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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 28 novembre 2002




¿ 0905
V         Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.))
V         Maître Carole Brosseau (avocate, Service de recherche et de législation, Barreau du Québec)

¿ 0910
V         Maître Noël St-Pierre (avocat, Barreau du Québec)

¿ 0915

¿ 0920
V         Le président
V         M. David Matas (conseiller juridique principal, B'nai Brith Canada)

¿ 0925
V         Le président
V         Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien)

¿ 0930
V         M. Gordon H. Maynard (vice-président, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du barreau canadien)

¿ 0935

¿ 0940

¿ 0945
V         Le président
V         Mme Kemi Jacobs (présidente, Conseil canadien pour les réfugiés)

¿ 0950
V         Mme Janet Dench (directrice générale, Conseil canadien pour les réfugiés)

¿ 0955
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)

À 1000
V         Le président
V         M. Gordon Maynard
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         Mme Kemi Jacobs
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         Me Noël St-Pierre
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich

À 1005
V         Me Noël St-Pierre
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Gordon Maynard
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)

À 1010
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi
V         M. David Matas
V         Le président
V         M. David Matas
V         Le président
V         Me Noël St-Pierre

À 1015
V         M. Gordon Maynard
V         Le président
V         M. Gordon Maynard
V         Le président
V         M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC)
V         Mme Janet Dench

À 1020
V         M. Inky Mark
V         Mme Janet Dench
V         Le président
V         Me Noël St-Pierre
V         Le président
V         M. Gordon Maynard
V         Le président
V         M. Gordon Maynard
V         Le président
V         M. Inky Mark
V         M. Gordon Maynard
V         M. Inky Mark
V         Le président
V         M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.)
V         M. David Matas
V         M. Steve Mahoney
V         M. David Matas
V         Le président
V         M. David Matas
V         Le président
V         Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)

À 1025
V         M. David Matas
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich
V         Me Carole Brosseau
V         Mme Lynne Yelich
V         Me Noël St-Pierre
V         M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.)
V         Me Carole Brosseau
V         Me Noël St-Pierre

À 1030
V         Le président
V         Mme Janet Dench
V         Le président
V         M. David Matas
V         M. Gordon Maynard
V         Le président

À 1035
V         M. Gordon Maynard
V         Le président
V         M. Gordon Maynard
V         Le président
V         M. Gordon Maynard
V         Le président
V         M. David Matas
V         Le président
V         Me Noël St-Pierre

À 1040
V         Le président
V         Mme Kemi Jacobs
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi
V         M. David Matas
V         Le président
V         M. Gordon Maynard

À 1045
V         Le président
V         Me Noël St-Pierre
V         Le président
V         M. Inky Mark
V         M. Gordon Maynard
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.)
V         M. Gordon Maynard
V         M. John Bryden
V         Mme Kemi Jacobs
V         M. John Bryden
V         Mme Kemi Jacobs

À 1050
V         M. John Bryden
V         Mme Kemi Jacobs
V         M. John Bryden
V         Mme Kemi Jacobs
V         Le président
V         M. John Bryden
V         M. Gordon Maynard
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 010 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 28 novembre 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour, chers collègues et invités. Nous reprenons notre étude du projet de loi C-18, Loi concernant la citoyenneté canadienne. Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins.

    Nous avons reçu la plupart de vos mémoires. Si nous en avons manqué un ou deux, nous nous en excusons. Je sais que nous avons maintenant le mémoire du Conseil canadien pour les réfugiés, que nous sommes d'ailleurs en train de distribuer.

    Comme les membres du comité ont lu le mémoire ou les lirons, nous aimerions que vous les résumiez. Vous avez sept minutes chacun. Cela nous permettra de poser un grand nombre de questions. Nous espérons donc pouvoir compter sur votre coopération à cet égard.

    Nous allons commencer par le Barreau du Québec. Nous accueillons ce matin Carole Brosseau et Noël St-Pierre. Bienvenue.

[Français]

+-

    Maître Carole Brosseau (avocate, Service de recherche et de législation, Barreau du Québec): Bonjour.

    Merci aux membres du comité de nous recevoir ce matin. Je me nomme Carole Brosseau et suis avocate au Service de recherche et de législation du Barreau du Québec. Je suis accompagnée ce matin de Me Noël St-Pierre, qui est membre d'un de nos comités aviseurs et qui est également spécialiste des questions d'immigration et de citoyenneté. À titre d'information, j'aimerais vous dire que Me St-Pierre a été également représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Il a en outre été le premier vice-président de la Ligue des droits et libertés de la personne.

    Comme vous l'avez dit plus tôt, monsieur Fontana, j'ai remis ce matin une copie de notre mémoire en français uniquement, mais vous pourrez le faire traduire et le remettre aux membres du comité. Il contient l'ensemble des commentaires.

    Compte tenu du temps qui nous est imparti, je vais aller à l'essentiel. Me St-Pierre va vous parler du point qui nous apparaît le plus important du projet, en l'occurrence la perte de citoyenneté, et au fur et à mesure des questions que vous nous formulerez, nous recouperons l'ensemble des commentaires que nous avons émis sur des points du projet de loi qui nous apparaissent importants.

    D'entrée de jeu, j'aimerais insister sur deux points qui nous semblent fondamentaux: le pouvoir réglementaire qui est dévolu au sens de la loi, et la question des enfants adoptés.

    Pour ce qui est du pouvoir réglementaire, il est très large. Essentiellement, ce qu'on réclame ressemble à ce qui avait été demandé dans le cadre du projet de loi sur l'immigration.

    Ainsi, compte tenu du fait que les pouvoirs réglementaires vont légiférer de façon large à l'égard de certaines prescriptions ou modalités, il serait fondamental que ces projets de règlements soient soumis aux deux chambres et qu'ils soient pré-publiés pour permettre aux citoyens et citoyennes qui le désireraient de faire valoir leurs commentaires. Le pouvoir réglementaire est tel qu'à mon avis, pour remplir les objectifs d'une saine démocratie, il serait important que ces règlements soient soumis aux deux chambres.

    Je voudrais maintenant soulever la question des enfants adoptés. Le commentaire que je vais émettre est de nature constitutionnelle. Il ne faut pas oublier que l'adoption est une compétence législative qui relève de la province. Au Québec, le processus d'adoption est très bien élaboré, et le Code civil comporte des dispositions à ce sujet. Quand on parle de l'intérêt supérieur de l'enfant, il faut se rappeler que l'article 33 du Code civil du Québec a établi une jurisprudence à cet égard. Certaines décisions ont été rendues par la Cour suprême, mais elles rejoignent en grande partie l'interprétation qu'on a faite de l'article 33.

    Dans de telles circonstances, il ne faudrait pas que les agents de Citoyenneté et Immigration puissent modifier une décision valablement prise par les organismes gouvernementaux provinciaux, qui sont habilités à rendre des décisions sur les enfants adoptés.

    Je veux aussi parler de l'article 10 du projet de loi, qui donne au gouverneur en conseil le pouvoir exceptionnel d'ordonner l'attribution de la citoyenneté à une personne pour remédier à une situation de détresse particulière et inhabituelle. Nous sommes d'accord sur cette disposition et l'objectif qu'elle poursuit. Toutefois, au moyen du pouvoir général de réglementer qui est conféré par la loi au gouverneur en conseil, on pourrait prévoir des règlements spécifiques sur la procédure à suivre.

    Il s'agit, d'après moi, d'une disposition tout à fait valable. Cependant, pour que les citoyennes et citoyens voulant s'en prévaloir puissent vraiment connaître toute la mécanique leur permettant d'y arriver, il faudrait qu'une procédure soit établie et ce, idéalement, par voie réglementaire.

    J'aimerais vous donner un exemple comparable, sans toutefois que cela porte à confusion. L'article 690 du Code criminel prévoit un pouvoir ministériel particulier dans les cas d'erreurs judiciaires. Or, il y a quelques années déjà, indépendamment des récentes modifications qui ont été apportées à ces dispositions, le ministre de la Justice a établi une procédure qui était très claire et qui faisait preuve d'ouverture à l'égard de ce privilège. On pourrait donc établir un parallèle et élaborer, par voie réglementaire, une procédure qui soit à l'avantage des administrés.

    Comme je l'ai dit déjà, Me St-Pierre va vous entretenir de la perte de citoyenneté.

¿  +-(0910)  

+-

    Maître Noël St-Pierre (avocat, Barreau du Québec): Bonjour. Je vais essayer de faire assez vite. J'aimerais particulièrement saluer Mme Folco, que j'ai connue dans d'autres fonctions il n'y a pas très longtemps.

    Je parlerai maintenant de trois articles du projet de loi, les articles 16, 17 et 18. De façon corollaire, il y a également l'article 21 qui devrait attirer l'attention particulière du comité.

    L'article 16 vise la perte de citoyenneté pour des personnes qui l'auraient obtenue en vertu de fausses informations, de la dissimulation d'informations ou encore d'une fraude, mais cela inclut, bien sûr, la résidence permanente qui a précédé la citoyenneté. Il y a plusieurs remarques à faire, et on pourrait donner énormément d'exemples.

    La première remarque est que les citoyens qui pourraient perdre la citoyenneté en vertu de l'article 16 auraient moins de droits que les résidents permanents aujourd'hui, et ma recommandation à mes clients serait de ne jamais prendre la citoyenneté, si j'avais des cas semblables. Un résident permanent qui, par exemple, aurait obtenu la résidence permanente par fraude, par de mauvaises informations—je reviendrai là-dessus très rapidement tout à l'heure—par des informations qui n'auraient pas été fournies peut aujourd'hui faire valoir des motifs d'ordre humanitaire, c'est-à-dire l'établissement au Canada, le mariage, des enfants, son intégration dans la société canadienne, pour que le tribunal responsable de son dossier décide qu'il y a suffisamment de motifs d'ordre humanitaire pour que la personne doive rester au Canada. Maintenant, en vertu du projet de loi, les citoyens n'ont pas un tel recours, ce qui est assez génial quand on y pense.

    On pourrait donner toutes sortes d'exemples. Je vais vous en donner un seul; il y en a d'autres dans notre mémoire. Il y a plusieurs années, le programme d'employés domestiques excluait les femmes qui avaient des enfants, même si elles étaient chefs d'une famille monoparentale. Bien sûr, il y a eu beaucoup de femmes, en particulier des Jamaïcaines, qui, à l'époque, ont caché l'existence d'enfants nés à l'étranger. Aujourd'hui, on trouverait absolument abominable d'exclure une femme d'un programme semblable parce qu'elle a des enfants. À l'époque, c'était pourtant le cas. Si une femme, il y a 10, 15, 20 ou 30 ans, a oublié ou a caché l'existence d'enfants, est-ce qu'on va aujourd'hui rouvrir un dossier semblable et prononcer sa perte de citoyenneté et son expulsion automatique? C'est ce que l'article 16 prévoit. Donc, il y a un oubli majeur, à tout le moins. Il faudrait au moins pouvoir regarder l'ensemble des facteurs au dossier et les éléments d'ordre humanitaire.

    L'article 17 prévoit la perte de citoyenneté--vous avez sans doute déjà entendu des témoins à ce sujet--pour des raisons qui relèvent de la sécurité: subversion, criminalité organisée ou encore violation des droits de la personne. Il y a une double procédure ici. Il y a beaucoup de choses qui nous posent problème. Nous avons soulevé huit points.

    La première question revient un petit peu à nos remarques sur l'article 16: le texte ne fait pas la différence entre la citoyenneté qui a été obtenue par fraude claire et celle qui a pu être obtenue lorsqu'il y a eu omission de bonne foi d'informations. Je vous donne un petit exemple de ce que je veux dire quand je parle d'omission de bonne foi. Mes parents sont canadiens, et je suis né aux États-Unis de parents canadiens. Je n'étais pas inscrit comme Canadien à ma naissance; mon frère l'a été. Mes parents sont ensuite devenus citoyens américains et leurs enfants, en vertu de la loi d'avant 1977, perdaient leur citoyenneté s'ils avaient été inscrits. Lorsque nous sommes arrivés au Canada, l'immigration a admis tout le monde comme citoyens canadiens: une erreur qui n'était pas la nôtre puisque mes parents ne connaissaient pas la loi. On pourrait donc, plusieurs années plus tard, rouvrir un dossier semblable pour une raison technique qui ne relève absolument pas de la fraude.

    C'est la même chose, par exemple, lorsqu'on parle de dossiers de réfugiés. Il arrive souvent qu'il y ait certains éléments qui soient faux, alors que la plupart sont vrais, et on a un peu tendance à couper les coins rond. Si, pour des raisons de sécurité, et particulièrement pour des questions qui relèvent de l'expression d'opinions politiques ou de liberté d'association, on permet aujourd'hui, plusieurs années après l'obtention de la résidence permanente et, par la suite, de la citoyenneté au Canada, de rouvrir un dossier d'immigration qui est déjà vieux, on ouvre carrément la porte à une possibilité de chasse aux sorcières au Canada pour toute personne qui n'est pas née au Canada. J'aimerais expliquer cela.

