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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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PROCÈS-VERBAL

Séance no 6

Le jeudi 21 novembre 2002

Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration se réunit aujourd'hui à 9 h 01 (séance télévisée), dans la salle 237-C de l'édifice du Centre, sous la présidence de Jerry Pickard, vice-président.

Membres du Comité présents : Diane Ablonczy, Mark Assad, Yvon Charbonneau, Madeleine Dalphond-Guiral, Steve Mahoney, Inky Mark, Anita Neville, Jerry Pickard, David Price, Judy Wasylycia-Leis, Lynne Yelich.

Membre substitut présent : John Bryden pour Joe Peschisolido.

Autre député présent : Andrew Telegdi.

Aussi présents : De la Bibliothèque du Parlement : Benjamin Dolin et Margaret Young, attachés de recherche.

Comparaît : De la Chambre des communes : l'hon. Denis Coderre, ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Témoins : Du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration : Michel Dorais, sous-ministre; Alfred MacLeod, sous-ministre adjoint, Orientations stratégiques et communications; Rosaline Frith, directrice générale, Intégration; Paul Yurack, conseiller juridique, Services juridiques; Terry Beitner, directeur, section des crimes de guerre, ministère de la Justice; Luke Morton, conseiller juridique principal, Services juridiques; Bruce Scoffield, directeur, Élaboration des politiques et coordination internationale, Direction générale des Réfugiés; Patricia Birkett, greffière de la Citoyenneté.

Lecture est faite de l'ordre de renvoi du vendredi 8 novembre 2002 :

Il est ordonné, -- Que le projet de loi C-18, Loi concernant la citoyenneté canadienne, soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.

Conformément à l’article 75(1) du Règlement, l’article 1 est réservé.

Le président met en délibération l'article 2.

L’honorable Denis Coderre fait une déclaration et avec les autres répond aux questions concernant le projet de loi C-18, le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (entente sur les tiers pays sûrs), le rapport annuel déposé au Parlement sur l’immigration et la carte d’identité nationale.

À 10 h 01 la séance est suspendue.

À 10 h 06 la séance reprend.

Le comité reprend l’étude de l’article 2.

Rosaline Frith fait une déclararation et, avec les autres témoins, répond aux questions.

À 10 h 57, le Comité s'ajourne jusqu'à nouvelle convocation de la présidence.

Le greffier du Comité

William Farrell

 


 

ANNEXE 1

 

Observations du HCR

sur le projet d’Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique pour la coopération en matière d'examen des demandes d'asile

présentées par des ressortissants de tiers pays

 

I. Introduction

Le Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) apprécie énormément le fait que les parties désirent le consulter au sujet du projet d’Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique pour la coopération en matière d'examen des demandes d'asile présentées par des ressortissants de tiers pays (appelé ci‑après l’Accord).

Dans  l’ensemble, le HCR juge bénéfique l’objectif ultime de cet accord, qui consiste à répartir convenablement les responsabilités des États en matière de détermination du statut de réfugié. Le HCR partage les préoccupations des États, qui souhaitent éviter des situations où les responsabilités de chacun en cette matière ne sont pas assumées parce que trop imprécises, et où les intéressés deviennent des réfugiés sans pays d’accueil. Le HCR apprécie également le souci des États de limiter le magasinage injustifié auprès d’instances différentes. En outre, la conclusion no 15 du Comité exécutif du HCR (XXX) prévoit que les intentions du demandeur d’asile devraient être prises en compte dans la mesure du possible. À cet égard, les dispositions de l’Accord portant sur la réunion des familles et l’exercice du pouvoir discrétionnaire par les parties revêtent une importance particulière.

Le HCR veut surtout s’assurer que les personnes en quête de protection contre la persécution auront accès à des procédures équitables et complètes pour l’examen de leur demande, que ce soit au Canada ou aux États-Unis, et que la protection sera accordée aux personnes qui en ont besoin. Cet accord pourrait engendrer divers scénarios susceptibles de remettre en question la protection dans des cas particuliers. Nos observations et recommandations à ce sujet sont énoncées ci‑dessous.

Également, à titre d’observation générale, le HCR indique qu’il est préoccupé par le fait que cet accord pourrait avoir l’effet inattendu d’encourager l’introduction clandestine de migrants, ce qui irait à l’encontre des intérêts de toutes les parties, y compris des personnes en quête de protection. Comme l’Accord s’applique uniquement aux personnes qui présentent une demande à un point d’entrée frontalier, celles qui réussissent à passer la frontière (probablement de façon illégale) et à présenter leur demande dans un bureau intérieur ne seront pas touchées. La hausse du nombre d’arrivants ou de résidents illégaux s’accompagne souvent d’une exploitation des personnes vulnérables et peut favoriser chez le public une attitude négative envers les réfugiés et les demandeurs d’asile. Il faut se rappeler tous les efforts que font actuellement le HCR et les États pour que l’opinion publique demeure favorable aux réfugiés et que la population renouvelle sa confiance dans le système d’asile.

Le HCR reconnaît que l’incidence de cet accord dépendra dans une large mesure de l’application des règlements et orientations fournis par les parties. Le HCR est reconnaissant aux parties de lui avoir remis leurs textes avant d’y mettre la dernière main, afin que le Bureau du HCR les examine et formule ses observations.

 

II. Application des procédures de renvoi accéléré des États-Unis

En vertu de la législation américaine actuelle, les « étrangers qui arrivent » non munis des documents de voyage voulus sont soumis aux procédures de renvoi accéléré. Le HCR s’est dit préoccupé du fonctionnement du processus de renvoi accéléré, son Bureau considérant qu’il faut fournir des garanties plus sûres en matière procédurale afin que les réfugiés de bonne foi ne soient pas renvoyés par inadvertance vers un pays où ils craignent d’être persécutés (refoulement),  qu’ils disposent de tous les « moyens nécessaires » pour présenter leur demande d’asile et qu’ils sont traités humainement en attendant que la décision soit rendue.Le projet d’Accord ne précise pas dans quelle mesure les personnes assujetties à ses dispositions devraient faire l’objet des procédures américaines de renvoi accéléré. 

Recommandation : Étant donné ses préoccupations au sujet du processus de renvoi accéléré, le HCR recommande qu’il ne s’applique pas aux personnes visées par l’Accord.

III. Interdictions réglementaires s’appliquant à la protection des réfugiés

Le HCR a aussi soulevé des questions au sujet de la conformité, avec les normes internationales, de certaines interdictions réglementaires empêchant le recours à la procédure d’asile. Les interdictions en cause comprennent, notamment, l’interdiction imposée par les États-Unis en cas de non-respect du délai de dépôt et d’autres encore, à la fois étendues et automatiques, qui sont prévues dans les deux pays en rapport avec des crimes et des affiliations. Les demandeurs d’asile visés par une interdiction réglementaire américaine sans équivalent dans la loi canadienne – et réciproquement – pourraient devoir, en vertu de la loi, présenter leur demande d’asile sur un territoire où elle serait irrecevable. Dans ces circonstances, leurs droits en vertu de la Convention et du Protocole pourraient fort bien être niés dans le seul contexte de cet accord. À titre d’exemple,  aux termes de la législation américaine et de la législation canadienne, les personnes dont la demande d’asile ou de protection est irrecevable pourraient néanmoins être à l’abri du refoulement (par sursis au renvoi), à condition de satisfaire à des critères juridiques élevés.  Par conséquent, les demandeurs qui répondent à la définition de réfugié au sens de la Convention et du Protocole, mais qui ne réussissent pas à satisfaire à ce critère juridique élevé pourraient être refoulés.

Recommandation : Le HCR recommande que, dans les cas où un pays interdirait à une personne d’avoir accès au processus d’asile ou de non-refoulement, contrairement à l’autre pays, il importerait de déterminer quand les parties pourront décider à leur gré, aux termes de l’article 6, d’examiner la demande sur le fond.

