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SRID Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 29 mai 2002




¹ 1535
V         La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.))
V         M. Bashir Abdelgayoum (Alternatives Canada)

¹ 1540

¹ 1545
V         La présidente
V         M. Gary Kenny (attaché de recherche et défenseur des droits de la personne pour l'Afrique, Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice (KAIROS))

¹ 1550

¹ 1555

º 1600
V         La présidente
V         M. Manock Lual (coordonnateur du partenariat régional/Afrique, KAIROS: Initiatives canadiennes oecuméniques pour la Justice)
V         La présidente
V         M. Manock Lual

º 1605

º 1610

º 1615
V         La présidente
V         M. Manock Lual
V         La présidente
V         Mme Kathy Vandergrift (conseiller principal de direction, Vision mondiale Canada)

º 1620

º 1625
V         La présidente
V         M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne)

º 1630
V         La présidente
V         M. Gary Kenny
V         M. Maurice Vellacott
V         Mme Kathy Vandergrift
V         M. Maurice Vellacott
V         M. Manock Lual
V         M. Gary Kenny

º 1635
V         La présidente
V         M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ)
V         La présidente
V         Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)
V         M. Gary Kenny
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Gary Kenny
V         Mme Marlene Jennings
V         La présidente
V         Mme Marlene Jennings
V         La présidente
V         M. Gary Kenny

º 1640
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Gary Kenny
V         La présidente
V         Mme Kathy Vandergrift
V         La présidente
V         M. Svend Robinson
V         La présidente

º 1645
V         M. Svend Robinson
V         Mme Kathy Vandergrift
V         M. Svend Robinson
V         Mme Kathy Vandergrift
V         La présidente
V         M. Maurice Vellacott
V         M. Gary Kenny

º 1650
V         M. Manock Lual
V         La présidente
V         M. Bashir Abdelgayoum
V         La présidente
V         Mme Kathy Vandergrift
V         La présidente
V         Mme Kathy Vandergrift

º 1655
V         La présidente
V         Mme Kathy Vandergrift
V         La présidente
V         Mme Kathy Vandergrift
V         La présidente
V         M. Gary Kenny
V         La présidente
V         M. Manock Lual
V         La présidente
V         Mme Kathy Vandergrift
V         La présidente
V         Mme Marlene Jennings

» 1700
V         M. Bashir Abdelgayoum
V         M. Manock Lual
V         Mme Marlene Jennings
V         La présidente
V         Mme Kathy Vandergrift

» 1705
V         Mme Marlene Jennings
V         La présidente
V         M. Manock Lual
V         La présidente
V         M. Gary Kenny
V         La présidente
V         M. Manock Lual

» 1710
V         La présidente
V         M. Gary Kenny
V         Mme Kathy Vandergrift
V         La présidente
V         M. Gary Kenny
V         La présidente
V         M. Gary Kenny
V         Mme Kathy Vandergrift
V         M. Gary Kenny
V         La présidente
V         M. Gary Kenny
V         La présidente
V         M. Manock Lual

» 1715
V         La présidente
V         M. Manock Lual
V         La présidente
V         M. Gary Kenny
V         La présidente
V         Mme Kathy Vandergrift
V         La présidente
V         Mme Kathy Vandergrift
V         La présidente
V         Mme Kathy Vandergrift
V         M. Gary Kenny
V         La présidente
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Manock Lual

» 1720
V         Mme Marlene Jennings
V         La présidente
V         M. Gary Kenny
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Gary Kenny
V         La présidente
V         M. Gary Kenny
V         La présidente
V         Mme Kathy Vandergrift
V         La présidente
V         M. Manock Lual

» 1725
V         La présidente
V         M. Manock Lual
V         La présidente
V         M. Manock Lual
V         La présidente
V         M. Bashir Abdelgayoum
V         La présidente










CANADA

Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 026 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 29 mai 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): La séance est ouverte, et il s'agit de la 26e séance du Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

    Nous recevons des témoins appartenant à trois groupes: d'Alternatives Canada, Bashir Abdelgayoum; d'Initiatives oecuméniques canadiennes pour la Justice (KAROS), Gary Kenny, attaché de recherche et défenseur des droits de la personne pour l'Afrique, et je crois que Manock Lual interviendra également; et de Vision mondiale Canada, nous avons Kathy Vandergrift, conseillère principale de direction.

    Je crois que nous allons vous écouter dans l'ordre où vous figurez à l'ordre du jour, c'est-à-dire en ordre alphabétique. Nous allons vous écouter tous les trois, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.

    Les membres du comité vont entrer et sortir. Certains siègent à des comités où ils procèdent à une étude article par article d'un projet de loi ou en complètent l'étude, et ils doivent rester sur place jusqu'à qu'ils aient terminé. Certains siègent à deux comités. Donc ne vous décourager pas si quelqu'un s'en va et si quelqu'un d'autre entre; c'est dans l'ordre des choses. Tous recevront le texte des propos que vous tiendrez aujourd'hui.

    De même, nous vous prions de ne pas répondre trop longuement parce qu'alors, nous n'avons plus le temps de vous poser d'autres questions. Dans vos réponses aux questions, vous pourrez probablement dire tout ce que vous n'avez pu dire dans votre allocution liminaire, et j'ai la certitude que de nouveaux éléments vont surgir.

    Le Président a annoncé qu'il assouplissait aujourd'hui le code vestimentaire sur la Colline parce que nous n'avons pas l'air climatisé. Je ne sais pas ce que les dames sont censées enlever, mais les hommes peuvent enlever leur cravate, s'ils veulent, ou retrousser leur manches.

    C'est la troisième séance que nous avons sur le Soudan. D'ailleurs, j'ai la certitude que nos rencontres vont se poursuivre jusqu'à l'année prochaine, d'ailleurs. Nous espérons aller au Soudan en novembre. Nous avons eu une séance avec certains responsables gouvernementaux, et nous avons rencontré Lois Wilson et John Harker.

    Nous allons commencer avec Bashir, si vous le voulez bien.

+-

    M. Bashir Abdelgayoum (Alternatives Canada): Mesdames et messieurs, bon après-midi.

    Je vais vous donner un bref aperçu de ce que fait Alternatives au Soudan, dans le nord du pays en particulier. Je ne vais pas vous lire tout ce texte, qui fait environ cinq pages, mais j'en résumerai brièvement le contenu.

    Le Soudan est l'un des pays les plus pauvres d'Afrique, et l'on estimait, en 1998, que le revenu par habitant moyen était de 290 $ US. Ce faible revenu par habitant s'inscrit parmi d'autres indicateurs de pauvreté.

    Un enfant sur dix meurt avant d'avoir atteint l'âge de cinq ans, et c'est plus près d'un sur cinq dans le Sud. Environ seulement un enfant sur trois va à l'école au Soudan. Plus de deux millions de personnes sont mortes depuis 1983 à cause de la guerre, et plus de quatre millions de personnes ont été déplacées.

    Si l 'on en croit les statistiques officielles, la croissance économique aurait atteint 6 p. 100 en 1998 et 1999, et on s'attendait à ce qu'elle atteigne 6,5 p. 100 en 2000. Cependant, nous n'avons aucune ventilation détaillée de la production ou de la consommation, ce qui nous permet de douter de cette évaluation générale. Les statistiques officielles pour 1999 et 2000 semblent exagérément optimistes et douteuses.

    À cause de la guerre civile qui se poursuit, des crises économiques et de l'instabilité politique, les besoins croissants ont fait augmenter de beaucoup le nombre d'agences de développement social sur place. Étant donné la dégradation des services sociaux, les violations des droits de la personne et la poursuite de la guerre civile, les ONG soudanaises et les organisations de la société civile ont élargi leurs opérations.

    Le rôle de la société civile soudanaise dans la quête de la paix est évident. Cela reflète évidemment la participation des groupes locaux aux initiatives de paix locales. Les expériences dont je vais faire état comptent parmi les exemples les plus impressionnants d'efforts de paix accrus et viables.

    La première expérience est l'initiative de l'ambassade des Pays-bas, qui est apparue en 1998 en réponse aux divers efforts fragmentés des groupes féminins soudanais et d'organisations qui avaient commencé à marquer leur intérêt et leur désir de jouer un rôle dans le processus de paix. L'intérêt des femmes pour le processus de paix tenait au fait que ce sont elles qui sont le plus touchées par la guerre civile et les moins consultées ainsi que les dernières à l'être. L'initiative faisait intervenir neuf groupes: cinq groupes dans le secteur nord et quatre dans le secteur sud.

    La seconde expérience est ce processus de paix peuple à peuple, qui a été lancé par un nouveau conseil, le Nouveau Conseil des Églises du Soudan. Ce processus est particulièrement prometteur dans la mesure où il fait intervenir plus de collectivités et de structures locales. On nous dit qu'il y a de plus en plus de groupes qui participent et qu'on a obtenu jusqu'à ce jour des résultats formidables.

    La troisième initiative est le Séminaire des initiatives de la paix, qui s'est tenu à Khartoum, en juin 2001, avec le soutien du ministère canadien des Affaires étrangères, ce qui est un bon exemple du rôle accru que jouent les organisations de la société civile dans les efforts visant à instaurer la paix dans le pays. Le séminaire avait pour but de soutenir le processus de paix en offrant aux acteurs internes la possibilité de se pencher sur certaines orientations et propositions pouvant mener à la paix. Voici une des déclarations qu'on a entendues au séminaire: «Aucune des factions en guerre ne saurait remporter de victoire militaire, et même si l'une d'entre elles remporte des succès militaires, cela n'amènera pas la paix».

    L'autre initiative est celle d'Alternatives et d'organisations soudanaises, en collaboration avec Oxfam Pays-Bas, NOVIB, qui a organisé une table ronde de deux jours sur la pauvreté à Khartoum en février de cette année. Cette table ronde était la première du genre et on y trouvait divers groupes représentant les organisations de la société civile. Son but premier était d'identifier la nature et les causes de la pauvreté au Soudan et de discuter du rôle des organisations de la société civile dans la lutte contre la pauvreté, lutte qui commencerait par l'adoption d'un cadre alternatif.

¹  +-(1540)  

    Autre exemple, celui du Congrès national des femmes, qui était une campagne massive pour la paix organisée en mars 2002, à Kampala, par le Forum civil pour la paix, avec le soutien du Fonds de consolidation de la paix de l'ACDI où intervenaient de nombreux autres secteurs de la société civile soudanaise dont des groupes féminins, des ONG, des médias, des organisations vouées aux droits de la personnes et des partis politiques. Il y avait plus de 150 participants qui représentaient les monts Nuba, le Nil bleu, le sud du Soudan, l'est du Soudan, le nord du Soudan, la Diaspora et les réfugiés soudanais. La déclaration du congrès affirmait clairement qu'il faut donner aux femmes les moyens voulus pour prendre part au processus de paix à titre de partenaires entières et actives.

    Parlons aussi de l'accord tribal de réconciliation Abyei, qui intéresse les collectivités de pasteurs et de sédentaires dans les zones touchées par la guerre. Traditionnellement, des accords officieux sont intervenus entre divers groupes dans le sud du Soudan et dans l'ouest du Soudan, accord visant à favoriser le mouvement des troupeaux de bestiaux et à éviter les attaques entre zones.

