que Bill est ici depuis trop longtemps.

    Des voix: Oh, oh!

    Le président: Non, en fait, nous sommes très privilégiés ici à la Chambre des communes d'avoir des gens aussi professionnels pour nous aider dans notre travail. En fait, l'ancien greffier de la Chambre des communes, M. Marleau, est également ici. Je suis sûr que certains d'entre vous aspireront à son poste de greffier en chef de la Chambre des communes. Quoi qu'il en soit, nous vous souhaitons bonne chance dans votre nouvelle carrière et nous vous remercions de votre dévouement et de votre intérêt à vouloir servir votre pays et votre Parlement. Merci beaucoup.

    Chers collègues, comme vous le savez, poursuivons notre examen de la carte d'identité nationale. Nous recevons aujourd'hui le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, M. Robert Marleau.

    Robert, nous sommes heureux que vous soyez de retour au Parlement, et nous sommes impatients d'entendre vos observations. Je suis sûr que nous aurons des questions à vous poser, car il s'agit d'une question qui intéresse non seulement les commissaires à la vie privée au Canada, mais également les commissaires à la vie privée que nous avons rencontrés lors de notre voyage en Europe. Il semble que le monde entier parle d'une carte d'identité nationale. C'est une question importante pour les Canadiens, et de toute évidence, il s'agit d'une question dont les Canadiens veulent entendre parler non seulement de leurs parlementaires mais aussi de leurs commissaires à la vie privée.

+-

    M. Robert Marleau (Commissaire à la protection de la vie privée par intérim, Bureau du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada): Merci, monsieur le président.

    Je dois dire que lorsque je me suis assis à cette table, je me suis rappelé quelques souvenirs. En ce moment, c'est comme mon premier cours à l'université.

    J'apprécie grandement l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant votre comité. Je voudrais vous faire remarquer qu'au cours des derniers mois, on m'a demandé souvent de faire des observations, mais parce que le comité m'a si gentiment invité, j'ai choisi de ne faire aucune déclaration publique avant ma comparution devant le comité.

    Je ferai mes observations dans les deux langues, comme j'ai l'habitude de le faire, de sorte que je passerai d'une langue à l'autre au cours de mon exposé. Je crois que le texte vous a été distribué—au cas où vous souhaiteriez suivre en même temps—quoique j'y ai ajouté quelques éléments ce matin.

[Français]

    J'apprécie grandement l'occasion qui m'est donnée de traiter avec vous de cette question. Je veux tout simplement faire quelques observations et ensuite, évidemment, comme l'a mentionné le président, je serai à votre entière disposition pour les questions.

[Traduction]

    Permettez-moi de dire d'emblée que j'appuie personnellement le concept d'un débat national sur cette question. Des citoyens éclairés prennent des décisions éclairées; ils ne peuvent donner leur consentement sur les questions de la vie privée que sur ce qu'ils comprennent.

[Français]

    Dans la société canadienne actuelle, le débat portant sur la nécessité d'une carte d'identité nationale pourrait s'avérer la question de l'heure en matière de vie privée. En effet, une telle carte exigerait la collecte, l'utilisation et la diffusion des renseignements personnels sur une très grande échelle. Nous devons donc soigneusement en soupeser les avantages, les risques et les coûts.

[Traduction]

    Le débat ne se confine pas à la simple question des cartes et englobe un système élaboré et complexe—le mot « système »—étant souligné—avec une base de données, des réseaux de communication, des lecteurs de cartes, des millions de cartes d'identité, ainsi que toute une panoplie de politiques et de procédures ayant trait à la sécurité, la vie privée et la gérabilité.

    Les coûts d'un tel système seraient colossaux. Sa simple création coûterait entre 3 et 5 milliards de dollars auxquels s'ajouteraient d'énormes dépenses de fonctionnement. Normalement on ne demanderait pas au commissaire à la vie privée d'évaluer les coûts financiers d'un projet. Mais en fait, le tout n'est pas très loin de mon champ d'intérêt et d'expertise et je serais nécessairement mieux disposé à l'appuyer si on investissait dans des ressources de systèmes qui renforcent et respectent la vie privée. Je crois que ce n'est pas le cas du système de cartes d'identité nationales. En fait, les coûts de ce système sont éclipsés par le prix que devront payer les Canadiens et Canadiennes en ce qui concerne leurs droits à la vie privée et leur relation avec l'État.

    Les cartes d'identité nationales permettent de nous identifier alors que nous avons droit à l'anonymat. À moins qu'on y intègre des paramètres technologiques, et qu'on contrôle rigoureusement leur utilisation, elles révèlent davantage à notre sujet que ce qui est strictement nécessaire pour vérifier notre identité ou pour donner une autorisation dans une situation particulière. Privées de ces paramètres technologies et de ces contrôles rigoureux quant à leur utilisation, elles s'avèrent de puissants outils qui permettent de lier nos diverses activités et d'en dresser des profils.

    En outre, il est fort peu probable qu'on puisse mettre au point ce système sans participation obligatoire, sans graves problèmes d'inexactitudes ainsi que sans des perturbations et désagréments majeurs pour les particuliers. Vous devez vous demander, si le système est obligatoire, ce qui arriverait à ceux qui ne le respectent pas?

[Français]

    Nous devons nous demander si les bénéfices qui en résulteraient justifieraient tous les coûts et non pas seulement les coûts financiers. D'aucuns prétendent que la carte d'identité nationale permettrait de lutter contre le terrorisme. De quelle façon? C'est plutôt imprécis, à moins que nous renoncions à nos traditions et que nous acceptions que nos transactions soient quotidiennement explorées et scrutées par l'État.

    On allègue aussi que la carte d'identité nationale permettrait de faire infléchir la courbe des vols d'identité. Là encore, on ne précise pas comment, mais la mise en place d'une infrastructure de lecteurs de cartes électroniques et de personnel spécialisé s'avérerait, au point de vue technique, très complexe et fort onéreuse. Malgré cela, le système reposerait sur des documents de base, tels les certificats de naissance et les permis de conduire, de sorte qu'un voleur d'identité pourrait clandestinement se procurer ces documents et demander une carte d'identité au nom d'une autre personne.

    Enfin, on fait valoir que la carte d'identité nationale faciliterait le passage de la frontière canado-américaine. Mais si les autorités américaines demandent le type d'informations qui sont contenues d'ordinaire dans un passeport, avec ou sans biométrie, ayons recours à celui-ci plutôt qu'à une nouvelle carte obligatoire pour l'ensemble des citoyens et non pas seulement pour ceux qui voyagent aux États-Unis.

¹  +-(1540)  

[Traduction]

    Dans mon mémoire, je propose que le comité se penche sur certaines questions fondamentales au système national d'identité, parce que le seul fait de poser celles-ci en souligne les conséquences à long terme—les défis d'ordre pratique et technologique que suscitent la création et la gestion d'un tel système, la nécessité de générer des cadres juridiques et politiques et les conséquences pour la vie privée. On compte au nombre de ces questions : À qui serait émise la carte d'identité? À tout le monde? Aux Canadiens et aux Canadiennes ayant atteint l'âge de la majorité? Si une carte est émise aux enfants, à quel âge le serait-elle? La participation au système et l'identification seraient-elles volontaires ou encore obligatoires? La non-conformité aurait-elle des conséquences juridiques? Quelle serait l'ampleur des données rassemblées au sujet des personnes fichées? Qui serait habilité à demander à des fins d'identification que le porteur d'une carte produise celle-ci? Qui pourrait contribuer, consulter et revoir les données du système national d'identification? Quelles utilisations de la carte et du système afférent seraient permises? Quelle structure juridique devrait être mise en place afin d'assurer l'intégrité du système et des données personnelles, de préserver l'application régulière de la loi, et d'établir la responsabilité du gouvernement et d'autres parties en cas de mauvaise utilisation ou d'échec du système? Qui assumerait l'entière imputabilité en matière de droits à la vie privée et la responsabilité d'un système national d'identité? Et enfin—et ici, monsieur le président, je voudrais suggérer respectueusement que cela est pertinent à vos délibérations particulières—quelles sont les solutions de rechange d'un tel système? Dans mon mémoire, je n'ai pas tenté de répondre à ces questions. Ce n'est pas à moi d'y répondre.

    À mon avis, les défis que pose la mise en oeuvre d'un système national d'identification pratique, abordable et respectueux des droits à la vie privée des Canadiens et des Canadiennes sont colossaux. On n'a pas avancé d'arguments irréfutables en faveur d'un tel système; s'il y en avait, ils seraient, au mieux, marginaux.

[Français]

    Comme je l'ai dit, ce n'est pas à moi de répondre à ces questions, mais à mon avis, les défis que pose la mise en oeuvre d'un système national d'identification pratique, abordable et respectueux des droits et de la vie privée des Canadiens et des Canadiennes sont colossaux. On n'a pas avancé d'arguments irréfutables en faveur d'un tel système et s'il y en avait, je crois que ceux-ci seraient au mieux marginaux.

[Traduction]

    Alors, à moins qu'on réponde à ces questions pour vous, je recommande que votre comité rejette l'idée d'une carte d'identité nationale comme irréalisable et injustifiable.

[Français]

    Alors, à moins qu'on ne réponde à ces questions pour vous et à la lumière de tout ce que j'ai dit, je recommande que ce comité rejette l'idée d'une carte d'identité nationale comme étant irréalisable et injustifiable. Comme le disait Saint-Exupéry: « Nous ne demandons pas à être éternels, mais à ne pas voir les actes et les choses tout à coup perdre leur sens. »

[Traduction]

    Je répondrai avec plaisir à vos questions.

+-

    Le président: Je pense que c'est un bon modèle pour le Parlement et les gouvernements.

    Je vous remercie beaucoup de votre exposé très franc, monsieur Marleau. Je suis certain que nous aurons beaucoup de questions.

    En fait, cette question intéresse d'autres invités qui sont ici. J'aimerais profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue à nos invités du Mexique, qui sont ici pour étudier le système de protection de la vie privée et d'accès à l'information du Canada. Il est très opportun, monsieur Marleau, que vous ayez pour auditoire des représentants d'un autre pays qui sont en fait ici pour tenter de savoir ce que le Canada fait dans ce domaine.

    Je voudrais donc souhaiter la bienvenue à nos amis et partenaires commerciaux du Mexique : Lina Ornelas, Ricardo Salgado, Jorge Nacif, Edgardo Martinez, Manuel Matus et Mauricio Ibarra de l'ambassade du Mexique. Bienvenue à tous.

    Diane Ablonczy.

¹  +-(1545)  

+-

    Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Merci, monsieur Marleau. Très heureuse de vous revoir. Pendant toutes ces années, vous présidiez à la table de la Chambre des communes avec ce visage d'homme à qui rien n'échappe. Vous nous avez manqué, et nous sommes sincèrement heureux de vous revoir. Votre exposé était excellent et très clair, et je vous en remercie.

    J'ai un certain nombre de questions. Il reste à voir combien je pourrai en poser.

    Tout d'abord, j'ai obtenu un document du Groupe de travail des sous-ministres adjoints sur l'intégrité documentaire. Ce texte fait état du pour et du contre des données biométriques, des empreintes digitales, de la lecture de l'iris et de la lecture faciale. Malheureusement, sauf dans le cas d'un ou deux avantages évidents, les désavantages de l'utilisation de chacune de ces techniques ont été supprimés du texte. Je n'ai donc pas pu savoir exactement quelle technique le ministère envisage et quels en sont les désavantages.

    Je me demande si vous avez vu ce document—ou en tous cas, la partie qui n'a pas été supprimée.

    Je vois que vous secouez la tête.

    Pourriez-vous alors dire au comité s'il existe un document ou une étude qui fait état de tous les avantages et désavantages de l'utilisation des techniques biométriques.

+-

    M. Robert Marleau: Madame Ablonczy, je dois vous dire que je n'ai pas vu ce document. J'ai vérifié auprès de notre responsable de la recherche, et notre bureau n'a pas reçu ce document, sous sa forme complète ou expurgée.

    Je n'ai pas beaucoup parlé des données biométriques dans mon exposé, mais nous abordons quand même la question. À mon avis, lorsqu'on parle des avantages et désavantages des données biométriques, je n'y vois qu'un moyen ou une technologie moderne. Ce n'est pas nécessairement parfait.

