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TRGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des transports et des opérations gouvernementales


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 25 avril 2002




Á 1105
V         Le président (M. Ovid Jackson (Bruce--Grey--Owen Sound, Lib.))
V         

Á 1110

Á 1115
V         Le président
V         M. Dave Tilley (représentant national, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile)

Á 1120
V         Le président
V         M. Peter Turner (témoignage à titre personnel)

Á 1125
V         Le président
V         
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Jim Facette (directeur, Secteur de la construction des routes et des grands travaux, Association canadienne de la construction)
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Jim Facette
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Jim Facette
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Jim Facette
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Jim Facette
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Jim Facette
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Jim Facette
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais

Á 1130
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais

Á 1135
V         M. Barry Brown
V         M. Jim Facette
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Jim Facette
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Jim Facette
V         Mme Bev Desjarlais
V         Le président
V         M. André Harvey (Chicoutimi--Le Fjord, Lib.)
V         M. Peter Turner
V         Le président
V         

Á 1140
V         M. Barry Brown
V         Mr. Marcel Proulx
V         M. Barry Brown
V         Mr. Marcel Proulx
V         M. Barry Brown
V         M. Jim Facette
V         Le président
V         M. Mario Laframboise (Argenteuil--Papineau--Mirabel, BQ)

Á 1145
V         M. Dave Tilley
V         M. Mario Laframboise
V         M. Dave Tilley

Á 1150
V         M. Mario Laframboise
V         M. Dave Tilley
V         M. Mario Laframboise
V         M. Jim Facette

Á 1155
V         M. Mario Laframboise
V         M. Barry Brown
V         M. Mario Laframboise
V         M. Jim Facette
V         M. Mario Laframboise
V         M. Peter Turner

 1200
V         Le président
V         M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)
V         M. Peter Turner
V         M. Paul Szabo
V         M. Peter Turner
V         M. Paul Szabo
V         M. Peter Turner
V         M. Paul Szabo
V         M. Peter Turner
V         M. Paul Szabo
V         M. Peter Turner
V         M. Paul Szabo
V         M. Peter Turner
V         M. Paul Szabo
V         M. Peter Turner
V         M. Paul Szabo
V         M. Peter Turner

 1205
V         M. Paul Szabo
V         Peter Turner
V         M. Paul Szabo
V         M. Dave Tilley
V         M. Paul Szabo
V         M. Dave Tilley
V         M. Peter Turner
V         M. Paul Szabo
V         M. Peter Turner
V         M. Dave Tilley
V         M. Paul Szabo
V         Le président
V         M. Alex Shepherd (Durham, Lib.)
V         M. Peter Turner

 1210
V         M. Alex Shepherd
V         M. Barry Brown
V         M. Alex Shepherd
V         M. Barry Brown
V         M. Alex Shepherd
V         M. Barry Brown
V         M. Alex Shepherd

 1215
V         M. Barry Brown
V         M. Alex Shepherd
V         M. Peter Turner
V         M. Barry Brown
V         M. Alex Shepherd
V         M. Barry Brown
V         Le président
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais

 1220
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Barry Brown
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Jim Facette
V         Mme Bev Desjarlais
V         
V         M. Mario Laframboise
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. Mario Laframboise

 1225
V         
V         M. Mario Laframboise

 1230
V         M. Len Poirier
V         
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. Nigel Cave
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. Peter Turner
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. Peter Turner
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. Alex Shepherd
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)

 1235
V         M. Len Poirier
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. Peter Turner
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)










CANADA

Comité permanent des transports et des opérations gouvernementales


NUMÉRO 061 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 avril 2002

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Ovid Jackson (Bruce--Grey--Owen Sound, Lib.)): La séance est ouverte.

    Conformément à l'article 108(2), nous examinons les heures de service des conducteurs de véhicules commerciaux et les problèmes relatifs aux mouvements transfrontaliers et leur incidence sur l'industrie canadienne du transport routier.

    Nous accueillons ce matin Jim Facette et Barry Brown, de l'Association canadienne de la construction, ainsi que Dave Tilley, Len Poirier et Nigel Cave du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile et, enfin, Peter Turner, qui témoignera à titre personnel.

    Bienvenue, messieurs. Vous connaissez l'histoire, alors allez-y avec vos dissertations. Merci.

+-

    M. Barry Brown (président du Conseil d'administration, Association canadienne de la construction): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Merci de l'occasion qui nous est ici donnée aujourd'hui de contribuer à votre examen des règles régissant les heures de service des conducteurs de véhicules commerciaux.

    Je m'appelle Barry Brown, je suis président de l'Association canadienne de la construction et je gagne ma vie dans l'industrie de la construction lourde et de la construction routière. Ma société s'appelle Maple Leaf Construction, et elle a son siège à Winnipeg, au Manitoba.

    Avant de commencer mon exposé, monsieur le président, je tiens à souligner qu'il me faudra peut-être partir un peu plus tôt que je ne l'aurais souhaité car j'ai une autre réunion.

    Je vais commencer par vous décrire qui représente l'Association canadienne de la construction, pour ensuite vous expliquer l'incidence que pourraient selon nous avoir les changements envisagés quant aux heures de service des conducteurs de véhicules commerciaux sur notre industrie, soit le secteur de la construction routière et lourde.

    L'Association canadienne de la construction représente les intérêts de l'industrie de la construction non résidentielle, la plus grosse industrie au pays, qui emploie plus de 860 000 personnes et produit des biens et des services d'une valeur de 134 milliards de dollars. L'industrie de la construction non résidentielle compte pour 51 p. 100 de l'industrie totale de la construction au Canada.

    Nous avons quatre secteurs: la communauté des entrepreneurs généraux, les métiers spécialisés, le secteur de la construction de routes et de la construction lourde, et le secteur des produits et services.

    C'est le secteur de la construction routière et lourde qui sera le plus touché par les changements proposés au règlement en matière d'heures de service. C'est ce secteur qui utilise les camions lourds pour transporter les matériaux, qu'il s'agisse de béton, d'asphalte, de granulats, de terre, de matériel lourd, de fournitures de construction ou de véhicules devant servir à l'entretien et à la réparation de la machinerie.

    Le règlement en matière d'heures de service des conducteurs de véhicules commerciaux, publié en 1994 et adopté par la suite par les gouvernements provinciaux, avec certaines variantes néanmoins, définit les véhicules commerciaux comme englobant «camions, tracteurs ou camions-remorques, ou toute combinaison de ces éléments ayant un poids brut enregistré de plus de 4 500 kilos». En d'autres termes, tout véhicule commercial immatriculé, utilisé dans notre industrie et pesant plus de 4 500 kilogrammes est assujetti à ces règles.

    Pour vous donner des exemples, un camion-benne vide typique pèsera entre 10 et 12 tonnes métriques, un camion-benne à essieu triple pèsera jusqu'à 36 tonnes métriques et un véhicule de service typique utilisé dans notre industrie pèsera entre 3 et 6 tonnes métriques, et penchera vraisemblablement plus près de la limite supérieure.

    Ces exemples n'englobent pas les camions que nous utilisons pour transporter le matériel—remorques surbaissées, remorques-plateaux et porte-engins. Leur poids dépendra de la charge qu'ils transportent, du genre de matériel dont il s'agit.

    Je suis certain que vous voyez maintenant de quelle façon ces règles s'appliquent à notre industrie. L'aspect le plus important pour toute entreprise de construction, c'est la sécurité. Nous prenons la sécurité très au sérieux. Tout comme une entreprise pétrolière ou gazière, si nous ne prenons pas la sécurité au sérieux, les gens se feront tuer et nous ne serons plus en activité. Toutes les provinces du Canada ont une association qui s'occupe de questions de sécurité. Nous offrons à nos employés une formation en sécurité sur le chantier et nous mettons sans cesse à jour nos méthodes.

    Nos dossiers en matière de sécurité sont contrôlés et louangés par les gouvernements. Nous sommes très fiers de notre engagement et de nos réalisations en vue de faire de nos chantiers des lieux de travail sûrs pour tout le monde.

    Les changements proposés ne portent que sur les heures de travail des conducteurs—ce qui constitue une journée et autres questions connexes. Il n' a été recommandé aucun changement applicable aux exemptions, permis ou définition de ce qu'est un véhicule commercial.

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membre du comité, l'Association canadienne de la construction demande que le comité recommande au ministre des Transports que l'industrie de la construction soit exemptée des dispositions en matière de limite quotidienne et de plafond hebdomadaire énoncées dans le règlement.

    Il existe selon nous trois raisons pour lesquelles notre demande pourrait nous être accordée. Premièrement, les conducteurs de véhicules de service pour puits de pétrole sont à l'heure actuelle exemptés des dispositions en matière de limite quotidienne et de plafond hebdomadaire. Le règlement prévoit la délivrance de permis aux véhicules motorisés les autorisant à dépasser les limites de période de conduite et les durées de service effectives, à condition que le transporteur et «le conducteur employé ou autrement engagé par le transporteur» se plient aux conditions énoncées dans le permis.

    La durée du permis ne peut pas dépasser un an et doit préciser le temps de conduire et la durée de service cumulatif qu'un conducteur employé ou autrement engagé par le transporteur auquel le permis a été délivré est autorisé à passer au volant du véhicule, et ces durées ne peuvent pas dépasser 15 heures de conduite après au moins huit heures consécutives de période libre, 18 heures de temps de service après au moins huit heures consécutives de temps libre, et 70 heures de durée de service pendant une période de sept jours consécutifs.

Á  +-(1110)  

    Un transporteur qui détient un permis doit, tous les six mois après la date d'émission du permis, fournir à l'organe de réglementation copie des carnets de route quotidiens des conducteurs ainsi que tous les documents d'appui et la liste des accidents de tout conducteur employé ou engagé autrement par le transporteur.

    Ce permis, communément appelé permis d'exemption pour champ pétrolifère, exempte le conducteur des véhicules de service de puits de pétrole des dispositions en matière de limite quotidienne et de plafond hebdomadaire du règlement.

    L'industrie de la construction est prête à accepter un ensemble négocié de conditions d'émission des permis d'exemption. Ces conditions devraient reconnaître le caractère particulier de l'industrie de la construction. Nous sommes toujours prêts à travailler avec les autorités appropriées pour veiller à ce que les conducteurs de camion de la construction satisfassent toutes les normes de formation nécessaire.

    Par exemple, les entreprises qui exploitent des véhicules de service de champ de pétrole visés par le permis d'exemption doivent offrir des programmes de gestion de la fatigue. Ce concept n'est pas nouveau pour l'industrie de la construction. L'an dernier, notre industrie a travaillé activement avec la province de l'Alberta à l'élaboration de cette exigence en matière de programme de gestion de la fatigue. L'objet du programme est de veiller à ce que les cadres, les surveillants et les employés comprennent ce qu'est la fatigue et l'incidence que peuvent avoir des heures de travail prolongées plusieurs jours de suite sur le plan de la fatigue et prennent des mesures proactives de limitation de la fatigue des travailleurs.

    Étant donné la nature même de son travail, l'industrie de la construction routière et de la construction lourde doit prolonger les heures de travail de ses employés. L'Alberta a été le chef de file quant à l'exigence qu'une formation adéquate soit donnée aux employés.

    La deuxième option, pour ce qui est de l'exemption que nous demandons, serait d'augmenter la limite de poids à partir de laquelle le règlement prendrait effet pour les véhicules considérés comme étant principalement utilisés pour la construction.

    La troisième et meilleure option, selon nous, serait qu'étant donné la nature de notre industrie, notre exposition aux aléas de la météo—étant donné que notre industrie ne fonctionne en gros que six mois par an et que nos employés et travailleurs sont au chômage pour les six mois restants—les véhicules immatriculés utilisés dans la construction ne soient pas, je répète ne soient pas, assujettis à ces règles.

    Ainsi, les véhicules de la construction seraient traités de la même façon que les autobus utilisés pour le transport urbain, c'est-à-dire seraient traités comme l'un des véhicules non commerciaux. Les services d'autobus de transport en commun, comme OC Transpo, ici à Ottawa, ne sont pas assujettis aux règles en matière d'heures de service des conducteurs de véhicules commerciaux.

    Les changements proposés que vous êtes en train d'examiner ne font aucunement mention d'un réexamen des catégories de conducteurs devant être visées par le règlement. Ces changements ne traitent que des périodes de repos, des périodes de conduite et des délais devant intervenir entre ces périodes.

    Il n'est pas requis que le conducteur qui conduit continuellement un autobus de transport en commun rempli de passagers soit assujetti aux mêmes règles que le conducteur de la construction au volant d'un camion-benne vide et qui ne conduit pas continuellement.

