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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 10 février 2003




¾ 0820
V         Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.))
V         M. Morteza Jafarpour (directeur, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants)

¾ 0825
V         Le président
V         Mme Gloria Fung (vice-présidente, Conseil national des canadiens chinois)

¾ 0830
V         Mme Colleen Hua (directrice nationale, Bureau national, Conseil national des canadiens chinois)
V         Mme Gloria Fung

¾ 0835
V         Le président
V         M. Prasanna Hetiarachchi ("Former Adult ESL Student", "Campaign for Stable Funding of Adult ESL Classes")

¾ 0840
V         Le président
V         M. Norman Beach (co-président, Campaign for Stable Funding of Adult ESL Classes)

¾ 0845
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)
V         M. Morteza Jafarpour

¾ 0850
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Gloria Fung

¾ 0855
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Morteza Jafarpour
V         Le président
V         M. Norman Beach
V         Le président
V         M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD)
V         Mme Colleen Hua

¿ 0900
V         M. Joe Comartin
V         Mme Colleen Hua
V         Le président
V         M. Norman Beach
V         Le président
V         M. Norman Beach

¿ 0905
V         Le président
V         M. Norman Beach
V         Le président
V         M. Prasanna Hetiarachchi
V         Mme Colleen Hua

¿ 0910
V         Le président
V         Mme Gloria Fung
V         Le président
V         M. Morteza Jafarpour

¿ 0915
V         Le président
V         M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)
V         M. Morteza Jafarpour
V         M. Joseph Volpe

¿ 0920
V         M. Morteza Jafarpour
V         M. Joseph Volpe
V         M. Morteza Jafarpour
V         M. Joseph Volpe
V         M. Morteza Jafarpour
V         M. Joseph Volpe
V         M. Morteza Jafarpour
V         M. Joseph Volpe
V         M. Morteza Jafarpour
V         Le président
V         Mme Gloria Fung

¿ 0925
V         Le président
V         Mme Amy Casipullai (coordonnatrice, Policy and Public Education, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants)
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)
V         Le président
V         M. Joseph Volpe
V         M. Andrew Telegdi

¿ 0930
V         Mme Colleen Hua
V         Le président
V         M. Morteza Jafarpour
V         Le président

¿ 0935
V         M. Norman Beach

¿ 0950
V         Le président
V         Le président
V         Mme Anna Chiappa (directrice générale, Conseil Ethnoculturel du Canada)
V         Le président
V         Mme Anna Chiappa
V         Le président
V         M. Ron Poulton (avocat, Centre for Spanish Speaking Peoples, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants)
V         Le président
V         M. Morris Manning (À titre individuel)
V         Le président
V         M. Morris Manning
V         Le président
V         M. Morris Manning
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Ron Poulton
V         M. Morris Manning
V         Le président
V         Mme Anna Chiappa
V         M. Morris Manning
V         Le président
V         M. Joseph Volpe
V         M. Morris Manning
V         M. Joseph Volpe
V         M. Morris Manning
V         M. Joseph Volpe
V         M. Morris Manning
V         M. Joseph Volpe
V         M. Morris Manning
V         M. Joseph Volpe
V         M. Morris Manning
V         M. Joseph Volpe
V         M. Morris Manning
V         M. Joseph Volpe
V         M. Morris Manning
V         M. Joseph Volpe
V         M. Morris Manning
V         M. Joseph Volpe
V         M. Morris Manning
V         M. Joseph Volpe
V         M. Morris Manning
V         M. Ron Poulton
V         Le président
V         M. Ron Poulton
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi
V         M. Morris Manning
V         M. Andrew Telegdi
V         Le président
V         M. Joseph Volpe
V         Le président
V         Mme Debbie Douglas (directrice générale, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants)
V         Le président
V         Mme Debbie Douglas
V         M. Joe Comartin
V         Mme Debbie Douglas
V         Le président
V         M. Morris Manning
V         Le président
V         M. Ron Poulton
V         Le président
V         M. Ron Poulton
V         Le président
V         M. Ron Poulton
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 021 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 10 février 2003

[Enregistrement électronique]

¾  +(0820)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Nous discutons des programmes d'établissement et d'intégration du Canada et nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui Prasanna et Norman de Campaign for Stable Funding of Adult ESL classes, Colleen et Gloria du Conseil national canadien chinois et Morteza et Amy du Ontario Council of Agencies Serving Immigrants.

    Nous allons commencer par Morteza.

+-

    M. Morteza Jafarpour (directeur, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants): Bon après-midi. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour vous faire part de nos préoccupations et de certaines des possibilités qui s'offrent à nous.

    Je suis aussi membre de l'OCASI et directeur exécutif d'un l'organisme de Hamilton, qui offre des services d'établissement et d'intégration. L'OCASI a été créé en 1978 pour agir comme porte-parole des organismes de services aux immigrants et pour coordonner les réponses aux besoins et préoccupations communs. L'OCASI est un organisme de charité enregistré régi par un conseil d'administration bénévole. Il est composé de plus de 150 organismes communautaires de la province de l'Ontario.

    Avant de commencer à parler de nos préoccupations et de vous faire part de nos recommandations, nous aimerions faire ressortir certaines des enjeux. Depuis le tout début l'OCASI, en tant que porte-parole des organismes d'établissement, préconise pour tous les immigrants et réfugiés de l'Ontario des services d'intégration accessibles et pertinents. Nous reconnaissons que l'établissement fait partie d'un processus comportant diverses étapes, à savoir l'établissement, l'adaptation et l'intégration. Nous intervenons aux trois étapes. En outre, comme vous le savez peut-être, l'Ontario reçoit un fort pourcentage d'immigrants qui s'installent au Canada et les organismes offrent des services dans les grands centres et les petites villes en Ontario, ce qui fait qu'elle prend en charge la plupart des immigrants qui viennent au Canada.

    L'un des problèmes qui se pose à l'heure actuelle c'est la coordination au niveau fédéral. Les organismes d'établissement reçoivent des fonds de différents niveaux de programme. Même si le mandat consiste à faire en sorte que les nouveaux arrivants s'établissement dans les plus brefs délais et s'intègrent bien dans la société canadienne, il n'en reste pas moins que la coordination laisse à désirer entre les différents paliers du gouvernement fédéral. Comme Industrie Canada, DRHC, CIC et Patrimoine canadien ont leurs propres critères de financement les organismes qui s'occupent de ces questions font vite face à de plus grands défis. Cela démontre l'absence de vues communes des différents ministères lorsqu'il s'agit de l'établissement du nouvel arrivant. Nous en parlons là où cela ressort ailleurs.

    Nous recommandons entre autres fortement une meilleure coordination entre les différents ministères fédéraux. Pour ce qui est de la question du financement, tous les programmes doivent être financés sur une base annuelle. Notre secteur préconise un financement pluriannuel. Nous aimerions qu'on se penche sur cette question étant donné que les organismes ont du mal à planifier à long terme et que cela compromet leur stabilité.

    En outre, nous recommandons que le gouvernement fédéral songe à accroître les fonds consacrés à l'établissement. Je suis convaincu que nous ne sommes pas les seuls à demander à un comité d'accroître le financement, mais depuis les dernières années le gouvernement fédéral laisse entrer plus d'immigrants au Canada et prévoit qu'ils représenteront 1 p. 100 de la population. Pourtant, les fonds consacrés aux services de soutien pour venir en aide aux nouveaux arrivants qui s'établissent n'ont pas beaucoup augmenté. Nous recommandons, compte tenu du nombre de personnes qui immigrent au Canada, que le gouvernement fédéral augmente son financement de soutien de même que son financement de base pour le secteur.

    Le deuxième problème qui représente un grand défi pour la plupart des organismes et des nouveaux arrivants au Canada ce sont les critères d'admissibilité. Malheureusement, le problème dont je viens de parler s'applique également, à savoir un manque de cohérence entre les ministères fédéraux. Cela témoigne de la façon dont ils conçoivent les critères d'admissibilité pour nous qui desservons divers clients. Par exemple, alors que certains programmes nous permettent d'assurer des services aux demandeurs du statut de réfugié d'autres ne nous le permettent pas. Le processus peut s'étaler sur 18 mois. Le gouvernement fédéral leur fournit un permis de travail et nous les encourageons à commencer à travailler dans les plus brefs délais au Canada. Ils deviennent des contribuables mais, en même temps, ils n'ont pas droit à la plupart des services offerts par le gouvernement fédéral. Cela leur pose des problèmes dans le cadre du processus d'établissement et d'intégration. Alors que des programmes comme les programmes scolaires, les centres d'information destinés aux nouveaux arrivants et le site settlement.org sont accessibles à tout le monde, mais pour ce qui est de programmes comme le programme d'établissement et d'adaptation des immigrants, le programme d'accueil ou le programme LINC, tout le monde n'y a pas accès. Cela crée des disparités pour les réfugiés qui essaient de s'établir au Canada.

    La structure des services est le troisième problème que nous voulons soulever. La prestation des services est passée, au cours des trois dernières années, de la gestion de cas à des services d'information et de présentation. La plupart des immigrants qui viennent au Canada sont des professionnels formés à l'étranger et ont une bonne connaissance d'une des langues officielles`; un processus de présentation et d'information peut ainsi les aider à s'adapter le plus rapidement possible. Cependant il peut arriver qu'un grand nombre des membres de leur famille ne soient pas à ce niveau et d'autres immigrants n'ont pas la même compétence linguistique ou la même information ou les compétences requises pour s'adapter le plus rapidement possible. La coordination des cas fait partie du problème qui se pose pour nous et c'est de cette façon que nous avons assuré nos services. Il arrive toutefois très souvent, étant donné que cela n'est pas reconnu par le gouvernement fédéral, que cela exige de la part de nos conseillers en établissement des heures supplémentaires non payées. Nous recommandons qu'il y ait plus d'un modèle de prestations de service qui devrait se fonder sur les besoins des collectivités et des nouveaux arrivants.

    Le quatrième point que j'aimerais soulever au nom de l'OCASI c'est celui de la carte de résident permanent. On a commencé à émettre ces cartes. Il en coûte aux nouveaux arrivants entre 50 et 300 $ parce qu'il faut qu'elles soient légalisées et qu'il faut passer au travers du processus d'application. Cette carte a augmenté la charge de travail des conseillers en établissement et a imposé des frais supplémentaires aux nouveaux arrivants. Nous recommandons que la carte de résident permanent fasse désormais partie intégrante des services offerts aux nouveaux arrivants, y compris de l'aide aux immigrants pour remplir la carte de résidence permanente, que la demande puisse être faite sur le site settlement.org et que des notaires publics, des avocats de même que des commissaires soient engagés pour administrer ce processus sans frais.

    Nous avons donc quatre recommandations: dialogue et collaboration entre les organismes fédéraux pour assurer une certaine cohérence dans le programme d'établissement et d'intégration; dialogue entre les autorités fédérales, provinciales et municipales pour combler les lacunes en ce qui a trait aux services d'établissement et d'intégration et utilisation maximale des dollars consacrés à l'établissement; révision des critères d'admissibilité pour que les services soient offerts à ceux qui en ont besoin, surtout les demandeurs du statut de réfugié et les citoyens naturalisés; un processus rationalisé des demandes de cartes de résident permanent dont nous avons parlé plus tôt et qui a fait l'objet de la résolution du Conseil canadien des réfugiés de novembre 2002.

    Je vous remercie.

¾  +-(0825)  

+-

    Le président: Merci, Morteza.

    Gloria, vous avez la parole.

+-

    Mme Gloria Fung (vice-présidente, Conseil national des canadiens chinois): Bon après-midi.

    Au nom du Conseil national des Canadiens chinois, j'aimerais remercier les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de nous offrir l'occasion de faire part d de nos préoccupations concernant les programmes d'établissement. Je suis vice-présidente du Conseil national des Canadiens chinois. Je suis accompagnée de ma collègue Colleen Hua, qui est aussi membre de l'exécutif national du Conseil national des Canadiens chinois.

    Le Conseil des Canadiens chinois est un organisme national sans but lucratif comptant 28 chapitres au pays. Notre mandat consiste à promouvoir l'égalité des droits et la participation à part entière des Canadiens chinois dans tous les aspects de la société canadienne. Le conseil croit toujours que le succès de la politique canadienne en matière d'immigration et de réfugiés repose sur des services d'établissement et d'intégration. Des services d'établissement et d'intégration appropriés et offerts en temps opportun accélèrent le processus qui permet aux immigrants et aux réfugiés de s'intégrer dans notre société et de contribuer à façonner notre pays.

    Notre exposé porte aujourd'hui sur quatre préoccupations à savoir le financement de base, le dialogue et la collaboration interministérielle et intergouvernementale, la structure des services de même que les services d'enseignement des langues. Colleen aimerait vous entretenir des deux premiers sujets.

¾  +-(0830)  

+-

    Mme Colleen Hua (directrice nationale, Bureau national, Conseil national des canadiens chinois): Merci.

    Morteza vous a déjà parlé du financement de base et de la coopération et de la coordination interministérielles. Nous aimerions cependant revenir à la charge, particulièrement en ce qui concerne le financement de base. Les nouveaux arrivants et les immigrants sont des êtres humains qui, en tant que tels, ont des besoins holistiques et requièrent des services soutenus. Le financement actuel ne répond pas à ces besoins de manière très holistique et ne reflète pas le fait que ces personnes ont des besoins différents. La formule du financement annuel est une solution à courte vue qui répond aux besoins très précis d'une clientèle très diverse. De nombreux organismes assurent la prestation de toute une variété de services parce qu'ils admettent cette réalité, même en présence de contraintes sur le financement que leur verse le gouvernement. Les formules actuelles de financement ne reconnaissent pas non plus les coûts que doivent assumer les organismes pour soutenir ces programmes, notamment les coûts de programme et les frais administratifs. Par ailleurs, les coûts financiers ne sont pas intégrés aux formules de financement de nombre de ces programmes. De plus, comme l'a mentionné Morteza, le niveau de financement n'a pas changé depuis quelques années. Il est demeuré stable et ne tient pas compte de la croissance du niveau de vie, du coût du loyer, du coût des services publics que doivent assumer les organismes pour assurer la prestation des services au jour le jour. Nous demandons donc au gouvernement fédéral de s'engager à accroître sensiblement les fonds de fonctionnement et de base versés aux programmes d'établissement et d'intégration.

    Ensuite, pour revenir au continuum de services dont ont besoin les nouveaux arrivants, Citoyenneté et Immigration, DRHC, Patrimoine Canada et Industrie Canada ont chacun des fonds que doivent aller chercher les organismes, des fonds annuels à court terme versés au compte-goutte et sans coordination. De nombreux organismes présentent des demandes aux quatre et ils proposent probablement des programmes très similaires à chacun des ministères. S'il y avait une certaine coordination entre les ministères, les organismes n'auraient pas à consacrer autant de temps à rédiger quatre propositions différentes pour le même projet de manière à obtenir de petits montants qu'ils réunissent de toute façon pour assurer la prestation des services. Donc, à nouveau, nous appuyons les recommandations faites par OCASI concernant le besoin d'instaurer entre les ministères fédéraux et les trois ordres de gouvernement un dialogue et de la collaboration de manière à combler les lacunes et à éviter les incohérences dans la prestation des programmes d'établissement et d'intégration.

+-

    Mme Gloria Fung: Le point suivant dont je vais vous parler concerne la structure des services. Les programmes d'établissement financés par Citoyenneté et Immigration Canada demeurent en règle générale très génériques, mettant surtout l'accent sur l'orientation au tout début. Ils ne répondent pas aux besoins d'adaptation et d'intégration des immigrants et des réfugiés qui demandent des services utiles et poussés leur facilitant l'accès à l'emploi, aux métiers et aux professions. Les cours d'éducation civique brillent par leur absence. Il n'y a pas de plan pour faciliter la participation et la contribution utiles des immigrants et des réfugiés à la société canadienne. Nous recommandons donc que CIC adopte une approche plus consultative et innovatrice à l'égard de la prestation de services d'établissement et d'intégration, en donnant aux quatre organismes de première ligne plus de marge de manoeuvre dans l'organisation des programmes de manière à répondre aux besoins particuliers des immigrants et des réfugiés et en autorisant une plus grande diversité dans l'élaboration des programmes.