    Dans une discussion que j'ai eue avec un collègue à propos des données biométriques, je me suis rappelé avoir acheté en 1983 une Chrysler Brougham de 1978. Il ne manquait rien à ce véhicule, et il avait l'air d'un gros paquebot, comme je l'appelais. Il était équipé d'un moteur 440 et d'un carburateur à quatre barils, tout le bazar. Il y avait même un lecteur de ruban à huit pistes, ce qui m'obligeait à courir les ventes de garage pour trouver des rubans.

    Donc la biométrie n'est qu'une technologie moderne qui peut avoir son utilité dans le cas d'une carte d'identité, d'un passeport ou d'un permis de conduire. Mais c'est une technologie qui n'a pas encore fait ses preuves.

    Ce que nous avons fait, c'est que nous avons étudié les cas où on l'a utilisée. Ce n'est pas une technologie infaillible. Nous pouvons vous communiquer certaines données provenant d'une étude qui a été faite aux États-Unis sur la lecture faciale. Cette technologie présentait un taux de succès d'environ 99 p. 100. Mais si votre taux d'échec est de 0,6 p. 100 ou 0,8 p. 100, et que l'on tient compte du fait que 25 millions de voyageurs passent par les aéroports de l'Amérique du Nord, ce taux d'échec minuscule signifie qu'environ 170 000 personnes par année ne sont pas reconnues ou échouent au contrôle biométrique. Cela veut dire que dans un aéroport, ce serait 450 personnes par jour qui déclencheraient une fausse alarme avec la technique de lecture faciale qu'on a aujourd'hui.

    Ce qui me préoccupe à propos de la biométrie, ce n'est pas tant son taux d'échec que ce qui arrive à la personne lorsque le système flanche. Vous vous présentez au bureau de l'immigration, vous échouez le test biométrique, mais vous êtes bien qui vous dites être et votre photo dit qui vous êtes. Combien de temps vous faudra-t-il pour que votre nom quitte la base de données des sujets qui ont échoué? Quel processus va-t-on mettre en place pour vérifier les erreurs ou corriger le taux de rejet?

    Je me ferai un plaisir de communiquer au comité ce que nous avons en dossiers sur les systèmes qu'on utilise et leur taux d'échec. J'imagine que cela rejoint votre question sur les avantages et désavantages de la biométrie.

    À l'heure actuelle, un agent d'immigration examine une photo et prend une décision. Si des empreintes digitales ou la lecture de l'iris font partie de ce processus d'identification, l'agent aura toujours devant lui Mme Ablonczy, mais la lecture de l'iris peut lui dire qu'il s'agit d'une autre personne. Je crains entre autres que l'on substitue la technologie au jugement humain. Tant que nous n'aurons pas un meilleur taux de rendement, je pense que nous devrions y aller lentement avec la biométrie.

¹  +-(1550)  

+-

    Mme Diane Ablonczy: J'ai rencontré un expert, qui a un doctorat en études stratégiques et affaires internationales et qui enseigne à l'Université de Calgary, et il me rappelait que la carte d'identité était en usage dans un certain nombre de pays. C'était, par exemple, le cas de l'Afrique du Sud. Ce qui n'a pas empêché son gouvernement d'être renversé. Certains vous diront que c'était une bonne chose. Mais chose certaine, l'existence de la carte d'identité n'a pas empêché les gens de s'adonner à la violence. Israël est un autre pays où il existe des documents d'identité et des mesures de sécurité très rigoureuses, mais il doit se montrer constamment vigilant pour se garder de toute attaque. Ce monsieur me disait que les terroristes connus vivent dans des pays sûrs. Il est certain qu'ils ne peuvent pas voyager librement, ou du moins sans une protection quelconque. Ce monsieur me disait que le fait d'avoir une carte avec des empreintes digitales ou d'autres données biométriques risquait de créer une fausse impression de sécurité, car les gens ne comprennent pas que nombreux sont les terroristes qui ont des documents d'identité en règle; par exemple, les terroristes qui ont pris part à l'attaque contre le World Trade Centre.

    J'ai posé la question suivante à ce monsieur et je vous la pose à vous maintenant. Je veux le bien de mon pays. Je veux que la sécurité soit une préoccupation primordiale dans tout ce que nous faisons. Mais personne n'a réussi à me convaincre qu'une carte d'identité nationale de nature biométrique assurerait mieux notre sécurité. Je lui ai demandé : « Connaissez-vous quelqu'un qui est prêt à risquer sa réputation pour en faire la preuve »? Il m'a répondu : « Je savais que vous me poseriez la question. J'ai fait des recherches, et je peux vous dire que je n'ai trouvé personne ». Je vous demande donc s'il y a des opposants à la carte d'identité qui ont des arguments convaincants, arguments que nous pourrions étudier pour voir au juste ce qu'il en est?

+-

    M. Robert Marleau: Madame Ablonczy, il est sûr qu'il y a des opposants à cette mesure. L'un d'entre eux est M. Dershowitz des États-Unis, qui participera bientôt au forum sur la carte d'identité et la biométrie.

    En ce qui concerne l'utilité de la carte d'identité biométrique dans un contexte de terrorisme ou de sécurité, il y a des avantages évidents à prouver qu'on n'est pas un terroriste, que l'on est qui on dit qu'on est. Mais les terroristes ne figureront probablement pas dans votre base de données. Ce qui m'inquiète, lorsqu'on élargit le parapluie de la sécurité, c'est qu'on crée des bases de données monstres pour dépister des ennemis qui n'y figurent pas et n'y figureront sans doute jamais. Ce que vous risquez de trouver dans votre base de données, c'est un terroriste qui a réussi à fabriquer ce qui était censé être une carte d'identité à toute épreuve. Les terroristes circulent sur la planète en toute sécurité et ont souvent accès à des ressources considérables, et ils peuvent probablement réunir les ressources voulues et trouver la technologie coûteuse qu'il faut pour fabriquer des cartes biométriques.

    Ce n'est qu'une question de temps à mon avis. Je crois savoir que la nouvelle carte d'immigration canadienne, qui est presque à la fine pointe sans être biométrique, a déjà été copiée. Chaque fois qu'on prend une initiative, il se trouve toujours un criminel intelligent pour déjouer le système.

    Je tiens à souligner que lorsque la Commission sur la protection de la vie privée se penche sur des questions comme celles-là, nous tenons toujours compte de la sécurité. Nous sommes tous Canadiens et je ne voudrais pas défendre le droit à la vie privée au détriment de la sécurité des Canadiens. J'ai épousé une approche légèrement différente de celle de mon prédécesseur en ce qui concerne la surveillance vidéo, et nous étudions toujours la question. Il y a des dames qui circulent dans des terrains de stationnement le soir et qui n'ont aucune objection, et qui sont même heureuses, d'avoir des caméras de sécurité dans certains cas. La technologie pose parfois problème.

    Ce qu'il faut vraiment savoir sur le plan de la sécurité, c'est ce qu'on fait des informations que l'on recueille. À quoi cela sert-il, comment gère-t-on les informations, et quel est votre objectif? Dans le contexte de la sécurité, je crois que la base de données de la carte d'identité nationale ne vous permettra pas de démasquer beaucoup de terroristes et de criminels. Je prédis que c'est la première chose qu'ils vont éviter. Il y a un grand nombre de réfugiés dans notre pays qui ont échappé aux autorités. Ce ne sont pas ces gens-là qui vont venir s'inscrire. Dans les autres questions que j'ai posées au comité, j'ai demandé ce que peuvent faire les forces de sécurité—le SCRS, la GRC et Immigration—avec trois ou cinq millions de dollars pour mieux assurer la sécurité des Canadiens?

¹  +-(1555)  

+-

    Le président: Monsieur O'Reilly.

+-

    M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président et merci, monsieur Marleau, d'être venu.

    Je suppose que je devrais aussi vous remercier de m'avoir assermenté en 1993. Je crois que vous êtes la première personne que j'ai vue quand je suis venu ici et je vous ai considéré à l'époque comme la personne la plus importante dans ma vie.

º  +-(1600)  

+-

    Le président: Est-ce qu'il vous a demandé une pièce d'identité?

+-

    M. John O'Reilly: Non il ne m'a rien demandé.

    Depuis, bien sûr, Marleau et Montpetit est devenu ma bible et j'espère que tous ceux qui étudient la question s'en serviront comme référence.

    On semble toujours revenir à l'argument du terrorisme et de l'identification des terroristes. Je ne pense pas du tout que ce soit l'objet d'une carte d'identité nationale mais il semble qu'on revienne toujours à cela. À mon avis, je crois que nous avons déjà été trop loin, pour ce qui est de notre identité et des renseignements que nous communiquons. Si vous me donnez votre numéro d'assurance sociale, avec un bon ordinateur, je peux trouver votre déclaration de revenus électronique pour l'année dernière et probablement également sortir votre dossier médical.

    Il y a donc certaines choses qui existent déjà et je crois que nous sommes probablement allés trop loin. Je me demande s'il y a encore des informations qui figureraient sur une carte d'identité qui n'existent pas déjà. C'est ce que je pense en général de tout cela.

    Notre comité a examiné la biométrie et la reconnaissance des visages. À l'époque où j'étais à la Commission des libérations conditionnelles, nous utilisions la reconnaissance des visages, parce que dans cinq ans d'ici, on peut avoir totalement changé ou on peut s'arranger pour avoir changé—même si en regardant autour de moi, je constate qu'après 10 ans nous n'avons pas beaucoup changé, mais c'est peut-être parce que nous vieillissons tous tranquillement.

    Je ne suis donc pas sûr de ce que l'on veut exactement tirer d'une carte d'identité. Vous nous avez posé beaucoup de questions sur lesquelles le comité doit se pencher mais il y a un secteur de notre population qui est défavorisée en matière d'identification, c'est celui qui n'a pas accès à son certificat de naissance ou à un permis de conduire—parce que ces gens ne conduisent pas. Ils n'ont pas de passeport—ils ne voyagent pas. Ils n'ont pas de pièces d'identité avec photo ni de cartes de crédit avec photo. Nous, nous avons la carte de la Chambre des communes avec une photo.

    On peut avoir une carte de crédit avec sa photo. En fait, j'ai demandé une carte de crédit à Sunoco il y a des années et ils m'en ont envoyé 73 dans une boîte, toutes portant le même nom et un numéro différent. Nous savons donc que les erreurs sont possibles—cela a presque détruit ma déchiqueteuse.

    Mais quand on essaie de se demander à quoi servirait une carte d'identité, il faut savoir qu'il y a des gens qui, par exemple, sont gardés par des tuteurs, des gens qui sont frappés par le syndrome de Down, par exemple, qui n'auraient pas de pièces d'identité avec photo et qui pourraient en profiter. Ainsi peut-être que si c'était facultatif, cette carte pourrait faciliter les choses à certains de notre société qui n'ont pas la chance de pouvoir être identifiés d'une autre façon.

    Si on parle des gens qui ont un passeport, c'est très bien si l'on voyage mais tout le monde n'a pas de passeport. En fait, je crois que 53 p. 100 ou moins de la population canadienne possède un passeport ou en a besoin d'un.

    Je ne sais pas ce que vous répondriez à cela et j'aimerais également savoir aussi comment vous êtes arrivé à ce chiffre de 3,5 ou 3,25 milliards de dollars, ou autre, parce que cela ne fait pas beaucoup de différence, pour moi, à ce niveau-là. Il y a des gens dans ce secteur qui vont gagner énormément d'argent si nous nous lançons là-dedans. Évidemment, chaque fois que nous nous adressons à une entreprise de biométrie ou à quelqu'un qui fait ce genre de choses, on se fait très bien recevoir—je pense que c'est compréhensible—et tout le monde est très positif et très certain que son produit est infaillible.

    Peut-être donc que je vois les choses un peu différemment mais ce sont là les questions que je voulais vous poser.

+-

    Le président: Une petite rectification, John. Je ne pense pas avoir jamais été invité à un cocktail. J'ai eu droit à des sandwichs, mais je ne suis pas sûr...

+-

    M. John O'Reilly: Il y avait beaucoup de gens qui se plaignaient un verre à la main. C'est ce que je voulais dire.

+-

    M. Robert Marleau: Monsieur le président, vous comprendrez que ces affaires de cocktail et de dîner sont un sujet très délicat pour moi.

