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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le vendredi 14 février 2003




¾ 0800
V         Le président suppléant (M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.))

¾ 0815
V         M. Hakim Faqiryar (président, Association afghanne de l'Alberta)

¾ 0820
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)
V         M. Hakim Faqiryar
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Hakim Faqiryar
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)
V         M. Hakim Faqiryar
V         M. Andrew Telegdi
V         M. Hakim Faqiryar
V         M. Andrew Telegdi
V         M. Hakim Faqiryar

¾ 0825
V         M. Andrew Telegdi
V         M. Hakim Faqiryar
V         M. Andrew Telegdi
V         M. Hakim Faqiryar
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Hakim Faqiryar
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Hakim Faqiryar
V         Mme Lynne Yelich

¾ 0830
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Hakim Faqiryar
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Hakim Faqiryar
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Hakim Faqiryar
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Hakim Faqiryar
V         M. Andrew Telegdi
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Mme Lynne Yelich

¾ 0835
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Muhammad Rasheed (membre du conseil d'administration, Conseil ethno-culturel de Calgary)
V         M. Umesh Vyas (conseiller, Conseil ethno-culturel de Calgary)

¾ 0840

¾ 0850
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Umesh Vyas
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Umesh Vyas
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Umesh Vyas
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Umesh Vyas

¾ 0855
V         M. Muhammad Rasheed
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Umesh Vyas
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Umesh Vyas
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Umesh Vyas
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Umesh Vyas
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Umesh Vyas
V         Mme Lynne Yelich

¿ 0900
V         M. Umesh Vyas
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Umesh Vyas
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Umesh Vyas
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Andrew Telegdi

¿ 0905
V         M. Umesh Vyas
V         M. Andrew Telegdi
V         M. Umesh Vyas
V         M. Andrew Telegdi
V         M. Umesh Vyas
V         M. Andrew Telegdi

¿ 0910
V         M. Umesh Vyas
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Umesh Vyas
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Umesh Vyas
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Umesh Vyas

¿ 0915
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Vinay Dey (trésorier, Conseil ethno-culturel de Calgary)
V         M. Muhammad Rasheed
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Andrew Telegdi
V         Le président suppléant (M. David Price)

¿ 0920
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Muhammad Rasheed
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Umesh Vyas
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Muhammad Rasheed
V         Le président suppléant (M. David Price)

¿ 0925
V         M. Eugene Harasymiw (président, Comité permanent des libertés civiles, Ukrainian Self-Reliance League of Canada)

¿ 0930
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Andrew Telegdi
V         M. Eugene Harasymiw

¿ 0935
V         M. Andrew Telegdi
V         M. Eugene Harasymiw
V         M. Andrew Telegdi

¿ 0940
V         M. Eugene Harasymiw
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Eugene Harasymiw
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Eugene Harasymiw
V         M. Andrew Telegdi

¿ 0945
V         M. Eugene Harasymiw
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Eugene Harasymiw
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Eugene Harasymiw
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Eugene Harasymiw

¿ 0950
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Eugene Harasymiw
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Le président suppléant (M. David Price)

À 1010
V         Mme Catherine Chichak (présidente, Ukrainian Canadian Congress—Alberta Provincial Council)
V         Dr Bohdan Klid (vice-président, Ukrainian Canadian Congress - Alberta Provincial Council)

À 1020
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Mme Lynne Yelich
V         Dr Bohdan Klid
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Catherine Chichak
V         Mme Lynne Yelich
V         Dr Bohdan Klid

À 1025
V         Mme Lynne Yelich
V         Dr Bohdan Klid
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Andrew Telegdi

À 1030
V         Dr Bohdan Klid
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Mme Catherine Chichak

À 1035
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Dr Bohdan Klid
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Mme Catherine Chichak
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Mme Catherine Chichak

À 1040
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Mme Catherine Chichak
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Dr William Zuzak (à titre individuel)

À 1050
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Mme Lynne Yelich
V         Dr William Zuzak
V         Mme Lynne Yelich
V         Dr William Zuzak
V         Mme Lynne Yelich
V         Dr William Zuzak
V         Mme Lynne Yelich
V         Dr William Zuzak

À 1055
V         Mme Lynne Yelich
V         Dr William Zuzak
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         M. Andrew Telegdi
V         Dr William Zuzak

Á 1100
V         M. Andrew Telegdi
V         Le président suppléant (M. David Price)
V         Dr William Zuzak
V         Le président suppléant (M. David Price)










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 033 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 14 février 2003

[Enregistrement électronique]

¾  +(0800)  

[Traduction]

+

    Le président suppléant (M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.)): La séance est ouverte. Bonjour, mesdames et messieurs. Nous reprenons la course.

    Nous sommes très heureux d'accueillir parmi nous nos premiers témoins pour aujourd'hui. Je devine que vous voulez nous parler du projet de loi C-18. Nous aimerions également entendre vos réactions à la nouvelle proposition—il n'y a même pas encore de projet de loi—en vue d'une carte d'identité canadienne.

    Merci beaucoup d'être venus. Allez-y, je vous prie, après quoi nous aurons quelques questions pour vous.

¾  +-(0815)  

+-

    M. Hakim Faqiryar (président, Association afghanne de l'Alberta): Merci.

    Ce n'est pas tant un privilège pour moi de m'adresser à vous, mais plutôt mon devoir solennel en tant que Canadien, qui suis venu en voiture depuis Calgary pour traiter de cette très sérieuse question qui préoccupe tous les Canadiens.

    J'entends vous entretenir de mon appréhension et de mes sérieuses inquiétudes quant au projet de loi C-18 et aux injustices que celui-ci pourrait engendrer, et dont je connais bien les conséquences, étant donné qu'il nous a déjà fallu dans l'histoire du Canada payer le prix d'une décision semblable. Ma très grande crainte est que le projet de loi C-18 produise des conséquences que le peuple canadien sera toujours en train d'essayer de réparer dans 50 ans, lorsque nous aurons de nouveau à nous excuser et à reconnaître les injustices commises par une génération et par un gouvernement réagissant dans le moment présent sans songer aux ramifications futures. Je ne vois que deux choses que nous avons réussi à faire en créant ce projet de loi: apaiser un petit segment de notre population qui est tout à fait paniqué et succomber à la frénésie amenée par nos médias sensationnalistes.

    Feu Pierre Trudeau a donné à tous les nouveaux citoyens Canadiens les mêmes droits et privilèges qu'aux personnes nées canadiennes. C'est également lui qui a été responsable du rapatriement de la Constitution, dont la base est la Charte canadienne des droits et libertés. Cette loi-ci, en privant les citoyens du pays des droits qui leur reviennent en vertu de la Charte, trahit la justice. C'est un exemple parfait de la façon dont les politiciens ont, de manière éhontée, ignoré les tribunaux du pays, qui sont pourtant les dépositaires de la loi et de la justice sociale. Mesdames et messieurs, l'on emprunte ici le chemin de la régression, et ce magnifique pays démocratique qui est le nôtre sera ainsi amené à devenir un État totalitaire. En adoptant des lois draconiennes qui contournent la Charte des droits et libertés, qui est l'assise de notre société démocratique et civile, nous avons établi un précédent qui reviendra nous hanter et fera prendre le pire virage à cette société démocratique dont l'établissement a été une si dure lutte pour nos pères fondateurs. Il semblerait que le projet de loi soit en train de dire à chaque nouveau Canadien que sa citoyenneté ne vaut pas le papier sur lequel elle est confirmée. Cela polarisera cette société démocratique et amènera des cassures qui seront presque impossibles à réparer.

    Mesdames et messieurs, en conclusion, cette loi est contre-productive par rapport aux fins visées et par rapport à l'établissement de la paix et de l'harmonie au sein d'une société juste et démocratique. Je m'oppose farouchement au projet de loi et je vous exhorte à faire tout en votre pouvoir pour en obtenir la révocation dans l'intérêt d'une société sûre pour tous les citoyens et de l'amélioration de la société dans son entier.

    Merci.

¾  +-(0820)  

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci, monsieur Faqiryar.

    Lynne, avez-vous des questions?

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Quelles sont vos principales préoccupations en ce qui concerne le projet de loi? Vous avez clairement exprimé votre mécontentement ou votre crainte relativement au projet de loi. Quels articles vous préoccupent particulièrement?

+-

    M. Hakim Faqiryar: Je suis arrivé ici de l'Afghanistan il y a de cela 22 ans. Ma crainte, et celle des gens de mon pays, est la suivante: admettons qu'on est allé à l'école avec quelqu'un qui, lorsque tout d'un coup le pays est en guerre, se joint aux talibans. Est-ce que le simple fait que j'aie connu cette personne à l'école secondaire signifie que je fais partie des talibans, alors que j'ai passé 22 années de ma vie ici? Si je connais un membre d'un groupe moudjahidin ou en Union soviétique ou autre ou qui a participé à une guerre, est-ce que je suis immédiatement...

+-

    Mme Lynne Yelich: Vous êtes donc tout particulièrement préoccupé par l'article autorisant la révocation de la citoyenneté sans possibilité d'appel.

+-

    M. Hakim Faqiryar: C'est exact.

+-

    Mme Lynne Yelich: Très bien.

    Allez-y, Andrew.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci beaucoup d'être venu. J'apprécie le fait que vous soyez venu en voiture de Calgary, étant donné surtout le temps.

+-

    M. Hakim Faqiryar: Merci.

+-

    M. Andrew Telegdi: Nous avons nous-mêmes connu quelques problèmes dans nos propres déplacements en tant que comité.

    Je suis aussi impressionné par le nombre de groupes que nous avons entendus et qui ont vécu des expériences semblables à la vôtre, dans votre pays. Clairement, ce que je vous entends dire au comité—et vous me corrigerez si j'ai tort—est que la Charte des droits et libertés devrait être la pierre angulaire de toute loi visant des droits individuels. Et si j'ai bien compris, lorsque vous faites état d'injustices passées, vous songez à ce qui est arrivé aux Nippo-Canadiens et à d'autres gens venus d'Asie—la taxe d'entrée imposée aux Chinois, la loi d'exclusion des Asiatiques et l'internement au Canada d'étrangers.

+-

    M. Hakim Faqiryar: C'est exact. C'est là notre crainte. J'ai eu le bonheur d'avoir été le dernier candidat à Calgary-Nord-Est, où il y a beaucoup de nouveaux arrivants au Canada. Ma crainte est la suivante: Que va-t-il m'arriver si je connais quelqu'un? Va-t-on me faire des reproches? Va-t-on dire que j'appartiens à un groupe terroriste ou autre? En plus de tout cela, nous autres nouveaux immigrants quittons notre pays pour venir au Canada vivre en paix. Nous quittons notre pays parce que nous y avons peur. Puis nous vivons de nouveau dans la peur au Canada, car nous avons peur de perdre notre citoyenneté et de nous faire expulser.

+-

    M. Andrew Telegdi: L'une des choses que le gouvernement est en train d'étudier est l'établissement d'un système de cartes d'identité nationales pour tout le monde. Ce serait une carte intelligente pouvant servir à Dieu sait quoi; je suppose que l'on pourrait dire que cela permettrait de suivre les allers et venues des gens. C'est là l'une des questions que le ministre nous a chargés de poser aux Canadiens. Pourriez-vous me dire quelle a été la situation pour vous en Afghanistan s'agissant d'identification?

+-

    M. Hakim Faqiryar: Lorsque l'Union soviétique a tenté cela en Afghanistan en 1979 et en 1980, elle proposait que chacun soit muni d'une carte d'identité. Cela n'a pas très bien fonctionné. Les gens ont réagi; c'est pourquoi le pays est parti en guerre. Et je vois cela se retourner contre le peuple canadien. Si le Canada a résisté pendant tant d'années sans carte d'identité nationale, je suis certain que le pays pourra continuer ainsi. Nous ne voulons pas être affectés par les événements du 11 septembre; nous ne voulons pas qu'arrive au Canada ce qui est arrivé aux États-Unis. Si une personne va vivre dans la peur au Canada, devant toujours porter sur elle sa carte d'identité nationale, alors il n'y aura pas de liberté. Et nous vivons au Canada, et non pas dans un pays comme la Sibérie.

¾  +-(0825)  

+-

    M. Andrew Telegdi: S'agissant de toute cette question de communautés ethniques particulières qui se sentent visées ou sujettes à des lois injustes, lorsque vous combattez quelque chose comme le terrorisme, il est important que tous les citoyens du Canada, que toutes les communautés, soient dans le même camp. L'un des problèmes de lois injustes est que si une communauté se sent visée, celle-ci ne collabore pas avec les autorités, parce qu'elle a le sentiment d'être assujettie à des lois injustes. Ce que j'essaie de dire est que nous tous Canadiens, que nous soyons nés ici ou à l'étranger, tenons à vivre dans une société en paix. Faire intervenir tout le monde signifie que vous ne pouvez pas viser un quelconque groupe particulier, et dans notre cas, et je veux parler ici de ceux d'entre nous qui ne sont pas nés dans ce pays, l'on parle de six millions de personnes.

+-

    M. Hakim Faqiryar: Je suppose que le rêve de chacun est de venir vivre dans un pays pacifique comme le Canada. Lorsqu'une personne quitte son pays pour venir ici, elle n'a pas en tête le terrorisme. Il y a des terroristes partout dans le monde, mais ceux-ci ne sont pas populaires, ne sont pas des vedettes. Heureusement, je ne pense pas que cette guerre contre le terrorisme va s'appliquer à notre communauté, la communauté afghane. La seule crainte qui anime la communauté afghane est le fait des talibans. Ceux et celles qui ont vécu sous le régime taliban en 1995 ou en 1996 et qui sont venus au Canada à l'époque ne se sont pas fait demander s'ils appartenaient au régime taliban ou entretenaient avec lui quelque lien. Et tout le monde avait un membre de sa famille dans les talibans. La crainte des membres de notre collectivité est donc la suivante: si je me fais coincer par un juge un jour, va-t-il me demander si j'ai déclaré aux autorités canadiennes que je connaissais un membre des talibans ou que j'en ai été? La question ne m'a jamais été posée, alors va-t-on m'expulser et me reprendre ma citoyenneté? Ce n'est pas juste.

+-

    M. Andrew Telegdi: Merci.

+-

    M. Hakim Faqiryar: Tout le plaisir était pour moi.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci, Andrew

    Lynne, avez-vous encore d'autres questions?