    Le quatrième point concerne les cours de langue. Nous considérons toujours ces services comme une composante essentielle d'une économie prospère et innovatrice et d'une population saine participant à tous les aspects de la vie sociale, économique et politique. Ces services améliorent la connaissance interculturelle et interraciale, de même que l'équité raciale, au Canada même, qui vient tout juste d'être confirmé comme l'un des pays les plus diversifiés du monde. Cependant, à notre surprise, les cours actuels de langue ne sont pas accessibles aux citoyens naturalisés ou aux demandeurs du statut de réfugié dans de nombreuses provinces. De plus, les programmes de langue ne répondent pas aux besoins linguistiques précis des nouveaux venus sur le marché du travail. Dans certaines provinces, les cours de langue financés par le gouvernement fédéral ne sont offerts que jusqu'au niveau 3 ou 4. Je crois que Campaign for Stable Funding pourra probablement vous en dire plus au sujet de la gravité du problème. Les cours de langue adaptés à la profession et les cours de préparation à l'emploi n'ont pas été intégrés aux programmes de langue. L'évaluation faite par le gouvernement des cours de langue se fonde en grande partie sur le nombre de nouveaux venus inscrits, plutôt que sur la pertinence et l'efficacité des services visant à les aider à s'intégrer.

    Nous appuyons donc la recommandation faite par le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, soit que les fonds fédéraux versés pour les cours de langue soient accrus de manière à permettre des modes novateurs de prestation qui répondent aux divers besoins des immigrants et des réfugiés. Nous recommandons aussi que l'admissibilité aux cours de langue soit élargie de manière à inclure les citoyens naturalisés et les demandeurs du statut de réfugié.

    Je vous remercie.

¾  +-(0835)  

+-

    Le président: Gloria et Colleen, je vous remercie.

    C'est maintenant au tour de Prasanna et de Norman.

+-

    M. Prasanna Hetiarachchi ("Former Adult ESL Student", "Campaign for Stable Funding of Adult ESL Classes"): Merci.

    Il y a 12 ans, j'étais un demandeur du statut de réfugié en provenance du Sri Lanka. Je suis arrivé à Toronto avec 69 $ dans mes poches. J'étais seul, sans famille, et je ne parlais pas du tout anglais, mais je n'étais pas admissible aux cours de langue financé par le gouvernement fédéral. Heureusement pour moi, j'ai trouvé un programme CALS financé par le gouvernement provincial, et ce fut un grand soulagement pour moi de commencer à refaire ma vie ici. En tant que nouveau venu, s'il vous est impossible de refaire votre vie tout de suite, vous perdez tout espoir. Vous vous échappez peut-être d'une situation fort difficile quand vous arrivez ici. Si vous pouvez commencer à refaire votre vie, c'est un grand soulagement. Trois ans plus tard, je suivais un cours de niveau avancé et je me suis inscrit au programme coopératif. Enfin, j'ai obtenu mon statut de réfugié au sens de la Convention, puis j'ai commencé des études au collège communautaire. J'ai travaillé à l'emploi d'un des plus grands établissements de restauration, où j'ai terminé ma carrière en tant que gestionnaire de division à Montréal. Aujourd'hui, je suis propriétaire de deux franchises Great Canadian Bagel. J'ai à mon emploi trente personnes environ. Si je n'avais pas eu de cours d'anglais langue seconde, rien de tout cela ne serait arrivé.

    Ceux qui viendront ici réclamer le statut de réfugié n'auront peut-être pas la même chance à l'avenir. Je sais que le programme coopératif auquel je m'étais inscrit n'existe plus. L'établissement d'enseignement que j'ai fréquenté est actuellement menacé de fermeture. Si vous pouvez faire quelque chose pour les demandeurs du statut de réfugié à leur arrivée, pour qu'ils puissent refaire leur vie ici, ce serait bien. La plupart de ces demandeurs, lorsqu'ils quittent leur pays, ne parlent pas anglais parce qu'ils ne l'ont jamais appris. Je n'ai jamais pensé que je viendrais m'établir ici. Je vivais très bien chez moi. Plus de 20 000 personnes savaient qui j'étais et ce que je faisais. Puis, tout à coup, au milieu de la nuit, ma vie a basculé. Pour survivre, j'ai dû quitter le pays, tout laisser derrière moi et venir ici.

    J'ai choisi le Canada parce que, quand j'étais enfant, j'en avais entendu parler. J'aurais pu aller aux États-Unis, mais j'ai préféré venir ici parce que j'avais entendu dire qu'au Canada, tous étaient égaux, que je n'y serais pas un citoyen de second ordre. Je sais maintenant que c'est vrai. Je n'aurais jamais pu accomplir ailleurs ce que j'ai réussi à faire ici depuis mon arrivée, il y a douze ans. Si vous offrez aux demandeurs du statut de réfugié deux ou trois années de cours d'anglais, ils vous apporteront en retour le fruit de 20 ans de scolarisation dans leur pays d'origine. Ces compétences vous seraient utiles—pensez-y.

    Je vous remercie.

¾  +-(0840)  

+-

    Le président: Prasanna, je vous remercie beaucoup.

    Norman.

+-

    M. Norman Beach (co-président, Campaign for Stable Funding of Adult ESL Classes): Je suis coprésident de la Campaign for Stable Funding, qui regroupe 40 organismes régionaux, provinciaux et nationaux. Nous ne voulons pas faire abstraction de l'importance de la gamme de services d'établissement offerts dans les deux langues officielles et financés par le gouvernement fédéral, mais nous allons nous concentrer sur l'enseignement de l'anglais aux adultes.

    Nous sommes d'accord avec l'OCASI et le CNCC quant au besoin de coopération intergouvernementale et interministérielle. Nous voulons vous donner un exemple d'une situation dans laquelle une telle coopération n'a pas eu lieu. Dans les années 90, DRHC a constaté que de nombreux travailleurs d'usine mis à pied, dont souvent des citoyens, avaient besoin d'une formation linguistique avant d'être formés pour un nouveau travail. Cependant, le ministère n'a prévu aucun fonds à cet effet. Nous croyons que cela est attribuable à une vision étroite des champs de compétence, c'est-à-dire que le ministère estime que ce n'est pas sa responsabilité. Un autre exemple concerne en fait Prasanna. Je voulais veiller à ce que vous entendiez Prasanna pour que vous puissiez constater que les personnes qui n'ont pas accès aux programmes font face à de sérieux problèmes.

    C'est seulement en Colombie-Britannique que les demandeurs du statut de réfugié sont admissibles à des cours de langue financés par le gouvernement fédéral. C'est donc dire que dans neuf des dix provinces, les parents dont les enfants vont à l'école risquent de ne pas être en mesure de communiquer efficacement avec les professeurs et les autres employés, ce qui, selon moi, ne contribue pas à accroître les chances d'apprendre des enfants. Les perspectives d'emploi des parents sont souvent limitées. Le manque de connaissance d'une langue officielle a été reconnu comme étant un obstacle important à l'intégration des nouveaux arrivants au marché du travail. Il n'est donc pas étonnant que le taux de pauvreté chez les résidents non permanents soit le plus élevé de tous les groupes de nouveaux arrivants. Parmi les facteurs qui déterminent le degré de préparation d'un enfant à apprendre, on compte les connaissances linguistiques et le revenu familial. Fournir une formation linguistique aux demandeurs du statut de réfugié appuierait de façon essentielle le programme du Canada en matière d'apprentissage dès le début, en plus d'engendrer des avantages pour les familles et notre économie.

    Nous recommandons, comme les autres témoins, que les demandeurs du statut de réfugié aient accès à de la formation linguistique financée par le gouvernement fédéral ainsi qu'à d'autres services d'établissement nécessaires.

    Les personnes qui participent aux CLIC sont en majeure partie des immigrants nouvellement arrivés, mais ceux qui n'ont pas eu accès aux CLIC lors de leur arrivée ont peu de chance de pouvoir bénéficier de ce programme s'ils ont besoin de formation linguistique plusieurs années plus tard, et les citoyens ne sont pas admissibles du tout. Sans formation linguistique, de nombreuses années peuvent être nécessaires pour acquérir des compétences linguistiques satisfaisantes dans une langue officielle. Mais dans une économie fondée sur le savoir, les compétences sur le plan du travail doivent être conjuguées à de bonnes compétences linguistiques. Une personne qui ne maîtrise pas une langue officielle est désavantagée dans la plupart des milieux de travail au Canada. Les statistiques révèlent que le salaire des immigrants et des citoyens nés à l'étranger finit par atteindre le salaire moyen national et, en fait par l'excéder, mais cela prend de nombreuses années. Ce serait mieux, selon nous, s'il faudrait moins de temps, et nous estimons que les cours de langue seconde permettraient de raccourcir la période. Il s'agit d'un investissement à long terme, et non pas à court terme.

    Qui devrait être responsable de la formation en langue seconde des citoyens? Nous vous recommandons d'examiner la recommandation formulée par le comité des finances, à savoir que le Secrétariat national à l'alphabétisation administre certains cours de langues officielles. Nous estimons que tous les résidents permanents et les citoyens devraient avoir accès à des cours de langue seconde financés par le gouvernement fédéral.

    Nous savons que le ministère de l'Immigration vise une qualité uniforme de la formation linguistique au Canada, mais les niveaux enseignés varient beaucoup d'une province à une autre. Au Manitoba, la formation linguistique financée par le gouvernement fédéral n'est offerte qu'au niveau avancé seulement. Dans les provinces de l'Atlantique, même les cours de niveau intermédiaire sont limités. En Colombie-Britannique, la formation financée par le gouvernement fédéral est offerte au niveau de base seulement, quoi que le niveau 4 des CLIC peut être considéré comme englobant les niveaux allant jusqu'au début du niveau intermédiaire. Il faut remédier à ces différences si nous voulons que les immigrants utilisent leurs compétences au maximum.

    Nous recommandons que le gouvernement fédéral finance des cours de langue de niveau avancé dans l'ensemble du Canada et qu'il lie les programmes à l'emploi.

¾  +-(0845)  

    Il est évident que le financement par le gouvernement fédéral des services d'établissement et de formation linguistique n'a pas augmenté au même rythme que l'immigration. En fait, le financement par habitant a diminué. À cette baisse s'ajoute les réductions provinciales dans le domaine. La situation n'est donc pas de bon augure pour les nouveaux arrivants ni pour notre société dans son ensemble. Pour faire suite à ce que Mary Williamson de l'OCASI a dit ce matin, je dirais que la formation linguistique doit être considérée comme un investissement essentiel dans les ressources humaines qui aidera notre société à réussir sur les plans économique et social.

    Nous recommandons que le gouvernement fédéral augmente de façon substantielle le financement des cours de langues officielles.

    Je vous remercie beaucoup pour votre attention.

+-

    Le président: Merci.

    Je vous remercie tous pour vos conseils et vos suggestions. Nous savons que c'est vous qui aidez directement les réfugiés et les immigrants lorsqu'ils arrivent au pays. Vous essayez de faire en sorte qu'ils obtiennent les services de soutien et d'adaptation ainsi que les programmes dont ils ont besoin afin de pouvoir participer pleinement à la société et atteindre leur plein potentiel en tant que citoyens, comme vous, Prasanna. Nous voudrions faire en sorte que tous les immigrants connaissent la même expérience que la vôtre; et même une meilleure.

    Passons maintenant aux questions.

    Lynne, la parole est à vous.

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci à vous tous pour vos exposés.

    Je me demande ce que vous pensez de la volonté du ministre d'obliger des immigrants à s'établir dans de petits centres. Cela pourrait contribuer à éliminer en quelque sorte certains des obstacles linguistiques. C'est ce que je crois, car dans la petite collectivité de 300 personnes où j'habite, 15 immigrants, dont cinq adultes, s'y sont établis. Les enfants vont à l'école, et les mères sont autorisées également à aller à l'école. Aucun fonds provenant du gouvernement fédéral n'est prévu à cet effet. Je crois que c'est le rôle que les provinces peuvent jouer en ce qui concerne l'accès à l'anglais langue seconde ou à l'autre langue officielle. Je me demande quel est votre point de vue. J'estime que d'envoyer des immigrants dans de petites régions pendant la première année serait très utile, et cela aiderait nos collectivités également, car pendant la première année des fonds sont versés par le gouvernement fédéral. C'est notre argent qui sert au parrainage d'immigrants.

+-

    M. Morteza Jafarpour: Je crois qu'il y a des choses qui se produisent naturellement dans la vie. En tant que directeur exécutif, j'agis par défaut ou délibérément. À l'heure actuelle, les immigrants agissent par défaut. Ainsi, un grand nombre d'entre eux se retrouvent dans de grandes villes, ce qui s'explique par le soutien communautaire, les services offerts et la perception.

    Hamilton est une ville de taille moyenne. Elle a été amalgamée il y a deux ans aux régions environnantes, ce qui en fait une ville d'environ 500 000 habitants. La chambre de commerce d'Hamilton a effectué une étude sur l'économie du sud de l'Ontario, c'est-à-dire de la région allant de Niagara et Fort Erie à Hamilton. L'étude a révélé qu'il y aura un manque de travailleurs compétents au cours des 20 prochaines années et elle a décrit l'incidence de cette situation sur l'économie. Trois recommandations ont été formulées en ce qui concerne le manque actuel de travailleurs de la construction dans les collectivités de petite et de moyenne taille, à savoir attirer davantage d'immigrants, leur offrir des services et établir un processus d'attribution de permis. Si nous obligeons les gens à s'établir dans de petites villes, vont-ils y demeurer? Non. S'il n'existe aucun service de soutien pour eux, ils n'ont aucune raison d'y demeurer. La question n'est non pas seulement de décider où envoyer les immigrants, mais aussi de concevoir un système à l'intention des personnes qui s'établissent dans de petites villes. Afin que les petites villes puissent survivre sur le plan économique, elles ont besoin d'immigrants, mais quel système existe-t-il pour les soutenir et leur permettre d'habiter ces endroits?

¾  +-(0850)  

+-

    Mme Lynne Yelich: Particulièrement s'il s'agit de personnes plus âgées qui souhaitent travailler afin de soutenir leur famille. Je trouve qu'un grand nombre d'entre elles ne s'intègrent pas sur le plan linguistique. Elles occupent des emplois qui n'exigent pas qu'elles traitent beaucoup avec le public.

    Je voulais parler du financement par le gouvernement fédéral. Vous ne croyez pas que le financement du gouvernement fédéral correspond au taux d'immigration que nous souhaitons, c'est-à-dire que nous voulons que 1 p. 100 de l'augmentation de notre population provienne de l'étranger. Pensez-vous que le financement se situe bien en deçà de ce qui est nécessaire? Si oui, quel est le pourcentage? Avez-vous une formule en tête? À quel chapitre devrions-nous augmenter les fonds? Vous avez parlé du financement annuel et du fait qu'on ne tient pas compte des coûts.

+-

    Mme Gloria Fung: Nous n'avons pas un chiffre précis en tête, mais un de nos chapitres de Colombie-Britannique a effectué une étude sur les services d'établissement offerts dans différentes provinces par d'autres organismes. L'étude révèle que, dans de nombreuses provinces, le financement par habitant a diminué au cours des deux dernières années. On prévoit qu'il diminuera davantage dans l'avenir en raison du nombre croissant d'immigrants. Dans bien des provinces, le gouvernement provincial n'utilise pas une part suffisante de la somme provenant des paiements de transfert pour la mise sur pied de services d'établissement. Par exemple, en Colombie-Britannique, un grand pourcentage des paiements de transfert a été affecté au Consolidated Reserve Fund plutôt qu'aux services d'établissement.

    Je crois que le gouvernement devrait examiner l'ensemble de sa politique d'immigration et se pencher sur ce qu'il faut pour permettre aux immigrants et aux réfugiés de bien s'intégrer dans notre société et de contribuer au développement de notre pays. Par l'entremise de dialogues et de collaboration entre les ministères, le gouvernement doit cerner les besoins précis des immigrants afin de mettre sur pied des services qui répondront à ces besoins.

    Par ailleurs, le gouvernement fédéral devrait suivre de plus près l'utilisation des paiements de transfert. Je comprends tout à fait qu'une entente a été signée, mais il semble que le gouvernement fédéral a perdu le contrôle de l'utilisation des paiements de transfert par les diverses provinces. Je crois que la politique à cet égard doit être examinée. Nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral joue un rôle plus actif dans ce domaine afin de faire en sorte que l'argent soit utilisé à des fins qui démontrent la meilleure valeur.

¾  +-(0855)  

+-

    Mme Lynne Yelich: C'est exactement ce que je me demandais, c'est-à-dire s'il existe une grande différence entre les provinces. Je veux aussi savoir si l'anglais langue seconde devrait être un champ de compétence davantage provincial en raison des conseils scolaires. Nous n'avons pas accès aux petites collectivités, ce qui constitue une des raisons pour lesquelles les immigrants ne veulent pas s'établir là, particulièrement s'ils ne parlent pas la langue. Vous auriez très bien réussi dans notre collectivité. Vous auriez eu accès à des cours d'anglais, à l'instar de vos enfants. Je m'interroge donc au sujet des CLIC.