    Ce qui a été accompli par les ONG soudanaises, ce sont des efforts visant à remédier aux pires problèmes de sous-développement urbain et rural, notamment les problèmes que posent la guerre et la paix. Ces projets ont réussi dans des situations qui n'étaient pas particulièrement favorables. Les facteurs qui font que ces initiatives locales sont plus réussies et plus viables tiennent au fait qu'on cherche d'abord à combler les besoins communautaires et à obtenir des résultats.

    Contrairement à ce qu'on trouve dans les secteurs économiques et sociaux, il n'existe aucun indicateur statistique permettant de savoir objectivement dans quelle mesure les droits de la personne sont respectés ou violés. Mais il est évident que la promotion et la protection de droits de la personne sont non seulement des impératifs d'ordre éthique, mais aussi des nécessités pour les initiatives relatives à l'économie et à la paix, et qu'elles doivent être traitées en tant que telles.

    Les violations des droits de la personne les plus graves ont été commises dans le contexte de la guerre civile et ont pris la forme de déplacements de personnes, de bombardements, de rapts et d'embrigadement d'enfants soldats, mais l'actuel gouvernement a aussi eu recours à la torture, à la détention ainsi qu'à d'autres pratiques tout aussi répréhensibles. L'absence dans la nouvelle constitution de toute mention d'égalité des chances, du droit au travail, du droit à la santé et du droit à l'éducation illustre bien que le fait que ces droits préoccupent peu le gouvernement.

    J'ai quelques conclusions et recommandations à vous adresser. Les organisations de la société civile dans le Nord et le Sud doivent avoir les moyens de définir leurs rapports avec l'État dans le cadre de structures et d'organisations authentiquement indépendantes qui pourraient faire pièce au monopole du pouvoir que détient le gouvernement. On ne pourra pas éliminer la pauvreté, et on ne pourra pas bien sûr instaurer la paix, si ceux qui sont au bas de la société n'ont pas de voix, d'espace où s'organiser, ou de rôle dans le processus décisionnel politique.

    En dépit de nombreux obstacles à la création d'une démocratie authentique au Soudan, il semble que la majorité des Soudanais sont favorables à la démocratie. Le soutien à la paix des organisations de la société civile soudanaise est sincère et absolu. Une paix durable exige un règlement politique complet et non une solution partielle et limitée. Les parties doivent s'entendre sur une formule acceptable où les rapports entre la religion et la politique seraient fondés sur la citoyenneté; chacun doit admettre que l'État est une institution politique et non religieuse et que la liberté de culte doit être garantie pour tous.

    Alternatives, en sa qualité de membre de la communauté internationale, et ses partenaires locaux au Soudan doivent utiliser au mieux leurs ressources et obtenir des moyens de donateurs crédibles pour mettre en oeuvre l'objectif le plus noble et le plus durable qui soit, à savoir l'établissement d'un processus permanent.

    Merci beaucoup.

¹  +-(1545)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Kenny.

+-

    M. Gary Kenny (attaché de recherche et défenseur des droits de la personne pour l'Afrique, Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice (KAIROS)): Merci beaucoup, madame la présidente.

    Nous sommes très heureux de vous adresser la parole aujourd'hui. Je crois que le moment est fort choisi pour tenir des audiences sur cette question étant donné la publication récente du rapport Danforth et la tenue prochaine du sommet du G-8. Je pense que nous tenons là la possibilité de faire des avancées dans ce qui a été un processus très difficile entourant l'avènement de la paix au Soudan, et nous espérons trouver d'autres moyens de nous sortir de cette impasse qui dure depuis si longtemps.

    Nous, les responsables des églises, avons la conviction que votre comité peut apporter une contribution importante au processus de paix dans la réflexion qu'il mène sur l'orientation de la politique canadienne au Soudan. Nos merveilleux voeux de réussite vous accompagnent.

    Je ne parlerai pas beaucoup de ce que sont les initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice, KAIROS. Nous vous avons remis un texte de quatre pages. Vous y trouverez une description. Nous avons également un texte plus long que les membres du comité pourront lire s'ils veulent en savoir davantage à notre sujet.

    Le mémoire de KAIROS porte essentiellement sur l'observation, la recherche et les initiatives relatives au droit de la personne. Je ne dresserai pas la longue liste des violations des droits de la personne qui sont commises en ce moment au Soudan. Mais je vais vous diriger vers d'excellentes sources que le comité pourra consultera, j'espère, au cours de ces délibérations.

    Nous avons des rapports sur notre propre site Web. Je vous recommande également le site de Human Rights Watch. C'est une excellente source qui traite des violations des droits de la personne, tant dans les secteurs du Soudan qui sont contrôlés par le gouvernement que ceux qui ne le sont pas. Cette organisation a un site Web où figurent tous ses rapports. C'est un site que je vous recommande vivement.

    De même, nous vous avons apporté des exemplaires du rapport Gagnon/Ryle. Je crois que vous en avez également reçu des exemplaires plus tôt cette année ou à la fin de l'année dernière. Nous considérons que c'est là un exemple parfait d'un rapport authentiquement objectif et indépendant sur les violations des droits de la personne à l'échelle internationale, particulièrement en ce qui concerne la situation des champs de pétrole au Soudan.

    La présidente: Je dois vous signaler qu'elle sera ici la semaine prochaine.

    M. Gary Kenny: Oui. Georgette Gagnon doit témoigner devant votre comité la semaine prochaine. Je m'en réjouis.

    C'est le seul rapport qui contient une analyse ethnographique des habitudes de peuplement sur le Nil supérieur occidental, où se trouvent les champs de pétrole. Vous y trouverez des renseignements très utiles qui contredisent ce que Talisman affirme au sujet des habitudes de peuplement Talisman soutient notamment que personne n'a jamais habité dans ces contrées. Je recommande instamment au comité d'en faire la lecture.

    En outre, j'ai mon propre rapport. J'étais au Soudan en février dernier et j'y ai interviewé de nombreux Nuers qui avaient été déplacés de l'une des concessions de Talisman, le 27 janvier, par suite d'une attaque contre leur village de Mankien.

    De même, vous devez être au courant du rapport le plus récent portant sur la campagne européenne sur le pétrole au Soudan. C'est également un très bon rapport sur les combats qui ont lieu en ce moment sur le Nil supérieur occidental, des combats qui ont pour enjeux les champs de pétrole, et sur les diverses violations des droits de la personne qui sont perpétrées en conséquence.

    Pour ce qui est des droits de la personne, comme je l'ai dit, certains des pires combats de cette guerre jusqu'à ce jour ont été livrés dans la région des champs de pétrole du Nil supérieur occidental. Il y a là renforcement massif des forces militaires. Les combats ont eu pour effet de déplacer des dizaines de milliers de civils, et un grand nombre de personnes ont été blessées ou tuées.

    De même, parce que le gouvernement du Soudan a interdit aux organismes humanitaires l'accès à la plupart des pistes d'atterrissage dans la région—je crois qu'il y en a 45—ce qui a supprimé toute aide alimentaire et médicale, les Nations Unies estiment qu'environ 1,7 million de personnes font face à la famine en ce moment. Ce qui veut dire que des dizaines de milliers de personnes pourraient mourir dans les quelques mois à venir si rien ne change et si ces gens n'obtiennent pas d'aide. C'est un problème très grave. Cela commence à ressembler à la famine qui s'est produite dans la région de Bahr Al-Ghazal en 1998, où l'on estime que 100 000 personnes ont péri.

    J'ignore si votre comité doit attendre d'avoir tenu toutes ses audiences et d'avoir publié son rapport. Je crois qu'il serait très utile que votre comité écrive au premier ministre dès maintenant, en vue du sommet du G-8 qui doit se tenir sur cette question.

    La présidente: Svend piaffe d'impatience.

    M. Svend Robinson (Burnaby--Douglas, NPD): Absolument.

    M. Gary Kenny: Je dois souligner que les déplacements contraints se poursuivent également dans les concessions de pétrole loin des combats. C'était le sujet de mon rapport de février.

    Bon nombre d'entre vous avaient entendu parler de cet incident odieux qui était l'attaque de Bieh. Une opération de distribution alimentaire s'y déroulait sous les auspices des Nations Unies, et de nombreuses personnes ont été tuées par les hélicoptères de combat du gouvernement du Soudan.

    Le 27 mai, une attaque semblable a eu lieu aux environs d'une ville appelée Rier, dans la région du Nil supérieur occidental. Il s'agissait d'une situation semblable. Une opération d'aide alimentaire s'y déroulait, et la région a été bombardée et dévastée par les hélicoptères de combat.

    Il y a des éléments communs dans ces situations, mais il y a une différence très importante que je veux signaler. Contrairement à Bieh, Rier est située dans la concession du bloc 4 de Kaikang qui appartient à Talisman. J'espère que votre comité retiendra ce fait très important.

¹  +-(1550)  

    J'aimerais faire une observation sur le processus de paix et, en particulier, sur l'Autorité intergouvernementale pour le développement, l'AID. La consolidation d'une paix juste—et j'insiste sur le mot juste—et durable au Soudan doit être la pierre d'assise de la politique du Canada à l'égard de ce pays.

    Pour que le Soudan connaisse une paix durable, il faut s'attaquer aux diverses causes du conflit qui y sévit. Parmi ces causes, mentionnons celles-ci: le sous-développement du Sud et de certains secteurs du Nord, régions qui ont été négligées par l'administration coloniale et les gouvernements qui se sont succédés après l'indépendance du Soudan; un long passé de discrimination raciale, culturelle et religieuse; et la mainmise et l'exploitation par le Nord des ressources du Sud sans que cela profite d'aucune façon aux habitants du Sud.

    Pour qu'une véritable paix durable s'instaure au Soudan, il importe de tenir compte des vieux griefs fondamentaux, sans quoi la paix disparaîtra rapidement et le Soudan sera de nouveau plongé dans un conflit qui déstabilisera aussi la région. Il s'agit d'un facteur d'une grande importance.

    Seul un processus de paix solide, fondé sur l'unité et faisant place à tous les intervenants peut mener à une paix juste et durable. Nous pensons que le processus de paix de l'Autorité intergouvernementale pour le développement peut mener à ce genre de paix étant donné qu'il repose sur une déclaration de principes valable. Nous sommes d'ailleurs très heureux que le Canada continue d'appuyer ces principes.

    Comme nous le savons cependant, ce processus de paix stagne depuis un certain temps. Il est nécessaire de le raviver de façon urgente. Pour que le processus de paix de l'Autorité intergouvernementale pour le développement ait de véritables chances d'aboutir à une paix durable, il devrait comporter certaines caractéristiques dont les cinq caractéristiques suivantes.

    Premièrement, les pays membres de l'AID doivent concentrer toute leur attention sur la tâche à accomplir. Au cours des deux ou trois dernières années, les conflits sévissant dans les pays membres de l'AID et entre ces pays sont au nombre des facteurs qui les ont empêchés de concentrer pleinement leur attention sur le processus de paix. La situation doit être corrigée.

    Deuxièmement, à titre de président de l'AID, le Kenya doit faire preuve d'un leadership manifeste. Le Kenya a à l'occasion donné l'impression qu'il se désintéressait du processus, ce qui a causé un certain dérapage. La situation n'a pas aidé les autres pays à continuer à oeuvrer à l'atteinte de l'objectif qu'ils se sont fixé.