IV. Sens de « rendre une décision » sur une demande d’asile

Le HCR comprend que l’Accord vise à garantir un examen de la demande d’asile sur le fond par l’une des deux parties. L’article 3 de l’Accord précise que l’un des deux pays doit « rendre une décision » concernant la demande avant de renvoyer le demandeur vers un tiers pays. Cependant, il ne définit pas le terme « rendre une décision ». Il pourrait s’ensuivre deux scénarios problématiques :

(1) Aucune responsabilité clairement définie quant à l’examen de la demande : Actuellement, il n’y a pas d’autres ententes en vigueur, ni aux États-Unis ni au Canada, concernant les tiers pays sûrs. Cependant, si l’on entend par « rendre une décision » le fait de « déterminer la recevabilité d’une demande d’asile », un accord futur concernant les tiers pays sûrs que conclurait le Canada ou les États-Unis avec un autre pays pourrait provoquer des renvois en chaîne, sans que la demande ne soit étudiée sur le fond. Le pire aboutissement serait probablement l’existence de réfugiés sans pays d’accueil et leur refoulementpossible;

(2) La demande n’est pas examinée sur le fond : Même si les États-Unis ou le Canada acceptaient de « rendre une décision » à l’égard de la demande, des interdictions pourraient empêcher le recours au processus d’asile ou de non-refoulement, au point qu’un examen complet de la demande, à savoir son étude sur le fond en vertu des critères juridiques internationaux pertinents, n’aurait jamais lieu.

Recommandation : Le HCR recommande que les parties énoncent  une définition du terme « rendre une décision  » garantissant l’étude en bonne et due forme d’une demande sur le fond par l’une des deux parties. Cela confirmerait que l’Accord crée un « système fermé».

V. Détention

La détention des demandeurs d’asile de par le monde continue de préoccuper.  Aux États-Unis, la détention de ces personnes, y compris d’enfants, est une question sur laquelle le HCR s’est souvent prononcé. Au cours de la dernière vague de demandeurs d’asile à la frontière canado-américaine en juin 2002, les États-Unis ont fait savoir qu’ils conserveraient le droit de détenir toute personne en situation irrégulière renvoyée temporairement du Canada vers les États-Unis. On présume qu’il en serait de même pour les demandeurs renvoyés temporairement des États-Unis vers le Canada dans le cadre de cet accord.

Recommandation : Retenons comme principe général que les demandeurs d’asile ne devraient pas être détenus. La détention devrait être utilisée uniquement dans des cas exceptionnels. Il faudrait prendre en compte le fait que les demandeurs d’asile ont souvent vécu des expériences traumatisantes avant de décider de restreindre la liberté de mouvement en raison de l’entrée ou de la présence illégale dans le pays. Le HCR encourage les deux parties à limiter le plus possible la détention des demandeurs d’asile visés par cet accord et à éviter de recourir, le cas échéant, aux prisons municipales, d’État ou de comté.

VI. Regroupement des familles

Le HCR salue la volonté des parties de prévoir des exceptions dans le cas des demandeurs d’asile qui ont de la famille dans l’un des deux pays.

A. Membres de la famille

Le HCR apprécie la définition large du terme « membre de la famille », qui comprend l’époux, le fils, la fille, les parents, le tuteur légal, les frères et sœurs, les grands-parents, les petits-enfants, la tante, l’oncle, la nièce et le neveu.  Le conjoint de fait n’entre toutefois pas dans la définition, mais fait plutôt l’objet d’une interprétation nationale en vertu du paragraphe 1(2).

Quant à l’exception énoncée à l’alinéa 4(2)a), la personne qui cherche à entrer doit avoir dans le pays d’accueil au moins un membre de la famille « à qui on a accordé l’autorisation d’y demeurer pour une période indéterminée » ou qui a été reconnu comme étant un réfugié. L’expression  « à qui on a accordé l’autorisation d’y demeurer pour une période indéterminée » n’est pas définie.

L’exception prévue à l’alinéa 4(2)b) correspond à une définition plus étroite du terme « membre de la famille » et empêcherait les parents et les grands-parents d’entrer au pays pour rejoindre leurs enfants âgés de moins de 18 ans qui demandent asile. Cela empêcherait aussi les demandeurs de rejoindre des membres de la famille élargie ou des membres de fait de la famille, qui sont ou ont été leur principal soutien.

Recommandations : Le HCR recommande que les parties incluent les conjoints de fait dans la définition de « membre de la famille ». Il recommande également d’examiner dans quelle mesure les membres de la famille élargie et les membres de fait de la famille, quel que soit le lien avec le demandeur d’asile, peuvent être inclus, s’ils sont ou ont été la principale source de soutien émotif et/ou financier.

Le HCR recommande en outre que les parties définissent dans l’Entente l’expression « à qui on a accordé l’autorisation d’y demeurer de façon indéterminée » de façon à inclure les personnes autorisées à demeurer aux États-Unis ou au Canada par suite d’un sursis au renvoi ou d’une dispense en vertu de la Convention des Nations Unies (aux États-Unis) ou d’un sursis au renvoi après un examen des risques avant renvoi (au Canada). 

Le HCR encourage également les parties à étendre la portée de l’alinéa 4(2)a) de manière qu’il vise aussi les personnes légalement autorisées à demeurer au pays pour des « motifs d’ordre humanitaire ». Seraient comprises, par exemple, les personnes bénéficiant du statut temporaire de personne protégée [Temporary Protected Status] (aux États-Unis) et les personnes de pays visés par un moratoire (au Canada), qui pourraient demeurer dans l’un ou l’autre pays pendant une période prolongée en raison de l’instabilité qui règne dans leurs pays d’origine. Ces personnes peuvent généralement travailler et assurer la subsistance des membres de leur famille qui demandent asile.

Dans l’esprit des articles 9 et 10 de la Convention sur les droits de l’enfant, le HCR recommande que l’âge limite de 18 ans révolus pour être un  membre de la famille acceptable soit supprimé de l’alinéa 4(2)b). En outre, le HCR recommande que les membres de la famille élargie et les membres de fait de la famille bénéficient du même adoucissement, s’ils constituent ou ont constitué le principal soutien du demandeur.

B. Mineurs non accompagnés

Le HCR se réjouit de la généreuse exception prévue dans l’Accord pour les « mineurs non accompagnés ».

Le HCR est par contre préoccupé par le fait qu’un enfant voulant demander l’asile dans le pays d’arrivée soit intercepté au cours du processus d’inspection à la sortie du dernier pays de séjour et y soit détenu. À moins que le dernier pays de séjour n’autorise l’enfant à gagner le pays d’arrivée pour y déposer une demande d’asile, l’enfant ne pourrait pas bénéficier de cette exception.

Selon la définition d’« enfant non accompagné » énoncée dans l’Accord, l’enfant n’est considéré comme « non accompagné » que s’il n’a de parent ni au Canada ni aux États-Unis. Dans ce cas, et si les exceptions prévues aux articles 4(2)a) ou 4(2)b) ne s’appliquaient pas, l’enfant serait dans l’incapacité de rejoindre son parent.

Finalement, l’Accord ne garantit pas que les mineurs non accompagnés ne soient pas détenus dans le pays d’arrivée, en l’absence de circonstances exceptionnelles.

Recommandations : Le HCR recommande que les cas de mineurs non accompagnés soient traités en priorité. Étant donné que l’évaluation de l’âge n’est pas une science exacte, le HCR souhaite que le bénéfice du doute soit accordé aux enfants séparés pour ce qui est d’établir leur âge.   

Le HCR recommande que les parties veillent à autoriser les mineurs non accompagnés à demander l’asile dans le pays d’arrivée s’ils sont appréhendés au cours de l’inspection à la sortie.

Le HCR insiste pour que les enfants soient autorisés à demander l’asile dans le pays d’arrivée si un de ses parents ou un tuteur légal y réside.

Le HCR insiste pour que les enfants séparés ne soient pas détenus et que des dispositions de garde appropriées soient également prises en attendant que soit déterminé l’âge du demandeur, si cela est jugé nécessaire. 
 

VII. Visas valides

Pour que l’exception 4(2)d) s’applique, l’individu doit détenir un « visa valide » ou un autre « titre d’admission valide […], autre qu’une autorisation de transit » émis par le pays d’arrivée, ou bien être originaire d’un pays pour lequel seul le pays d’arrivée n’exige pas de visa. Toutefois, l’expression « visa valide » n’est pas définie.

Selon la compréhension qu’a le HCR de la loi américaine actuelle, un « étranger qui arrive » serait jugé interdit de territoire et des procédures de renvoi accélérées seraient mises en marche si l’étranger arrivait à un point d’entrée muni de faux documents ou sans documents. Dans ce contexte, des visas de tourisme ou d’affaires seraient considérés comme de « faux » documents si la véritable intention de la personne est de demander l’asile. Il n’est pas clair, dans le projet d’Accord, si cette norme s’appliquerait également aux documents « valides » émis aux termes de l’article 4(2)d). 