+-

    M. Morteza Jafarpour: Certains faits doivent aussi être exposés. Il existe différents partenaires, comme l'OCASI, des organismes communautaires, le CCR et le gouvernement fédéral. Nous devons réunir les différentes parties concernées pour obtenir un portrait de la situation. La taxe d'établissement de 975 $ a été établie il y a quelques années. Les recettes tirées de cette taxe sont censées servir à financer des services d'établissement à l'intention des nouveaux arrivants. C'est à cela qu'elles ont servi, mais en partie seulement. Lorsque nous parlons de 1 p. 100 de la population, nous devons examiner le coût connexe. Parlons-nous de 1 p. 100 du budget fédéral? Ce n'est pas ce que j'affirme, mais nous devons disposer des fonds nécessaires pour nous aider à atteindre les objectifs.

    Si nous voulons faire en sorte que les immigrants s'établissent dans de petites collectivités, les ressources nécessaires doivent exister dans ces endroits. C'est ce que nous constatons quotidiennement chez les immigrants. Les immigrants s'établissent là où il existe des ressources. Dans les petites villes, les immigrants bâtissent leur soutien communautaire au fil du temps, mais au départ il doit exister un système, et des ressources doivent être affectées à l'élaboration d'un tel système.

+-

    Le président: Norman, la parole est à vous.

+-

    M. Norman Beach: Nous avons fourni des statistiques dans notre mémoire. C'est celui où figure des cartes postales sur la page couverture. Comme Gloria l'a dit, un des organismes membres du Conseil national des Canadiens chinois a participé à l'établissement de certaines statistiques. Je ne suis pas statisticien, mais je sais que les chiffres que nous fournissons constituent une partie des données avec lesquelles nous pouvons travailler. Nous savons que le nombre d'immigrants a augmenté, et, par conséquent, l'investissement devrait être accru de façon substantielle si le gouvernement souhaite intégrer complètement les immigrants.

+-

    Le président: Merci.

    Joe, vous avez la parole.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Madame Fung, étant donné le manque de fonds destinés à l'administration dont vous avez parlé, comment vous débrouillez-vous maintenant? Faites-vous des collectes de fonds séparées?

    Par ailleurs, vous avez signalé dans votre mémoire, et je pense que vous l'avez dit également dans votre exposé, que la qualité de la formation linguistique doit être plus diversifiée. Pourriez-vous expliquer ce que vous voulez dire, car je ne comprends pas où vous voulez en venir?

    Monsieur Beach, pourquoi la Colombie-Britannique paie de la formation linguistique aux réfugiés, mais que les autres provinces ne le font pas?

+-

    Mme Colleen Hua: Je vais répondre à la première partie de votre question. À l'heure actuelle, la plupart des organismes s'adressent à divers bailleurs de fonds. Il existe de nombreuses sources de financement auxquelles les organismes ont accès pour soutenir les différents programmes qu'ils offrent. Tout manque d'argent est habituellement comblé par l'entremise de collectes de fonds locales, d'autres fondations ou d'autres fonds du gouvernement, mais c'est très désordonné—on prend ce que l'on peut. Centraide finance parfois des programmes. Il faut reconnaître le fait que les services que nous offrons coûtent de l'argent, car nous devons embaucher du personnel et trouver des locaux. Nous n'offrons pas les services dans un parc quelque part, mais dans un immeuble bien chauffé et où les gens travaillent dans différentes langues. Nous avons besoin de services d'interprétation et de traduction. Nous devons aussi effectuer des activités de liaison. Ce sont tous là des éléments que nous voulons que le gouvernement reconnaisse. Ce n'est pas seulement une personne qu'on finance, mais bien divers éléments visant à aider cette personne à obtenir les services.

¿  +-(0900)  

+-

    M. Joe Comartin: Prasanna a signalé qu'une des écoles où il a suivi des cours est fermée. Y a-t-il des organismes qui éprouvent des difficultés financières au point d'être à moitié fermés ou sur le point de l'être complètement?

+-

    Mme Colleen Hua: Oui. Beaucoup d'écoles ferment leurs portes. On est en voie de redéfinir l'utilisation de l'espace communautaire. Les écoles exigent maintenant une somme aux organismes pour l'utilisation de leurs locaux. Tous ces coûts s'accumulent, mais le financement n'en tient pas compte.

+-

    Le président: Je comprends que vous voulez des fonds, en raison du financement de base. Je sais qu'il doit y avoir une meilleure coordination entre les ministères. Si vous consacrez tous du temps à trouver chaque dollar, je crois que nous pourrions probablement faire mieux dans ce domaine. Il ne fait aucun doute que fournir des services de qualité est essentiel. Je vais demander à chacun d'entre vous si vous pensez que les programmes qui sont en place sont adéquats et si nous devons investir davantage, accroître la qualité et faire beaucoup plus? Je sais que la langue est un élément parmi d'autres.

    Nous dépensons environ 330 millions de dollars par année pour les programmes d'établissement. Je ne sais pas combien nous amassons par l'entremise de la taxe d'établissement, mais nous obtiendrons ce montant. J'aimerais que vous me décriviez un scénario, si vous le pouvez. Je crois que cela serait utile pour le comité, car vous êtes de ceux qui sont aux premières lignes. Donnez-moi l'exemple d'une famille typique de réfugiés qui arrive au Canada ou d'une famille dont les membres sont résidents permanents ou bien d'une famille d'immigrants. Quelle somme le gouvernement du Canada devrait-il investir dans cette famille afin de l'amener à la réussite au Canada? Vous devez nous aider, vous connaissez vos clients. Dites-moi quel niveau d'investissement vous voulez. Vous ne pouvez pas simplement dire que vous voulez davantage d'argent, car je ne sais pas quelle est l'ampleur de cette augmentation. Je voudrais que vous me disiez quel degré d'investissement les gouvernements doivent effectuer dans cette famille, et s'il s'agit d'une contribution fédérale, provinciale, municipale ou autre. Si nous nous adressons au ministre des Finances pour lui dire que si lui reçoit 975 $ par personne par l'entremise de la taxe d'établissement, nous, nous ne recevons qu'une somme x, j'aimerais pouvoir lui dire aussi, selon vos connaissances, quelle somme nous devons investir dans les nouveaux arrivants au Canada, qui paieront ultérieurement beaucoup d'impôts. Nous le savons. C'est bénéfique pour l'économie, la société et la culture. Nous ferons beaucoup d'argent grâce aux immigrants, nous le savons. Ils commenceront à payer leur part, mais je veux savoir de quel ordre doit être l'investissement initial dans la formation linguistique, les services d'intégration et tous les autres services que vous parlez d'offrir.

+-

    M. Norman Beach: Est-ce que je peux d'abord répondre à la question de Joe Comartin?

+-

    Le président: Allez-y.

+-

    M. Norman Beach: Il a posé une question au sujet de la Colombie-Britannique. La Colombie-Britannique a son propre programme de formation linguistique, qui fait l'objet d'un accord distinct avec le gouvernement fédéral. Toutefois, la province, même si elle accepte un très grand nombre de personnes dans le programme, n'offre pas de cours avancés. Donc, vous pouvez, avec l'argent que vous recevez, soit permettre à un très grand nombre de personnes de s'inscrire au programme, soit restreindre le nombre d'inscriptions et offrir des cours plus avancés. La province semble avoir opté pour la première solution, qui est d'accepter un très grand nombre de personnes dans le programme et d'offrir des cours de base. Or, la Colombie-Britannique se trouve dans une situation très difficile, car le financement accordé à la formation linguistique va être réduit. Donc, je pense qu'il va être très difficile, à l'avenir, d'avoir accès à des CALS en Colombie-Britannique qui, comme vous le savez, est un centre important.

    On manque vraiment de fonds dans les provinces. En Ontario, par exemple, le gouvernement provincial ne fournit aucune aide financière pour les salles de classe, le chauffage, l'éclairage, l'entretien. C'est un gros problème. Il y a des salles de classe, des écoles qui ferment. Prasanna vous a dit que le programme auquel il s'était inscrit risque de ne plus être offert. Le programme coop a été aboli à cause d'un manque de fonds pour les locaux. Or, comme le gouvernement provincial ne finance pas, pour l'instant, la location des salles de classe, le gouvernement fédéral pourrait, en guise de solution, le faire à sa place. On pourrait ainsi offrir des cours dans les écoles, aider les enfants et les parents à tisser des liens avec la communauté, ce qui serait une bonne chose. Il faudrait, pour cela, environ 10 millions de dollars. Évidemment, il s'agit là d'un montant approximatif, mais nous pourrions venir en discuter une autre fois, si vous voulez. Les 10 millions serviraient à financer la location de salles de classe. Les responsables des CLIC, par exemple, loueraient les salles de classe qui accueilleraient les personnes admissibles au programme. La province de l'Ontario refuse de le faire. Une entente provinciale-fédérale permettrait de régler le problème, du moins en Ontario.

¿  +-(0905)  

+-

    Le président: Et, comme je vous l'ai demandé, combien doit-on investir?

+-

    M. Norman Beach: Pour ce qui est du coût d'investissement total, je ne peux...

+-

    Le président: Non, je veux le coût d'investissement par famille. On parle d'investir 350 millions, 500 millions de dollars. C'est beaucoup d'argent. Prasanna peut peut-être répondre à la question. Combien faudrait-il investir?

+-

    M. Prasanna Hetiarachchi: Cela dépend des personnes, des circonstances qui les poussent à venir ici, des connaissances linguistiques et autres compétences qu'elles possèdent. Je connais des gens qui viennent du Sri Lanka. Il y en a un qui est chirurgien; il nettoie des appartements. Combien de personnes se trouvent dans cette situation? J'ai entendu dire qu'il y a, en Ontario, 4 000 médecins qui nettoient des appartements.

+-

    Mme Colleen Hua: Je ne suis pas très forte en mathématiques, et je ne suis pas venue ici armée de chiffres, mais je viens de faire un calcul rapide de ce qu'a rapporté la taxe d'établissement, l'an dernier, et j'arrive à un montant de 243 750 000 $, en supposant que 250 000 personnes soient entrées au Canada. Or, vous parlez d'investir 300 millions de dollars, sauf que ce n'est pas vous qui investissez cet argent, mais les personnes qui entrent au Canada et qui paient cette taxe. En fait, vous n'investissez que 60 millions de dollars, si l'on se fie à ce calcul très simple. Ce n'est pas beaucoup.

    Je ne sais pas combien on investit, par personne, dans le logement, le travail, tous les services auxquels ont accès les gens qui vivent au Canada, mais j'imagine que le montant est assez élevé, peut-être—je suis optimiste—environ 10 000 $ par personne, par année. Encore une fois, on ne peut considérer les gens comme un ensemble homogène, puisque leurs besoins, que ce soit sur linguistique ou autre, sont différents.

¿  +-(0910)  

+-

    Le président: Il faudrait effectuer une étude de cas. Vous pourriez peut-être, au cours des quatre prochaines semaines, avant qu'on ne dépose notre rapport, faire des recherches et nous indiquer, exemples à l'appui, combien coûte en moyenne une personne, une famille. Ces données pourraient nous servir de guide. Je ne veux pas un chiffre pour l'ensemble des personnes, parce que chaque personne est différente. Chaque personne a des connaissances linguistiques, des compétences différentes. Toutefois, j'aimerais avoir une idée de ce qu'est ce montant.

+-

    Mme Gloria Fung: J'aimerais vous parler un peu plus en détail des coûts sociaux qu'entraîne, chaque année, l'absence de services d'établissement adéquats pour les immigrants et les réfugiés. Nous avons accueillis beaucoup d'immigrants chinois au cours des dernières années. En raison de la barrière linguistique, de l'absence de services d'intégration dans la communauté, bon nombre d'entre eux ont été réduits au désespoir. Bon nombre d'entre eux sont, en fait, retournés dans leur pays d'origine. Cela représente pour nous une perte. Nous avons déjà investi du moins une partie de notre argent dans ces gens, et maintenant nous ne pourrons pas tirer partie de cet investissement. C'est vraiment dommage.

    Par ailleurs, de nombreux observateurs ont indiqué que la langue figure parmi les principaux obstacles qui empêchent les personnes de s'intégrer à la société canadienne. Or, je tiens à signaler qu'au cours des dernières années, et ce, grâce aux changements apportés au système de points pour les travailleurs spécialisés, la plupart des nouveaux venus faisant partie de cette catégorie sont devenus de plus en plus scolarisés. Ils sont devenus des travailleurs qualifiés, des spécialistes. Or, ces personnes ont besoin non seulement de cours de langue ou de programmes d'établissement, mais également de services spécialisés qui vont leur permettre d'avoir accès à des emplois, des métiers, des professions. Ils ont besoin de services différents de ceux dont ont besoin les autres membres de la famille.

    Donc, nous accueillons au Canada des immigrants et des réfugiés qui ont des besoins différents. Nous devons centrer nos efforts non pas sur un seul groupe, mais sur tous les groupes, définir leurs besoins, trouver des moyens d'y répondre, les aider à mettre leurs compétences à profit, à apporter une contribution à notre pays. Nous insistons là-dessus. Nous espérons qu'ils pourront tous rester ici et contribuer à la société canadienne.

+-

    Le président: Morteza.

+-

    M. Morteza Jafarpour: Est-ce que le programme répond aux besoins? À mon avis, il est bien structuré. Certains aspects du programme peuvent être améliorés, mais je pense que, dans l'ensemble, il est bien structuré. Nous ne nous contentons pas uniquement de réclamer de l'argent. Nous proposons plusieurs moyens d'accroître l'efficacité du système. Quand nous parlons d'améliorer la coordination entre les différents ministères et paliers de gouvernement, nous parlons d'améliorer la rentabilité du système. Nous ne cherchons pas à simplifier les choses, mais à rendre le système plus efficace.

    Les différents paliers des gouvernement me posent parfois des questions. Quand nous réclamons de l'argent, ils nous disent que notre mandat est de servir le client. Je leur répond que nous ne payons pas le personnel et le loyer avec des mandats, mais avec de l'argent. Nous devons changer notre façon de voir le système. Fournir des services d'établissement, ce n'est pas la même chose que le bénévolat. Nous venons en aide aux immigrants qui sont pauvres. Nous sommes en train de bâtir l'avenir du Canada, de bâtir un pays meilleur. Voilà pourquoi de nombreux immigrants choisissent de venir ici. Ce que nous faisons, ce n'est pas du bénévolat. Nous travaillons pour le bien de la société canadienne, de notre culture, de notre économie. Il ne faut pas l'oublier.

    Le financement est important. Et il doit permettre de répondre aux besoins des personnes qui arrivent au Canada, tout comme il doit permettre de répondre aux besoins, par exemple, du système hospitalier. Chaque système doit tenir compte du nombre de clients qu'il dessert. Toutefois, nous devons, en même temps, mettre en place un système qui est plus efficace. Et faire preuve aussi d'une plus grande transparence. Nous savons que le gouvernement fédéral a mis au point un cadre de responsabilisation. Or, ce cadre, pour être efficace, doit reposer sur un financement adéquat qui permettra au système de bien fonctionner.

¿  +-(0915)  

+-

    Le président: D'accord.

    Joe Volpe.

+-

    M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Je veux bien continuer de parler de chiffres et de solutions symboliques, mais je tiens, auparavant, à préciser que nous sommes en train de discuter de programmes d'établissement et d'intégration dans le cadre d'une loi qui traite presque exclusivement de la citoyenneté, et non pas de programmes d'établissement et d'immigration. J'aimerais que vous m'expliquiez le lien qui existe entre ces divers éléments. Je crois le savoir, mais j'aimerais que vous m'expliquiez le lien qui, à votre avis, existe entre les programmes d'établissement, les programmes d'intégration, la citoyenneté et la Loi sur la citoyenneté. Je ne veux pas me montrer injuste à votre égard, car je sais que vous n'avez pas été invité à venir nous parler de cette question.

+-

    M. Morteza Jafarpour: Dans mon exposé, j'ai dit que le processus d'établissement comportait trois volets: l'établissement, l'adaptation, l'intégration. L'établissement consiste à répondre aux besoins immédiats des nouveaux venus, et ce, dès leur arrivée. L'adaptation s'entend de la période au cours de laquelle ces personnes essaient de s'adapter au Canada. L'intégration se fait quand il y a participation à la société canadienne. La participation communautaire en fait partie. Nous avons aussi parlé de la participation pleine et entière à tous les aspects de la vie canadienne. Je pense que c'est ce volet qui relève de la citoyenneté. Ces personnes deviennent non pas des citoyens qui vivent à l'écart des autres, mais des membres à part entière de la société canadienne. On me demande parfois pourquoi les immigrants choisissent de vivre près de leurs communautés. Je leur répond que si ces personnes avaient voulu rester près de leurs communautés, elles ne seraient pas venues au Canada. Toutefois, ces personnes sont isolées sur le plan social.