    Troisièmement, les pays non membres de l'AID qui ont notamment des liens historiques avec le Soudan et qui peuvent exercer une certaine influence à l'échelle internationale doivent jouer un rôle plus actif dans le processus de paix. On songe notamment au Royaume-Uni et aux États-Unis. Il conviendrait d'étudier plus à fond le rôle que ces deux pays peuvent jouer respectivement dans la région.

    Quatrièmement, la société civile du Soudan doit contribuer activement au processus de paix. Je reviendrai à cette question un peu plus tard.

    Cinquièmement, il faut mettre en place un ensemble équilibré de mesures incitatives et de sanctions—la politique de la carotte et du bâton—de manière à convaincre les principaux intervenants à prendre le processus de paix au sérieux, car il faut empêcher qu'ils se retirent des discussions trop facilement comme ils l'ont fait tant de fois dans le passé, et je songe, en particulier, au gouvernement du Soudan.

    J'aimerais maintenant traiter du rôle de la société civile et de la nécessité de mettre en oeuvre une politique de la carotte et du bâton. On ne peut pas s'en remettre pour ce qui est du processus de l'AID aux seuls principaux pays membres. Ils ne sont pas suffisamment désintéressés et il est trop facile de détourner leur attention de la tâche qu'on leur a confiée. La société civile devrait aussi avoir accès de façon officielle au comité. Je ne propose pas qu'elle compte des représentants à la table des discussions, mais elle doit y participer d'une certaine façon.

    L'expérience enseigne que la société civile ne manque pas d'énergie et d'idées à contribuer au processus de paix. La société civile peut aussi exercer des pressions sur les principaux intervenants pour les amener à prendre le processus de paix plus au sérieux.

    J'espère que vous connaissez le processus d'édification de la paix de peuple à peuple qu'a mis sur pied le nouveau Conseil des églises du Soudan. Ce processus a donné des résultats remarquables et a permis aux groupes ethniques du Sud de régler leurs divergences d'opinion. Plusieurs étapes du processus sont déjà terminées et d'autres étapes sont déjà prévues. Voilà un excellent exemple de la façon dont un processus fondé sur la participation de la population peut contribuer à l'édification de la paix pourvu que les conditions et ressources voulues soient en place. C'est aussi un bon exemple de la façon dont un tel processus peut amener les hauts dirigeants à prendre le processus de paix plus au sérieux.

    C'est d'ailleurs ce qu'on a pu constater en janvier lorsque le Mouvement populaire de libération du Soudan et le Front démocratique populaire du Soudan ont décidé de joindre leurs efforts.

    Nous pressons le comité de recommander que le Canada collabore avec les partenaires de l'AID ainsi qu'avec tous les autres intervenants utiles pour veiller à ce que la société civile soudanaise ait véritablement accès au processus de l'AID et pour que ses vues et idées sur le processus soient prises au sérieux.

    Pour ce qui est de la politique de la carotte et du bâton, il semblerait, à l'heure actuelle, qu'on ait davantage recours à la carotte qu'au bâton, en particulier à l'égard du gouvernement du Soudan qui est bien connu pour faire des promesses en échange de concessions qu'il renie ensuite. Nous ne savons plus au juste combien de fois le gouvernement du Soudan a ainsi manqué à sa parole. Il faudrait aussi donc songer à exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il respecte ses engagements et recourir aux besoins à des sanctions pour l'y obliger.

    Le domaine pétrolier est l'un des domaines où il est possible d'exercer des pressions sur le gouvernement soudanais. Parlons donc maintenant de cette question.

¹  +-(1555)  

    À notre avis, le pétrole n'est pas la principale cause de la guerre. Nous en sommes même absolument convaincus. Le pétrole est cependant maintenant au coeur de l'activité militaire ainsi que la cause d'énormes abus des droits de la personne, abus qui ont été dénoncés par des sources dignes de foi. Le pétrole est également cause d'insécurité humaine non seulement au Soudan mais dans toute la région.

    Le pétrole et non plus la paix constitue maintenant la préoccupation première tant le gouvernement du Soudan que la SPLA. Ils sont déterminés à poursuivre la guerre. Le gouvernement soudanais veut conserver et augmenter son avantage militaire et la SPLA souhaite faire de même, voulant peut-être se protéger contre le gouvernement qu'elle accuse d'utiliser les revenus pétroliers pour acheter de nouvelles armes et accroître sa capacité militaire.

    Il est donc impensable qu'une paix s'instaure au Soudan tant que le gouvernement soudanais continuera d'avoir accès à des revenus pétroliers, du moins pas une paix juste et durable comme celle que souhaitent toutes les personnes réunies autour de cette table.

    Il faut à tout le moins que la communauté internationale fasse preuve de la volonté politique voulue pour amener le Soudan à réduire sa production pétrolière et exercer ainsi sur le gouvernement du pays les pressions voulues pour qu'il donne sa chance au processus de paix de l'AID. Comme la société pétrolière qui est la principale société à exploiter les ressources pétrolières du Soudan est de propriété canadienne, le Canada doit prendre les mesures qui s'imposent à l'endroit de Talisman. Le Canada doit à tout le moins imposer certaines contraintes à Talisman et nous pensons qu'il lui serait possible de le faire de trois façons.

    Le gouvernement du Canada pourrait d'abord faire savoir publiquement à Talisman Energy que ses opérations au Soudan compromettent la sécurité non seulement de ses employés canadiens, mais aussi des civils innocents qui vivent dans la région de la concession pétrolière. Le gouvernement du Canada ne l'a pas fait jusqu'ici.

    Enfin, le Canada fait tout le contraire. Selon la télévision soudanaise, le Canada encourage le Talisman à poursuivre ses opérations au Soudan.

    J'aimerais vous lire un extrait d'un reportage diffusé récemment à la télévision soudanaise à l'occasion d'une réunion de Hemisphere International dans lequel il est question de la rentabilité des investissements canadiens au Soudan dans le domaine du pétrole et des communications. Le reportage disait que le président et chef de la direction de Talisman, M. James Buckee, «affirme que le climat au Soudan est très propice aux investissements et que le gouvernement canadien encourage toutes les entreprises et les fondations canadiennes à participer à la réalisation de projets d'investissement au Soudan».

    Vous pouvez prendre cette déclaration avec un grain de sel si vous le souhaitez, mais elle montre à tout le moins que le gouvernement soudanais fait des affirmations qui ont été infirmées par les représentants du ministère des Affaires étrangères ainsi que d'autres personnes qui ont témoigné devant le comité. À mon avis, la question mérite d'être étudiée plus à fond.

    Deuxièmement, j'espère que ce comité recommandera au ministère des Affaires étrangères de constituer un groupe de travail auquel seraient représentés des ministères comme le ministère des Finances, le ministère de l'Industrie et le ministère du Commerce international et dont le mandat serait de trouver comment mettre fin une fois pour toutes au commerce de biens militaires soutenu par des entreprises canadiennes. Si la volonté politique voulue existe, je pense qu'il est possible d'atteindre cet objectif.

    Troisièmement, nous espérons que le comité recommandera que le gouvernement du Canada incite d'autres pays à appuyer les recherches qui sont actuellement menées par un centre des droits de la personne à Genève. Ce centre cherche à élaborer des normes internationales en matière de droits de la personne qui feraient partie du droit international et qui s'appliqueraient non pas à des États mais à des entreprises commerciales comme Talisman. Les travaux du centre dureront des années. L'objectif visé est d'interdire aux sociétés de mener des opérations dans des zones de conflit et d'encourager de la sorte ces conflits ainsi que d'importants abus des droits de la personne.

    J'aimerais dire quelques mots en terminant au sujet de la réunion du G-8 qui doit porter sur l'Afrique. À titre de hôte de la réunion, le Canada a l'occasion de convaincre les dirigeants du G-8 d'insuffler une nouvelle vie au processus de paix de l'AID et de s'entendre sur un plan qui mette l'exploitation des ressources pétrolières au service de la paix.

    La réussite de l'initiative du NPDA repose sur l'existence de la paix et de la sécurité dans toutes les régions de l'Afrique, sur le développement démocratique ainsi que sur le respect des droits de la personne. Cette initiative est vouée à l'échec si des pays comme le Soudan continuent d'être ravagés par des conflits.

    Nous espérons donc que le premier ministre Chrétien fera preuve d'un leadership vigoureux lors du sommet du G-8. Je presse le comité d'en faire la demande au premier ministre dans une lettre.

    Merci beaucoup.

º  +-(1600)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Kenny.

    Voudriez-vous ajouter quelque chose avant que nous vous posions des questions?

+-

    M. Manock Lual (coordonnateur du partenariat régional/Afrique, KAIROS: Initiatives canadiennes oecuméniques pour la Justice): Certainement parce que ce que je dirai complétera ce que vient de vous dire Gary.

+-

    La présidente: Allez-y. Je regrette.

+-

    M. Manock Lual: J'appartiens aussi à KAIROS. Nous sommes venus ici comme groupe. En fait, nous nous sommes répartis le travail et je dois vous entretenir du droit à l'autodétermination. J'aimerais vous saluer, madame la présidente et je salue aussi les membres du comité et les invités dans cette salle.

    Ce que je voulais vous dire au sujet du droit à l'autodétermination, je vous l'aurais dit dans n'importe quelles circonstances, mais je me sens d'autant plus obligé de vous le dire que j'ai entendu certaines personnes dire et j'ai aussi lu—par exemple dans le rapport Danforth—que l'autodétermination est un objectif irréaliste et que les Sud-Soudanais devraient se contenter de mesures qui protégeant les droits de la personne et les libertés religieuses. Le comité a aussi entendu des témoins lui dire que l'autodétermination était un objectif irréaliste. Je crois qu'ils ont tort.

    J'aimerais d'abord vous expliquer ce qu'est l'autodétermination. Je ne veux pas sembler condescendant, mais je voudrais rappeler aux membres du comité que le droit à l'autodétermination est un droit humain universel qui est inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par les Nations Unies. Aux termes de cette déclaration, le droit à l'autodétermination est le droit dont dispose chaque peuple à choisir sa propre destinée. C'est exactement ce que souhaitent les Sud-Soudanais. Autrement dit, les Sud-Soudanais devraient pouvoir décider de leur avenir ainsi que du type de régime politique qu'ils souhaitent se donner.

    J'aimerais faire observer que le droit à l'autodétermination est l'un des principes figurant dans la déclaration de principes de l'AID. Les partenaires de l'AID, après avoir étudié le problème au Soudan, ont élaboré sept principes de base, lesquels prévoient que si le gouvernement et le SPLM/SPLA—l'Armée populaire de libération du Soudan et le Mouvement populaire de libération du Soudan—ne parviennent pas à s'entendre notamment sur la séparation entre leur religion et l'État et sur la décentralisation du pays, le peuple sud-soudanais devrait se voir accorder le droit, dans le cadre d'un référendum mené sous surveillance internationale, de décider s'il veut demeurer au Soudan ou constituer un pays indépendant.

    Par conséquent, si l'on convient avec le rapport Danforth et d'autres rapports semblables que l'AID est la solution la plus prometteuse au problème soudanais, on ne peut pas se permettre de retenir certains éléments seulement du processus de paix pour en rejeter d'autres. La déclaration de principe comprend l'autodétermination qui est cependant vue comme une solution de dernier recours en cas de non entente notamment sur la sécularisation du pays et sa décentralisation.