+-

    Mme Lynne Yelich: Vous avez parlé de la Charte. Êtes-vous par hasard avocat de formation?

+-

    M. Hakim Faqiryar: Non.

+-

    Mme Lynne Yelich: Vous ne savez donc même pas si cela résisterait à une contestation en vertu de la Charte des droits et libertés. De nombreux avocats qui se sont assis à la table ne pensent même pas que cela puisse résister à une telle contestation.

+-

    M. Hakim Faqiryar: Je pense que le projet de loi C-18 est une loi de contournement, en ce sens que l'on essaie par son biais d'éviter la Charte canadienne des droits et libertés et d'exercer d'autres pouvoirs sur les civils. En gros, le gouvernement essaie de se doter d'un pouvoir qui lui permette, mettons, de punir une communauté ou un groupe de personnes sans appliquer la Charte des droits et libertés.

+-

    Mme Lynne Yelich: Nous prenons bonne note de vos préoccupations. Cela vous rassurerait peut-être quelque peu de savoir que de nombreux témoins ne pensent pas que le projet de loi résisterait à une contestation fondée sur la Charte.

    Merci.

¾  +-(0830)  

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci, Lynne.

    Avez-vous d'autres commentaires à faire?

+-

    M. Hakim Faqiryar: Ce que j'aimerais souligner est que ce pays s'est bâti sur l'immigration. Il est bon de venir dans un pays comme celui-ci et de constater qu'il a été construit par deux ou trois générations d'immigrants. Il est impressionnant de constater comment les gens sont arrivés au Canada et comment ils ont bâti cette nation.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Et nous sommes pourtant toujours un tout nouveau pays, un bébé, comparativement à des pays comme celui d'où vous venez.

+-

    M. Hakim Faqiryar: Précisément. Et les pays vieux de 5 000 ans traînent en arrière, tandis que le Canada a avancé. Ce pays est classé au premier rang dans le monde. Que l'on garde les choses comme elles sont. Ne changeons pas notre politique étrangère ni notre politique humanitaire du fait des événements du 11 septembre aux États-Unis. Les États-Unis jouissent d'un autre genre de respect dans le monde. Le Canada, lui, est reconnu comme étant un leader en matière de maintien de la paix. Si donc un tel projet de loi devait être adopté au Canada, cela voudrait dire que les Canadiens amèneraient dans ce pays—et je regrette d'avoir à utiliser ce terme—des esclaves. Nous ne voulons pas que des immigrants pensent que nous venons au Canada en tant qu'esclaves, que le Canada utilisera notre énergie pendant un certain et que dès que l'on sera plus vieux, s'il n'aime pas notre tête ou la couleur de notre peau, il nous traitera comme des esclaves: je ne vous aime pas, et je vous mets à la porte. Si c'est là la situation, alors je vous en prie, ne faites plus venir d'immigrants au pays et ne signez plus de contrat avec eux.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Je suis absolument convaincu que là n'est pas la question. Quoi qu'il en soit, ce qu'il y a de beau au Canada c'est que nous sommes toujours un pays très libre.

+-

    M. Hakim Faqiryar: Et je suis convaincu que le pays a un bon système.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Vous êtes très libre d'exprimer votre opinion et nous espérons qu'avec les opinions de tout le monde nous pourrons bâtir un projet de loi encore plus solide et meilleur.

    Merci beaucoup de votre témoignage. Nous vous en sommes très reconnaissants.

+-

    M. Hakim Faqiryar: Merci à vous.

+-

    M. Andrew Telegdi: Monsieur le président, je n'ai qu'un commentaire à faire, étant donné que nous sommes ici en Alberta et que le congrès politique de l'aile fédérale du Parti libéral en Alberta a eu lieu il y a à peine deux semaines. La résolution adoptée à l'unanimité qui est ressortie de l'atelier se lit comme suit:

Attendu que nous regrettons les injustices passées telles le refus de conférer aux peuples autochtones du Canada les droits de la personne, la taxe d'entrée imposée aux Chinois, la loi d'exclusion des Asiatiques, la déportation massive d'immigrants, l'internement arbitraire de dizaines de milliers d'innocents du fait de leurs origines ethniques, le rapatriement forcé de milliers de citoyens nés au Canada mais d'origine japonaise et le refoulement des rives canadiennes du Kamagatamaru et du S.S. St. Louis; et attendu que l'actuelle loi traitant de la révocation de la citoyenneté refuse aux citoyens naturalisés leurs droits légaux en vertu de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés en les privant d'un droit d'appel devant les tribunaux conformément aux principes de la justice fondamentale; et attendu que c'est l'application régulière de la loi devant les tribunaux qui fait que tous les Canadiens sont égaux; il est résolu que le gouvernement du Canada veille à ce que dans les affaires de révocation de la citoyenneté les questions de faits en droit et de culpabilité ou d'innocence soient tranchées dans le cadre du processus judiciaire normal, libre de toute ingérence politique.

    Cette résolution a été adoptée, je le répète, à l'unanimité, à l'occasion du congrès politique le plus important et le plus réussi jamais tenu dans la province de l'Alberta.

    J'ajouterais, monsieur le président, que cette même résolution a été adoptée dans la province de l'Ontario, dans la province de Québec et dans la province de Colombie-Britannique, pour un total de quatre provinces qui représentent 85 p. 100 de la population canadienne. L'attachement des Canadiens à la Charte est une chose qui me fait très plaisir. Je pense qu'il vaut la peine que cela figure au procès-verbal, étant donné que nous sommes ici en Alberta, là où cet événement a eu lieu il y a moins de deux semaines.

    Merci.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci, Andrew.

    Merci beaucoup, messieurs.

+-

    Mme Lynne Yelich: Il est très bon que la politique libérale ait ainsi été explicitée, mais nous avons également constaté que les bureaucrates s'adonnent à beaucoup d'ingérence. Il nous faudra donc commencer à faire le ménage dans la bureaucratie, après quoi la politique libérale, tout comme la nôtre, survivra très bien.

    Merci.

¾  +-(0835)  

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Bonjour aux représentants de l'Ethno-Cultural Council of Calgary—encore d'autres voyageurs. Il est formidable que vous ayez pu venir ici ce matin. Nous nous excusons de ne pas avoir prévu quelque chose à Calgary. Nous l'aurions sans doute pu, vu la façon dont les choses ont tourné avec nos vols ces derniers temps. Il nous a fallu passer par Calgary de toute façon.

    Quoi qu'il en soit, nous sommes très heureux de vous accueillir ici parmi nous ce matin. Je viens de jeter un rapide coup d'oeil sur votre mémoire, et je constate qu'il est très complet, et nous envisageons donc avec plaisir d'entendre ce que vous avez à nous dire.

+-

    M. Muhammad Rasheed (membre du conseil d'administration, Conseil ethno-culturel de Calgary): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés.

    L'Ethno-Cultural Council of Calgary englobe les groupes suivants: la Calgary Chinese Community Service Association; la Calgary African Community Association; l'India Canada Association; la Chilean Canadian Community Associations of Calgary; le Council of Sikh Organizations; la Pakistani Canada Association; la Salvadorean Association of Calgary; le Conseil national indo-canadien; la National Federation of Pakistani Canadians; et quantité d'autres groupes à Calgary.

    Ma principale tâche est de vous présenter un bénévole qui a fait pour nous beaucoup de travail, tout à fait bénévolement: M. Umesh Vyas. Il va discuter du projet de loi avec vous. Je vous présente également Vinay Dey, président national de l'Indian Canada Association of Calgary. Si vous avez des questions, il pourra répondre à certaines d'entre elles.

    Je cède maintenant la parole à M. Vyas. C'est lui qui va discuter du projet de loi avec vous.

+-

    M. Umesh Vyas (conseiller, Conseil ethno-culturel de Calgary): Merci, monsieur.

    Nos principales préoccupations concernent les articles 3, 7, 9, 12, 14, 17, 18 et 54, et, encore une fois, les articles 18, 21, 22, 24 et 28.

    L'article 3 traite de l'objet. Lorsqu'on traite de l'objet d'une loi donnée, il importe de se pencher sur les défauts de la loi existante que le projet de loi se propose de rectifier ou de corriger. Deuxièmement, quelles lacunes y a-t-il dans la loi existante et que le projet de loi cherche à combler? Il s'agit là de lignes directrices découlant d'une affaire en Angleterre qui remonte à 1584, l'affaire Heydon. Il serait utile que le Parlement envisage cela à la deuxième lecture du projet de loi, afin que cela figure dans le hansard. Cela pourrait alors servir de guide à l'avenir pour les tribunaux ainsi que pour le ministre s'agissant d'interpréter la nouvelle loi.

    L'alinéa 7(1)b) traite des exigences en matière de résidence et qui sont selon moi discriminatoires et arbitraires. Ces exigences semblent être contraires à l'article 3 qui dit ceci:

La présente loi a pour objet

d) de réaffirmer que tous les citoyens jouissent du même statut, sans égard à la façon dont ils sont devenus citoyens;

Cela créerait donc ici un certain illogisme.

    En établissant les exigences en matière de résidence, le Parlement doit tenir compte des tendances changeantes dans le commerce et les milieux d'affaires mondiaux, et qui exigent que des Canadiens, citoyens et résidents permanents, se déplacent à l'extérieur du pays pour des périodes de durée variables. C'est ainsi que l'alinéa 2(2)c), exigeant une présence physique au Canada, créera pour les résidents permanents des obstacles inutiles en matière de résidence en vue d'être admissibles à la citoyenneté tout en devant voyager à l'étranger pour affaires ou pour poursuivre des études.

    À l'alinéa 7(1)c), le ministre exige que le demandeur de citoyenneté ait une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada. À mon sens, le ministre devrait exiger que tous les demandeurs d'entrée au Canada en tant que résident permanent entreprennent, lors du dépôt de leur demande de résidence permanente, d'acquérir une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada à leur arrivée au Canada en tant que résidents permanents. Et la Loi sur l'immigration et la Loi sur la citoyenneté devraient prescrire les normes définissant ce qu'est une «connaissance suffisante». En l'absence d'une définition de ce qui constitue une «connaissance suffisante», l'on ne sait pas ce qui est attendu d'un demandeur sur le plan connaissances linguistiques.

    J'en arrive maintenant à l'article 9. Le demandeur de citoyenneté pour le compte d'un enfant mineur adopté devrait se voir accorder le droit à un examen judiciaire pour contester le refus par le ministre d'attribuer la citoyenneté parce qu'il estime que l'adoption n'a pas été faite dans l'intérêt supérieur de l'enfant, ou que l'adoption a été faite pour des raisons d'ordre pratique et pas vraiment dans le but de créer un véritable lien d'affiliation entre l'adopté et l'adoptant, ou que l'adoption avait pour objet d'éluder les obligations légales régissant l'admission au Canada ou à la citoyenneté. Encore une fois, si c'est le ministre lui-même qui décide, dans le cadre de notre système judiciaire, l'on doit avoir droit à une audition équitable. En l'absence d'une audition équitable, le ministre aurait tort de dire que sa décision, quelle qu'elle soit, a été la bonne.

    J'en arrive maintenant aux articles 12 et 14. L'article 12 suppose que tous les citoyens jouissent du même statut et des mêmes droits, pouvoirs et avantages et soient assujettis aux mêmes devoirs, obligations et responsabilités, sans égard à la façon dont ils sont devenus citoyens. Or, l'on ne donne pas le détail de ces droits, pouvoirs, avantages et ainsi de suite. Par ailleurs, l'article 14, traitant de la perte automatique de la citoyenneté, ne cadre pas avec l'article 12. Les exigences en matière de résidence énoncées à l'article 14 viendront apparemment limiter ou restreindre les dispositions en matière de garanties de mobilité de la Charte des droits et libertés, qui confère aux Canadiens le droit d'entrer au Canada, d'y demeurer ou de partir. Le comité devrait reconnaître que bien que les résidents permanents et citoyens canadiens vivent au Canada, ils n'ont pas coupé leurs liens ou leur attachement émotif à leur pays d'origine ou au pays d'origine de leurs parents. Les Canadiens sont amenés à voyager à l'étranger pour des raisons d'affaires ou d'études ainsi que pour d'autres fins tout à fait nécessaires.

¾  +-(0840)  

    Nous vous soumettons que l'article 14 devrait être remplacé par une disposition selon laquelle les personnes nées après le 14 février 1977 seraient averties de la nécessité pour elles de demander la rétention de leur citoyenneté. Bien que l'ignorance de la loi ne soit ni une excuse ni une défense, ces personnes devraient avoir la possibilité de savoir quelle est la loi et ce devrait être la responsabilité du ministre de communiquer les dispositions de la loi à ces personnes. Les Canadiens reçoivent un avis lorsqu'il leur faut renouveler leur permis de conduire ou faire une déclaration d'impôt. Pourquoi ne reçoivent-ils pas un avis lorsqu'il est question de préserver ou de protéger leur citoyenneté?

    Je passe maintenant aux articles 17, 18 et 54. Premièrement, l'alinéa 17(2)b) devrait être élargi pour englober de façon explicite les crimes contre l'humanité. Les dispositions du paragraphe 17(4) régissant l'examen judiciaire du certificat du ministre et du solliciteur général ne suffisent pas pour garantir un procès équitable au sens de nos lois et tel que garanti par la Charte canadienne des droits et libertés, et notamment par le paragraphe 11d) qui dit que tout inculpé a le droit «d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable». Nous aimerions, pour étayer cette opinion, fournir au comité les vues de M. Rocco Galati, avocat torontois, tel qu'il les a exprimées dans une entrevue avec M. Michael Enright de CBC Radio.

    Ces dispositions sont peut-être également une violation des dispositions de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés garantissant que la loi ne fait exception de personne et s'applique également à tous et que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, lorsqu'on lit la disposition de l'article 54 du projet de loi qui dit que «le non-citoyen est justiciable des tribunaux au même titre que le citoyen». En l'absence de l'assurance d'un préavis raisonnable pour l'accusé et d'une audition juste et équitable, y compris la possibilité de connaître les éléments de preuve du ministre contre l'accusé, ces dispositions en matière d'examen judiciaire ne garantissent pas le respect de la Charte des droits et libertés.