    Donc, l'établissement n'est pas la seule composante. Il est question ici d'un processus à long terme qui influe sur les personnes qui exercent leurs devoirs civiques. La citoyenneté, ce n'est pas une carte, ce n'est pas un nom, mais plutôt la façon dont vous exercez vos devoirs de citoyen, la façon dont vous vous comportez au quotidien. Cela s'applique aussi aux enfants.

    J'espère que je n'ai pas fait fausse route.

+-

    M. Joseph Volpe: Non. Je voulais tout simplement essayer de comprendre la logique.

    Dois-je alors conclure que le processus qui aboutit à une demande de citoyenneté, et nous en avons discuté ce matin, processus au cours duquel on commence à comprendre ce que veut dire le fait d'être Canadien, à embrasser les valeurs chères aux Canadiens, ou du moins à s'y adapter, à les adopter, repose sur une intégration systématique, intégration qui englobe les trois étapes que vous avez mentionnées? Est-ce que cette conclusion vous apparaît logique? Est-ce que cette responsabilité incombe à celui qui veut devenir citoyen canadien, ou est-ce l'État qui doit accueillir ces personnes en son sein?

¿  +-(0920)  

+-

    M. Morteza Jafarpour: Encore une fois, c'est une voie à deux sens. Je suis conscient de mes obligations en tant que particulier, mais comment suis-je traité en tant que citoyen canadien? L'immigration a changé de visage au cours des 20 dernières années. Deux-tiers des immigrants sont membres d'une minorité visible.

+-

    M. Joseph Volpe: Et nous, nous sommes invisibles, n'est-ce pas? Je m'excuse, mais j'ai du mal à accepter cette définition.

+-

    M. Morteza Jafarpour: Je comprends. Je sais que les gens ont...

+-

    M. Joseph Volpe: Ou vous les défendez, ou vous ne les défendez pas.

+-

    M. Morteza Jafarpour: Je ne peux pas l'expliquer autrement.

    Bon nombre des personnes qui viennent au Canada, par exemple, sont victimes de racisme ou de discrimination quand elles postulent un emploi ou qu'elles cherchent un logement. Je suis un bon citoyen. Je travaille, je fais du bénévolat, je recycle mes déchets, je fais tout, et je m'attends à être traité équitablement, et mes enfants aussi. D'autres vont parler de la façon dont le gouvernement assure la promotion de ces valeurs.

+-

    M. Joseph Volpe: Comment peut-on vérifier ce genre de chose dans un examen pour la citoyenneté?

+-

    M. Morteza Jafarpour: Dans ma vie antérieure, j'ai été étudiant en médecine et j'ai réussi l'examen. Ce n'est pas cela qui a fait de moi un médecin, mais la vie.

+-

    M. Joseph Volpe: Vous avez obtenu un certificat.

+-

    M. Morteza Jafarpour: J'ai obtenu un certificat, mais ce n'est pas cela qui fait qu'une personne est un bon médecin, ou un mauvais.

+-

    Le président: Morteza, je sais ce que Joe essaie de savoir. Nous avons voulu, après avoir examiné la politique d'immigration, nous concentrer sur les programmes d'établissement et d'intégration. Le Conseil national des canadiens chinois a laissé entendre, dans son exposé, que l'éducation civique laissait grandement à désirer. Or, elle est censée faire partie des programmes d'établissement et d'intégration. Qui s'en occupe? Voilà ce que Joe essaie de savoir. Quand mon père et moi sommes arrivés au Canada, en 1954, il n'y avait pas de programmes, pas de cours d'anglais langue seconde. Les programmes d'établissement n'existaient pas. Il s'est trouvé du travail le jour après son arrivée, et il a suivi des cours du soir. Nous aussi, d'ailleurs. Les choses ont changé. L'intégration est très importante. Joe essaie de comprendre ce qui se produit entre le moment où l'immigrant arrive au Canada et celui où il devient un bon citoyen. On a dit, entre autres, que l'éducation civique laissait grandement à désirer, qu'elle ne faisait pas partie des objectifs que nous essayons tous, collectivement, d'atteindre.

+-

    Mme Gloria Fung: Permettez-moi de vous expliquer pourquoi nous attachons tellement d'importance à l'éducation civique. Pour nous, la meilleure façon d'aider les immigrants et les réfugiés à s'adapter, c'est en les sensibilisant aux valeurs qui sont chères aux Canadiens, en les encourageant à participer de façon active à tous les aspects de la vie politique, économique et sociale du Canada. Malheureusement, à l'heure actuelle, les services d'établissement offerts par le gouvernement fédéral demeurent, en règle générale, très génériques. Ils mettent l'accent, au tout début, sur l'orientation des immigrants et des réfugiés en leur fournissant information et conseils. Aucun cours d'éducation civique n'est offert aux immigrants et aux réfugiés.

    Il faut prévoir un financement adéquat pour les programmes de formation linguistique. C'est très important. Ces programmes mettent l'accent non seulement sur la langue, mais aussi, surtout au niveau avancé, sur l'éducation civique. J'ai assisté à certains cours donnés par les professeurs d'anglais langue seconde. Ils sensibilisent les immigrants aux habitudes alimentaires des Canadiens, et leurs montrent aussi comment faire valoir leurs droits. Voilà ce que nous voulons dire.

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: Amy, avez-vous un commentaire à faire?

+-

    Mme Amy Casipullai (coordonnatrice, Policy and Public Education, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants): Monsieur le président, je voudrais reprendre l'exemple que vous avez utilisé. Vous avez parlé de votre père. Quand il est arrivé ici, il n'y avait pas de programme de formation linguistique, pas de programme de promotion de la citoyenneté. Il a commencé à travailler tout de suite. Norman a parlé plus tôt du problème auquel s'est trouvé confronté DRHC quand il y a eu toutes ces mises à pied dans les usines. Ajoutons à cela toutes ces personnes qui ont travaillé dès leur arrivée au Canada, mais qui n'ont jamais suivi de cours de langue. DRHC s'est trouvé aux prises avec de gros problèmes, puisqu'il a été obligé, à cause de cela, d'inscrire toutes ces personnes à des programmes de recyclage, alors qu'elles avaient déjà obtenu leur citoyenneté et qu'elles n'avaient jamais eu accès à des programmes de formation linguistique.

    Nous devons offrir des services qui sont axés sur les clients. Nous devons adopter à l'égard des programmes d'établissement une approche holistique. Peu importe que ces programmes relèvent du gouvernement fédéral, des provinces ou des municipalités, nous devons encourager la coordination entre les gouvernements et entre les ministères et faire sorte que les ressources sont utilisées à bon escient. Vous avez cherché à savoir, plus tôt, combien coûtaient ces services. Le problème, c'est que ces services sont axés sur les besoins. Beaucoup de personnes, quand elles arrivent au Canada, sont admissibles à des programmes et des services. Or, comme elles essaient de trouver du travail tout de suite, elles ne tirent pas parti des services que nous offrons. Nous ne serons jamais en mesure de combler le vide qui existe à l'heure actuelle si nous ne cherchons pas à savoir qui a besoin de ces services, pourquoi et dans quelles circonstances.

    L'établissement est un processus linéaire. Chaque personne a des besoins différents. Le citoyen a des obligations envers l'État, et l'État a des obligations envers les citoyens. Ils doivent tous les deux faire leur part. Nous devons trouver un moyen d'utiliser nos ressources de manière plus efficace et de répondre aux besoins des gens pour qu'ils puissent continuer de vivre leur vie.

+-

    Le président: Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Donc, vous êtes arrivé ici en 1964, si j'ai bien compris?

+-

    Le président: 1954, avant vous.

+-

    M. Joseph Volpe: Le numéro de votre carte de citoyenneté est plus petit que le nôtre.

+-

    M. Andrew Telegdi: Vous êtes arrivé avant nous deux.

    C'est vraiment coûteux de ne pas offrir de services. À l'époque où la famille du président est arrivée ici, il était très facile de trouver du travail. Quand j'ai fréquenté l'école ici, beaucoup de jeunes arrêtaient d'étudier en 8e, 9e et 10e année, et arrivaient à se trouver un emploi, habituellement dans le secteur des ressources. Mais le monde a bien changé depuis. Il y a tellement de différences. Nous accueillons des réfugiés qui, dans certains cas, ont de très grands besoins, et des professionnels qui s'intègrent tout de suite, occupent un emploi, peuvent parler la langue, etc. Pour ceux qui ne s'intègrent pas et ont besoin d'aide, l'aide n'est pas disponible. Cela finit par être coûteux, parce qu'il y a des problèmes de décrochage scolaire, de criminalité—j'ai travaillé dans ce domaine avant—et d'autres encore plus graves.

    Encore récemment, je me suis occupé d'une personne de ma circonscription venue me rencontrer. Sa famille venait de Bosnie-Herzégovine, et ils se sont bien adaptés au début. Le mari a trouvé du travail dans une société d'ingénierie mais, quelques années plus tard, il a fait une hémorragie cérébrale. Quand ses prestations d'invalidité ont pris fin, c'est sa femme qui s'est retrouvée, sans aide, à avoir la charge des deux enfants et du mari, qui se trouvait dans une maison de soins infirmiers. Quand j'en ai discuté avec le personnel, nous avons constaté que, si cette femme ne s'en sort pas, ses enfants risquent d'en souffrir. L'absence d'aide entraîne vraiment des coûts. Mon beau-père vit dans une maison de soins infirmiers, mais je compte sur l'ensemble du réseau pour lui venir en aide, et cette femme n'a aucun recours. Il n'existe vraiment pas de services pour elle mais, si elle ne s'en sort pas, la famille va se disloquer.

    Voici ma question et, si vous ne pouvez pas me répondre maintenant, j'espère que vous allez y réfléchir et envoyer votre réponse au comité. Étant donné qu'il n'y a pas de mesures de prévention ou d'urgence en raison des coûts, combien en coûterait-il, pas nécessairement au gouvernement fédéral, ce pourrait être au gouvernement provincial, à la municipalité ou au réseau des services sociaux, si les choses tournaient mal?

¿  +-(0930)  

+-

    Mme Colleen Hua: À l'agence où je travaille, je me suis occupée d'une femme qui se trouvait dans une situation très semblable, et elle a obtenu de l'aide, parce que nous offrons d'autres services qui ne font pas partie de ceux subventionnés pour l'établissement et l'intégration. C'est un autre secteur de l'organisation qui s'est occupé d'elle, mais c'est lui, dont le financement vient d'ailleurs, qui a dû en assumer les coûts. Je ne sais trop si vous voulez savoir si des gens comme eux sont laissés pour compte. Je ne le pense pas mais, malheureusement, les organismes doivent assumer ces coûts et trouver d'autres moyens de résoudre chaque situation.

    Actuellement, je pense que le financement, particulièrement dans le cas de l'établissement de l'immigration, détermine le genre de personne que vous pouvez servir. C'est très strict. Je pense que c'est ce que Gloria voulait dire quand elle a parlé de souplesse. Vous pouvez offrir au client qui est ici depuis trois ans seulement les services prévus sur la liste; s'il a besoin d'un autre genre de services que ceux que nous pouvons lui offrir, il doit s'adresser ailleurs. C'est ce que nous voulons changer.

+-

    Le président: Je suis sûr que c'est ce qu'Andrew voulait savoir.

    Morteza, rapidement.

+-

    M. Morteza Jafarpour: Les gens devraient obtenir de l'aide au bon moment. Le gouvernement fédéral et les autres gouvernements essaient de tout compartimenter. Il y a un cadre général. Nous sommes tous d'accord pour dire que le gouvernement fédéral est un fournisseur de services. S'il y a un cadre général, la plupart des immigrants et des réfugiés vont rapidement apporter une contribution à la société, payer des impôts, recycler, faire ce genre de choses. Nous ne sommes pas contre la reddition des comptes. Nous ne disons pas: «Donnez-nous de l'argent, nous savons ce que nous faisons». Mais, avec le système actuel, on fait une seule chose, et cela finit par coûter plus cher parce qu'on ne parvient pas à répondre aux besoins des gens comme il le faudrait.

+-

    Le président: C'est la réflexion qu'Andrew vous a demandé de faire, et je vous ai demandé un modèle à examiner. Il doit tenir compte du client, je comprends, mais j'ai aussi bien aimé, Morteza, ce que vous avez dit sur le continuum de services: vous voulez pouvoir aider quelqu'un à s'établir, ensuite à s'adapter, et enfin à s'intégrer. Tout le monde doit suivre ces étapes. Prasanna l'a fait, mon père aussi, nous aussi, tout le monde suit le même parcours. Vous vous établissez d'abord, et vous bâtissez ensuite quelque chose. Si on peut commencer à stimuler cette réflexion à l'intérieur de ce cadre général, c'est ce que nous aimerions.

    Norman.

¿  +-(0935)  

+-

    M. Norman Beach: Nous n'avons pas beaucoup parlé des besoins particuliers des professionnels. Andrew Telegdi a mentionné qu'il y avait beaucoup de professionnels qui arrivaient au pays. Eux aussi, même s'ils ont reçu beaucoup de formation dans un autre pays, peuvent avoir des besoins énormes dans d'autres domaines. Je parle entre autres de la communication au travail et des connaissances interculturelles. C'est un secteur, je pense, auquel il faudrait aussi commencer à s'intéresser. Certaines personnes qui suivent mes cours—et j'enseigne au niveau avancé—ont fait de longues études dans leurs pays et possèdent beaucoup de connaissances et de compétences, mais c'est quand même utile pour eux de rencontrer des gens d'autres cultures, d'être sensibilisés à toutes sortes de différences culturelles, parce que nous vivons dans une véritable société multiculturelle. Les gens qui viennent d'ailleurs se retrouvent dans un milieu différent, un contexte vraiment multiculturel. En Ontario, par exemple, nous nous occupions beaucoup de la communication au travail et des échanges interculturels avant, mais nous ne le faisons presque plus maintenant. Je pense qu'il faut s'intéresser à tous les aspects de l'intégration des nouveaux arrivants.

¿  +-(0950)  

+-

    Le président: Je veux tous vous remercier beaucoup de vos observations. De toute évidence, vous savez ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas dans le système, et c'est grâce à votre expérience que vous avez pu, je pense, nous proposer des moyens de vraiment améliorer nos programmes d'établissement et de rétablissement. Vous êtes sur la ligne de front, et l'intégration des immigrants à notre société est directement liée à certains des services que chacun de vos organismes offrent. Je tiens donc à profiter de l'occasion pour vous remercier.

    Je pensais que le comité aurait l'occasion d'exercer de la pression sur le gouvernement provincial, parce que le ministre Carl DeFaria devait être ici, et que nous aurions pu discuter avec lui de certaines choses. La rencontre a été annulée. Lui et ses collaborateurs ont dû avoir peur de vous. Le ministre a dû entendre dire que nous critiquions un peu la province.

    Merci beaucoup. Donnez-nous ces modèles et vos suggestions. Ce serait très utile.

    Nous allons prendre une pause d'à peu près cinq minutes; à notre retour, nous allons discuter des cartes d'identité nationale avec d'autres témoins.

¸  +-(1458)  


¹  -(1512)  

+-

    Le président: Chers collègues, nous allons maintenant discuter de la carte d'identité nationale, qui est le nouveau sujet que le ministre nous a demandé d'étudier. Quand il s'est adressé à nous jeudi matin, il a demandé au comité et aux citoyens de participer pleinement à la discussion sur l'utilité d'une carte d'identité nationale au Canada. Il a insisté sur le fait que l'identité nationale est peut-être ce que nous avons de plus important et que nous devons la protéger et la valoriser. Une carte d'identité nationale sera-t-elle utile ou non? Je pense que le ministre a dit que la plupart des Canadiens, compte tenu de la période dans laquelle nous vivons, pourraient être en faveur d'une carte d'identité nationale, mais le comité a posé des questions importantes au ministre sur la nature de cette carte. Quelle est son utilité? Qui va pouvoir l'utiliser? Quelles informations devrait-elle contenir? Est-ce que tous les Canadiens vont vouloir faire prendre leurs empreintes digitales ou de l'iris?

    Je veux donc tous vous remercier de prendre part à ce débat extrêmement important. Certains pays ont une carte et d'autres n'en ont pas. Les États-Unis n'en ont pas, même si nous pensons que la discussion les concernent eux aussi. Donc, sans avoir d'idées préconçues sur l'utilité de cette carte, nous voulons que les Canadiens nous disent ce qu'ils en pensent.