Cette disposition est muette au sujet des demandeurs d’asile venant de pays pour lesquels aucune des parties n’exige de visa, de même que pour les demandeurs ayant obtenu des visas à la fois pour les États-Unis et pour le Canada.

Recommandations : Le HCR recommande que l’Accord ou ses règlements/règles définissent « visa valide » de telle sorte que la validité ne soit pas liée aux intentions subjectives présumées du demandeur d’asile. 

Le HCR recommande également que les demandeurs détenant des visas des deux pays ainsi que les demandeurs n’ayant pas besoin de visa pour ni l’un ni l’autre des pays soient autorisés à choisir le pays où ils présenteront leur demande.

VIII. Statut des demandeurs cherchant à entrer

L’article 4(3) stipule que le dernier pays de séjour ne doit pas être obligé d’accepter de reprendre un demandeur d’asile tant que la partie représentant le pays d’arrivée n’a pas rendu une décision définitive conformément au présent Accord. Il peut être difficile d’établir les liens familiaux au point d’entrée. Les entrevues peuvent être longues et il peut se passer bien des jours avant que le demandeur n’obtienne l’attestation de ses liens de parenté. L’Accord ne précise pas clairement comment le demandeur sera traité pendant ce temps – sera-t-il admis, devra-t-il attendre au point d’entrée, lui demandera-t-on d’attendre dans l’autre pays ou sera-t-il détenu pendant que l’on établit ses liens de parenté? Au Canada, il n’est pas clair si la détermination des liens de parenté fera partie de la décision de recevabilité, qui aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés doit être prise dans les 72 heures.

Recommandations : Le HCR insiste pour que le pays d’arrivée admette le demandeur d’asile sur son territoire pendant qu’il détermine s’il est visé par les exceptions prévues à l’Accord. Le HCR insiste également pour que les parties ne détiennent pas le demandeur d’asile pendant ce temps.

IX. Procédures de révision efficaces

De l’avis du HCR, les décisions aux termes d’accord sur « les tiers pays sûrs » doivent être révisables et les révisions doivent avoir un effet suspensif. 

Il n’est pas clair si les décisions prises conformément à l’Accord seront soumises à une procédure de révision (p. ex., si l’une des exceptions s’applique pour le demandeur).

Recommandation : Le HCR incite les parties à inclure dans l’Accord une disposition prévoyant une procédure de révision efficace.

X. Pouvoir discrétionnaire

Le HCR se réjouit du libellé de l’article 6 qui permet à chaque partie, à son gré, d’examiner une demande d’asile si elle juge qu’il est dans l’intérêt public d’agir ainsi. Toutefois, les questions suivantes n’y sont pas abordées : la façon de présenter la demande, la façon qu’elle sera examinée, qui fera l’examen.

Recommandation : Le HCR recommande que le pouvoir discrétionnaire aux termes de l’article 6 soit exercé de façon générale dans les cas de motifs d’ordre humanitaire et que le processus soit délimité dans les règlements. Les demandes d’asile fondées sur le sexe, que les parties évaluent actuellement de façon assez différente, devraient faire l’objet d’une attention particulière.
 

XI. Échange d’information

La portée prévue de l’article 7a) n’est pas claire. Le HCR est préoccupé par le fait que l’information sur des demandeurs d’asile ne doit pas être transmise à des tiers, en particulier au pays d’origine des intéressés. 

Recommandation : Le HCR recommande que les parties précisent clairement que cet article ne s’applique qu’à l’échange d’information entre les parties. 
 

XII. Mise en œuvre

En juin 2002, il y a eu un grand afflux de demandeurs d’asile arrivant à la frontière canadienne à partir des États-Unis, ce qui a provoqué d’importants problèmes de logement et de santé. Certains cherchaient à entrer au Canada avant la mise en vigueur de la nouvelle loi sur l’immigration (LIPR) le 28 juin 2002, mais d’autres cherchaient à entrer à la suite de rumeurs non fondées selon lesquelles l’Accord serait mis en vigueur le même jour. Le HCR estime qu’il pourrait se produire une « ruée vers la frontière » similaire après la signature du texte définitif de l’Accord, mais avant sa mise en vigueur.

Recommandation: En prévision de l’afflux possible de demandeurs d’asile à la frontière lorsque le texte définitif sera annoncé, le HCR espère que des ressources adéquates seront prévues pour que les demandes d’asile soient traitées rapidement et dans des conditions acceptables.
 

XIII. Suivi et revue périodique

Le HCR apprécie la possibilité qui lui est donnée à l’article 8(3) de participer à la révision de l’Accord et de sa mise en œuvre, la première révision devant avoir lieu au plus tard 12 mois après l’entrée en vigueur de l’Accord. Le HCR note que la pertinence des révisions périodiques dépend totalement d’un suivi continu de la mise en œuvre de l’Accord. Le HCR est disposé à jouer un rôle dans le suivi, dans le cadre de ses responsabilités consultatives. Les ONG pourraient aussi jouer un important rôle à cet égard. La participation des ONG permettrait de couvrir un plus grand secteur géographique. En outre, les ONG ont les contacts les plus étroits avec les demandeurs d’asile.

Recommandation : le HCR recommande que les parties incluent dans l’Accord une disposition prévoyant le suivi de sa mise en œuvre auquel pourraient participer à la fois le HCR et les ONG des deux pays.
 

XIV. Réinstallation

À l’article 9, chacune des parties convient de « s’efforcer, de la manière qu’elle estime justifiée dans les circonstances, de faciliter le réinstallation des personnes dont le besoins de protection a été établi. » Il n’est pas clair quel rapport cette disposition a avec l’objet de l’Accord, à savoir le traitement des demandes d’asile à la frontière.

Recommandation : Le HCR recommande que cet article soit omis de l’Accord puisqu’il ne traite pas des demandes d’asile présentées à la frontière. De toute manière, compte tenu de la responsabilité réglementaire globale du HCR d’aider les gouvernements à trouver des solutions durables pour les réfugiés, le HCR espère être informé des mesures que les deux gouvernements prendront aux termes de cette disposition. 
 
 

HCR
26 juillet 2002
 
 


 

ANNEXE 2

 

David A. Martin

Professeur de droit (Doherty) et professeur de recherche en libertés civiles et droits de la personne (Weber), Université de Virginie

 

Le 15 juillet 2002

 

Le Canada et les États-Unis ont annoncé la conclusion d'Avant-projet d’accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique pour la coopération en matière d’examen des demandes du statut de réfugié présentées par des ressortissants de  pays tiers. Les deux pays procèdent actuellement à d’autres consultations au sein de leurs systèmes respectifs, notamment auprès des organismes non gouvernementaux (ONG) intéressés, avant de conclure l’accord final. Le projet a fait l'objet d’importantes critiques de la part des ONG des deux côtés de la frontière, et il a suscité des préoccupations au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Le présent mémoire analyse ces critiques et ces préoccupations.

 

Selon une revue d’articles de presse, de mémoires et de la correspondance reçue, il semble que les plaintes concernent principalement les manquements présumés des États-Unis à l’égard des normes internationales (ou, du moins, à l’égard des niveaux d’application souhaités) dans les secteurs suivants : 1) le recours au processus de renvoi accéléré pour les étrangers qui arrivent sans documents ou qui présentent des documents frauduleux, 2) la détention des demandeurs du statut de réfugié 3) le traitement réservé aux mineurs, et 4) la doctrine gouvernant le traitement des demandes du statut de réfugié en raison du  sexe. La partie qui suit traite de chacun de ces points de façon assez détaillée et aborde plus succinctement certaines autres questions soulevées, du moins au passage, par les ONG. Elle n’aborde pas les points de vue apparemment exprimés par les critiques pendant la préparation du projet d’accord  dont il a été tenu compte dans le projet d’accord. Ce sont entre autres la crainte du HCR que les personnes renvoyées en vertu de l’Accord soient envoyées encore une fois dans un autre État sans qu’une décision n’ait été prise sur le fond (ce point est traité à l’article 3), et le souhait que l’on prenne en considération les liens familiaux dans le pays d’arrivée avant de renvoyer quelqu’un dans l’autre pays (ce point est traité au paragraphe 4(2)).