    Le projet de loi ne fait pas la différence entre des actes qui auraient été commis avant l'établissement et après l'établissement. Il fait cependant référence à la Loi sur l'immigration en ce qui concerne les différentes catégories de personnes. Un citoyen né à l'extérieur du Canada qui appuierait un mouvement visant à renverser un gouvernement par la force, même si c'est celui de Saddam Hussein, serait inadmissible en vertu de la Loi sur l'immigration et devrait être expulsé du Canada. Si un citoyen exprimait de telles opinions, quelqu'un pourrait, même après qu'il ait obtenu la citoyenneté canadienne, regarder dans son dossier d'immigration et dire, par exemple, qu'il disait à l'époque, dans sa demande de statut de réfugié, qu'il était un citoyen de la Russie et non pas de l'Ukraine, et on pourrait lui dire que, d'après la loi sur la citoyenneté de l'Ukraine—et vous savez comme moi que les lois sur la citoyenneté dans les pays de l'Est était extrêmement compliquée à l'époque—il aurait pu réclamer cette citoyenneté. C'est un fait matériel essentiel qui aurait pu changer la décision, et on pourrait l'expulser aujourd'hui, tout cela sans aucune protection constitutionnelle.

    Le tribunal qui est prévu—nous citons une jurisprudence—est tellement limité dans son pouvoir que les juges ne se donnent même pas le pouvoir d'entendre les arguments relatifs à la Charte canadienne.

    Il y a un autre problème à l'article 17 dû au fait que les sources de renseignements sont tellement cachées et protégées--il y a un jugement très récent de la Cour suprême dans le cas de Clayton Ruby que nous citons dans notre mémoire--qu'on ne pourrait absolument pas en identifier la source, ce qui pourrait inviter certains pouvoirs étrangers à vouloir, finalement, frapper d'anciens dissidents de leur pays qui se trouvent au Canada et qui expriment des opinions contre l'ancien régime.

    L'article 18 propose la perte de citoyenneté par décret. Nous sommes d'avis que la perte de citoyenneté doit intervenir par un jugement judiciaire. La procédure que le Parlement devrait adopter suivant, bien sûr, une recommandation sur l'article 16, pourrait tout aussi bien s'appliquer à l'article 18, c'est-à-dire pour les cas où la personne l'aurait obtenue en donnant une fausse identité ou par une autre omission factuelle d'information qui l'aurait rendue inadmissible.

    Merci.

¿  +-(0915)  

¿  +-(0920)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup, Carole et Noël. Je suis sûr que nous aurons des questions à vous poser. C'était une très bonne présentation.

    Nous allons maintenant céder la parole à David Matas, de B'nai Brith Canada. Bienvenue, David.

+-

    M. David Matas (conseiller juridique principal, B'nai Brith Canada): Merci beaucoup.

    Le mémoire présenté par B'nai Brith met uniquement l'accent sur les dispositions du projet de loi sur la citoyenneté qui traitent de la révocation, et seulement dans le contexte des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Notre organisation suit cette question depuis un certain temps et nous sommes préoccupés par l'extrême lenteur du processus actuel.

    Six personnes sont mortes au cours des procédures, certaines après que les procédures aient été intentées et d'autres avant qu'elles soient terminées. Dans les poursuites au criminel antérieures, il y a deux personnes dont les cas ont été touchés par la mortalité. En ce qui concerne les personnes toujours vivantes, il y a aussi des retards inexplicables. La révocation de la citoyenneté de trois personnes est en instance devant le cabinet. Elles ont été déboutées par la Cour fédérale, mais le révocation en instance devant le cabinet a pris énormément de temps. Une affaire, une expulsion en instance, dure depuis huit ans. Trois causes se trouvent aussi maintenant devant la Cour fédérale, dont deux depuis très longtemps.

    À cet égard, nous affichons depuis toujours une piètre performance, attribuable en partie simplement à la fragmentation des procédures et aussi attribuable aux retards résultant du fait que tout le monde participe à l'élaboration des procédures—le gouvernement, les tribunaux, et la poursuite. Nous devons modifier les procédures pour les rendre plus efficaces, surtout lorsqu'on a affaire à des personnes âgées qui essayent d'étirer les procédures aussi longtemps que possible. Nous avons besoin d'un système qui ne leur permet pas d'étirer les procédures pour le reste de leur vie, comme cela se produit à l'heure actuelle.

    Nous avions proposé un certain nombre de changements aux versions précédentes du projet de loi, et nous sommes heureux de constater que deux d'entre eux ont été au moins partiellement acceptés. L'un d'entre eux portait sur la nécessité d'un mécanisme d'appel, qui est désormais prévu par le projet de loi. Le deuxième est la nécessité d'une forme quelconque de codification, qui est prévue également dans le projet de loi actuel. Nous considérons que le présent projet de loi constitue une amélioration par rapport aux versions précédentes, mais nous avons néanmoins un certain nombre d'amendements à proposer. En fait, nous en avons huit.

    Le premier amendement propose que l'appel interjeté auprès de la Cour fédérale soit un appel sur autorisation plutôt qu'un appel de plein droit. Cela signifie qu'il faudrait obtenir la permission par écrit du tribunal avant de pouvoir faire appel. En ce qui concerne les cas pour lesquels il n'existe pas d'appel sérieux, procéder sur autorisation accélérerait sans aucun doute les procédures.

    Le projet de loi actuel crée aussi une anomalie, en ce sens que l'on peut recourir aux tribunaux au moyen d'un processus d'agrément—une forme d'autorisation—si le ministre opte pour une certaine ligne de conduite dans le cadre des procédures codifiées, mais qu'il est possible de faire appel de plein droit si le ministre opte pour une autre ligne de conduite dans le cadre des procédures codifiées. Cela ne s'harmonise pas vraiment bien avec les dispositions actuelles du droit de l'immigration.

    La deuxième proposition est de codifier de façon plus complète les motifs de renvoi devant la Cour fédérale. Ce qui est codifié à l'heure actuelle, c'est le motif de renvoi s'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une personne est un criminel de guerre ou a commis des crimes contre l'humanité. Ce qui n'est pas codifié, c'est la constatation selon laquelle une personne a perdu sa citoyenneté pour avoir fait une fausse déclaration, et ce serait la forme la plus évidente de codification. Il n'y a donc pas de concordance entre le motif de révocation, qui est la fausse représentation, et le motif codifié pour le renvoi, qui est le crime de guerre. Il faut qu'il y ait une codification plus complète, au sein de la Cour fédérale, des motifs de renvoi.

    À notre avis, il faut également élargir la portée des motifs de révocation pour y inclure les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Il semble en effet étrange qu'il y ait codification mais que les motifs de révocation diffèrent complètement des motifs de renvoi dans le cadre des procédures codifiées. À notre avis, il faudrait qu'ils soient codifiés dans les deux sens, afin que les motifs de renvoi dans les procédures codifiées soient des motifs de révocation et que les motifs de révocation dans les procédures codifiées soient des motifs de renvoi.

    La quatrième proposition—et cela se rapporte ici encore à la codification, est d'utiliser les mêmes règles de la preuve et les mêmes normes de preuve pour la révocation et le renvoi. Selon les procédures codifiées en vigueur à l'heure actuelle, la Cour fédérale utilise deux règles différentes à propos de la norme de preuve et des règles de la preuve, selon l'étape des procédures, et peut-être même lorsque l'on débat de la même question. Même si sur le plan juridique il s'agit de questions différentes à l'heure actuelle, sur le plan factuel, elles se recoupent souvent et cela crée une dichotomie assez bizarre. Nous proposons que les règles les plus appropriées dans les cas de crime de guerre soient les règles qui s'appliquent dans le cadre des procédures de renvoi et non des procédures de révocation.

¿  +-(0925)  

    Notre cinquième proposition serait une application rétroactive limitée du projet de loi. On peut diviser les causes en suspens entre trois groupes: celles qui sont devant la Cour fédérale; celles qui ont été perdues à la Cour fédérale et sont devant le conseil des ministres et celles qui ont été rejetées par ce dernier et sont en procédure de révocation.

    Pour le premier groupe, celles qui sont devant la Cour fédérale, nous estimons que le projet de loi devrait s'appliquer. En réalité, cela ne va pas changer les procédures. Cela changera simplement les étapes suivantes. La façon dont s'applique actuellement le projet de loi, les procédures actuelles ou les procédures que l'on est censé prendre ne seraient pas changées par le projet de loi. Si ce projet de loi pouvait accélérer leur renvoi—et nous pensons qu'il le pourrait—il pourrait être bon de permettre une application rétroactive pour les causes pour lesquelles la Cour fédérale n'a pas rendu de décision.

    Nous désapprouvons la proposition d'annulation dans ce projet de loi. Cela donne au ministre le pouvoir d'annuler l'octroi de la citoyenneté dans certains délais. Nous proposons que tout aille à la Cour fédérale, quel que soit le temps dont on dispose, et c'est une position que nous partageons avec d'autres.

    Notre dernière proposition vise à clarifier la disposition visant à refuser la citoyenneté à des gens qui ont fait preuve d'un mépris flagrant et sérieux pour les principes soutenant une société libre et démocratique. Nous comprenons l'objet de cette disposition. D'après ce que nous savons, cela vient du problème causé par la demande d'Ernst Zundel, qui n'a pas encore été traitée, mais nous estimons que cette disposition est trop large et peut créer des problèmes constitutionnels et juridiques. Nous nous sommes certainement suffisamment intéressés à ces cas pour comprendre la nature du problème et vouloir essayer de l'éviter.

    Nous proposons une disposition beaucoup plus spécifique qui concernerait quelqu'un comme Zundel mais qui ne serait pas suffisamment large être déclarée anticonstitutionnelle. Nous proposons quelque chose qui stipule spécifiquement que l'on peut refuser la citoyenneté à quelqu'un qui a communiqué ou permis la communication de messages haineux ou méprisants. Nous avons essentiellement tiré ce libellé de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui a déjà été examinée par la Cour suprême du Canada.

    Voici donc nos sept suggestions.

+-

    Le président: Merci beaucoup, David.

    Nous allons maintenant passer à l'Association du Barreau canadien et nous souhaitons la bienvenue à Gordon Maynard et Tamra Thomson.

+-

    Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Merci, monsieur le président. Vous en avez deux pour le prix d'un.

    Nous sommes très heureux de comparaître aujourd'hui devant le comité au nom de la section nationale du droit de la citoyenneté et de l'immigration de l'Association du Barreau canadien. Cette section comprend des avocats spécialisés en immigration de tout le pays qui dans leur exercice touchent à tous les aspects du droit de la citoyenneté et de l'immigration. C'est le troisième projet de loi à propos duquel nous intervenons ces dernières années puisque vous avez été saisis des trois.

    Les objectifs de l'Association du Barreau canadien incluent l'amélioration du droit et l'amélioration de l'administration de la justice. C'est dans cet esprit que nous avons étudié le projet de loi et que nous vous présentons nos commentaires aujourd'hui.

    Je vais demandé à M. Maynard, vice-président de la section nationale, de résumer les observations présentées dans le mémoire que vous avez sous les yeux.

¿  +-(0930)  

+-

    M. Gordon H. Maynard (vice-président, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du barreau canadien): Merci.

    Je vais vous parler de six questions en particulier, les deux premières portant sur le droit à la citoyenneté et les dernières sur la perte de citoyenneté.

    Tout d'abord, sous le titre droit à la citoyenneté, je vous parlerai des nouvelles exigences imposées aux résidents permanents. Il s'agit de l'article 7 du projet de loi. Les résidents permanents qui sont physiquement présents au Canada pendant trois ans sur une période de six ans seront autorisés à obtenir la citoyenneté ou à la demander. Cela est un changement. Cela retire la flexibilité qu'avaient les cours relativement à l'évaluation de la résidence. Le test est donc plus strict puisqu'il exige la présence physique au Canada.

    Ce test strict fonctionnera pour la majorité des gens mais pas pour tout le monde. Peut-être pas pour les étudiants qui sont temporairement à l'étranger pour un programme universitaire. Ni pour des conjoints qui accompagnent leurs partenaires canadiens ou des enfants à l'étranger temporairement pour des raisons professionnelles ou autres. Ni pour des résidents qui sont envoyés à l'étranger par leur employeur canadien tout en étant employés par une entreprise canadienne.

    Il n'y aurait pas de mal à accommoder ces personnes. Il pourrait exister une disposition de résidence présumée reconnaissant des crédits d'une demi-journée ou un crédit plafonné quelconque qui permettrait d'assouplir un peu ce critère. Nous donnons des crédits d'une demi-journée aux personnes résidant au Canada avant d'obtenir leur statut de résident permanent, si bien que nous pourrions donner un crédit à ceux qui se trouvent à l'extérieur du Canada dans de telles circonstances.

    J'aimerais maintenant vous parler des dispositions touchant la citoyenneté d'enfants adoptés ou d'enfants adoptés par des citoyens canadiens. Il s'agit de l'article 9 du projet de loi. Le Barreau du Québec a déjà traité de la question. Je veux simplement souligner une chose qu'il a dite car cela nous préoccupe aussi.

    En réalité, nous avons déjà la citoyenneté pour les enfants adoptés. Si un citoyen canadien parraine un enfant adopté pour qu'il vienne au Canada comme résident permanent, dès qu'il arrive au Canada, les parents peuvent demander la citoyenneté canadienne pour cet enfant mineur d'un citoyen canadien. Ce projet de loi élimine cette première étape. Il n'est plus nécessaire de prouver d'abord la résidence permanente. Le citoyen peut demander directement la citoyenneté pour l'enfant adopté.

    Cela semble une bonne idée et il n'y a pas de problème à donner directement à un enfant adopté la citoyenneté. Le problème se pose lorsque l'agent refuse la demande. S'il la refuse parce qu'il juge que cela ne sert pas l'intérêt de l'enfant, parce que ce n'est pas une adoption légale, parce qu'il estime que le parrain canadien ne s'est pas conformé aux lois concernant la résidence ou essaie de circonvenir aux lois concernant l'admission au Canada, qu'arrive-t-il?