    J'ai donc du mal à comprendre que certaines personnes pensent que l'autodétermination est un objectif réaliste. Qui est habilité à dire qu'il s'agit d'un objectif irréaliste? Il s'agit d'un droit démocratique reconnu par les Nations Unies et par les partenaires régionaux. Nous devrions donc éviter de dire que l'autodétermination signifie la garantie de liberté religieuse et le respect des droits de la personne ou même une «bonne gouvernance» comme certains l'ont dit.

    Les Sud-Soudanais n'ont rien contre la bonne gouvernance...je dois m'excuser d'avoir omis de dire que je suis Sud-Soudanais. Je parle au nom de KAIROS, mais j'exprime aussi certaines positions personnelles. Vous m'en excuserez.

    Le droit à l'autodétermination est le droit démocratique qu'ont tous les peuples de décider de leur avenir. Je crois que c'est faire preuve d'arrogance et de mépris pour le processus de la paix lorsqu'on dit qu'il faut oublier l'autodétermination et considérer l'AID comme le point de départ du processus de paix. La paix au Soudan n'est pas possible si l'on refuse aux Sud-Soudanais le droit de choisir s'ils demeureront au sein d'un Soudan uni ou s'ils constitueront un État indépendant à l'issue d'un référendum mené sous surveillance internationale.

º  +-(1605)  

    La situation s'explique premièrement par le fait que le Sud-Soudan et le Nord-Soudan constituaient deux pays distincts entre 1898 et 1947. Avant 1947, les Nord-Sudanais devaient présenter leur passeport pour être admis dans le Sud-Soudan. Soudainement, sous les pressions exercées par l'Égypte—et je reviendrai à l'Égypte dans un instant—les Britanniques, qui gouvernaient le Soudan... J'ai entendu certains dirent que le Canada n'avait rien en commun avec le Soudan, mais le Soudan est aussi une ancienne colonie britannique. J'ajouterai que les Britanniques sont tenus en très haute estime par certains résidents du Soudan parce que bien que colonialistes, les Britanniques étaient considérés comme des gens ayant des principes contrairement à ce que peuvent dire les Sud-Soudanais de leurs frères du Nord.

    Depuis 1947, c'est-à-dire depuis que les Britanniques, revenant sur une décision antérieure, décidèrent d'unir le Sud-Soudan et le Nord-Soudan, de nombreuses promesses ont été brisées. En 1947, les Britanniques ont donné leur accord pour que le Sud-Soudan et le Nord-Soudan ne forment plus qu'un seul pays. Or, le premier jour d'une conférence de deux jours, le représentant du Sud-Soudan s'opposât à ce que son pays fasse partie du Soudan. À l'issu des pressions exercées par l'Égypte, la Grande-Bretagne décida de joindre les deux parties du Soudan. Le deuxième jour de la conférence, les représentants du Sud ont accepté à contrecoeur que le Sud-Soudan se joigne au Nord-Soudan, obtenant en contrepartie la promesse que le Sud-Soudan serait traité équitablement dans un Soudan indépendant.

    Neuf ans plus tard, au moment du départ des Britanniques, le gouvernement soudanais devait combler 800 postes dans la fonction publique. Sept cent quatre-vingt seize de ces postes sont allés à des habitants du Nord. Seulement quatre postes ont été comblés par des habitants du Sud. On voit donc dès le départ que les Sud-Soudanais n'ont pas été traités équitablement comme on le leur avait promis.

    Juste avant 1956, lorsque le Parlement soudanais se préparait à déclarer l'indépendance du Soudan de la Grande-Bretagne, le Sud, qui exprimait des réserves, s'est vu promettre qu'après l'indépendance, une constitution fédérale régirait le pays. Le Sud a donc donné son accord au fait de faire partie d'un pays indépendant.

    Dès le moment de la déclaration de l'indépendance du Soudan, soit le 1er janvier 1956, le gouvernement du Soudan ou l'élite qui dirigeait alors le pays a renié sa promesse. En 1958, parce que le Soudan réclamait à cor et à cri une constitution fédérale, l'élite du Nord décida de concéder le pouvoir à l'armée.

    L'arrivée au pouvoir, le 17 novembre 1958, de l'armée dirigée par le général Abud, premier dirigeant militaire du Soudan, marqua le début de la répression. Certains parlementaires qui ne se sont pas enfuis à l'étranger ont été emprisonnés. On a aussi arrêté des militants et des fonctionnaires qui réclamaient une constitution fédérale. Certaines de ces personnes durent quitter le pays.

    Ces événements marquèrent le début de la première guerre civile, laquelle a duré jusqu'en 1972. Cette année-là, les dirigeants politiques du Sud-Soudan et le général Nimeri, alors président du Soudan, homme très puissant, conclurent un accord reconnaissant l'autonomie du Sud-Soudan. L'accord prévoyait notamment que le Sud-Soudan aurait son propre gouvernement et son propre parlement.

    Mais en 1983, cependant, le président même qui avait signé l'accord a décidé de ne pas en tenir compte, a dissout le sud et l'a divisé en trois parties. Les gens lui ont demandé des explications étant donné qu'il s'agissait d'un accord politique inscrit dans la constitution du pays. À ceux qui lui posaient des questions, il répondit ceci: «L'accord n'est ni la Bible, ni le Coran. Je peux l'enfreindre».

    Voilà une autre raison pour laquelle je pense que le Sud devrait avoir le droit de décider de son propre avenir, à savoir que l'élite du Nord ne respecte pas ses promesses.

    La SPLA décida de déclencher des hostilités en 1983, immédiatement après que Nimeri eut décidé de faire fi de l'accord qu'il avait signé.

    La guerre civile qui a résultée de la violation par l'élite du Nord des accords conclus a entraîné la mort de deux millions et demi de personnes. Le coût de la guerre a été très élevé.

º  +-(1610)  

    Je constate—et les faits le corroborent—que l'élite du Nord-Soudan dit une chose et en fait une autre. Il y a tout juste deux mois, le présent gouvernement s'est engagé à ne pas attaquer de civils. Et pourtant, la semaine dernière, la même chose s'est reproduite, comme l'a dit Gary. Si ce gouvernement peut même berner les États-Unis, que vont faire les pauvres Sud-Soudanais s'ils acceptent de s'unir à lui? Ils vont encore se faire tuer, les accords seront violés et de ce fait, la guerre va éclater.

    Comme l'autodétermination est un droit démocratique et un principe de l'AID, personne ne devrait essayer d'y voir autre chose que ce qu'en disent la Déclaration des droits de l'homme et les principes de l'AID, qui sont très explicites. Comme le Canada reconnaît l'AID, il doit en respecter les principes. N'essayez pas de définir l'autodétermination. Elle est déjà définie. Il n'y a pas de raison de chercher tel ou tel sens dans les mots. Tenons-nous-en à ce qui est écrit. Les principes de l'AID sont très clairs. Ils affirment que c'est le dernier recours si les parties en guerre ne se mettent pas d'accord sur les questions litigieuses. Par conséquent, il faut donner à la population du Sud-Soudan le droit de déterminer son avenir. Ils auront à choisir, par la voie des urnes, entre leur présence dans un Soudan uni et un Soudan indépendant.

    J'ai apporté ici une déclaration des églises du Sud-Soudan, où il est question d'autodétermination.

    Je veux dire aussi que le gouvernement soudanais accepte l'autodétermination, qui figure dans la constitution en tant que droit que peut exercer la population du Sud-Soudan. Je n'ai pas lu la constitution, et je ne sais pas ce qu'elle énonce, mais on a reconnu que la population du Sud-Soudan a droit à l'autodétermination et personne n'est autorisé à dire qu'il ne faut pas la lui accorder.

    Il est vrai que tous les partis politiques du Soudan, à commencer par le parti Umma de l'ancien premier ministre Sadiq Almahadi de Chukudum, qui est le parti le plus important, a convenu avec le SPLM que les Sud-Soudanais devaient avoir droit à l'autodétermination.

    L'accord d'Asmera conclu entre la NDA, la National Democratic Alliance, et la SPLA comporte lui aussi une disposition prévoyant que lors du retrait du gouvernement qui dirige actuellement le Soudan, on ferait une tentative d'unité et qu'en cas d'échec de cette tentative, la population du Sud-Soudan aurait le droit d'exercer son autodétermination.

º  +-(1615)  

+-

    La présidente: Pouvez-vous terminer, pour que Kathy puisse prendre la parole?

+-

    M. Manock Lual: Oui, j'ai presque fini.

    Je ne devrais pas conjecturer, mais il me semble qu'on essaie d'apaiser l'Égypte. L'Égypte est une puissance coloniale. Elle a dirigé le Soudan avec les Britanniques en tant que puissance coloniale et elle a toujours voulu absorber le Soudan, même lors de son indépendance. Mais elle a échoué, parce que les Soudanais s'y sont opposés. En conséquence, elle a opté pour l'unité du Soudan. Certains disent qu'il faut étendre l'AID. On ne peut pas étendre l'AID pour y inclure l'initiative égyptienne, car celle-ci est contraire aux principes mêmes de l'AID. On ne peut pas fusionner les deux sans sacrifier l'autodétermination, car elle ne figure pas dans l'initiative égyptienne.

    Il fut un temps où les soldats égyptiens combattaient aux côtés du gouvernement du Soudan contre la population du Sud, et comme l'Égypte a été partie aux hostilités, elle n'a pas la neutralité nécessaire pour servir d'intermédiaire dans des négociations de paix. Je ne pense donc pas qu'il y ait lieu de l'apaiser. Les Égyptiens sont des colonialistes. Ils ont des vues sur le Soudan et quelles que soient ces vues, elles ont toujours été préjudiciables aux intérêts du Sud et elles se sont soldées par la mort de 2,5 millions de personnes. Voilà ce que je voulais dire.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant entendre Kathy Vandergrift.

+-

    Mme Kathy Vandergrift (conseiller principal de direction, Vision mondiale Canada): Merci.

    Vision mondiale, qui travaille au Soudan depuis plus de 20 ans, est heureuse de contribuer aux travaux du comité. Je signale la durée de notre présence au Soudan pour dissiper la fausse impression—dont j'ai entendu l'écho lors des réunions des dernières semaines—voulant que les ONG ne s'intéressent à cette question qu'à cause du pétrole. Nous étions nombreux à nous être engagés au Soudan bien avant qu'apparaisse la question du pétrole.

    J'invite le comité à étudier très soigneusement l'élément des droits de la personne dans la situation présente. C'est non seulement opportun dans le contexte international actuel, mais en outre, le Canada fait la promotion du rapport intitulé La responsabilité de protéger. Le Soudan est un sujet d'étude idéal pour défendre le principe de ce rapport qui a reçu l'appui du Canada. Je vous invite donc à formuler votre propre rapport dans ce contexte.

    La sécurité et les droits de la personne doivent être considérés comme la priorité absolue de la politique canadienne. Ces dernières semaines, j'ai entendu dire que le conflit a donné lieu à des atteintes aux droits de la personne et qu'en y apportant une solution, on mettrait un terme à ces exactions. Le contexte soudanais est typique des situations où les atteintes aux droits de la personne contribuent à l'aggravation d'un conflit. En y mettant un terme, on favorise le rétablissement de la paix. Ce n'est pas un effet résiduel.