    Pour ce qui est des personnes handicapées, désavantagées et des personnes dont les revenus sont limités qui veulent ouvrir un compte bancaire et avoir une carte de crédit, ce sont des questions, à mon avis, qui doivent être réglées par notre société et nos gouvernements. Je crois savoir que la question a été réglée dans certaines provinces tout particulièrement pour les personnes handicapées et désavantagées. C'est une question de besoins et de nécessité. C'est un besoin que je peux avoir à cause de mon poste ou de ma situation dans la société et qu'il existe des garde-fous très simples en matière de sécurité. Mais j'inverse la question : combien de ces gens mettriez-vous dans une base de données bancaires nationale de cartes d'identité avec les renseignements indiquant les raisons de l'octroi de cette carte?

    C'est à ce niveau que j'ai des problèmes. Si quelqu'un a besoin d'une carte d'identité pour fonctionner et la réclame volontairement, on peut lui en demander la raison mais il faut lui demander en même temps l'autorisation de divulguer certains renseignements. Certains de ces renseignements concernent la santé. D'autres peuvent toucher la situation familiale, par exemple, quand vous avez été adopté. Toutes ces questions relèvent de la protection de la vie privée et des renseignements personnels.

    Si cette carte n'est pas obligatoire mais à la demande, mon bureau se fera un plaisir de faire une évaluation d'impact sur la vie privée, si un tel programme est proposé, et de conseiller le gouvernement au niveau des garanties et des nécessités appropriées dans ce cas d'espèce. Nous le faisons déjà pour certaines activités dans le secteur public.

    Pour ce qui est du coût, nous n'avons pas fait d'analyse scientifique; nous avons fait des comparaisons.

    En 1999, DRHC en réponse au rapport du vérificateur général, je crois, à propos de la carte d'assurance sociale, a indiqué qu'une révision du système lui coûterait environ 3,6 milliards de dollars auxquels s'ajouteraient des dépenses annuelles. Pour la simple carte portant le numéro d'assurance sociale et cette carte n'est pas associée à tout l'éventail de renseignements auxquels pourrait correspondre une carte d'identité nationale.

    Au Royaume-Uni, le débat sur la carte d'accréditation proposée par les autorités est très animé. Elle présente des avantages. Il y a des abus et des fraudes à la sécurité sociale mais le coût estimé, en dollars canadiens, est de 7,2 milliards, soit 3,5 milliards de livres. Un spécialiste indépendant embauché par le commissaire britannique à l'information et à la protection des renseignements personnels qualifie ce chiffre d'exagérément optimiste. Le débat sur le coût n'est donc pas clos, mais il y a des possibilités de comparaison.

    Le gouvernement britannique envisage aussi de faire payer sa carte par chaque citoyen et il parle de 39 livres ou de 85 $CAN par carte. Cette carte sera obligatoire mais ce sont les citoyens qui devront la payer. Donc, selon cette estimation, il faut compter des milliards et selon certaines études cette carte britannique pourrait coûter près de 100 livres c'est-à-dire à peu près 218 $CAN.

    Dernièrement il a été question aux États-Unis d'une carte d'identité nationale, mais l'administration Bush a rejeté cette idée. Quoi qu'il en soit, les chiffres avancés approchaient les 50 milliards de dollars avec un coût d'exploitation annuel de 3 à 6 milliards de dollars. La population est plus importante et les demandes du point de vue de la sécurité sont peut-être un peu différentes, etc., mais ce sont les comparaisons dont nous nous sommes servis pour arriver à notre chiffre de 3,5 à 5 milliards de dollars.

º  +-(1605)  

+-

    M. John O'Reilly: Seriez-vous favorables à un système comme celui de la province de l'Alberta qui émet des permis pour les conducteurs mais aussi des permis pour les non-conducteurs, ce qui permet à tout le monde d'avoir une carte d'identité avec une photo? Est-ce que ce pourrait être une autre solution pour fournir une carte d'identité à ceux qui en veulent une?

+-

    M. Robert Marleau: Ma réaction devant ce genre de programme c'est que pour ceux qui ont besoin d'une carte, ils devraient pouvoir en avoir une. Le point essentiel pour notre bureau est qu'ils donnent leur consentement quand ils font la demande d'une de ces cartes quant à l'utilisation des données qui accompagnent ces cartes, quant à ce qui peut ou ne peut pas être divulgué. Il faut que les deux aillent de concert. S'il y a un besoin, de tels programmes sont possibles, mais il faut que les renseignements personnels soient protégés.

+-

    M. John O'Reilly: Merci de nous avoir donné cette feuille de route fort utile, en passant.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci.

    Inky, en passant, re-bonjour. Vous nous avez manqué mais nous savons que pendant votre absence vous avez continué à nous proposer d'excellents amendements pour notre étude du projet de loi sur la citoyenneté. Je suis heureux de vous revoir parmi nous en bonne santé. Vous êtes un élément inestimable de notre comité et nous sommes heureux de vous voir de retour, en bonne santé et prêt à recommencer.

+-

    M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC): Monsieur le président, je vous remercie de votre amabilité. Je suis content d'être de retour.

    Robert, je suis content de vous revoir. Comme John, c'est vous qui m'avez fait prêter serment quand je suis arrivé à la Chambre en 1997.

    Je souhaite aussi la bienvenue à votre collègue.

    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Au nom du Parti conservateur, j'ai toujours dit que nous nous opposerions à tout projet de cartes d'identité nationales. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il faut rejeter cette idée, tout d'abord parce qu'il n'y a pas vraiment de nécessité et qu'ensuite c'est un système vraiment compliqué.

    Il faut que notre comité tire des enseignements d'un système de cartes d'identité déjà en place, celui de l'enregistrement des armes à feu et de leur propriétaire. Je crois que nous pouvons en tirer des leçons. Comme vous le savez, nous entamons le deuxième milliard de dépenses. En termes de conformité, vous savez aussi qu'il y a un problème. Quant à l'exactitude de ce registre, il est plein de trous. Il y a donc toute une série de leçons à tirer du succès ou de l'insuccès de ce système. Nous ne sommes même pas exactement sûrs du nombre de propriétaires d'armes à feu qui se sont enregistrés.

    Diane, vous a posé une question sur la biométrie, mais il est plus important que le commissaire à la protection de la vie privée prenne le temps de faire une analyse de la réalité du coût global que cela représenterait. Je crois que c'est l'erreur qu'a fait le gouvernement en 1993 quand il a mis en place le système d'identification des propriétaires d'armes à feu. Il n'a jamais vraiment fait le travail que vous avez déjà fait avec la série de questions que vous nous avez présentées aujourd'hui. En fait, le gouvernement d'alors n'a même pas voulu écouter ce que disaient les parlementaires dans une étude réalisée en 1993 sur certains des problèmes que posait la mise en place d'un système d'enregistrement national.

    Ce sont les questions de vie privée et de liberté civile qui m'inquiètent. Dans une société libre nous courons toujours le danger d'une omniprésence de plus en plus accrue du gouvernement. Quelle devrait être la part des choses entre la vie privée et l'État? Jusqu'où devrait aller l'État dans son accès à nos affaires privées?

º  +-(1610)  

+-

    M. Robert Marleau: Vous me posez là toute une question, monsieur Mark. On rédige des thèses sur cette question. Plutôt que de vous présenter la position du Bureau du commissaire à la vie privée, je vous fais part de mon opinion personnelle. Comme vous pouvez vous en douter, je parfais encore mes connaissances sur ces sujets.

    C'est l'État qui doit ouvrir la voie dans tout programme qu'il met en place pour protéger les droits des citoyens qu'il régit. Autrement dit, il n'incombe pas au public de se battre pour faire respecter son droit à la vie privée, et il n'incombe pas au commissaire de se présenter devant la Cour fédérale du Canada au nom d'un citoyen pour prouver qu'on a violé les droits de celui-ci.

    Dans mon rapport annuel de cette année, je félicite le gouvernement, particulièrement le Conseil du Trésor, pour sa politique d'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée qui prévoit que, lorsqu'on revoit un programme important du gouvernement et que des bases de données sont réunies, modifiées, revues et augmentées, une proposition doit d'abord être présentée à mon bureau. Nous sommes alors en mesure d'examiner la proposition et de formuler des recommandations sur l'amélioration éventuelle de la protection de la vie privée des Canadiens avant que ces changements ne soient apportés.

    Je ne suis commissaire que depuis très peu de temps et je dois dire que j'ai été très impressionné non seulement par la qualité du travail accompli par mon personnel, qui est peu nombreux lorsqu'il doit faire face au gouvernement, mais aussi par la qualité du dialogue qui a cours entre les ministères en matière de vie privée. La qualité de ce dialogue m'a rassuré depuis mon arrivée.

    Les ministres ne tentent jamais de violer délibérément le droit à la vie privée des Canadiens. Je n'oserai jamais prétendre cela. J'estime néanmoins que c'est l'État qui doit ouvrir la discussion afin que la vie privée ne soit pas abordée après coup ou par suite de mesures que j'aurais prises.

    C'est mon opinion personnelle. Dans le contexte d'une saine gestion publique et de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement... À mes yeux, pour qu'il y ait paix, ordre et bon gouvernement, l'État doit faire preuve de leadership dans ces trois domaines, y compris dans la protection du droit à la vie privée des Canadiens.

+-

    Le président: Merci.

    Vous avez la parole, Jerry.

+-

    M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): Bob, je suis ravi de vous revoir et je vous félicite de cette nomination. Ce sera tout un défi à relever mais je suis certain que vous saurez le faire de façon très compétente. Nous tous, à la Chambre, avons été extrêmement satisfaits de tout le travail que vous avez accompli à la Chambre pendant votre carrière et nous serons heureux de travailler à nouveau avec vous.

    Vous avez raison de dire que le gouvernement doit donner l'exemple en ce qui a trait à la protection de la vie privée... toutes ces questions sont très importantes. Le problème, c'est que c'est coûteux. Nous ne nous sommes pas penchés sur les avantages. Vous avez posé la question de savoir si cela comportait des avantages. À mon sens, il serait très avantageux pour tous si tous les paliers de gouvernement et tous les intéressés travaillaient ensemble à la sécurité et à la protection de la vie privée.

    À l'heure actuelle, des gens voient leur nom figurer sur des listes parce qu'ils reçoivent certaines prestations ou en raison de ce qu'ils ont fait. Ainsi, ceux qui ont un permis de conduire de la province ont réussi le test de conduite automobile. Tous les Canadiens, parce qu'ils ont la citoyenneté canadienne, ont droit à des soins de santé, ont droit à des prestations de vieillesse, ont droit à toute une gamme de services gouvernementaux. Il existe des règles concernant la vie privée qui rendent étanches les services de santé, les programmes pour les personnes âgées, les services de permis de conduire. Cela n'empêche pas que toutes ces listes continuent d'exister et que toutes ces listes relèvent d'un ministère ou d'un service du gouvernement fédéral, provincial ou municipal.

    Vous avez dit que la mise en oeuvre d'une carte d'identité nationale coûterait de 3,5 à 5 milliards de dollars. Vous avez aussi mentionné la carte d'assurance sociale. La création d'une carte d'identité nationale ne permettrait-elle pas la disparition de la carte d'assurance sociale? La création d'une carte d'identité nationale ne permettrait-elle pas de supprimer les listes de personnes détenant un permis de conduire? La création de la carte d'identité nationale n'allégerait-elle pas la tâche des provinces qui n'auraient plus à émettre des cartes d'assurance-maladie, des permis de conduire, etc.? Et même si la carte d'identité nationale n'est prévue qu'à une fin bien précise, elle permet d'en identifier le porteur. Elle ne donnerait pas lieu à un droit à toute une liste de services, mais permettrait d'identifier sans équivoque le détenteur de la carte.

    Je sais que vous avez remis en question le taux d'erreur dans certains cas et beaucoup d'études ont été faites par des experts sur l'aspect sécuritaire de la carte et sur la possibilité de véritablement identifier les gens avec cette carte, mais compte tenu de l'existence de toutes ces listes, ne pourrait-on pas réaliser des économies considérables en créant une carte d'identité nationale qui compenserait les coûts que vous nous avez indiqués? C'est là ma première question.