    Quel est le recours pour le parent? Le fait est qu'il aurait été préférable pour le parent de ne pas faire de demande de citoyenneté pour l'enfant. Il aurait été préférable de le parrainer pour l'immigration. Lorsqu'un Canadien parraine un enfant pour qu'il obtienne le statut de résident permanent, si la demande est rejeté, le parent, le parrain, a le droit de faire appel devant un tribunal indépendant, la section d'appel, invoquant des motifs juridiques ou d'équité. C'est un appel très puissant et important. C'est le seul appel pour lequel on entend effectivement le parent. L'appel est entendu au Canada. Le parent a la possibilité de présenter de nouvelles pièces en réponse aux préoccupations de l'agent. Le parent est entendu.

    En vertu de ce projet de loi, si la demande de citoyenneté est rejetée, il n'y a pas d'appel. Il y a un examen judiciaire mais ce n'est pas un appel et ce n'est pas suffisant. Il n'est pas possible de présenter de nouvelles pièces pour contrer les arguments de l'agent. Il n'est pas possible de faire entendre des témoins. C'est simplement un examen juridique sur papier.

    Il devrait y avoir un appel similaire à ce qu'ont les résidents permanents ou à ce qu'ont les citoyens lorsqu'ils demandent le statut de résident permanent. Ce pourrait être fait par la section d'appel. Cela nécessiterait d'élargir la compétence de la section d'appel mais c'est probablement une bonne recommandation.

    Autre préoccupation à propos de la citoyenneté concernant les enfants adoptés, l'exigence que l'adoption soit conforme aux lois de résidence concernant le parrain. Cela correspond à un changement apporté à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Ce qui s'est produit, avec cette loi, c'est que les règlements ont alors été arrêtés et que l'on a dit que si le parrain vivait au Canada, il faut que la province dans laquelle il réside accepte.

    C'est une disposition qui nous préoccupait. Nous nous demandions pourquoi elle se trouvait là. En réalité, les lois du pays du parrain n'ont rien à voir avec la légalité de l'adoption. En vertu du droit international, la légalité d'une adoption est déterminée par le pays dans lequel se fait cette adoption, non pas par les lois du Canada. De toute façon, la réalité est que l'Ontario a ses propres lois provinciales, la Colombie-Britannique également, le Manitoba aussi. Lorsque l'agent doit demander l'accord des provinces, les règlements diffèrent, selon le lieu de résidence du parrain.

¿  +-(0935)  

    En Ontario, si les parents ne s'adressent pas aux autorités provinciales avant d'entreprendre les procédures d'adoption, alors la province ne leur apportera pas son soutien. Les parents doivent rechercher le soutien de la province avant de procéder à l'adoption. Par contre, au Manitoba, en vertu de la loi, les autorités provinciales ont l'obligation d'aider à appuyer le parrainage. En Colombie-Britannique, la loi provinciale ne prévoit aucun rôle provincial. Tout ce que la province fournira, c'est une lettre disant qu'elle ne s'oppose pas, car si la Convention de La Haye ne s'applique pas ou s'il s'agit d'un parrainage d'un membre de la famille ou d'un parrainage conclu à l'étranger, la province n'a aucun rôle à jouer.

    Donc, étant donné les divergences entre les différentes lois provinciales, selon l'endroit où l'on vit au Canada, l'exigence d'obtenir la citoyenneté pour son enfant manque d'uniformité. Nous recommandons donc que cela ne devrait pas être une exigence tant que les lois provinciales ne seront pas uniformisées.

    Notre troisième préoccupation en ce qui a trait aux dispositions d'adoption porte sur ce qui arrive si les parents amènent d'abord l'enfant adopté au Canada en tant que résident permanent, et font ensuite une demande de citoyenneté en suivant le processus habituel. Lorsque les parents ont amené l'enfant en tant que résident permanent, la question de l'intérêt supérieur de l'enfant, le caractère légal de l'adoption, et le fait qu'il s'agisse ou non d'une adoption de convenance ont déjà été examinés par un agent des visas à l'étranger qui a approuvé l'immigration. Lorsque les parents présentent une demande de citoyenneté, les mêmes critères s'appliquent encore une fois. L'agent de la citoyenneté pourrait-il avoir un point de vue différent et renverser la décision prise par l'agent d'immigration? Cela n'est pas logique. Cela serait considéré comme étant abusif, et je suis certain que ce n'est pas là l'intention du projet de loi, mais ce dernier ne protège pas les parents contre une telle possibilité.

    J'aimerais maintenant parler de nos préoccupations concernant les dispositions relatives à la perte de la citoyenneté. Tout d'abord, l'article 16 a déjà été abordé ici. Il s'agit de la disposition de révocation, selon laquelle la Cour fédérale peut ordonner la perte de la citoyenneté parce qu'une personne a fait de fausses déclarations dans sa demande de citoyenneté ou dans sa demande de résidence permanente. Le Barreau du Québec dit qu'il y avait manque de cohérence—et un manque de cohérence important—et nous aimerions aussi souligner ce manque de cohérence.

    Si une personne perd sa citoyenneté parce que conformément à l'article 16 la Cour fédérale a conclu que cette personne a présenté des déclarations trompeuses pour acquérir le statut de résident permanent, la décision est finale pour tous les statuts. La personne perd sa citoyenneté et elle perd également son statut de résident permanent. Or, la Cour fédérale n'a pas compétence pour examiner les raisons d'ordre humanitaire. Mais si cette même personne, en faisant les mêmes fausses déclarations, n'avait pas reçu sa citoyenneté mais avait tout simplement reçu le statut de résident permanent, la perte de son statut aurait été examiné en vertu de la Loi sur l'immigration et cette personne aurait eu le droit d'interjeter appel, et au cours de cet appel on aurait tenu compte des circonstances équitables et ce, à juste titre. Elles doivent être prises en compte. Nous estimons que le processus est inéquitable, du fait que la Cour fédérale ou tout autre organisme indépendant ne puisse tenir compte des circonstances d'ordre humanitaire. Il doit y avoir une certaine cohérence. On doit pouvoir tenir compte des circonstances d'ordre humanitaire.

    Le ministre reconnaît le manque de cohérence, car dans le communiqué du ministre, on dit que ce dernier peut tenir compte des motifs d'ordre humanitaire à toutes les étapes du processus. Cela est tout à fait inadéquat. Ce ne sont que de simples mots sur papier. Le fait est que ce ne devrait pas être le ministre qui examine les circonstances d'ordre humanitaire, mais plutôt un organisme indépendant. La personne qui considère s'il y a ou non des circonstances équitables ne devrait pas être la même personne qui a révoqué la citoyenneté. Cette obligation ne se reflète pas non plus dans la loi. C'est une assurance vide.

    Nous recommandons qu'il y ait une disposition selon laquelle un organisme indépendant qui révoque à la fois la citoyenneté et le statut de résident permanent soit obligé d'examiner les circonstances équitables, c'est-à-dire toutes les circonstances en question. Encore une fois, cela pourrait être fait par la Cour d'appel, qui a déjà compétence en ce qui a trait aux résidents permanents. Sa compétence pourrait être élargie pour inclure les personnes qui ont perdu leur statut de résident permanent en vertu des procédures prévues à l'article 16. Cela pourrait être examiné également par un juge de la Cour fédérale, mais il faudrait alors élargir le pouvoir des juges en vertu de la Loi sur la Cour fédérale.

¿  +-(0940)  

    Je voudrais parler de l'article 17 qui encore une fois traite de la révocation de la citoyenneté par la Cour fédérale. La différence entre l'article 17 et l'article 16, c'est que la disposition prévue à l'article 17 introduit l'utilisation d'un certificat signé par le ministre ou le solliciteur général alléguant que la personne est également inadmissible pour des raisons de sécurité, d'atteinte aux droits ou de criminalité organisée. Avec ce certificat, cette nouvelle disposition introduit l'utilisation de preuves secrètes et ces dispositions avaient été introduites dans la LIPR dans le cas de résidents permanents.

    Ce qui nous préoccupe surtout, c'est que ces preuves secrètes, il n'y a qu'un an, ne s'appliquaient qu'aux étrangers qui se trouvaient au Canada, à des personnes qui n'avaient pas le statut de résident permanent. Avec la LIPR, on a introduit ces dispositions qui peuvent être appliquées dans le cas de résidents permanents. On introduit maintenant ces dispositions pour les appliquer contre les citoyens. Cela devrait vous faire réfléchir et vous inquiéter.

    Auparavant, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité avait un rôle à jouer lorsque le ministre voulait présenter un certificat contre un résident permanent. Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité examinait alors la preuve à l'appui du certificat et déterminait si cette preuve était raisonnable. Ce rôle n'existe plus. En fait, cette responsabilité n'existe plus aux termes de la LIRP ou telle qu'on la décrit dans la Loi sur la citoyenneté du Canada qui est proposée. Les juges de la Cour fédérale n'ont pas le mandat d'enquêter les motifs justifiant le certificat. Leur seul mandat consiste à déterminer quelles preuves ne devraient pas être montrées aux particuliers et lesquelles devraient l'être, et si les preuves sont ou non admissibles.

    L'utilisation de preuves secrètes est très troublante et très problématique. Nous nous inquiétons sérieusement de l'équité du processus. Lorsque de telles preuves sont utilisées contre un citoyen canadien, quelqu'un devrait avoir la responsabilité d'évaluer si ces preuves justifiant le certificat sont raisonnables. Les particuliers ne peuvent le faire car ils n'ont pas le droit de prendre connaissance des preuves. Quelqu'un doit le faire pour eux. C'était le rôle que jouait le CSARS. Nous aimerions que ce rôle soit à nouveau institué.

    Par ailleurs, le fait que l'utilisation des preuves secrètes aux termes de l'article 17 s'applique aux deux étapes de la procédure nous inquiète. Ces dispositions s'appliquent à la fois pour démontrer qu'il y a eu déclaration trompeuse et pour démontrer l'interdiction de territoire. Nous disons qu'on ne devrait pas pouvoir utiliser des preuves secrètes pour démontrer qu'il y a eu fausse déclaration. Si on ne peut pas démontrer qu'un particulier a fait de fausses déclarations en lui permettant de voir la preuve, alors le processus n'est tout simplement pas équitable. Une fois qu'on a démontré qu'il y a eu fausse déclaration, s'il est nécessaire de démontrer l'interdiction de territoire pour des raisons de sécurité pour protéger les renseignements, alors c'est une autre question.

    Mes deux dernières observations portent sur l'article 18, c'est-à-dire les dispositions concernant l'annulation—dispositions qui sont nouvelles—et l'élargissement des motifs d'interdiction. Les deux sont liés. L'article 18 confère au ministre ce pouvoir—mais ce n'est pas seulement le ministre qui a ce pouvoir, mais toute personne qu'il ou elle a déléguée. Il s'agit d'une nouvelle disposition. Cela équivaut à la perte administrative de la citoyenneté. Si le ministre ou son délégué estime qu'une personne a obtenu sa citoyenneté grâce à l'utilisation d'une fausse identité ou en contravention des interdictions de l'article 28, alors le ministre peut, sur le plan administratif, lui faire perdre sa citoyenneté, et il a cinq ans pour le faire. Une fois qu'une personne a sa citoyenneté depuis cinq ans, le ministre ne peut recourir à cette disposition.

    Il y a deux choses qui nous préoccupent ici. Tout d'abord, il s'agit d'un processus administratif. Tout ce que le ministre doit faire, c'est envoyer à cette personne un avis comportant un résumé des motifs à l'appui de l'arrêté. La personne dispose alors de 30 jours suivant la date d'expédition de l'avis pour répondre, et le ministre peut ensuite annuler sa citoyenneté. À notre avis, il ne s'agit pas là d'un processus adéquat, équitable. Nous croyons que l'annulation de la citoyenneté mérite un processus plus complet sur lequel le ministre doit apporter des preuves devant un décisionnaire indépendant, que ce soit un tribunal indépendant ou la Cour fédérale. Le ministre doit être prêt à présenter des preuves et à laisser la personne donner une réponse complète.

¿  +-(0945)  

    Notre deuxième préoccupation concerne l'article 28, l'article sur les autres cas d'interdiction. Les interdictions dans la loi actuelle concernent les motifs de non-attribution de la citoyenneté et il s'agit principalement de motifs criminels. Si vous avez fait l'objet d'une condamnation criminelle récente, vous ne pouvez devenir citoyen. Il vous faut attendre trois ans. Dans la loi actuelle, cela veut dire des condamnations au Canada. Dans ce nouveau projet de loi, ces motifs d'interdiction ont été élargis et incluent maintenant les condamnations à l'étranger. Mais ils incluent aussi les inculpations à l'étranger et c'est ce qui nous inquiète. Si vous avez été condamné à l'étranger, très bien. Si c'est une ancienne condamnation, ce n'est pas un motif d'interdiction. Vous êtes à l'extérieur du créneau de trois ans. Mais si vous êtes sous le coup d'une inculpation à l'étranger, cela vous interdit à tout jamais de devenir citoyen parce que c'est un motif d'interdiction.

    Une inculpation à l'étranger englobe tout un éventail d'inculpations possibles relevant de tout un éventail de juridictions. De la façon dont la loi est rédigée, il faut avant toute chose résoudre le cas de cette inculpation. Si cette inculpation concerne un pays dont le système judiciaire est entaché d'injustices, pourquoi obliger cette personne à se soumettre à ce système judiciaire? Je peux vous donner à titre d'exemple le cas du citoyen canadien qui fait l'objet d'inculpation en Arabie saoudite pour possession d'explosifs et la procédure d'audience secrète qu'il a dû subir. S'il était résident permanent, nous l'obligerions à aller jusqu'au bout de cette procédure avant de pouvoir devenir citoyen. C'est inacceptable. Il faut un mécanisme permettant d'examiner ce genre d'inculpation et de régler l'affaire sans avoir obligatoirement à se soumettre à cette procédure étrangère.