 

I.  Processus de renvoi accéléré

 

Les modifications adoptées par le Congrès américain en 1996 prévoient le renvoi accéléré des personnes qui arrivent à la frontière américaine sans les documents requis ou munis de documents frauduleux. Immigration and Nationality Act (INA) § 235(b)(1). En vertu de cette disposition, un inspecteur de l’immigration à la frontière est autorisé, dans des circonstances précises, à prendre une mesure de renvoi  exécutoire sans autre examen par un juge de l’immigration ou une cour fédérale. Cette procédure a suscité énormément de critiques de la part des ONG, tant au Canada qu’aux États-Unis, surtout à cause des inquiétudes qu’elle soulève quant aux conséquences possibles pour les demandeurs du statut de réfugié. Mais un grand nombre de critiques manifestent  une incompréhension du fonctionnement réel de cette procédure et, dans certains cas, invoquent des critères qu’on ne peut considérer comme reflétant le droit international.[1]

 

Une description détaillée de la procédure, ainsi qu’une analyse des critiques très semblables à celles formulées dans le cadre du débat canadien en cours, figurent dans le mémoire qui contient mes réponses au Point 16 des questions posées dans l’affaire Salas au Royaume Uni (pp. 38-52 du mémoire traitant de la lettre du 17 mars 2000). Ce mémoire a déjà été déposé, et je ne reprendrai pas cette description ici. Je vais plutôt me limiter à reprendre quelques points qui semblent avoir une importance cruciale à la lumière des critiques formulées par la presse et les ONG canadiens. 

 

Le processus de renvoi accéléré ne permet pas le rejet définitif d’une demande du statut de réfugié  par un inspecteur de l’immigration à la frontière. Toute indication de quelque nature qu'elle soit d’une demande du statut de réfugié  ou toute crainte de retourner manifestée par le demandeur au cours de l’entrevue dirigée par l’inspecteur entraînent obligatoirement le renvoi du cas à un agent expérimenté dans les demandes du statut de réfugié. De plus, l’inspecteur doit donner un avis précis sur les demandes d’asile et, au cours d’une entrevue détaillée – laquelle est exigée avant qu’une quelconque mesure de renvoi accéléré ne soit prise – il doit demander à l’intéressé s’il craint de retourner. Si le cas est renvoyé à l’agent chargé des demandes du statut de réfugié, celui-ci doit interroger le demandeur au plus tôt 48 heures après, et, au besoin, les services d’un interprète sont fournis aux frais du gouvernement. Dans l’intervalle, la loi accorde à l’intéressé le droit express de consulter des personnes de son choix, et notamment un conseil. Après l’entrevue, l’agent chargé des demandes du statut de réfugié  n’a qu’une seule question à se poser : Le demandeur a-t-il une « crainte vraisemblable d’être persécuté »? Il est beaucoup plus facile d’appliquer ce critère que de tenter d’évaluer tous les critères qui servent à déterminer le statut de réfugié; plus de 90 p. 100 des personnes dans ce cadre réussissent le test de la crainte vraisemblable. Les décisions défavorables prises par l’agent des demandes du statut de réfugié sont réexaminées par un juge de l’immigration sur demande, dans le cadre d’une procédure spéciale qui ne doit pas durer plus de sept jours.

 

Les demandeurs du statut de réfugié qui arrivent à démontrer que leur crainte est vraisemblable entique sont convoqués à une audience, dans le cadre d'une procédurecontradictoire, devant un juge de l’immigration plusieurs semaines ou mois plus tard. Cette audience sur le fond de la cause n’est pas différente de celle accordée aux autres demandeurs du statut de réfugié. La plupart de ceux qui réussissent à démontrer la vraisemblance de leur crainte sont relâchés en attendant l’instruction approfondie; la détention prévue par la loi dans le cas du renvoi accéléré ne s’applique qu’à l’étape de l’interrogatoire destiné à établir la vraisemblance de la crainte, et le demandeur peut ensuite être relâché selon les critères habituels. S’il est vrai que des mesures sont prises pour faciliter la communication avec des avocats bénévoles, il n’existe aucun droit à un conseil payé par le gouvernement (dans ce cas-ci ou dans le cadre du processus normal de renvoi ou de détermination du statut de réfugié), les normes internationales en la matière ne prévoient pas le droit aux services d’un conseil. Se reporter aux Conclusions no 8 (Détermination du statut de réfugié) et no 30 (Le problème des demandes manifestement non fondées ou abusives) du Comité exécutif du HCR.[2] - Il est à noter qu'à cause des cours délais imposés pour la révision de texte, que nous n'avons pu repérer les versions françaises des conclusions du comité exécutif du HCR.  Ce commentaire à tout renvoi dans ce texte qui est fait aux conclusions du comité exécutif.   La Conclusion no 30  approuve expressément les procédures « accélérées » pour traiter les demandes qui de toute évidence ne sont manifestement pas fondées, et la procédure américaine n’est pas très différente des procédures comparables en usage dans certains pays européens. On trouvera des précisions sur ces thèmes dans David A. Martin, Two Cheers for Expedited Removal in the New Immigration Laws, 40 Va. J. Int’l L. 673 (2000). 

 

II. Détention des demandeurs du statut de réfugié

Amnistie Internationale est dans l’erreur lorsqu’elle dit que les pratiques des États-Unis en matière de détention vont à l’encontre du droit international. En ce qui concerne l’immigration, une personne n’est détenue que si, à première vue, elle se trouve illégalement aux États-Unis et seulement jusqu’à que l’asile lui soit accordé. Dans la très grande majorité des cas, les demandeurs du statut de réfugié ne sont  pas détenus. Dans le cas de ceux qui sont initialement détenus, le fait qu’une demande du statut de réfugié  soit provisoirement jugée valable (habituellement la norme de « crainte vraisemblable  » examinée ci-dessus relativement au renvoi accéléré) est considéré comme un facteur favorable pour la remise en liberté. Cependant, ces facteurs sont mis en perspective par rapport à d’autres caractéristiques du cas qui pourraient indiquer que la personne est dangereuse ou qu’elle pourrait disparaître (ce qui comprend les doutes au sujet de son identité). Bon nombre de demandeurs du statut de réfugié  n’ont pas de pièces d’identité fiables. D’ailleurs, les statistiques du gouvernement américain laissent entendre qu’une proportion importante des demandeurs du statut de réfugié ne se présentent pas à leur audience ou, si leur demande est rejetée, pour leur expulsion après la sommation.[3]

 

Selon le droit international, il n’est pas interdit de détenir un demandeur du satut de réfugié. L’article 26 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés garantit la libre circulation des réfugiés dans l’État contractant, mais il limite,  à juste titre, cette protection aux « réfugiés se trouvant régulièrement sur son territoire ». Les États-Unis respectent entièrement cette disposition parce que seules sont détenues les personnes considérées comme étant illégalement sur le territoire, personnes qui ne constituent en fin de compte qu’une petite minorité de demandeurs. L’article 31 de la Convention prévoit que les États contractants n’appliqueront aux déplacements des réfugiés en situation irrégulière dans le pays d’accueil que les restrictions « qui sont nécessaires; ces restrictions seront appliquées seulement en attendant que le statut des réfugiés dans le pays d’accueil ait été régularisé ou qu’ils aient réussi à se faire admettre dans un autre pays. » La Convention ne dit rien de plus sur les critères pour juger de la nécessité; cette notion plutôt vague donne donc aux États une certaine marge de manœuvre. Même si des commentateurs recourent parfois aux Conclusions du Comité exécutif du HCR (COMEX) pour trouver des réponses à des questions d’interprétation de ce genre, il ne faut pas oublier que le COMEX n’est pas mandaté pour donner des interprétations officielles des dispositions de la Convention. Ses Conclusions peuvent certainement être considérées comme des repères quant aux pratiques recommandées aux États, mais elles ne constituent absolument pas des interprétations qui font autorité en matière de droit international.[4]

 

Quoi qu'il en soit, les pratiques des États-Unis correspondent à la Conclusion no 44 du COMEX sur la détention des réfugiés et des demandeurs du statut de réfugié, la principale déclaration de cet organisme à cet égard. La Conclusion (à juste titre) met en garde contre un recours excessif à la détention et prévoit notamment ce qui suit :

 

Au besoin, on peut recourir à la détention uniquement pour les motifs prévus par la loi pour vérifier l’identité; pour déterminer les éléments sur lesquels la demande du statut de réfugié ou d’asile est fondée; pour les cas de réfugiés ou de demandeurs d’asile qui ont détruit leurs documents de voyage ou pièces d’identité ou ont utilisé des documents frauduleux pour induire en erreur les autorités de l’État où ils comptent demander l’asile; ou pour assurer la sécurité nationale ou l’ordre public.