    Deuxièmement, puisque, à l'heure actuelle, ces listes sont conservées dans chacun des bureaux offrant des services, ne serait-il pas utile d'avoir une carte d'identité nationale qui donnerait à tous ces bureaux les informations dont ils ont besoin?

º  +-(1615)  

    Troisièmement, la carte aurait quand même de bons côtés qui n'ont pas encore été mentionnés. Je ne suis pas certain qu'une carte d'identité nationale nous permettrait d'identifier les terroristes, et pour ce qui est de ceux qui entrent au pays, ce ne sont habituellement pas des Canadiens de toute façon, bien que vous ayez fait mention de ceux qui se trouvent illégalement au Canada.

    Si vous étiez tenus d'avoir une carte d'identité nationale pour avoir droit à des services au pays, ou même pour occuper un emploi, ceux qui auraient le droit de travailler et qui auraient le droit à ces services seraient clairement identifiés comme Canadiens par cette carte. Du coup, on préviendrait les nombreux cas de fraude des différents systèmes dont on entend régulièrement parler.

    À mon avis, la carte d'identité nationale pourrait être très utile. Je sais que je vous ai posé beaucoup de questions, mais je crois qu'il pourrait être très avantageux de créer cette carte et qu'il est possible de prévoir toutes les mesures de protection de la vie privée nécessaires.

º  +-(1620)  

+-

    M. Robert Marleau: Merci, monsieur Pickard, et je vous remercie pour votre accueil chaleureux.

    Je ne veux pas dramatiser, mais il me suffit de jeter un coup d'oeil à mon propre portefeuille—ceci n'en est que la moitié—pour voir qu'il peut y avoir certains avantages à une carte unique portant tous les renseignements nécessaires sur mes activités quotidiennes. L'une de ces cartes, que je ne nommerai pas car je ne fais pas de publicité, enregistre combien de bouteilles de Cabernet Sauvignon j'ai achetées le mois dernier au magasin des alcools, et pas seulement le nombre de bouteilles, mais même la marque. À cause de cela, je ne l'utilise pas au magasin des alcools.

    Nous ne sommes pas naïfs au point de dire qu'une carte ayant une certaine universalité... je ne veux pas dire universelle, parce que je pense que des gens raisonnables voudront fixer des limites raisonnables à l'information consignée sur la carte. Au Royaume-Uni, on étudie la possibilité d'une carte établissant l'admissibilité, par exemple, si le porteur est admissible à un service social donné ou à l'obtention d'un permis de conduire.

    Mais, comme je l'ai dit au début de mon exposé, ce que tout cela représente, ce n'est pas une carte. C'est plus qu'une simple carte. C'est l'information et les bases de données et le système nécessaires pour la rendre efficace—car il serait impératif qu'elle soit efficace. Et pour garantir le respect de la vie privée, qui aurait accès à ces données, qui s'occuperait de les mettre à jour? En cas d'erreur, quels sont les recours?

    Imaginez une carte sur laquelle est consigné tout mon dossier de santé, mon permis de conduire et mon permis de possession et d'acquisition d'armes à feu... ce serait plus facile de me présenter chez Canadian Tire muni d'une carte d'identité renfermant tous ces renseignements.

    Mais il y a une sécurité, il y a des coupe-feu entre chacune de ces cartes, de sorte qu'il n'y a pas de communication entre elles. Pour moi, en tant que simple citoyen, la carte dont je vous ai parlé, celle que j'utilise au magasin des alcools, ne peut pas utiliser l'information qui est consignée dans une autre banque de données pour cette autre carte que j'ai dans mon portefeuille. Il y a une sorte de coupe-feu naturel qui me rassure. La question que les Canadiens doivent se poser, c'est : « Suis-je disposé à accepter cet inconvénient? Combien de cartes suis-je disposé à transporter, et dans quelle mesure suis-je rassuré au sujet des programmes auxquels j'adhère ou pas? »

    Vous soulevez un argument valable au sujet des gens qui fraudent le gouvernement ou le secteur privé, à savoir que s'ils n'avaient pas de carte d'identité, ils ne seraient peut-être pas des fraudeurs aussi efficaces.

    Mais je vais vous présenter la chose sous un autre angle. Vous avez parlé d'un partenariat entre tous les niveaux de gouvernement. Notre pays est complexe, comme vous le savez mieux que moi. C'est une fédération et les compétences sont partagées et éparpillées pour ce qui est des certificats de naissance et des permis de conduire. La communauté autochtone est encore un autre contexte dont il faudrait tenir compte.

    Dans le cas, disons, des réfugiés portés manquants et du vol d'identité, je vous dirai, monsieur, qu'à part le gouvernement, le secteur privé a aussi une responsabilité à cet égard. À l'époque où quelqu'un pouvait encaisser un chèque en imitant votre signature après vous avoir volé votre chéquier portant votre nom, votre adresse, votre numéro de téléphone et votre numéro de compte, est-ce que vous appeliez cela un vol d'identité? Non, on appelait cela usage de faux et fraude. Maintenant, si les mêmes renseignements sont consignés sur une bande magnétique et si quelqu'un réussit à utiliser votre carte de crédit, tout le monde semble dire que c'est un vol d'identité. Le simple fait que ce soit numérisé et imprimé sur un bout de plastique ne signifie pas que c'est un vol d'identité. C'est la même fraude, mais sous forme de faux électroniques.

    Le secteur privé, qui ne cesse de sortir de nouvelles technologies, doit être en partenariat avec les gouvernements pour s'efforcer de trouver une façon d'empêcher de telles activités frauduleuses, ou bien d'en diminuer l'incidence.

    Mais voulons-nous que le gouvernement du Canada impose à tous les Canadiens une carte qui serait obligatoire afin de résoudre ce problème, obligeant les Canadiens qui sont honnêtes, qui ne s'adonnent pas à la fraude et qui n'abusent pas des services, à se soumettre aux mêmes exigences en matière d'identité qui nous semblent nécessaires pour attraper les criminels.

º  +-(1625)  

+-

    Le président: Pat Martin.

    En passant, nous sommes heureux que vous soyez de retour à notre comité.

+-

    M. Pat Martin (Winnipeg-Centre): Merci beaucoup. Il y a beaucoup de bonne volonté dans les parages aujourd'hui.

    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Marleau. Je tiens à dire à quel point j'apprécie à la fois le ton et la teneur de votre rapport, parce qu'au nom du Nouveau Parti démocratique, je partage assurément beaucoup de vos préoccupations. J'exprimerais d'une manière encore plus énergique certaines de nos préoccupations. Nous avons de très sérieuses réserves. En termes simples, cette idée d'une carte d'identité évoque immanquablement le dictateur omniprésent, la répression, pour ne pas dire le fascisme dans l'esprit de ceux qui viennent des pays où l'on avait de bonnes raisons de craindre une telle réalité.

    Vous avez posé les bonnes questions, celles auxquelles il faut répondre à mon avis. Serait-il obligatoire d'avoir cette carte sur soi? Qui aurait le droit d'exiger qu'on présente une telle carte? Et quelles seraient les conséquences, si l'on refusait ou si l'on était dans l'incapacité de produire cette carte? Indéniablement, c'est l'une des caractéristiques de base d'une société libre que je puisse sortir ce soir pour aller me promener dans la rue vêtu seulement de mon short de jogging, sans emporter de portefeuille ni carte d'identité.

    Premièrement, à quoi servirait-il de le faire si ce n'est pas obligatoire? Si c'était facultatif, cela ne servirait à rien. Et deuxièmement, comment allons-nous faire exécuter la loi? Qui aurait le droit d'exiger que l'on produise cette carte? S'il faut la porter en tout temps, aussi bien me tatouer un code à barre sur le front; comme ça, chacun saura tout à mon sujet en tout temps. Il suffirait de lire le code avec un détecteur optique.

+-

    Le président: Bill a déjà proposé cette solution.

+-

    M. Pat Martin: Ah bon, c'est une option. C'est bien. Franchement, les puces sont maintenant tellement petites. Celle que l'on envisage d'insérer dans les billets de banque n'a pas besoin de source électronique. Sa source d'énergie est la lumière et elle peut contenir une énorme quantité d'informations, bien plus que mon identité, mon adresse ou mon lieu de naissance.

    Je voudrais vous en parler longuement, mais je vais couper court. Les seules personnes, à ma connaissance, qui veulent de cela, d'une manière avérée, et l'on vient tout juste de m'en signaler une autre aujourd'hui, une troisième... La première est le ministre de l'Immigration, la deuxième est Allan Dershowitz, et la troisième est le premier ministre de l'Angleterre. Je viens de lire dans le Guardian un article dans lequel on explique tous les tenants et aboutissants de ce dossier qui divise le cabinet en Angleterre. Cela sème vraiment la discorde au sein du cabinet du Parti travailliste d'Angleterre. Beaucoup de gens là-bas évoquent les mêmes problèmes.

    Allan Dershowitz est un conférencier invité à notre grande conférence. Nous le faisons venir moyennant des honoraires de 35 000 $ dans le but, je suppose, de donner le ton à toute la conférence, de déterminer à l'avance l'issue de la conférence. Un avocat de Hollywood qui a défendu O.J. Simpson à grands frais viendra au Canada pour nous dire que c'est une bonne chose.

    Je ne veux pas faire un discours là-dessus, mais plutôt vous demander votre avis. Pourriez-vous nous en dire un peu plus long sur les réserves que vous avez soulevées quant à savoir qui devrait être autorisé à exiger la production d'une telle pièce d'identité, et des conséquences possibles si quelqu'un est dans l'incapacité de la produire?

+-

    M. Robert Marleau: Je vais essayer de répondre directement à cette question. J'essaie d'éviter d'évoquer le passé. Nous devrions aborder ce débat dans l'optique de l'avenir. Nous sommes au Canada à notre époque où la technologie progresse et nous ne pourrons jamais échapper à la technologie. Mon point de vue, quant au lien entre la technologie et le respect de la vie privée, c'est que c'est cette dernière qui doit pouvoir définir le cadre dans lequel l'information recueillie est utilisée et divulguée. C'est donc une sorte d'enveloppe dont on entoure la technologie pour la circonscrire, au lieu d'essayer de la combattre.

    Si l'on adoptait une carte d'identité au Canada, il faudrait que ce soit obligatoire, faute de quoi ce serait inutile, à mon avis. Si c'est facultatif, personne ne pourrait exiger de l'avoir. Si c'est facultatif, je la produirai seulement quand je le voudrai bien, quand je le jugerai nécessaire. C'est un débat que vous devez également tenir. S'il s'agit plutôt de favoriser le progrès social de notre société en atténuant certains des problèmes que M. Pickard a évoqués, alors nous devrions peut-être envisager un projet beaucoup plus restreint. Mais dès que c'est obligatoire—j'y ai fait allusion dans mon exposé—on est confronté à des problèmes de non-respect de la loi. Cela soulève toute la question de la paix, de l'ordre et de bon gouvernement, ce qui va à mon avis au coeur même des traditions canadiennes et de la société canadienne. Si vous décidez de punir les gens pour défaut de conformité, alors vous devez en examiner les conséquences. C'est un peu comme d'autres débats que vous avez eus à la Chambre, et même au cours de la présente législature, dans des dossiers où tout n'est pas blanc et noir, où il y a des zones de flou. Mais si ce n'est pas obligatoire, alors ce sera utile et efficace pour certaines parties de la société.

    Une observation que j'ai lue et qui émane du ministère—je ne peux pas l'attribuer au ministre—est que les membres de certains groupes ethniques, certains immigrants, aimeraient avoir cette carte sous une forme ou sous une autre, parce que pour eux, c'est l'affirmation visible de leur citoyenneté et ils sont fiers d'être Canadiens. Mais j'ose dire qu'une telle carte aura beau comporter des éléments biométriques, une photographie et une base de données monstre, cela ne facilitera pas pour autant l'entrée pour ce citoyen canadien aux États-Unis. Qu'est-ce que le douanier va examiner en premier? Ce ne sera pas la carte. Si des préjugés font obstacle à nos citoyens qui veulent franchir une frontière étrangère, la carte d'identité ne va pas faire disparaître ces préjugés.

º  +-(1630)  

+-

    M. Pat Martin: Je suis très content que vous ayez soulevé la question des Autochtones. Il y a chez les Autochtones un long historique, une tradition de refus d'être recensés, parce que dès que les gens apprenaient que vous aviez quatre enfants, ils s'en emparaient et les enfermaient dans des pensionnats. Cela pose donc un véritable problème à cause de la méfiance des Autochtones vis-à-vis du recensement.