    C'était mes commentaires. Je vous remercie de votre patience.

+-

    Le président: Encore une fois, Tamra et Gordon, merci. C'était un excellent exposé.

    Jusqu'à présent tous les exposés ont été excellents et nous attendons avec impatience celui de Janet et Kemi au nom du Conseil canadien pour les réfugiés.

+-

    Mme Kemi Jacobs (présidente, Conseil canadien pour les réfugiés): Merci de nous avoir invités à venir témoigner.

    Le Conseil canadien pour les réfugiés est une organisation nationale qui regroupe 180 agences qui ont pour vocation de promouvoir les droits des réfugiés au Canada et à l'étranger et qui s'occupe tout particulièrement de leur installation au Canada. Nous sommes intervenus lors du dépôt des projets de loi précédant le C-18, le projet de loi C-63 et le projet de loi C-16. Le projet de loi actuel continue à ne pas résoudre tous les problèmes et notre intention est de nous limiter à deux en particulier. Le premier concerne les apatrides et le deuxième l'application régulière de la loi dont beaucoup de nos collègues vous ont déjà parlé.

    Le projet de loi actuel stipule que tous les citoyens ont les mêmes droits, les mêmes devoirs et les mêmes responsabilités quelle que soit la manière dont ils ont obtenu leur citoyenneté. Voilà qui nous rassure, surtout dans le contexte actuel où tant de citoyens canadiens sont traités différemment en fonction de leur pays de naissance. Cette initiative est tout particulièrement la bienvenue dans le contexte actuel mais elle n'est pas corroborée par le texte de la loi. Nous demandons à votre comité de le faire remarquer en signalant les contradictions perdurantes et en corrigeant certaines de celles qui permettent de continuer à traiter différemment les citoyens qui ont acquis leur citoyenneté par des moyens autres que la naissance.

    Ce projet de loi est un peu trompeur car les médias ne parlent que d'une chose... désormais les nouveaux canadiens prêteront allégeance au Canada et non plus à la Reine et à ses héritiers. Ils ne parlent que de cela. Il contient nombre d'autres initiatives ignorées du public et dont les conséquences sont majeures. Il est vital que nos témoignages attirent l'attention car beaucoup de gens ignorent les implications de ce projet de loi. Je me chargerai personnellement de la question des apatrides et Janet des autres.

    Le Canada doit se pencher sur toute la question des apatrides. Nos membres nous disent que plus en plus de gens son apatrides. En conséquence, le Canada doit montrer l'exemple, comme il l'a déjà fait, dans le domaine de l'accueil des réfugiés et dans le domaine de la protection des immigrants. Le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie, mais n'a pas ratifié la Convention de 1954 relative au statut des apatrides. Avant même de discuter de ce projet de loi, il faudrait nous assurer que le Canada ratifie cette convention de 1954 car, à nos yeux, c'est une énorme lacune.

    Nous estimons que ce projet de loi devrait être conçu dans l'optique de la réduction de l'apatridie. Selon nous, tout le projet de loi devrait s'inscrire dans cette optique. Il faudrait ajouter à ce projet de loi une disposition visant à réduire l'apatridie.

    Passons aux articles 14 et 11. L'article 14 concerne les citoyens canadiens nés à l'étranger qui perdent leur citoyenneté à 28 ans si leurs parents ne sont pas nés au Canada et s'ils n'ont pas résidé au minimum trois ans au Canada pendant les six années précédentes. C'est embêtant parce que dans un monde où la mobilité est de plus en plus grande, les gens ne cessent de bouger et ils risquent d'être négativement touchés. Des Canadiens risquent d'être touchés négativement. Nous demandons en conséquence une exception à la règle de l'article 14 si la perte de citoyenneté aboutit à l'apatridie.

    L'article 11 essaie d'apporter une solution à ce risque d'apatridie. Il y a trois points qui sont tout particulièrement gênants. Il y a cette limite d'âge de 28 ans. Ensuite la période de trois ans—et certains en ont déjà parlé—de résidence au Canada pendant les six années précédentes. Et enfin, la condition stipulait à l'alinéa e) d'avoir toujours été apatride.

    Nous pensons que ces conditions sont déraisonnables, et nous vous demandons de supprimer l'âge limite de 28 ans et qu'il ne soit plus nécessaire d'avoir résidé au Canada pendant trois ans pendant les six années précédentes. Supposons que l'intéressé n'ait pas toujours été apatride. Nous avons vécu la désintégration de l'ex-Union soviétique. En conséquence, il y a aujourd'hui des apatrides qui n'ont pas toujours été apatrides. Ce sont les implications de ce genre entourant l'apatridie que selon nous il faut régler d'une manière générale.

    Enfin, pour terminer, la dernière fois que j'ai comparu devant votre comité, je vous ai parlé de la nécessité d'une loupe antiracisme dans toutes les lois. Vous aviez alors demandé si nous avions un outil à proposer. Je vous avais alors répondu non mais nous sommes en train d'en fabriquer un. Quoi qu'il en soit, il est absolument vital, à mon avis, de vérifier tous les projets de loi et toutes les lois pour prévenir toutes formes potentielles de traitement différent des gens de couleur.

¿  +-(0950)  

    Merci.

+-

    Mme Janet Dench (directrice générale, Conseil canadien pour les réfugiés): Merci.

    Comme Kemi l'a mentionné, je vais vous parler de certains des problèmes que nous voyons dans les domaines de la perte de citoyenneté et des interdictions d'accès à la citoyenneté. Nos problèmes sont analogues à ceux qui ont déjà été évoqués par nos collègues ici présents, je me limiterai donc aux aspects qui concernent directement les réfugiés.

    L'article 17 concerne la révocation de la citoyenneté par la procédure de certificat. C'est une procédure qui nous inquiète et qui inquiète les réfugiés venant au Canada pour fuir la persécution, tout particulièrement parce que des preuves contre eux peuvent être soumises sous le sceau du secret. Bien entendu, dans cette procédure, ce sont des preuves dont ils n'ont jamais connaissance. Nous aimerions que l'article 17 soit supprimé dans son intégralité.

    La question de l'annulation qui permet de retirer la citoyenneté sans audience ou sans décision indépendante nous semble des plus injuste. La prémisse sur laquelle elle se fonde est qu'il s'agit de circonstances simples, factuelles dans lesquelles une personne a obtenu une citoyenneté qu'elle n'aurait pas dû obtenir—pour des motifs de fausse identité ou parce qu'elle n'était pas admissible en vertu d'une des interdictions énumérées à l'article 28. Il est possible qu'il y ait des cas limpides qui ne causeraient pas de problème s'ils étaient soumis à cette procédure, mais il reste que souvent les choses sont beaucoup plus compliquées.

    Encore une fois, les réfugiés savent qu'ils peuvent dans certaines circonstances être confrontés à de faux témoignages dictés par la vengeance et visant à faire croire, par exemple, que leur identité est usurpée. Dans la procédure proposée, il ne leur est pas possible d'entendre ces témoignages ou de les faire entendre par un arbitre indépendant et il n'y a pas de droit véritable à un contrôle judiciaire car la seule norme c'est la conviction du ministre. C'est une norme très basse qui signifie qu'à toutes fins utiles il sera pratiquement impossible à la Cour fédérale de casser une décision de ministre.

    Les pouvoirs des articles 21 et 22 qui permettent de refuser la citoyenneté au motif que le candidat a fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique nous inquiètent aussi beaucoup. Quoi que nous puissions comprendre l'objectif du gouvernement, il nous semble que c'est ratisser très large et que ces pouvoirs pourraient être utilisés de bien des manières différentes, ce qui en soit semble contraire aux principes d'une société libre et démocratique puisque l'accusé ne peut savoir de quoi on l'accuse ni ne peut se défendre.

    Enfin, à propos des autres cas d'interdiction de l'article 28, nous tenons à rappeler le problème que nous posent tout particulièrement les condamnations et les inculpations à l'étranger. Les réfugiés qui arrivent au Canada peuvent très souvent avoir fui une action judiciaire qui est un des éléments de la persécution dont ils sont les victimes dans leur pays d'origine. Il est tout à fait possible que ces inculpations soient des coups montés. Il nous semble alors totalement contradictoire de reconnaître qu'ils ont besoin de notre protection puisqu'ils ont été faussement inculpés de délits graves dans leur pays d'origine, mais comme il y a eu inculpation, de refuser de leur accorder la citoyenneté. En conséquence, nous recommandons que des modifications soient apportées au projet de loi pour que ceux qui fuient des inculpations criminelles abusives ou une condamnation consécutive à une procédure injuste soient exemptés.

    Enfin, permettez-nous de vous suggérer qu'il serait bon que dans le projet de loi il y ait un article parallèle à celui de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui requiert un rapport annuel sur l'incidence de la loi du point de vue de l'égalité des sexes. Cette disposition de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est un modèle. Sauf erreur, c'est la première fois qu'une telle requête figurait dans une loi canadienne.

¿  +-(0955)  

    Il serait utile de surveiller l'incidence des nouvelles mesures dans le domaine de la citoyenneté, par exemple en tâchant de déterminer si les femmes et les hommes ont un accès égal à la citoyenneté. Le projet de loi traite à plusieurs endroits des déclarations inexactes. Nous craignons que certaines femmes, n'étant pas libres, soient forcées par leurs maris ou par leurs familles à faire des déclarations inexactes. Il conviendrait à notre avis d'analyser les répercussions des mesures proposées sur les femmes. Cela devrait être prévu dans le projet de loi.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Je vous remercie et j'aimerais saluer votre travail au nom du comité. À tout le moins depuis que je suis président du comité, les organisations que vous représentez nous ont donné des avis précieux sur nombre de sujets dont nous avons été saisis, notamment la nouvelle Loi sur l'immigration et d'autres études que nous avons effectuées, y compris notre examen du projet de loi C-18 qui, comme vous l'avez signalé, est le troisième à traiter de ce sujet.

    Au moment de rédiger des amendements au projet de loi antérieur, nous avons tenu compte de beaucoup de vos commentaires et de vos préoccupations. C'est du reste une première, et je ne peux pas vous assurer que nous voudrons... enfin, je veux dire que nous voudrons peut-être réexaminer le règlement de nouveau. Nous avons fait du travail extraordinaire dans le dossier de l'immigration. Notre comité a été le premier à le faire et cela m'a beaucoup plu, personnellement. Quant à l'opportunité de suivre une telle démarche relativement à une mesure législative aussi importante, mes collègues voudront peut-être exprimer leur avis, mais j'ai trouvé le processus très important. La tendance à accroître progressivement la délégation administrative m'inspire certaines appréhensions.

    J'aime bien l'idée d'examiner les conséquences de ces mesures pour les hommes et les femmes et d'utiliser un «prisme antiracisme», comme Kemi l'a proposé. Je pense que c'est notre comité qui a proposé la réalisation d'analyses des situations des deux sexes en ce qui concerne l'immigration. Je trouve moi aussi que c'était une mesure fort positive et j'espère qu'on en tiendra compte pour beaucoup de mesures législatives, y compris celle-ci.

    Je vous remercie encore une fois de votre précieuse collaboration. Je sais que les membres du comité ont beaucoup de questions à vous poser. C'est d'ailleurs toujours le cas, car vous suscitez une réflexion, ce qui nous amène à vous poser une foule de questions.

    Je vais d'abord donner la parole à Lynne. Pour ce premier tour, les députés auront chacun cinq minutes. Comme nous disposons d'une heure, nous aurons le temps d'approfondir vos théories et vos préoccupations.

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Je pense tout comme vous que la citoyenneté sera un sujet d'étude passionnant, car nous avons fait du bon travail ensemble sur l'immigration.

    J'ai trois petites questions auxquelles le président pourra peut-être répondre. La première porte sur la préoccupation exprimée par M. Maynard au sujet de la perte du droit à la citoyenneté en raison des critères de résidence et du fait que les gens ne devraient pas avoir à être présents physiquement pendant trois des six années. Il a illustré ce manque de souplesse du projet de loi en citant l'exemple de conjoints. Je pensais qu'on avait réglé ce problème et qu'on avait fait en sorte que personne ne perdrait son droit à la citoyenneté en raison des conditions de résidence. Est-ce bien le cas?

À  +-(1000)  

+-

    Le président: Nous avons peut-être abordé ce point d'une façon quelconque par la Loi sur l'immigration, qui prévoit certaines exceptions. C'est peut-être ce à quoi Gordon faisait allusion. Je laisse donc à Gordon, à David et à Carole le soin de répondre à cette question.

+-

    M. Gordon Maynard: Il y a deux séries d'obligations de résidence. En tant que résident permanent, vous êtes tenu de résider au Canada pendant deux ans sur cinq. La Loi sur l'immigration, qui établit cette obligation, prévoit certaines exceptions, par exemple pour accompagner son époux ou son conjoint à l'étranger ou pour travailler pour une compagnie canadienne à l'étranger. Je pense qu'il s'agit des dispositions auxquelles vous faites allusion.

    Le projet de loi concernant la citoyenneté canadienne prévoit une obligation de résidence différente. Il faut résider au Canada pendant trois ans sur six pour être admissible à la citoyenneté, ce qui est une condition différente. Il s'agit de trois années de présence physique au Canada.