    Je suis heureux d'accueillir Anna Chiappa, du Conseil ethnoculturel du Canada, ainsi que Ron Poulton, avocat à l'emploi de l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, et Debbie Douglas, la directrice générale de ce même organisme. Nous recevons également Morris Manning qui veut nous parler et qui a produit un mémoire assez considérable en l'espace de deux jours. C'est incroyable, Morris, que vous ayez pu rédiger ce mémoire en si peu de temps. Je suis sûr que vous réfléchissez à la question depuis longtemps.

    Je vais d'abord donner la parole à Anna Chiappa.

+-

    Mme Anna Chiappa (directrice générale, Conseil Ethnoculturel du Canada): Merci beaucoup.

+-

    Le président: Le greffier vient de m'apprendre que vous et lui êtes allés à l'école ensemble. Mes sympathies.

+-

    Mme Anna Chiappa: Oui, nous avons fait nos études ensemble. Nous avons des anecdotes à raconter, mais nous ne le ferons pas ici.

[Français]

    Merci beaucoup. Au nom du Conseil ethnoculturel du Canada, je tiens à remercier le comité de l'occasion de témoigner aujourd'hui.

    Notre président, M. Art Hagopian, a fait une présentation, il y a dix jours, sur le projet de loi C-18.

    Pour ceux et celles qui ne connaissent pas notre organisation, le CEC est une coalition nationale de 32 organismes ethnoculturels. Nos organismes membres, qui sont eux-mêmes des structures cadres, représentent à leur tour environ 2 000 sections locales et provinciales de partout au Canada. Bien que chacun de ces organismes représente une communauté culturelle particulière et unique, collectivement, ils s'emploient tous à promouvoir une meilleure compréhension et une meilleure acceptation des réalités multiculturelles du Canada.

    Notre organisme oeuvre également pour l'intégration des divers groupes ethnoculturels au moyen de la promotion de l'égalité d'accès à l'emploi et de la lutte contre le racisme et la discrimination.

[Traduction]

    Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion d'exprimer notre point de vue sur le projet de carte d'identité nationale. Beaucoup de nos membres ont souffert directement des retombées des attaques terroristes du 11 septembre 2001. Lors du premier anniversaire de la tragédie, le CEC a lancé un message d'intérêt public pour promouvoir la paix et le respect des nombreuses cultures qu'on retrouve au Canada. «Célébrer notre diversité humaine» était le thème du message lancé en collaboration avec CFMT-OMNI. Ce message d'intérêt général voulait renforcer l'idée que notre pays a le grand avantage de nourrir un vif sentiment de sécurité parmi la population sans marginaliser les groupes minoritaires pour des raisons fondées sur leurs origines, leur race ou leurs croyances religieuses.

    Nous reconnaissons la nécessité pour le gouvernement du Canada de mettre en oeuvre des mesures visant à renforcer la sécurité intérieure au lendemain du 11 septembre, mais nous croyons que les politiques d'intérêt public devraient toujours être le résultat d'une réflexion objective et témoigner d'un équilibre entre l'équité et la nécessité. Le ministre Coderre semble croire que la carte d'identité nationale obligatoire va empêcher l'établissement de profils raciaux à la frontière entre le Canada et les États-Unis, surtout si le lieu de naissance n'est pas inscrit. Il soutient également que les informations contenues dans cette carte serviront uniquement à la lutte contre le terrorisme. Si le passeport canadien, le permis de conduire et le certificat de naissance ne sont plus des documents de voyage ou des pièces d'identité pertinents, il vaudrait mieux les améliorer afin de remédier à d'éventuels problèmes, au lieu d'envisager de créer d'autres documents non testés et non éprouvés. Si cette nouvelle carte doit servir de façon plus générale à d'autres usages et pour d'autres raisons administratives, on devrait nous le dire tout de suite. Les Canadiens doivent savoir quelles mesures de sécurité seront prises pour protéger les informations de nature délicate qui seront recueillies.

    Il existe une série de cas où il s'est avéré que les données des secteurs tant public que privé n'étaient pas aussi bien protégées qu'elles auraient dû l'être et ont été utilisées à mauvais escient, surtout que la technologie est avancée et de plus en plus complexe. Par exemple, une société de gestion de données, responsable de protéger les informations privées et confidentielles de clients pour le compte d'administrations publiques et d'entreprises, a perdu un disque dur qui se trouvait apparemment en lieu sûr dans ses bureaux à Regina, en Saskatchewan. Le disque dur contenait des renseignements confidentiels sur des millions de particuliers et d'entreprises. Certaines de ces données pouvaient permettre à une personne non autorisée d'avoir accès à des comptes bancaires et de transférer des fonds ou de demander un prêt au nom des clients. Il a été impossible de confirmer, quand le disque dur a été retrouvé quelque temps plus tard, si les données avaient été ou pouvaient être utilisées à mauvais escient. Le nouveau virus informatique qui s'est propagé dans les réseaux du monde entier est un autre exemple. Le virus a tout d'un coup ralenti ou interrompu le fonctionnement des services Internet en Asie, en Europe et aux États-Unis.

    Dans son récent rapport annuel au Parlement pour l'année 2001-2002, le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, George Radwanski, mettait en question le bien-fondé de la politique proposée:

Je ne peux trouver aucune justification pour l'établissement d'une carte d'identité nationale, surtout parce qu'elle est totalement inutile comme mesure de lutte contre le terrorisme. Comme l'ont démontré les auteurs des attentats du 11 septembre, les terroristes ne sont pas nécessairement identifiables avant de tels événements. Chaque citoyen serait en mesure d'obtenir et de montrer une carte d'identité, sans égard à son inclination aux activités terroristes possibles, mais il va de soi que l'occupation «terroriste» n'y serait pas inscrite. Les visiteurs de passage au Canada n'auraient pas droit à cette carte.

    M. Radwanski qui, à titre d'ombudsman, a reçu du Parlement le mandat de surveiller et de défendre les droits à la protection de la vie privée des Canadiens, est appuyé par beaucoup de ses homologues provinciaux et territoriaux, des défenseurs des libertés civiles et de la protection de la vie privée et d'éminents juristes. Ils ont tous exprimé des réserves au sujet de l'adoption d'une carte d'identité nationale, ainsi que des mesures de sécurité actuelles. Parmi celles-ci, citons la base de données détaillée sur les déplacements personnels constituée par l'Agence des douanes et du revenu du Canada que tous les ministères fédéraux peuvent consulter; l'accès général des forces policières aux informations sur les passagers, pas nécessairement pour des raisons de lutte contre le terrorisme; le pouvoir accru de l'État de surveiller le courrier électronique et les données Internet; et le soutien du gouvernement pour la surveillance vidéo des voies publiques par la police.

    Là-dessus, les opinions de nos membres sont partagées, comme c'est le cas dans toute grande coalition organisée. Certains d'entre eux considèrent que des mesures de sécurité renforcées, dont l'établissement d'une carte d'identité nationale, sont nécessaires pour lutter contre le terrorisme. Cependant, depuis le 11 septembre, des membres de certains groupes, particulièrement ceux originaires du Moyen-Orient, ont signalé avoir eu des difficultés lors de visites aux États-Unis et avoir été victimes de harcèlement aux postes frontaliers et ailleurs. Les leaders des communautés arabe et musulmane ont récemment fait valoir leurs préoccupations au solliciteur général Wayne Easter concernant les abus des lois antiterroristes canadiennes et des actes de harcèlement commis à l'endroit de leurs membres par les forces de l'ordre, le personnel du service de renseignement pour la sécurité nationale et les agents chargés de la sécurité dans les aéroports et aux postes frontaliers au Canada.

    Dans un communiqué de presse daté du 31 janvier 2003, la Fédération canado-arabe, qui fait partie de notre coalition, a exprimé ses préoccupations au sujet du projet de loi C-17 sur la sécurité publique et a appuyé les opinions exprimées par les groupes de défense des libertés civiles et le commissaire à la protection de la vie privée. La Fédération a indiqué craindre que les mesures de sécurité proposées ciblent injustement les communautés arabe et musulmane du Canada, et compromettent les libertés civiles de tous les Canadiens par le recours à des politiques inhabituelles comme l'établissement d'une carte d'identité nationale.

    Le chroniqueur Andrew Coyne indiquait, dans l'édition du 15 novembre 2002 du National Post, que la carte proposée était la dernière d'une série de mesures gouvernementales dérangeantes et inutiles qui portent atteinte aux droits à la protection de la vie privée; il ajoutait que les cartes porteraient une photo et probablement des éléments biométriques d'identification, comme nos empreintes digitales. M. Coyne se demande si elle ne contiendra pas autre chose, comme une puce informatique renfermant des informations sur notre santé, nos données fiscales, notre permis de conduire et nos condamnations devant un tribunal, ce qui est le rêve des administrateurs partout dans le monde.

    Le commissaire à la protection de la vie privée fait la mise en garde suivante dans son rapport:

Nous devons reconnaître par conséquent que toute ingérence ou toutes les limites sur les droits fondamentaux de la personne en matière de protection de la vie privée imposées comme des soi-disant mesures en temps de guerre pour la lutte contre le terrorisme ne seront probablement jamais annulées. Nous faisons actuellement face à la perspective d'une redéfinition complète de notre société.

    Dans son éditorial du 3 février 2003, le Ottawa Citizen indique que le gouvernement fédéral a le devoir de prendre au sérieux les préoccupations du commissaire à la protection de la vie privée, même s'il n'est pas entièrement d'accord avec son rapport. Il laisse aussi entendre que le commissaire rend service aux Canadiens en faisant preuve de vigilance, et que son rapport dénonce avec courage la présomption du gouvernement qui prétend pouvoir s'immiscer dans notre vie privée quand bon lui semble.

    Le ministre Coderre et le gouvernement doivent offrir aux Canadiens la possibilité de vraiment débattre de la question avant d'établir une carte d'identité nationale obligatoire. Il faut bien expliquer l'objectif de la carte, pour bien renseigner la population et prendre un engagement envers elle. A-t-on envisagé le coût potentiel, sur le plan économique et pour la dignité humaine, d'une mesure qui supposerait la prise d'empreintes digitales et la lecture des iris de tous les Canadiens? Quelles autres informations seront recueillies? Comment seront-elles conservées et par qui, et à quelles fins serviront-elles? Si nous faisons des concessions aujourd'hui pour lutter contre le terrorisme, à quoi d'autre devrons-nous renoncer plus tard?

    En conclusion, la question d'une carte d'identité obligatoire pour tous les Canadiens soulève des questions très fondamentales. Sommes-nous prêts à accorder au gouvernement, quel qu'il soit, l'immense pouvoir de centraliser des informations sur chaque personne vivant dans ce pays? Je pense que nous devrions tenir compte des conseils du commissaire à la protection à la vie privée et réfléchir sérieusement à ce qu'il propose.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, Anna.

    C'est maintenant à Ron Poulton.

+-

    M. Ron Poulton (avocat, Centre for Spanish Speaking Peoples, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants): Merci.

    Il est difficile, à ce stade-ci, de se prononcer de façon détaillée sur la carte d'identité nationale, étant donné qu'on n'a pas vraiment précisé, du moins à ce que je sache, son objectif et son usage mais, même si nos informations sont limitées, je vais vous dire ce que j'en pense. Il y a deux aspects qui nous préoccupent: la protection de la vie privée et l'établissement de profils raciaux.

    La collecte et la communication de renseignements privés et personnels par les agences gouvernementales nous inquiètent. Chaque fois qu'on crée un nouveau mécanisme permettant de réunir, de stocker et de communiquer des informations, nous, les citoyens, sacrifions certains éléments de notre vie privée. S'il est facile de glisser sa carte quand on entre au pays ou quand on en sort, il sera aussi facile de noter où son détenteur est allé et pour combien de temps. Il sera aussi facile pour les agences de sécurité de faire des recoupements sur les voyages à l'étranger. Est-ce qu'ils coïncident avec la tenue de manifestations antimondialisation aux États-Unis, par exemple? Ou encore, coïncident-ils avec la tenue de manifestations contre l'offensive américaine en Irak? Au moment où la sécurité et la peur augmentent, est-ce que les informations fournies par ces cartes ne vont pas aider nos agences de sécurité à déterminer qui surveiller, qui est un fauteur de trouble potentiel et qui ne l'est pas? Est-ce que ces informations ne serviront pas à identifier les Canadiens qui se rendent dans des régions du monde qui sont préoccupantes? Il suffira de faire des rapprochements entre les renseignements personnels fournis sur la carte et les réponses aux questions posées par les agents d'immigration, comme: «Où êtes-vous allé et pour combien de temps?» Si vous vous êtes rendu plusieurs fois en Asie centrale ou au Moyen-Orient, ces informations seront stockées. Il est probable qu'elles seront transmises au SCRS. Elles pourraient amener les autorités à demander aux juges de faire de l'écoute électronique en situation de crise.

    De 1989 à 1994, j'ai travaillé comme agent des droits de la personne pour les Nations Unies dans diverses régions du monde déchirées par la guerre, dans le cadre d'opérations de maintien de la paix. Chaque fois que je revenais à la maison et qu'on me demandait d'où je venais et ce que j'y faisais, mes réponses faisaient sourciller les agents d'immigration, sans plus. Si cette information sur toutes les zones de guerre où j'ai séjourné avait été consignée, archivée et partagée, elle aurait très bien pu inquiéter quelqu'un dans un contexte de crise touchant la sécurité. La possibilité d'utilisation abusive de cette information existe. Pour nous, l'information cumulée sur les voyages est une source de préoccupation.

    Pour ce qui est de la question du profilage racial, nous sommes d'avis qu'il est possible que la carte soit utilisée à mauvais escient. Que la carte contienne directement l'information sur le pays d'origine ou indirectement, d'une manière qui permette de retracer cette information, la possibilité d'abus est très élevée. Si la carte d'identité nationale ne fait pas spécifiquement mention du pays d'origine, elle peut facilement conduire à des sources d'information qui, elles, donnent cette information. Par exemple, tous les résidents permanents au Canada doivent faire prendre leurs empreintes digitales avant qu'on leur accorde le statut de résident permanent, afin que l'on puisse procéder au contrôle de sécurité avant qu'ils ne soient reçus. Si la carte d'identité nationale porte les empreintes digitales, on peut aisément recouper ces empreintes avec les dossiers de Citoyenneté et Immigration Canada permettant d'établir le pays d'origine de cette personne. Si cette information est partagée avec d'autres sources ou organismes de sécurité, nous sommes en présence d'un ensemble de bases de données partagées par tous les organismes de sécurité et ces gens peuvent, à partir de l'information provenant de cette carte, déterminer d'où vient une personne.

    De plus, bon nombre de résidents permanents au Canada ont séjourné aux États-Unis. Dans ce cas, les autorités américaines ont procédé à la prise de leurs empreintes digitales avant d'accorder une autorisation et avant que ces personnes ne soient reçues au Canada. Encore une fois, ces empreintes digitales peuvent conduire à d'autres renseignements, dont le pays d'origine.

    Le danger, c'est qu'ultimement, des pays comme les États-Unis pourraient interdire l'entrée sur leur territoire à certaines personnes qui sont nées dans des endroits qui suscitent leur inquiétude, ce qui crée des citoyens canadiens de second rang: un Canadien peut voyager aux États-Unis sans visa, alors qu'un autre doit en obtenir un, comme c'est le cas des résidents permanents. La raison pour laquelle les États-Unis imposent depuis peu un visa aux résidents permanents découle probablement du fait que ce pays n'a pas confiance dans les processus de contrôle sécuritaire du Canada, qui sont appliqués à tous les résidents permanents. Or, le Canada applique des règles très rigoureuses et, à mon avis, parfois très dures pour le contrôle des immigrants éventuels et pour retirer le statut à ceux qu'il considère comme une menace du point de vue de la sécurité. Il existe un certain nombre de dispositions à cet effet dans la Loi sur l'immigration. Elles s'appliquent au plus bas niveau juridique possible, elles permettent la détention et des audiences sans que la personne, ni son avocat, ne connaissent complètement l'étendue de la preuve contre elle. Pourtant, les États-Unis préfèrent faire confiance à un de leurs fonctionnaires qui délivre des visas de visiteur dans le cadre d'un processus beaucoup moins rigoureux et envahissant que ne l'est le processus de contrôle des résidents permanents. Et pourquoi cela? Fondamentalement, parce qu'ils n'ont pas confiance dans notre système d'ordre public et, deuxièmement, parce qu'ils veulent exercer un effet dissuasif. Lorsqu'un résident permanent du Canada en provenance d'un pays désigné veut magasiner aux États-Unis ou se rendre à un match de hockey, il sait qu'il devra d'abord se mettre en ligne pour obtenir un visa. La perspective des longues files d'attente fait que plusieurs ne songent même plus à y aller.