    Le ministre, en déposant la loi concernant la citoyenneté canadienne, a exercé son rôle de législateur. Le ministre s'accorde ensuite, en vertu de l'article 18, le droit de prendre un arrêté déclarant nulle l'acquisition, la conservation, la répudiation ou la réintégration. Il s'agit là d'une fonction judiciaire qui doit être exécutée par un membre du pouvoir judiciaire, par exemple un juge de la cour fédérale. Le ministre ne devrait pas jouer le double rôle de législateur et de juge. D'autre part, les droits proclamés en vertu de l'article 18 sont faibles. Même si la personne visée a le droit de faire une déposition écrite portant sur les allégations du ministre, c'est le ministre qui est le juge qui tranche. En d'autres termes, le ministre est en même temps procureur et juge.

¾  +-(0850)  

    Aux articles 21, 22 et 28, le gouverneur en conseil est habilité à interdire l'attribution de la citoyenneté à une personne qui a «fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquelles se fonde une société libre et démocratique». La population n'a-t-elle pas le droit de savoir ce qu'est un «grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique»? Cette disposition est vague, et une poursuite fondée sur d'aussi vagues allégations pourrait être perçue comme étant une violation de la Charte des droits et libertés. Le ministre et le gouverneur en conseil, dans le cadre de leurs fonctions de législateurs, semblent s'être attribués le rôle du judiciaire. Par ailleurs, que la loi stipule que le décret pris par le gouverneur en conseil est final semble être un refus flagrant de l'application régulière de la loi et du traitement équitable en vertu de la loi. Cela est injuste. Les paragraphes 28c) et d) traitent des personnes inculpées d'infractions commises à l'étranger ou déclarées coupables d'infractions commises à l'étranger. Le Parlement serait perçu comme n'étant pas réaliste s'il ne tenait pas compte de la création et de l'application déloyales et antidémocratiques de lois dans de nombreux pays du monde d'où proviennent des citoyens canadiens. Selon nous, c'est le pouvoir judiciaire et non pas le ministre ni le gouverneur en conseil qui devrait avoir son mot à dire quant au refus de citoyenneté. Enfin, à l'article 24, portant sur la nomination d'un juge à la retraite d'une juridiction supérieure, l'intéressé doit également être tenu de prêter serment, s'engageant à s'acquitter de façon honnête, juste et loyale des responsabilités qui lui reviennent en sa qualité de «comité de surveillance».

    Je consultais la troisième édition de Halsbury's Laws of England pour y voir les affaires traitant d'étrangers et de citoyenneté. Certaines de ces dispositions semblent être reflétées dans les lois britanniques des années 60 et de la fin des années 40. À l'époque de la rédaction de ces dispositions ils n'avaient pas, pas plus qu'aujourd'hui d'ailleurs, de constitution ou de charte des droits écrite. L'on craignait également beaucoup à l'époque en Grande-Bretagne les étrangers, ce qui était totalement injustifié. Dans ce conteste, notre Loi sur la citoyenneté et notre Loi sur l'immigration devraient renfermer des dispositions veillant à l'équité et ne devraient pas contenir de dispositions arbitraires telles que les intéressés ne sauraient pas d'où viennent les allégations portées contre eux ni ce dont on les accuse.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup, monsieur Vyas.

+-

    M. Umesh Vyas: Merci, monsieur.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Lynne, aimeriez-vous commencer?

+-

    Mme Lynne Yelich: Merci.

    Merci beaucoup de votre exposé.

    Vous avez parlé de la préservation et de la protection de votre citoyenneté, et avez dit qu'à l'article 14 il devrait y avoir une disposition prévoyant que l'on donne un préavis aux gens. Pourquoi pensez-vous que notre gouvernement ne veut pas envoyer de tels avis? D'après vous, pourquoi ne fait-il pas cela, au contraire de ce qui se passe dans le cas des permis de conduire? Diriez-vous que c'est une question de coût?

+-

    M. Umesh Vyas: Peut-être qu'il n'y a pas pensé ou bien qu'il veut créer des emplois, j'imagine, côté bureaucratie.

+-

    Mme Lynne Yelich: La suggestion est que cela se fasse un petit peu comme pour les permis de conduire. Ma fille n'a tout simplement pas renouvelé son permis, et elle a dû payer 550 $. Elle avait pensé qu'on allait communiquer avec elle, mais on lui a dit que ce n'était pas là une excuse. Voilà pourquoi je pense qu'il serait difficile de proposer que l'on envoie des avis. Je n'arrive tout simplement pas à les imaginer en train de faire un bon travail s'agissant d'avertir les gens que leur citoyenneté va expirer ou qu'il est temps pour eux d'agir s'ils veulent la conserver. Je me suis tout simplement interrogée là-dessus.

+-

    M. Umesh Vyas: C'est un droit très important que celui à la citoyenneté.

+-

    Mme Lynne Yelich: Mais devrait-il être prévu au départ que l'on vous avertisse que vous devez en assurer le renouvellement vous-même, que c'est à vous que revient le fardeau? Voilà la question que je me pose.

+-

    M. Umesh Vyas: Songez aux circonstances, à ce que cela signifie de perdre sa citoyenneté canadienne. On vous jette dehors. Si une personne qui a lutté si fort pour devenir citoyen canadien au bout de cinq ans ou autre n'a pas pu renouveler sa citoyenneté, ce peut être pour quantité de raisons différentes. La vie peut être compliquée pour beaucoup de gens. Si donc c'est une infraction créée par la loi et que si vous ne faites pas réenregistrer votre citoyenneté vous êtes automatiquement mis à la porte, cela ne semble pas très juste.

¾  +-(0855)  

+-

    M. Muhammad Rasheed: Une fois que vous êtes citoyen, pourquoi vous faudrait-il vous réenregistrer ou alors ne plus être citoyen? Si vous êtes né ici, vous ne pouvez pas dire à quelqu'un que vous n'êtes pas né ici. Une fois qu'on dit de vous que vous êtes citoyen, vous avez les mêmes droits à la citoyenneté que tous les autres Canadiens. Votre citoyenneté ne devrait donc pas, en partant, être révoquée.

+-

    Mme Lynne Yelich: Oui. Merci.

    Il a été suggéré, et je pense que c'est une bonne idée, que le terme «résidence» ne soit pas assimilé à «présence physique», mais que l'on reprenne plutôt la définition contenue dans la législation fiscale. Y aurait-il lieu d'opter pour cela au lieu de parler de «présence physique»? Je ne sais en effet comment l'on peut prouver ou réfuter la présence physique.

+-

    M. Umesh Vyas: C'est justement cela, voyez-vous.

+-

    Mme Lynne Yelich: Convenez-vous de cela?

+-

    M. Umesh Vyas: Oui. Il y a toutes sortes de façons de traiter d'une situation comme celle des exigences en matière de résidence. Si en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu vous êtes déclaré résident à condition de satisfaire à certaines exigences, quelles qu'elles soient, alors pourquoi cela n'est-il pas possible ici dans le cas de la citoyenneté? L'on pourrait regrouper les dispositions de la Loi sur la citoyenneté et celles de la Loi de l'impôt sur le revenu et s'en servir comme base.

+-

    Mme Lynne Yelich: Je suppose qu'ils veulent voir la preuve d'un attachement au Canada, mais il me semble que si vous payez des impôts dans ce pays vous y êtes vraisemblablement attaché d'une façon ou d'une autre.

+-

    M. Umesh Vyas: C'est ce qu'ils ont en Angleterre. Par exemple, ils ont ouvert la Chambre des Lords à des personnes d'origines ethniques différentes, etc. L'une des exigences est que ces personnes versent de l'impôt au gouvernement britannique.

+-

    Mme Lynne Yelich: Vous préféreriez donc voir cela, plutôt que les 1 095 jours sur six ans?

+-

    M. Umesh Vyas: Cela crée tant de difficultés pour les gens qui sont occupés à gagner leur vie, à élever et à éduquer leurs enfants, et ainsi de suite. L'on parle ici de personnes venant d'autres pays, et ce n'est pas facile pour elles. Étant moi-même arrivé au Canada il y a 35 ans, je sais ce que j'ai vécu. Je regarde ma fille, qui a fait des études et qui est inscrite en droit à l'âge de 22 ans. Moi, j'avais 49 ans lorsque j'ai été admis au barreau en Alberta.

+-

    Mme Lynne Yelich: Très bien.

    Étant donné que vous êtes avocat, je vais vous demander—et je sais que c'est sans doute hypothétique—si vous pensez que le paragraphe 17(4) résisterait à une contestation en vertu de la Charte. Vous avez dit que vous n'êtes pas convaincu que cela soit conforme à la Charte. Vous avez également dit que les articles 21 et 28 portent atteinte aux droits et libertés.

+-

    M. Umesh Vyas: Il est difficile de prédire ce que va faire la Cour suprême du Canada dans une situation donnée, étant donné qu'elle est très créative et très prévoyante. C'est là la beauté de notre système judiciaire: il y a les avocats et il y a les juges, et il y a une distinction entre les deux. Vous leur soumettez vos arguments et ils décident de ce qu'il y a de mieux dans les circonstances. C'est juste et équitable.

+-

    Mme Lynne Yelich: S'agissant de «grave mépris à l'égard des principes et des valeurs», dans quelle mesure cela pose-t-il selon vous problème? Y aurait-il lieu de choisir un libellé différent? À une époque, l'on parlait de «l'intérêt public». Il y aurait peut-être moyen de formuler les choses de façon à montrer jusqu'à quel point cet article est important, ne pensez-vous pas? C'est ce que nous a dit le ministre, c'est-à-dire que l'on parle ici d'une personne qui a fait quelque chose contre notre société démocratique ou nos opinions ou principes. L'on essaie de repérer les pires parmi les pires; il n'est pas censé y en avoir beaucoup, mais ils veulent veiller à ce qu'on les ramasse.

¿  +-(0900)  

+-

    M. Umesh Vyas: Oui, mais au lieu que les tribunaux interprètent quelles sont les valeurs et ainsi de suite au fil du temps, ce sont des personnes qui viennent de différents pays, de différentes cultures, de différents contextes, et tout d'un coup... Cela étant dit, cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas de valeur ni...

+-

    Mme Lynne Yelich: Mais ces personnes se trouvent sur le sol canadien. Par exemple, je pense que ce qu'ils essaient de faire avec cet article c'est arrêter toute personne qui incite à la haine.

    Je vais laisser tomber ma question, car je constate que cela vous angoisse, Andrew.

+-

    M. Umesh Vyas: C'est tout simplement que cela est très vague.

+-

    Mme Lynne Yelich: Je suis d'accord.

+-

    M. Umesh Vyas: Les gens doivent savoir ce qui est attendu d'eux pour se plier à un texte de loi donné et pour être respectueux des lois.

+-

    Mme Lynne Yelich: Oui. Je me demande si dans notre province M. Ahenakew aurait résisté avec un tel article s'il n'était pas Canadien. Pourtant, à son heure de gloire, il était un Canadien exemplaire.

    Allez-y, monsieur le président, vous pouvez donner la parole à Andrew. Il va bondir de sa chaise.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Monsieur Telegdi.

+-

    M. Andrew Telegdi: Je remercie mes honorables collègues.

    Je ne peux pas m'empêcher de penser que cela doit faire chaud au coeur de Pierre Elliot Trudeau de voir avec quel sérieux nous considérons la Charte des droits et libertés, de voir ce que cela représente pour les Canadiens qui viennent ici par choix et de constater à quel point nous tenons à ce que l'esprit qu'il nous a communiqué avec cette Charte, dans le but de faire en sorte que tous les Canadiens soient égaux devant la loi, ne soit pas trahi par quelque loi que ce soit. C'était là, réellement, la force motrice derrière la Charte, et je suis vraiment très heureux de constater que cela est très solidement appuyé par les Canadiens, comme en témoignent tous les sondages d'opinion qui ont été menés.

    Lynne, vous avez mentionné au sujet de l'article 21—et je pense que cela est important—que nous voulons arrêter les pires des pires. La réalité est que nous avons un mécanisme pour arrêter les pires des pires. Regardez Clifford Olson. Regardez Paul Bernardo. Regardez la récente condamnation dans l'affaire d'Air India. Nous avons le mécanisme, et ce mécanisme, c'est le droit pénal. La raison pour laquelle nous avons cela c'est pour veiller à condamner les coupables, mais nous ne condamnons pas les innocents, contrairement à ce qui s'est passé dans les cas de Guy Paul Morin et de Donald Marshall. Steven Truscott lance un appel à la justice après avoir bénéficié de ce qu'il y a de mieux dans le système. C'est nous, en tant que société canadienne, qui avons assuré l'équilibre.

    Permettez-moi de vous dire ce qu'il y a de si différent dans le processus que nous utilisons. Si vous êtes accusé devant la cour pénale et que le ministre dit que vous êtes entré frauduleusement au pays, eh bien, nous traitons des cas de fraude, par dizaines de milliers, et ce, chaque année au Canada, et nous traitons de certains cas très graves, alors nous savons comment arrêter les pires des pires. Mais le processus en droit pénal est que l'on vous signifie une assignation, ou alors, si vous êtes jugé suffisamment dangereux, vous êtes arrêté. On vous accorde la présomption d'innocence, et vous avez alors au bout du compte un droit d'appel, pouvant aller jusqu'à la Cour suprême, si celle-ci veut bien vous entendre. Il existe des milliers de cas.

    La loi dont nous parlons ici traite de très peu de cas. Et je ne sais trop pourquoi nous voulons réinventer la roue et abaisser la norme. En abaissant la norme, on dit à près de six millions de Canadiens que leur citoyenneté n'est pas importante. Si vous regardez l'article 7 de la Charte, où il est question de la sécurité de la personne, peu de choses sont plus importantes que votre citoyenneté. À mon sens, donc, tenter de contourner la Charte est en vérité une erreur d'intention.

    À l'article 21, il est question de révoquer la citoyenneté parce que la personne «a fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique». Il est ironique que l'on tente de faire cela sans processus judiciaire et sans appel. L'article lui-même porte atteinte aux valeurs de notre société ainsi qu'à la Charte. En tant qu'avocat, ne pensez-vous pas que cela est tout à fait contraire à ce qui est visé ici? Ils essaient d'imposer les valeurs d'une société libre et démocratique, mais ils s'y prennent en fait d'une façon tout à fait anti-Charte.

¿  +-(0905)  

+-

    M. Umesh Vyas: Lorsque vous regardez toute situation, dès lors que vous mettez de côté vos principes, principes de bonne conduite, principes d'équité, principes de justice, la fin ne justifie pas les moyens.