    Cette dernière proposition, soit que nos véhicules soient traités comme les véhicules non commerciaux conformément aux définitions énoncées dans le règlement, serait notre option préférée.

    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je tiens à ce qu'il n'y ait aucun malentendu. Nous sommes engagés à l'égard de la sécurité. Si ce n'était pas le cas, des gens mourraient. La construction, et tout particulièrement la construction routière et la construction lourde, dépendent du temps qu'il fait. Malheureusement, la saison de la construction est très courte. La limitation des heures de travail des conducteurs est une grave entrave à l'activité de notre industrie, qui doit terminer ses travaux dans les délais imposés et composer avec les conditions climatiques. S'il y a deux ou trois jours de pluie et que le travail doit être terminé, il nous faut continuer.

    Les changements proposés entraveraient sérieusement notre capacité de faire notre travail et, dans la plupart des cas, rendraient cela impossible. L'Association canadienne de la construction demande que le comité non seulement examine la question mais recommande que les véhicules de la construction soient traités à la manière des véhicules non commerciaux.

    Merci de m'avoir entendu. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Á  +-(1115)  

+-

    Le président: Merci, Barry. Nous allons maintenant entendre l'exposé de TCA.

+-

    M. Dave Tilley (représentant national, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Merci de l'occasion qui m'est ici donnée de comparaître devant vous aujourd'hui.

    Je m'appelle Dave Tilley et je suis un représentant national du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile.

    Je suis aujourd'hui accompagné de Len Poirier, président de la section locale 4268 et président du Conseil du transport routier de TCA-Canada. Le Conseil regroupe les syndicats locaux canadiens dont les membres oeuvrent dans l'industrie du transport routier, et il s'intéresse et au camionnage et au transport par autocar.

    Est également présent aujourd'hui Nigel Cave, président d'unité à la section locale 4268. Il est également conducteur.

    Même si notre mémoire, que nous avons déposé plus tôt auprès du comité, aborde diverses questions, nous allons aujourd'hui nous concentrer sur quelques-unes seulement d'entre elles.

    Il apparaît clairement que le transport routier joue un rôle extrêmement important dans l'économie du pays. Le transport transfrontalier des marchandises dans l'axe nord-sud est devenu plus important que le transport interprovincial des marchandises. Le commerce international, qui repose sur le camionnage, est essentiel. En guise d'illustration de cela, je vous rapporterai que l'honorable David Collennette a déclaré que le point de passage Detroit-Windsor est le lien économique le plus important entre le Canada et les États-Unis. D'autre part, M. Jim Steele, de la Federal Highway Administration des États-Unis, a dit que les réseaux de transport des États-Unis et du Canada doivent travailler conjointement pour assurer la prospérité économique des deux pays. Ces deux déclarations portent sur la sécurité routière et le transport, mais elles devraient également englober la sécurité publique.

    À une époque, le nombre d'heures de service était le même aux États-Unis et au Canada. La seule différence entre les deux pays résidait dans le fait que le carnet de route n'était pas exigé au Canada. Nous sommes passés à 13 heures de conduite avec deux heures de service supplémentaires par jour, avec un cycle de travail hebdomadaire de 60 à 70 heures et la tenue obligatoire d'un carnet de route. L'on cherche désormais à creuser davantage l'écart entre nous et notre principal partenaire commercial en augmentant le nombre d'heures de conduite et en raccourcissant la période de repos. Il faudrait envisager de ramener le nombre maximal d'heures de conduite à 12 heures par jour.

    En vertu des règles actuelles qui autorisent 13 heures de conduite et deux heures de service supplémentaires, un conducteur ne peut consacrer que très peu de temps à sa vie familiale pendant la semaine de travail. S'il assure le cycle complet, ce que bon nombre de camionneurs font, il ne lui reste plus de temps pour sa vie familiale, puisque les huit heures de repos sont dans bien des cas consacrées à voyager entre le lieu de travail et la maison ainsi qu'à dormir.

    La plupart des conducteurs ont accepté qu'au cours de la semaine de travail ils travailleront et dormiront sans pouvoir faire beaucoup plus. Les camionneurs ont hâte à la fin de semaine et planifient tout en fonction de cette période où ils jouiront de 48 heures de repos. Ils ont accepté également que ces «fins de semaine» ne tomberont pas nécessairement le samedi et le dimanche. Quoi qu'il en soit, ce sont 48 heures de temps de loisirs qu'ils peuvent utiliser pour combler leur retard de sommeil et mener enfin une vie familiale.

    Il arrive trop souvent qu'on ne tienne malheureusement pas compte de la vie familiale, alors qu'il faudrait le faire puisque cet aspect est aussi important que la sécurité. Les camionneurs ont besoin de deux nuits complètes à la maison pour combler leur retard de sommeil et de vie familiale, et les deux choses sont tout aussi importantes l'une que l'autre.

    Selon les TCA, la période de repos doit équivaloir à au moins 48 heures à la fin d'un cycle.

    J'aimerais également aborder la question du carnet de route. Depuis de nombreuses années, cette méthode permet de consigner les heures de service et les heures de repos. Les camionneurs ont cependant appris à tricher sur leur carnet de route. Les progrès technologiques nous ont donné des dispositifs d'enregistrement électronique à bord, que l'on appelle communément les boîtes noires. Certains transporteurs se sont déjà rendu compte de la valeur de ces outils technologiques et les ont fait installer à bord de leur parc de véhicules.

    Selon les TCA, il faudrait mettre en oeuvre progressivement ces dispositifs d'enregistrement électronique, quel que soit le nombre réglementaire d'heures de service.

    Enfin, notre syndicat est affilié à la Fédération internationale des ouvriers du transport, qui regroupe des centaines de syndicats de différents pays. Cela fait de nombreuses années que la Fédération mène une campagne contre la fatigue du conducteur. Notre syndicat y participe chaque année en distribuant des dépliants aux relais-routiers et en parlant avec les conducteurs de la question de la fatigue. Le message des conducteurs est clair: plus vous conduisez, moins vous êtes vigilant.

    Les 9 et 10 avril dernier nous avons assisté, au Royaume-Uni, à la réunion du Comité directeur du transport routier de la Fédération. Les participants venaient d'Europe, ainsi que d'Afrique, d'Amérique du Sud et d'Inde. Je peux vous assurer qu'ils étaient sidérés par le nombre réglementaire d'heures de service au Canada et surtout par le fait qu'on souhaitait l'augmenter encore. La plupart des conducteurs dans ces pays travaillent neuf heures par jour, pour une semaine de 45 ou de 48 heures.

    De toute évidence, il ne faut pas augmenter le nombre d'heures de service. Les camionneurs doivent être payés pour toutes les heures travaillées.

    Aujourd'hui, de plus en plus d'employeurs versent un montant forfaitaire pour certaines tâches, notamment le franchissement des frontières et l'attente d'un chargement. Lorsqu'un conducteur reçoit le même montant d'argent pour attendre une heure ou trois heures, peu ou point de choses l'incitent à circuler. Augmenter le nombre d'heures de service ne ferait qu'aggraver le problème.

Á  +-(1120)  

    Aujourd'hui, les conducteurs n'ont pas besoin de passer plus d'heures au volant et moins d'heures à la maison. Il leur faut le contraire: davantage d'heures à la maison et moins d'heures au volant. Si nous avançons sur cette voie, nous favoriserons la productivité au sein de l'industrie et la sécurité sur les routes. Merci.

+-

    Le président: Nous allons maintenant entendre Peter Turner, qui comparaît à titre personnel.

+-

    M. Peter Turner (témoignage à titre personnel): Bonjour. Merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous.

    Je suis un ancien conducteur, qui, après 22 ans dans la profession, l'ai quittée à cause de la faiblesse de mon revenu et de conditions de travail qui mettaient en péril ma santé et ma sécurité ainsi que la sécurité des autres usagers du réseau routier. Mes collègues, amis et famille sont toujours actifs dans le secteur et ont donc peur de prendre la parole, mais moi je le peux sans crainte de répercussions économiques de la part des sociétés de camionnage.

    Au cours des 15 dernières années, l'industrie du camionnage a, dans le but d'être concurrentielle à l'interne, dégraissé jusqu'à l'os. Cela s'est fait sur le dos des conducteurs. C'est l'industrie elle-même qui a créé cette situation pitoyable. Les gens qui souffrent sont les voituriers-remorqueurs, les conducteurs et leurs familles, qui reçoivent trop peu d'argent pour beaucoup trop de travail. En tant que propriétaire-exploitant, je n'avais d'autre choix que de me pousser de plus en plus afin de pouvoir payer mes factures. En bout de ligne, je ne parvenais plus à dormir, je mangeais mal et je m'épuisais. Je devenais un danger pour le public, pour moi-même et pour ma famille.

    J'ai maintes et maintes fois entendu la même histoire de la bouche de conducteurs qui sont tenus en otage par ces compagnies qui pensent que si elles vous soumettent par la faim, il vous faudra enfreindre la loi pour survivre. Bien sûr, si l'on vous prend en train de faire un trop grand nombre d'heures, la compagnie ne s'attend pas à en assumer la moindre responsabilité.

    Voici certaines des choses pour lesquelles les conducteurs ne sont typiquement pas payés: les attentes pour recevoir le chargement, la traversée des frontières, le chargement, le déchargement, les retards dus au mauvais temps, les retards dus à la circulation, la paperasse exigée par l'employeur, les changements de remorques, les bris mécaniques et les inspections. L'on s'attend à ce que les conducteurs de camion fassent toutes ces choses pour rien.

    L'industrie doit commencer à assumer la responsabilité pour la situation épouvantable qu'elle a créée. L'ajout de plus d'heures à la charge de travail des chauffeurs de camion et d'autobus ne fera qu'aggraver encore le problème. Si vous surchargez vos employés, il y aura beaucoup de mécontents. Des erreurs se produiront. C'est une chose de s'endormir à son bureau et de se retrouver avec une bosse sur le front. C'est tout à fait autre chose de s'endormir au volant d'un camion de 130 000 livres. Quelqu'un pourrait être tué.

    J'ai discuté avec des chauffeurs de camion de partout en Ontario. J'ai discuté avec plus de 800 conducteurs qui ont signé la pétition que je distribue dans les relais-routiers. Il y en a chaque jour davantage qui y apposent leur signature. Ils disent qu'une semaine de travail de 84 heures avec un jour de repos leur imposera davantage d'heures de travail que ce qu'ils tolèrent déjà aujourd'hui. Ils refusent la semaine de travail de 84 heures. Ils me disent qu'ils préféreraient avoir plus d'argent que plus d'heures.

    Les conducteurs au Canada veulent établir des records mondiaux dans les sports olympiques, et non pas dans les heures de travail qu'il leur faudra assurer. Les règles proposées pour le Canada en matière d'heures de travail ne feront certainement rien pour améliorer la qualité de vie des conducteurs.

    La pause de 36 heures est pathétique. On accorde généralement aux camionneurs 36 heures, alors qu'une fin de semaine normale compte 64 heures de répit. Je sais d'expérience que des fois même trois jours de repos n'étaient pas suffisants pour me remettre de la fatigue cumulative d'une semaine de travail de 60 heures. J'ai discuté avec des camionneurs qui ont entre un an et 20 ans d'expérience. Ils conviennent qu'ils ne pourraient pas fonctionner en toute sécurité dans un tel régime 50 semaines par an. Des camionneurs m'ont dit que le premier jour ils ne font rien. Le deuxième jour, ils commencent à réintégrer la vie normale. Le troisième jour, il leur faut commencer à se préparer à retourner au travail. Avec la plage de 36 heures, vous obligerez les conducteurs à faire tout cela en l'espace d'une seule journée. Comment un camionneur est-il censé pouvoir s'occuper de sa famille et conduire son camion avec un seul jour de répit?

    J'ai quitté le camionnage parce que j'étais toujours à moitié endormi. Je me souviens tout particulièrement d'un voyage que j'ai fait avec ma femme et un chargement de 44 000 livres d'acier inoxydable à destination d'Ocala, en Floride. C'était une belle journée ensoleillée et nous venions d'entrer en Floride. Tout d'un coup, j'ai senti ma femme tirer sur ma manche et appeler mon nom. Je m'étais endormi. Je n'avais pas senti cela venir. Si elle n'avait pas été là et si elle n'avait pas réagi aussi rapidement, je ne serais pas ici aujourd'hui devant vous.

Á  +-(1125)  

    Cela arrive beaucoup trop souvent aux conducteurs. Au fil des ans, j'ai vu des camionneurs faire des choses complètement stupides. Mais je comprends aujourd'hui que la plupart de ces conducteurs étaient si fatigués qu'ils n'arrivaient même plus à penser.