    Je voudrais donc parler des droits de la personne et du processus de paix, les droits de la personne et du développement et évoquer la question de l'Armée de résistance du Seigneur et des enfants. Je ne présenterai pas tous les éléments qui figurent dans notre document.

    Vision mondiale a accordé d'emblée son appui à la déclaration de principe et au processus de paix de l'AID. J'insiste sur ce point pour vous rappeler que les ONG ne se limitent pas à un seul objectif, comme on l'a dit ici. Nous considérons tous les aspects du problème. Nous accordons notre soutien actif à la population soudanaise.

    Comme on vous l'a déjà dit, l'AID a déraillé. Dans ce contexte, les atteintes aux droits de la personne et les accusations d'atteintes aux droits de la personne sont devenues des armes de guerre. Le droit humanitaire et les droits de la personne auraient dû fixer les limites de ce conflit et on a plutôt assisté à l'apparition d'une culture de l'impunité. Il est essentiel que le comité prenne conscience de cette réalité.

    Je voudrais signaler plusieurs dimensions particulières du problème. J'insisterais tout d'abord sur l'urgence de la situation, comme l'a fait Gary. Je vous ai fait distribuer un communiqué daté du 23 mai, qui émane de neuf organismes humanitaires présents à Nairobi. J'ai ici une copie de la lettre qu'ils envoient aujourd'hui même au secrétaire général des Nations Unies pour demander l'attention urgente de l'ONU, même par rapport au G-8. On est parvenu à une situation de crise parce que c'est maintenant la saison des semailles au Soudan. S'il n'y a pas de semailles, la population s'expose à une famine à long terme. Les sondages les plus récents font déjà apparaître un taux de malnutrition de 20 p. 100 parmi les enfants, alors qu'un taux de 15 p. 100 correspond à une situation de crise. On assiste déjà à l'amorce du cycle de la famine.

    Ces organismes demandent donc à l'ONU d'intervenir immédiatement. Le représentant spécial du secrétaire général, M. Vraalsen, essaie de négocier actuellement à Khartoum. Il faudrait que le Canada intervienne immédiatement de façon très vigoureuse et au plus haut niveau sur la question de l'accès à l'aide humanitaire.

    Deuxièmement, plusieurs personnes ont parlé de la protection des civils contre les bombardements arbitraires. Je n'y reviendrai pas, mais je voudrais insister sur une dimension, après avoir entendu les discussions des dernières semaines. Il s'agit de la deuxième recommandation présentée par les neuf ONG dans la lettre qu'ils ont envoient au secrétaire général: il faudrait envoyer immédiatement une mission de vérification. Le ministère vous a dit que l'accord de protection des civils ferait l'objet d'un contrôle, mais il n'a pas précisé la durée des opérations de mise en place de ce contrôle. On nous a dit qu'elle pourrait être d'un an, ce qui est tout à fait inacceptable, puisque les deux parties vont se servir de ce délai pour essayer de prendre militairement le dessus sur leur adversaire.

    Les ONG de Nairobi demandent le déploiement immédiatement d'au moins une équipe qui puisse faire enquête sur les allégations d'atteintes aux droits de la personne. Le fait que Vision mondiale ait été chassée, il y a une semaine et demie, d'une région relativement sûre jusqu'alors montre bien l'urgence de la situation. D'ici à ce que nous puissions y retourner, la malnutrition des enfants va s'aggraver. Encore une fois, c'est la saison des semailles. S'il n'y a pas de semailles dans l'immédiat, il y aura des problèmes à long terme.

    J'insiste une fois de plus sur l'importance d'une vérification immédiate de l'application de l'accord protégeant les civils contre les bombardements. Il est inconcevable de la reporter d'un an.

    Quant à la participation des civils au processus de paix, ce comité a entendu des propositions concernant le partage des richesses et des pouvoirs dans le cadre du processus de paix. Les populations les plus directement visées par ces mesures n'ont pas encore pu s'exprimer.

º  +-(1620)  

Je considère que le Canada devrait porter son attention sur les liens qui existent entre les nombreuses initiatives de paix de la société civile et le processus officiel. Aucune solution ne peut être imposée. Les populations directement affectées doivent connaître ces propositions et je pense qu'il existe des façons novatrices de leur donner l'occasion d'en discuter également.

    Les droits de la personne et le développement: l'activité principale de Vision mondiale au Soudan concernait l'agriculture et la sécurité des approvisionnements alimentaires. La situation est dramatique, car dans de bonnes conditions, le Soudan pourrait exporter des denrées alimentaires, et c'est ce que nous aimerions obtenir. Le développement durable exige que tous les acteurs, y compris les investisseurs étrangers, respectent et défendent les droits des personnes directement visées par leurs projets. Dans de bonnes conditions, l'exploitation pétrolière pourrait contribuer utilement au développement du Soudan. Ce sont ces conditions, et non pas l'exploitation proprement dite, qui nous ont toujours préoccupés, notamment dès le départ, avec Talisman Energy quand nous avons tenté d'empêcher que ce projet ne contribue à l'aggravation du conflit.

    Le comité à deux choses à savoir concernant nos discussions avec Talisman. Tout d'abord, Talisman a interrompu les discussions dès qu'on a su que le gouvernement du Canada ne donnerait plus suite au rapport Harker. À mon avis, cela montre bien l'importance d'une structure qui propose différentes options au gouvernement, et qui ne lui laisse pas uniquement le choix entre l'inaction et les sanctions les plus rigoureuses.

    Le deuxième point sur lequel j'aimerais insister, c'est que Talisman, dans son rapport de cette année sur sa responsabilité sociale, a reconnu les problèmes dénoncés il y a deux ans au cours de ces discussions. À l'époque, il en niait l'existence, mais deux ans plus tard, il les reconnaît. Nous avons perdu tout ce temps, et dans l'intervalle, le conflit a fait des milliers de morts.

    Je signalerai deux de ces problèmes. On a déjà beaucoup parlé des populations contraintes à se déplacer, je n'y reviendrai donc pas. Un autre problème concerne la façon d'assurer la sécurité des installations pétrolières. Nous avons présenté à ce gouvernement la preuve que le gouvernement soudanais recrute des enfants au sud du Soudan et les contraint à assurer la garde des champs pétrolifères, en tirant au besoin sur les membres de leur propre ethnie. Aucune suite n'a été donnée à ce rapport que nous avons remis au gouvernement il y a déjà quelque temps.

    Le Canada se prétend chef de file sur la question des enfants utilisés dans les conflits armés, et il se trouve que je suis à la tête du groupe d'ONG qui apprécient son leadership dans ce domaine. La résolution 1379 du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés, adoptée le 20 novembre 2001, demande aux États membres de prendre des mesures pour dissuader leurs entreprises de maintenir des relations commerciales avec les parties à un conflit armé qui enfreignent les droits des enfants. Le Canada n'a entrepris aucune mesure de mise en oeuvre de cette résolution alors que, je vous le signale, il a agi très rapidement pour concrétiser les résolutions sur le terrorisme. Je pense qu'il faut mettre en oeuvre la résolution sur les enfants avec la même urgence, car la vie des enfants est en jeu.

    J'aimerais attirer votre attention sur un récent sondage selon lequel 75 p. 100 des Canadiens souhaitent que le gouvernement fixe les normes de la responsabilité sociale des entreprises et les oblige à rendre des comptes, même si les autres pays ne le font pas.

    Enfin, j'aimerais parler brièvement des droits des enfants retenus en captivité au Soudan par l'Armée de résistance du Seigneur. Nous attirons l'attention du comité sur cette question à cause de sa gravité, et parce qu'elle montre qu'en ignorant les atteintes aux droits de la personne, on contribue à la multiplication des conflits armés qui font de nombreuses victimes et qui menacent la sécurité des populations civiles.

    Au cours de la dernière décennie, plus de 12 000 enfants ont été enlevés au nord de l'Ouganda, acheminés au sud du Soudan et contraints de commettre des atrocités au sein de l'Armée de résistance du Seigneur, qui a été aidée et utilisée par le gouvernement du Soudan dans sa campagne militaire contre la SPLA. À cause de ces menaces, plus de 400 000 habitants du nord de l'Ouganda ont été contraints de vivre pendant des années dans des camps n'offrant que des conditions d'hébergement très insuffisantes. Nous sommes venus directement en aide à 5 000 enfants qui ont pu s'en échapper, mais il y en a au moins 5 000 autres dont on ne sait pas ce qu'ils sont devenus.

    Nous soulevons cette question depuis des années, mais les autorités qui pourraient intervenir n'ont pratiquement rien fait. L'ancien ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy a oeuvré, lors de la Conférence de Winnipeg, à la conclusion d'un accord qui a fait les manchettes du Globe and Mail, mais dont la mise en oeuvre a été sabotée par les atermoiements et l'inertie des autorités politiques, et le gouvernement canadien n'a pas voulu intervenir publiquement pour mettre en cause la responsabilité du gouvernement du Soudan.

º  +-(1625)  

    S'il y a une leçon à tirer de ces événements, elle concerne l'importance de la sensibilisation et de la responsabilité de tous en matière de droits de la personne. J'aimerais aussi insister sur la question de la libre circulation des ONG, car grâce à l'intervention des neuf ONG, le gouvernement du Soudan vient d'autoriser quelques vols supplémentaires. La pression de l'opinion publique est donc très précieuse.

    Aujourd'hui, on impose une solution militaire. Le gouvernement de l'Ouganda a été autorisé à pénétrer en territoire soudanais par le gouvernement du Soudan pour démanteler ces camps, mais dans l'intervalle, l'armée de résistance du Seigneur a fui dans les collines en emmenant les enfants.

    Je signale au passage que lorsque l'armée ougandaise a pénétré dans les camps, elle y a trouvé d'énormes quantités d'armes qui attestent de l'ampleur du soutien du gouvernement soudanais à cette opération, et qui suscitent de graves questions quant à sa détermination à résoudre le confit. Voilà un sujet que le comité aurait sans doute intérêt à approfondir.

    J'insiste sur cette situation, car les autorités sont en train de susciter de l'instabilité dans une autre région du Sud-Soudan, ou plus de 600 personnes ont été tuées. Les conséquences régionales et humanitaires de cette situation justifieraient qu'on en fasse un objectif légitime de paix et de sécurité au niveau international, mais du fait de sa faible importance stratégique, c'est l'une des guerres oubliées de l'Afrique.

    Cette situation urgente donne aussi un bon exemple de la façon dont l'inaction de la communauté internationale face aux atteintes à la sécurité et aux droits des enfants peut contribuer à de nouveaux conflits et au renforcement du sentiment d'impunité. À mon avis, le Canada devrait déclarer publiquement que l'accord de Winnipeg a été violé et il devrait se faire le chef de file d'une mission internationale qui devra déterminer ce qu'il est advenu de ces enfants pendant les opérations militaires. Je peux vous dire qu'aucun d'entre eux n'en est revenu , alors même que l'armée de résistance du Seigneur était censée les remettre en liberté.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup. Je vous remercie tous de vous être déplacés et d'avoir pris le temps de nous informer.