+-

    M. Andrew Telegdi: J'aimerais également que l'on se penche sur l'article 18. J'ai eu cette discussion avec le ministre, et celui-ci a eu la même discussion avec le comité. Il s'agit de la révocation de la citoyenneté. Cette révocation n'est pas faite par la Cour, mais bien par le ministre. Lorsque j'ai discuté avec le ministre il a dit: mais ils sont coupables; nous disposons de solides renseignements selon lesquels ils sont coupables. J'ai dit au ministre: le jour où un bureaucrate ou un ministre décidera qui est coupable et qui ne l'est pas, nous aurons fait un grand pas vers un régime de type totalitaire.

+-

    M. Umesh Vyas: Dites aux juges de la Cour suprême du Canada que le ministre entend faire cela et voyez ce qu'ils ont à dire.

+-

    M. Andrew Telegdi: Enfin, j'ai regardé quelque 20 personnes passer par le processus dans l'actuelle Loi sur la citoyenneté, et qui n'accorde aucune protection de la Charte en matière de citoyenneté. Ce que j'ai vu c'est un gouvernement doté de ressources financières illimitées acculant presque à la faillite les personnes qu'il accuse, et les accusés se battent pour obtenir une audience devant la Cour suprême du Canada. Il est très difficile pour un particulier—je pense qu'il est important que le comité comprenne cela—d'arriver jusqu'à la Cour suprême. Vu l'importance d'une telle loi, si nous nous posons ce genre de questions, il me semble que le comité devrait demander au gouvernement de renvoyer cela à la Cour suprême, car ce ne devrait pas être l'affaire d'un individu, qui n'a pas les moyens de payer les frais juridiques, ni les ressources requises pour arriver jusqu'à la Cour suprême.

+-

    M. Umesh Vyas: Juste avant l'entrée en vigueur de la Charte, je me souviens de ce qu'a fait un député du nom de Patrick Boyer. Il parcourait le pays et il a participé à une émission-débat sur CBC Radio. Je lui avais alors posé précisément la question que vous venez de me lancer. Il a répondu en disant tout est bien avec la Charte des droits, mais savez-vous à quel point il est coûteux d'aller revendiquer vos droits devant une cour de justice? Je n'étais pas satisfait de sa réponse, mais cela revenait à dire—cela remonte à il y a environ 22 ans—qu'il y a certaines dispositions en vue d'assurer une aide financière aux gens pour qu'ils puissent revendiquer leurs droits, en vertu de la Charte, devant les tribunaux. Les gens devraient avoir quelque recours, et je ne parle pas ici tout simplement d'aide juridique, mais bien d'une aide sérieuse de la part de juristes pour défendre leur cause devant la Cour suprême, ou alors le gouvernement devrait prendre sur lui de recourir à la Cour suprême, sans exiger que la personne accusée soit obligée d'en payer les frais afin de protéger ses droits.

+-

    M. Andrew Telegdi: C'est mardi, à Toronto, que nous avons entendu l'un des témoignages les plus convaincants. Olya Odynsky a comparu devant le comité. Son père avait été accusé en vertu de l'article de la loi actuelle traitant de révocation. Au départ, on l'avait accusé d'avoir collaboré avec les Nazis; c'est ce qu'avait dit le gouvernement et c'est ce qui avait été repris dans les manchettes des journaux. Or, il s'est avéré au tribunal qu'il n'y en avait absolument aucune preuve. L'accusation du gouvernement était la suivante: vous avez commis une fraude car nous pensons que l'on vous a peut-être posé une question il y a 50 ans et il est possible que vous ayez menti. Le juge a insisté pour dire que l'intéressé n'était pas un criminel de guerre, a insisté pour dire qu'il n'était pas un collaborateur, mais lorsqu'on lui a demandé s'il avait dit la vérité, le juge MacKay a dit qu'il avait sans doute menti. Ce que j'ai trouvé d'irrésistible dans le récit de Mme Odynsky a été son explication de la destruction de sa famille, de la destruction de familles lorsque les ressources illimitées de l'État ciblent une personne qui n'a pas les moyens de se défendre.

    Un autre aspect critique de la voie du procès criminel pour stopper les pires parmi les pires est qu'à un moment donné vous avez droit à l'aide juridique. Or, s'agissant ici d'une procédure civile, vous n'avez pas ce droit, même si votre citoyenneté est, après la vie, ce qui compte le plus.

¿  +-(0910)  

+-

    M. Umesh Vyas: J'irais un peu plus loin encore. Si vous renvoyez du pays une personne que vous jugez ne pas être un citoyen, vous la renvoyez à l'endroit d'où elle est venue. Si le pays auquel elle est renvoyée a une loi selon laquelle quiconque est jugé coupable d'avoir obtenu frauduleusement la citoyenneté canadienne n'est pas citoyen de ce pays, et que donc l'intéressé n'y sera pas accepté, alors où l'envoyez-vous? Peut-on découvrir une autre planète? À une époque, il était courant pour les Britanniques d'envoyer les gens en Australie. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous vivons dans un monde différent, qui est, je pense, plus juste et plus équitable, et c'est ce qu'il nous faut viser.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci, Andrew.

    Je vous remercie beaucoup de vos propos. Soyez assuré qu'ils feront partie de notre rapport. Il y a beaucoup de recoupements entre les renseignements que vous nous avez livrés et ce que nous avons déjà entendu.

    Avant que vous ne nous quittiez, j'aimerais vous poser une autre question. Le ministre est en train d'envisager la possibilité d'une carte d'identité canadienne assortie d'indicateurs biométriques, possiblement une combinaison photo et empreintes digitales, empreintes digitales et balayage rétinien ou quelque chose du genre. C'est juste une idée dont on parle. À l'heure actuelle, vous avez une carte de citoyenneté. Cette carte de citoyenneté serait éliminée et tous les Canadiens auraient dorénavant cette carte d'identité canadienne.

+-

    M. Umesh Vyas: Vous avez une carte Visa, un permis de conduire, une carte d'assurance-maladie.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): C'est une idée très ouverte qui a été lancée et nous cherchons à sonder les réactions des gens. Nous serions intéressés de savoir ce que vous en pensez.

+-

    M. Umesh Vyas: C'est comme avoir une petite ouverture pour un petit chat et une grosse ouverture pour un gros chat, lorsque la même ouverture peut permettre à tous les chats d'aller et de venir. Ce que j'essaie de dire c'est ceci: quel est le but recherché? Qu'est-ce qu'ils essaient de réparer si ce qui est en place à l'heure actuelle fonctionne?

+-

    Le président suppléant (M. David Price): C'est précisément là ce que nous voulons entendre, les réactions des gens.

+-

    M. Umesh Vyas: D'autre part, le gouvernement dépense énormément d'argent sur le système d'enregistrement des armes à feu. Je vis en Alberta, mais cela ne veut pas dire que je ne réfléchis pas de la même façon que tout autre être humain n'importe où au pays. L'on gaspille tant d'argent. Il n'y a pas de reddition de comptes. Il semble que l'on jette l'honnêteté par-dessus bord dès lors que le pouvoir entre en ligne de compte, ce qui n'est pas bien. Si vous voulez que les gens fassent confiance au gouvernement, alors il vous faut les rallier à votre avis ou bien vous rallier au leur.

¿  +-(0915)  

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Monsieur Dey.

+-

    M. Vinay Dey (trésorier, Conseil ethno-culturel de Calgary): Lorsque les Britanniques ont voulu imposer une carte en Inde, Gandhi s'y est opposé. Cette carte, c'est quoi? Les renseignements sont-ils communiqués à l'Interpol, à la CIA, à la FBI? Vous devenez une carte; c'est tout ce que vous allez être, et cette carte sera utilisée contre vous. Quel risque y a-t-il que quelqu'un falsifie cette carte? Pourquoi voulez-vous adopter une chose qu'ils utilisaient autrefois en Union soviétique? Voulez-vous la même chose partout dans le monde? Je pense que c'est notre droit de vivre en tant que citoyen libre. Cette carte fait un peu penser à une carte de prison.

+-

    M. Muhammad Rasheed: Nous allons soumettre un mémoire écrit sur la carte. Je pourrai sans doute même vous le faire parvenir à tous par courrier. Nous nous opposons fermement à cette carte, car cela encouragera l'établissement de profils raciaux. Si le gouvernement veut surveiller tout ce que nous faisons, il dispose déjà d'un si grand nombre d'autres cartes que cela lui est déjà possible. Nous aurons des systèmes de lecture d'empreintes rétiniennes et d'empreintes digitales, la photo, et tout le reste. Nous savons que certains députés étaient autrefois policiers, et vous vous imaginez bien que lorsqu'ils étaient membres des forces de l'ordre, ils faisaient des distinctions raciales—un policier peut à lui seul infliger beaucoup de choses à n'importe quel citoyen canadien.

    Il me semble que quelqu'un a déjà mentionné Paul Bernardo. Que va-t-on faire de lui? Si j'avais commis un tel crime, on m'aurait expulsé. La punition doit-elle être différente qu'il s'agisse d'un citoyen né ici ou d'un citoyen naturalisé? Dès que vous êtes citoyen, vous êtes citoyen du Canada. Il ne devrait y avoir aucune discrimination entre les Canadiens nés ici et les autres. Lorsque j'ai pris ma citoyenneté, j'ai renoncé à ma citoyenneté pakistanaise. Où allez-vous m'envoyer si je commets un crime?

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Très bien. Merci.

    Andrew, juste une petite question de clarification, car nous ne voulons pas prendre de retard.

+-

    M. Andrew Telegdi: Morris Manning, conseil de la Reine à Toronto, a très vite rédigé un mémoire, et j'aurais simplement voulu que nous autres, du côté du parti au pouvoir, ayions produit un mémoire semblable pour essayer de justifier tout cela au début. Je voulais tout simplement avertir les gens qu'ils peuvent maintenant obtenir copie de ce mémoire.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Il n'y a pour l'instant rien au programme. Il s'agit tout simplement d'une expédition de pêche. Nous cherchons simplement à savoir ce que les gens en pensent. Il n'est pour l'instant pas question de mettre en place un régime de cartes. Le ministre a été abordé par différentes personnes qui disent que nous devrions peut-être avoir un moyen de vérifier que Monsieur Untel est vraiment qui il dit être. Bien sûr, l'une des raisons qui sous-tend tout cela c'est l'après-11 septembre, le problème pour traverser la frontière américaine, etc., mais c'est juste là la toile de fond. C'est juste un ballon qui a été lancé en l'air.

¿  +-(0920)  

+-

    Mme Lynne Yelich: Si j'ai bien compris, Muhammad, vous allez déposer pour le compte de votre communauté un mémoire au sujet de la carte d'identité.

+-

    M. Muhammad Rasheed: Pas aujourd'hui.

+-

    Mme Lynne Yelich: Mais vous allez nous en faire parvenir un. J'attends avec impatience de le recevoir. Je suis certaine que cela collera avec celui de M. Manning.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Aujourd'hui, votre intervention portait sur le projet de loi C-18, qui est bel et bien au programme, et nous vous en sommes très reconnaissants. C'est vraiment de cela que nous sommes saisis, et si le projet de loi n'est pas bien, alors qu'on le corrige. Comme je le disais, la question de la carte est une toute autre question. Nous ne faisons que recueillir les réactions des gens à l'idée.

+-

    M. Umesh Vyas: Monsieur, je vous demanderais s'il vous plaît de dire au premier ministre—et c'est mon message personnel—que cette guerre contre l'Iraq et la participation canadienne sont tout à fait injustifiées et injustifiables, et que si le Parlement adoptait une telle position, il n'aurait plus à se préoccuper de cartes d'identité.

    Merci.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup.

+-

    M. Muhammad Rasheed: Si cette carte est le seul moyen d'aller aux États-Unis, regardez les événements du 11 septembre et tous ces terroristes—aucun d'entre eux n'est passé par la frontière entre le Canada et les États-Unis. Pourquoi donc devrions-nous nous plier aux pressions exercées par un autre gouvernement pour avoir une carte qu'il faille montrer à la frontière?

    Merci.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Eugene Harasymiw, bienvenue à notre tournée de présentation. Comme vous le savez, nous nous promenons dans le pays pour recueillir les opinions de Canadiens d'un peu partout. Nous avons un autre groupe, l'autre moitié du comité, qui est en train de faire la même chose dans l'Est. Nous envisageons donc avec plaisir d'entendre vos idées sur ces questions. Allez-y, je vous prie. Même si les autres sont à côté, ils écoutent.

¿  +-(0925)  

+-

    M. Eugene Harasymiw (président, Comité permanent des libertés civiles, Ukrainian Self-Reliance League of Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

    L'organisation que je représente est l'Ukrainian Self-Reliance League of Canada, qui a été créée en 1927. Ses principaux objectifs sont énoncés dans le mémoire détaillé qui a été envoyé au comité à la mi-janvier. Je suis reconnaissant à M. Farrell d'avoir fait traduire ce document dans l'autre langue officielle.

    Bien que l'USRL souscrive aux efforts déployés par les pouvoirs publics pour traiter de façon efficace de tout citoyen dont on a découvert qu'il s'est adonné à des activités criminelles à l'extérieur du Canada avant son entrée ici, ces interventions ne doivent être menées que dans la bonne tribune, ne jamais violer les libertés civiles de l'individu et ne jamais être effectuées de façon sélective. Le projet de loi C-18, dans son libellé actuel, est un appel à toutes ces conséquences indésirables, déraisonnables et inutiles.

    Notre organisation laissera à d'autres intervenants qui sont ou qui prétendent être défenseurs des libertés civiles le soin de faire la critique de nombreuses violations des libertés civiles qui se trouvent principalement contenues dans l'article 17. Ayant lu le procès-verbal de certaines réunions, je sais qu'il y a eu beaucoup de critiques à ce sujet et nous n'allons donc pas pour le moment en traiter. Je veux bien sûr parler ici principalement des questions se rapportant au fait que la cour puisse entendre des preuves en l'absence de l'accusé et qu'elle ne soit liée par aucune règle juridique ni technique en matière de preuve. Cela m'étonne déjà beaucoup que je lise cela, mais laissons les experts en matière de libertés civiles s'attaquer à ces questions.