 

Ces motifs correspondent à ceux prévus par les lois des États-Unis.

 

Dans sa lettre adressée au ministre Coderre le 2 mai 2002, le HCR exprimait d’autres réserves au sujet de la détention des demandeurs du statut de réfugié  aux États-Unis. Il requérait du Canada qu'il obtienne  un engagement selon lequel les demandeurs du statut de réfugié  renvoyés ne seraient pas détenus, «sauf pour des raisons de sécurité sérieuses ou pour refus d’aider les autorités à établir leur identité. » [traduction]  La plupart  des décisions de  détenir des demandeurs du statut de réfugié  aux États-Unis seraient conformes à ces critères. Néanmoins, la restriction demandée va bien au-delà de ce qu’exige la Convention ou même la Conclusion no 44, qui reconnaît une plus grande variété de motifs de détention et ne limite pas les motifs liés à la sécurité de la façon présentée dans la lettre. En ce qui concerne la sécurité, une plus grande marge de manœuvre est raisonnable compte tenu des récentes menaces terroristes Cette lettre devrait probablement être considérée comme une demande pressante du HCR pour que les États fassent plus que le minimum exigé en droit international pour adopter des pratiques qu’il considère progressistes – une prise de position légitime de la part du HCR. Cependant, les critères proposés dans la lettre ne peuvent être considérés comme un énoncé des normes actuelles du droit international.

 

Évidemment, il est légitime et souvent approprié de critiquer certaines décisions en matière de détention, en contestant l’évaluation des faits dans un cas particulier ou en demandant aux décideurs de privilégier la remise en liberté en cas de doute. De tels désaccords sur des décisions particulières n’indiquent toutefois pas que les normes internationales ne sont pas respectées. En outre, aux États-Unis, il y a toujours d’autres forums pour exprimer de tels désaccords. Toute décision relative à la détention fait toujours l’objet d’un réexamen, au moins en cour lorsqu’il y a bref d’habeas corpus. Même si les tribunaux font preuve de réserve judiciaire  à l'égard de la décision administrative, la procédure de l’habeas corpus constitue un véritable mécanisme de contrôle pour éviter les abus de pouvoir en matière de détention. De plus, sauf dans les cas frontaliers (pour les personnes maintenant désignées dans l’Immigration and Nationality Act par l’expression « arriving aliens » (étrangers arrivants), les décisions du Service d’immigration et de naturalisation (SIN) sur les conditions de mise en liberté sont aussi assujetties à un réexamen quelque peu plus rigoureux par un juge de l’immigration lors d’une procédure appelée « bond redetermination » (réexamen des conditions de mise en liberté). En outre, la décision du juge peut faire l’objet d’un appel devant la Board of Immigration Appeals (BIA).

 

Quelques autres critiques exprimées par Amnistie Internationale méritent des commentaires. Dans son mémoire, l’organisation met en cause la détention obligatoire et la détention à long terme ou indéfinie. Il est obligatoire de détenir certaines catégories de personnes qui peuvent comprendre des demandeurs du statut de réfugié  seulement dans deux circonstances[5] : 1) si la personne a été condamnée pour un « aggrevated felony » [crime grave] (une circonstance qui généralement rend applicables les clauses d’exclusion de la Convention et, quoi qu’il en soit, est tout à fait conforme à la Conclusion no 44 comme motif de détention) ou 2) si le cas de la personne est traité selon les dispositions sur le renvoi accéléré prévues dans l’INA et décrites plus en détail ci-dessus. Il est essentiel de rappeler qu’en vertu des dispositions sur le renvoi accéléré, la détention est obligatoire uniquement durant les premiers jours, soit jusqu’à ce que la question de la crainte vraisemblable  soit réglée. Une fois l’étape de la crainte vraisemblable franchie, la remise en liberté est envisagée en fonction de tous les facteurs pertinents, dont le risque de disparition et le danger pour le public. Au terme de cet examen, une grande majorité des demandeurs sont remis en liberté.[6]

 

Aux États-Unis, une personne est détenue indéfiniment lorsque aucun pays n’est prêt à l’accueillir et qu’elle est visée par une mesure de renvoi définitive. En pratique, au cours des cinquante dernières années, seuls des individus qui avaient commis des crimes graves ont ainsi été détenus.[7] L’été dernier, dans une décision faisant jurisprudence, la Cour suprême des États-Unis a imposé des restrictions importantes (normalement une limite d’environ six mois) à ce genre de détention [Zadvydas v. Davis, 121 S.Ct. 2491 (2001)].

 

Il est très peu probable que les personnes qui satisfont à la définition de réfugié contenue dans la Convention de 1951 (donc les seules personnes visées par les mesures de protection contre la détention prévues aux articles 26 et 31 de ladite Convention) soient détenues aux États-Unis pour une période significative. Même si une personne n’est pas remise en liberté au moment où elle dépose sa demande, elle a droit à sa libération dès que sa demande du statut de réfugié est définitivement acceptée. Normalement, la détermination du bien-fondé d’une demande du statut de réfugié ne prend qu’un temps limité. À la suite d’une réforme survenue en 1995, la plupart des demandes du statut de réfugié font l’objet d’un premier examen dans les 180 jours suivant la présentation. (Souvent, au cours de cette période, selon l’étape précise de la procédure au moment où la demande est déposée, cette demande aura été entendue par un agent attitré lors d’une audience, dans le cadre d'une procédure non contradictoire, ainsi que par un juge de l’immigration. Les appels peuvent prendre beaucoup de temps. Cependant, le BIA entend en priorité ceux des demandeurs détenus, ce qui accélère le règlement de leur cas.

 

Amnistie Internationale critique aussi les conditions de détention dans une phrase de son mémoire qui laisse entendre que des conditions dures (incluant des mauvais traitements) sont choses courantes. Voilà une distorsion de la réalité. Au cours des cinq dernières années, le SIN, en étroite consultation avec l’American Bar Association et d’autres groupes d’intérêts, a établi des normes détaillées en matière de détention (constituant  plusieurs centaines de pages). Ces normes sont maintenant appliquées dans tous les centres du SIN ainsi que dans la plupart des autres établissements de détention utilisés (comme des prisons locales ou privées dans lesquelles le SIN loue des espaces de détention). Le SIN a aussi réorganisé ses services de détention pour assurer un contrôle plus complet du respect des normes. Ces normes, qui portent sur 37 points différents, prévoient des dispositions réalistes, mais sécuritaires, dont l’application est la responsabilité des gestionnaires des établissements. Elles prévoient notamment une procédure détaillée de traitement des plaintes.[8] Il est strictement interdit d’infliger de mauvais traitements aux détenus, et de nombreuses dispositions portent sur la question des soins médicaux pour les détenus. Dans son mémoire, Amnistie Internationale disait que « beaucoup de détenus n’étaient pas autorisés à communiquer avec des membres de leur famille, des avocats ou des ONG qui pourraient les aider. » [traduction] Au contraire, le chapitre le plus long sur les normes prévoit des visites ainsi que de nombreuses dispositions sur la communication dont il était question dans le mémoire – et particulièrement des droits importants pour communiquer avec un avocat, y compris en dehors des heures de bureau et les fins de semaine. Un autre chapitre porte sur les possibilités qu’ont les ONG de venir expliquer aux détenus leurs droits. En vertu de la loi et de la réglementation, des listes à jour des organisations de la région qui offrent gratuitement des services juridiques doivent être remises à tous les détenus. Les accusations portées par Amnistie Internationale semblent découler de quelques cas de non-respect de ces normes (ou des énoncés de politique antérieurs) par des établissements de détention. Des incidents malheureux, certains impliquant des demandeurs du statut de réfugié, se sont déjà produits, et tous doivent être condamnés. Cependant, le SIN réagit lorsque de tels incidents se produisent en prenant des mesures disciplinaires contre les agents en cause ou même en fermant simplement l’établissement contrevenant (comme ce fut le cas en 1995 d’un établissement qui avait été loué à Elizabeth (NJ) après que des troubles soient survenus impliquant des détenus). Les normes ont été mises au point, et les services de détention et de renvoi ont été réorganisés de manière à éviter que de tels incidents ne se reproduisent. Il faut toujours surveiller de près l’application des politiques, mais les dispositions fondamentales régissant la détention, notamment celle des demandeurs du statut de réfugié , sont conformes aux normes internationales.