    On a cependant prévu une exception. Si vous travaillez pour une province, pour le gouvernement du Canada, pour l'ONU ou pour les forces armées, vous pouvez passer du temps à l'étranger mais ce temps est calculé comme si vous étiez physiquement au Canada. Cette mesure ne s'applique cependant pas aux enfants qui fréquentent des universités à l'étranger, aux époux ou aux conjoints qui accompagnent leur conjoint canadien et leurs enfants à l'étranger, ni aux personnes qui doivent voyager à l'extérieur du Canada à la demande de leur employeur. Aucune exception n'est prévue dans leur cas et c'est pourquoi nous proposons d'en prévoir.

    On pourrait corriger cette lacune d'une façon très simple. Le ministère veut une règle simple, qui permet de calculer le nombre de jours à l'aide d'une calculatrice sans trop réfléchir. On pourrait donc établir une règle simple qui comporte l'idée de la résidence réputée, des crédits de demi-journées et un plafond à ces crédits. Cela suffirait pour régler le problème.

+-

    Mme Lynne Yelich: J'aimerais connaître l'opinion de Kemi à ce sujet.

    John Bryden est absent, mais j'aimerais dire quelque chose pour le compte rendu. John a fait savoir qu'il essaie d'améliorer le serment d'allégeance. Il voudrait que les gens qui prêtent serment s'engagent à respecter les cinq principes de l'égalité des chances, de la liberté d'expression, de la démocratie, des droits fondamentaux de la personne et de la primauté du droit. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'ajout de ces éléments au serment. Croyez-vous qu'on devrait modifier le serment?

+-

    Le président: On pourrait peut-être leur demander de chanter le Ô Canada aussi, vous savez.

+-

    Mme Lynne Yelich: J'avais juste pensé...

    Une voix:: ...[Note de la rédaction: Inaudible]...

    Des voix: Oh, oh!

+-

    Le président: Dans les deux langues officielles.

+-

    Mme Kemi Jacobs: Ayant déjà habité une île qui s'est libérée du joug colonial, j'ai été heureuse de voir que les connotations britanniques ont été atténuées. En tant que Canadiens, et à plus forte raison en tant qu'immigrants au Canada, et j'inclus les réfugiés, nous n'avons aucune réticence à jurer allégeance au Canada. Mais il serait bon d'énoncer les droits et les responsabilités dans le serment.

+-

    Mme Lynne Yelich: Très bien.

+-

    Le président: Monsieur St-Pierre, allez-y.

[Français]

+-

    Me Noël St-Pierre: Un des problèmes que nous avons au Québec est d'arriver à définir les valeurs québécoises. De nombreuses discussions ont été tenues sur le sujet. Il y aurait peut-être lieu de nous attarder un peu à cette question encore une fois.

    Je parle, bien sûr, de valeurs comme celles que vous avez nommées, entre autres l'égalité entre hommes et femmes, le respect des diversités, et le respect de la loi. Si on pouvait, par une formule relativement courte, refléter certaines de ces valeurs que devrait endosser l'ensemble de la société canadienne, ce serait tant mieux, et je crois qu'on serait d'accord. Cependant, inclure cela dans une formule plutôt courte constitue un défi.

[Traduction]

+-

    Le président: Noël, pourriez-vous rédiger une phrase exprimant ces idées au nom du comité?

+-

    Mme Lynne Yelich: Oui, et il pourrait nous la présenter. C'est une bonne idée.

+-

    Le président: Question suivante.

+-

    Mme Lynne Yelich: Ma troisième et dernière question porte sur l'adoption, un sujet qui m'intéresse vivement. Que proposez-vous? Cette question devrait-elle figurer dans la Loi sur la citoyenneté au Canada qui est proposée ou devrait-elle être laissée entièrement aux provinces? Il faut penser à l'intérêt de l'enfant. En Saskatchewan, il faut six ans pour adopter un enfant.

    J'aimerais également connaître votre point de vue sur l'adoption d'adultes. Enfin, comme vous voulez l'abolir, je suppose que vous n'avez pas de commentaires à ce sujet.

À  +-(1005)  

[Français]

+-

    Me Noël St-Pierre: Si on considère la question dans une perspective québécoise, on peut très probablement présumer que la disposition n'est pas nécessaire. Au Québec, le Secrétariat à l'adoption internationale régit toute adoption à l'étranger, précisément pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de commerce d'enfants. C'est le premier objectif. Le dossier des futurs parents doit, par conséquent, être vérifié. Ces derniers font l'objet d'une étude psychosociale et, une fois cette barrière franchie, on autorise l'adoption. Par contre, si l'adoption n'est pas autorisée par le secrétariat, elle n'a pas lieu; la demande n'est pas reconnue au Québec pour les fins d'immigration et, au même titre, pour les fins d'immigration canadienne.

    Il est clair que la situation n'est pas partout pareille à travers le Canada. Certaines règles varient d'une province à l'autre. Il reste que ce problème devrait être réglé au moment de l'admission de l'enfant au Canada et non pas au moment de l'acquisition de la citoyenneté. À cet égard, les remarques qui ont été émises par l'Association du Barreau canadien reflètent notre propre expérience.

[Traduction]

+-

    Le président: Est-ce que d'autres témoins veulent intervenir pour répondre à la question de Lynne sur l'adoption? Gordon ou Janet?

+-

    Mme Lynne Yelich: Quelles dispositions devraient figurer dans la loi? Pensez-vous qu'il faudrait en retirer toute mesure à ce sujet?

+-

    M. Gordon Maynard: En effet, je dirais que ce n'est pas une bonne idée d'imposer les lois du Canada—c'est-à-dire les lois des provinces—étant donné qu'il n'y a pas uniformité entre les provinces. Les conditions imposées par les provinces ne sont pas toujours réalisables, raisonnables ou même appropriées. À l'heure actuelle, il y a trop de paliers décisionnels. Il y a des provinces qui décident et il y a des agents d'immigration qui décident. Jadis, c'était relativement simple, mais le processus est devenu plus compliqué.

    Si vous voulez normaliser les questions raisonnables à poser et les décisions raisonnables à prendre, faites-le. Mais sans cela, vous ne pouvez pas exiger que les lois provinciales soient respectées, parce qu'elles ne sont pas uniformes.

    En second lieu, je pense qu'il est extrêmement important de clarifier la question du recours qui est donné aux parents en cas de refus. Il est totalement insuffisant d'offrir simplement aux parents la possibilité de demander un recours en révision à la Cour fédérale. Il est ridicule qu'un citoyen qui demande la citoyenneté pour son enfant ait moins de recours que s'il demandait pour ce même enfant un statut de résident permanent. En cas de refus, il faut qu'il y ait un véritable mécanisme d'appel. Si vous introduisez plusieurs paliers décisionnels, et si un de ces paliers rend une mauvaise décision, si le processus est entaché d'erreurs, il faut qu'il y ait possibilité d'appel dans les règles. Les droits d'appel ne doivent pas être différents selon qu'il s'agit d'une demande de citoyenneté ou d'une demande de statut de résident permanent.

+-

    Le président: Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, monsieur le président.

    À certains égards, cela sonne comme une rengaine. Vous savez ce que je veux dire, on a déjà entendu cela. Il y a eu le projet de loi C-63, il y a eu le projet de loi C-16 et maintenant il y a le projet de loi C-18. Je suis sûr que lorsque nous aurons entendu toutes les représentations et tous les témoins, ce sera à peu près la même chose, sauf quelques petits changements en raison de l'article 17 qui n'existait pas auparavant.

    Le projet de loi C-63 nous proposait non seulement une possibilité de révocation de la citoyenneté selon la formule actuelle, mais également une possibilité de révocation de la citoyenneté des enfants qui arrivaient au Canada en compagnie de la personne en question, ce qui signifiait en somme que ma citoyenneté, la vôtre, monsieur Mark ou celle de M. Fontana, ou encore la vôtre, monsieur le président, aurait fort bien pu être révoquée 50 ans plus tard.

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Ne donnez pas de mauvaises idées à certaines personnes.

    Des voix: Oh, oh!

    Une voix: Ce que je viens d'entendre me plaît.

+-

    M. Andrew Telegdi: Fort heureusement, ce projet de loi est mort au Feuilleton et la disposition en question a été retirée. La majorité des commentaires que nous avons entendus sur le droit d'appel et sur la citoyenneté ressemblent à ce que nous avions entendu dans tous ces cas.

    Ce n'est pas bon non plus pour votre carrière parlementaire. Lorsque j'étais secrétaire parlementaire, je n'étais pas du tout favorable au processus parce que, comme j'avais moi-même été réfugié, cela m'avait offensé lorsque j'étais arrivé au Canada. Cela battait en brèche la notion de sécurité de ma personne, ce dont parle l'article 7 de la Charte à la rubrique «Garanties juridiques. L'article se lit ainsi:

    Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Pour un réfugié, pour quelqu'un qui n'a pas d'autre nationalité, la sécurité de la personne est assurément un élément qui entre en ligne de compte.

    Je crains également que nous nous retrouvions avec le même processus, avec le même genre de résultat, sans avoir pour autant résolu le problème de la révocation que pose le texte actuel de la loi. La protection garantie par la charte est une question qui va devoir être abordée. À un moment donné, je dirais que notre comité devrait recommander d'en saisir la Cour suprême précisément parce que, comme il s'agit d'une question aussi importante que la citoyenneté—et qui intéresse les 6 millions de Canadiens qui ne sont pas nés ici—c'est la norme la plus rigoureuse qui doit être de mise.

    Je n'accepte pas que la révocation de ma citoyenneté soit une question qui puisse être prise à la légère et décidée pour des raisons administratives. S'agissant de l'article 7 de la charte et des garanties juridiques concernant la sécurité de la personne, je vais demander aux juristes qui sont ici s'ils sont d'accord pour dire que toute révocation de citoyenneté doit se faire dans le respect absolu de la charte.

+-

    M. David Matas: L'article 7 vaut pour tout le monde, pas uniquement pour les citoyens ou les résidents permanents. Dans l'arrêt Singh, la Cour suprême du Canada a dit que le mot «chacun» s'appliquait à tout le moins à quiconque est au Canada. Ce mot peut peut-être aussi s'appliquer à ceux qui sont à l'étranger, mais quoi qu'il en soit, il s'applique à quiconque est déjà au Canada, de sorte que la réponse à cette question a déjà été donnée par la Cour suprême. L'article 7 de la loi s'applique à tous, citoyens ou non citoyens.

+-

    Le président: Sans vouloir tourner la question, il s'agissait de savoir si oui ou non le projet de loi était conforme à la charte.

+-

    M. David Matas: Le député a parlé de l'article 17. Nous avons proposé plusieurs possibilités d'amélioration de l'article 17, notamment pour accélérer le processus, pour permettre des regroupements et ainsi de suite. Mais en ce qui concerne la question de M. Telegdi, il s'agissait de savoir si quelqu'un pourrait invoquer la charte dans le cas de l'article 17 sous sa forme actuelle. Je dois vous dire que rien ne me vient immédiatement à l'esprit qui me permettrait de répondre par l'affirmative.

    Si vous songez à tous les commentaires qui ont été faits au comité à propos de l'article 17, il y a par exemple l'Association du Barreau qui a proposé quelque chose au sujet des appels pour motifs humanitaires, quelque chose que nous n'avions pas proposé nous. Le Barreau signale bien entendu que cela ne vaudrait pas pour les criminels de guerre ou quiconque se serait rendu coupable d'un crime contre l'humanité, c'est-à-dire les cas qui nous occupent. La seule réserve que j'aurais à faire à ce sujet c'est qu'il arrive, quand la citoyenneté de quelqu'un est révoquée pour cause de fausse déclaration, que la fausse déclaration est le résultat d'une forclusion des enquêtes. La question qui se pose est celle de savoir de quelles enquêtes il s'agit. S'il s'agit d'enquêtes à propos d'un crime de guerre, à notre avis il ne devrait pas non plus y avoir de possibilité d'appel pour motif humanitaire.

    Il faut se demander non pas simplement s'il y a eu forclusion, mais également de quelles enquêtes il s'agit. Si quelqu'un peut mentir au sujet de son passé de criminel de guerre et ainsi empêcher la conduite d'une enquête, et si, 50 ans plus tard, il insiste pour que le crime en question soit prouvé même si, pendant toute sa vie, il a ainsi pu faire disparaître toute trace en raison du passage du temps, cela ne nous semble pas très approprié. Il ne faut pas que, dans ce contexte, la loi puisse donner à la personne en question un quelconque avantage. Mais dans l'autre contexte, celui de l'exemple cité par Noël St-Pierre—celui du domestique qui avait menti—, la seule enquête pour laquelle il y aurait eu forclusion ici serait l'examen médical de la personne à charge dont l'existence n'a pas été révélée. En l'occurrence, un appel pour motif humanitaire devrait pouvoir être entendu. À tout le moins, cela ne me semblerait pas présenter de problème. Si ce n'est pas le cas, à ce moment-là il faudrait pouvoir d'une façon ou d'une autre invoquer la charte.

+-

    Le président: Noël, puis Gordon.

[Français]

+-

    Me Noël St-Pierre: Je pense qu'il est important de comprendre que le tribunal qui est proposé à l'article 17 n'est pas la Cour fédérale en tant que telle. Il s'agit d'un juge de la Cour fédérale dont la juridiction est extrêmement limitée. Depuis 1994, nous citons systématiquement un arrêt de la Cour fédérale. C'est en matière d'immigration, bien sûr; ce n'était pas encore en matière de citoyenneté à l'époque. Les juges ayant exercé une juridiction semblable ont décidé qu'ils n'avaient pas le pouvoir d'entendre des arguments à caractère constitutionnel.