    La racine du problème posé par le projet de loi C-18 réside dans l'usage aux articles 16 et 17 du véhicule qu'est le retrait à une personne de sa citoyenneté canadienne et son expulsion sur la base d'allégations selon lesquelles l'intéressé aurait acquis sa citoyenneté par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. La fraude, de fausses déclarations ou la dissimilation intentionnelle de faits essentiels pourraient en soi être des pierres de touche utiles dans certaines circonstances bien précises. Cependant, cela est parfaitement inopportun lorsque les accusations concernent des activités criminelles et où il n'y a eu aucune autre procédure relative à la criminalité alléguée. Le pire exemple, bien sûr, est celui du dossier du gouvernement depuis 1995 dans son traitement de citoyens accusés d'avoir obtenu illégalement leur citoyenneté censément en ayant dissimulé leurs crimes de guerre; et l'on parle ici d'actes qui auraient été commis il y a 60 ans.

    En bref, nous nous opposons à ce que l'on utilise les actions en matière de citoyenneté aux articles 16 et 17 comme remplacement de procédures pénales dans la tribune adéquate, c'est-à-dire au tribunal criminel. Ce n'est qu'une fois qu'on a jugé l'intéressé coupable d'une activité criminelle, l'État ayant fourni la preuve, hors de tout doute raisonnable, que l'on devrait passer à l'étape de l'examen de la citoyenneté de l'individu. Cela est couvert dans nos recommandations 2, 4 et 5.

    L'invocation des motifs de fraude, de fausses déclarations ou de dissimulation intentionnelle de faits essentiels, ostensiblement pour traiter d'allégations de crimes de guerre de 1995 à aujourd'hui, a mis à jour de sérieuses failles dans les neuf affaires tranchées jusqu'ici et dont notre organisation a fait une étude très minutieuse. Voici ce à quoi a abouti ce processus, comme nous l'exposons de façon très étoffée dans notre mémoire écrit. Il a créé deux catégories de citoyens. Il a supprimé le droit à l'application régulière de la loi à ces victimes. Il a appuyé le gros de ses prétendues preuves sur les mensonges de la KGB. Il a perverti d'adage quant à la validité des actes officiels—et je me ferai un plaisir de vous expliquer cela. Il a étiré le concept de collaboration pour qu'il colle aux exigences contemporaines inspirées des mouvements de lobbying. Il a utilisé de façon illégale la notion insupportable de complicité—vous ne trouverez ce terme nulle part dans la loi, mais le concept y est. Il appelle à une utilisation clairement abusive des règles en matière de preuve. Il perpétue la notion de culpabilité par association, qui n'a pas sa place dans le système judiciaire canadien. Et il joue avec le concept de caractère substantiel au détriment de l'accusé.

    En résumé, dès que le gouvernement utilise contre ses citoyens un processus comme celui dont le maintien est proposé principalement aux articles 16 et 17 du projet de loi C-18, cela représente un triomphe pour ceux qui s'opposent à la transparence, à l'intégrité et aux principes sur lesquels se fonde une société démocratique et libérale. L'institutionnalisation du processus de révocation de la citoyenneté qui se trouve renfermé dans le projet de loi C-18, sans égard pour son effet destructeur, ne pourra que se solder par la minimisation de l'humanité d'un groupe ciblé de citoyens. Il importe de s'opposer vigoureusement à toute loi du genre. L'Ukrainian Self-Reliance League of Canada ne va pas rester sur la touche et laisser les Canadiens d'origine ukrainienne ou n'importe qui d'autre d'ailleurs continuer d'être diabolisés et attaqués férocement par un processus anti-canadien. Il incombe au comité permanent de convaincre le Parlement que la justice du Far West ne doit pas être la base du programme législatif et qu'il ne faudrait plus jamais laisser la politique porter le masque de la justice.

    Je suis prêt à répondre à vos questions.

¿  +-(0930)  

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup.

    Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup.

    Votre groupe est sans doute celui qui nous a fourni l'analyse la mieux organisée et la plus réfléchie de l'actuelle loi, et vous avez bien sûr tout le talent requis pour vous prononcer sur le projet de loi.

    L'une des raisons pour lesquelles nous avons la Charte des droits est pour traiter d'injustices passées et reconnaître là où l'on est allé—et où l'on ne veut pas retourner. Je pense qu'il est important que le comité sache que le Congrès ukrainien canadien est en ce moment-même en train de mener son projet «roll call», dans le but d'identifier les personnes d'origine ukrainienne internées pendant la Première Guerre mondiale. Votre communauté se bat depuis toujours contre cette injustice. L'histoire du traitement infligé au fil des ans aux Canadiens d'origine ukrainienne est une véritable tache noire, et j'aimerais entendre vos commentaires là-dessus car vous avez ressenti cette injustice.

+-

    M. Eugene Harasymiw: Je suis très heureux que le député soulève cet aspect. Notre impression, certes, et nous pensons avoir raison, est qu'il y a eu perpétuation d'une injustice. Nous ne suggérons pas un instant que le système judiciaire canadien a déraillé pour la première fois avec l'internement pendant la Première Guerre mondiale et par la suite, entre 1914 et 1920. Il y a beaucoup de débat quant à la question de savoir quand les roues de la justice ont en vérité quitté les rails. Il est possible que cela remonte aussi loin que le procès de Louis Riel.

    Quoi qu'il en soit, il n'y a aucun doute qu'il est extrêmement douloureux de revoir les commentaires que l'on trouve dans les milieux universitaires. Lorsqu'on se penche sur les injustices infligées à certains groupes, il y est toujours, semble-t-il, mention des Japonais et des Allemands, et ce à juste titre, et il y a d'autres cas qui sont mentionnés dans cette belle résolution que vous avez lue plus tôt ce matin. Mais on refuse tout simplement de retourner à la période 1914-1920 et de voir l'énorme injustice qui a été commise lorsqu'on a jeté dans 24 camps de concentration plus de 8 500 hommes, femmes et enfants. J'utilise sans détour le terme camp de concentration. C'est un terme qui a été utilisé par le gouvernement. La réponse à votre question et à votre commentaire, donc, est que cela est douloureux.

    Ce processus particulier, qui a été lancé en 1985 avec la Commission Deschênes—sous une autre administration, bien sûr, une administration non libérale—et qui a abouti en 1995 à l'adoption tout à fait arbitraire de processus de dénaturalisation et de déportation par l'ancien ministre de la Justice Rock, n'est pas un problème ukrainien, mais bien un problème canadien.

¿  +-(0935)  

+-

    M. Andrew Telegdi: Je pense que c'est un problème de minorités, si vous voulez.

    L'un des défis que nous avons dans une société multiculturelle est de veiller à apprécier les antécédents de nos citoyens, d'où qu'ils viennent, et de comprendre les histoires des autres. Mais cette diabolisation d'un groupe ethnique particulier, que cela inflige-t-il aux enfants qui essaient de comprendre leur héritage? En sont-ils fiers? Cela crée-t-il un problème? Est-ce un problème de vouloir maintenir ce patrimoine lorsqu'on se sent ainsi visé?

+-

    M. Eugene Harasymiw: On m'a appelé beaucoup de choses au fil des ans, mais on ne m'a jamais appelé sociologue et il s'agit là d'une question sociologique, mais je vais tenter d'y répondre malgré tout, en dépit du fait que je ne possède pas les qualités requises à cette fin.

    Il n'y a aucune doute que la plus jeune génération connaît en grandissant de sérieux doutes quant à sa valeur. Elle a des doutes quant à la poursuite d'un patrimoine culturel très riche, à cause de choses comme l'internement et, plus récemment, le fiasco de la dénaturalisation et de l'expulsion. Cela a eu une très forte incidence. Nous sommes ravis d'avoir ici une jeune personne qui a bravé les éléments et tout le reste et qui s'y intéresse, mais cette personne fait partie d'une minorité.

+-

    M. Andrew Telegdi: La population canadienne compte environ 1,1 million de personnes d'origine ukrainienne, et une situation semblable existe pour les personnes d'origine allemande, qui sont au nombre d'environ 2,7 millions. Si l'on ajoute ces deux groupes ensemble, cela donne un total de 4 millions de personnes. Viennent s'ajouter à cela d'autres groupes ethniques. Cela devient un réel problème pour le psychisme du pays. C'est là un effet secondaire d'un projet comme celui-ci, où l'on tente de diaboliser dans le cadre d'un processus très injuste des groupes précis de la population.

    Merci beaucoup, car vous avez fait beaucoup de travail sur cette question et je recommanderais aux membres du comité de visiter le site Web, qui est très exhaustif.

¿  +-(0940)  

+-

    M. Eugene Harasymiw: Merci.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup.

    Pour enchaîner sur les questions d'Andrew, nous pourrions remonter de nombreuses générations en arrière et examiner chaque groupe ethnique qui est jamais venu ici. Je regarde mes propres antécédents et les Écossais qui sont venus ici. Ils étaient tous des bandits et des voleurs et ils ont été poussés dans les recoins, sur les pires terres, et on leur a dit qu'il leur fallait survivre. Et ils ont survécu. Malheureusement, toute notre histoire est truffée de choses du genre.

+-

    M. Eugene Harasymiw: Je peux certainement apprécier et comprendre cela. La différence est que votre groupe n'est pas ciblé et n'est pas sacrifié par le soi-disant système de justice. L'on tente ici d'utiliser la citoyenneté et l'immigration pour traiter de quelque chose qui ne relève pas du tout de ce domaine. Bien sûr, c'est là l'un des principaux messages de notre mémoire. Vous avez déjà des lois—elles ont été mentionnées ici par d'autres intervenants. Si le gouvernement est tant préoccupé par les prétendus criminels de guerre d'il y a 60 ans, il y a la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, et plus particulièrement les articles 6 et 8. Cette loi est rétroactive. Servez-vous-en. Pourquoi le gouvernement se refuse-t-il à faire face à ces gens? La réponse, monsieur le président, est qu'il ne possède pas de preuve et cet exercice n'a rien à voir avec la justice, mais a tout à voir avec la politique.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci.

    Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich: J'ai beaucoup apprécié votre exposé. Cela nous aide réellement à comprendre pourquoi et de quelle façon ce projet de loi vous touche. J'ai été très impressionnée. J'ai rencontré des gens du Congrès ukrainien canadien, et je suis très impressionnée.

    Je pense que l'on en arrive à un point avec la Loi sur la citoyenneté où certains des articles devraient tout simplement être rayés. Pensez-vous qu'il y ait une place dans notre Loi sur la citoyenneté pour l'un quelconque de ces articles, couché sur une forme ou une autre, et je songe ici tout particulièrement aux articles 16 à 18, bien qu'il semble qu'il puisse y en avoir d'autres encore? D'après ce que nous avons entendu des témoins dans le cadre de notre tournée, il me semble que nous pourrions nous concentrer davantage sur l'immigration, régler tous ces problèmes par le biais de l'immigration, et s'il y a des choses qui passent entre les mailles du filet, alors tant pis. Comme l'a plusieurs fois dit Andrew, nous avons un système judiciaire pour les personnes que nous visons aux articles 16 à 18 du projet de loi. Ma question pour vous est donc la suivante: pensez-vous qu'il y ait de la place pour ces articles, sous quelque forme que ce soit, dans ce projet de loi?

+-

    M. Eugene Harasymiw: Ce n'est que la politesse infinie, disons, des Canadiens de l'Ouest, qui nous a empêché de dire: mettez le gros de ces articles à la poubelle. Nous avons tout simplement une attitude polie, une attitude prudente. Je dirais qu'au minimum les articles 16, 17 et 18 devraient être enlevés du projet de loi et faire l'objet d'un examen approfondi. Nous ne disons pas qu'il ne faudrait jamais pouvoir utiliser, par exemple, la fraude, les fausses déclarations ou la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Ces motifs devraient certainement pouvoir être utilisés dans le cas d'une personne arrivant au Canada avec des papiers tout à fait faux: elle dit qu'elle est la personne A, alors qu'elle est réellement la personne B. Mais pour l'amour du ciel, lorsqu'une personne est accusée de ce que l'on appelle des crimes haineux contre l'humanité, le moins que vous puissiez faire c'est lui donner une chance. La réponse, donc, est que les articles 16, 17 et 18 ont besoin d'opérations chirurgicales importantes.

+-

    M. Andrew Telegdi: Personne ne dit que nous ne devrions jamais en bout de ligne révoquer la citoyenneté, mais si vous allez révoquer la citoyenneté, cela doit être fait pour cause de fraude, et l'accusation doit être solide. Pour être réaliste, lorsque vous écoutez la paranoïa, il y a peut-être une certaine base à cela, mais si une personne est venue au pays pour y participer à une certaine cellule et que cela peut être prouvé, alors sa citoyenneté devrait être révoquée, mais elle devrait être révoquée pour cause de fraude, avec la présomption d'innocence, à la manière du système de justice pénale. Je pense que là-dessus nous sommes d'accord, et je crois que c'est la position qui a été adoptée par le Congrès ukrainien.

¿  +-(0945)  

+-

    M. Eugene Harasymiw: Je ne parle pas au nom de l'Ukrainian Congress, mais, en résumé, nous ne voyons aucune raison de sacrifier les voies régulières du droit à l'autel du programme politique de quiconque.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Certains témoins ont dit qu'il nous faudrait carrément jeter le projet de loi à la poubelle. Vous avez traité de bon nombre d'aspects du projet de loi. Pensez-vous qu'il soit récupérable?

+-

    M. Eugene Harasymiw: Nous n'avons pas examiné tout le projet de loi en vue d'en faire une analyse mot par mot, vu la préoccupation que nous avons à l'égard de ce qui se passe en ce moment. Il y a déjà eu neuf affaires qui ont été tranchées sur la base de questions de fraude, de fausses déclarations ou de dissimulation intentionnelle de faits essentiels, et il y en a trois autres qui ont été entendues mais pour lesquelles on attend toujours la décision. Ce que nous disons c'est ceci: avant d'en faire une analyse mot à mot, article par article, faisons notre possible pour mettre fin à ce processus tout à fait monstrueux.