    Comme je l'ai déjà dit par le passé, les seules personnes qui souhaiteraient voir instaurer la semaine de 84 heures pour les camionneurs sont ceux et celles qui ne sillonnent pas les autoroutes et qui ne conduisent pas pour gagner leur vie. Aux États-Unis, ils ont adopté la semaine de travail de 60 heures. Pour les camionneurs en Europe, c'est encore moins.

    Les camionneurs canadiens sont-ils censés être surhumains ou bien nous dirigeons-nous vers un super-cauchemar sur nos routes? Qui va accepter la responsabilité pour toutes les tragédies qui vont survenir si cette proposition est adoptée?

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant entamer la période de questions, et c'est Bev Desjarlais, du NPD, qui va commencer.

+-

    Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur Brown, vous avez mentionné les conducteurs d'OC Transpo et le fait qu'ils ne soient pas assujettis à des limites étant donné qu'ils ne sont pas considérés...

    M. Barry Brown: Les chauffeurs d'autobus.

    Mme Bev Desjarlais: Oui, les chauffeurs d'autobus, parce que les autobus ne sont pas considérés comme étant des véhicules commerciaux. Savez-vous pendant combien d'heures ils sont autorisés à conduire?

+-

    M. Barry Brown: Non, je ne le sais pas.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Il serait parfaitement raisonnable de penser qu'ils conduisent huit heures par jour, n'est-ce pas?

+-

    M. Jim Facette (directeur, Secteur de la construction des routes et des grands travaux, Association canadienne de la construction): Si vous permettez, monsieur le président, je pourrai tenter de répondre à cette question.

    Il y a eu un rapport récemment, ici dans la municipalité d'Ottawa. Comme vous le savez, la ville doit faire rapport sur tous les employés sur sa liste de paye qui gagnent plus de 100 000 $. Je pense qu'il y avait au moins deux conducteurs d'OC Transpo qui gagnaient plus de 100 000 $. Il faudrait beaucoup d'heures à raison de... Je ne sais pas, mais s'ils sont payés entre 14 $ et 18 $ de l'heure...

+-

    Mme Bev Desjarlais: D'accord, donc deux chauffeurs...

    M. Jim Facette: Ont gagné plus de 100 000 $.

    Mme Bev Desjarlais: ...ont gagné plus de 100 000 $.

+-

    M. Jim Facette: Cela fait beaucoup d'heures. La charge typique pour les autobus urbains doit sans doute tourner autour de 40 heures, mais ces conducteurs conduisent toute la journée.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Êtes-vous certain qu'ils conduisent toute la journée, sans pause? Ils n'ont pas de pause-déjeuner. Ils n'ont pas de pause-rafraîchissement ou de pause-repos. Et sur l'ensemble des conducteurs d'OC Transpo, il y en a deux qui gagne plus de 100 000 $. Connaissez-vous leur rémunération horaire?

+-

    M. Jim Facette: Cela varie, en fonction de l'ancienneté.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Connaissez-vous leur rémunération horaire?

+-

    M. Jim Facette: Non, pas exactement.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Savez-vous où commence l'échelle et quelle est la rémunération maximale?

+-

    M. Jim Facette: Non.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Très bien. Que vous disiez que du simple fait qu'ils aient gagné 100 000 $, ils ont manifestement conduit pendant de longues heures relève de la pure spéculation.

+-

    M. Jim Facette: Non. Si...

+-

    Mme Bev Desjarlais: Connaissez-vous le taux de rémunération le plus bas et le taux le plus élevé?

+-

    M. Jim Facette: Non.

+-

    Mme Bev Desjarlais: En réalité, donc, c'est de la pure spéculation à partir du fait que deux conducteurs sur l'ensemble ont gagné plus de 100 000 $.

    Pour ce qui est d'une éventuelle exemption pour l'industrie de la construction, semblable à l'exemption pour les champs pétrolifères, l'exemption pour les puits de pétrole s'applique-t-elle à tous les conducteurs qui prennent la Transcanadienne, qui sillonnent les routes du pays? À qui cela s'applique-t-il?

+-

    M. Barry Brown: En gros, cela vise les conducteurs qui vont ramasser un chargement aux puits de pétrole et qui les desservent. Ce n'est pas cela à 100 p. 100, mais le gros de ces déplacements se font, dirais-je, «à l'intérieur de la province». Le ramassage et la livraison se feraient donc en Alberta. De rares fois, le conducteur traversera la frontière, mais ce ne sont pas ce que j'appellerais des transporteurs par autoroute ou sur longues distances.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Oui. Comme vous le disiez, ils conduisent généralement le camion de l'endroit où ils ramassent le pétrole à un point central de déchargement. D'après ce que je vois, donc, ce n'est pas comme s'ils passaient le gros de leur temps sur la grand route. Ils circulent sur des routes secondaires.

+-

    M. Barry Brown: Je suis d'accord avec vous là-dessus. Et c'est la même chose que pour les gens de la construction. Nous ne parlons pas ici de personnes qui traversent plusieurs provinces. En règle générale, les déplacements se font à l'intérieur d'une même province.

+-

    Mme Bev Desjarlais: D'accord, mais je veux parler ici des distances parcourues en vertu de l'exemption pour les puits de pétrole. Ces conducteurs ne vont pas du sud de l'Alberta à Edmonton, par exemple.

Á  +-(1130)  

+-

    M. Barry Brown: Pas en règle générale, il me semble, mais ce n'est pas le cas non plus des gens de la construction. Bien des fois, un long voyage pour nous fera 50 ou 60 milles. Pour nous, c'est long. Les voyages normaux font 10, 20 ou 30 milles.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Les camionneurs visés par l'exemption pour les puits de pétrole conduisent-ils dans des zones très peuplées comme les centres urbains, sur la 401, par exemple?

+-

    M. Barry Brown: Peut-être, peut-être pas; je ne sais pas. Je ne sais pas où ils prennent leur chargement et où ils vont, alors je ne peux pas répondre à cette question.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Les camionneurs dans l'industrie de la construction... et je pose mes questions à vous en premier parce que je sais qu'il vous faut partir plus tôt...

    M. Barry Brown: J'apprécie cela.

    Mme Bev Desjarlais: ...et je tiens à ce que vous ayez l'occasion de participer. Je suis la seule députée de l'opposition qui ait jugé la question suffisamment importante pour venir ici, vu que nous avions décidé de tenir les réunions à Ottawa afin de permettre à tout le monde d'y assister.

    Une voix: Étant donné que l'Alliance ne voulait pas voyager.

    Mme Bev Desjarlais: Exactement, étant donné que l'Alliance ne voulait pas voyager.

    Je sais que j'aurai l'occasion de poser des questions aux autres témoins également.

    Pour ce qui est du nombre d'heures que les travailleurs de la construction passeraient au volant, quelle serait selon vous la moyenne quotidienne?

+-

    M. Barry Brown: Cela varierait, mais je dirais que dans l'industrie de la construction, et je parle ici des grands travaux de génie civil, les conducteurs feraient vraisemblablement en règle générale une journée de 13 heures.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Si c'est là la norme... pourquoi pensez-vous qu'il faille une exemption? Vous avez parlé de 15 heures avec 8 heures de repos, 70 heures par semaine, n'est-ce pas?

+-

    M. Barry Brown: Une partie du problème est que nous dépendons très largement du temps. S'il y a deux ou trois jours de pluie et que les gens ne travaillent pas, et que nous avons un délai pour terminer le travail, nous pourrions faire sept ou huit jours d'affilée.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Ces sept ou huit jours seraient des journées de 13 heures…

    M. Barry Brown: Oui.

    Mme Bev Desjarlais: …ou bien feriez-vous des journées plus longues?

+-

    M. Barry Brown: Parfois, cela dépend, mais il y aurait peut-être 13 heures par jour pendant trois ou quatre jours puis, si l'on arrive à la fin du travail ou si du mauvais temps menace, ou autre chose, on pourrait passer à 15 heures par jour. Si du matériel tombe en panne et que tout s'arrête et qu'il y a toutes sortes de personnes qui attendent, dès que la machine est réparée, l'équipe ira finir le travail. Il est donc presque impossible de fixer un horaire.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Cela vous arrive-t-il de dépasser 16 ou 18 heures par jour?

+-

    M. Barry Brown: Cela est-il arrivé? Je dirais que oui, probablement. Puis-je affirmer cela avec certitude? Non, mais je suppose que cela doit arriver.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Très bien.

    Comment vous sentiriez-vous si vous-même ou un parent se retrouvait à l'hôpital et que vous écoutiez tout le monde parler; le chirurgien sort en courant de la salle d'opération, votre parent doit y aller, et quelqu'un dit «il faudrait vraiment qu'il rentre chez lui se reposer; cela fait 16 heures qu'il est debout»? Comment vous sentiriez-vous face à l'idée que cette personne s'occupe de votre parent et l'opère?

+-

    M. Barry Brown: J'espérerais qu'elle soit suffisamment en forme pour faire le travail.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Est-ce que vous vous croiseriez les doigts, réciteriez une petite prière et espéreriez le meilleur résultat possible?

+-

    M. Barry Brown: Je ne suis pas certain que je ferais cela, mais je pense que je vérifierais si elle était suffisamment en forme pour opérer.

    Mais lorsque vous parlez de conducteurs dans la construction, ils ne conduisent pas tout le temps. Ils se rendent à un chantier et peuvent rester assis là pendant deux ou trois heures. Ils ne conduisent pas tout le temps, mais les heures qu'ils font sont toutes comptées; ils sont sur la liste de paye et on les paye. Ce n'est pas comme les camionneurs longue distance. Je ne peux pas croire cela; c'est une question tout à fait différente que celle des activités pour lesquelles ils ne sont pas payés. Mais nous nous payons tous les employés pour... Je ne conteste pas ce que vous dites, tout simplement, je ne peux pas croire que de telles conditions existent.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Ces heures seraient donc incluses. Mais ce n'est pas comme si ces gens-là étaient assis là à ne rien faire; ils s'occupent sans doute à autre chose pendant ce temps-là.

+-

    M. Barry Brown: Non. Par exemple, lorsqu'ils transportent du gravier ou de l'asphalte pour moi, ils s'installent dans le bureau de répartition et boivent du café en discutant, ou bien ils se rendent sur le chantier et ils s'y installent pour siroter du café en attendant que leur chargement soit enlevé, pour ensuite reprendre le travail. Une journée normale ferait 13 heures.

    C'est pour les cas extrêmes qui se présentent. Vous ne pouvez pas tout simplement arrêter l'activité d'une industrie parce que la règle dit ceci, même si le mauvais temps s'en vient. Il vous faut continuer. C'est là notre problème. Nous ne sommes pas...

+-

    Mme Bev Desjarlais: Je ne pense pas que quiconque propose qu'on ferme une industrie. Je pense que ce qui intéresse les gens c'est limiter le nombre des heures travaillées afin d'assurer la sécurité et du conducteur et de toutes les autres personnes qui empruntent nos routes. Je pense que c'est là le facteur important.

    Ai-je encore le temps de poser une autre question? Je pourrais revenir si d'autres veulent avoir leur tour maintenant.

    Le président: Vous pouvez poursuivre.

    Mme Bev Desjarlais: Vous avez mentionné le programme de gestion de la fatigue qu'a instauré l'industrie de la construction. Pourriez-vous me dire en gros combien d'heures sont requises pour présenter ce programme de gestion de la fatigue aux conducteurs et aux autres travailleurs?

Á  +-(1135)  

+-

    M. Barry Brown: Je n'en suis pas certain. Il me faudrait pour répondre à cette question faire appel à Jim.

+-

    M. Jim Facette: Il n'y a pas de nombre d'heures fixe. Ce qu'il faut, c'est que les compagnies s'assoient avec leurs employés et leur donnent une certaine formation. En Alberta, le gouvernement provincial et l'industrie négocient en règle générale ensemble une entente en matière de formation.

    Chaque province a sa propre association en matière de sécurité et chaque province applique un ensemble différent de règles pour veiller à la sécurité générale sur son territoire. Plusieurs des provinces ont suivi le modèle albertain en matière de sécurité, et il existe à l'intérieur de ce modèle plusieurs possibilités, mais, en règle générale, l'on exigerait une série de quelques heures de formation et de sensibilisation à la sécurité avec les gestionnaires pour expliquer ce qu'est la fatigue, à quel moment il faut en tenir compte, et ainsi de suite. Cela varie.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Pourriez-vous me donner une idée un peu plus précise des genres de renseignements que vous fourniriez aux employés dans le cadre de tels programmes? Étant donné que c'est vous le porte-parole ici, je me dis que vous jouez peut-être un rôle là-dedans. Ou vous avez reçu cette formation ou vous en avez été témoin. Vous êtes assis à côté de Pete Turner, il vient d'être recruté et vous allez maintenant lui offrir le cours sur la gestion de la fatigue.