    Cela est très important lorsqu'il s'agit de l'article 7 et de la notion de procédure d'un État de droit. On ne peut pas, dans le contexte de la procédure qui est proposée à l'article 17, dire qu'il y a des problèmes en ce qui concerne la preuve et invoquer le fait qu'on n'a pas reçu suffisamment d'information pour présenter une défense complète.

    Vous verrez que très souvent, ce n'est pas le juge de la Cour fédérale qui étudie la preuve; c'est le service de renseignement qui le fait. Or, il arrive souvent qu'on reçoive un résumé dans lequel se trouvent des phrases comme: «La personne est connue comme étant un dirigeant de tel parti politique» . En vertu de quoi est-on un dirigeant? Comment peut-on se défendre contre cela? Il arrive également qu'on invoque le fait que la personne est reconnue comme ayant participé à des réunions, sans toutefois préciser ni les lieux ni les dates. Si je peux me permettre un exemple extrême, je dirai que c'est à peu près comme si on disait que la personne est reconnue comme ayant tué quelqu'un. Il est physiquement impossible, pour nous tous ici présents, de prouver qu'à aucun moment de notre vie nous n'avons tué quelqu'un. C'est ce genre de fardeau de preuve auquel sera tenu le conseil pour défendre quelqu'un .

À  +-(1015)  

[Traduction]

+-

    M. Gordon Maynard: Pour commencer, il n'y a rien de magique dans la charte. Il n'y a pas dans la charte d'index qui vous dise: «Pour toute application concernant l'article 17 de la Loi sur la citoyenneté au Canada, voir telle page»—la charte est un texte couché de façon générale et les interprétations qui en ont été données par la Cour suprême ont varié dans un sens ou dans l'autre au fil des ans.

    Pour l'instant, je dirais que la charte n'offre pas une très bonne protection contre une mauvaise loi—pas pour les résidents permanents ou pour les citoyens qui y seraient confrontés. Tout dépend du tribunal qui est saisi de l'affaire et également des faits en instance, mais pour l'instant je dirais que la protection offerte par la charte n'est pas très bonne. Pour avoir la meilleure protection possible, il faut que les parlementaires, lorsqu'ils légifèrent, utilisent leur bon sens. On ne peut pas toujours faire confiance à la charte pour nous protéger contre les erreurs.

+-

    Le président: C'est pour cette raison que nous allons essayer d'améliorer la loi.

+-

    M. Gordon Maynard: Si vous me le permettez, monsieur le président, un des propos de M. Telegdi au sujet des dispositions de l'article 18 concernant l'annulation exige un commentaire de ma part.

    Souvenez-vous que cette disposition permet au ministre d'annuler l'acquisition de la citoyenneté, par exemple en la rendant nulle. S'il a cinq ans pour le faire, que se passe-t-il pour les gens qui, en théorie, auraient pu avoir obtenu leur citoyenneté par l'entremise de la personne en question? Cela signifie-t-il que leur citoyenneté devient elle aussi nulle? Je pourrais penser à plusieurs cas comme celui-là. Si la citoyenneté est déclarée nulle, combien de gens cela pourrait-il véritablement toucher?

+-

    Le président: Inky.

+-

    M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC): Merci, monsieur le président. Je tiens d'abord à remercier les témoins.

    Je fais écho aux propos de tout à l'heure du président: votre aide a été très précieuse, en ce qui concerne certainement le projet de loi C-11 ainsi que le règlement et la proposition sur le tiers pays sûr qu'a faite le gouvernement récemment.

    C'est assez ironique. Je rejoins Andrew ici. Nous avons un premier ministre qui se vante d'encourager l'immigration et qui se dit essentiellement l'héritier de Pierre Trudeau et Sir Wilfrid Laurier, mais il nous a fallu nous battre pour avoir ce projet de loi. Il nous a fallu attendre dix-huit mois, presque deux ans. Je n'en reviens tout simplement pas.

    Ce que je veux savoir, c'est si nous avons ou non deux types de citoyenneté, si j'en crois le libellé de ce projet de loi. Je veux savoir aussi si l'article 17 compromet le recours à la loi.

    Vous pouvez peut-être répondre seulement à la première question. Avons-nous deux types de citoyenneté?

+-

    Mme Janet Dench: Si je peux répondre à cette question, c'est à cela que nous voulions en venir entre autres lorsque nous disions que, même si nous sommes heureux de voir que le projet de loi assure l'égalité à tous les citoyens, le projet de loi en tant que tel ne tient pas vraiment cette promesse. Il autorise la révocation de la citoyenneté de certaines personnes sans qu'elles puissent avoir recours à la loi. Certains citoyens risquent aussi de perdre leur citoyenneté et de se retrouver apatrides parce qu'ils sont nés à l'extérieur du Canada. À notre avis, il faudrait en fait écarter cette mention de l'égalité pour tous les citoyens et s'assurer que personne ne perd sa citoyenneté dans le cadre d'un processus où l'on ne peut pas entendre la preuve qui pèse contre soi, où l'on ne peut jamais en appeler à un décideur indépendant et où le droit d'appel est insuffisant.

À  +-(1020)  

+-

    M. Inky Mark: Dans quelle mesure ces principes d'égalité sont-ils importants, le fait d'avoir une seule citoyenneté pour nous tous, d'avoir le même processus pour tous?

+-

    Mme Janet Dench: Je vous répondrai qu'au cours des dernières semaines, nous avons pris davantage conscience de l'importance de cette égalité. Nous voyons que des citoyens canadiens ne sont pas traités comme tout le monde dans d'autres pays, particulièrement aux États-Unis, où l'on trace des distinctions entre des catégories de citoyens canadiens. Notre organisation croit dans l'importance de traiter les gens sans discrimination aucune. Et cela comprend la discrimination fondée sur le fait que l'on a acquis sa citoyenneté à l'extérieur du Canada ou sur le fait que l'on est né au Canada.

+-

    Le président: Monsieur St-Pierre.

+-

    Me Noël St-Pierre: Je vais répondre en anglais pour que M. Mark me comprenne bien.

    Si cette loi est votée, quiconque est né à l'extérieur du Canada ne jouira pas du droit intégral à l'expression ou à l'association dans notre pays. L'un des messieurs ici présents, par exemple, a été très actif dans les processus de paix internationaux. Certaines personnes dans notre pays croient que le fait de préserver les droits de certains peuples dans le monde est un encouragement aux mouvements armés, par exemple. Si ce monsieur était né à l'extérieur de notre pays, quelqu'un au Canada serait peut-être tenté de prendre connaissance de son dossier d'immigration et du dossier d'immigration de ses parents pour voir s'il peut y trouver une faille afin de se débarrasser de lui—autrement dit, le réduire au silence.

+-

    Le président: Monsieur Maynard, avez-vous quelque chose à dire en réponse à la question qu'Inky a posée?

+-

    M. Gordon Maynard: Il y a deux types de citoyenneté: celle qu'on reçoit si l'on est né au Canada et celle qui peut nous être octroyée. Celle qui vous est octroyée peut être révoquée. On ne peut pas révoquer la citoyenneté que l'on a acquise par la naissance. C'est la réalité.

    Et l'article 17 compromet-il le recours à la loi? Absolument.

+-

    Le président: À moins que vous soyez né à l'extérieur du Canada, peut-être, et tout dépend de la question de savoir qui étaient vos parents.

+-

    M. Gordon Maynard: J'ignore si cela constitue une exception.

+-

    Le président: Inky.

+-

    M. Inky Mark: Ma prochaine question porte sur le mémoire de l'Association du Barreau canadien.

    À la page 26, vous déclarez: «La compétence du ministre permettant d'annuler la citoyenneté devrait être limitée aux deux années qui suivent l'acquisition de ladite citoyenneté.» Êtes-vous vraiment en faveur d'une telle disposition? Ne préféreriez-vous pas tout simplement l'éliminer?

+-

    M. Gordon Maynard: Soyons clairs, je préférerais que cette disposition disparaisse entièrement.

+-

    M. Inky Mark: D'accord, merci.

+-

    Le président: Steve, avez-vous une question?

+-

    M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur Matas, si je vous ai bien compris, votre mémoire fait état de deux nécessités:

1. la nécessité de regrouper les trois étapes (jugement de la Cour fédérale, révocation de la citoyenneté et expulsion) en une seule étape; et

2. la nécessité d'avoir une procédure d'appel.

    Dites-vous qu'il devrait y avoir jugement de la Cour fédérale suivi d'un appel, ou passeriez-vous par un processus de révocation, suivi d'une ordonnance d'expulsion et ensuite d'un appel? Où se situerait l'appel?

+-

    M. David Matas: Dans le deuxième cas, après la révocation et après l'expulsion. Toutes les procédures se dérouleraient à la section de première instance—le jugement sur les crimes de guerre ou la fausse représentation, la révocation, l'expulsion—dans une seule procédure. Selon ce que nous proposons, on pourrait ensuite demander la permission d'interjeter appel à la Cour d'appel fédérale.

    Le projet de loi pour le moment exclut cela. Il autorise des procédures pour la révocation pour cause de fausse représentation, renvoi pour cause de crime de guerre et ensuite un appel. Dans le changement que nous proposons, pour la révocation, on pourrait invoquer le crime de guerre aussi bien que la fausse représentation, et pour le renvoi, ce pourrait être la fausse représentation ainsi que le crime de guerre. Il faudrait obtenir la permission d'interjeter appel, ce ne serait pas un droit. Mais la structure que propose le projet de loi demeurerait inchangée.

+-

    M. Steve Mahoney: Mais on ne demande pas la permission d'en appeler après l'ordonnance d'expulsion? Ce serait un appel automatique?

+-

    M. David Matas: C'est une anomalie parce que l'on peut être expulsé de diverses manières. En vertu de ce projet de loi, vous pouvez être expulsé par suite d'une procédure codifiée, et c'est un droit en vertu de ce projet de loi. Mais si le gouvernement décide d'intenter des procédures de renvoi en marge de la structure de ce projet de loi—ce qu'il a le droit de faire—alors on n'a pas automatiquement le droit d'interjeter appel devant la Cour d'appel, il faut demander la permission.

+-

    Le président: C'est ce que dit la loi existante.

+-

    M. David Matas: C'est ce que dit la loi existante, nous proposerons donc que ce projet de loi soit conforme à la loi existante et que l'on ait accès à la Cour d'appel fédérale par voie de requête, que l'on utilise ce système ou le système existant.

+-

    Le président: Anita.

+-

    Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): C'était en fait la question que je voulais poser. C'était au sujet de la codification.

    David, est-ce que votre proposition va également accélérer le processus?

À  +-(1025)  

+-

    M. David Matas: Nous pensons que si nos recommandations sont retenues, elles vont accélérer le processus parce que tout pourra alors être fait dans le cadre d'une seule procédure. Le jugement sur la fausse représentation ou le crime de guerre, la révocation et le renvoi, qui sont d'aujourd'hui trois étapes très longues, tout cela ne constituerait plus qu'une seule étape. La requête pour interjeter appel serait une seconde étape, mais elle pourrait être expédiée très rapidement si la requête est de nature frivole. Nous aboutirions par conséquent à des procédures beaucoup plus rapides.

+-

    Le président: Lynne, avez-vous une autre question?

+-

    Mme Lynne Yelich: Oui, je veux revenir à la question des adoptions.

    Vous vous êtes peut-être intéressé aux enfants, à l'adoption d'enfants, mais qu'en est-il des adultes adoptés? Qu'en sera-t-il à votre avis si l'on conserve cette disposition dans le projet de loi? Avez-vous quelque chose à dire au sujet des adultes adoptés? Étant donné qu'il s'agit d'une disposition à caractère rétroactif, croyez-vous que cela permettrait de contourner le système d'immigration?

[Français]

+-

    Me Carole Brosseau: C'est qu'en vertu des lois québécoises, une fois qu'une personne adulte est consentante, il s'agit d'un cas de consentement à l'adoption. À ce moment-là, ce n'est pas régi de la même façon. Les critères liés à l'intérêt supérieur de l'enfant ne s'appliquent pas, parce qu'il s'agit vraiment d'une notion de consentement, qui est une notion de droit civil. Je suis à peu près sûre qu'on retrouve cette même notion en common law également. Il faudrait que je vérifie; je vous le dis sous toutes réserves. C'est pour cette raison que ça ne s'applique pas de la même façon dans le cas des adultes, et c'est pour ça qu'on ne le commente pas, parce qu'il ne s'agit pas d'une application exclusive dans ce cas-là. Est-ce que ça va?

[Traduction]

+-

    Mme Lynne Yelich: Oui, c'est excellent.

    Cette disposition vise à assurer aux enfants adoptés le même traitement qui est fait aux enfants naturels. Comment peut-on critiquer cela? Que peut-on trouver à redire? Ne trouvez-vous pas injuste que les enfants adoptés ne soient pas traités de la même manière que les enfants naturels? Voilà la justification de cet article.

[Français]

+-

    Me Noël St-Pierre: Oui, absolument. Je pense qu'il faut toujours avoir en tête qu'il s'agit ici de protéger les enfants à l'extérieur. Bien sûr, il fallait éviter ou éliminer les trafics d'enfants qu'on a vus dans certains pays.