    Les États-Unis préfèrent pécher par excès de prudence et ne pas accepter sur leur territoire de gens provenant de pays à risque. À mon sens, ce n'est qu'une question de temps avant que cette mesure ne soit étendue aux citoyens canadiens provenant des soi-disant pays à risque. La carte d'identité nationale pourrait aider à déterminer qui sont ces personnes et ainsi, créer des citoyens canadiens de second rang.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Ce sont de très bonnes questions. Et nous sommes ici pour y répondre.

    Je peux vous dire que, contrairement à ce qui se passe habituellement avec des questions liées à un projet de loi renvoyé au présent comité par le gouvernement, le ministre a indiqué qu'il voulait un débat exhaustif sur cette question, tant au pays et qu'au sein du présent comité, pour qu'on puisse lui donner, à lui et au gouvernement, une recommandation claire sur la nécessité ou non d'avoir une carte d'identité nationale. Alors, que je sache, il n'y a pas de projet préconçu visant la distribution de cartes d'identité nationale obligatoires. Nous allons écouter les Canadiens et lui faire nos recommandations.

    Morris, avez-vous l'intention de nous communiquer le contenu de votre livre page par page?

+-

    M. Morris Manning (À titre individuel): Absolument, et nous serons encore ici demain.

    Non, je ne veux pas faire cela. Ce que j'ai tenté de faire, c'est vous donner une idée du débat qui a eu lieu ailleurs. Il ne s'agit pas d'un nouveau débat, mais c'est un nouveau débat pour le Canada et je trouve réconfortantes les assurances que vient de donner M. Fontana, à savoir qu'il n'y a pas d'idée préconçue, pas de plans préconçus, que vous êtes ouverts à la discussion et prêts à entreprendre un débat sur cette question. J'ai, comme mon expérience d'avocat m'oblige parfois à le faire, élaboré ce qui, je l'espère, est un plaidoyer convaincant contre l'adoption d'une carte d'identité nationale. Les idées exprimées ne sont pas nouvelles et elles ne sont pas les miennes. J'ai tout simplement essayé de les adapter à la situation canadienne.

    Au Canada, contrairement à d'autres pays, probablement à cause du caractère relativement nouveau de la Charte des droits et libertés, nous avons non seulement affirmé, comme le fait la Convention européenne, le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne et le droit correspondant qu'il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale, mais nous nous attendons également du gouvernement qu'il justifie toute atteinte à ces droits. Une carte d'identité nationale soulève automatiquement la question de l'atteinte à notre liberté, à notre capacité de circuler d'un endroit à l'autre au pays, sans obstruction pendant que nous vaquons à nos activités quotidiennes et légitimes. La Charte protège également la sécurité de la personne, qui comprend aussi bien la sécurité physique que la sécurité psychologique comme l'a confirmé la Cour suprême du Canada, mais, plus important encore, l'article 1 de la Charte des droits et libertés oblige le gouvernement à justifier toute atteinte à la liberté ou à la sécurité de la personne et impose comme critère non seulement celui d'une société démocratique, mais également, comme je l'ai souligné au tout début de mon mémoire, celui d'une société libre.

    Je crois fermement, à partir de ce que j'ai vu et lu jusqu'ici, qu'on ne peut justifier l'adoption d'une carte d'identité nationale, qu'il s'agisse d'une carte qui contient des données biométriques, qui contient une base de données centralisée ou en ligne ou hors ligne. On ne trouve aucune preuve convaincante dans ce sens. Toutefois, on a élaboré une position contre la carte d'identité nationale dans d'autres sociétés libres et démocratiques. Je ne vais pas vous faire une présentation détaillée de mon mémoire. Ce que j'ai essayé de faire dans les 11 premières pages du mémoire, c'est d'exposer ma position, mes vues, tirées de l'étude de la situation dans d'autres pays et j'ai tenté d'adapter cela au contexte canadien.

    Laissez-moi juste vous faire une sorte de résumé de la situation. Sous l'onglet 2, j'ai placé un extrait du dernier rapport, 2002, sur la vie privée et les droits de la personne publié par Electronic Privacy Information Centre et par Privacy International, deux groupes qui exercent une surveillance du respect de la vie privée dans le monde. Et si vous regardez à la page 28, vous trouverez deux éléments qui, je crois, sont très révélateurs et susceptibles d'éclairer votre débat. Le premier se trouve dans le deuxième paragraphe de la page 28, et porte sur les systèmes de carte d'identité nationale.

On peut y lire que dans un certain nombre de pays, ces systèmes ont été contestés avec succès sur la base du droit à la vie privée garanti par la Constitution. En 1998, la Cour suprême des Philippines a jugé qu'un système de carte d'identité nationale violait le droit constitutionnel à la vie privée.

    Pour votre information, cette décision se trouve sous l'onglet 15. C'est important parce que la Constitution des Philippines est une copie presque conforme de la Constitution américaine. Les juges, réunis en séance plénière dans leur Cour suprême, ont jugé, à la majorité—il y a eu quelques juges dissidents—que cette mesure était inconstitutionnelle parce qu'elle portait atteinte à la sécurité et à la liberté des personnes.

    De même, en 1991, la Cour constitutionnelle de Hongrie a jugé qu'une loi créant un numéro d'identification personnelle multi-usages violait le droit à la vie privée garanti par la Constitution. Encore une fois, j'ai joint le jugement pour que vous puissiez en prendre connaissance. Et en 1997, fait assez intéressant, la Constitution portugaise affirme qu'on ne doit pas attribuer aux citoyens un numéro d'identité national pouvant servir à toutes les fins. C'est un élément très important. Encore une fois, une société démocratique désireuse de demeurer libre a enchâssé dans sa Constitution une disposition spécifique interdisant l'utilisation d'une telle carte. En 1997, il y a six ans, des protestations contre cette carte ont presque entraîné la chute du gouvernement australien, comme en témoigne le présent rapport. Et des manifestations généralisées ont mis fin à des projets visant l'adoption d'une telle carte en Corée du Sud et à Taïwan.

    Fait intéressant, un débat fait maintenant rage aux États-Unis au sujet de la loi PATRIOT  II, comme on l'appelle parfois, où il est question d'un système de carte d'identité nationale. Toutefois, un projet visant à instaurer un système d'identification fondé sur le permis de conduire à l'échelle nationale a été abandonné devant l'opposition d'un très grand nombre de groupes et de citoyens qui jugeaient que cette mesure constituait une atteinte à la vie privée. Et cela ne touchait que l'identification limitée que peut permettre le permis de conduire. Sous l'onglet 4, vous trouverez un document dans lequel l'American Civil Liberties Union présente cinq raisons pour lesquelles il faut rejeter la carte d'identité nationale, et chacune de ces raisons s'applique ici.

    Je trouve très rassurante la position récemment adoptée, si elle est exacte, par la ministre responsable de l'Agence des douanes et du revenu du Canada sur ce que je considère comme une loi et un règlement pernicieux concernant l'information touchant les compagnies aériennes; elle a pris une position très forte contre les cartes d'identité nationales. Elle a dit que cela la rendait nerveuse et qu'elle ne pensait pas que nous en ayons besoin. C'est pourquoi je m'inquiéterais que quelqu'un vous interpelle sur la rue pour vous demander votre carte d'identité alors que vous ne faites rien pour justifier un tel geste. Personne ne s'attendrait dans une société libre et démocratique de se faire interpeller dans le but de montrer ses papiers d'identité.

    Évidemment, le problème a été traité par les ceux et celles qui ont pris la parole avant moi et j'en parle également dans mon mémoire où je cite, entre autres, le Commissaire à la vie privée du Canada. Une fois commencée, la collecte d'information ne s'arrête jamais. Si l'information contenue sur une carte d'identité nationale est accessible en ligne et qu'elle est partagée par différents organismes gouvernementaux, elle se retrouve ensuite à l'extérieur, dans d'autres organismes. Si l'information se rend à la GRC, il est certain qu'elle se rendra au FBI. Si elle se rend au FBI, il est certain qu'elle se rendra chez Interpol. Et si elle se rend jusqu'à Interpol, elle sera disséminée partout dans le monde. Et si cela survient, nous serons alors dans un fichu pétrin.

    La carte n'est pas utile dans le cadre de la lutte au terrorisme, parce que, comme l'a souligné Mme Chiappa, et j'en parle dans mon mémoire, les terroristes ne se sont pas identifiés, comme l'a dit M. Radwanski: «Me voici, je suis un terroriste». Ils avaient des permis de conduire. Le nom de l'un d'entre eux figurait dans le bottin téléphonique de San Diego. L'information qui les concernait était publique, mais ils appartenaient à une cellule dormante.

    Il y a un autre point que j'aimerais aborder très brièvement et je vous remercie de votre indulgence pour ce qui est du temps. Si vous adoptez une carte d'identité nationale, qu'arrive-t-il au citoyen ordinaire respectueux de la loi lorsqu'il la perd? Qu'arrive-t-il au citoyen ordinaire respectueux de la loi lorsque l'information contenu sur cette carte est erronée? Comment peut-on corriger les erreurs? À qui doit-on s'adresser? Où est située la base de données? Qui a accès à cette base? L'identité nationale d'une personne particulière, qui, comme le président l'a souligné, est un aspect très important de la citoyenneté canadienne ne peut pas et ne doit pas être rattachée à une carte, parce que si vous la perdez, vous perdez votre identité, vous perdez votre légitimité, vous perdez votre place dans la société canadienne. Tout cela peut arriver. Nous savons tous que les bases de données ne sont pas infaillibles, même si on peut les regarder, les raffiner, les corriger. Rien n'est infaillible lorsqu'il s'agit de la collecte de données sur des personnes, surtout lorsque vous ne savez pas quelles sont les données. Si vous devez présenter une carte pour acheter une voiture, pour monter à bord d'un avion, pour voyager au pays ou même pour circuler sur les rues au Canada, je pense que nous avons remplacé la société libre par la société non libre.

    Merci.

+-

    Le président: Merci. Je pourrais même m'opposer sérieusement à ce que quelqu'un sache ma taille, qui figure sur mon permis de conduire. Nous avons de la difficulté à compter les armes à feu. Peut-on compter les personnes dans le registre?

+-

    M. Morris Manning: Sans compter les coûts.

+-

    Le président: Eh bien, nous n'allons pas traiter de cette question maintenant.

+-

    M. Morris Manning: Nous n'allons pas parler des coûts d'enregistrement.

+-

    Le président: Très bien.

    Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich: Je pense vraiment que vos exposés ont été excellents. Vous nous avez donné plus de raisons en 20 minutes que le ministre depuis qu'il a soulevé cette idée.

    Je pense que ce qui m'inquiète le plus, c'est la question soulevée par Anna, à savoir qu'un disque dur a été volé à Regina. Pour me rassurer, on a dit que l'information n'avait pas été utilisée. Est-il vraiment important que l'information n'ait pas été utilisée si c'est là toute la sécurité qui entoure cette information?

    Lorsqu'on a commencé à parler de l'enregistrement des armes à feu, on nous a dit que cela allait coûter entre 100 et 200 millions de dollars et ces gens pensaient savoir ce qu'ils faisaient. Ils n'ont encore aucune idée de ce qu'ils vont faire avec ces cartes d'identité. Alors, je vais prétendre que je ne fais pas confiance au gouvernement et que Denis ne va pas mettre cette carte en application. Il dit que, peut-être, elle pourrait être volontaire ou obligatoire. J'aimerais savoir ce que vous en pensez si la carte était volontaire.

    Je veux également parler un peu du profilage racial. Je veux savoir ce que vous en pensez. Si on recherche une personne de race blanche aux cheveux noirs, je n'ai pas de problème avec le profilage racial. Toutefois, je suis une Canadienne, et je ne peux pas me mettre à la place des personnes qui sont visées par cette mesure, mais si on recherchait quelqu'un qui est la même taille et la même couleur que moi, je ne sentirais pas insultée.

    Denis a dit que cela ne fait que prouver qui vous êtes. C'est très convaincant si tout ce que cette carte fait, c'est dire que vous êtes Lynne Yelich, vos empreintes digitales le démontrent. Mais vous avez apporté aujourd'hui certains arguments qui démontrent que c'est plus que cela, parce que ces empreintes digitales peuvent permettre de connaître votre pays d'origine, chose à laquelle je n'avais pas pensé. Alors, que voudriez-vous que l'on mette sur une carte d'identité? S'il décide d'instaurer une carte d'identité, quelle information accepteriez-vous qu'elle contienne? Juste votre nom, et pour prouver que c'est vous, une photo? Est-ce que l'empreinte rétinienne est différente de l'empreinte digitale, c'est-à-dire permet-elle de retracer votre pays d'origine? Je ne sais pas.

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    M. Ron Poulton: Vraiment, tout dépend du but de cette carte. Encore une fois, nous n'en sommes pas encore vraiment certains. Si le but est simplement de faciliter les déplacements entre les pays, pourquoi auriez-vous besoin de plus de renseignements qu'une photographie et votre nom sur la carte? Vous devez uniquement vous identifier, démontrer que vous êtes citoyen canadien et, à mon avis, tout le reste est superflu. Le reste de l'information qui pourrait être contenue sur cette carte, les données biométriques, est potentiellement trop dangereuse. Nous avons maintenant des bases de données qui contiennent des empreintes digitales. Peut-être n'en n'avons-nous pas encore sur les empreintes rétiniennes, mais cela viendra. Peut-être n'en n'avons-nous pas encore pour ce qui est des empreintes palmaires, mais cela viendra aussi. La collecte d'information à notre sujet augmente sans cesse. Par exemple, avec une empreinte digitale, vous pouvez dire que je suis allé à une faculté de droit; parce qu'à l'examen d'admission dans une faculté de droit, on prend maintenant vos empreintes digitales. Et cela ne fera que s'accentuer.

    Vous devez comprendre la question en fonction du problème qui se cache derrière le profilage racial. Le problème, ce n'est pas que votre description corresponde à celle d'un voleur qui court sur la rue, mais qu'on cible une catégorie de personnes, dans un pays ou une région, dont, peut-être, on ne veut pas ou dont on se méfie. À l'heure actuelle, des milliers de résidents permanents au Canada ne peuvent aller magasiner aux États-Unis, ne peuvent aller voir un match de hockey, parce que les États-Unis disent qu'ils ont besoin d'un visa de visiteur et les files d'attente à l'extérieur de l'ambassade américaine seront interminables. Le message transmis à ces personnes, c'est qu'elles ne sont pas tout à fait égales aux autres résidents permanents du Canada. Cela peut être le message que reçoivent les citoyens canadiens qui sont reconnus comme provenant d'une région du monde qui présente un risque pour notre sécurité, comme peut le définir le SCRS ou les services de renseignements américains. C'est là le problème qui se cache derrière le profilage racial.

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    M. Morris Manning: Si vous dites qu'au début c'est volontaire, quels citoyens ne se porteraient pas volontaires? Pourquoi ne pas le faire? Pourquoi ne pas être sur la liste? Si on sait que je me suis inscrit à la liste de mon plein gré et que ma voisine ne l'a pas fait, on pourrait dire qu'il faudrait examiner son cas, parce que je n'ai rien à cacher mais peut-être qu'elle, oui. C'est la difficulté que je vois entre l'inscription volontaire ou obligatoire et c'est pourquoi je n'en veux absolument pas.

    Est-ce cela facilite le profilage racial? Bien entendu que oui, parce qu'il se trouve là des informations qui ne sont pas forcément apparentes. Pensez à quelqu'un d'origine mixte, dont les traits ne correspondent pas au profil: vous n'avez pas l'air juif, chinois ou noir, mais vous l'êtes, parce que votre carte l'indique. Maintenant, j'ai une carte qui m'en dit plus sur vous que votre seule apparence, et à mon avis, cela permet le profilage racial. Si vous y voyez un problème de ville, vous pouvez voir le débat qui fait rage aujourd'hui à Toronto. Il suffit d'extrapoler à l'échelle du pays. Je ne crois pas que cela fasse autre chose que de permettre le profilage racial, et selon moi, c'est dangereux.

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    Le président: Anna.

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    Mme Anna Chiappa: Je ne crois pas pouvoir en dire beaucoup plus. Cela revient à la question de l'utilisation. Si c'est pour un usage interne, à quelles fins? Il y a, je crois, un risque à devoir l'avoir sur soi tout le temps. Vous êtes dans la rue et la police peut demander à certaines personnes ou à des groupes de présenter leur carte.