    Selon un dicton, ceux qui veulent sacrifier la liberté personnelle et la liberté civile sur l'autel de la sécurité ne méritent ni l'une ni l'autre. C'est assurément le point de vue du NPD. S'il reste du temps, peut-être pourriez-vous commenter cela.

    Reste-t-il du temps?

+-

    Le président: Le témoin a le temps de commenter brièvement.

+-

    M. Robert Marleau: J'aurais dû le mentionner. L'inquiétude de mon bureau au sujet d'une carte facultative, c'est ce que nous appelons le glissement progressif. On commence par une carte qui fait tout cela sur une base volontaire, et l'on constate ensuite un glissement progressif dans son utilisation. Nous en avons pour preuve notre propre expérience canadienne et l'utilisation progressivement plus étendue de la carte d'assurance sociale, et notre bureau a reçu au fil des années un très grand nombre de plaintes quant aux abus dans ce domaine. Beaucoup de Canadiens ne le savent même pas. Beaucoup de Canadiens produisent leur carte d'assurance sociale sur demande. Ils supposent simplement qu'ils doivent le faire. Il faut donc se préoccuper également de cet aspect de l'envahissement progressif dans l'utilisation des cartes facultatives.

+-

    Le président: John Bryden

+-

    M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Je voulais simplement poursuivre, au sujet des immigrants illégaux sans papiers qui sont actuellement au Canada. En appliquant la règle des 10 p. 100, en comparant avec les États-Unis, il devrait y en avoir 300 000. Je pense comme vous que cette carte doit être obligatoire. Revenons à l'observation faite par M. Pickard : 300 000 sans-papiers auraient tout à coup besoin d'une carte d'identité pour obtenir les services auxquels ils ont maintenant accès, et simplement pour se débrouiller, dans notre société. Si le gouvernement opte pour la carte d'identité obligatoire, ne créerait-il pas ainsi un besoin pressant et important de vols d'identité? Ces 300 000 personnes ne voudraient-elles pas toutes, soudainement, mettre la main sur l'identité de divers Canadiens, exposés ainsi au vol de leur identité?

+-

    M. Robert Marleau: Voilà une excellente question, monsieur Bryden. Il n'y a qu'à songer à la situation de la carte verte, aux États-Unis, où cette carte est nécessaire pour travailler. Il est très difficile de gérer les cartes vertes. Il y a un très grand marché de cartes, qui sont achetées par ceux qui n'y ont pas droit.

    Je pense donc comme vous qu'on créerait un marché actuellement inexistant. Il faudrait faire une analyse des coûts et des avantages qu'on obtiendrait.

º  +-(1635)  

+-

    M. John Bryden: Je crois qu'on peut aller un peu plus loin que ce que vous avez envisagé.

    Le besoin pour cette carte d'identité serait-il, particulièrement chez les criminels qui auraient besoin de la grande sécurité conférée par la carte d'identité nationale, qu'il y aurait un grand désir d'en obtenir. Ce qui m'inquiète, c'est que soient ciblés des Canadiens qui vivent seuls, peut-être même dans la rue, mais qui ont une identité, des papiers, mais pas de proches ni personne qui remarqueraient leur disparition.

    Je crains qu'on crée une situation où des gens seraient tués, éliminés, ou qui disparaîtraient, au profit de ceux qui mettraient la main sur leur carte d'identité, dans le but d'obtenir un passeport, des services, etc. C'est ce que je crains beaucoup.

+-

    M. Robert Marleau: Je crois que pour les criminels, la fin justifie les moyens.

    Mais monsieur Bryden, je crois que nous parlons davantage de la possibilité de gérer le système, de sa mise en oeuvre, des façons de palier ces problèmes. Pour ce dont vous parlez, vous êtes bien loin des questions que j'ai présentées au comité, pour qu'il les pose.

    Je ne veux pas minimiser la question fondamentale que vous soulevez. Je dirais que c'est une question de gestion. Nous aurions une carte, et des données y seraient inscrites, de même que dans des bases de données. Des éléments de notre société voudraient s'y fondre, ainsi que les criminels. Pour cela, je pense que c'est une question de gestion et de mise en oeuvre du régime.

    Vous craignez que cela crée un marché noir de cartes d'identité. On ne peut qu'imaginer l'ampleur des actes illégaux qui pourraient être commis.

+-

    Le président: Je présume que John a parlé du pire cas de vol d'identité.

    J'aimerais rectifier ce qu'a dit John, au sujet du chiffre de 300 000 sans-papiers. Je ne voudrais pas que quiconque ait l'impression qu'il y a 300 000 immigrés illégaux au pays et je ne sais pas si c'est ce que vous vouliez dire. Je sais quelle formule vous avez employée, mais l'expérience américaine est bien différente de la nôtre. Je ne pense pas que nous ayons vu ou entendu ces chiffres auparavant.

    Je veux simplement faire cette rectification en votre nom, John : nous ne parlons pas de 300 000 immigrants illégaux. Je ne veux pas me lancer dans un débat sur les chiffres, mais précisons, qu'il ne s'agit certainement pas d'un nombre dans les six chiffres.

+-

    M. John Bryden: Merci, monsieur le président.

    Si vous me permettez d'aller encore un peu plus loin, dans la même veine, je présume qu'un autre risque associé à la carte d'identité nationale, c'est de faciliter l'obtention d'un passeport. Autrement dit, pour avoir une carte d'identité nationale utile, il faudrait pour l'accorder exiger les mêmes garanties que pour un passeport, quant à l'identité. Non seulement est-ce énorme, mais ces garanties relatives à l'identité, une fois établies pour la carte d'identité nationale, devraient permettre d'obtenir automatiquement un passeport. Je crois que cela pourrait compromettre le passeport, parce qu'il serait plus facile de commettre une fraude pour la carte d'identité que pour le passeport, particulièrement en instaurant un programme comme celui-là.

+-

    M. Robert Marleau: Je présume qu'au sujet du passeport et du type de carte d'identité qui peut être envisagé, le passeport serait une base de données faisant l'objet d'une référence pour la carte d'identité, plutôt que le contraire. Il faudrait donc une carte d'identité pour obtenir un passeport, et il faudrait en demandant un passeport présenter la carte d'identité. Je pense que c'est ce que vous entrevoyez. Dans ce contexte, le passeport devient presque dépendant de la carte d'identité et certains ont dit que la carte d'identité deviendrait de facto—je n'aime pas ce terme mais il faut s'en servir en réponse à votre question—une sorte de passeport interne pour le Canada. Je nuancerais en disant que ce ne serait pas nécessairement le cas. Du côté gestion, on peut imposer des restrictions sur qui en fait la demande, sur son utilisation, etc. Mais encore une fois, le glissement pourrait causer des problèmes.

    Aux yeux de pays étrangers comme le Sénégal ou la France, cela ne diminuerait pas nécessairement la valeur de notre passeport. Cela pourrait faciliter l'obtention d'un passeport. Une fois que les données sont numérisées... Il est plus difficile de contrefaire une signature que de copier un fichier électronique. Quand on copie un fichier électronique, il est parfaitement copié. Je le répète, il faut songer aux conséquences de la numérisation, de l'accès aux dossiers, dans le cadre de la gestion du régime, et à l'incidence que cela pourrait avoir pour ce genre de documents. Si vous arrivez à voler l'identité numérique de quelqu'un, vous pouvez la reproduire. Même avec la reconnaissance faciale, il y a un aspect numérisation qui peut être manipulé. La technologie permet de maquiller des photos numériques. Il faut penser à tous ces éléments.

    S'il faut renforcer le passeport au Canada, pour des raisons de sécurité, que ce soit grâce à la biométrie ou autrement, votre comité devrait y songer. Une partie de la demande est du niveau international. Il ne s'agit pas d'un débat exclusivement canadien, il est bien plus large. Peut-être faut-il renforcer notre passeport, pour satisfaire les étrangers qui le trouvent peu sûr. Les Canadiens feraient bon accueil à cette idée, je crois.

º  +-(1640)  

+-

    Le président: Merci.

    Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le président, vous êtes très généreux de me laisser parler même si je suis arrivée en retard.

    Bonjour, monsieur Marleau. Je pense que tout le monde vous a félicité. Ça me fait plaisir de vous féliciter. J'ai eu le privilège, comme beaucoup d'entre nous, de vous connaître en 1993. D'ailleurs, j'ai même votre photo dans mon bureau. La première assermentation a été la plus importante, d'autant plus qu'elle a eu lieu le 15 novembre.

    Je suis contente de pouvoir discuter un peu avec vous de la carte d'identité nationale. Quand le ministre a abordé ce sujet, il paraissait clair, au moment où il en a parlé publiquement, que le but était d'avoir un instrument qui permettrait à chaque citoyen de démontrer clairement son identité. Au fur et à mesure que les discussions se déroulaient, on a entendu toutes sortes de choses farfelues, par exemple l'idée d'avoir une énorme quantité de renseignements sur une petite carte. Je suis personnellement tout à fait opposée à cela. Je pense que mon identité n'a rien à voir avec mon groupe sanguin et les institutions financières avec lesquelles je fais affaire.

    Par contre, il y a une chose qui me préoccupe beaucoup. Il y a eu des sondages dans la population. Je ne sais pas si des sondages ont été faits avant les événements du 11 septembre, mais on voit actuellement qu'une majorité de gens sont plutôt favorables à cette idée. Je me demande s'ils y sont si favorables parce qu'ils sont encore sous le coup du cataclysme du 11 septembre ou parce qu'ils ne sont pas suffisamment informés. Il me paraît clair que le travail d'information auprès de la population, de M. et Mme Tout-le-Monde, n'est pas fait. Par contre, on entend plein de penseurs et plein d'intellectuels s'opposer à la carte d'identité, mais tout cela ne semble pas avoir un impact sur la population en général.

    À titre de commissaire à la protection de la vie privée, vous avez une responsabilité légale et aussi une responsabilité morale. Est-il dans votre mandat d'informer les gens de ce que veut dire la vie privée et des dangers qui sont liés à une carte d'identité? Je pense que c'est un instrument. Je ne veux pas qu'il y ait de surenchère, d'un côté ou de l'autre, et la seule façon de faire pour qu'il n'y ait pas de surenchère est de donner aux gens l'information la plus juste possible, la plus judicieuse et la plus facile à assimiler. C'est ma première question.

    Deuxièmement, s'il n'y avait pas de fichier central, le fait d'avoir une carte d'identité ne serait pas dramatique. Ce qui est dramatique, c'est le couplage des informations. Si le but de la carte d'identité est de dire, par exemple, que je suis vraiment moi et que vous êtes vraiment vous, est-ce qu'on a vraiment besoin d'un fichier central? Je pense qu'on n'a peut-être pas besoin de fichier central.

    Voilà mes deux questions. Je vous remercie une autre fois d'être avec nous cet après-midi.

º  +-(1645)  

+-

    M. Robert Marleau: Merci beaucoup, madame Dalphond-Guiral. D'ailleurs, si je me souviens bien, à votre assermentation, vous aviez dans vos bras votre petite-fille.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Elle est bien grande maintenant.

+-

    M. Robert Marleau: Elle a dû grandir.

    Je répondrai d'abord à votre première question. Je reconnais que vous étiez retenue par d'autres tâches, mais au début, dans ma présentation, j'ai déclaré que, personnellement, j'appuyais ce débat. J'appuie ce débat parce que je crois que les citoyens canadiens et canadiennes seront mieux informés, et un citoyen mieux informé peut prendre de meilleures décisions. Lorsqu'il donne son consentement sur des questions qui touchent à sa vie privée, il le fait d'une façon informée. Alors, j'appuie d'emblée le débat. On m'a invité à y participer, et je suis heureux d'être devant le comité pour partager avec vous mes pensées. Je vous ai laissé une série de questions dont j'ose croire qu'elles vous aideront et vous guideront dans vos délibérations.

    Sur la question du débat, je pense que lorsqu'on parle de sécurité, il faut reconnaître que le monde a changé depuis septembre 2001 et que cela a un impact sur nos vies quotidiennes. On voit ce qui se passe maintenant quand on doit entrer au Parlement le matin et qu'on n'a pas de carte pour y entrer. C'est malheureux, mais c'est la réalité universelle de la planète.