 

III. Traitement réservé aux mineurs 

 

Dans son mémoire, Amnistie Internationale se préoccupe particulièrement de la détention des enfants qui demandent l’asile. (Cette préoccupation n’est pas fondée puisqu’il est précisé dans l’Accord proposé entre le Canada et les États-Unis que les mineurs non accompagnés ne peuvent être renvoyés dans le dernier pays de séjour. Alinéa 4(2)c). Il convient toutefois de s’attarder sur cette question étant donné la description trompeuse qui est faite des pratiques américaines.) Il est indiqué dans le mémoire que le SIN a détenu, en l'an 2000, « près de 4 700 enfants » qui se sont présentés aux frontières américaines, dont un « bon nombre » dans des « prisons de comté ou des prisons pour les jeunes ». Cette affirmation constitue une grossière déformation de la réalité. Tout d’abord, la notion de détention véhiculée dans le rapport est très trompeuse - on pourrait presque dire qu’Amnistie Internationale joue sur les mots. La Cour suprême des États-Unis a déjà indiqué que « le SIN ne peut tout simplement pas libérer les jeunes sous caution et les laisser à eux-mêmes. » [traduction] Reno v. Flores, 507 U.S. 292, 295 (1993). Il est même arrivé que des jeunes, qui s’étaient enfuis de leur foyer d’accueil ou d’un autre établissement, soient retrouvés entre les mains des trafiquants ou des passeurs qui les avaient amenés aux États-Unis et qui les exploitaient par le travail. Comme le SIN est responsable des mineurs qu’il intercepte dans le cadre de ses activités d’exécution de la loi (environ 4 700 jeunes en l'an 2000), il est donc important qu’il assume, dans une certaine mesure, la garde de ces personnes. Pourtant, la plupart  des jeunes sont confiés à la garde de leurs parents, de tuteurs légaux ou d’autres adultes de leur famille, ou encore à des établissements spécialisés pour les jeunes et reconnus comme tels. Il existe d’ailleurs à cet égard un nombre toujours plus grand de refuges et d’établissements de soins tenus par des professionnels compétents. De nombreux jeunes demeurent donc sous la garde officielle du SIN jusqu’à ce que leur cas soit réglé ou qu’ils soient confiés à leur famille, mais ils ne sont pas « détenus » à proprement parler, et il serait déraisonnable de prétendre le contraire.

 

Au cours de la majeure partie de la dernière décennie, l’entente de règlement conclue dans l’affaire Reno v. Flores, dont il est fait mention ci-dessus[9], a servi de cadre au SIN pour le traitement des cas de mineurs. (Le tribunal qui a instruit l’affaire a tous les pouvoirs pour assurer le respect de l’entente de règlement.) Cette entente, qui fait près de 24 pages, stipule expressément que le SIN doit s’efforcer de soumettre les mineurs à un minimum de restrictions (par. 11). L’entente donne ensuite des détails sur cette exigence, sur les autres garanties offertes et sur les procédures d’application. En 1998, le SIN a proposé de codifier, par règlement, les éléments de base de cette entente afin d’en assurer l’application permanente même après son expiration. 63 Federal Register 39759 (1998). Il n’a pas été possible d’aller au bout de cette démarche avant l’arrivée d’une nouvelle administration à la Maison-Blanche, mais une nouvelle demande de commentaires sur la proposition a été diffusée en janvier 2002, ce qui témoigne de l’intention de l’administration Bush de pousser ce projet dans le cadre du réexamen des « infrastructures et politiques permettant de gérer et de développer adéquatement les programmes destinés aux mineurs non accompagnés. » [traduction] 67 Federal Register 1670 (2002). Entre-temps, le SIN a indiqué qu’il continuerait à appliquer l’entente Flores, même après son expiration, jusqu’à ce que de nouveaux règlements soient entrés en vigueur.

 

Seule une petite minorité d'étrangers qui sont confiés à la garde du SIN sont détenus dans des installations protégées (qui pourraient correspondre aux « prisons pour jeunes » mentionnées par Amnistie Internationale). Cependant, aux termes de l’entente de règlement, ils doivent être détenus à l’écart des jeunes contrevenants . Contrairement à ce qui est mentionné dans le mémoire, aucun mineurne peut être détenu dans une prison de comté. La détention de certains mineurs dans des établissements protégés pour les mineurs est conforme aux critères établis dans Flores et aux règlements proposés - il peut s’agir de mineurs qui ont commis des crimes ou qui ont menacé d’autres personnes, ou de mineurs qui ne peuvent être protégés à aucun autre endroit (p. ex., un mineur qui est menacé par le trafiquant qui veut qu’il travaille pour rembourser sa dette). D’autres mineurs sont confiés à la garde de leurs parents, de tuteurs légaux ou, dans certaines conditions bien précises, d’autres adultes de leur famille. 8 C.F.R. § 236.3 (2001). Enfin, les autres mineurs sont placés dans des refuges ou des établissements de soins agréés, ou, dans certains cas, dans des établissements de détention à sécurité moyenne. Les critères d’application de l’entente offrent une protection considérable aux mineurs non accompagnés qui sont interceptés par le SIN.

 

Malgré tout, il arrive que des employés du SIN qui travaillent sur le terrain commettent des erreurs dans l’application de ces critères (il est notamment arrivé à de rares occasions que des enfants soient maltraités à la suite d’erreurs grossières concernant les placements). Certains mineurs ont été placés dans des établissements qui ne convenaient vraiment pas, ou ont été détenus dans des établissements protégés pendant une période de temps trop longue. Ces incidents, qui ont été fortement médiatisés, ont (à juste titre) incité les autorités à prendre des mesures, internes et externes, pour éviter qu’ils ne se reproduisent. La législation qui a été proposée au Congrès prévoit des garanties supplémentaires, y compris le recours à un conseil rémunéré et la nomination d’un tuteur d’instance, et une restructuration des bureaux responsables des mineurs non accompagnés. Malgré tout le soutien dont elle bénéficie, il n’est pas encore certain que la législation entrera en vigueur, notamment en raison de certaines initiatives prises par le SIN. Le commissaire actuel, James Ziglar, a comme priorité personnelle l’amélioration du traitement réservé aux mineurs. Le Office of Juvenile Affairs qu’il a créé en novembre 2001 relève directement de lui, et, par règlement, il a donné à ce bureau une autorité hiérarchique directe sur tous les agents qui travaillent auprès des mineurs. Plusieurs décisions importantes concernant la garde et la libération des mineurs sont maintenant prises directement par le directeur de ce bureau.[10] Cette nouvelle priorité, notamment en raison du changement radical apporté à la voie hiérarchique, a déjà produit des améliorations considérables dans la façon dont sont appliquées, sur le terrain, des politiques de longue date. 

 

En décembre 1998, le SIN a adopté une série de lignes directrices progressistes (qui ne touchent pas la détention) pour l’étude des demandes du statut de réfugié présentées par des mineurs. Inspirées des directives canadiennes, ces lignes directrices ont été généralement bien accueillies par les ONG et le HCR. Guidelines for Children’s Asylum Claims, 76 Interpreter Releases 1 (1999).