+-

    M. Jim Facette: Souvent, il s'agira de réunir un petit nombre de personnes dans une petite salle, un bureau, ou autre. En règle générale, on leur présente d'abord un vidéo, expliquant ce qu'est la fatigue, à partir de quel moment la fatigue se faire sentir, combien d'heures de sommeil il faut généralement pour pouvoir faire le travail demandé et ainsi de suite. Il y aura peut-être ensuite du travail écrit, comme dans le cas de tout autre cours, qu'il s'agisse d'un programme de maths ou d'autre chose. L'on exige en règle générale que vous ayez suivi x heures de cours ou x types de séances de formation avant de considérer que vous êtes accrédité en gestion de la fatigue, et cela peut varier d'une province à l'autre. En règle générale, le programme se donne dans un contexte de salle de classe.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Auriez-vous une copie du manuel ou de la documentation utilisé dans de tels programmes, ainsi que du vidéo que l'on montre aux participants? Cela est-il disponible?

+-

    M. Jim Facette: C'est disponible. Je n'ai pas cela avec moi, mais cela ne posera aucun problème de mettre cela à la disposition du comité. Ce sera un plaisir pour moi de le faire.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Très bien. C'est juste que j'aimerais bien, par curiosité, voir exactement de quoi il s'agit.

    C'est tout pour l'instant.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Harvey.

[Français]

+-

    M. André Harvey (Chicoutimi--Le Fjord, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    J'aimerais parler un peu à M. Turner. I am sure he knew exactly what he said.

    Puisque nous vivons dans un pays qui est quand même assez immense—on pourrait toujours le comparer aux États-Unis—s'il y avait une modification visant à atteindre des normes un peu plus conformes à la nature humaine, pensez-vous que la gestion en serait faisable, compte tenu des distances, des horaires de travail, etc.? Comment verriez-vous la conciliation d'un maximum qui serait un peu plus...

[Traduction]

+-

    M. Peter Turner: L'industrie a fait cela maintes et maintes fois. Prenez la façon dont Manitoulin Transport s'est organisé. Ses camionneurs ne vont jamais plus loin qu'à quatre heures de route du bureau. Ils vont d'Ottawa à North Bay, puis il y a un changement, et les marchandises sont déchargées. Le gars ramasse la remorque et fait les quatre heures suivantes, jusqu'à Cochrane, ou ailleurs. Il y a des entreprises qui font cela aux États-Unis. Nous ne sommes pas différents des États-Unis. Ils ont eux aussi de longues distances à parcourir. UPS fait un merveilleux travail en attachant les remorques au camion suivant, et c'est la même chose pour Yellow Transportation. Beaucoup de ces entreprises font cela.

    Pour moi, le plafond, c'est 60 heures. Il n'y a aucune raison de dépasser les 60 heures. Cette industrie est la seule dans laquelle il est obligatoire de faire 60 heures. On vous pousse jusqu'à la limite. Si vous placez la limite à 84, on va vous pousser jusqu'à cette limite-là. Les gars ne peuvent pas faire cela 84 heures par semaine, 50 semaines par an. Cela n'est pas faisable. J'ai essayé cela, mais ça ne fonctionne pas. J'ai fait cela bien avant qu'on ne sorte avec des carnets de route. On faisait ces heures-là. Je me souviens d'être rentré chez moi pour m'effondrer dans mon lit et de ne pas m'être réveillé pendant deux jours. On ne peut pas faire cela. Physiquement, cela est impossible. Vous pouvez peut-être le faire pendant une ou deux semaines, mais c'est un rythme intenable 50 semaines par an.

    M. André Harvey: Thank you.

+-

    Le président: Merci.

    Marcel.

+-

    M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Bonjour, monsieur Brown. Bonjour, monsieur Facette.

    J'aimerais tout simplement comprendre très clairement votre position, ou plutôt celle de votre association. Vous ne contestez pas les heures de travail ou les heures de conduite. Si j'ai bien compris, ce que vous voulez c'est veiller à ce que votre industrie soit exemptée de ce changement ou de cette règle relative aux heures de travail ou de conduite, afin de ne pas perdre votre période de pointe dans l'année.

    Nous avons au Québec une situation quelque peu difficile. Je comprends pourquoi les syndicats ont voulu que les choses soient ainsi, mais l'industrie de la construction a une fenêtre très étroite dans l'année. Or, en juillet, en pleine saison de pointe pour la construction, la loi exige que tout s'arrête pendant deux semaines. Je peux comprendre cela; il y a toujours le revers de la médaille.

    Dans votre cas, ce que vous dites, en vérité, c'est qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent avec les camionneurs sur longues distances. Vous voulez simplement que les camionneurs qui travaillent pour vous ne soient pas inclus dans cette catégorie de travailleurs. Ce que vous dites est que vos camionneurs font peut-être de longues heures, mais ils ne conduisent pas sur de longues distances. En gros, ils ne sont pas fatigués au bout de x heures de la même façon que le sont les camionneurs sur longues distances. Est-ce bien cela? Vous ai-je bien compris?

Á  +-(1140)  

+-

    M. Barry Brown: C'est tout à fait cela. Je ne connais pas bien la fatigue des camionneurs sur longues distances car je ne comprends pas cette industrie. Oui, nous demandons d'être exemptés de la catégorie conducteurs de véhicules commerciaux. Si l'on nous accordait cette exemption, l'exigence ne s'appliquerait plus à nous et le problème des conditions météorologiques serait un moins gros facteur pour nous. Étant donné que nous sommes très exposés aux aléas du temps, s'il pleut pendant un ou deux jours, nous ferons peut-être une semaine de travail très courte ou alors une semaine plus longue. Nous ne le savons pas parce que nous ne savons jamais combien de jours de pluie nous allons avoir, ni même quand la pluie risque de venir. Cela pose un réel problème pour nous et nos employés.

+-

    Mr. Marcel Proulx: Dans le contexte de l'examen d'une telle possibilité d'exclusion, serait-il envisageable d'imposer une limite quant à la distance pouvant être parcourue, ce pour montrer que vos camionneurs ne vont pas conduire sur de longues distances? Serait-il envisageable de dire qu'il faudrait qu'ils se déplacent à l'intérieur d'un rayon de 100 milles ou quelque chose du genre? Cela est-il envisageable--tout simplement pour veiller à ce que nous ne nous retrouvions pas dans une situation dans laquelle certains des camionneurs travaillant pour votre industrie feraient de longues distances au volant?

+-

    M. Barry Brown: J'imagine qu'on pourrait dire que l'exemption ne viserait que le travail dans le secteur de la construction. Ce pourrait être un problème de parler de 100 milles, car je ne sais pas où se trouveront les chantiers. Mais, de façon générale, ils seraient à l'intérieur d'un rayon de 100 milles. Un problème pourrait néanmoins se poser s'il y avait un bris de matériel sur un chantier situé à 200 milles et qu'il fallait ramener le matériel à l'atelier, et que cela venait à la fin de la semaine ou à la fin de la journée de travail. Chaque heure ou chaque jour de panne du matériel est néanmoins une période d'activité pour nous, alors les conducteurs de remorque surbaissée, responsables de livrer le matériel à l'atelier, auraient à faire plus de 100 milles. Mais, de façon générale, 100 milles seraient sans doute...

+-

    Mr. Marcel Proulx: Il vous faut savoir que nous ne voudrions pas nous retrouver, avec une telle exemption, dans une situation dans laquelle un camionneur transportant de l'acier en tige, par exemple, de la Floride au Michigan, nous dirait: vous ne pouvez pas me toucher; je suis membre de l'Association de la construction; je suis un employé d'un de ses membres.

+-

    M. Barry Brown: Ce n'est pas du tout cela ce que nous visons. Les camionneurs travaillant pour nous transportent principalement de la terre, du gravier, de l'asphalte, du béton. C'est surtout de cela qu'il s'agit--ils transportent ces produits entre la carrière ou autre et le chantier.

+-

    M. Jim Facette: Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose en réponse à la question de votre collègue. Il est courant, s'agissant du transport de matériaux, pour employer la terminologie que Barry et moi-même utiliserions dans notre secteur, que les distances à parcourir soient courtes, car c'est à l'intérieur d'un certain rayon que nous trouvons les carrières, les fabriques d'asphalte, etc. Dans un monde idéal, Barry voudrait que les usines de bitume soient tout à côté du chantier, afin de limiter ses coûts, car le transport des matériaux représente l'un de ses plus grands coûts, mis à part la main-d'oeuvre. Plus les distances sont courtes, mieux c'est pour lui. C'est là l'un des éléments clés qui interviennent dans l'établissement d'une offre. Souvent, Barry aura des usines de bitume portables, qui peuvent être montées tout près du chantier pour ensuite être démontées et installées ailleurs. Plus la carrière est proche, plus les coûts de transport seront intéressants. Plus le granulat prévu dans l'offre est bon marché, plus vite les travaux pourront être réalisés. Il est très avantageux de n'avoir à transporter ces matériaux que sur de courtes distances. Le transport sur de longues distances coûte très cher à ces entrepreneurs.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Labramboise.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise (Argenteuil--Papineau--Mirabel, BQ): Merci, monsieur le président. Je vous prie d'excuser mon retard. Une activité des TCA-Québec avait lieu concernant la fermeture de l'usine de Boisbriand. Ma première question s'adressera aux représentants des TCA.

    J'ai regardé votre mémoire et j'ai vu que vous aviez brossé un portrait exact de la situation de l'industrie du camionnage à travers le Canada. La déréglementation qui s'est enclenchée sous les conservateurs, en 1987, qui a été poursuivie ensuite par les libéraux et, finalement, appuyée par l'Alliance canadienne a fait en sorte, et c'est regrettable, que les camionneurs se sont trouvés en bout de ligne à subir toutes les pressions. Ainsi, les tarifs qui leur étaient payés en 1990 sont sensiblement les mêmes au kilomètre, à quelques sous près, que ceux qui se payent aujourd'hui ou que ceux qui se payaient en 1991-1992. Le fait d'avoir déréglementé le secteur et d'avoir par le fait même beaucoup augmenté la concurrence fait que maintenant, n'importe qui peut obtenir son permis et qu'il y a beaucoup de camionneurs indépendants. Par conséquent, on a maintenant une industrie qui est à son plus bas niveau. Il n'y a plus de relève. Les jeunes ne sont plus intéressés à l'industrie du camionnage.

    Je peux vous comprendre, dans l'industrie du vrac, de vouloir obtenir de plus longues heures pour vos camionneurs. Vous souffrez d'une pénurie de camionneurs. Or, s'il y avait de la main-d'oeuvre disponible, vous n'auriez en théorie qu'à faire rouler les camions jour et nuit et simplement changer de conducteurs. Le problème est que présentement, il n'y a pas de conducteurs disponibles. C'est le résultat de la déréglementation.

    Il est clair que le gouvernement libéral ne va pas émettre de réglementation à ce sujet. La terrible conséquence de cela est que pour compenser, on travaille plus longtemps et on se fatigue; le travail est devenu plus dangereux parce qu'on en demande plus à nos chauffeurs.

    Depuis les tout débuts, c'est-à-dire depuis décembre, quand l'Alliance canadienne du camionnage et les Teamsters ont déposé devant le comité un projet d'entente entre un syndicat et une partie de l'industrie, je ne peux tout simplement pas croire ce qui se passe. Pourquoi les Teamsters étaient-ils prêts à signer cette entente, alors qu'ils nous disaient du même souffle qu'ils trouvaient déraisonnables toutes ces heures de travail, mais qu'ils se considéraient pratiquement obligés de signer cet accord? Je ne peux pas le croire. Et c'est nous, les députés de l'opposition, qui nous y sommes opposés.

    Tout ce que voulait le ministre était que le comité donne unanimement son accord pour qu'on puisse ratifier ce projet d'entente et que ce dernier devienne la nouvelle norme. Voilà ce qui se passait au mois de décembre. Pour ma part, j'aimerais simplement connaître vos impressions, messieurs les représentants des TCA, sur l'attitude des Teamsters et de l'Alliance canadienne du camionnage.

Á  +-(1145)  

[Traduction]

+-

    M. Dave Tilley: Bien franchement, je ne comprends pas l'attitude des Teamsters. Tout ce que je peux dire c'est qu'il vous faudra leur parler. Nous avons été tout à fait abasourdis par leur volte-face.