    J'ajouterais ceci en tant que mot de la fin. J'aimerais que le comité examine attentivement notre note 3, et il y avait également une annexe. Vous ne l'avez pas ici, mais j'ai le communiqué de presse de l'Internet. Il s'agit d'un rapport que Citoyenneté et Immigration n'a pas encore rejeté: notre gouvernement aurait jusqu'ici laissé entrer au pays 81 terroristes et en laisserait entrer 20 ou 22 par an, la justification étant que ces personnes ne constituent pas une menace à la sécurité. Elles ne constituent pas une menace à la sécurité? Qu'en est-il de l'homme de 88 ans qui meurt du cancer et qui est obligé d'éplucher des pommes de terre dans un camp quelque part? Pensez-vous qu'il est une menace à la sécurité, lui?

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci.

    Avant que vous ne partiez, j'aimerais vous poser quelques petites questions rapides.

    Comme vous l'avez sans doute entendu, j'ai interrogé les autres témoins au sujet de l'idée d'une carte d'identité nationale. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Si vous ne voulez pas nous donner votre réaction maintenant, nous apprécierions beaucoup recevoir ultérieurement une réponse écrite, si vous préférez.

    J'aurais ensuite une autre question de mon cru, que j'ai posée à une ou deux personnes, et qui porte en vérité sur tout à fait autre chose. Que pensez-vous de l'idée d'inviter les personnes qui vivent ici depuis un moment à devenir citoyens? Cela arrive souvent que les gens oublient un petit peu, mettent cela de côté et ne se donnent pas la peine d'en faire la demande. Pensez-vous que ce serait une bonne idée que le gouvernement invite à devenir citoyens les gens qui sont là sur la touche, si vous voulez, depuis un bon moment?

+-

    M. Eugene Harasymiw: Il me faudrait en savoir un peu plus au sujet de ces personnes qui sont sur la touche. Je ne vois pas très bien de qui il pourrait s'agir. Pourriez-vous me les identifier?

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Les immigrants reçus qui ont pleinement l'intention de rester ici pour toujours. Bien souvent, ils arrivent au pays, ils sont occupés, ils n'ont aucune intention de sortir, mais ils ne demandent pas la citoyenneté canadienne, et à l'heure actuelle on ne les invite pas à devenir citoyens.

+-

    M. Eugene Harasymiw: Je pense en fait que cela se trouve tout en haut de ce dont nous discutons ici. À l'exception de ce processus dont nous parlons, il semble que la façon de faire canadienne est d'ouvrir nos portes, d'être amical et d'être accueillant à l'égard d'autres groupes. Bien sûr, cela soulève la question des antécédents de la personne, et notre position en la matière est tout simplement la suivante. Vous ne traitez pas de ces genres de problèmes en adoptant des lois et des règlements; vous en traitez par le biais de contrôles et en y consacrant davantage de ressources. Par exemple, le projet de loi C-36 d'il y a environ un an a été une réaction instinctive à une situation découlant des événements du 11 septembre. La réponse, comme l'ont souligné un si grand nombre d'autres groupes hauts placés, réside dans le maintien de l'ordre et le tri des personnes qui entrent au pays. Le gouvernement est-il en train de mettre en place les ressources nécessaires pour veiller à ce que des terroristes n'entrent pas ici et à ce que notre sécurité soit ainsi garantie, comme il le fait dans le cas des prétendus criminels de guerre ou des personnes dont on dit qu'elles ont commis des actes de génocide? Vous ne traitez pas du problème en adoptant une loi, mais bien en allant à la frontière et en vous attaquant là au problème.

¿  +-(0950)  

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup.

+-

    M. Eugene Harasymiw: Tout le plaisir était pour moi. Merci beaucoup.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Nous allons maintenant faire une pause.

¿  +-(0947)  


À  +-(1006)  

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Nous allons maintenant reprendre, cette fois pour entendre le Congrès ukrainien canadien, ici représenté par Catherine Chichak. Bienvenue au comité. Nous attendons avec impatience d'entendre vos propos.

À  +-(1010)  

+-

    Mme Catherine Chichak (présidente, Ukrainian Canadian Congress—Alberta Provincial Council): Distingués membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, nous sommes ravis de l'occasion qui nous est ici donnée de comparaître devant vous. Je suis présidente du Congrès ukrainien canadien, Conseil provincial de l'Alberta. Je suis également présidente provinciale de l'Ukrainian Catholic Women's League of Canada et ancienne députée à l'assemblée législative de l'Albert. Je suis accompagnée de Bohdan Klid, vice-président du Congrès ukrainien canadien, Conseil provincial de l'Alberta. Il a obtenu de l'Université de l'Alberta un doctorat en histoire avec spécialisation dans les histoires de la Russie et de l'Europe de l'Est et contemporaine. Il travaille présentement comme adjoint au directeur de recherche à l'Institut canadien d'études ukrainiennes de l'Université de l'Alberta. Il a écrit des articles et des critiques d'ouvrages qui ont été publiés dans des revues et des livres spécialisés. Nous allons chacun faire une partie de la présentation et je demanderai à M. Klid de répondre à la plupart des questions, s'il y en a, lors de la discussion.

    Le Congrès ukrainien canadien, Conseil provincial de l'Alberta, est une organisation-cadre qui est la voix officielle de la communauté ukrainienne de l'Alberta, représentant quelque 300 000 Albertains d'origine ethnique ukrainienne. Notre exécutif a examiné le projet de loi C-18, Loi concernant la citoyenneté canadienne. Nous estimons que le projet de loi comporte de sérieuses lacunes et que des changements doivent y être apportés avant son adoption. Bien qu'il y ait de nombreux autres aspects du projet de loi qui méritent peut-être un examen plus attentif, nous aimerions nous concentrer sur quelques articles bien particuliers. Nous avons abordé notre évaluation du projet de loi C-18 d'un point de vue plutôt large s'agissant de déterminer s'il favoriserait ou entraverait la construction et le fonctionnement du Canada en tant que société démocratique libérale. Nous sommes surtout préoccupés par les articles 16, 17 et 18, car nous trouvons que les dispositions qu'ils renferment ne reflètent pas les valeurs et idéaux fondamentaux d'une société libérale démocratique et qu'elles vont même à l'encontre des principes en fonction desquels un État démocratique devrait être bâti et gouverné.

    Je vais maintenant inviter M. Klid à étoffer davantage nos préoccupations quant à ces articles du projet de loi C-18.

+-

    Dr Bohdan Klid (vice-président, Ukrainian Canadian Congress - Alberta Provincial Council): Merci, Catherine. Bonjour, mesdames et messieurs le membres du comité.

    Pourquoi avons-nous conclu que ces articles entravent le développement et le fonctionnement du Canada en tant que société et État démocratiques et libéraux? C'est parce que les articles 16 à 18 confèrent à l'État des pouvoirs extraordinaires et même excessifs lui permettant de révoquer la citoyenneté de Canadiens naturalisés pour ensuite les expulser.

    L'article 16 accorde au gouvernement le pouvoir d'accuser un citoyen naturalisé d'un crime, ce qui constituera le motif pour la révocation de sa citoyenneté pour ensuite lui retirer sa citoyenneté par voie judiciaire, voie qui n'accorde pas à l'accusé les mêmes mesures de protection qu'à un Canadien né au Canada faisant face à une accusation semblable. La procédure s'appuie sur des normes civiles et non pas pénales et autorise la présomption de culpabilité de fraude dans le processus d'immigration ou d'acquisition de citoyenneté. L'actuelle loi en matière de citoyenneté autorise cette pratique, dont il a été prouvé qu'elle mène à des abus ou à tout le moins à des résultats douteux dans le cas de prétendus criminels de guerre de la Seconde Guerre mondiale. Ici, la Couronne, en dépit de normes inférieures aux normes pénales, n'a pas réussi à prouver la criminalité. Or, il va néanmoins de l'avant avec la dénaturalisation, sur la base de la prétention que l'accusé est entré frauduleusement au Canada à l'étape de l'immigration, bien qu'il n'y ait aucune preuve directe sur laquelle fonder l'accusation. Si des normes pénales avaient été utilisées dans tous ces cas, l'accusé aurait sans doute gagné ou, ce qui est plus probable, la Couronne n'aurait jamais porté d'accusation, car les preuves étaient tout simplement farfelues.

    L'article 17 approuve l'audience de preuves, même de gouvernements étrangers et avec des données inadmissibles au tribunal, en secret, pour des motifs de sécurité nationale ou pour protéger les sources lors de procédures de révocation de la citoyenneté, sans la présence de l'accusé et de son avocat. D'après ce que je peux voir, il n'y a aucune disposition en matière de surveillance parlementaire ou de vérification des renseignements ou des preuves déposés en secret. À mon sens, le recours au tribunal à des renseignements confidentiels constitue une dissimulation de la preuve de l'accusé et, partant, un refus de l'application régulière de la loi. L'on pourrait certes s'attendre à ce genre de pratique dans un État autoritaire ou totalitaire, mais peut-on vraiment sanctionner des procès en secret dans un pays comme le Canada qui se veut démocratique?

    L'article 18 accorde au gouvernement le droit de retirer à une personne sa citoyenneté sous l'ordre du ministre dans les cinq années suivant sa naturalisation. Le retrait à quiconque de sa citoyenneté par le biais d'une procédure qui paraît être purement bureaucratique revient tout simplement à un refus de la procédure équitable. Il ne faudrait même pas envisager de conférer de tels pouvoirs au ministre de la Citoyenneté. Les pouvoirs extraordinaires conférés au gouvernement dans le projet de loi C-18 encourageraient la commission d'abus à l'égard de personnes ou de groupes particuliers, surtout en présence de situations de crise ou très chargées politiquement et où la sécurité deviendrait une préoccupation.

    Il y a dans l'histoire du monde plusieurs exemples de dictatures ou de règnes de terreur qui ont résulté de craintes ou de menaces exagérées ou fabriquées. Le gouvernement du Canada a plusieurs fois abusé de son pouvoir, avec, parfois, des conséquences tragiques pour des particuliers, des membres de minorités ou des communautés ethniques tout entières. Pendant la Première Guerre mondiale, des milliers d'Ukrainiens ont été internés en tant qu'ennemis étrangers. Lors de la Seconde Guerre mondiale, toute la communauté nippo-canadienne a été victime d'excès invoqués pour des raisons de sécurité et qui ont débouché sur leur internement et la perte de leurs biens. La réaction exagérée à l'éventualité d'une menace communiste à l'époque de McCarthy a amené une situation dans laquelle des gens ont été marqués, ont perdu leur emploi et pire encore. La Commission MacDonald des années 1970 a conclu que la GRC avait abusé de ses pouvoirs. Il nous faut donc être très prudents quant au genre de pouvoirs que l'on accorde à l'État, et si l'on décide de conférer de plus vastes pouvoirs au gouvernement, il nous faut nous demander quels mesures et contrepoids seront en place pour veiller à ce que l'État n'abuse pas de la confiance qu'on lui fait.

    Nous répétons que le projet de loi C-18 entrave le développement et le fonctionnement du Canada en tant que société et État libéraux et démocratiques. Le processus de révocation énoncé dans le projet de loi pourrait demander voire exiger que soient minés et bafoués les droits civils de Canadiens naturalisés. Le projet de loi prive les citoyens naturalisés des droits qui leur sont conférés dans les articles 7 et 15 de la Charte, mine le principe selon lequel tous devraient être égaux devant la loi et trahit l'application régulière de la loi. Il assujettirait les Canadiens naturalisés à des procédures judiciaires qui ne seraient pas autorisées dans le cas de citoyens nés au Canada. Les rédacteurs du projet de loi ont d'autre part ignoré le principe selon lequel l'État et ses fonctions devraient être contenus par des systèmes de poids et de contrepoids et les citoyens devraient avoir recours à des mécanismes pour corriger les abus commis par l'État.

    Le projet de loi C-18 crée deux classes de citoyens. En principe, nous devrions reconnaître que dès lors qu'une personne est acceptée en tant que citoyen, devient membre de la société, sa citoyenneté ne devrait pas pouvoir faire l'objet de révocation. Nous sommes cependant prêts à accepter un compromis selon lequel si la révocation de la citoyenneté devait être autorisée, elle ne devrait pouvoir être exécutée que sur la base de faits prouvés établis en vertu non pas de normes civiles mais bien de normes pénales, et la personne ne pourrait faire l'objet d'une procédure de révocation et d'expulsion que pendant les cinq années suivant l'acquisition par elle de sa citoyenneté.

    Merci.

À  +-(1020)  

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup.

    Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich: Merci beaucoup.

    Merci de votre exposé. Je lisais la partie traitant de la chasse aux sorcières dans le cas des criminels de guerre au Canada. Si certains articles ne sont pas du tout modifiés et sont adoptés tels quels, est-ce qu'une loi sur la prescription—la communauté ukrainienne est très préoccupée par cela—serait une bonne chose, de telle sorte que les personnes qui vivent au Canada depuis une cinquantaine d'années ne se voient pas accusées d'être des criminels de guerre ou d'avoir commis des crimes pendant la Seconde Guerre mondiale? Est-ce que l'idée de limiter cela à cinq ans serait une bonne chose? Il me semble que vous avez fait état de l'article 17 lorsque vous avez parlé des criminels de guerre. Qu'en pensez-vous?

+-

    Dr Bohdan Klid: Recommander des limites dans le temps pour le lancement d'une procédure est un compromis. Si l'on offre la citoyenneté à quelqu'un, cela signifie qu'on accepte de l'accueillir au sein de la famille canadienne. La citoyenneté n'est pas juste une autorisation mais également un statut. En principe, donc, cela ne devrait pas faire l'objet de révocation, mais étant donné la réalité qui est la nôtre et le fait que la Loi sur l'immigration comporte des failles et que ce projet de loi a été bâti sur une loi défectueuse, étant donné qu'il y a ces contradictions et que les procédures d'immigration qui sont suivies ne sont pas toujours à la hauteur, le processus de révocation devrait être autorisé en tant que compromis, mais seulement sur la base de normes strictement criminelles. Il devrait y avoir une loi sur la prescription. Une personne doit être en territoire canadien depuis trois ans minimum avant de pouvoir demander la citoyenneté; ajoutez à cela cinq ans, et cela donne huit ans. Si vous n'avez rien appris au sujet de l'intéressé en l'espace de huit ans, vous allez, il me semble, ouvrir une vraie boîte à malice.

+-

    Mme Lynne Yelich: Merci.

+-

    Mme Catherine Chichak: S'il était question d'une loi sur la prescription, je suggérerais que les vérifications initiales des antécédents soient plus approfondies et plus sérieuses, de telle sorte que l'on minimise le risque d'accorder la citoyenneté à des terroristes ou à des criminels.