    Cependant, dans les sondages que j'ai lus et qui ont été publiés à partir du ministère de M. Coderre, on pose cette question à brûle-pourpoint: si une carte d'identité permettait d'attraper des terroristes, seriez-vous d'accord pour sacrifier une certaine partie de votre vie privée? Mon opinion personnelle est que notre société, la société canadienne, a une mentalité communautaire, et je crois que nous serions tous prêts à sacrifier un élément ou des éléments de notre vie privée pour le bien de la collectivité. C'est un peu l'attitude canadienne. Mais quand on demande qui aura accès aux fichiers, lorsqu'on entre dans les détails et qu'on abandonne le concept simpliste de la carte, les Canadiens ont d'autres opinions, je pense.

    Je pense que les sondages du ministre ont été faits dans le contexte de questions assez étroites. C'est pour cela que je prône le débat. Il ne faut pas sous-estimer la population dans ce genre de questions. Je vous assure que les cas que je vois dans mon bureau, les plaintes que je reçois, celles qui sont fondées et même celles qui ne sont pas fondées, viennent d'un souci qui est un attachement à la protection de la vie privée. Effectivement, quand on se sent lésé, on réagit différemment, mais je crois fondamentalement que nous sommes attachés à la protection de la vie privée comme Canadiens.

    Mais à quoi sert une carte d'identité sans fichier? C'est la photo, l'imprimé. À quoi sert-elle au-delà de ça, si je peux la copier et que personne ne peut vérifier si elle a été copiée? Donc, si vous aviez simplement une carte photo qui disait que vous êtes canadienne et que vous êtes Mme Dalphond-Guiral, on pourrait faire des abus, substituer la photo et essayer de la passer ailleurs.

    Comme je l'ai mentionné, il y a des bénéfices technologiques, des bénéfices de droit d'accès à certains services et des économies à faire des deux côtés. Une carte dans mon portefeuille, c'est moins lourd que 12 cartes. Il y a des bénéfices. Mais sans fichier, il n'y a plus de bénéfices. C'est dans le fichier qu'on va retrouver les bénéfices, et il faut que ces bénéfices soient surtout en faveur de celui qui détient la carte et de l'agence qui interagit avec la carte. Mais la protection de la vie privée doit être absolue, à mon avis. Elle doit venir en première place.

º  +-(1650)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Sarkis.

+-

    M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur Marleau.

    Je tiens moi aussi à vous souhaiter la bienvenue ici. Je fais partie de la cohorte de 1993 qui a été assermentée par vous et vous avez eu la gentillesse d'autoriser un groupe important de mes partisans à être présents dans la salle au moment de mon assermentation. Je profite de l'occasion pour vous en remercier.

    Avant de poser une question, monsieur le président, j'aimerais faire le point au sujet du projet de loi C-18. Comme vous le savez, jeudi dernier, on a demandé s'il était possible de ramener le projet de loi C-18 à la Chambre. La réponse est oui. J'en ai parlé au ministre et au leader à la Chambre et tous deux sont d'avis que si le comité ne peut achever ses travaux avant le congé du mois d'octobre, ils sont prêts à redéposer le projet de loi C-18.

+-

    Le président: Eh bien, le comité se prononcera la semaine prochaine. Merci, monsieur le secrétaire parlementaire.

+-

    M. Sarkis Assadourian: On pourra décider lors de la prochaine réunion, mais vous avez maintenant la réponse.

    Monsieur le président, ma question porte sur une affirmation que vous avez faite, à savoir que vous accorderez toujours plus de prix au jugement humain qu'à la technologie. Mais j'ai quelques exemples pour vous. Il y a d'abord le mien et un cas qui est survenu il y a deux semaines.

    Deux Canadiens se sont rendus en Floride pour officier à des cérémonies religieuses ou pour prendre la parole devant une assemblée religieuse. Ils ont été refoulés des États-Unis après avoir été détenus pendant 16 heures pour la simple raison qu'ils avaient voyagé le mauvais jour. Certains pratiquants ne peuvent pas voyager dans certains pays certains jours. Il se trouve que je suis chrétien et que je peux voyager le 11 septembre, mais si vous êtes musulman, vous ne le pouvez pas. Ça, c'est le jugement humain.

    L'autre chose que je veux dire, c'est que je suis député et que j'ai un passeport canadien, un passeport spécial. Celui-ci précise que je suis député, né à Aleppo, en Syrie. Les États-Unis ont des difficultés avec la Syrie. L'an dernier, en novembre, vous vous en souviendrez, ils nous ont demandé à nous, députés, de prendre nos empreintes digitales au moment de passer la frontière. Après quelques échanges avec l'ambassadeur des États-Unis ici, ils ont changé d'avis ou précisé les conditions—le moment et les raisons—de la prise des empreintes digitales.

    Au mois de mai, je me rendais à Washington avec mes collègues pour discuter de la sécurité à la frontière et des questions d'immigration. Ils ont vérifié mon passeport et ont dit : « Oh! Vous êtes allé dans un pays arabe. Pourquoi? » Je lui ai répondu : « Parce que je suis député ». Il a tourné la page et a vu un autre visa arabe. Il m'a demandé pourquoi je m'étais rendu dans ce pays. Je lui ai donné la même réponse. Il a passé à la page suivante, puis l'autre, et a vu deux autres visas pour des pays arabes. Encore une fois, la même question et la même réponse.

    Ça l'a agacé et il m'a dit : « Monsieur, vous m'avez dit quatre fois que vous êtes député ». J'ai répondu : « Monsieur, vous m'avez posé quatre fois la même question et je vous ai donné la même réponse. Dites-moi si j'ai fait quelque chose de mal. » C'était quelques instants après que ma collègue Ablonczy eut franchi le poste de contrôle à l'aéroport d'Ottawa.

    Puis il m'a demandé : « Quand revenez-vous? » « Jeudi prochain », lui ai-je répondu. « Ah, m'a-t-il répondu, ça va ». Puis il m'a laissé passer.

    Rendu aux États-Unis, j'en ai discuté avec une représentante du Congrès. Je lui ai dit qu'on avait dû prendre mes empreintes digitales quand j'ai traversé la frontière parce que je suis Canadien d'origine syrienne. Elle ne savait pas que cela se faisait et pourtant elle siège au comité de l'immigration. Je lui ai demandé comment elle réagirait si le Canada adoptait une loi qui l'obligerait à se faire prendre les empreintes digitales parce qu'elle est noire. « Ce serait terrible », m'a-t-elle dit. Je lui ai dit : « Eh bien, je réagis de la même façon à la manière dont vous me traitez ».

    Là où je veux en venir, c'est que si vous utilisez la biométrie pour mon pouce ou mes empreintes digitales ou mon iris, la machine ne saura pas d'où je viens, où je suis né, la couleur de ma peau ou ma religion. Elle ne relèvera que mon empreinte. Une empreinte digitale ou une carte biométrique, c'est la même chose. Ce qu'il y a dans mon iris et ce qu'il y a dans la machine c'est la même chose.

    Vous avez parlé de 99,6 p. 100 d'exactitude, et 0,4 p. 100, et vous avez parlé de quelque 160 000 citoyens, ou 450 par aéroport dans le pays. Eh bien, c'est peut-être pour un iris ou une empreinte digitale. Si vous combinez ces deux éléments dans une seule carte, vous allez sans doute atteindre 99,9 p. 100.

    Je ne veux pas avoir le sentiment d'être citoyen de deuxième classe dans mon propre pays, pas parce que je suis député mais parce que je suis ressortissant de ce pays. Depuis 1975, je suis citoyen. J'ai quatre enfants, tous nés ici, mais j'habite ici depuis plus longtemps qu'eux.

º  +-(1655)  

+-

    Le président: Et ils sont tous plus beaux, je vous le garantis.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Ils tiennent peut-être ça de ma femme.

    L'autre chose que je voulais vous dire, c'est que mon collègue du NPD a mentionné le fait que si vous avez la carte, la police va vous arrêter ou vous demander de la lui montrer faute de quoi vous allez avoir des ennuis. Mais soyons réalistes, on appelait l'URSS l' « Empire du mal » et je n'ai jamais entendu parler de quelqu'un en URSS qui arrête quelqu'un d'autre à la frontière ou dans la rue pour lui demander sa carte d'identité. Si vous avez commis un méfait, bien sûr, ils vont sans doute vous la demander.

    Je suis né en Syrie et je suis venu ici à 18 ans. En Syrie, personne ne m'a demandé ma carte d'identité et pourtant elle existe là-bas. Je pense que l'on va trop loin et que l'on va instaurer ici un État policier et tout le monde—le KGB, la GRC, le SCRS—va se promener pour demander qui fait quoi. Mais à quoi ça sert? Si vous êtes un criminel, vous êtes un criminel. Qu'est-ce qu'on craint? Si quelqu'un me demande ma carte d'identité, ça ne m'inquiète pas. Je dis : « Bien sûr, la voici, vérifiez-la ».

    Je ne comprends pas la logique ni pourquoi on devrait être contre à ce point et je ne comprends pas votre raisonnement quand vous dites que le jugement humain est préférable à la technologie. Comme je l'ai dit, une empreinte digitale n'a pas de couleur, et mon iris n'a pas de couleur. Je préfère cela au jugement humain, puisque l'erreur est humaine. Je vous ai donné deux exemples, de religieux musulmans qui allaient à Miami et qui ont été détenus et mon cas à moi, à qui on a demandé ses empreintes digitales au moment de passer la frontière et mon passeport qui était examiné pour voir quel pays j'avais visité comme député.

+-

    M. Robert Marleau: Sur la question du jugement humain par rapport à la technologie, pour reprendre une phrase que vous connaissez bien, je vérifierai le compte rendu pour voir si j'ai réellement dit que je pensais que le jugement humain était plus fiable que la technologie.

    Le problème que j'essayais de mettre en évidence au sujet de la technologie, c'est que nous avons tendance à en dépendre. Au fur et à mesure que nous l'utilisons et qu'elle devient de plus en plus envahissante, nous avons tendance à penser qu'elle est toujours exacte.

    Pensez au correcteur d'orthographe. Si vous utilisez Word, si vous utilisez la fonction du correcteur d'orthographe et si vous utilisez un mot qui peut s'écrire de différentes façons—par exemple, de deux ou d'eux—le correcteur va le repérer et s'il a une des graphies que j'ai données en exemple, ce n'est pas une erreur. Alors si vous ne relisez pas votre texte et si vous voulez dire, par exemple, « J'ai besoin d'eux » et que c'est écrit « deux », vous devez faire appel à votre jugement pour savoir s'il s'agit du bon mot. J'ai utilisé cet exemple banal pour dire que lorsque la technologie est en place, de nature, nous avons tendance à nous y fier.

    Vous avez tout à fait raison; votre nationalité d'origine ne fera pas forcément une grande différence. Cependant, au sujet de notre relation avec les États-Unis, c'est bien dommage qu'elle change à cause des événements de septembre 2001. Nous partageons la frontière qui a été le plus longtemps non défendue.

    J'ai vécu à Cornwall. Lorsque j'étudiais à Cornwall, nos bars préférés se situaient de l'autre côté du pont et nous faisions l'aller-retour, librement, très souvent.

    C'est malheureux que nous en arrivions là, mais c'est la réalité post 11 septembre.

    Cependant, ne pensez pas que les douaniers frontaliers américains, ou les États-Unis, se contenteront de la lecture de votre iris, et ne demanderont pas, pour d'autres raisons—la couleur de votre peau, votre accent, la couleur de vos yeux, ou qu'importe—à connaître votre pays d'origine. Alors l'information qui figure sur votre passeport ne sera probablement pas moindre par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui, si l'on dispose de la biométrie, et le jugement humain s'appliquera toujours. Si le douanier à la frontière a des soupçons parce que vous avez l'air d'appartenir à un groupe ethnique particulier, peu importe le fait que la technologie signale que vous êtes en règle, on va quand même vous demander pourquoi vous étiez en Syrie, ou pourquoi vous êtes allé dans tel pays, alors que ce pays connaît des difficultés.

    À mon avis, la carte ne résout pas le problème. On vous posera les questions que l'on vous a posées de toute façon. On vous les posera peut-être pour d'autres raisons. Un système d'identité sécuritaire, avec des indicateurs biométriques, et un genre de protocole entre nos deux pays qui leur permet d'avoir accès à la banque de données nous aidera sans doute.