    Dans le cas du Québec, il y a une instance qui est assez efficace dans ce travail-là. Il n'y a pas de profit, par exemple, lorsqu'un enfant est adopté par cette procédure. Il faut que ce soit nécessairement une association sans but lucratif qui participe à aider les parents. Même les avocats ne peuvent faire autre chose que de demander les honoraires réguliers pour une procédure d'immigration, par exemple.

    Donc, en autant qu'on tient compte de ce problème, l'enfant devrait avoir tous les droits le plus rapidement possible et être reconnu comme citoyen canadien sans autre embûche.

+-

    M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Je demanderais à nos témoins si, à un stade ou l'autre de la préparation de ce projet de loi, leurs organisations ont été consultées par les fonctionnaires du ministère. Est-ce que vous avez eu l'occasion de faire des représentations concernant tous ces droits d'appel dont on parle ce matin et cette question de deux types de citoyenneté? Est-ce que vous avez fait ressortir ces problèmes-là, s'il y a eu consultation? S'il n'y en a pas eu, j'aimerais le savoir aussi parce que nous allons les rencontrer bientôt.

+-

    Me Carole Brosseau: Nous n'avons pas eu de discussions à cet égard avec les gens du ministère. Cependant, par délicatesse, nous avons envoyé nos interventions au ministre chaque fois que nous sommes intervenus dans le domaine de l'immigration ou dans le domaine de la citoyenneté, tout au long des différentes étapes des réformes des dernières années. Donc, ils ne peuvent pas ignorer ce qu'on a dit, puisqu'on leur a envoyé nos interventions, mais il n'y a jamais eu de discussions sur ces sujets.

+-

    Me Noël St-Pierre: J'aimerais ajouter que l'expérience des gens qui pratiquent sur le terrain est importante, selon moi. Je veux juste donner un petit exemple. L'article 16 fait mention des équipes de travail qui vont travailler dans différentes régions pour essayer de prouver devant un tribunal que quelqu'un a menti pour obtenir sa citoyenneté. À l'article 18, il est question d'un autre niveau de bureaucratie à Ottawa, qui va faire le même travail, avec un dédoublement des gens dans les régions qui vont recueillir l'information qui ira ensuite à Ottawa. Devant un tel constat, on se demande pourquoi et on se dit que c'est de l'argent perdu. Il y a une perte de droits avec l'article 18, et ce sont des choses, du point de vue pratico-pratique, qui ne sont pas nécessaires.

À  +-(1030)  

[Traduction]

+-

    Le président: Janet ou Kemi, pour la même question.

+-

    Mme Janet Dench: Le Conseil canadien pour les réfugiés n'a pas été consulté ou appelé à participer à l'élaboration du projet de loi. Bien sûr, nous avons soumis nos réflexions sur la version précédente, mais ils ne nous ont pas consultés avant de produire la dernière.

+-

    Le président: David.

+-

    M. David Matas: Il n'y a pas eu de consultations comme telles mais, comme je l'ai dit au début, le projet de loi traduit, dans une certaine mesure mais non intégralement, l'ensemble des positions que nous avons exprimées dans le passé. Aussi, je considère que, même si nous n'avons pas été consultés, nous avons été entendus, ne serait-ce que de façon imparfaite et incomplète.

+-

    M. Gordon Maynard: L'ABC n'a pas été expressément consultée avant la rédaction de ce projet de loi bien que, comme l'a dit David, c'est le troisième projet de loi à être mis de l'avant en quatre ans. On peut constater que des modifications ont été apportées qui tiennent compte des critiques que nous avons formulées des moutures précédentes. On peut voir des sections où nos positions ont été prises en compte, mais le gouvernement n'a pas pour pratique de s'asseoir avec toutes les ONG au moment de rédiger un projet de loi.

+-

    Le président: Avant d'amorcer le prochain tour, je dois dire que vous avez soulevé quelques questions. En guise de préambule, je crois que la chose la plus importante que puisse faire un pays est de conférer la citoyenneté. Il s'en suit que la chose la plus grave que puisse faire un pays, c'est de révoquer ou d'annuler cette citoyenneté, et il s'agit là de l'ultime droit d'un État. Conséquemment, en ce qui concerne les dispositions visant la révocation et l'annulation, la plupart de mes collègues seront d'accord, je crois, pour dire qu'il nous faut procéder avec beaucoup de prudence, surtout...et je pense à l'article 18, qui est relativement nouveau et qui a été évoqué par plusieurs.

    Je ne comprends pas la signification magique de cette période de cinq ans. En fait, si c'était moi, cette disposition me ferait craindre la possibilité de l'annulation. Je suppose que cela peut être fait pour des motifs très graves mais, eu égard à cette période de cinq ans, il faut soulever des questions. Puisqu'il n'y a pas de mécanisme d'appel et que l'annulation peut se fonder sur à peu près n'importe quel type de renseignement, cela devient une action politique administrative, par opposition à une action judiciaire.

    Dans certains cas, comme ceux prévus aux articles 16 et 17, il s'agit d'une action judiciaire. Dans d'autres, il s'agit d'une action administrative. C'est très décousu. Il faudra une meilleure compréhension de la situation et j'ai demandé aux autorités administratives de venir témoigner le 15 décembre. Nous voulons trouver des réponses aux questions très graves que soulèvent la révocation et l'annulation, parce que nous voulons être certains que la procédure judiciaire sera équitable et nous voulons être sûrs de bien comprendre son fonctionnement.

    Je conviens que certains aspects en ont été améliorés. C'est alambiqué et il y a des problèmes, mais il faut nous assurer que cela fonctionnera. J'ai des doutes à propos de cette période de cinq ans.

    Êtes-vous d'accord pour que le projet de loi prévoie une disposition permettant au ministre ou à une autorité désignée par le ministre d'annuler ni plus ni moins une citoyenneté qui a déjà été octroyée? Peut-être qu'il devrait être question de révocation et non d'annulation? Voilà ma première question.

    Deuxièmement, en ce qui concerne la durée de la période devant précéder la demande de citoyenneté, je dois dire que l'exigence relative à la résidence m'inquiète aussi. Qu'arrive-t-il si l'on dépasse cette règle des trois ans sur six? Dans certains cas, peut-être devrions-nous nous contenter d'exiger que, une fois qu'une personne a séjourné un minimum de 1 095 jours au pays, qu'ils aient été amassés à coup de jours entiers ou de demi-journées, que vous vous soyez absenté ou non, peu importe le critère...quelle différence cela peut-il bien faire si cela vous prend cinq ans, six ans ou dix ans pour franchir ce seuil, surtout si l'on tient compte qu'une personne peut éprouver des problèmes en raison d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire. En principe, une personne pourrait se retrouver pendant très longtemps dans l'impossibilité de présenter une demande parce qu'elle fait l'objet d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire et qu'elle doit attendre d'avoir un dossier sans tache pendant trois ans.

    Avez-vous des inquiétudes par rapport aux types de... Chose certaine, les inculpations à l'étranger me rendent nerveux. Mais qu'est-il arrivé à la présomption d'innocence? Si une personne est sous le coup d'une inculpation, cela aussi me rend nerveux.

    Nous évoluons vers un système administratif, même en ce qui concerne nos commissaires, par opposition au système judiciaire que nous avons, ou du moins quasi judiciaire, qui permettait de tenir compte des motifs humanitaires et subjectifs... J'ai entendu beaucoup de critiques à l'effet que nous avions recours à des juges, à une certaine époque, parce qu'il y avait manque d'uniformité dans les décisions. Mais l'idée n'est pas de créer un système à ce point objectif que tous les facteurs humains...

    Andrew a déjà employé un terme qui me plaît. Beaucoup de nos lois semblent déshumaniser le système, plutôt que de le rendre plus humain en veillant à ce qu'une personne puisse tenir compte de certaines circonstances exceptionnelles.

    Je sais que je m'éternise et j'ai abordé deux ou trois sujets, mais j'aimerais avoir vos réponses sur les sujets suivants: premièrement, les dispositions visant l'annulation; deuxièmement, le rôle du commissaire à la citoyenneté ou des juges que nous avons en place; et troisièmement, la résidence et les aspects découlant des déclarations de culpabilité par procédure sommaire.

    Gordon.

À  +-(1035)  

+-

    M. Gordon Maynard: Je me dois de répondre à cette question moi-même. Je peux voir l'utilité d'une disposition d'annulation qui ne prévoit pas la procédure complète de la Cour fédérale. Mais je ne suis absolument pas d'accord—ni moi, ni l'Association—pour avoir une procédure purement administrative sans arbitre indépendant, et je n'approuve pas non plus la période des cinq ans. Il est vrai que ce type de mécanisme pourrait être utile et bien adapté, mais la formule précise qui est mise de l'avant ici a besoin d'être modifiée considérablement.

    Sur la question des inculpations, les inculpations à l'étranger sont très problématiques. Dans notre mémoire, nous proposons notamment que, si les inculpations pénales au Canada ou à l'étranger interdisent l'accès à la citoyenneté, peut-être cela devrait-il être limité aux types d'inculpations suffisamment graves pour avoir une incidence sur le statut de résident permanent. Si les chefs d'inculpation ne sont pas de cette nature, pourquoi s'en inquiéter?

+-

    Le président: Oui, c'est vrai.

+-

    M. Gordon Maynard: Vous aviez ajouté un troisième point.

+-

    Le président: J'ai parlé du système quasi judiciaire en place actuellement. Celui-ci accorde une certaine marge de manoeuvre aux arbitres qui tiennent compte de ce type d'éléments subjectifs, plutôt que de trancher de façon purement administrative.

+-

    M. Gordon Maynard: Entre les projets de loi sur la citoyenneté et la Loi sur l'immigration, nous avons vu une évolution marquée vers les critères objectifs avec une réduction de la souplesse et du pouvoir discrétionnaire. Je crois que ce type de critères séduit le ministère parce qu'ils sont plus faciles à utiliser. Ils impliquent moins de main-d'oeuvre et des délais d'instance plus rapides. Le prix à payer est celui de la déshumanisation mais, en dernière analyse, ces questions sont profondément humaines. Il y va de la vie de personnes humaines, c'est pourquoi la discrétion devrait pouvoir s'exercer. Cela coûte de l'argent, mais c'est nécessaire.

+-

    Le président: David.

+-

    M. David Matas: Je vais commencer par la première question sur l'annulation. Nous prétendons que cela ne devrait pas s'y trouver, mais si vous regardez l'évolution et la finalité de la Loi sur la citoyenneté au Canada et de la Loi sur l'immigration, on peut dire qu'il y a eu une intensification de l'application régulière de la loi en fonction de la durée du séjour au pays. C'est ce qui semble être la philosophie sous-jacente du ministère dans la conception de ces diverses mesures législatives.

    Il y a lieu de se demander si c'est approprié, car très souvent, il s'agit de déterminer des droits fondamentaux et l'équité de la procédure. Les exigences en matière d'application régulière de la loi, en matière d'équité, sont des normes internationales des droits de la personne, pas uniquement des normes canadiennes. Il n'est pas nécessairement raisonnable de dire que plus vous êtes ici longtemps, plus on va vous traiter équitablement. Il faut traiter les gens équitablement à partir du moment où ils arrivent. Cette disposition portant annulation a des relents de l'ancienne procédure sur le domicile qui prévoit que l'on obtient certains droits après une résidence de cinq ans. Nous avons abrogé ces dispositions, et l'abrogation devrait être maintenue.

    Jusqu'à un certain point, il y a un lien entre l'article 18 et l'article 16. Il revient évidemment au gouvernement de dire pourquoi il a inclus l'article 18, mais je dirais que c'est notamment parce que si les gens ne sont pas ici depuis très longtemps, s'ils ont menti à l'arrivée, on devrait les renvoyer plus rapidement. L'idée de limiter l'application régulière de la loi vise à accélérer la procédure. Toutefois, si on modifie l'article 16 tel que nous le proposons afin d'accélérer les choses, on aurait moins besoin de l'article 18, on en n'en aurait peut-être pas du tout besoin. Si vous pouviez réunir en une seule procédure la révocation et l'expulsion pour fausse déclaration, comme nous le proposons à l'article 16, on réduirait la justification de l'article 18.

+-

    Le président: Janet, voulez-vous faire un commentaire? Non?

    Noël ou Carole?

[Français]

+-

    Me Noël St-Pierre: Je ne vois vraiment pas pourquoi on aurait deux procédures séparées. Si les éléments factuels sont assez clairs pour que le ministre, en vertu de l'article 18, puisse se prononcer, je pense qu'un juge pourrait le faire tout aussi rapidement, et peut-être même plus vite. D'un point de vue pragmatique, on multiplie par deux le nombre de bureaucrates qui auront à travailler là-dessus, sans parler des droits de la personne qui vivrait la procédure de l'article 18, ni des commentaires qui ont déjà été faits.

À  +-(1040)  

[Traduction]

+-

    Le président: Kemi.

+-

    Mme Kemi Jacobs: Les délais semblent arbitraires—par exemple, cinq ans, trois ans sur les derniers six, et 28 ans—cela nous préoccupe.

    Nous aimerions également faire nôtres les remarques formulées par les autres témoins au sujet des frais prélevés à l'étranger, surtout des réfugiés, compte tenu de...

+-

    Le président: Andrew avait une question, et ensuite nous passerons à Inky.

+-

    M. Andrew Telegdi: Merci, monsieur le président.

    Vous avez soulevé un point que j'aimerais reprendre. Oublions l'article 17, les criminels de guerre, les terroristes, ceux qui contreviennent aux droits de la personne. Essentiellement, l'article 16 menant à la révocation, vise ceux qui ont obtenu leur citoyenneté «par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels». Eh bien, il y a des gens au pays aujourd'hui qui sont venus disons il y a 50 ans, et qui ont prétendu avoir laissé des parents, peut-être un oncle. Plutôt qu'un ami, il aurait pu s'agir d'un oncle. Tout à coup, nous voulons nous débarrasser de cette personne, et donc nous fouillons les dossiers et c'est ce que nous trouvons.