    Nous allons faire un premier tour de cinq minutes pour chaque député, puis nous recommencerons. Les cinq minutes doivent comprendre la question et la réponse; je vous demande donc d'être très concis. Chaque député devrait pouvoir poser une deuxième question, voire une troisième, et il faudra passer à quelqu'un d'autre au bout de cinq minutes. Je vous demande donc d'être très concis dans vos réponses.

    À vous, monsieur Vellacott.

+-

    M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): J'aimerais poser ma première question à Kathy et à Gary, mais j'ai une autre question à laquelle j'aimerais que les autres témoins répondent.

    Gary, vous dites dans votre rapport que les églises canadiennes félicitent les Affaires étrangères et l'ACDI d'avoir créé un comité d'orientation conjoint qui assure la cohérence de la politique canadienne au Soudan, ce qui vous semble très positif mais dans quelle mesure, Gary—et Kathy n'hésitez pas à répondre également—pouvons-nous espérer que la perspective des Affaires étrangères ne l'emportera pas sur celle de l'ACDI?

    Jusqu'à maintenant, les Affaires étrangères ne se sont inquiétées que de la sécurité des employés de Talisman—c'est ce qu'a déclaré le ministre Manley à la Chambre—et ont mis en veilleuse la question de la sécurité de la population du sud Soudan. D'après les commentaires qui ont été faits publiquement, il semble donc que la préoccupation principale des Affaires étrangères soit la sécurité des employés de Talisman.

    Je vous demande donc simplement si les affaires étrangères ne risquent pas d'engloutir l'ACDI et de s'en servir pour faire croire à une approche «équilibrée»?

º  +-(1630)  

+-

    La présidente: À vous, monsieur Kenny.

+-

    M. Gary Kenny: C'est une très bonne question. Kathy pourra sans doute y répondre mieux que moi.

    Nous avons rencontré les gens du Groupe de référence interorganismes pour le Soudan ici à Ottawa. C'était l'avant-dernière rencontre qui correspondait à l'annonce que l'ACDI et les Affaires étrangères avaient constitué un comité mixte dont on avait fixé les objectifs généraux. Cette initiative nous a plutôt encouragés et rassérénés et nous espérions qu'elle aboutirait à l'établissement d'une politique cohérente et intégrée entre les deux ministères, parce qu'en tant qu'ONG, nous avions constaté des signes—et j'essaie d'être diplomate ici—de discorde et de manque de coopération à certains égards.

    Les représentants de l'ACDI et des Affaires étrangères ont pris des engagements assez fermes lors de cette rencontre et cela a suscité notre enthousiasme. Toutefois, je ne suis pas sûr que de grands progrès aient été réalisés depuis. J'ai parlé à certains fonctionnaires de cette situation, mais je suis incapable d'affirmer que des progrès ont été réalisés. Il y a peut-être eu des retards inévitables dans un ministère ou dans l'autre, mais Kathy est à Ottawa et je suis à Toronto. Je vais lui demander de répondre, car elle peut voir la situation d'un peu plus près.

+-

    M. Maurice Vellacott: Pensez-vous que c'est la perspective des Affaires étrangères ou même du Commerce international qui prendra le dessus sur celle de l'ACDI?

+-

    Mme Kathy Vandergrift: On nous a laissé entendre qu'on allait présenter une sorte d'ébauche de politique cohérente. Nous n'avons encore rien vu de tel. Je pense que l'union des efforts est bénéfique.

    Toutefois, je pense que vous avez repéré un enjeu clé que le comité pourrait examiner. Dans notre mémoire, je signale ce que le comité pourrait examiner. La politique canadienne ne devrait pas accorder la priorité au droit de sécuriser un champ pétrolifère au détriment du droit à la sécurité du peuple soudanais.

    D'après nos discussions avec les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, cela n'est pas clair. Le comité devrait peut-être inviter les représentants des Affaires étrangères afin d'étudier la question des limites à respecter s'agissant du droit de défendre un champ pétrolifère et cela, dans le cadre du respect des droits du peuple soudanais. Si la politique étrangère fixait des paramètres à cet égard, il serait alors possible que les deux organismes aient une politique cohérente.

+-

    M. Maurice Vellacott: La situation a peut-être été élucidée et les commentaires faits en public ont peut-être inquiété les employés de Talisman créant ainsi l'élan qui a fait aboutir les choses ici.

    Je veux passer à ma question suivante, car un tour de cinq minutes, c'est court. Je souhaiterais que Manock réponde directement à cette question. Comment la position du Canada à l'égard de Talisman et du pétrole entache-t-elle notre crédibilité en tant que nation préconisant le processus de paix? Quelle est l'attitude à notre égard dans le sud du Soudan?

+-

    M. Manock Lual: Je vais vous donner mon impression des Soudanais du Sud. Le Canada souffre de l'activité de Talisman. La réputation que le Canada s'est taillée depuis longtemps en défendant les droits de la personne et en militant pour la justice dans le monde se trouve entachée. Les Soudanais du Sud n'ont pas une impression positive du Canada.

    Je vais demander à Gary de finir de répondre, car il en sait quelque chose puisqu'il a été sur le terrain.

+-

    M. Gary Kenny: Permettez-moi de vous raconter quelque chose brièvement.. L'automne dernier, une délégation de jeunes de l'Église unie du Canada, 12 au total, s'est rendue visiter des camps de réfugiés soudanais et de Soudanais déplacés respectivement dans le nord du Kenya et dans le sud du Soudan.

    Je ne sais pas si c'était dans le camp de réfugiés au nord du Kenya ou dans le camp de personnes déplacées au sud du Soudan, mais ils ont rencontré un groupe important de jeunes soudanais du sud dont un grand nombre venait des champs pétrolifères et avaient été déplacés. Ces jeunes ont exprimé leur colère devant les Canadiens parce qu'ils associaient le Canada à Talisman, à telle enseigne que la délégation canadienne a craint pour sa sécurité et a battu en retraite. Je n'avais encore jamais vu rien de tel.

    Personnellement, je vais au Soudan environ deux fois par année, et j'ai vécu la même chose. Chaque fois, depuis deux ans, on me pose des questions directes qui me mettent mal à l'aise, et c'était particulièrement aigu lors de mon dernier voyage. J'ai dû donner de longues explications sur la situation et signaler ce que les ONG essaient de faire.

    Les gens m'acceptaient de moins en moins. Plus ils étaient au courant du dossier, plus ils étaient dégoûtés et franchement, extrêmement déçus, car ils avaient toujours cru que le Canada était un défenseur des droits de la personne sur la scène internationale.

º  +-(1635)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Dubé.

[Français]

+-

    M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Je veux vous dire qu'aujourd'hui, du fait que je suis diabétique, je ne me sens pas très bien; je vais donc probablement passer mon tour. Mais je tenais à être ici pour démontrer mon intérêt et vous assurer qu'au cours des prochains jours, je lirai les documents que vous avez présentés. Les gens savent que je suis diabétique et qu'aujourd'hui, je ne suis pas dans mon état habituel. J'ai pris des médicaments et ça me rend somnolent. Plutôt que de poser de mauvaises questions, je préfère passer mon tour.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci beaucoup. Nous allons veiller à ce que vous obteniez tous ces documents.

    Madame Jennings.

[Français]

+-

    Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Merci beaucoup de vos exposés. Ils contiennent quantité de renseignements utiles. Certaines de vos recommandations sont vraiment intéressantes et le comité va les examiner de plus près.

    Monsieur Kenny, vous avez écrit un article qui a été publié dans le Globe and Mail, le 1er mai 2002. J'ai ici la version française. À l'avant dernier paragraphe, vous dites que le gouvernement canadien tire des bénéfices des activités de Talisman. D'une part, le gouvernement touche des impôts, ce que nous savions tous, mais vous dites que le Régime de pensions du Canada détient pour plus de 50 millions de dollars d'actions dans la société Talisman.

+-

    M. Gary Kenny: C'est vrai.

+-

    Mme Marlene Jennings: Je ne conteste pas cela. Je suis tout simplement sidérée.

    M. Svend Robinson: C'est de notoriété publique.

    Mme Marlene Jennings: Je veux bien, mais nous sommes inondés de renseignements ici sur la Colline et même si quelqu'un s'intéresse tout particulièrement à un dossier, certains faits peuvent lui échapper facilement.

    Je me félicite encore que vous soyez ici parce que votre présence a attiré mon attention sur cet article et sur ce fait en particulier.

+-

    M. Gary Kenny: J'ajouterai tout simplement que la communauté des ONG a une capacité de recherche limitée. Je soupçonne qu'il y a d'autres preuves certainement juteuses, sinon accablantes, que nous pourrions sans doute déterrer si nous avions les ressources nécessaires.

    J'ai également appris l'existence d'autres bénéfices dont jouit Talisman au Canada, mais il faudra fouiller la question davantage.

    Vous avez raison, et nous avons constaté qu'en apprenant cela, les fidèles de notre Église d'un bout à l'autre du Canada en ont été ébranlés. Nous recevons de nombreuses lettres dans lesquelles les gens se disent très troublés par ce dossier et j'espère que les députés en reçoivent aussi.

+-

    Mme Marlene Jennings: Eh bien, quant à moi, je suis contente de l'apprendre.

    Je voudrais parler d'une ou deux choses avec vous. Je vais me dépêcher, car je sais que nous n'avons que cinq minutes et que j'en ai sans doute utilisé une—d'accord, deux minutes et demie.

    Je voudrais parler d'abord des initiatives, qui ne sont pas à court terme, et que le gouvernement du Canada pourrait prendre grâce à sa politique étrangère—par exemple, le rôle du secteur privé dans une région où une guerre civile fait rage et où les droits de la personne sont bafoués car en théorie, on peut concevoir une guerre civile pendant laquelle les droits de la personne sont respectés... Les deux belligérants respectant les traités et les pactes internationaux—du moins avec beaucoup d'imagination.

    Je songe à une forme de mécanisme international. Je voudrais que nos témoins développent un peu cette notion si nous en avons le temps. Sinon, vous pourrez utiliser le temps d'un autre intervenant qui aurait fini de poser sa question.

+-

    La présidente: Cela ne devrait pas être long puisque nous n'avons que trois témoins.

+-

    Mme Marlene Jennings: D'accord.

+-

    La présidente: Gary, voulez-vous commencer?

+-

    M. Gary Kenny: Excusez-moi, songez-vous ici au mécanisme international dont j'ai parlé tout à l'heure?

º  +-(1640)  

+-

    Mme Marlene Jennings: Oui.

+-

    M. Gary Kenny: Actuellement, il existe à Genève un groupe de recherche intitulé, je pense, le Conseil international de politique sur les droits de l'homme.

    On reconnaît essentiellement que ce genre d'enjeux commerciaux militarisés existent, que les sociétés de par le monde s'impliquent de plus en plus, surtout dans le secteur de l'extraction des ressources dans les pays en développement où la souveraineté des gouvernements est affaiblie. Ces gouvernements recherchent désespérément des investissements directs étrangers. Ils rabaissent donc les exigences de réglementation, ce qui facilite l'arrivée en masse des sociétés étrangères. Je pense que cela décrit jusqu'à un certain point la société Talisman.