    Ce sont là les enjeux.

+-

    Le président: Massimo.

+-

    M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Nous sommes heureux de vous rencontrer, monsieur Marleau.

    J'ai une petite question. Je pense que la carte d'identité est inévitable. Ça fait partie de la technologie. J'ai des réserves à propos de beaucoup de ces choses, mais pas au sujet de la protection de la vie privée, parce que je pense que nous serons soit à l'avant-garde, soit à la traîne dans ce domaine, alors que la technologie existe de toute façon. Prenez Interac. Lorsque vous retirez de l'argent à la banque, ils peuvent vous suivre. Il y a aussi Internet; lorsque vous achetez quelque chose en ligne, ou si vous consultez certains sites...

    Jusqu'ici, je pense que personne n'a vraiment dit que nous allons rassembler toute cette information. J'aimerais que nous le fassions, parce qu'alors je pourrais ne garder avec moi qu'une seule carte plutôt qu'un portefeuille entier, mais je pense que la protection de la confidentialité est partout. Je crois qu'un de mes collègues a dit également que si vous connaissez le numéro d'assurance sociale de quelqu'un, vous pouvez avoir accès à ses fichiers d'impôt. Ce sont des problèmes qui existent déjà, alors je pense qu'il faut travailler en collaboration pour trouver une solution, plutôt que de se mettre des bâtons dans les roues. C'est mon avis.

    Au sujet de la protection de la vie privée, ça revient à ce que Sarkis a dit. Si vous n'avez rien à cacher, je ne pense pas que ce soit une atteinte à la protection de la vie privée.

    Je suppose que c'était plus un commentaire qu'une question.

»  +-(1700)  

+-

    M. Robert Marleau: Je vous remercie de votre observation. C'est dans le même ordre d'idée que ce que M. Martin disait.

    Vous avez parlé d'Internet. Une carte d'identité qui comprend des indicateurs biométriques ne va pas beaucoup vous aider si vous achetez quelque chose sur Internet, et ça ne vous aidera certainement pas avec les distributeurs de services téléphoniques de ce pays. Beaucoup de Canadiens font des transactions et des achats en ligne, mais la carte d'identité nationale n'est pas pertinente ici, sauf si vous faites le lien entre le numéro de la carte d'identité et une base de données vérifiable qui indique l'endroit où vous vous trouvez. Mais le vendeur a encore moins de garantie que vous êtes bien celui que vous prétendez être. Je comprends ce que vous voulez dire.

    J'ai dit plus tôt que la protection de la vie privée était comme une boîte autour de la technologie. Si la technologie sort de cette boîte, il y a infraction, potentiel d'abus ou utilisation inadéquate de l'information. Lorsque l'on porte atteinte à la protection de la vie privée, on ne peut pas faire marche arrière. Disons que deux personnes sont en instance de divorce. Par accident, une banque donne de l'information à un conjoint au sujet du compte de l'autre. Comment voulez-vous réparer cette faute? Vous ne le pouvez pas. Une fois que c'est fait, c'est fait.

    Ce que je veux dire, au sujet des nouvelles technologies, c'est qu'elles doivent être encadrées par les valeurs de la société au sujet de la protection de la vie privée. C'est le débat qu'il nous faut avoir. Je n'ai pas essayé de vous fournir des réponses à ces questions. Dieu sait que je ne les ai pas. Nous ne pouvons pas, individuellement, avoir réponse à tout. Lorsque vous étudiez la technologie, l'efficacité des programmes gouvernementaux qui touchent la technologie et le partage d'information des bases de données, je pense que c'est faire preuve de bonne gouvernance que d'explorer la question de la protection de la vie privée.

+-

    M. Massimo Pacetti: J'ai l'impression que c'est une situation qui se produit tout le temps.

+-

    Le président: Il nous reste quelques minutes. J'aimerais simplement vous poser quelques questions pour tâcher d'obtenir certaines précisions.

    Monsieur Marleau, vous nous avez adressé le défi d'envisager des options de rechange. Vous nous avez fait valoir la nécessité de concilier la protection de la vie privée et la sécurité, de même que les besoins de l'État et ceux du particulier. C'est ce que fait le comité. D'ici la fin de ces délibérations, les personnes ici présentes seront probablement les meilleurs spécialistes qui soient sur la sécurité ou la carte nationale d'identité.

    Non seulement avons-nous vu la technologie dont nous avons tous parlé, mais nous avons visité certains pays. Il doit s'agir d'un phénomène culturel parce que l'Europe, comme nous le savons, utilise des cartes d'identité nationales depuis plus de 40 ou 50 ans. L'Europe est aussi en train de débattre de l'opportunité de recourir à la biométrie. Dans plus d'une centaine de pays, il existe un système national d'identification, et le mot « système » me plaît parce que nous avons constaté qu'il est impossible d'avoir une carte sans avoir de système, c'est-à-dire un registre national.

    Qui sera le gardien de cette base de données nationale? En fait, nous avons visité un établissement—j'essaie de me rappeler du pays—qui ressemblait à une prison transformée, ce qui était effectivement le cas. Je crois que c'était en Espagne. C'est là où était installée la base de données nationale parce qu'on ne voulait pas qu'une autre branche du gouvernement ait accès aux renseignements privilégiés qui se trouvaient dans ce système particulier.

    Le Canada a commencé à débattre de cette question, tout comme d'autres pays. Nous ne sommes pas les seuls à parler d'un système d'identification national et de la meilleure façon d'éviter le vol d'identité, la fraude, que des gens reçoivent des services auxquels ils n'ont pas droit, et comment éviter ce genre de choses. J'espère que la discussion portera entre autres sur nos documents de base actuels, y compris le passeport, qui sont précieux et en fait indispensables à énormément de gens.

    Avant que vous commenciez à utiliser certains exemples, j'aimerais vous demander comment, en tant que commissaire à la protection de la vie privée, vous protégez les Canadiens. Vous dites que vous utilisez une carte au magasin des alcools mais une autre au magasin Canadian Tire. Comment savez-vous, en tant que particulier—peut-être le savez-vous en tant que commissaire à la protection de la vie privée—si ces systèmes ne sont pas maintenant fusionnés et qu'en fait une carte permet de savoir si vous êtes allé au magasin Canadian Tire à une date donnée pour y acheter un article donné? Comment savez-vous que celui qui émet la carte Canadian Tire ne sait pas que vous êtes allé au magasin des alcools et que vous préférez un vin en particulier? Comment le savons-nous? Quelle garantie, à titre de commissaire à la protection de la vie privée, pouvez-vous donner aux Canadiens comme quoi en fait ces systèmes ne sont pas en train d'être vendus ou intégrés? Nous avons appris que les données qui se trouvent dans ce système sont souvent volées. Les pirates informatiques arrivent à s'introduire dans ces systèmes, et comme nous le savons, nous avons des numéros d'assurance sociale qui peuvent fournir tous les renseignements pratiquement que l'on peut vouloir sur n'importe qui.

    Quelles sont les mesures qui existent à l'heure actuelle pour garantir la protection à la vie privée des Canadiens? Je sais que c'est votre travail, mais une partie de notre débat porte sur la façon de protéger la vie privée tout en assurant jusqu'à un certain point la sécurité du pays et des particuliers en ce qui concerne leur identité.

    C'est donc la première question à laquelle j'aimerais que vous répondiez.

»  +-(1705)  

+-

    M. Robert Marleau: Vous me demandez comment je sais si le magasin des alcools communique des renseignements à Canadian Tire? La réponse, c'est que je l'ignore.

    Quels sont les mécanismes qui protègent les Canadiens contre ce genre de choses? Il s'agit de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, que le Parlement a adoptée en 2001. Nous venons de déposer le rapport annuel à la Chambre hier, qui renferme toute une partie traitant de cette loi, et qui explique des mesures prises par la commission pour protéger les renseignements personnels des Canadiens. À compter du 1er janvier 2004, la loi s'appliquera à l'ensemble du secteur privé, et non uniquement au secteur public, dans les cas de collecte, d'échange ou de vente de renseignements. Cela inclut les magasins vidéo de quartier qui recueillent votre nom, adresse, numéro de téléphone et numéro de plaque d'immatriculation; les revues qui peuvent vendre à d'autres leur liste d'abonnés; et les compagnies d'assurance. La liste est interminable. Cela aura une influence sans précédent sur la société canadienne. La loi nous accorde le pouvoir de procéder à des vérifications lorsqu'il existe des motifs raisonnables de le faire. Nous ne l'avons pas encore fait parce que nous n'avons pas eu de motifs raisonnables de le faire, surtout dans le secteur privé. Le présent Parlement a déjà adopté des dispositions législatives musclées qui prévoient que les citoyens qui considèrent que leurs droits auraient été violés peuvent faire appel à notre commission qui fera alors enquête et présentera ces constatations. La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques en particulier sera utilisée par les Canadiens au cours des dix prochaines années à une foule de transactions.

    Cependant, en ce qui concerne la carte délivrée par la Régie des alcools de l'Ontario, c'est qu'en adhérant à ce programme, on a indiqué les données qui seraient recueillies, à quoi elles serviraient et si elles seront partagées avec Canadian Tire. Si j'ai reçu ces renseignements et que j'ai indiqué être d'accord pour que ces renseignements soient communiqués à Canadian Tire, il n'y a aucun problème. Mais si je n'ai pas été prévenu que ces renseignements seraient communiqués à Canadian Tire, il y a alors un problème.

+-

    Le président: En tant que commissaire à la protection de la vie privée, tant que le client a été prévenu, vous n'auriez pas d'objection en ce qui concerne une carte en particulier.

+-

    M. Robert Marleau: Il faut qu'il y ait au préalable consentement.

+-

    Le président: J'aimerais vous poser une autre question qui est peut-être plus pertinente. Nous avons examiné un grand nombre de systèmes nationaux d'identité. Nous avons parlé d'une simple carte permettant de prouver au douanier que Robert Marleau est bel et bien Robert Marleau. Vous présentez votre carte, et votre iris, votre visage ou vos empreintes digitales se trouvent sur cette carte. Il sera donc possible de vérifier que la personne qui vous présente sa carte est bel et bien la personne qu'elle dit être. Le recours à la biométrie facilite les choses sur le plan technologique. Mais si ce système ne permet de faire aucun recoupement et qu'il s'agit uniquement d'une vérification individuelle de votre identité, et que par conséquent il n'existe aucune base de données, la personne à qui vous présentez votre carte ne peut que vérifier que vous êtes la personne que vous dites être. Est-ce que cela vous pose problème?

    Je vous pose la question parce que nous pensions que nous aurions une exemption dans le cas des États-Unis. Il semble maintenant que les Canadiens qui veulent aller aux États-Unis, par affaires, ou par nécessité ou pour une quelque autre raison, devront être munis d'un passeport comportant un identificateur biométrique. D'ici 2005, on exigera probablement la même chose de nos amis mexicains. Je ne crois pas que les États-Unis se contenteront de pouvoir simplement vérifier qui vous êtes, comme Sarkis l'a dit, mais en fait voudront vérifier votre identité et vos indicateurs biométriques en fonction d'une banque de données massive de personnes connues dans le monde pour s'assurer que vous n'en faites pas partie.

    C'est le dilemme auquel nous faisons face. Auriez-vous des objections à l'existence d'un système qui pourrait vérifier uniquement que Robert Marleau est bien qui il dit être un point c'est tout, ou à l'existence d'un système lié à une base de données dans laquelle n'importe qui pourrait s'introduire? Je crois que c'est une question fondamentale à laquelle font face les Canadiens. Les Canadiens ne semblent pas avoir d'objection à une telle carte si elle leur permet de circuler librement de part et d'autre d'une frontière. Mais si vous leur dites qu'il sera possible d'accéder aux renseignements qui s'y trouvent et que l'encryptage ne permettra pas d'empêcher les pirates informatiques de contourner les coupe-feu, alors soudainement les Canadiens ne verront plus d'un oeil aussi favorable l'établissement d'un système national d'identité.