    Si c'est seulement sur une base volontaire, on crée deux catégories de personnes, les volontaires et ceux qui ne le sont pas, et cela cause des problèmes. Alors, très franchement, la meilleure solution est de ne pas avoir de carte du tout, que ce soit à titre volontaire ou obligatoire.

    L'autre chose dont je voudrais parler, c'est la question de l'empreinte rétinienne. Je ne sais pas si certains d'entre vous avez vu un film que nous avons beaucoup utilisé dans la formation contre le racisme, appelé Blue Eyes, Brown Eyes? Est-ce que vous vous en souvenez? C'est la première chose qui m'a frappé. Je ne sais pas quel genre d'information serait utilisée avec la numérisation de votre empreinte rétinienne, mais il y a là un potentiel, même si ce n'est que la couleur de vos yeux. Où cela va-t-il? À qui va cette information?

    Je crains d'avoir plus soulevé de questions que donné de réponses.

+-

    M. Morris Manning: Vous devriez aussi être conscients du fait que la science n'a pas encore atteint ce niveau d'assurance. Lorsque des tests ont été faits sur la prise d'empreintes rétiniennes, ils n'ont pas été tout à fait concluants. Cela ne fonctionne pas tout le temps. Qu'arrive-t-il si votre empreinte rétinienne est intégrée à votre carte, mais que sa numérisation est incorrecte? Cela crée une autre catégorie de problèmes. Alors, tant qu'on ne sera pas sûrs que la technologie existe et est infaillible, tant que les données obtenues avec cette technologie ne seront pas tout à fait sûres, on ne peut envisager de carte d'identité nationale, parce que le support des données ne peut être protégé pour l'instant.

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    Le président: Joe Volpe.

+-

    M. Joseph Volpe: Je me demande si je peux m'étendre un peu sur cette question, et vous m'excuserez si je vous semble obtus.

    M. Manning, plaisantiez-vous, dans votre présentation, lorsque vous avez exprimé de la satisfaction de constater que personne, autour de la table, qui soit associé au ministre, n'a d'idée toute faite sur la carte d'identité nationale?

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    M. Morris Manning: Non, pas du tout. J'ai reçu l'assurance de M. Fontana que c'était le cas. Il l'a dit à deux reprises aujourd'hui, et j'ai été heureux de l'entendre.

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    M. Joseph Volpe: D'accord. D'après votre expérience, c'est pourquoi le sujet fait l'objet d'une discussion, parce que personne n'a d'idée toute faite sur l'orientation de la discussion?

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    M. Morris Manning: Je ne suis pas naïf, ni irréaliste. Je pratique la loi depuis près de 36 ans, dans le domaine de la défense. Je ne suis pas cynique, je vis encore d'espoir, et c'est pourquoi j'ai encore plaisir à faire ce que je fais.

+-

    M. Joseph Volpe: D'accord. Si vous avez lu l'Enfer de Dante, peut-être vous rappelez-vous le passage particulier qui dit quelque chose comme «Abandonnez tout espoir, vous qui pénétrez ici».

    Monsieur Manning, je sais que vous êtes intervenu dans certains dossiers, sans en désigner spécifiquement, où l'identification des participants revêtait une importance extrême dans les arguments que vous présentiez pour ceux que vous défendiez. Est-il injuste de demander à des gens des éléments d'identification qui disent précisément ce que vous êtes et ce que vous n'êtes pas?

+-

    M. Morris Manning: Ce n'est pas injuste dans la mesure où c'est fait à des fins spécifiques et nécessaires. Le problème, avec la carte d'identité, c'est qu'elle n'a pas de but spécifique. On marche dans la rue et un agent de police nous aborde et dit donnez-moi votre nom, et vous dites pourquoi voulez-vous le savoir? Ne posez pas de questions, donnez-moi simplement votre nom. Jusqu'ici, au Canada, par bonheur, rien ne nous oblige à donner notre nom à cet agent. Si on a une carte d'identité nationale et qu'il demande la carte, parce que, disons, on cherche des terroristes et il n'aime pas la manière dont vous marchez dans la rue, il faut obliger les gens à porter cette carte sur eux et à la produire sur demande pour s'identifier. Autrement, il n'y a pas de raison.

+-

    M. Joseph Volpe: Est-ce que nous n'avons pas cela déjà?

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    M. Morris Manning: Non, absolument pas.

+-

    M. Joseph Volpe: C'est un peu une question de pure forme. Je voudrais vous donner un exemple. J'aurais bien voulu l'avoir avec moi, mais je ne l'ai pas apporté, alors peut-être que je fais la démonstration de votre argument, mais mon passeport, croyez-le ou non, indique mon nom, mon adresse, ma taille, la couleur de mes cheveux et de mes yeux, et il indique même où je suis né. Peut-être n'avons-nous pas besoin de savoir tout cela, mais tous ces renseignements s'y trouvent. C'est la preuve de ma citoyenneté, bien entendu, parce que c'est un passeport, mais il indique aussi où je suis né, et il se peut que je ne sois pas né au Canada.

+-

    M. Morris Manning: Mais vous n'avez pas besoin de le montrer à un policier dans la rue. Vous n'avez pas à le présenter quand vous faites des achats. Vous n'avez pas à le présenter à quiconque, à part un représentant officiel d'un autre pays si vous sortez du Canada.

+-

    M. Joseph Volpe: Ou ici lorsque vous revenez.

+-

    M. Morris Manning: Ou si vous revenez.

+-

    M. Joseph Volpe: Permettez-moi de me faire l'avocat du diable pendant un petit moment—excuse-moi, c'est un lapsus. Permettez-moi de me faire l'avocat du ministère. Nous avons déjà les moyens. Pourquoi ne pas les utiliser? Par exemple, dans les dossiers auxquels j'ai fait allusion, auxquels vous avez participé, pourquoi ne pourrais-je tout simplement pas montrer ce passeport? Pourquoi quelqu'un qui se trouve dans cette situation ne pourrait-il pas me demander de montrer mon passeport?

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    M. Morris Manning: Parce que quand on regarde le passeport, on n'a pas d'autres renseignements vitaux. On ne sait pas si vous avez été à l'hôpital et pour quelle raison, par exemple. Avec les derniers règlements qui doivent entrer en vigueur, relativement aux voyages à l'étranger, ce n'est pas le passeport qui fournira ce genre d'information. Le passeport, à priori, est la garantie, il porte le timbre d'approbation du gouvernement du Canada disant que vous êtes citoyen du pays et que vous avez droit de porter ce passeport.

+-

    M. Joseph Volpe: Permettez-moi de ne pas être d'accord. Ce n'est pas un avis juridique, mais c'est tiré l'expérience de gens qui sont venus à mon bureau se plaindre. Si je perds mon passeport, je dois fournir tous les documents exigés pour en obtenir un autre et, pour certains d'entre eux, on peut devoir retourner au pays d'origine pour obtenir un certificat de naissance, parce que les certificats de baptême ne suffisent plus pour les personnes identifiées par leur religion. Si je perds mon passeport, qui appartient au gouvernement du Canada et non pas à moi, le processus pour en obtenir un autre est même encore plus tortueux, et lorsqu'il vient à échéance, je dois présenter à nouveau les mêmes documents, parce que l'ancien passeport ne prouve absolument rien. Les bureaucrates n'accepteront pas le passeport échu comme pièce d'identité, parce qu'il n'est plus valide.

+-

    M. Morris Manning: Je vois ce que vous voulez dire. Je sais qu'il est vrai que les agents des douanes, pour le renouvellement d'un passeport, n'accepteront pas un certificat de naissance du Québec délivré après 1995, à cause de problèmes qu'ont posé ces documents dans le passé.

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    M. Joseph Volpe: Et si vous venez d'un autre pays, oubliez ça.

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    M. Morris Manning: Exactement. Mais ce n'est pas la même chose que d'avoir une base de données nationale qui renferme tous vos renseignements personnels. Ce n'est pas la même chose que de vous demander de porter sur vous votre passeport lorsque vous marchez dans les rues de n'importe quelle ville ou d'un village du Canada. Cela n'a rien à voir avec la capacité de se d'aller et venir dans le pays en citoyen libre. Si vous créez un système de carte d'identité nationale, vous obligez des gens à porter une carte, et la carte sera intégrée à une base de données beaucoup plus vaste que celle du passeport. Il y a une différence énorme, non pas seulement dans la mesure, mais aussi dans la nature, entre un passeport et une carte d'identité nationale. Une carte d'identité nationale doit faire partie de vous. Elle dit à tout le monde au pays, par l'entremise de la base de données dans laquelle elle est intégrée, non seulement qui vous êtes, où vous êtes né, votre taille, la couleur de vos yeux, etc., mais aussi des renseignements beaucoup plus personnels que ceux dont vous et moi ou, je l'espère, quiconque ici, tient à voir répandus.

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    M. Joseph Volpe: Mais ce n'est que s'ils ont été intégrés. Nous avons déjà une autre carte nationale d'identité. Ceux d'entre nous, ici, qui sont devenus citoyens canadiens avaient le choix entre une formule détaillée ou une carte, et cette carte, si vous l'avez, vaut autant que la formule détaillée. Si vous perdez la carte, vous devez montrer la formule détaillée. Si vous ne l'avez pas, vous devez prouver votre citoyenneté. Je ne sais pas comment vous pouvez le faire à moins de pouvoir accéder à la base de données. Donc, pour les 6 millions de Canadiens inscrits qui ont dû obtenir la citoyenneté, il y a déjà une carte d'identité nationale. Tout ce qui, à mon humble avis, manque, c'est l'imposition d'une exigence de produire cette carte. C'est très semblable, par exemple, à la production d'un numéro d'assurance sociale aux fins d'identification, même si la loi dit que ce n'est pas ce pour quoi il est fait. Si je veux encaisser un chèque, on me demande au moins deux pièces d'identité, dont une carte de crédit.

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    M. Morris Manning: Et ces deux pièces peuvent facilement être fausses. Le problème, avec la carte d'identité nationale, c'est qu'elle peut tout aussi facilement être contrefaite qu'un permis de conduire, par exemple, ou même un passeport, elle n'offre absolument aucune garantie de protection contre le terrorisme, ce qui est le principal motif présenté, ou d'accès plus facile aux États-Unis pour les Canadiens, ce qui est une autre raison qui a été donnée.

+-

    M. Ron Poulton: Au sujet de la mention de votre pays d'origine dans votre passeport, vous avez tout à fait raison, c'est indiqué dans nos passeports actuels, où on est né. Pour nous, c'est un problème. Voilà des années que nous essayons de faire supprimer cette mention. Pourquoi devrait-il y avoir une distinction entre les Canadiens? Pourquoi ce Canadien devrait être Canadien d'un tel pays et cet autre un Canadien né ici? Il n'y a pas de distinction entre ces deux groupes de personnes, et le passeport, pour l'instant, ne sert qu'à aliéner un groupe, à notre avis, en indiquant clairement le lieu de naissance.

    Au sujet de la carte ou du passeport, il y a beaucoup de moyens pour corriger cela, en fait. Tout d'abord, il faut passer par le ministère de l'Immigration et prouver qu'on est un résident permanent, donc obtenir notre dossier d'immigration. On montre la fiche d'établissement. On passe par le SSOBL, le système de saisie informatique. Il décrit notre cheminement ici, il prouve notre résidence permanente. Avec ceci, on va au ministère de la Citoyenneté et on fait rétablir notre citoyenneté. Ce n'est pas vraiment un très gros problème. Le problème, c'est la mention sur ce passeport. Vous avez cerné ce problème, et c'est encore un problème pour nous. Pourquoi existe-t-il?

    Au sujet de la carte d'identité, je présume que sa seule utilité c'est pour entrer et sortir du pays, pour intégrer immédiatement de l'information dans la base de données. Tandis que l'agent d'immigration à un port d'entrée regarde le passeport, l'examine et dit merci, allez-y, ce qui est proposé, à ce que je comprends, c'est qu'on prenne l'empreinte de la carte. Tout entre dans une base de données, y compris, entre autres, où vous êtes né et d'où vous venez.

+-

    Le président: Alors, l'une de vos recommandations serait, comme dans le passé, de changer le passeport.

+-

    M. Ron Poulton: Oui, c'est cela. Il n'y a pas de raison que ce soit là.

+-

    Le président: D'accord. Il est bon que ce soit inscrit au compte rendu du débat.

    Joe.

+-

    M. Joe Comartin: Je voudrais commencer par dire à M. Manning que je suis arrivé ici avec mon idée déjà toute faite contre la carte. J'u réfléchis depuis que le ministre a commencé à parler de cette idée ridicule.

    Pourquoi pensez-vous que ce sera très différent si on perd la carte comparativement à lorsqu'on perd notre passeport? Il est très probable qu'on doive passer exactement par le même processus. Pourquoi vouloir créer un système différent? Donc, il n'y aura aucun avantage pour l'individu. Il faudra suivre exactement la même démarche.

    Le profilage racial a toujours été un problème d'importance pour moi, à cause de Windsor et des problèmes que nous avons eus avec les douaniers de la frontière américaine. Une membre de ma circonscription est venue me voir. Elle a la peau très pâle et les cheveux très foncés. Elle n'a pas l'air de venir—et j'utiliserai votre stéréotype—du Moyen-Orient, mais en fait, c'est de là qu'elle vient, du Liban. Elle se faisait constamment arrêter à la frontière, en dépit de ses traits, à cause de son accent. Elle n'a pas perdu son accent du Moyen-Orient. Elle a commencé à porter un crucifix pour montrer qu'elle est chrétienne, parce qu'elle est catholique. C'est la carte d'identité qu'elle portait, et à partir de là, elle n'a plus été arrêtée à la frontière. Alors je voudrais qu'il soit bien clair que cela ne changera rien au profilage racial, à part que ce ne sera plus seulement qu'un élément visuel. Maintenant, ils pourront le faire sur papier et sur ordinateur. Ils pourront répandre le profilage racial dans le pays et transmettre les profils aux États-Unis, comme nous le faisons maintenant de nos documents de voyage.

    Je voudrais donc vous poser la question suivante, à tous. Y a-t-il quoi que ce soit, que ferait une carte d'identité, pour justifier cela? Je ne le vois pas.

+-

    Le président: Je pense avoir entendu un non universel.

    Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup.

    Le ministre parlait d'une carte d'identité intelligente, ce qui est encore plus effrayant, et c'est ce dont je voulais vous entretenir. Ce n'est pas le ministre qui a eu cette idée. Oui, il l'a présentée, mais il y a des gens au ministère qui y ont réfléchi longuement et en profondeur, et les événements du 11 septembre leur ont donné un gros coup de main. Notre réaction aux événements du 11 septembre n'est pas la bonne. Nous avions dit que nous n'allions pas laisser les terroristes l'emporter, nous n'allions pas les laisser nous obliger à changer notre société libre et démocratique. Eh bien, c'est exactement ce que nous avons fait, et nous avons réalisé leurs rêves les plus fous, puisqu'il n'y a plus une seule loi qui ne doive passer par le prisme du 11 septembre.

    J'ai été content que vous parliez de la Hongrie, parce que la Hongrie avait auparavant une carte d'identité nationale qu'il fallait montrer lorsqu'on était arrêté par la police, et si on n'avait pas la carte, on pouvait se faire arrêter. Nous avons tous lu Mille neuf cent quatre-vingt-quatre, et avec toutes les bases de données qui sont en voie d'être créées, nous sommes en train de créer Big Brother. Nous devons vraiment, consciemment, lutter et résister, parce que je pense que cela ne fait que renforcer tout ce qui ne va pas dans une société.

    J'espère que vous continuerez à vous exprimer haut et fort. Je peux vous dire, Joe, que tout cela sera énorme. Je peux imaginer la bureaucratie, à Ottawa. Ceci représente bien plus que ce qu'ils ont dû faire pour amener le ministre à soulever la question, et j'espère que ce sera vite fini.

    Nous avons parlé de la carte d'assurance sociale, et elle n'est pas censée être utilisée. Les banques ne sont pas censées nous la demander, mais elles le font, et il n'y a absolument aucune loi pour les en empêcher. Si quelqu'un pouvait prouver qu'une banque l'a rejeté à cause d'un refus de montrer la carte, elle aurait un problème, mais le fait est que les banques prennent leurs décisions en se fondant sur toutes sortes de raisons, et on ne sait jamais. Ce peut être très risqué.