    Je suppose que le Syndicat des Teamsters a ses raisons, mais je n'ai eu aucune discussion avec lui là-dessus et nous n'avons pas non plus été consultés. L'Alliance canadienne du camionnage ne nous consulte sur rien. Il vous faudra voir avec M. Bradley pour quelles raisons ils ont adopté cette position.

    Notre position a toujours été la même depuis que nous nous sommes intéressés à la question. Les heures, quelle que soit la proposition en vue de les prolonger, seront tout simplement trop longues. Il est clair que nous nous y opposerions. Les heures sont tout simplement déjà trop longues, et l'on en est arrivé à un point critique.

    J'ignore si j'ai répondu à votre question, mais pour ce qui est des Teamsters, je ne sais tout simplement pas.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Je voulais votre appréciation et vous me l'avez donnée, mais il est clair que nous ne comprenons pas tout de la même façon. J'aimerais maintenant savoir si vous étiez présents, la semaine dernière, à ce fameux Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, le CCATM, qui a finalement élaboré les recommandations. Le CAA, un organisme qui, en principe, défend les intérêts des conducteurs d'automobiles, dont je suis, était présent. Le CAA est un des membres et il a siégé à ce conseil.

    Avez-vous également siégé à ce conseil? Faites-vous partie des organisations ressources de ce dernier?

[Traduction]

+-

    M. Dave Tilley: Nous sommes membres associés du CCATM, et la raison pour laquelle nous y avons adhéré est que nous voulions être invités à certaines de ces tribunes. Nous avons été invités à la dernière, tenue au Yukon, mais, si j'ai bien compris—en passant, nous n'y sommes pas allés—il n'y a eu que très peu de discussions au sujet des heures de service.

    Chose intéressante, nous avons assisté à une réunion tenue ici à Ottawa par Transports Canada avec d'autres membres du CCATM. Ce que nous y avons trouvé intéressant est qu'on nous ait dit: «Nous avons l'énoncé de politique, et les recommandations y figurent; nous allons discuter de presque tout sauf le corps de la question; nous n'aurons aucune discussion sur les heures proposées», et M. Orrbine a dit clairement que même si quelqu'un soulevait la question de la journée de 14 heures ou de la plage de 36 heures, on n'allait pas en traiter dans le cadre de la réunion. Il ne voulait discuter que des questions périphériques—faudrait-il mettre tous les points sur tout les «i»?

    Bien franchement, nous n'y avons vu qu'une perte de temps monumentale. J'ignore pourquoi nous nous sommes déplacés pour faire cela. Nous avions pensé que nous allions vraiment avoir un débat sur la question de savoir s'il faudrait que ce soit 14, 13, 36 ou 46 heures. Nous y avons malgré tout passé une journée. C'était une réunion de deux jours. Nous sommes restés un jour, puis nous sommes partis, ayant vu que l'ordre du jour du lendemain ne comportait aucune question à laquelle nous pensions pouvoir contribuer. Nous n'avons donc même pas été présents le deuxième jour.

Á  +-(1150)  

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Je suis content de votre réponse parce que la semaine dernière, le CAA, lui, avait l'air très au courant de toutes les discussions des fonctionnaires du ministère des Transports sur les heures de travail et s'est même fait le défenseur des recherches qui avaient été déposées. Vous, qui êtes directement lié à l'industrie et qui représentez les travailleurs, vous n'avez sûrement pas assisté aux mêmes rencontres que le CAA qui, lui, représente les conducteurs d'automobiles. J'ai été très déçu que le CAA se fasse le grand défenseur de ces recherches, alors qu'il serait censé connaître le danger que peut occasionner la fatigue.

    Vous nous dites aujourd'hui que vous n'avez pas participé aux discussions. C'est ça, le gouvernement libéral. Il faut bien comprendre. Ils discutent avec les gens avec lesquels ils sont sûrs de s'entendre à l'avance. Donc, ils s'informent pour savoir si leurs interlocuteurs partagent leurs idées, comme le CAA la semaine dernière, qui nous a sorti toutes les recherches qui avaient été faites, en faisant l'éloge du travail accompli par le gouvernement du Canada et le ministère des Transports dans ce dossier et en leur accordant son entière confiance. Vous, qui représentez 250 000 travailleurs de l'industrie...

    Ce chiffre est-il exact? Combien de travailleurs représentez-vous?

[Traduction]

+-

    M. Dave Tilley: Nous en représentons environ 16 000 dans le transport routier. Notre organisation compte en tout 230 000 membres. Elle réunit des travailleurs de l'automobile, des employés des lignes aériennes, et ainsi de suite.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: D'accord. Mais ça me sidère que vous ne soyez pas invités aux discussions sur les heures de travail.

    Je poserai la même question à l'Association canadienne de la construction. Est-ce que votre association a été invitée par le Conseil canadien pour prendre part aux discussions sur les heures de travail?

+-

    M. Jim Facette: Notre association a seulement été invitée à participer à des discussions sur d'autres dossiers, mais pas nécessairement pour faire des représentations sur... [Note de la rédaction: Inaudible] ...officiel. J'ai parlé avec M. Orrbine et je lui ai demandé s'il était possible qu'il y ait une partie spécifique pour nous, l'ACC, pour indiquer que nous jouons un rôle unique dans l'industrie, que nous sommes différents des autres industries qui travaillent dans ce domaine. À part ça, il ne se passe rien d'autre. Selon nous, ce sont les provinces qui doivent adopter cette règle par un projet de loi. Une telle règle ne sert à rien si les provinces ne l'adoptent pas. Si, par exemple, la province de l'Alberta refuse et veut mettre en place une règle pour son territoire, elle peut le faire. On ne parle pas de projet de loi à ce moment-ci, mais de règles nationales. Toutefois, il y a un mouvement, de concert avec les provinces, visant à mettre en place des règles qui seraient les mêmes partout au Canada, avec peut-être des variantes dans chaque province. De façon générale, il existe une volonté des provinces de mettre en place des règles communes, que ce soit en Alberta ou en Nouvelle-Écosse.

    Alors, ma réponse est non, pas nécessairement. Mais oui, j'ai parlé avec M. Orrbine et d'autres fonctionnaires de nos positions. Jusqu'à maintenant, elles ne se retrouvent pas dans les règles qui nous sont proposées aujourd'hui.

Á  +-(1155)  

+-

    M. Mario Laframboise: J'ai une autre question pour vous. Si la main-d'oeuvre était plus disponible, c'est-à-dire s'il y avait plus de conducteurs disponibles et que c'était possible pour vous d'obtenir la main-d'oeuvre nécessaire, est-ce que cela changerait votre philosophie par rapport aux heures de travail?

[Traduction]

+-

    M. Barry Brown: Je pourrai probablement répondre à cette question. Cela changerait-il notre politique ou notre façon de penser? Non. Ce sont les chauffeurs de camion, les employés, qui disent qu'ils n'en veulent pas.

    Certaines personnes ont essayé de fonctionner avec des horaires raccourcis, avec une exigence de tant d'heures au volant et tant d'heures de repos. Ce qui finit par arriver dans notre industrie pour que cela puisse fonctionner... Souvent, nous nous trouvons dans des endroits que je qualifierais de ruraux. Nous ne sommes pas à une distance pratique de quelqu'un d'autre; une part importante de notre travail ne se fait pas dans un centre urbain.

    Cela signifie que si nous avions des camionneurs supplémentaires pour assurer la relève, certains d'entre eux travailleraient les lundis, mardis et mercredis et ne feraient rien les jeudis, vendredis et samedis pendant que les autres conduiraient. Ce qui se passe alors c'est que ceux qui sont assis à ne rien faire se demandent pourquoi ils ne peuvent pas faire plus d'heures. Notre saison est très courte; elle ne fait que six ou cinq mois. Dans ma province, elle ne dure qu'environ cinq mois. Ils sont donc là à se dire qu'ils ne peuvent pas gagner assez d'argent, que nous limitons leur activité.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: D'accord.

    Vos membres sont des camionneurs indépendants. La majorité d'entre eux sont propriétaires de leur véhicule. Est-ce bien ce que vous me dites?

+-

    M. Jim Facette: Ce n'est pas nécessairement le cas. Cela dépend de la province. Il y a des provinces, comme le Manitoba, où les camionneurs travaillent pour Barry. Les camions appartiennent à Barry, à la Maple Leaf Construction Ltd. et non pas aux individus. Cela dépend donc de la province, mais normalement le camion appartient à la compagnie ABC Construction.

+-

    M. Mario Laframboise: J'ai aussi une question pour M. Turner.

    Que pensez-vous du travail du fameux Conseil canadien qui, à ce qu'il me semble, a choisi ses interlocuteurs? Avez-vous suivi les délibérations du conseil et les recommandations qu'il a faites?

[Traduction]

+-

    M. Peter Turner: Lors de mon entretien avec M. Orrbine, on avait dit que je serais averti de la réunion suivante. Je n'en reviens pas que je ne l'aie pas été. Je trouve que M. Orrbine a manqué de respect envers moi. Le Conseil canadien n'est encore qu'un autre bras de l'ACC qui impose aux camionneurs ce qu'ils doivent faire et qui ne permet pas aux sociétés de camionnage d'assumer la responsabilité de leurs actes.

    J'aimerais réagir à votre question au sujet des Teamsters. J'ai ici 500 noms, dont plus de 40 sont ceux de membres des Teamsters. Ils sont consternés, furieux, du fait que le président des Teamsters ait conclu une entente sans même consulter les membres. Les membres sont furieux avec leurs dirigeants.

    Les membres des Teamsters commencent à se ranger de notre côté, car ils n'en veulent pas de ce qui se passe. Ils veulent plus d'argent, moins d'heures, ou en tout cas être payé pour ce qu'ils font. Ce qu'ont fait les dirigeants des Teamsters est très différent de ce que veulent les membres.

    Et selon ce que me disent les gens avec qui j'ai parlé, les Teamsters ici à Ottawa, qui sont chez Loeb's, Purolator, UPS, National Grocers—ils sont tous en train de signer ma pétition. Ils sont en train de dire non, nous voulons que nos gars comptent, alors ils signent ma pétition. Et ce que disent les dirigeants est tout à fait différent de ce que j'ai fait en me rendant dans les relais-routiers et en discutant avec les camionneurs. Lorsque je leur montre qu'ils ne vont avoir qu'un jour de congé par semaine, ils disent non, non, non, car à l'heure actuelle ils ont le choix de prendre trois jours de congé s'ils le veulent, ou bien de faire 10 heures par jour pour six jours. Avec la nouvelle règle, ils n'auront qu'un jour de répit, ce qui n'est tout simplement pas suffisant.

    Je discutais hier avec un type de Mill Creek Motor Freight alors que j'étais en route pour le relais-routier 730 pour ramasser les pétitions. Il m'a dit: «Je cours jusqu'à ce que je sois fatigué, puis je démissionne. Je prends deux mois de congé, puis j'obtiens un autre emploi avec une autre société de camionnage. Là encore, je cours jusqu'à l'épuisement, après quoi je démissionne».

    Voilà qui explique le taux de roulement élevé que connaît l'industrie. C'est parce que toutes les compagnies vous pousseront jusqu'au bout, jusqu'à ce que vous ne soyez plus capable de réfléchir et jusqu'à ce que vous vous emportiez. C'est pourquoi les camionneurs ont une si mauvaise attitude. Lorsque vous vous poussez jusqu'à la limite et que vous êtes épuisé, vous ne parvenez plus à vous dominer.

    C'est ainsi que nous avons tous ce problème mental. Cela m'a pris plus d'un an et demi pour me débarrasser de ma colère, parce que lorsque les gens ont abusé de moi, je me suis fâché et je suis devenu violent. C'est la nature humaine. Il y a une limite aux abus que vous pouvez tolérer de la part des expéditeurs et des destinataires. Il m'est déjà arrivé d'avoir à appeler la police parce qu'un destinataire refusait de signer mon bordereau. À mon sens, cela constitue du vol, alors j'appelais la police et je leur disais que je voulais que le destinataire soit arrêté pour vol au premier degré.

    Il me faut maintenant subir le courroux des compagnies... Dans le cas du type à qui j'ai fait cela à High River, il m'a fallu passer par cinq courtiers en chargements avant de finir par savoir qui avait le chargement. La compagnie principale, TransX, a eu le chargement, les cinq autres courtiers ont pris leur pourcentage et moi je me suis vu me pointer le mardi à High River, en Alberta, alors que la livraison avait été garantie pour le vendredi à 8 h du matin.

    J'ai donc dû essuyer les pots cassés dans ce cas-là. Et il y en avait des pots cassés. J'avais ma fille avec moi. Le type a été très verbalement violent avec moi. Il voulait me défoncer. Je lui disais: «Écoute, bonhomme, j'ai pris le chargement samedi».