    La difficulté pour moi, c'est que dans un tel cas, l'accusation en est une essentiellement de fraude. Or si je suis accusé de fraude aux termes du Code criminel, il y a cette présomption d'innocence dont vous avez parlé. Ça c'est en vertu du Code criminel parce que dans ce cas il y a le concept de «au-delà d'un doute raisonnable». Quand on dit «au-delà d'un doute raisonnable», il est important de noter que même cette norme est utilisée pour interjeter appel à la Cour suprême. Il s'agit d'affaires comme celles de Donald Marshall, de Guy Paul Morin, de David Milgaard et de Steven Truscott, pour lesquelles nous cherchons à obtenir réparation.

    Il est prévu à l'article 11 de la Charte que:

Tout inculpé a le droit:

(d) d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable.

    Il me semble que vu les conséquences graves si vous révoquez la citoyenneté de quelqu'un, on peut supposer que vous condamnez la personne à mort si vous la retournez dans le mauvais pays. Or ce résultat est beaucoup plus grave que celui d'une accusation de fraude aux termes du Code criminel et donc il me semble que l'on doit appliquer des normes semblables au procès, c'est-à-dire au-delà d'un doute raisonnable et non simplement «la prépondérance des probabilités».

    J'adresse cette question aux représentants de l'Association du Barreau canadien.

+-

    M. David Matas: On se fonde certainement actuellement sur la prépondérance des probabilités, mais il existe une différence entre le fardeau et la norme. Le fardeau revient à l'État dans une procédure criminelle et le fardeau revient à l'État dans une procédure de révocation. Le fardeau ne change pas tout simplement parce qu'il s'agit d'une procédure portant révocation, mais la norme de preuve est différente: «au-delà de tout doute raisonnable» plutôt que «la prépondérance des probabilités». C'est que dans un cas il s'agit d'une procédure civile et dans l'autre cas, d'une procédure criminelle. Dans ce deuxième cas, vous pouvez incarcérer quelqu'un.

    Vous présentez l'hypothèse de quelqu'un qu'on envoie à sa mort et vous dites oublions les criminels de guerre, parlons de quelqu'un qui a menti au sujet de son oncle. Dans ce cas, une personne pourrait présenter une revendication du statut de réfugié. Dans ce cas, il faut faire sa preuve, mais ce n'est pas en fonction de la prépondérance des probabilités. Il suffit de prouver qu'il s'agit d'une possibilité raisonnable. C'est beaucoup moins difficile de démontrer qu'il y a danger ou risque dans ce cas que lorsqu'il faut démontrer la prépondérance des probabilités. Je ne vois donc pas de problème dans la situation que vous avez avancée. En fait, la norme de preuve que vous courez un risque à l'étranger est beaucoup moins stricte que celle de la prépondérance des probabilités qui vous préoccupe.

+-

    Le président: Est-ce que quelqu'un d'autre veut ajouter quelque chose?

+-

    M. Gordon Maynard: Je pense que de nombreuses personnes ne vous contrediraient pas lorsque vous avancez qu'il faudrait peut-être une norme plus stricte lorsqu'il s'agit de la révocation de la citoyenneté, de la révocation de tous ces titres qui entraîne le renvoi du Canada. Mais la charte ne l'exige pas. Dans la charte, il est question d'inculpation et de procédures criminelles. Or les tribunaux ne considèrent pas que dans ce cas-ci, il s'agit de procédures criminelles. Il ne s'agit même pas de procédures civiles. Il s'agit d'une entité propre et jusqu'à présent, les tribunaux ont considéré que la norme de preuve, c'est la prépondérance des probabilités.

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Andrew demande peut-être quelle devrait être la limite. Est-ce la prépondérance des probabilités? Qui doit assumer le fardeau de la preuve? Quelle est la limite?

[Français]

+-

    Me Noël St-Pierre: Je pense que ce n'est pas nécessairement une question de faire d'autres preuves pour savoir s'il s'agit de la prépondérance des probabilités ou d'une preuve hors de tout doute. Le vrai problème est beaucoup plus d'avoir la possibilité de présenter une défense pleine et entière. Je suis tout à fait d'accord sur les remarques qui ont été faites, à savoir que, pour des raisons d'ordre politique, quelqu'un peut éplucher un dossier d'immigration vieux de 50 ans, par exemple. Je ne parle pas, et il faut que ça soit très clair, d'un criminel de guerre qui aurait caché des choses pour être admis ici. Je parle de quelqu'un qui a commis certains actes au Canada et de quelqu'un d'autre qui, pour des raisons vraiment politiques, pourrait éplucher le vieux dossier d'immigration de la première personne pour essayer de trouver une petite faille.

    D'après l'article 17, on n'a même pas accès aux éléments de preuve. C'est pour cela que nous avons cité l'arrêt dans le cas de M. Ruby. Il est très clair qu'on veut tellement protéger les sources étrangères que le seul fait de donner un résumé des éléments d'information obtenus par le gouvernement canadien dans le dossier de Clayton Ruby était vu comme quelque chose qui pouvait mettre en danger les sources. Donc, on ne saura même pas d'où viennent les renseignements qui pourraient mener à la révocation.

[Traduction]

+-

    Le président: Inky, suivi de John Bryden.

+-

    M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais en fait lire quelques extraits du projet de loi. À l'alinéa 3d), à la rubrique «Objet», on peut lire: «de réaffirmer que tous les citoyens jouissent du même statut, sans égard à la façon dont ils sont devenus citoyens». Ensuite, à l'article 12 sous la rubrique «Droits et obligations des citoyens», on peut lire:

Tous les citoyens jouissent du même statut et des mêmes droits, pouvoirs et avantages et sont assujettis aux mêmes devoirs, obligations et responsabilités, sans égard à la façon dont ils sont devenus citoyens.

    Ces deux extraits ont-ils le moindre poids à la lumière des articles 16, 17 et 18? Est-ce que cela ne vaut rien du tout? S'agit-il simplement de belles paroles?

+-

    M. Gordon Maynard: Ce sont de belles paroles.

+-

    Le président: John, je dois vous dire qu'en votre absence, Lynne a posé votre question sur le serment d'allégeance au Canada, à la Reine et à tous les autres. Je suis convaincu que c'est la question que vous souhaitez probablement poser.

+-

    Mme Lynne Yelich: J'ai dit que c'était de vous.

+-

    Le président: Oui, elle a dit que c'était de vous.

+-

    M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): J'ai quelques questions dans la même veine. Sur ce thème, je vais demander à M. Maynard si le serment de citoyenneté avait un poids légal ou moral. Est-ce que le serment a la moindre valeur sur le plan légal ou moral, tel que proposé dans la Loi concernant la citoyenneté canadienne et dans la vie des Canadiens?

+-

    M. Gordon Maynard: C'est une question très difficile que vous posez. J'ai entièrement compétence pour y répondre. Quelle est la valeur juridique et morale d'un serment? Je l'ignore. Je n'ai pas connaissance de la moindre procédure où une personne aurait été punie pour manquement au serment de citoyenneté. C'est du domaine de l'inconnu.

+-

    M. John Bryden: D'accord, je vais alors m'adresser à Mme Jacobs.

    Le serment de citoyenneté influence-t-il dans une mesure ou une autre les attentes des nouveaux arrivants au Canada?

+-

    Mme Kemi Jacobs: Je pense qu'ils ont davantage d'attentes relativement à la Charte des droits et libertés car c'est là que résident les promesses du Canada et c'est ce qui leur garantit leurs droits comme résidents du Canada. Je sais que la prestation du serment de citoyenneté, en règle générale, est un moment chargé d'émotion parce qu'on a enfin la certitude d'appartenir au pays, etc., mais la loi telle qu'elle a été modifiée n'a aucune influence ici parce que l'on ne tient pas toujours toutes les promesses qu'on a faites.

+-

    M. John Bryden: Si l'on modifiait le serment pour y inclure les divers éléments de la charte, est-ce que le serment aurait une certaine valeur, non seulement pour ceux qui demandent la citoyenneté, mais aussi pour ceux qui voient le Canada comme une terre d'asile?

+-

    Mme Kemi Jacobs: Je crois que cela définirait bien les choses, et j'aime bien qu'on définisse clairement les choses. Bien sûr, je voudrais que l'on consulte les gens pour que l'on détermine les éléments qui seraient inclus.

À  -(1050)  

+-

    M. John Bryden: Vous savez bien sûr en quoi consiste le serment maintenant, mais croyez-vous que le serment présenterait plus d'intérêt ou de valeur pour les nouveaux Canadiens si l'on modifiait le libellé, et au lieu d'avoir seulement le fait d'obéir fidèlement aux lois du pays, on aurait quelque chose comme ceci: «Je m'engage à respecter les droits et libertés de notre pays, à préserver nos valeurs démocratiques...» Non, ce n'est pas ça.

+-

    Mme Kemi Jacobs: C'est ce qui est dit maintenant.

    Des voix: Ah, ah!

+-

    M. John Bryden: C'est le serment que propose la loi, oui. Mais je vais en terminer la lecture. Le libellé actuel dit ceci:

Dorénavant, je promets fidélité et allégeance au Canada et à Sa Majesté Elisabeth deux, Reine du Canada. Je m'engage à respecter les droits et libertés de notre pays, à préserver ses valeurs démocratiques, à observer fidèlement ses lois, et à remplir les devoirs et obligations de citoyen canadien.

    Mais est-ce qu'il ne serait pas plus précis, pour un Canadien et pour quelqu'un qui aspire à la citoyenneté canadienne, de dire:

En prêtant allégeance au Canada, je prends ma place parmi les Canadiens, ce peuple uni par l'engagement solonnel qu'ils ont pris de préserver les cinq principes que voici: l'égalité des chances, la liberté d'expression, la démocratie, les droits fondamentaux de la personne et la primauté du droit.

    C'est cinq principes nous viennent directement de la charte. Pensez-vous que ce serait une amélioration?

+-

    Mme Kemi Jacobs: Ce serait une amélioration, oui. Je persiste à croire que nous devons nous interroger sur les autres éléments qui devraient y figurer, mais ce serait sûrement un pas en avant.

+-

    Le président: John, en votre absence, nous avions en fait commencé à en parler. J'ai demandé à Noël ou aux autres de composer un texte novateur, poétique, que nous pourrions y incorporer.

+-

    M. John Bryden: Je ne veux pas prendre trop de temps, mais l'autre question qui m'intéresse n'a rien à voir avec le serment, et il s'agit de la fausse déclaration. Je m'intéresse beaucoup à l'article 17, parce que mon intérêt pour la Loi concernant la citoyenneté canadienne qui est proposée n'est pas unidimensionnel, il est multidimensionnel.

    Au sujet du secret dont on veut entourer la fausse déclaration qu'on a faite au moment où l'on a demandé la citoyenneté, j'ai pensé que l'un des problèmes qui se posaient, c'était celui de la falsification des documents. Monsieur Maynard, ne croyez-vous pas que cela pourrait être justifié quand on pense que, dans le milieu terroriste, la falsification de documents est sans doute une industrie prospère? Il n'y a pas que le crime organisé qui produit de faux documents, il y a aussi les organisations terroristes. Est-ce qu'il n'est donc pas justifié de préserver le caractère secret de ce type d'information dans le cadre des procédures?

+-

    M. Gordon Maynard: La question est toujours de savoir quel genre de preuve, dans l'intérêt supérieur de la sécurité nationale ou pour la protection de la vie d'autrui, il ne faut pas révéler à la personne, tout en pouvant s'en servir tout de même pour intenter des procédures contre elle. Décision qui peut être extrêmement difficile. Le risque, c'est que parfois le pendule oscille dans une direction qui nous éloigne beaucoup trop de la protection des droits et libertés individuelles parce que l'intérêt de l'État le commande. Je crois que le pendule oscille dans cette direction maintenant. J'ai beaucoup de mal à croire ceux qui disent qu'il est impossible d'instruire un procès contre une personne pour fausse déclaration sans lui cacher des preuves. J'ai du mal à croire que ce sera nécessaire un jour.

-

    Le président: Merci, John. Je dois mettre fin à la séance parce qu'il y a quelqu'un d'autre qui va venir.

    Je pense que John a posé une question fondamentale. Ce pendule va-t-il trop loin? Personnellement, j'en ai plus qu'assez de n'entendre parler que de terrorisme et non de droits individuels. Je croyais que ce sont ces droits qui font notre pays et c'est de cela dont il est question dans le serment d'allégeance que propose John, mais nous allons peut-être discuter de cela, non pas seulement en ce qui concerne ce projet de loi-ci, mais aussi, ce qui est plus important, en ce qui concerne la carte d'identité nationale, projet que nous allons étudier un jour prochain. J'ai la certitude que vous aurez tous beaucoup de choses à dire lorsque nous poserons cette question.

    Chers collègues, je vous rappelle seulement que nous devons recevoir une délégation suédoise qui veut savoir comment nous arrivons à faire un si beau travail dans notre pays en ce qui concerne la sécurité et l'immigration. La délégation sera ici lundi, entre 16 heures et 17 heures. Nous allons aussi déposer notre rapport sur les accords avec les pays tiers mardi matin.

    Je remercie encore nos invités pour leur beau travail. Merci beaucoup.

    La séance est levée.