    Cette recherche vise à offrir certaines options à la communauté internationale pour que soit établi un régime international de droit qui serait exécutoire, qui réglementerait et sanctionnerait, au besoin, les sociétés impliquées dans ce que nous appelons de façon générale le «commerce militarisé».

    Il faudra encore plusieurs années avant que cette recherche aboutisse. Pour qu'il y ait une intervention dans le système onusien, ce que ce groupe de recherche vise, il faut du temps.

    Je pense que ces chercheurs se tournent vers des ONG comme la nôtre pour que nous mettions la main à la pâte et que nous animions le processus, mais c'est un domaine de recherche prometteur et emballant. Les résultats prendront du temps, mais je pense que l'idée est très valable et j'espère que le comité recommandera vigoureusement au gouvernement du Canada d'appuyer lui aussi ce genre de législation.

+-

    La présidente: Kathy.

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Je voudrais ajouter qu'il existe certaines initiatives. La Grande-Bretagne en considère certaines. Une ONG de Norvège fait une recherche qui a aidé à circonscrire les définitions. Cette recherche vous intéressera sans doute. Il s'agit de la FAFO. Je ne sais pas ce que le sigle représente. Je vais l'obtenir pour vous. Et, bien sûr, le dossier des diamants établit un précédent en quelque sorte. Donc, nous progressons.

    Je voudrais également attirer l'attention—et c'est pour cela que je l'ai citée—sur la résolution 1379. Toute la notion est résumée dans une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies et nous serons nombreux à étudier la façon de la mettre en oeuvre. Cela existe; c'est la première reconnaissance à ce niveau-là et nous allons continuer de travailler dans ce sens.

    Il y a diverses options qu'il vaut la peine d'étudier.

+-

    La présidente: Merci. Nous reviendrons sur cette question si quelqu'un d'autre veut en parler.

    Svend.

+-

    M. Svend Robinson: Je vais tâcher d'être bref et de poser des questions sur un ou deux sujets seulement.

    Tout d'abord, je tiens à remercier les témoins de leur dévouement et de leur engagement constants à l'égard du peuple soudanais. J'ajouterai, et j'espère qu'ils en sont conscients, que pour ma part, et de concert avec mes collègues députés fédéraux néo-démocrates, j'appuie vigoureusement les recommandations que vous avez faites au gouvernement au fil des ans.

    J'ai des questions à vous poser sur deux sujets. Tout d'abord, le dossier Talisman. Manifestement, ce dossier nous touche de très près à cause de la filière canadienne et dans la mesure où, pour bien des Soudanais, cette société est le visage du Canada qu'ils voient au Soudan. C'est le seul visage qu'ils connaissent et il a signifié pour eux terreur, répression, et trop de victimes. C'est le visage que mon pays offre là-bas et c'est pour cela que je suis très inquiet.

    Que le Régime de pensions du Canada détienne encore des actions de cette société me préoccupe et franchement, je suis navré que le gouvernement du Canada refuse de combler par les mesures législatives nécessaires le vide juridique dont il reconnaît l'existence à cet égard. Le gouvernement prétend qu'il n'a pas le pouvoir d'agir en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Bien entendu, à cela on répond, comme nombre d'entre vous l'avez fait à plusieurs reprises—Gary et Kathy et d'autres—que si le gouvernement n'a pas le pouvoir d'agir en vertu de la loi actuelle, il peut faire quelque chose puisqu'il est au pouvoir et qu'il est majoritaire. Il suffirait de modifier la loi pour que le gouvernement ait le pouvoir d'agir, n'et-ce pas?

    Je souhaiterais que vous développiez un peu ce point de vue. Si vous étiez à la place de Mme Jennings, qui est secrétaire parlementaire—une secrétaire parlementaire puissante—ou si vous étiez ministre, que feriez-vous?

    Vous avez évoqué certaines possibilités, mais que feriez-vous dans le cas du dossier Talisman? Diriez-vous à Talisman—comme je le ferais—de quitter le Soudan?

    Deuxièmement, je voudrais savoir, madame la présidente, si les témoins pourraient communiquer directement avec notre attaché de recherche pour donner suite à la suggestion d'une lettre—ou d'un rapport intérimaire—venant du comité sur les questions humanitaires pressantes dont nous avons discuté ici. Je ne peux pas parler au nom de tous les membres du comité, mais je pense que si nos témoins communiquent avec notre attaché de recherche qui, à son tour, préparera une lettre décrivant les préoccupations soulevées et qu'on la diffuse le plus vite possible dans le contexte des réunions du G-8, tous les députés réunis autour de cette table seront d'accord, n'est-ce pas?

+-

    La présidente: J'allais proposer que nous réfléchissions tous à cela au cours du week-end et qu'au début de notre prochaine réunion nous prenions quelques minutes pour nous en occuper. Nous aurons alors une ébauche.

º  +-(1645)  

+-

    M. Svend Robinson: Il serait utile que j'aie une ébauche sur laquelle je pourrais travailler.

    C'est une suggestion. Je souhaiterais que vous nous donniez des propositions précises quant aux mesures que nous devrions prendre.

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Manifestement, des mesures législatives nouvelles bien pensées prendraient pas mal de temps et nous avons préconisé que le gouvernement commence par là et fasse démarrer le processus. Entre-temps, je pense qu'il serait utile que le gouvernement prenne un engagement très net. Il ne l'a pas fait et ce serait facile.

    Ce serait important qu'il le fasse, car trois ministres d'affilé, MM. Axworthy, Manley et Graham, et les fonctionnaires du ministère ont affirmé qu'ils trouvent utile que les ONG s'adressent directement à Talisman, car cela permet de mieux lui faire comprendre l'importance de ses responsabilités sociales. Mais quand nous rencontrons les représentants de Talisman, ils rejettent nos critiques en répliquant que le gouvernement fédéral approuve leurs activités.

    Tant que la position du gouvernement ne sera pas claire et que nous ne pourrons pas déposer un document clair, la confusion régnera chez les investisseurs et dans le grand public au Canada.

+-

    M. Svend Robinson: Comme vous le savez sans doute, nous avons essayé de les pousser à s'engager quand ils ont comparu devant le comité.

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Une déclaration de politique claire serait un premier pas pour faire démarrer d'autres mesures au Canada.

    Ensuite, je pense qu'il faut s'atteler à la rédaction de mesures législatives. On pourrait faire appel à un comité parlementaire. Ce ne sera pas une tâche facile, mais il faut entamer le processus. Une fois que le message sera lancé, les comportements s'amélioreront.

    Je voudrais vous rappeler qu'ils ont quitté la table de discussion dès qu'ils ont su que le gouvernement n'interviendrait pas à propos de Harker. C'est exactement à ce moment-là qu'ils ont cessé de discuter.

+-

    La présidente: Avez-vous terminé?

    M. Svend Robinson: Oui.

    La présidente: Vous avez probablement battu un record.

    Maurice.

+-

    M. Maurice Vellacott: Dans le mémoire que vous avez présenté au comité, Gary, vous avez recommandé que le sous-comité entende le témoignage de ce que vous appelez des musulmans non partisans du nord du Soudan qui peuvent offrir une analyse critique et raffinée de l'Islamisme politique au Soudan, et vous avez offert de nous donner une liste de candidats compétents.

    Que diraient ces témoins? Pouvez-vous résumer ce qu'ils diraient? Étant donné que vous faites cette offre, il me semble que vous savez probablement déjà à peu près ce que ces témoins nous diraient. Vous avez probablement eu des entretiens ou quelques formes de contacts avec eux. Si nous pouvions faire venir ces gens ici ou si nous trouvions un moyen d'entendre leurs témoignages, que nous diraient-ils, ces musulmans du nord du Soudan qui peuvent faire une analyse politique plus raffinée de l'Islamisme politique au Soudan?

+-

    M. Gary Kenny: J'ai l'impression que le Front national islamique du Soudan est un gouvernement d'un acabit très spécial. On a souvent tendance à voir le conflit soudanais comme un conflit traditionnel, qui met en opposition deux parties, lesquelles commettent les mêmes violations des droits de la personne. Nous contestons évidemment cela. Je ne pense pas que ce soit un conflit traditionnel. Je pense qu'il y a des éléments caractéristiques des deux côtés qui en font une sorte de conflit différent de ce que nous voyons ailleurs.

    Du côté gouvernemental, si je comprends bien, le régime actuel est constitué de personnes dont le principal objectif est simplement de s'accrocher au pouvoir absolu. Il y en a d'autres qui apportent par leur présence et leur travail au gouvernement, une sorte d'orientation politico-religieuse, et tout cela forme un mélange disparate. Cela crée une sorte de dynamique très particulière et votre comité doit comprendre cela et avoir une véritable idée des enjeux fondamentaux à la base du conflit, avant de pouvoir vraiment établir une base politique.

    En ce qui concerne l'Armée populaire de libération du Soudan (APLS), elle inclut le mot libération dans son nom, tout comme le Mouvement populaire de libération du Soudan. Il serait bien de pouvoir penser que ces organisations veulent vraiment libérer le peuple du Soudan, mais j'ai des doutes là-dessus, en partie en raison de la façon dont l'organisation est dirigée.

    Il y a un fait encore plus important. Contrairement au Congrès national africain dirigé par Nelson Mandela en Afrique du Sud, que nous connaissons tous très bien, qui a commencé comme une organisation politique pour adopter ensuite une lutte armée quand ses objectifs politiques n'ont pas pu être atteints, l'APLS a fait l'inverse. Elle a commencé comme une organisation militaire et elle essaie maintenant—sans grand succès—de se raffiner politiquement, et ce n'est pas une grande réussite. Il s'agit donc d'organisations très différentes.

    Je veux dire qu'on a d'un côté le gouvernement et de l'autre l'APLS, les deux parties au conflit, qui sont d'une nature particulière pas bien comprise par les décideurs politiques. Ces derniers ont tendance à voir le rapport entre les deux d'une façon plutôt traditionnelle, comme dans les autres cas de conflit.

    C'est pourquoi je recommanderais que vous entendiez des témoignages d'universitaires principalement, mais aussi d'autres personnes, peut-être des musulmans du nord du Soudan, qui ont la compétence voulue pour vous donner une analyse critique des orientations et des motivations des parties en cause et de la façon dont le régime du Front national islamique a évolué.

    Manoc, voulez-vous ajouter quelque chose?

º  +-(1650)  

+-

    M. Manock Lual: Oui. J'ajouterai seulement à ce que Gary a dit quelque chose au sujet de l'islamisme politique.

    Le groupe qui est au pouvoir au Soudan utilise l'islam comme moyen pour garder le pouvoir au lieu d'essayer de convaincre les Soudanais à se convertir à l'islam. On en a la preuve dans le fait qu'un grand nombre de Soudanais du Nord, qui sont Musulmans, ont été tués par ce gouvernement. De fait, je dis qu'ils sont des tueurs qui ne font pas de discrimination. Le genre d'islam qu'ils prêchent n'est pas nécessairement axé sur la foi. Il est utilisé comme un instrument. Ils l'utilisent pour obtenir du pouvoir.

    Et je mentionne en passant qu'aux dernières élections, le parti a obtenu 10 p. 100 des voix. Même le chef, Turabi, qui est maintenant en prison, a perdu son siège.