»  +-(1710)  

+-

    M. Robert Marleau: Le système que vous décrivez est probablement celui qui protège le mieux les renseignements personnels, si je puis dire. Les autres problèmes qu'a mentionnés M. Assadourian ne seront pas résolus par un tel système. Si l'iris de votre oeil correspond à l'iris biométrique de votre carte, cela suffira-t-il aux agents à la frontière? Les États-Unis devraient être convaincus qu'un système de ce genre répond aux exigences de leurs normes minimales et de leurs protocoles en matière de sécurité en ce qui a trait aux vérifications d'identité, à la façon dont ces normes et protocoles sont appliqués et à la façon dont on recueille les renseignements biométriques, entre autres. Ils ne vont pas juger ce système sur sa bonne mine.

    Je m'interroge donc sur l'applicabilité de ce système. C'est celui qui empiète le moins sur la vie privée, mais il y a à tout cela une autre dimension dont nous constatons actuellement les effets au Canada. Nous avons à l'heure actuelle un programme à l'intention des voyageurs fiables. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec l'ADRC et Transports Canada, et nous avons produit des rapports sur les effets de ce programme en matière de protection des renseignements personnels. Il semble qu'il donne de bons résultats en matière d'accès à l'information.

    Il s'agit donc d'une vérification de sécurité volontaire. Quand je demande quelles sont les solutions de rechange, eh bien, ce système en est une pour ceux qui en ont besoin.

    Le président: Mais c'est volontaire, n'est-ce pas?

    M. Robert Marleau: Oui, mais il existe un besoin.

+-

    Le président: Puis-je vous poser une question, avant de donner la parole à d'autres?

    Pour ce qui est de la protection des renseignements personnels, pour revenir à l'exemple de Sarkis quant à sa propre situation, nos passeports devraient-ils mentionner où nous sommes nés, comme certains l'ont proposé? Comment pourrait-on savoir que Sarkis vient de Syrie ou que Joe Fontana est italien? Comment pourrait-on vérifier l'identité de quelqu'un, si ce n'est à partir des renseignements de base que je fournis moi-même, de la couleur de mes yeux, de ma taille, etc., y compris peut-être de renseignements biométriques, sans mention de mon lieu de naissance? Quelqu'un a laissé entendre que le lieu de naissance ne figure pas dans les passeports de certains pays.

    Une fois que vous avez la nationalité canadienne, peu importe d'où vous venez. Cette question a-t-elle déjà été soulevée? Le cas de Sarkis et les autres exemples qui ont été mentionnés doivent-ils être examinés et résolus?

+-

    M. Robert Marleau: Certains aspects de ces cas relèvent de la protection des renseignements personnels. D'après le Bureau du commissaire à la protection de la vie privée, moins vous fournissez de renseignements, mieux cela vaut. Moins vous en fournissez, moins on en stockera et moins on en utilisera.

    Mais c'est aussi une question de politique internationale. Quels protocoles existent entre les pays au sujet des renseignements qui doivent figurer dans un passeport? C'est un peu comme le système dont vous avez parlé. Le passeport devrait-il être davantage considéré comme un échange personnel? La question est plus vaste. Supposons qu'on ne mentionne pas dans le passeport que vous êtes né en Syrie—il faut dire que vous avez l'air syrien. En quoi cela réglera-t-il le problème si l'agent à la frontière vous regarde et vous demande où vous êtes né? Allez-vous lui répondre que vous n'avez pas à répondre à cette question et que cela ne figure pas à votre passeport? Cela vous aidera-t-il à traverser la frontière? J'en doute.

    Comment cet échange sera-t-il amélioré ou entravé par la technologie biométrique? Il est difficile de voir en quoi ce sera une amélioration, lorsque les gens commencent à se servir de leur jugement. La technologie n'est pas sans faille. Je sais que M. Assadourian parlait de reconnaissance faciale et non de biométrie, mais si la biométrie ne permet pas de vous reconnaître individuellement et s'il n'existe aucune autre donnée prouvant qui vous êtes, vous n'allez tout simplement pas franchir la frontière. S'il y avait au moins une base de données quelconque qui permette de vérifier votre identité, on pourrait se rendre compte qu'il y a eu une erreur. Il y aurait un recours ou un mécanisme d'appel. Et que fera-t-on, si la vérification biométrique échoue? On ajoutera le nom de Joe Fontana à cette base de données dans un pays étranger. Que se produira-t-il ensuite? De quel mécanisme d'appel disposez-vous dans un pays étranger?

    Voilà le genre de questions que je pose au sujet de la technologie. Quand je parle de droits de recours, ce sont des droits réels. Certains gens d'affaires du Canada doivent se rendre chaque jour aux États-Unis. Ils pourraient perdre des milliers de dollars s'ils sont refoulés à la frontière. Si un camionneur qui fait la navette entre les deux pays est refoulé à la frontière à cause de la technologie, s'il lui faut six, sept ou huit mois pour pouvoir retourner en Californie, cela entraîne des coûts bien réels.

    Ce sont donc les questions que je pose.

»  +-(1715)  

+-

    Le président: Madame Ablonczy.

+-

    Mme Diane Ablonczy: J'ai deux petites questions, si vous me le permettez.

+-

    Le président: N'en posez qu'une, si possible, Diane.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Merci, monsieur le président.

    Je vais revenir à ma question parce que vous n'avez pas vraiment eu la chance de terminer d'y répondre. Cette question porte sur les experts qui préconisent la mise en place d'un système national de cartes d'identité dotées de renseignements biométriques.

    Vous avez parlé Alan Dershowitz, mais ce n'est pas un expert des études internationales et des questions stratégiques. C'est un avocat. C'est un avocat brillant et persuasif dont la ministre a retenu les services pour défendre sa cause, si je puis m'exprimer ainsi. Je suis sûre qu'il fera de l'excellent travail, mais ce n'est pas un expert des études stratégiques et de la sécurité internationale.

    Si vous connaissez quelqu'un qui possède des arguments probants et défend vigoureusement ce système, je serais intéressée à lire son analyse ou à communiquer avec cette personne.

+-

    M. Robert Marleau: Nous allons vérifier nos recherches. Aucun nom ne me vient à l'esprit pour l'instant. Il est certain qu'il y a eu des arguments pour et contre, c'est un débat. Nous nous engageons à vous fournir ce que nous avons dans nos dossiers à ce sujet. Je ne voudrais pas vous laisser l'impression que nous ne vous avons présenté qu'un côté de la médaille.

    J'insiste sur le fait que je ne vous ai pas recommandé de rejeter la proposition simplement parce qu'il s'agit d'une carte d'identité nationale. J'ai simplement dit que si vous n'obtenez pas de réponses satisfaisantes aux questions que j'ai posées, vous devriez rejeter la proposition. Je suis en faveur de la poursuite du débat. Il peut durer aussi longtemps que vous le jugerez utile.

    Nous examinerons les recherches qui ont été faites et nous vous fournirons, à vous et au comté, tout ce que nous avons de convaincant, pour ou contre.

    D'après ce que j'ai constaté en consultant les médias, entre autres les éditoriaux, les lettres aux rédacteurs et les articles, depuis que je suis en poste en juillet—et il y a eu de nombreux articles de ce genre au cours de l'été—la majorité des médias sont contre. Certains disent qu'il serait plus efficace et plus pratique de n'avoir à présenter qu'une seule carte, mais je trouve la solution un peu simpliste. Il faut tenir compte également de ce que la carte représente. À mon avis, le système serait énorme.

[Français]

J'ai dit en français qu'il était colossal.

[Traduction]

+-

    Le président: Nous n'avons pas beaucoup de temps.

    Brièvement, Madeleine, Inky, et Sarkis. Nous devons clore la séance.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Monsieur Marleau, les 7 et le 8 octobre aura lieu un forum d'experts sur la biométrie. Serez-vous des nôtres?

»  -(1720)  

+-

    M. Robert Marleau: Le ministre a eu la gentillesse de m'inviter au colloque et je serai présent. Je ne ferai pas partie des tables rondes, mais je présume que j'aurai l'occasion de poser des questions et peut-être même de répondre à d'autres questions. Je serai présent, oui.

[Traduction]

+-

    Le président: Certains d'entre nous aussi, je l'espère, car c'est évidemment un sujet qui nous intéresse.

    Je signale aux fins du compte rendu que le comité produira la semaine prochaine un rapport provisoire sur ce que les Canadiens nous ont dit jusqu'à présent et sur ce que nous avons appris sur d'autres pays. Cela pourrait être un élément important à présenter à la conférence. Nous présenterons ce rapport la semaine prochaine.

    Merci.

    Inky.

+-

    M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

    Comme vous l'avez fait remarquer, il ne s'agit pas seulement des répercussions des événements du 11 septembre, mais aussi du commerce et de notre économie. Si les Américains décidaient, à des fins politiques, qu'il faut présenter des renseignements biométriques et un passeport, il n'y a pas d'autres choix pour franchir la frontière, qu'en pensez-vous?

+-

    M. Robert Marleau: Je ne suis pas vraiment un expert des négociations internationales, de la diplomatie et de la politique du gouvernement canadien. J'ai suivi les débats en Chambre au fil des ans puisque j'avais le grand privilège d'être fonctionnaire de la Chambre, et je suis persuadé que le ministre et les parlementaires feront de leur mieux pour réduire les répercussions pour nos citoyens à la frontière.

    Mais cela ne touche pas seulement les États-Unis. D'autres pays peuvent avoir des exigences aussi fermes pour ceux qui veulent franchir leurs frontières. Prenez le cas des visas. Certains pays exigent des visas, d'autres pas. Tout cela fait partie de la diplomatie.

    Par contre, l'utilisation de la carte d'identité au Canada soulève des problèmes plus généraux en ce qui a trait au commerce. Je suis sûr que certaines institutions financières seraient très contentes que leurs clients utilisent une carte d'identité lorsqu'ils ouvrent un compte, car ils auraient ainsi une garantie de leur identité. Mais il y a aussi d'autres problèmes au Canada au sujet du commerce, plus particulièrement en ce qui concerne les institutions financières et les fraudes, et le secteur privé devra résoudre ces questions plutôt que de demander au gouvernement d'appliquer un régime universel de cartes d'identité pour résoudre leurs problèmes de commerce.

+-

    Le président: Sarkis, pour finir.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.

    J'ai une question personnelle, monsieur Marleau, et vous n'avez pas à y répondre si vous ne le souhaitez pas.

    Il y a deux façons de procéder : un régime obligatoire ou un régime volontaire. Si le régime était volontaire, demanderiez-vous à y participer?

+-

    M. Robert Marleau: Non, monsieur.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Merci. Vous n'étiez pas obligé de répondre à cette question.

-

    Le président: Et s'il était obligatoire, il ne le demanderait peut-être pas non plus.

    Des voix: Oh, oh!

    Le président: Monsieur Marleau, au nom du comité, je vous remercie beaucoup de poursuivre ce débat. Comme vous l'avez dit, il y a énormément de questions à régler. Nous sommes en train de consulter les Canadiens. Nous apprenons également beaucoup de choses sur ce qui se fait ailleurs dans le monde car nous sommes un petit pays et ce qui se fait ailleurs a des répercussions pour nous. Cela ne touche pas seulement les Canadiens à l'intérieur du pays, mais aussi ceux qui veulent voyager dans d'autres pays du monde et dont l'identité devra être vérifiée. Plus important encore, cela touche les gens qui veulent venir au Canada.

    Nous sommes donc très intéressés par le contexte international, car si nous avons bien compris, il n'existe pas dans la communauté internationale de normes qui puissent s'appliquer partout.

    Nous avons également que les commissaires à la protection de la vie privée de nombreux pays se sont réunis et qu'ils ont des opinions sur l'évolution de la protection des renseignements personnels, de la technologie et de toutes ces questions. Je sais que des démarches ont déjà été faites pour le Canada, mais si vous possédez des renseignements de votre organisation sur les autres commissaires à la protection de la vie privée du monde, il pourrait être utile à notre comité d'examiner certains des documents. Nous avons consulté vos autres homologues et ils semblent être du même avis que vous.

    Comme je l'ai dit, nous souhaitons poser aux Canadiens les mêmes questions que vous nous avez posées afin de nous assurer que si nous recommandons un tel régime, nous aurons tenu compte de tous les facteurs. Votre témoignage nous a été très utile.

    Vous nous avez fourni un excellent premier témoignage, monsieur Marleau. Merci beaucoup.

    Nous nous réunirons de nouveau mardi. La séance est levée.