    Avec le profilage racial, le véritable grand danger, c'est qu'on en vienne à chercher quelqu'un, et une personne qui ne correspond pas au profil s'en sort parce qu'on s'est concentrés là où il ne fallait pas. Il me vient à l'esprit, bien malgré moi, la lecture que j'ai fait de l'autobiographie de Nelson Mandela, où il parle des gens—vous en avez parlé, M. Manning—qui demandent si on est Indien, Oriental ou Noir, et ensuite, le juge prend une décision subjective. Ça m'a vraiment frappé. Il est là, sur sa chaire et dit eh bien, j'ai regardé leur posture, et celle-ci révèle que cette personne est noire, plutôt qu'indienne, ou quoi que ce soit d'autre. Il est tout à fait incroyable que quelqu'un qui occupe ces fonctions porte ce genre de jugement.

    Maintenant, prenons un pays comme le Canada. Nous représentons le monde, ici. Il y aura toujours, à un moment donné, quelqu'un dont le profil sera établi, et ça ne va pas. Tout, dans le profilage racial, a démontré que ça ne marche pas. Tout ce que cela tend à faire, c'est à inciter les gens à regarder ailleurs, à chercher quelque chose qui n'existe pas, et la menace réelle peut leur passer sous le nez.

+-

    M. Morris Manning: Je pense que vous avez mis le doigt sur la différence importante, si je peux l'exprimer de mon point de vue, entre la loi et la culture. Ceux qui étudient la loi constitutionnelle le savent, l'une des meilleures constitutions qui a jamais été rédigée était celle de l'Union soviétique, et pourtant nous le savons d'une perspective culturelle, il n'y avait aucune liberté dans cette société, aucune liberté du genre de celle dont nous avons joui et que nous apprécions. Lorsque les gens empruntent cette voie, il faut qu'ils sachent quelles pourraient en être les conséquences ultimes, le changement de la structure de la société. Il faut déterminer, et particulièrement les parlementaires, non seulement quelles lois devraient être adoptées, mais quelle incidence elles auront sur le genre de société que nous avons et si elles amélioreront la société, si nous voulons restructurer certains aspects de la société canadienne. Je suis parfaitement d'accord avec vous que la réaction du monde libre aux événements du 11 septembre a été très révélatrice du point de vue d'un avocat constitutionnel et d'un avocat de la défense comme moi, parce qu'on observe la réaction des gens.

    J'ai décrit dans ces documents la réaction de quelqu'un que je décris comme « ayant été jusqu'ici l'éminent défenseur des libertés fondamentales, Alan Dershowitz», qui a plaidé, dans le New York Times, en faveur de cartes d'identité nationale. J'ai aussi expliqué les lacunes, selon moi, de son raisonnement. Pour un homme de son pouvoir de persuasion, en tant qu'éminent défenseur des libertés fondamentales, le fait qu'il ait changé d'avis du tout au tout en disant «je ne vois pas comment la carte d'identité nationale peut poser un problème, parce qu'il nous faut lutter contre le terrorisme» a provoqué une grande vague de choc dans le monde de la défense des droits et libertés. Je pense que ce n'était pas bien réfléchi, bien raisonné, mais, fait encore plus important, on doit se demander qui en a été touché. Qui s'appuiera là-dessus pour justifier la carte d'identité nationale? Je suis sûr qu'il y a beaucoup de gens qui sont ultra conservateurs à qui il ne déplairait pas de grimper sur ce cheval de bataille. Alors, j'ai mis là-dedans ces documents, et j'ai essayé de les contredire en démontrant que ce raisonnement est erroné.

    Mais je ne peux qu'être d'accord avec vous. Il y a d'autres pays qui rejettent l'idée, comme l'Australie, les Philippines, la Hongrie. Et j'ai trouvé que la Hongrie était un bon exemple, comme vous, parce que ce n'est pas le genre de société libre comme celle que nous avons ici et que nous voulons préserver.

+-

    M. Andrew Telegdi: Alors qu'est-ce qui pourrait fonctionner? Je suis d'avis que le modèle que nous avons au Canada est un modèle d'inclusivité. On ne s'identifie pas, on ne se sens pas marginalisé. Une collectivité qui se sent marginalisé ne va pas essayer de prévenir le crime. Une collectivité qui se sent ciblée va serrer les rangs. Dans une société inclusive où les lois sont justes et perçues comme telles, il n'y a pas de dissimulation ni de resserrement des rangs, parce que nous avons tous cette impression de valeurs communes quant à ce que c'est que d'être Canadien. Alors, n'allez pas pointer le canon de votre fusil sur les Canado-Arabes parce que si vous le faites, vos chances d'obtenir leur coopération sera grandement réduite, parce qu'il y a tellement d'injustice associée à l'adoption de ce genre de profilage. Je pense que c'est un défi que nous devons relever en tant que pays, et c'est le modèle qu'à mon avis nous devons défendre, plutôt que le modèle paranoïaque que nous envisageons.

+-

    Le président: Monsieur Volpe, un commentaire seulement.

+-

    M. Joseph Volpe: Vous nous avez parlé de la carte nationale d'identité. M. Poulton, je me demande si nous avons pris des mesures pour amener le gouvernement à modifier la mention d'origine, maintenant, sur les passeports. Dans l'affirmative, quelles sont ces mesures?

    Ce peut-être injuste, et si ça l'est, veuillez le dire, mais tous, vous avez parlé de cartes d'identité nationale, mais nous n'avons pas parlé du projet de loi sur la citoyenneté canadienne, des propositions. Est-ce que vous y êtes favorables? Dans l'affirmative, pourquoi? Et croyez-vous que la citoyenneté devrait pouvoir être annulée, révoquée, résiliée une fois acquise?

+-

    Le président: L'OCASI a déjà parlé du projet de loi sur la citoyenneté ce matin, et Ron fait partie de la même organisation—puisqu'il faut être juste.

+-

    Mme Debbie Douglas (directrice générale, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants): Peut-être puis-je répondre à votre première question. Depuis le 11 septembre 2001, avec les plaintes que nous avons reçues de communautés particulières, et surtout des communautés arabes et musulmanes, sur le traitement que leurs membres reçoivent aux frontières, nous avons écrit au premier ministre et au ministre des Affaires étrangères pour leur parler de nos préoccupations et du silence du gouvernement canadien à cet égard.

+-

    Le président: Je ne suis pas sûr que nous ayons été silencieux relativement à ces questions. Pour être juste à l'égard du premier ministre et de Bill Graham, à ces deux propos, où il y a eu profilage de gens qui ont été déportés des États-Unis, le secrétaire parlementaire et moi-même, et plusieurs autres membres du comité, avons exprimé en termes assez sentis ce que nous pensions de ce que faisaient les Américains. C'est une chose que de dire vous pouvez protester, c'en est une autre que d'avoir l'oreille des Américains. Alors, je peux vous dire que nous en avons discuté ad nauseam avec les Américains, et même au sein de notre propre caucus.

+-

    Mme Debbie Douglas: Le ministre Coderre a certainement parlé de la question du profilage racial. Je ne sais pas exactement avec quelle fermeté notre ministre des Affaires étrangères a exprimé aux Américains notre préoccupation constante quant au traitement que subissent les Canadiens issus de communautés de couleur qui se font arrêter à la frontière. Je pense que nous sommes un peu déçus d'avoir l'impression que la souveraineté du Canada n'est pas solidement renforcée.

+-

    M. Joe Comartin: En fait, cela continue.

+-

    Mme Debbie Douglas: C'est vrai. Depuis ce moment-là, nous avons reçu une réponse de M. Graham, qui réitère qu'il s'est entretenu avec l'ambassadeur américain, Paul Cellucci, et ce que les Américains continuent de soutenir, c'est que le lieu d'origine ne déclenche aucune sorte de harcèlement à la frontière. Et pourtant, nous continuons de recevoir ces plaintes. Alors, je continuerai de soulever ces questions. L'élimination de la mention du lieu de naissance sur le passeport canadien, à notre avis, est une solution, et c'est pourquoi nous n'avons pas pensé que la carte d'identité nationale vaille mieux que le passeport canadien.

+-

    Le président: D'accord. Je vous remercie.

    Je constate un paradoxe. Morris, vous avez parlé du revirement total d'Alan Dershowitz. Pourtant, le fait est que, tandis que 63 p. 100 des Canadiens, dans les sondages récents, disent qu'ils sont moins à l'abri de l'ingérence du gouvernement dans leur vie, etc., et qu'ils sont plutôt circonspects et craintifs à l'égard de plusieurs choses, dont le gouvernement, les médias—aussi incroyable que cela puisse paraître, ils sont un peu craintifs à l'égard des médias—la grande majorité des Canadiens disent qu'ils sont en faveur d'une carte personnelle d'identité de haute technologie. C'était dans un sondage de Compas, c'est du domaine public, on peut le vérifier.

    Je pense qu'Anna a entamé ses observations en disant que lorsqu'on parle de législation, quand on parle d'idées, peut-être que ce devrait être situé dans le contexte approprié, alors nous réagissons à tout un tas de situations que le 11 septembre a déclenchées. Depuis un an et demi, nos budgets, les projets de loi que nous présentons, les mesures de sécurité, tout doit passer par le prisme du 11 septembre, et tout le monde dit secouons-nous un peu et commençons à remettre les choses dans le contexte de ce qu'était la vie avant le 11 septembre. Avant cela, est-ce que nous aurions fait ceci, ceci et cela? La réalité, c'est que ces événements, et c'est encore plus le cas des Américains, parce que c'est eux qui ont le plus souffert de la tragédie du 11 septembre, ont créé diverses situations dans le monde, notamment ce qui se passe à nos frontières.

    Là où je veux en venir, c'est que les Canadiens voient dans la carte d'identité nationale de pointe—et l'ennui, c'est toujours les détails—quelque chose qui les protégera. C'est quelque chose qu'ils voient comme un enjeu pour la sécurité. Par conséquent, si on n'a pas de carte, peut-être qu'il y a un problème. Je mets cela dans ce contexte-là, parce que jusqu'ici, ce matin, et depuis que nous avons entamé le débat, je n'ai entendu personne parler en faveur de la carte d'identité nationale. Vous venez ici, représenter un large éventail d'éléments importants de la population, et vous avez soulevé plusieurs enjeux dont le comité entendra parler dans les prochaines semaines, et vous avez aussi examiné en profondeur la situation d'autres pays et ce qu'ils ont vécu, et pourquoi.

    Morris, vous avez dit que vous pouvez difficilement croire qu'un défenseur des libertés fondamentales puisse dire non à ceci et, soudainement, dire oui. Ce que je vois, c'est que le public y est favorable, du moins en apparence, jusqu'à ce qu'il soit renseigné, jusqu'à ce qu'il commence à entendre certaines des questions que vous et d'autres avez posées, et qu'il commence à réfléchir à l'équilibre que nous devons obtenir entre le respect de la vie privée et la sécurité, la liberté et la protection. C'est ce que je veux dire. C'est ceci qui se passe au-delà de ces portes.

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    M. Morris Manning: Vous avez dit là quelque chose de très important: «jusqu'à ce qu'ils soient renseignés». Je ne sais pas comment la question était posée, à part «Êtes-vous en faveur d'une carte d'identité nationale?». Nous savons tous que le libellé de la question en détermine la réponse. «Êtes-vous en faveur d'une carte d'identité nationale qui peut être lue par machine à votre banque locale et qui lui donne accès à votre dossier médical à Victoria ou à Halifax?». Combien de Canadiens diraient «oui»? C'est dans le libellé de la question.

    Deuxièmement, comment leur dites-vous exactement ce que ferait une telle carte et qu'elle peut donner des renseignements personnels? Par exemple, non seulement je voyage à New York, mais je voyage avec quelqu'un, nous allons à tel ou tel hôtel, nous y serons quatre jours, et j'ai payé mon billet avec ma carte Visa qui est à découvert. Si ce genre d'informations accompagne une question qui est posée dans tout le pays, un échantillon réellement représentatif de la population pourrait donner un résultat différent.

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    Le président: Ron.

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    M. Ron Poulton: Ce qui manque à tout ce débat, à mon avis, c'est de savoir quel problème pose le passeport? Je le dis depuis le début, je présume, d'après ce que j'ai lu, que l'objet de la carte est de nous permettre d'entrer au Canada et d'en sortir. S'il y a d'autres objectifs...

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    Le président: Ron, comme je l'ai dit avant, c'est une chose que de vouloir déterminer l'objet d'une carte, que le passeport pose un problème ou non. Nous venons seulement d'apprendre que cela pose un problème. De plus, je ne sais pas combien de Canadiens ont des passeports, mais il y a maintenant deux millions de Canadiens qui n'en ont pas, mais qui ont une carte de résident permanent, ou une grande feuille comme celle-ci, et ils vont bientôt recevoir une carte portant l'unifolié qui confirme leur légitimité au Canada, qu'ils sont résidents permanents, et qu'ils jouissent donc de tous les droits des citoyens, à l'exception du fait qu'ils ne peuvent pas voter ou avoir une charge publique. Mais c'est différent du passeport. C'est pourquoi il y a tout ce débat sur la manière de faire la distinction entre un citoyen qui a vraiment fait certaines choses et un résident permanent qui doit encore devenir citoyen, mais qui le sera bientôt.

    Il y a donc maintenant deux cartes d'identité. La question qui se pose est la suivante: en voulons-nous une, ou en acceptons-nous deux? Changeons-nous les passeports? Est-ce que nous nous débarrassons de la carte avec l'unifolié que nous venons de mettre en circulation? C'est pourquoi nous avons toutes ces discussions sur la nécessité d'une carte d'identité.

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    M. Ron Poulton: C'est ce que nous devons déterminer. Nous devons situer ces résultats de sondage en contexte, avec l'information que nous recevons et celle que reçoit le public. Comment le public peut-il se faire une opinion éclairée lorsque nous ne savons même pas la nature des enjeux? Il n'y a aucun problème, actuellement, quant à la manière de distinguer un résident permanent d'un citoyen canadien. Nous le faisons tous les jours dans la pratique de la loi, ils le font tous les jours à Immigration Canada. C'est très simple—un passeport, un certificat de naissance, une fiche d'établissement ou, maintenant, la carte unifoliée. Il n'y a pas de problème qui soit corrigé avec cette carte d'identité, à ce que je vois. Elle ne fait que créer le potentiel d'abus.

    Est-ce que je peux dire une seule chose à propos des cartes d'assurance sociale?

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    Le président: Bien sûr.

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    M. Ron Poulton: M. Telegdi a fait un commentaire intéressant au sujet des banques, et j'y vois un exemple potentiel d'abus de la carte d'identité nationale. Les cartes d'assurance sociale ont un code différent pour les requérants du statut de réfugié au Canada. C'est pourquoi les banques veulent les voir. Certaines banques n'ouvriront pas de compte pour un requérant du statut de réfugié au Canada, comparativement à un résident permanent ou un citoyen, parce qu'elles craignent la nature temporaire du séjour au Canada, les comptes à découvert, ce genre de choses. Elles veulent voir la carte d'assurance sociale. Si elles voient le code «9» sur la carte, elles n'ouvrent pas de compte. Elles ont une justification, pour agir ainsi, mais lorsque vous créez une carte qui comporte des nombres, il est facile de varier ces nombres de manière à identifier quelqu'un à une certaines fins ou à d'autres, et les institutions les utilisent à cette fin.

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    Le président: Je vais terminer avec Morris. Vous m'avez posé une question. C'est un sondage Compas qui a été fait pour le National Post et d'autres. Je vais vous lire une traduction d'un extrait frappant. «Lorsque les États-Unis ont déclaré qu'ils prendraient les empreintes digitales des voyageurs arrivant aux États-Unis du Canada et d'ailleurs qui sont nés dans des pays que les États-Unis estiment impliqués dans le terrorisme, est-ce ces politiques américaines étaient fondées?» La majorité des Canadiens ont dit que oui, croyez-le ou non, 54 p. cent, et 36 p. cent ont répondu non. «Et que pensez-vous d'une carte d'identité de haute technologie pour tous les résidents du Canada, si vous comparez les avantages potentiels pour la sécurité et le risque potentiel pour la liberté? Est-ce une bonne ou une mauvaise idée?»—bonne idée, 57 p. cent, mauvaise idée, 30 p. cent, bien que cette question venait après celle sur le terrorisme.

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    M. Andrew Telegdi: Le sondage dit aussi que 51 p. 100 des répondants pensent que les gens qui vivent au Canada et qui sont accusés de terrorisme devraient avoir les mêmes droits juridiques que ceux dont ont joui les criminels faisant l'objet d'accusations dans le passé, ce qui ressemble beaucoup à une réponse positive.

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    Le président: Je pense que c'est pourquoi nous avons le meilleur pays au monde, n'est-ce pas? Nous voulons qu'il reste ainsi.

    Merci beaucoup pour votre participation, à tous. Elle est très appréciée.

    La séance est levée.