 

IV.  Demandes du statut de réfugié  en raison du  sexe

 

Les critiques à l’égard de l’Accord formulées dans le mémoire d’Amnistie Internationale et dans celui du Hastings College of the Law sont fondées en grande partie sur le fait que les États‑Unis ne protégeraient pas des personnes qui ont été persécutées dans leur pays d’origine en raison de leur sexe. Or, les États-Unis ont joué un rôle de chef de file dans l’adoption d’une variété de mesures de protection pour les femmes demanderesses du statut de réfugié et ont mis de l’avant une doctrine progressiste pour traiter leurs demandes. Huit ans avant la décision Ward[11]de la Cour suprême du Canada, le BIA des États‑Unis a rendu une décision qui a été abondamment citée et a eu des répercussions internationales. Elle portait sur une interprétation du concept de persécution pour le motif de l’appartenance « à un certain groupe social », énoncé dans la Convention. Dans sa décision, le BIA a inclus la persécution en raison du sexe[12] Matter of Acosta, 19 I & N Déc. 211, 233 (1985), modifiée pour d’autres motifs, Matter of Mogharrabi, 19 I&N Dec. 439 (1987).  En 1995, le SIN a publié une série de directives  concernant les femmes demanderreses du statut de réfugié, que les ONG et le HCR ont, dans l’ensemble, accueillies très favorablement. 72 Interpreter Releases 771, 781 (1995). Les États‑Unis ont milité pour la protection des femmes victime de violence, dans les conférences internationales, et ils ont adopté deux textes de loi majeurs allant dans ce sens. Les deux contiennent des dispositions prévoyant : des exigences moins rigoureuses en matière d’immigration pour les épouses victimes de violence conjugale, notamment un droit pour celles qui sont mariées avec un citoyen américain ou un résident permanent des É.‑U. de demander le statut de résident permanent indépendamment de leur mari; la possibilité d’empêcher le renvoi et d’offrir des conditions favorables à celles qui ont été victimes de violence; des nouveaux visas « T » et « U » permettant d’octroyer le statut de résident permanent à celles qui ont été victimes de la traite de femmes ou d’autres formes de méfaits criminels. En 1993, le BIA a octroyé l’asile à une Haïtienne qui a été victime d’un viol commis par une bande de militaires haïtiens, reconnaissant ainsi le viol comme une forme de persécution. Matter of D-V-, 21 I&N Dec. 77 (BIA 1993). En 1996, le BIA a rendu une décision dans l’affaire Kasinga,hautement médiatisée, et a octroyé le droit d’asile à une femme de 18 ans qui allait subir une mutilation des organes génitaux si elle retournait au Togo. Matter of Kasinga, 21 I&N Dec. 357 (BIA 1996). Ce cas a fait jurisprudence à l’échelle internationale. La mutilation génitale des femmes y est reconnue comme un motif de demande du statut de réfugié. Plus récemment, le BIA a octroyé l’asile à une jeune femme victime de mauvais traitements répétés de la part de son père, jugeant que ses actes équivalaient à de la persécution liée à la religion. Matter of S‑A-, Interim Dec. 3433 (BIA 2000).

 

La plupart des critiques au sujet de la façon dont les États‑Unis traitent les demandes du statut de réfugié en raison du sexe semblent porter sur un point de doctrine spécialement difficile et prêtant à controverse, et sur une décision précise du BIA, Matter of R‑A-, Int. Dec. 3403 (BIA 1999). Beaucoup d’autres pays sont aux prises avec ces mêmes questions juridiques, et il est loin d’être évident que la décision dans Matter of R-A- était contraire au droit et aux pratiques à l’échelle internationale, même si la décision est fondée sur une interprétation restrictive de la définition de « certain groupe social » et du lien qui doit exister entre la persécution et un des cinq motifs énoncés dans la Convention. Quoi qu’il en soit, la décision du BIA a poussé le SIN à repenser sa position. Il a demandé à la Procureure générale d’user de son pouvoir statutaire et de réviser la décision du BIA. (Voir description de cette procédure utilisée rarement pour déférer un cas au Procureur général, dans la réponse au point 14 du mémoire Salas fourni précédemment.) La Procureure générale, Mme Reno,  a annulé la décision du BIA, en janvier 2001, et l’a renvoyée au BIA pour nouvel examen après l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions réglementaires sur ces questions. 78 Interpreter Releases 256, 335 (2001). Le projet de règlement, qui devait être beaucoup plus favorable aux demandes du genre de celle que représentait R‑A‑, a été publié en décembre 2000. 65 Federal Register 76588 (2000). Il a fait l’objet de nombreux commentaires du public, et le SIN en finalise le texte actuellement. Le mémoire du Hastings College contient un grand nombre de critiques à l’égard du projet de règlement, mais les mêmes points ont été soulevés pendant la période de publication préalable, de sorte qu’il faudra en tenir compte d’une façon ou d’une autre, sans doute en apportant des modificationsau texte proposé.

 

En résumé, la décision du BIA dans R-A- ne reprend pas la doctrine qui prévaut aux É.‑U., et, de fait, elle a été annulée par le Procureur général. Il existe effectivement une certaine incertitude quant aux normes à appliquer (incertitude qui persistera probablement jusqu’à l’adoption du nouveau règlement), mais il n’y a aucune raison de penser que les tribunaux inférieurs appliquent une règle sévère pour juger ces demandes. Si l’on étudie la période qui a suivi l’annulation de la décision du BIA par Mme Reno, on constate que l’Asylum Office du SIN a accordé le droit d’asile dans 22 cas de violence conjugale (et des cas similaires de demandes du statut de réfugié en raison du sexe), contre 7 rejets, et les juges d’immigration en ont accueilli 33 et rejeté 7.[13] L’affirmation contenue dans le mémoire du Hastings College, selon laquelle « l’état incertain du droit américain nous amène à refuser d'accorder  une protection aux victimes de persécution en raison du   sexe, ce qui est contraire au droit international» [traduction], semble exagérément alarmiste. Même avec une interprétation extrêmement généreuse des normes en vigueur telles qu’elles sont appliquées dans les cas de violence conjugale, certains cas seront  rejetés faute de crédibilité ou faute de preuve. Et même les interprétations les plus ambitieuses de la protection dans ces cas ne signifient pas qu’il faille octroyer l’asile à toutes les victimes de violence. Selon toutes ces interprétations, la définition de réfugié ne s’applique que lorsque le pays d’origine offre aux victimes une protection qui, de façon systématique, est inadéquate.

 

V.  Autres questions

 

D’autres questions soulevées dans les documents reçus des ONG et du HCR méritent de brefs commentaires.

 

Motifs d’irrecevabilité applicables aux demandes du statut de réfugié, y compris la prescription d’un an.  Le mémoire du HCR indique que « certains des motifs d’irrecevabilité  américains (accès au processus de demande du statut de réfugié) vont à l’encontre des normes internationales. » [traduction] Cette interprétation des motifs d’irrecevabilité, lesquels ont été mis en application en 1996, est très discutable et ne correspond pas tout à fait à ce qui se fait dans la pratique aux É.-U. La loi interdit l’accès 1) si la personne peut être renvoyée dans un tiers pays sûr conformément à un accord bilatéral ou multilatéral, 2) si la personne ne présente pas sa demande dans l’année suivant son arrivée aux États-Unis ou 3) si la personne s’est déjà vu refuser l’asile aux États-Unis. INA § 208(a)(2). Le HCR précise dans son mémoire qu’il accepte le premier motif d’irrecevabilité dans la mesure où l’accord présente des protections suffisantes; on peut donc conclure que sa préoccupation vise les deux autres motifs. (Le CCR a aussi fait connaître ses objections au sujet de la prescription  d’un an.)

 

Les deux derniers motifs peuvent faire l’objet d’une dérogation en vertu de la loi si la personne peut démontrer que « de nouvelles circonstances modifient de façon importante la recevabilité de sa demande du statut de réfugié ou s’il existe des circonstances extraordinaires au sujet du délai visant la présentation de la demande » [traduction]. Les règlements d’application permettent une interprétation libérale des dispositions dérogatoires. Par exemple, ils stipulent que la prescription d’un an est calculée à partir de « la dernière date d’entrée de l’étranger en territoire américain. » [traduction] INA § 208.4(a)(2)(ii) (ajout de la précision). Dans le cas d’une personne qui est renvoyée en vertu de l’accord canado-américain, son retour pourrait être interprété comme une nouvelle « arrivée », ce qui signifierait le calcul d’une nouvelle période de prescription. L’expression « circonstances extraordinaires » vise, entre autres, les maladies ou invalidités graves, la présence au pays à titre de mineur non accompagné, l’aide inefficace d’un avocat, ou la présence aux États-Unis à d’autres titres reconnus par la loi. INA § 208.4(a)(4), (5) (2001). 