+-

    Mme Lynne Yelich: L'article 17 ne devrait sans doute même pas exister.

+-

    Dr Bohdan Klid: Comme je l'ai souligné, l'article 17 est dangereux. Je pourrais vous donner un exemple qui me vient à l'esprit. Un grand nombre de personnes qui viennent au Canada fuient des régions en conflit où il y a eu effusion de sang ou deux ou trois années de guerre. Songez, par exemple, à l'ex-Yougoslavie ou au Moyen-Orient. Supposons qu'un Kurde arrive au Canada et demande le statut de réfugié et qu'ensuite le SCRS reçoit du gouvernement turc un rapport selon lequel la personne était un terroriste. Si j'étais Kurde, je n'accepterais pas une telle preuve. Le gouvernement du Canada accepterait-il des preuves venant du gouvernement iraquien? Comment s'y prendrait-on pour vérifier de telles preuves? L'on s'expose ici à énormément de problèmes.

À  +-(1025)  

+-

    Mme Lynne Yelich: Très bien.

    Enfin, s'agissant du pouvoir du ministre d'annuler et de refuser, pensez-vous que de tels pouvoirs ne devraient pas revenir au ministre? Faudrait-il là encore que ce soit un processus judiciaire, ou bien croyez-vous que ces éléments devraient tout simplement être supprimés?

+-

    Dr Bohdan Klid: Si vous accordez la citoyenneté, il s'agit là d'un acte important, presque sacré, et vous dites que l'on peut révoquer la citoyenneté en mettant une lettre à la poste ou en en conférant des pouvoirs au ministre. Cela déprécie tout le concept de citoyenneté.

+-

    Mme Lynne Yelich: Si les audiences du comité ont quelque poids, je suis convaincue que ces articles feront l'objet d'un examen intense. Je serais intéressée de savoir s'ils passeront tels quels, car vos propos sont l'écho de ceux qui nous ont été tenus par des Canadiens de Toronto à Edmonton.

    Merci.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci, Lynne.

    Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi: Merci.

    Je pense qu'il est important de souligner que nous avons été signataires de la création de la Cour pénale internationale et qu'il n'y a aucune loi sur la prescription dans le cas des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Personnellement, je ne pense pas qu'il devrait y en avoir, car si vous vous retrouvez avec quelqu'un comme Eichmann ou un responsable des massacres au Cambodge, je pense que la justice doit être faite. Mais ce que j'ai entendu d'un bout à l'autre du pays c'est que nous voulons la justice, nous ne voulons pas d'une mentalité de gang de lynchage, où l'on diabolise un groupe, où l'on n'applique jamais la loi de façon régulière et où l'on fait subir aux gens un procès-spectacle à la Joseph Staline, et je pourrais citer encore d'autres régimes totalitaires dont c'était la pratique.

    Dans notre pays, il y a un consensus entourant la Charte des droits et libertés, et une loi qui traite d'une chose aussi importante que la citoyenneté doit être respectueuse de la Charte. Nous n'avons pas le luxe, en un sens, de dire, eh bien, nous n'allons pas traiter de ce projet de loi, car si nous n'en traitons pas, les injustices actuelles se poursuivront, et il est question ici de vraies personnes qui voient leur vie détruite sans la certitude, sans la procédure d'une poursuite criminelle. Je pense donc qu'il est important que nous apportions les modifications appropriées.

    Avec l'ancienne Loi sur l'immigration, il y avait un processus en vertu duquel il y avait un certificat applicable aux visiteurs et réfugiés. Dans la nouvelle Loi sur l'immigration, cela a également été appliqué aux résidents permanents, et avec cette Loi sur la citoyenneté, cela s'appliquerait également à la citoyenneté. Ce qu'Alan Borovoy a dit lors des audiences à Toronto—et il est président de l'Association canadienne des libertés civiles—est que bien qu'il soit justifiable dans une société libre et démocratique de faire en sorte que l'acquisition de la citoyenneté soit difficile, il n'est jamais justifiable de faire en sorte que la révocation de la citoyenneté soit facile, parce qu'il y a une différence. Une fois que vous avez la citoyenneté, vous êtes clairement couvert par la Charte.

    Nous avons mentionné certains des endroits du monde qui sont déchirés par la guerre et d'où viennent des réfugiés et des immigrants, et l'un des dangers inhérents dans ce projet de loi est que dès lors que vous baissez la barre, que vous rendez facile l'accusation et la dénonciation de gens, vous encouragez en fait les personnes originaires de ces pays ravagés par la guerre à venir ici pour se dénoncer les uns les autres. Ceux d'entre nous qui ont vécu dans un pays où l'on peut être dénoncé et disparaître savent que c'est là une chose très dangereuse. Je vois donc ces audiences comme étant le canari dans la mine. Le canari dans la mine est la personne qui l'a vécu. Pour nous, ce n'est pas un exercice théorique, mais une chose qui suscite une peur réelle. Je sais que nombre de mes collègues du Parti libéral aimeraient que je me taise et que je m'en aille, mais je continue d'être ce canari, parce que j'ai vécu sous la botte de Staline et Khrushchev et j'ai vu des gens disparaître.

    En tant qu'universitaire ayant étudié cette question, ayant étudié les régimes totalitaires et tout le problème des dénonciations, les cas de personnes ayant disparu en Union soviétique pour se faire envoyer en Sibérie pour ne jamais plus être revues ou alors ne revenir que plusieurs décennies plus tard, endosseriez-vous mon évaluation des normes?

À  +-(1030)  

+-

    Dr Bohdan Klid: J'aimerais apporter un éclaircissement quant à la question d'une loi sur la prescription. Le congrès serait certainement opposé à l'imposition d'une limite quant à la poursuite de criminels de guerre ou de personnes ayant commis des crimes haineux, mais si une personne est accusée de tels crimes, elle devrait bien sûr jouir de toute la protection disponible en vertu de la loi, sans quoi ce ne serait pas équitable. Les normes applicables aux procédures de révocation de la citoyenneté ne sont pas les mêmes. De la manière dont la loi actuelle a été utilisée—et je pense que beaucoup de gens l'ont fait ressortir—les normes sont inférieures. Dans la pratique, cette personne ne bénéficie pas d'une égalité de traitement en droit. On l'accuse d'un crime et les journaux se répandent en la qualifiant de nazie, mais c'est déjà une erreur d'appeler quelqu'un originaire d'Europe de l'Est un Nazi, car pour être Nazi il fallait être membre du Parti national socialiste et seuls les Allemands de race pure y étaient admis. Il y a donc déjà ce mensonge au départ. L'impression donnée au public est que la personne est forcément coupable. Son procès est donc déjà fait par les journaux devant le tribunal de l'opinion publique, et c'est un tissu de mensonges.

    Il faut être prudent. Quiconque comprend la relation entre l'État et le citoyen devrait savoir qu'il faut faire très attention avec les pouvoirs que l'on donne à l'État. L'État a des responsabilités envers les citoyens, tout comme les citoyens envers l'État. Il faut donc trouver le bon équilibre et ne pas user des pouvoirs de l'État pour marquer des points politiques.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci.

    Souhaitiez-vous intervenir?

+-

    Mme Catherine Chichak: Nous n'avons abordé qu'un aspect dans notre exposé, mais au sujet de celui de l'Association canadienne des libertés civiles, nous avons suivi de très près son analyse juridique de la loi. Nous n'avons pas répercuté son point de vue dans notre exposé mais nous en avons discuté, nous avons passé en revue son mémoire et nous y souscrivons pleinement. Nous avons eu le texte de ses interventions au niveau national. Et nous faisons nôtres les préoccupations exprimées concernant ce projet de loi.

    En outre, si l'on a beaucoup parlé des crimes de guerre et de l'internement au cours des deux guerres mondiales, il y a aujourd'hui des cas de particuliers, comme ce vieillard de 88 ans, où la poursuite est fondée sur de simples probabilités, la preuve étant impossible à faire. Donc, des normes inférieures à celles du système judiciaire sont appliquées à certains de ces cas.

À  +-(1035)  

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup.

    Vous avez dit «Vous avez probablement déjà entendu cela». Oui, nous avons entendu pas mal de témoignages allant dans ce sens, mais il est très important qu'on nous le dise et nous le répète. Si ces changements vont être apportés, nous devons connaître l'avis de tout le monde. Et si tout le monde semble être contre, cela signifie que nous devons réfléchir d'autant plus. Il n'y a donc pas de problème à l'entendre encore et encore.

    Je n'ai qu'une courte question. J'aimerais avoir votre opinion sur la carte d'identité canadienne. Le ministre vient de lancer l'idée. Beaucoup de Néo-Canadiens possèdent des cartes de citoyenneté, mais ce n'est pas le cas des natifs du pays. Il s'agirait donc d'une carte d'identité nationale comportant des indicateurs biométriques permettant d'identifier le porteur avec certitude. Ces indicateurs pourraient être des empreintes digitales, une simple photo, ou un balayage oculaire. Rien n'a encore été décidé, tout est très ouvert et nous recherchons des opinions à ce sujet. Si vous souhaitez réagir verbalement, très bien, et si vous voulez présenter quelque chose par écrit, ce sera bien aussi.

+-

    Dr Bohdan Klid: Le congrès lui-même ne s'est pas penché sur la question et je n'ai donc pas d'avis officiel, mais si vous voulez mon opinion personnelle, j'appartiens à l'école libérale traditionnelle qui se méfie de l'État. Je crois que le Commissaire à la protection de la vie privé s'est prononcé assez fermement contre. Encore une fois, il faudra avancer avec beaucoup de prudence, mais j'admets qu'il faut une certaine régularité, une façon de vérifier l'identité d'une personne. Je ne possède pas assez de renseignements pour émettre une opinion à ce stade. Mais disons que toutes nos lois et tous nos règlements doivent procéder d'une certaine philosophie. On peut à l'occasion promulguer une loi et une règle dépassant le cadre de cette philosophie, mais s'il y en a trop, on finit par saper le fondement de notre société et il faut se demander alors si l'on édifie bien un état démocratique ou plutôt quelque chose de différent qui ne correspond pas à nos voeux?

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci.

    Avez-vous quelque chose à ajouter?

+-

    Mme Catherine Chichak: Nous n'avons pas réfléchi à l'idée d'une carte d'identité, nous nous sommes concentrés sur les aspects immédiats qui nous troublent beaucoup. Cependant, j'y réfléchirai et peut-être le conseil voudra-t-il émettre un avis. Cependant, il nous faudra des renseignements beaucoup plus détaillés sur le projet, sur le fonctionnement et les circonstances.

    Je vous remercie beaucoup de votre invitation. Bien que nous nous soyons concentrés sur trois articles du projet de loi, j'espère que l'on en réexaminera plusieurs autres qui présentent également des problèmes.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Je peux vous assurer que tout le projet de loi sera examiné de très près. C'est pourquoi nous tenons ces audiences, pour recueillir tous les avis. Chaque recoin du projet de loi sera examiné.

+-

    Mme Catherine Chichak: J'espère donc que vos patrons prendront très au sérieux les recommandations positives que j'espère vous voir formuler sur les points qui nous préoccupent.

À  +-(1040)  

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup d'avoir comparu et de vos exposés.

+-

    Mme Catherine Chichak: Merci.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Bienvenue monsieur Zuzak. Nous sommes impatients d'entendre votre exposé. Vous avez la parole.

+-

    Dr William Zuzak (à titre individuel): Merci, monsieur le président.

    Je compte résumer mon mémoire de dix pages en environ huit minutes. Après quoi, je tenterai de répondre aux questions que vous pourriez avoir.

    Je suis né au Canada en 1941 de parents immigrants ukrainiens. J'ai gardé et nourri un intérêt constant pour les affaires ukrainiennes au Canada et en Ukraine. Dans les années 80 et 90, ma défunte femme, Lily, était à la tête du comité de bienfaisance au profit de la famille de John Demjanjuk à Montréal. Au fil des ans, j'ai beaucoup écrit sur l'affaire Demjanjuk, la Commission Deschênes, le projet de loi C-71 autorisant la poursuite pénale de présumés criminels de guerre en 1987, la procédure d'expulsion et de dénaturalisation instaurée en 1995 par Allan Rock, ainsi que sur les poursuites ultérieures contre Vladimir Katriuk, Helmut Oberlander et Wasyl Odynsky. Une bonne partie de ces documents est archivée dans mes deux sites Web dont je donne l'adresse dans mon mémoire.

    Dans la partie B de celui-ci, j'isole cinq concepts manquants ou inappropriés dans le projet de loi C-18. Premièrement, les avantages conférés par la citoyenneté canadienne, de même que les droits et obligations, devraient être énoncés explicitement. Deuxièmement, la citoyenneté double ou multiple n'est pas mentionnée mais ne devrait pas être autorisée. Troisièmement, le critère de prépondérance des probabilités prévu à l'alinéa 17(5)a) sur la révocation de la citoyenneté dans les instances civiles est inapproprié et remonte au temps où une petite clique décidait qui méritait de venir et demeurer au Canada et qui devait être incarcéré et expulsé. Quatrièmement, la délégation de pouvoir aux bureaucrates, prévue aux paragraphes 44(1) et (2) mène à la perception que ce sont eux, plutôt que nos élus, qui élaborent les politiques, rédigent les lois, établissent les règlements et les mettent ensuite en place et les appliquent. Des freins et contre-poids extérieurs devraient être imposés à ces bureaucrates. Cinquièmement, les termes «sujet britannique» et «Commonwealth» dans les articles 47 et 48 ne sont pas définis. Franchement, je trouve insultant d'être qualifié de sujet britannique.

    Dans la partie C, je propose mon serment de citoyenneté qui est en fait très similaire à celui proposé par John Bryden:

En acceptant la citoyenneté canadienne, je jure fidélité aux citoyens et au territoire du Canada et, par les présentes, renonce à toute autre citoyenneté que je pourrais détenir. Je me joins aux autres Canadiens pour promouvoir et faire respecter les cinq principes suivants: égalité des chances, liberté d'expression, démocratie, droits de l'homme fondamentaux et primauté du droit.