  +-(1200)  

+-

    Le président: Nous avons dépassé, et de loin, le temps prévu pour cet échange, alors nous allons maintenant passer à Paul Szabo, pour le tour suivant.

+-

    M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Turner, votre sécurité et celle des autres qui sont sur la route sont-elles plus importantes que n'importe quoi d'autre?

+-

    M. Peter Turner: Définitivement.

+-

    M. Paul Szabo: Savez-vous quand vous êtes fatigué et incapable de conduire en toute sécurité dans le cadre de votre travail?

+-

    M. Peter Turner: Des fois.

+-

    M. Paul Szabo: Vous nous avez fait le récit d'une fois où vous vous êtes apparemment assoupi pendant un long trajet. Saviez-vous alors combien d'heures vous aviez passé au volant, ou bien pourriez-vous nous dire quels avaient été vos horaires, l'enchaînement d'activités précédant ce trajet au cours duquel vous vous êtes endormi? Vous conduisiez depuis combien d'heures ou de journées consécutives?

+-

    M. Peter Turner: Eh bien, vu que je conduisais aux États-Unis, je suivais les règles américaines. Je faisais donc mon quart de 10 heures puis je prenais le temps de me doucher et tout le reste pour ensuite me coucher. Cela donnait donc une journée de 12 heures en tout. Je dormais sept ou huit heures peut-être, pour ensuite repartir.

+-

    M. Paul Szabo: Cet incident est survenu pendant un voyage normal?

+-

    M. Peter Turner: Oui. Nous avions eu du très mauvais temps une ou deux nuits avant.

+-

    M. Paul Szabo: Même si vous ne faisiez que 12 heures et que vous dormiez huit heures entre les quarts, vous vous êtes endormi?

+-

    M. Peter Turner: Oui, parce que le sommeil, cela ne se commande pas. Vous ne pouvez pas dire: J'ai travaillé 12 heures, et je vais maintenant m'endormir. Il me faudrait dire: Bang, tu t'endors et tu dors pendant huit heures puis, ça y est, il faut que tu redémarres. Il n'y a pas de temps...

+-

    M. Paul Szabo: J'ignore si cela est ou non la norme. Je ne sais pas si cela arrive souvent qu'un conducteur qui est au volant pendant 12 heures avec, mettons, sept heures de sommeil entre ses quarts, tombe endormi. Il semble que même 12 heures de conduite par jour, suivies de sept heures de sommeil, ce soit trop de conduite pour vous.

+-

    M. Peter Turner: Pour moi, personnellement, ou pour tout le monde?

+-

    M. Paul Szabo: Je ne peux parler que de ce que vous nous avez exposé. Je ne peux pas spéculer...

+-

    M. Peter Turner: Personnellement, j'ai connu des jours où je pouvais travailler pendant 13 heures et des jours où je ne le pouvais pas. Tout dépend du jour.

    Il ne faut pas oublier que cela dépend également du temps. Lorsque vous roulez en pleine tempête de neige et que vous ne voyez pas plus loin que trois mètres devant vous, n'empêche que vous devez continuer d'avancer avec votre chargement. Vous devez braver la tempête. Cela demande beaucoup plus de concentration et d'effort que par temps clair ou ensoleillé ou bien par une nuit de pleine lune.

+-

    M. Paul Szabo: Quel temps faisait-il ce jour-là, lorsque cet incident est survenu?

+-

    M. Peter Turner: La veille au soir, en passant par les Carolines et Washington, il avait plu toute la nuit. Nous avions traversé du très épais brouillard et j'avais dû ralentir à 10 ou 15 milles à l'heure. Cette nuit-là, j'avais garé mon camion et je m'étais couché à minuit.

    Je m'étais réveillé le lendemain matin à 7 h 30 ou 8 h. J'étais parti avec ma femme. Nous avions petit-déjeuné; nous avions déjeuné. J'avais pris ma douche et tout le reste. Une heure ou deux plus tard, nous repartions. L'incident est arrivé à environ 13 h.

  +-(1205)  

+-

    M. Paul Szabo: Vous dites que vous vous étiez couché aux environs de minuit.

+-

    Peter Turner: Oui.

+-

    M. Paul Szabo: Vous vous êtes levé à 7 h 30 ou 8 h, vous avez petit-déjeuné et une ou deux heures plus tard vous étiez sur la route. Vous n'aviez peut-être pas en fait passé 10 heures au volant. Vous aviez eu 10 heures à l'extérieur du camion.

    M. Peter Turner: Oui.

    M. Paul Szabo: Très bien. Il m'apparaît que même si les règles voulaient que personne ne fasse plus de 12 heures par jour au volant et que personne ne dorme moins de sept heures entre deux quarts, c'est néanmoins un risque non seulement pour le conducteur mais également pour les autres qui sont sur la route. Vous êtes un exemple de cela. Je pense que vous le savez lorsque vous êtes fatigué, car vous avec dit pouvoir conduire pendant 12 ou 13 heures.

    M. Peter Turner: Oui.

    M. Paul Szabo: Vous ne vous êtes pas poussé au-delà. Vous connaissez votre limite, mais vous êtes allé trop loin. Vous ne saviez plus quelles étaient en fait vos limites. Il semble que, d'une façon ou d'une autre, ce qui vous a motivé ce n'était pas un aspect sécurité mais votre responsabilité quant à votre travail. Cela était plus important que votre sécurité et que celle des autres.

    M. Peter Turner: Oui. C'est pourquoi j'ai abandonné le camionnage.

    M. Paul Szabo: Très bien. J'ai une dernière question, monsieur le président.

    L'un quelconque d'entre vous—celui qui pourrait jouer le rôle de principal porte-parole—pourrait-il me dire tout de suite quelle est la position de l'ACC et quelle a été sa proposition au comité relativement aux heures de service des camionneurs?

+-

    M. Dave Tilley: N'est-ce pas elle qui a mis de l'avant le projet de loi?

+-

    M. Paul Szabo: Il n'y a pas de projet de loi. Il n'y a aucune proposition gouvernementale. Il n'y a rien du tout. Le comité a tout simplement dit que les heures de service des camionneurs et diverses questions de sécurité et corollaires devraient être examinés par lui. C'est ainsi que nous avons invité des témoins, dont vous.

    L'ACC a comparu devant nous. Elle a manifestement une position. Elle représente un grand nombre de participants au secteur du camionnage et intervient pour le compte de camionneurs. Sa position--au nom d'une bonne partie de l'industrie--est, me semble-t-il, relativement importante.

    Y en a-t-il parmi vous qui savent ce que l'ACC a proposé au comité ici réuni?

+-

    M. Dave Tilley: J'ignore ce qu'elle a proposé au comité, mais d'après ce que j'ai compris, elle appuie l'énoncé de politique déposé par le CCATM. Elle appuie une journée de 14 heures, ces 14 heures pouvant être entièrement consacrées à de la conduite. D'après ce que j'ai compris, elle appuie l'idée de ramener à 36 heures l'actuelle plage de répit de 48 heures.

+-

    M. Peter Turner: C'est précisément là la position de l'ACC. Elle est tout à fait en faveur de cela.

    Permettez que je clarifie quelque chose. L'ACC représente les compagnies; elle ne représente pas les camionneurs; elle ne représente aucun chauffeur de camion dans ce pays. Elle représente les sociétés de camionnage.

+-

    M. Paul Szabo: On peut lire dans l'Ottawa Citizen d'aujourd'hui que le taux de rejet des nouvelles règles en matière de camionnage est de 85 p. 100, ce pour expliquer que le gouvernement fédéral va abandonner son plan. Eh bien, il n'y a aucun plan. L'article dit que les camionneurs pourraient avoir à conduire pour un total hebdomadaire stupéfiant de 84 heures.

    Selon vous, quelqu'un est-il en train de proposer que les camionneurs conduisent 84 heures par semaine?

+-

    M. Peter Turner: N'est-ce pas là ce qui est prévu dans la proposition?

+-

    M. Dave Tilley: D'après ce que j'ai compris, la période de rétablissement prévue amènerait ce résultat. Si vous prenez la période de rétablissement de 48 heures pour la ramener à 36 heures, il est alors possible qu'un conducteur puisse être légalement amené à travailler 84 heures pendant une période de sept jours.

+-

    M. Paul Szabo: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Shepperd, la parole est à vous.

+-

    M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): J'ai plusieurs questions. Monsieur Turner, quelque chose m'est venu à l'esprit pendant que vous racontiez votre histoire au sujet des longs trajets et de la fatigue. Si les camionneurs sont prêts à tricher sur leur carnet de route, etc., quoi d'autre sont-ils prêts à envisager? Est-ce que l'abus de substances est un gros facteur dans le camionnage?

+-

    M. Peter Turner: Non. Maintenant qu'il y a des tests de dépistage de drogues, j'ai une pile haute de trois pouces de choses que je ne peux pas prendre, y compris, au Canada, tout médicament contenant de la codéine. Si j'en prends, si je vais aux États-Unis et si j'ai un accident, on m'accusera d'abus de substances, même si je n'ai fait que prendre une aspirine ou un comprimé de Tylenol contenant de la codéine. On pourrait porter contre moi une accusation d'abus de substances parce que la codéine ressortira dans un test sanguin.

    C'est presque aussi strict qu'aux Jeux olympiques. Les chauffeurs de camion ne peuvent pas s'adonner à ce genre d'abus; cela n'est tout simplement pas toléré. Il se fait des prélèvements au hasard. Lorsqu'une compagnie envisage de vous embaucher, on vous fait tout de suite subir des tests. Vous n'êtes pas recruté à moins d'avoir réussi le test de dépistage de drogue.

    Le message est en train de passer, tout doucement. Il y a sans doute des types qui réussissent à contourner le règlement. Mais pour ce qui est de l'abus de substances, la réponse est non. Vous ne pouvez tout simplement pas vous permettre de prendre un tel risque. Si l'on apprenait que vous preniez des substances, votre permis vous serait immédiatement retiré.

  +-(1210)  

+-

    M. Alex Shepherd: Monsieur Brown, vous plaidiez en faveur d'exemptions. Il est toujours difficile de faire cela dans le cadre d'une loi; dès lors que vous accordez une exemption, il y a tout de suite toute une foule d'autres personnes qui vivent des problèmes semblables, à peu de choses près, et qui vous demandent la même chose.

    Je ne suis toujours pas certain de comprendre pourquoi vous pensez avoir besoin d'une telle exemption. L'actuelle réglementation a-t-elle créé des difficultés économiques pour votre industrie?

+-

    M. Barry Brown: Pour répondre à votre question, d'après ce que j'ai compris, ces exemptions relèvent à l'heure actuelle de règles fédérales. Puis les provinces...je ne dirais pas qu'elles déforment les choses, mais elles en font ce qu'elles veulent.

    Dans des provinces comme la mienne, les règles fédérales sont suivies à la lettre. Et, oui, cela a créé des problèmes. Dans d'autres provinces, comme l'Alberta, les autorités provinciales ont rédigé leurs propres règles. Elles n'ont pas forcément créé de véritables exemptions par rapport aux règles fédérales, mais les règles sont certainement différentes et les choses vont bon train.

    C'est un problème et nombre de provinces sont en train d'essayer d'harmoniser leurs règles, de travailler en vue de l'élaboration d'une norme qui serait la même partout, que vous vous trouviez en Alberta, en Nouvelle-Écosse ou ailleurs. Ma société de construction est mobile. Elle est sur roues. Je peux aller en Alberta si je veux y travailler. C'est pourquoi nous essayons de faire en sorte que le même règlement s'applique à l'échelle du pays.

    Dans un certain nombre de domaines et de situations, cela a nui. Si le temps est beau et qu'il n'y a pas de contraintes temporelles, il n'y a pas de problème car nous n'atteignons pas ces seuils, mais lorsqu'il y a des difficultés du fait du temps ou de retards, il nous faut des exemptions.

+-

    M. Alex Shepherd: Pour reprendre ce que vous disiez, votre crainte est que tout le monde s'aligne sur la norme supérieure, ce qui créerait un problème. Ce serait le pire des mondes, la limite supérieure étant imposée et les provinces adoptant les seuils supérieurs prévus dans le règlement fédéral.

+-

    M. Barry Brown: Exactement. Notre matériel est aujourd'hui assujetti au règlement régissant les véhicules commerciaux. Si vous adoptez une nouvelle règle, j'y serai assujetti. Si une exemption pouvait être accordée à ce que j'appellerais les équipements de construction--et je ne veux pas parler ici de transport sur de longues distances, cela pourrait être limité à 100 milles ou à une même province ou autre--cela aiderait l'industrie à surmonter ce problème.