 

À vrai dire, la disposition de non-refoulement de la loi américaine, que l’on appelle communément suspension de renvoi, INA § 241(b)(3), ne comporte aucune limite de temps. Selon la Convention de 1951, un pays n’est pas tenu d’accorder l’asile à quelqu’un qui se trouve illégalement sur son territoire. Dans une telle circonstance, il doit uniquement respecter la disposition sur le non-refoulement. Par conséquent, les États-Unis peuvent légalement refuser l’asile aux demandeurs tardifs, à la condition de respecter le principe de non-refoulement. Bien qu’en théorie des objections pourraient être soulevées par suite de la conclusion de certains cas touchés par la prescription  d’un an, compte tenu de l’application par les États-Unis de normes minimales visant l’asile et la suspension d’un renvoi (comme je l’ai expliqué dans mon mémoire sur le cas Salas, que j’ai déjà fourni, voir pages  9-10, 17-20), je ne connais pas de cas où les États-Unis ont de fait expulsé un demandeur retardataire vers un pays où il craignait avec raison d’être persécuté.

 

Considérations de politique étrangère. Le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) prétend dans son communiqué de presse du 20 juin 2002 que les États-Unis permettent que des critères de politique étrangère influencent la manière dont ils traitent les réfugiés. C’est inexact. De fait, cette pratique est explicitement déconseillée aux agents d’asile pendant leur formation. À l’instar des juges de l’immigration, ils accordent une très grande importance à leur indépendance face aux considérations de politique étrangère. De plus, le rôle du Département d’État (limité historiquement à un rôle consultatif dans tous les cas) a été réduit au cours des dernières années pour limiter toute possibilité d’influencer les décideurs. Enfin, précisons en outre que le gouvernement américain a réitéré son engagement envers ces principes à l’occasion d’une entente pour régler une importante poursuite en 1991.[14]

 

Droit présumé de choisir le pays où l’on présentera sa demande du statut de réfugié.  Le communiqué de presse précise que : « le droit international reconnaît au réfugié le droit de choisir le pays où il présentera sa demande d’asile » [traduction NB - nous n'avons pu trouver cette version française du texte anglais. Les documents du CCR sont habituellement affich.s sur leur site Web dans les deux langues officielles ]. C’est inexact.  La Convention a fait d’importante concession sur le plan de la souveraineté en reconnaissant la garantie de non-refoulement. Cela ne va plus loin. Le professeur Hathaway a insisté sur « le défaut d’inclure dans la Convention toute obligation au-delà du non-refoulement, c’est-à-dire le devoir d’éviter le retour d’un réfugié dans un pays où les risques de danger pour lui sont réels. Certes les États qui ont participé à la rédaction de la Convention sont disposés à assurer une protection d’urgence contre le retour à la persécution, mais ils ont insisté sur leur droit de décider qui ils peuvent admettre sur leur territoire, qui peut y rester et, en dernier ressort, qui peut s’y rétablir de manière permanente. » [traduction?  Le traité du P. Hathaway a-t-il été traduit? ][15] Il est possible que le CCR fasse allusion à la Conclusion no 15 du Comité exécutif du HCR, qui indique entre autres ce qui suit : « Il faut tenir compte autant que possible des intentions du demandeur d’asile pour ce qui est du pays où il souhaite demander l’asile » (traduction).  Même si l’on peut voir dans cette conclusion une déclaration d’application du droit international (contestable à la lumière des limites du pouvoir juridique du Comité exécutif du HCR), la formulation de la conclusion accorde à dessein aux États une grande latitude au moment de décider dans quelles circonstances ils peuvent tenir compte des intentions du demandeur et, le cas échéant, quelle importance ils doivent y accorder. De fait, l’accord proposé tient compte des intentions du demandeur du statut de réfugié dans les circonstances précisées au paragraphe 4(2) (visant surtout les liens familiaux ou la délivrance d’un visa dans le passé). Rien n’indique dans le droit international qu’un réfugié peut choisir le pays où il présentera sa demande du statut de réfugié.

 



[1] L’entente proposée ne dit pas clairement si le renvoi accéléré pourrait s’appliquer aux personnes renvoyées aux États-Unis. Selon la loi américaine, le processus de renvoi accéléré ne vise que les « étrangers arrivants » (arriving aliens), et on pourrait très bien considérer qu’une personne renvoyée après ne pas s’être rendue plus loin qu’à un point d’entrée à la frontière canadienne – le seul endroit où l’entente actuelle s’applique – n’effectue pas une arrivée.

[2] On peut facilement consulter les conclusions du COMEX dans le site Web du HCR à :  <http://www.unhcr.ch/cgi‑bin/texis/vtx/home?page=exec>.

[3] Par exemple, dans un rapport de l'an 2000 du General Accounting Office, on constatait que 42 p. 100 des demandeurs remis en liberté durant le processus de renvoi accéléré, mais qui avaient satisfait au critère de crainte vraisemblable authentique ne s’étaient pas présentés à leur audience. Même si l’étude comportait des lacunes qui ont probablement eu pour effet de gonfler cette statistique, elle présentait, de façon documentée, des problèmes concrets que pouvait poser une politique de remise en liberté trop libérale. General Accounting Office, Illegal Aliens: Opportunities Exist to Improve the Expedited Removal Process, GAO/GGD-00-176, at 5-6 (sept. 2000).

[4] Voir Jerzy Sztucki, The Conclusions on the International Protection of Refugees Adopted by the Executive Committee of the High Commissioner’s Programme, 1 Int’l J. Refugee L. 285, 308 (1989).

[5] Le présent commentaire ne tient pas compte de la détention après la prise d’une mesure de renvoi définitive parce que cela ne peut se produire qu’après le rejet définitif, de la demande d’asile ou de toute autre demande de protection, y compris des appels possibles. À ce moment, on a déterminé, de manière définitive, que la personne n’est pas un réfugié, et n’est donc plus visée par les traités au sujet des réfugiés.

[6] Dans l’étude réalisée par le GAO dont il est question à la note 3, on a constaté que le SIN avait remis en liberté 78 p. 100 des personnes qui devaient faire l’objet d’un renvoi accéléré et qui avaient passé l’étape de la détermination de la crainte vraisemblableauthentique.

[7] Nous n’abordons pas ici la possible détention préventive pour une période indéfinie comme celle des prisonniers de guerre, comme dans le cas récent où le gouvernement américain a décidé de détenir ainsi un petit nombre d’individus en fonction d’un jugement portant qu’il s’agissait de « combattants ennemis illégaux »[combattants ennemis illégaux]. En autant que nous sachions, cette façon de procéder n’aest jamais été appliquéeutilisée dans le cas des demandeurs de statut de réfugié’asile. Quoi qu’il en soit, une telle pratique est actuellement contestée devant les tribunaux.

[8] Ces normes sont présentées à l’adresse : http://www.ins.usdoj.gov/graphics/lawsregs/guidance.htm

[9] Il est possible de consulter l’entente à l’adresse suivante :  <http://www.centerforhumanrights.org/FloresSettle.html>.

[10] 67 Federal Register 39255 (7 juin 2002).

[11] Ward c. le procureur général du Canada, [1993] 2 S.C.R. 689.

[12] « Nous interprétons les termes ‘persécution en raison de l’appartenance à un certain groupe social’ comme une persécution dirigée contre un individu qui fait partie d’un groupe de personnes qui ont toutes en commun une caractéristique inaltérable. Cette caractéristique inaltérable peut être le sexe, la couleur, les liens de parenté…. » [traduction]

[13] Stephen M. Knight, Seeking Asylum from Gender Persecution: Progress Amid Uncertainty, 79 Interpreter Releases 689 (May 13, 2002). L’auteur est avocat pour le Center for Gender and Refugee Studies, l’institution qui a préparé le mémoire Hastings. Son évaluation des pratiques judiciaires des É.‑U. dans ce domaine, bien que critique sur certains points, est beaucoup plus positive que celle du mémoire Hastings.

[14] L’entente de règlement, approuvée par le tribunal, stipule qu’« en vertu des nouvelles dispositions sur l’asile, de même qu’en vertu des anciennes dispositions, les considérations de politique étrangère ou d’application de la loi aux frontières ne sont pas pertinentes pour déterminer si un demandeur d’asile craint avec raison d’être persécuté; le fait qu’une personne vienne d’un pays que le gouvernement des États-Unis appuie ou avec lequel il a de bonnes relations n’est pas pertinent lorsqu’il faut établir si un demandeur d’asile craint avec raison d’être persécuté …» [(traduction]). Les églises baptistes américaines contre  Thornburgh, 760 F.Supp. 796,799 (N.D.Cal 1991).

[15] James C. Hathaway, The Law of Refugee Status 14 (1991).