La Loi sur les serments d'allégeance devrait être modifiée en conséquence. Je reconnais que la monarchie représente quelque chose d'important pour bon nombre de Canadiens et qu'elle fait partie de notre patrimoine. Néanmoins, mon allégeance est au territoire et aux citoyens du Canada, non à la Reine. Je remarque également que les cinq principes auxquels nous aspirons dans le serment ont été facétieusement catégorisés comme suit: inégalité des chances, limitation de la liberté d'expression, dictature du cabinet du premier ministre, violation des droits de l'homme et règne des avocats et bureaucrates.

    J'en viens à la partie D sur la révocation de la citoyenneté. Les dispositions des articles 16 à 18 contredisent clairement l'alinéa 3d) et l'article 12 qui affirment que tous les citoyens, qu'ils soient naturalisés ou nés au Canada, possèdent les mêmes droits et le même statut. Bien que la contradiction puisse être atténuée en modifiant ces articles et paragraphes afin de spécifier expressément que les Canadiens naturalisés sont des citoyens de deuxième ordre dont les droits ne sont pas protégés par la Charte canadienne des droits et libertés ou encore en élargissant la révocation aux citoyens nés au Canada, j'estime qu'il serait beaucoup plus logique de retirer complètement le concept de révocation du projet de loi C-18.

    J'estime que le Canada, comme tous les autres pays du monde, devrait adopter le principe que la citoyenneté ne puisse jamais être révoquée par l'État. Il ne devrait exister ni apatride, ni nationalité double ou multiple. En revanche, une personne doit avoir la possibilité de renoncer à sa citoyenneté afin de prendre celle d'un autre pays si elle le désire et est acceptée dans l'autre pays. Deuxièmement, si la personne considérée est vraiment un criminel et représente un danger pour la société, au Canada ou dans le monde, pourquoi le larguer dans la nature là où il pourra continuer ses activités criminelles? Ne serait-il pas plus logique d'exposer son comportement criminel devant un tribunal pénal canadien, le condamner et lui infliger les sanctions appropriées prévues par le droit canadien?

    Dans le mémoire, j'analyse plus en détail trois paragraphes du projet de loi à la lumière de trois facteurs: le contexte historique de la procédure d'expulsion et dénaturalisation, le rapport annuel 2002 du Programme canadien sur les crimes de guerre et le rapport Goss Gilroy qui en a fait l'évaluation, et enfin la consolidation de la procédure d'expulsion et de dénaturalisation.

    Sous «Aperçu historique» je note qu'en 1987, Ray Hnatyshyn a déclaré que le Canada avait opté pour une solution canadienne, autrement dit qu'il n'y aurait ni dénaturalisation ni expulsion. Depuis 1995, ces soi-disant procès pour crimes de guerre se sont transformés en poursuites au civil utilisant des règles de preuve relâchées, avec un juge siégeant seul plutôt qu'un jury et un critère de prépondérance des probabilités plutôt que de doute raisonnable pour déterminer la fraude. En outre, la criminalité de guerre n'est plus la question examinée. La question posée est de savoir si une infraction en matière d'immigration a été commise. Le Programme canadien sur les crimes de guerre explique sa raison d'être et son budget par la prétention mensongère que des infractions en matière d'immigration seraient en quelque sorte équivalentes à un crime de guerre. Dépensant plus d'un million de dollars de l'argent des contribuables par cas, ils font carrière sur le dos de vieillards comme Wasyl Odynsky, qui doivent épuiser leurs économies et hypothéquer leur maison pour se défendre. Depuis le 1er mai 2002, lorsque Denis Coderre a fait savoir qu'il demanderait la révocation de la citoyenneté de Wasyl Odynsky, la communauté ukrainienne s'est mobilisée pour intervenir auprès des députés. Ceux-ci semblaient soutenir la position ukrainienne concernant la procédure d'expulsion et de dénaturalisation. Les dispositions relatives à la révocation contenues dans les articles 16 à 18 ne reflètent pas les opinions et déclarations de nos représentants élus.

    La lecture du rapport annuel 2002 me donne à penser que les bureaucrates qui gèrent le programme canadien sur les crimes de guerre dressent de longues listes secrètes de suspects dénoncés par l'industrie de l'Holocauste. Les gens se trouvant sur cette liste n'ont pas été informés du fait qu'ils font ou ont fait l'objet d'une enquête. Je ne suis pas vraiment surpris que le Centre Simon Wiesenthal soit ravi que le Canada opte pour l'E-D plutôt que des poursuites pénales. M. Wiesenthal, la figure de proue de l'industrie de l'Holocauste, a été réprimandé par le juge Jules Deschênes pour avoir fait des allégations sans preuve devant la commission. Je recommande vivement au comité permanent de se procurer et de lire «les entrevues structurées avec plus de 110 informateurs de l'intérieur et de l'extérieur des organismes d'exécution du programme» effectuées par les collaborateurs de Goss Gilroy.

    La consolidation de la procédure d'expulsion et de dénaturalisation proposée aux paragraphes 16(2) et (5) et aux paragraphes 17(6) et (8), de façon à rendre la révocation et l'expulsion automatiques dans les cas où on juge qu'il y a eu fraude, réduit davantage les freins et contrepoids à la procédure et impose un fardeau supplémentaire au juge. L'idée de cela provient d'un rapport de 1985 présenté à l'OSI, l'avant-dernière création de l'industrie de l'Holocauste.

    Sur la foi de l'analyse ci-dessus, nous concluons que c'est l'industrie de l'Holocauste plutôt que nos représentants élus qui gère le Programme canadien sur les crimes de guerre. Les bureaucrates qui ont rédigé les articles 16 à 18 du projet de loi C-18 sont à l'écoute de l'industrie de l'Holocauste et non du peuple canadien tel qu'il s'exprime par l'intermédiaire de ses représentants élus. Pour ces trois motifs, j'espère ardemment que le comité permanent recommandera que le concept de révocation de la citoyenneté soit retiré du projet de loi C-18.

    Merci.

À  +-(1050)  

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci.

    Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich: Merci, monsieur. Je suis heureuse que vous ayez abordé la double nationalité. Il en a été question lors d'une réunion précédente et l'on m'a dit que la double nationalité est admise ici et partout dans le monde, mais j'imagine qu'à certains égards, il peut être utile de ne pas avoir une double nationalité si vous craignez de perdre la canadienne. Si vous n'aviez que la nationalité canadienne, vous n'auriez pas réellement à vous inquiéter, étant donné le traité international qui nous interdit de créer des apatrides. Voilà donc l'argument que j'avancerais contre la double nationalité, et je ne sais pas quel est le vôtre, pourquoi vous avez soulevé la question ni quelle importance vous lui attribuez.

+-

    Dr William Zuzak: Le monde devient de plus en plus complexe. Des gens vivent en Norvège, tout en étant citoyens canadiens. Il y a des Canadiens partout dans le monde, qui voyagent sans cesse et il me semble qu'ils seraient mieux avec une seule nationalité. Ainsi on sait à qui on a affaire et la personne sait qui elle est. Si, pour quelque raison, vous voulez adopter la nationalité d'un autre pays, vous suivez le processus, non seulement dans le pays que vous quittez, mais aussi dans le pays où vous êtes demandeur. Et j'imagine qu'il y aura alors communication entre les administrations des deux pays concernés.

    Il me paraît tout à fait normal de suivre la trace des gens qui passent d'un pays à l'autre. Il n'y a pas d'autre choix. La criminalité organisée est un problème, elle a pénétré toutes nos sociétés, dans le monde entier, et le terrorisme en est un sous-ensemble, bien que mineur.

+-

    Mme Lynne Yelich: Vous pensez donc que la double nationalité est préjudiciable sur ce plan?

+-

    Dr William Zuzak: Oui. Combien de nationalités peut-on détenir? On entend dire que telle personne a voyagé en utilisant tel ou tel passeport. C'est devenu presque le Livre Guinness des records. Les gens collectionnent les nationalités, ce qui ne me paraît pas très utile. Je préfère avoir une seule citoyenneté. Je suis Canadien, et je ne veux pas d'autre nationalité.

+-

    Mme Lynne Yelich: D'autres ont préconisé de remplacer la prépondérance des responsabilités par la preuve hors de tout doute raisonnable.

    Pour ce qui est du serment, ce n'est pas le moment de débattre de la monarchie. C'est sans doute pourquoi le serment prévoira l'allégeance à la Reine. S'agissant du texte du serment, des cinq principes—égalité des chances, liberté de parole, démocratie, droits humains fondamentaux et primauté du droit—d'aucuns font remarquer que les gens connaissent bien leurs droits mais que peut-être le serment devrait-il parler aussi des responsabilités. Les gens qui arrivent chez nous savent que la Charte les protège, ils connaissent leurs droits, mais connaissent-ils aussi leurs responsabilités?

+-

    Dr William Zuzak: J'admets qu'il importe de parler aussi des responsabilités.

+-

    Mme Lynne Yelich: Pensez-vous que le serment de John met suffisamment l'accent sur les responsabilités?

+-

    Dr William Zuzak: Peut-être pas. Franchement, je me suis longuement débattu avec ce serment. J'ai examiné le serment actuel, celui proposé, et celui de John Bryden et c'est ce dernier qui me paraît le meilleur. Certes, les responsabilités sont importantes, mais il ne doit pas s'agir seulement des responsabilités de l'immigrant mais aussi de celles des citoyens canadiens. Il ne s'agit pas d'imposer aux immigrants des obligations plus grande que les nôtres. En d'autres termes, je pense que les citoyens nés au Canada font preuve de manquements à cet égard.

À  +-(1055)  

+-

    Mme Lynne Yelich: Je suis d'accord avec vous. Nous avons parlé ici du fait que les nouveaux citoyens doivent être mieux informés du Canada. Je peux vous le dire, je connais des néo-Canadiens qui me parlent d'endroits qu'ils ont visités et de choses qu'ils savent sur ce pays que j'ignorais moi-même, et c'est parce qu'ils s'y intéressent vraiment. Je suis d'accord avec vous là-dessus.

    Nous avons rencontré Mme Odynsky. Son récit m'a réellement impressionné. Je suis heureux que vous ayez évoqué cela dans votre exposé. Andrew y a fait allusion. C'est toute une histoire. Cela nous donne de très bonnes raisons d'étudier de très près ce projet de loi. Elle a fait un excellent exposé, et c'est une situation très triste pour le Canada.

+-

    Dr William Zuzak: Comment un citoyen peut-il se défendre contre l'État?

+-

    Mme Lynne Yelich: Exactement. Merci beaucoup d'avoir fait état de cela dans votre exposé.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): Merci, Lynne.

    Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi: Merci de votre comparution.

    On parle des responsabilités du citoyen et je pense que nous, au Canada, laissons à désirer à cet égard. Nous avons l'un des taux de participation les plus faibles au processus démocratique, au militantisme dans les partis politiques. Les adhérents des partis représentent moins de 2 p. 100 de la population, le chiffre le plus bas de toutes les démocraties anciennes. Il nous faudra réaliser des progrès en matière de responsabilités des citoyens, car c'est le fondement de tout notre système démocratique.

    Une pensée intéressante m'est venue et je pense que le comité devra y réfléchir. La marge n'est pas très grande entre poursuivre une personne pour un crime, ce à quoi nous sommes tous favorables, et la persécution. Je pense que nous franchissons cette ligne avec la procédure actuelle de révocation de la citoyenneté. Je me souviens d'une déclaration de Robert Kaplan, l'ancien solliciteur général libéral qui est réellement l'auteur de toute la procédure D-E: «Accuser quelqu'un de crime de guerre et ne présenter absolument aucune preuve en tribunal est une chose indécente». J'évoque son nom car il a joué un grand rôle s'agissant de régler un problème que le Canada avait longtemps ignoré et lorsqu'on s'y est intéressé, il était trop tard: on a fermé la porte de l'écurie une fois que les chevaux s'étaient échappés. Il ne fait aucun doute que nous avons laissé séjourner dans ce pays des gens qui n'auraient jamais dû y être admis, mais aucun des cas qui sont actuellement poursuivis ne me paraît entrer dans cette catégorie.

    J'aimerais avoir votre avis sur la proximité entre persécution et poursuite.

+-

    Dr William Zuzak: À mon avis, c'est certainement de la persécution. Sur le plan des principes, si vous portez une accusation que vous ne pouvez prouver et si vous utilisez un autre procédé pour aboutir au même résultat, cela entache tout le système judiciaire. La procédure D-E n'aurait jamais dû être tentée. Il y avait les cours pénales et l'affaire Imre Finta. Certes, Imre Finta a été acquitté parce que le jury a tout simplement déclaré qu'il était innocent, il n'y avait qu'à se faire une raison. Mais essayer de passer par la porte de derrière n'est certainement pas bon pour le système judiciaire ni pour la citoyenneté.

    Mon inquiétude est grande. Prenez l'Union soviétique. Vous commencez à parler des ennemis du peuple, vous commencez à soupçonner votre voisin un peu discret, les gens commencent à s'accuser les uns les autres et c'est le début d'un système totalitaire.

Á  -(1100)  

+-

    M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup.

+-

    Le président suppléant (M. David Price): J'ai demandé à tous les autres témoins ce qu'ils pensent de l'idée d'une carte d'identité nationale. Vous avez dit que l'État devrait savoir où vont les gens.

+-

    Dr William Zuzak: Je ne songeais pas seulement à retracer les personnes qui arrivent au Canada. C'est une bonne idée, mais je déteste surtout le secret. Tous les maux se cachent sous le manteau du secret. Je veux bien que l'on recueille des renseignements sur moi, mais que tout le monde y ait accès. Ne réservez pas l'accès aux services de police, car si la police commence à faire des siennes... Prenez tous ceux qui ont été injustement accusés, Sophonow, Marshall, etc. Chaque fois, c'est dû à des manquements des services de police. Il faut des freins et contrepoids dans tous les domaines de la société et dans le monde entier, et si vous savez qui entre dans votre pays et en ressort, vous avez au moins une chance de maîtriser les problèmes. Je veux bien qu'on le fasse, à condition qu'on publie en temps réel sur l'Internet les noms de tous ceux qui entrent au Canada et en sortent. Ce serait ma solution, et ce serait bien mieux que de laisser une quelconque entité, police ou autre, exploiter cette information. Je m'inquiète réellement de ce qui se passe dans le monde. Le chantage et la corruption semblent devenir la règle, je le crains.

-

    Le président suppléant (M. David Price): Eh bien, merci beaucoup de vos pensées à ce sujet ainsi que de votre exposé. Ce nous sera utile.

    La séance est levée.