+-

    M. Alex Shepherd: Donnez-moi donc un exemple d'une journée dans la vie d'un camionneur, qui doit s'arrêter à cause de la pluie ou d'autre chose et qui reste assis là se tourner les pouces pendant peut-être des heures. Nous comptons cela comme étant du temps de service, et ce que vous vous dites est qu'il faudrait qu'il se voie offrir davantage de temps. Est-ce que se tourner les pouces c'est la même chose que dormir? C'est là la question.

+-

    M. Barry Brown: C'est un peu là mon argument. Je ne suis pas expert, alors je ne sais pas si c'est considéré comme la même chose, mais il me semble que ce le devrait. Ce n'est certainement pas du temps au volant, sur la route, du temps pendant lequel vous devez vous concentrer à 100 p. 100 sur ce que vous faites. C'est là ce qui nous préoccupe, et c'est là notre problème.

    Si nous sommes sur un chantier rural et qu'il pleut le lundi et le mardi, les gars sont tout simplement assis là. Ils sont toujours sur ma liste de paye, et, selon le règlement, ils sont au travail. Si le temps se dégage le mercredi et que je veux qu'ils tournent le mercredi, le jeudi, le vendredi, le samedi et le dimanche pour qu'on puisse terminer le travail qu'on aurait normalement fait entre le lundi et le vendredi, je ne le peux pas, car ils ont déjà enregistré des heures à ne rien faire. Dans certains cas, ils seront partis à la pêche. Si on travaille dans le Nord, certains de mes gars vont aller à la pêche pendant un jour ou deux jours en attendant que le temps se dégage. Je ne peux rien y faire. Mais lorsqu'ils veulent partir, ils ne le peuvent pas. Ils sont coincés.

+-

    M. Alex Shepherd: La question est en réalité celle du mécanisme de paiement, ce que plusieurs autres groupes ont mentionné. La plupart des camionneurs sur longues distances sont payés pour faire le trajet entre le point A et le point B, tandis que vos employés sont salariés.

    M. Barry Brown: Ils sont payés à l'heure. C'est bien cela.

    M. Alex Shepherd: Ils sont donc payés, qu'ils conduisent ou non le camion.

  +-(1215)  

+-

    M. Barry Brown: Oui, et c'est là le problème. Ce n'est pas le nombre d'heures de conduite qu'ils ont; c'est le nombre d'heures de service qui est le déclencheur et qui cause des problèmes pour nous.

    C'est la même chose lorsqu'il y a un bris de matériel et que mon conducteur de remorque surbaissée doit aller ramasser la machine en question. Il aura peut-être déjà passé six ou huit heures cette même journée à attendre autour de l'atelier qu'on répare autre chose. Il lui faut ensuite faire deux heures de route pour aller chercher la machine qui est tombée en panne. Cela lui demandera peut-être entre une ou quatre heures pour la charger, et il lui faudra ensuite deux ou trois heures pour revenir.

    Dans cet exemple, il n'aura en fait passé qu'entre deux et quatre heures au volant, mais il aura accumulé 15 à 16 heures de service cette journée-là chez moi, et dans de telles conditions, je ne peux pas résister. C'est là le problème. Du fait que notre travail est saisonnier, je ne peux pas attendre lundi ou le lendemain pour aller chercher la machine en panne. Chaque heure d'inactivité me coûte.

+-

    M. Alex Shepherd: J'ignore qui pourra répondre à cette question, mais d'aucuns ont recommandé que tous ces camions soient équipés de dispositifs permettant de les contrôler. D'après ce que j'ai compris, un grand nombre de camions de transport sur grande distance sont déjà équipés de la sorte. Quelqu'un aurait-il une idée de ce que cela coûterait à l'industrie si tous les camions devaient être ainsi équipés?

    M. Barry Brown: Je regrette, mais je ne le sais pas.

+-

    M. Peter Turner: Le coût serait minime. À l'heure actuelle, avec Caterpillar, Detroit, Mack et Volvo, tout cela est déjà monté dans l'ordinateur principal. Cela leur fournit déjà un imprimé d'ordinateur. Lorsque j'avais mon Caterpillar, je le rentrais au garage et ils y montaient un dynamomètre pour savoir comment fonctionnait le moteur et combien de puissance il avait. Le type à Chicago, dans l'État de l'Illinois, en faisait la lecture. Il savait quand j'avais changé de vitesse, comment, quand le camion ne tournait pas. Tout cela est déjà dans l'ordinateur principal.

    Ces ordinateurs sont très gros et il y reste souvent de la place si l'industrie...c'est déjà là. Il vous suffirait d'obtenir que les fabricants des moteurs disent: «Nous voulons que le client, ou le Department of Transport américain ou le ministère des Transports canadien, puisse accéder à cela, alors mettez-y une prise de plus». La technologie est là, alors cela ne coûterait pas grand-chose de plus de faire cela.

+-

    M. Barry Brown: Si vous voulez entendre une réponse de moi, je pense que cela serait extrêmement coûteux pour l'industrie de la construction, car une grande partie de notre matériel n'est pas neuf. Nous avons du plus vieux matériel qui date des années 80. Si vous n'avez pas cela…

+-

    M. Alex Shepherd: Votre argument est que vous êtes déjà exemptés, de toute façon.

+-

    M. Barry Brown: Je le sais, mais vous demandiez... Vous ai-je bien entendu dire «exemptés»? Merci beaucoup.

+-

    Le président: Bev.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Monsieur Brown, excusez-moi de vous viser ainsi, mais j'ai une question.

    C'est la fin de semaine et vous vous levez à 10 h. Vous et votre famille décidez d'aller à la plage et de faire un pique-nique, et c'est formidable. Vous rentrez chez vous et il est bientôt 22 h. Vous couchez-vous ce soir là à votre heure habituelle de 22 h ou de 23 h, après vous être levé à 10 h du matin?

+-

    M. Barry Brown: Oui, ma journée commence en règle générale à 4 h 30 du matin…

+-

    Mme Bev Desjarlais: Non, non, je parle ici de votre fin de semaine.

+-

    M. Barry Brown: L'été, je travaille la fin de semaine. L'hiver…

+-

    Mme Bev Desjarlais: D'accord, mais vous devez... J'ai du mal à croire que vous ne passez pas un peu de temps à vous détendre et à sortir en famille.

+-

    M. Barry Brown: Pas pendant l'été.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Jamais? Cela ne vous arrive-t-il pas de vous réveiller à 10 h, mettons, et de sortir en famille pour passer une bonne journée ensemble à vous détendre simplement? Vous n'avez pas une grosse journée de travail; vous passez tout simplement une journée à vous détendre. Est-ce que vous vous couchez toujours à 22 h ou à 23 h, après avoir passé la journée debout? Je vous donne une journée de 12 h, d'accord, et je vous donne jusqu'à 22 h. Vous couchez-vous à cette heure-là?

  +-(1220)  

+-

    M. Barry Brown: J'imagine que oui, si je suis fatigué.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Vous n'avez pas passé une grosse journée au volant de votre camion. Vous avez passé la journée à ne rien faire, plus ou moins. Peut-être même à vous tourner les pouces, à vous sentir bien…

+-

    M. Barry Brown: J'imagine que cela dépend de…

+-

    Mme Bev Desjarlais: …mais votre corps s'est néanmoins fatigué. Aurais-je raison de penser que vous iriez malgré tout vous coucher à la même heure, même si vous n'avez pas passé la journée à travailler ou à conduire?

    M. Barry Brown: Oui, bien sûr.

    Mme Bev Desjarlais: De mon point de vue, m'appuyant sur les différentes études sur la fatigue que j'ai pu lire et sur les propos que nous ont tenus des témoins, je reconnais qu'il peut y avoir des périodes pendant lesquelles vous pouvez faire un ou deux jours supplémentaires, mais si vous faites cela régulièrement, le corps ne suit plus, car nos corps sont tous à peu près les mêmes, à peu de choses près. Les gens se fatiguent. Du point de vue sécurité, donc, et je vous parle en tant que personne qui prend souvent la route, je veux savoir que les gens qui partagent la route avec moi ne conduisent pas cinq ou six jours par semaine à raison de 13, 14 ou 15 heures par jour, auquel cas ma sécurité sera elle aussi en péril.

    Comme je l'ai dit à d'autres témoins, j'ai l'avantage, dans mon travail, de pouvoir faire appel à quelqu'un d'autre qui peut m'accompagner et prendre le volant si je suis trop fatiguée ou autre. On peut débrancher. Je sais que cela n'est peut-être pas le propre de l'industrie du camionnage ou de l'industrie de la construction.

    Et je comprends ce que vous dites au sujet des conditions climatiques et du fait que vous essayez de faire un maximum de travail quand vous le pouvez. Je me demande quelles autres industries sont dans la même situation que vous, c'est-à-dire pour qui le temps est un facteur important et qui essaient de caser un maximum d'heures.

    Une voix: Les agriculteurs.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Oui, les agriculteurs viennent à l'esprit.

    Savez-vous où l'on enregistre à l'heure actuelle le plus grand nombre d'accidents, la plus forte augmentation du nombre des accidents?

    M. Barry Brown: Non, je ne le sais pas.

    Mme Bev Desjarlais: Dans le secteur agricole. Une étude sur l'agriculture au Manitoba et ailleurs vient tout juste de sortir. L'une des principales raisons est que les agriculteurs doivent caser tout leur travail à l'intérieur de la saison et en tenant compte de la météo.

+-

    M. Barry Brown: Je pense également qu'ils ne tiennent pas compte de la sécurité. Ils n'ont pas de programmes de sécurité. Ils n'ont rien parmi ces autres…

+-

    Mme Bev Desjarlais: Sauf le respect que je vous dois, il existe d'importants programmes de sécurité. Il est clair qu'il en faudrait davantage, mais d'importants programmes de sécurité sont déjà en place. Il y a le programme de sécurité agricole du Manitoba, et je sais qu'il en existe également en Saskatchewan et sans doute ailleurs aussi.

    Ne prenez pas mal ce que je dis. Je comprends votre difficulté à essayer de terminer votre travail. Mais lorsque vous parlez du cas où le camionneur a traîné en se tournant les pouces et qu'il lui faut ensuite partir et faire le travail, moi je vous dirais qu'il vaudrait peut-être mieux aller chercher un autre camionneur.

    Le vice-président (M. Marcel Proulx, Hull—Aylmer, Lib.): Monsieur Facette.

+-

    M. Jim Facette: Merci, monsieur le président.

    Pour vous rassurer un peu, souvenez-vous d'une chose. Le chauffeur du camion de granulat ou d'asphalte liquide ne conduit sans doute pas depuis 13 heures, sans interruption.

    Deuxièmement, l'une des réalités de la limitation des heures et du fait de rendre les choses plus difficiles est que vous ne pourrez peut-être pas faire venir un deuxième chauffeur à l'endroit en question. En vertu des nouvelles règles, un camion de service pourrait se rendre sur un chantier pour réparer une machine et ensuite rester coincé là. Le camionneur ne peut pas rentrer chez lui parce qu'il a passé toute la journée dans l'atelier, peut-être en y travaillant, et voici que tout d'un coup il doit à la énième heure se rendre ailleurs. Il a accumulé toutes ces «heures de service», comme on les appelle, et il lui faut maintenant aller ailleurs. Vous ne pouvez pas obtenir qu'un deuxième camionneur vienne pour le relayer.

    Ce que je dis, donc, c'est que le «rétablissement» dans le secteur de la construction est un peu plus difficile à réaliser que le «rétablissement» dans le camionnage sur longues distances.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Je ne recommande pas un seul instant…

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Madame Desjarlais, votre temps est malheureusement écoulé.

    Mr. Laframboise please.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Ma question s'adresse soit à M. Poirier, soit à M. Cave.

    Vous êtes des représentants syndicaux d'un local particulier, le Local 4268. J'ai cru percevoir, chez l'Alliance canadienne du camionnage, une crainte terrible d'un déséquilibre entre le routier et le rail. La compétition semble très féroce. S'il y avait un ajustement, pensez-vous... On en a des exemples. Ce qui me sidère dans tout ça, c'est qu'on semble nous dire qu'il n'y a pas d'analyses ni d'études qui ont été faites, que l'analyse sur la fatigue n'est pas suffisamment approfondie...

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Monsieur Laframboise, excusez-moi. M. Brown et M. Facette nous avaient dit au tout début, alors que vous étiez peut-être absent, qu'ils devaient quitter tôt. Ils doivent quitter maintenant. Avez-vous des questions à leur adresser?

+-

    M. Mario Laframboise: Non, ça va aller.

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Merci. Thank you very much, gentlemen. Have a safe return.

    Je m'excuse, monsieur Laframboise.

    M. Mario Laframboise: Une chose m'inquiète, monsieur Poirier et monsieur Cave. Si on avait des heures semblables à celles qu'on a aux États-Unis... On nous disait qu'il n'y avait pas de recherche, mais il y a quand même une situation que les Américains vivent. C'est quand même le pays voisin. Les libéraux d'en face suivent les Américains comme les chiots suivent... C'est une réalité de tous les jours, mais il reste qu'on peut quand même se fier à une réglementation qui est en vigueur de l'autre côté de la frontière.

    Vous avez fait une recommandation dans votre rapport et vous avez comparé les heures au Canada et aux États-Unis. Si on adoptait le système américain d'heures de travail, est-ce que ça mettrait en danger l'industrie du camionnage au Canada par rapport au rail?

    Monsieur Poirier et monsieur Cave, parlez-vous suffisamment avec les employeurs, avec les patrons pour savoir si l'industrie du camionnage serait véritablement en danger si on adoptait des normes semblables à celles qu'il y a aux États-Unis?

  +-(1225)  

[Traduction]

+-

    M. Len Poirier (président, TCA Local 4268; président, TCA Conseil du transport routier, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile): Je ne pense pas du tout que l'industrie serait en danger. Ce qui serait selon moi peut-être en danger ce serait le coût de main-d'oeuvre des sociétés ici. Nous serions sur un terrain de jeu plus égal, avec les mêmes genres d'horaires.

    Une chose qui a souvent été mentionnée ici est la course vers le bas des travailleurs de l'industrie, et une partie de cela est le fait des voituriers-remorqueurs. Beaucoup de gens sont attirés vers le camionnage par le beau rêve d'être propriétaire de son propre camion et d'être son propre patron. Une fois ces gens-là arrivés dans l'industrie, ils font tout ce qu'il faut pour résister.

    Vous avez parlé des agriculteurs. Je viens du sud de l'Ontario. Que font les agriculteurs une fois qu'ils ont perdu leur ferme? Ils achètent un camion et ils prennent la route. Nombre d'entre eux ont cette optique. Ils ont le sentiment de pouvoir être leur propre patron: je viens d'une ferme, la ferme n'est plus, alors je vais conduire un camion.

    Je pense que nous devrions nous interroger davantage quant à un alignement sur les États-Unis. Peut-être que nous reconnaissons que l'écart entre nous est un petit peu plus grand, peut-être que nous savons que nous ne pouvons pas espérer avoir exactement les mêmes horaires, à cause des pressions exercées par les sociétés. Nombre de ces dernières ne voient pas de frontières. Elles ne voient pas de limites. Ce sont des multinationales. Pourquoi nos travailleurs ne devraient-ils pas être traités de façon aussi juste que les camionneurs aux États-Unis? Il me semble que sur ce plan nous ne devrions pas du tout être différents.

    L'autre raison pour laquelle les gens acceptent de faire de longues heures est qu'ils veulent subvenir aux besoins de leur famille.

    Une question a été posée: Ne savez-vous pas quand vous êtes suffisamment fatigué? Eh bien, si vous êtes fatigué et que cela fait des heures que vous conduisez, les études disent que vous êtes un petit peu comme la personne qui a trop bu. Si vous êtes en état d'ébriété, le savez-vous? La plupart du temps, vous ne le savez pas; vous pensez que vous êtes très bien. Il a fallu des années à la société pour qu'elle décide que la conduite en état d'ébriété n'est pas une chose à faire. Je ne pense pas que nous devrions laisser des types fatigués essayer de déterminer eux-mêmes s'ils sont ou non fatigués.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Je vous remercie. Je terminerai par un commentaire. L'industrie du camionnage, aux États-Unis, s'est ajustée aux heures de travail. Les camionneurs n'ont pas disparu de l'industrie. On a continué à s'ajuster. Les conditions de travail sont meilleures et les salaires se sont finalement ajustés. La plupart des camionneurs sont des intermédiaires entre celui qui fabrique le produit et celui qui le vend, dans les magasins ou ailleurs. C'est ça, la réalité; on s'ajuste. Le rail n'a pas cannibalisé le transport routier aux États-Unis. Donc, c'est là que j'ai de la difficulté, et je suis content que vous soyez là pour faire comprendre la situation aux députés libéraux.

    On pense que ça va être la crise. Vous avez raison. Ce sont les multinationales qui profitent du bas taux que vous leur donnez. Elles font du profit et elles le versent aux actionnaires de la compagnie, qui reçoivent leurs dividendes à tous les trois mois. Elles abusent de vous. On doit ajuster la norme et la faire respecter. On a déréglementé ici, au Canada, et tout le monde peut avoir son permis de transport. Donc, il faut que tout le monde respecte la norme. Il faut qu'on ait l'obligation d'installer des ordinateurs dans chacun des camions pour que tout le monde soit obligé de respecter la norme. À ce moment-là, toute l'industrie va s'ajuster, et les conditions de travail et les salaires seront meilleurs. Ce n'est pas vrai que le rail va cannibaliser l'industrie du transport routier.

    C'est là que tout le monde semble indécis. L'industrie semble convaincre le gouvernement que si jamais il réduit les heures de travail, il va falloir payer plus cher et on ne sera plus compétitif avec le rail. Je pense que tout va s'ajuster si on s'assure que tout le monde respecte la réglementation. Présentement, personne ne respecte la réglementation. Je suis encore surpris qu'il y ait des députés libéraux qui posent des questions sur les logbooks. Tout le monde sait que les logbooks sont trafiqués. C'est ça, la réalité au Canada. Ça fait sourire les camionneurs.Vous avez raison, monsieur Turner. Ils pensent qu'on respecte les logbooks. Voyons donc! Plus personne ne pense cela. Tous ceux qui suivent l'industrie de près savent que les heures de travail sont ajustées. Heureusement qu'il y a des syndicats qui protègent leurs travailleurs, parce qu'autrement, la situation serait encore bien pire.

    Oui, monsieur Poirier.

  +-(1230)  

[Traduction]

+-

    M. Len Poirier: J'aimerais répondre—nous n'en avons pas eu l'occasion—à la question de M. Shepherd au sujet des coûts. Une si grosse partie de l'activité de l'industrie se fait juste à temps et la réaction immédiate du conducteur—où se trouve le chargement. Le coût d'amélioration du matériel de communication est minime. La plupart des camions...les plus grosses compagnies ont des systèmes de communication par satellite. Les camions peuvent facilement être reliés au système satellite, et l'on peut ainsi contrôler les heures de service. Il existe une technologie qui permet d'identifier le camion et le chauffeur au volant.

+-

    M. Nigel Cave (président d'unité, Local 4268, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile): Je travaille pour Penske Logistics, et nous avons à l'heure actuelle le Qualcomm, le système américain. Nous oeuvrons dans l'industrie automobile, alors tout doit être contrôlé. Nous avons également le système OmniTrax dans le système informatique, et lorsque nous pointons, il nous faut entrer notre numéro d'identité. Dès que nous démarrons, nous entrons notre numéro d'identité. Cela indique à quelle heure nous avons commencé le matin, et dès que le camion roule, à quelle vitesse il roule. Si vous faites des arrêts soudains, c'est indiqué. Si vous suivez quelqu'un de trop près...le système indiquera également si nous faisons des excès de vitesse, et ainsi de suite. Nous pouvons répondre, et la réponse reste dans le système pendant six mois. Dès qu'une compagnie veut vérifier si nous avons suivi les règles, elle peut retourner six mois en arrière et tout vérifier.

    Cela coûte 3 500 $ US et des poussières pour installer le nécessaire dans un camion. Nous sommes une compagnie américaine, mais nous avons également une base au Canada—Penske Logistics—et je dirais que nous avons facilement plus de 15 000 unités au Canada et aux États-Unis, et elles sont toutes équipées de la sorte.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Merci.

    Puis-je vous poser une question là-dessus? Comment cela s'appliquerait-il à un voiturier-remorqueur ou à un courtier—appelez cela comme vous voulez—pas forcément quelqu'un qui conduit pour une compagnie, mais plutôt un propriétaire qui a son propre camion?

+-

    M. Nigel Cave: Je sais qu'il y a une compagnie appelée North American Van Lines qui transporte des pièces d'automobile pour nous. Elle joue le rôle de courtier pour nous, et elle assure pour nous le transport de remorques Triple Crown. Il s'agit de voituriers-remorqueurs et, si je ne m'abuse, ils doivent payer la moitié des frais d'installation de 3 500 $ US parce qu'ils utilisent le système Qualcomm, qui est américain, et le non le Cancom, qui est canadien. En bout de ligne, s'ils décident de quitter la compagnie, on leur rembourse leur moitié. L'unité est retirée du camion, elle est placée sous le siège, et l'ordinateur est monté sur le tableau de bord.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Monsieur Turner.

+-

    M. Peter Turner: Oui, comme on vient de vous le dire, il y a plus qu'un simple satellite. Il y a ce que l'on appelle un K Deck, qui repose sur le tableau de bord. Il n'est relié à aucun satellite ou autre, mais est directement branché à l'ordinateur. Je pense que son installation ne coûte qu'environ 800 $ canadiens. Il ne s'agit que d'une prise. Cela se branche dans l'ordinateur, mais il faut entrer un numéro d'identité. Il vous faut entrer votre destination ainsi que l'heure d'arrivée—ce genre de choses.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Et cela s'achète environ 800 $?

+-

    M. Peter Turner: Entre 800 $ et 1 000 $—quelque chose du genre. Mais, comme je l'ai dit, les ordinateurs principaux comportent déjà cela. Tout ce qu'il faut c'est mettre une prise sur un ordinateur afin que le ministère des Transports ou que le Department of Transport américain ou le client, qui a un petit dispositif manuel, se branche. C'est donc déjà monté à bord.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Merci.

    Si j'ai bien compris, cela met fin aux questions, à moins que Mme Desjarlais en ait encore d'autres.

    C'est tout?

    Merci.

+-

    M. Alex Shepherd: J'aimerais simplement faire un commentaire en guise de conclusion. Lorsque vous avez mentionné l'OmniTrax, cela m'a fait tilt, car les pompiers demandent que tous les systèmes de camionnage soient branchés sur l'OmniTrax afin que l'on sache à tout moment où se trouvent les déchets dangereux qui se promènent au Canada.

    L'autre question qui me vient à l'esprit est celle de la sécurité. Certaines de ces suggestions présentent peut-être encore d'autres avantages.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Merci.

    Oui, monsieur Poirier.

  -(1235)  

+-

    M. Len Poirier: J'aimerais dire une dernière chose, si vous me permettez. Beaucoup de gens ont l'impression que tout ce que font les camionneurs c'est s'asseoir dans leur camion et conduire. Or, l'industrie a changé à un point tel que nous sommes responsables du chargement et du déchargement des marchandises et parfois même de la vérification de la livraison.

    Beaucoup d'usines sont aujourd'hui équipées de telle sorte que c'est le camionneur qui doit utiliser le chariot-élévateur à fourche dans l'usine et placer les marchandises à bord du camion de telle sorte que tout coule dès qu'il arrive à l'usine de construction automobile avec une livraison juste-à-temps. Ou bien, ce qui continue d'arriver assez souvent, on décharge à la main.

    Vient donc s'ajouter à l'ensemble une fatigue physique. Si vous lisez les publicités pour les nouveaux camions proposés par les constructeurs, vous verrez qu'elles disent que c'est comme d'être assis dans votre fauteuil de salon. Eh bien, vous ne passez pas 12 heures par jour assis dans votre fauteuil de salon.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Je vous dirai bien franchement ceci: à une époque, lorsque le comité a dû se déplacer, l'une de mes suggestions avait été que les députés se déplacent en camion. Mais l'Alliance canadienne nous a empêchés de nous déplacer. Alors pour ceux et celles d'entre nous qui n'ont jamais eu le plaisir de voyager dans un de vos camions, l'attente se poursuit.

    Merci beaucoup.

    Avez-vous encore un commentaire à faire, monsieur Turner?

+-

    M. Peter Turner: Juste un. Le camionneur canadien se voit obligé de travailler aux États-Unis où 90 p. 100 des entrepôts sont organisés de telle sorte que le camionneur doit intervenir. Le camionneur doit donc ou sortir 100 $ US de sa poche pour faire décharger le camion ou bien le faire lui-même manuellement.

    Lorsque vous devez décharger 44 000 livres de marchandises puis remonter dans votre camion et reprendre le volant, la fatigue s'accumule vite.

-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Merci beaucoup d'être venus comparaître devant le comité. Nous vous en sommes reconnaissants. Bon retour.

    Merci. La séance est levée.