    Ils utilisent l'islam comme moyen pour obtenir le pouvoir et pour le garder. Ils ont fait appel à l'émotion des gens du nord du Soudan qui sont Musulmans, et ils pensaient qu'ils obtiendraient leurs votes en ayant recours à l'islam.

    La sorte d'islam qu'ils prêchent va même à l'encontre de ce que croient les autres Musulmans du Soudan ou d'ailleurs dans le monde. C'est un islamisme très fanatique et presque falsifié. On l'utilise seulement afin de s'accrocher au pouvoir. C'est ce que je dirais au sujet de l'islamisme politique au Soudan.

+-

    La présidente: Voulez-vous dire quelque chose maintenant, Bashir?

+-

    M. Bashir Abdelgayoum: Oui. J'aimerais simplement parler brièvement de l'islam politique, sujet que nous étudions depuis 1989, en soulignant le préjudice causé à l'islam par ce régime. Ses dirigeants se servent de cette religion pour contrôler et opprimer la population.

    Il faut que l'authentique Musulman puisse participer davantage au dialogue, en se fondant sur les idées et les principes de l'islam. Cette religion est davantage que ce qu'en font les dirigeants du Soudan. Elle favorise véritablement la paix, le dialogue, le respect et les droits de la personne. Ce que le régime actuel a fait à son propre peuple est en contradiction avec les grands principes de l'islam.

+-

    La présidente: Merci. Je vais moi-même poser une question si vous n'y voyez pas d'objection.

    Elle s'adresse à Kathy. Je crois que c'est Gary qui nous a dit que 54 des aéroports, donc la plupart d'entre eux, ont été fermés et que les ONG demandent aux Nations Unies de faire entrer les convois d'aide alimentaire en raison de l'urgence de la situation.

    Comment allez-vous faire pour laisser entrer l'aide alimentaire? Y a-t-il d'autres moyens de transport utilisables?

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Ce dont il est question ici c'est de l'interdiction des vols d'aide humanitaire.

+-

    La présidente: Je vois.

+-

    Mme Kathy Vandergrift: En fermant les aéroports, en alléguant des motifs de sécurité, les autorités se trouvent à empêcher des vols. Cependant, selon les renseignements fournis, dans certains cas, ce n'est pas la sécurité qu'on cherche, mais bien la manipulation de l'aide humanitaire.

º  +-(1655)  

+-

    La présidente: Oui, je le vois bien, mais compte tenu de cela, serez-vous en mesure de faire entrer l'aide alimentaire?

+-

    Mme Kathy Vandergrift: En guise d'exemple, les autorités ont effectivement interdit les vols, mais après des protestations de la part des ONG, elles en ont autorisé quelques-uns. Certains vols à l'intérieur du pays ont donc repris.

    La situation n'est donc pas toujours tout à fait périlleuse. D'autres personnes ont aussi parlé du besoin de protéger l'espace aérien, c'est-à-dire d'en assurer la sécurité. Rappelons que c'est le gouvernement du Soudan qui lance des missions de bombardement. C'est pourquoi certaines ONG réclament aussi des jours de tranquillité, c'est-à-dire de trêve, afin de permettre à l'aide alimentaire d'arriver à destination. Il est tout à fait critique d'agir dès maintenant, car nous nous approchons de la saison des pluies, et si les gens ne reçoivent ni aliments, ni semences, nous ne pourrons pas les leur faire parvenir ultérieurement par voie de surface.

    Dans la plupart des cas, l'aide humanitaire destinée au Soudan est acheminée par avion, les interdictions de vol sont donc lourdes de conséquences, et elles sont utilisées de façon arbitraire par le gouvernement. Est-ce que cela tire la question au clair? Il d'agit d'interdictions de vol.

+-

    La présidente: Oui. J'allais aussi vous demander si le rapport Danforth et la politique américaine se sont révélés utiles. Est-ce que le sénateur Danforth ne recommandait pas, entre autre chose, des jours de tranquillité?

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Oui, il les propose.

+-

    La présidente: Gary, aimeriez-vous ajouter quelque chose? Puis Manock.

+-

    M. Gary Kenny: J'aimerais poursuivre sur la lancée de Kathy. Elle parlait bien entendu de l'aide humanitaire fournie par les Nations Unies.

    Il existe cependant d'autres initiatives plus modestes d'aide alimentaire, à part celles qui relèvent de l'opération Survie au Soudan. Ce sont de petites organisations qui se chargent de ces vols alimentaires, en prenant de très grands risques, afin d'apporter de petites quantités d'aide à des gens qui n'en recevraient pas autrement.

    Il faut donc aussi tenir compte de cet aspect-là.

+-

    La présidente: Manock.

+-

    M. Manock Lual: J'aimerais revenir aux réponses données par Kathy et Gary à votre question au sujet de la sécurité. Qui compromet la sécurité? C'est le gouvernement. Lorsqu'il interdit les vols, c'est précisément parce qu'il ne veut pas que des parties neutres voient les morts qu'il cause dans la population civile.

    Il faut donc le forcer à rendre compte de ce qu'il fait, à respecter les ententes qu'il a signées. Le gouvernement vient d'ailleurs de signer une entente avec le sénateur Danforth, où il s'engage à ne pas bombarder les civils, et c'est pourtant ce qui se passe. Dans tous les lieux où une interdiction de vol a été décrétée, il y a ensuite des opérations militaires, et peu de temps après, on nous rapporte que des civils ont été tués.

    Oui, il y a moyen de faire entrer l'aide alimentaire si on obtient du gouvernement qu'il admette ses responsabilités et qu'il respecte les ententes qu'il a signées. On trouve des aérodromes partout au nord du Soudan, par conséquent, s'il y a paix et tranquillité, on pourra faire entrer l'aide alimentaire. Cependant, c'est surtout aux autorités de créer de telles conditions, parce que ce sont elles qui bombardent les centres d'assistance, les appareils de l'ONU et le reste. Il faut donc veiller à ce qu'elles respectent leurs propres engagements.

+-

    La présidente: J'essaie d'être réaliste. À supposer que mardi prochain, vous receviez tant de tonnes de pommes de terre, comment allez-vous les faire entrer au Soudan le jour même? Toutes les autres initiatives que nous souhaitions voir se concrétiser ne réussiront pas, alors comment allez-vous faire mardi prochain? C'est à cela que je voulais en venir. Je me demande simplement si toute cette aide alimentaire va pouvoir entrer au Soudan.

    Cependant, je comprends bien les raisons sous-tendant la réponse qu'on pourrait me donner.

+-

    Mme Kathy Vandergrift: J'en ajouterai une de plus. En réponse à l'appel conjoint lancé par les ONG, le Programme alimentaire mondial s'occupe de préparer un chargement d'aide alimentaire afin qu'il puisse être transporté par avion sur le champ. Par conséquent, si l'ONU réussit à faire bouger les choses, il y a de l'aide alimentaire prête à partir.

+-

    La présidente: Madame Jennings.

+-

    Mme Marlene Jennings: En second lieu, j'aimerais parler de la possibilité de donner davantage de pouvoir à la société civile du Soudan, tant au Nord qu'au Sud du pays.

    L'un des documents que j'ai en main et que j'ai lu en diagonale fait état de projets précis déjà mis en oeuvre pour résoudre des conflits ou pour d'autres raisons. L'un d'eux portait sur les activités de pêche de deux groupes. L'un avait commencer à pêcher avant la date officielle de l'ouverture, et en guise de représailles, l'autre a donc volé du bétail. Pour résoudre le conflit par les moyens de la société civile, les femmes des deux groupes se sont réunies, et ont décidé qu'elles ne voulaient plus qu'il y ait de morts, car la situation avait entraîné des morts et ce genre de chose. Elles se sont adressées aux aînés respectifs des deux groupes et leur ont dit qu'elles ne feraient plus la traite des vaches. C'est un exemple des moyens grâce auxquels la société civile peut intervenir efficacement dans un conflit local très réel.

    Vous n'ignorez pas que l'un des objectifs de développement social préconisé par l'ACDI est le bon exercice de l'autorité. Il est lié au renforcement de la société civile, et particulièrement à une plus grande participation des femmes. Estimez-vous que l'action de l'ACDI qui favorise ce meilleur exercice du pouvoir de la société civile pourrait être plus efficace? Cette société civile pourrait alors jouer un rôle plus concret pour ramener la paix, soit à l'échelle locale, soit dans le cadre du processus international, car cet objectif a échappé à tous les efforts déployés depuis des décennies.

»  +-(1700)  

+-

    M. Bashir Abdelgayoum: La recommandation voulant accorder davantage de pouvoirs aux organismes de la société civile du Soudan visait, entre autres, les organisations de femmes, surtout dans leur participation au processus de paix local, qui se déroule depuis des années au Soudan et qui est très enraciné dans la population, malgré le fait qu'il n'a pas d'existence officielle. À mon avis, c'est une chose qu'il faut favoriser, appuyer et même encourager. Nous sommes peu renseignés à ce sujet, car il y a très peu de documents, et nous ne pouvons en tirer aucune leçon. Par conséquent, nous nous efforçons de nous informer auprès de l'ACDI afin de renforcer cette forme locale d'initiatives de paix.

    Nous croyons effectivement en ces initiatives locales, nous en tirons des leçons, car elles aident vraiment les groupes locaux et peuvent être fort utiles lors de négociations de paix, même par rapport au processus de l'autorité intergouvernementale pour le développement. Il s'agit donc là d'un mécanisme très important et très formateur; il peut s'intégrer dans les programmes scolaires et partant, servir à éduquer les étudiants et les enfants. Par la même occasion, ces outils nous permettent de construire sur une dynamique traditionnelle de la vie soudanaise. Nous nous efforçons donc de... Nous n'ignorons pas que certaines recherches sont en cours là-dessus, mais n'oublions pas qu'il s'agit d'initiatives prises à la base, car c'est ce qui compte.

+-

    M. Manock Lual: Votre question portant plus précisément sur les femmes, j'aurais quelque chose à ajouter au sujet des initiatives prises par le nouveau Conseil des églises du Soudan.

    Le nouveau Conseil des églises du Soudan a en effet ouvert un nouveau secrétariat de la jeunesse et des femmes l'année dernière. Il m'a d'ailleurs envoyé une proposition d'intervention au sud du Soudan, dans des régions contrôlées par l'Armée populaire de libération du Soudan. Il s'agirait d'accorder davantage de pouvoirs aux femmes afin qu'elles participent non seulement à l'établissement de la paix, mais aussi aux activités économiques et au développement communautaire local. Le Conseil va mettre sur pied ce qu'il appelle des centres oecuméniques et interéglises dans le sud du Soudan, et former les femmes afin qu'elles puissent exprimer leurs préoccupations au processus de paix, mais également afin qu'elles puissent assumer de façon indépendante leur propre développement économique.

    J'ai en main la proposition, et je peux vous la fournir. C'est un des moyens que l'ACDI peut prendre pour appuyer l'épanouissement de la société civile.

    J'aimerais aussi parler du programme de la USAID, c'est-à-dire de la United States Agency for International Development, car ces dernières années, cet organisme s'est éloigné des activités de secours, pour privilégier plutôt la mise en valeur et le développement. Ainsi, il a conçu un projet d'aide à la transition et à la remise en valeur du Soudan, mieux connu sous le sigle STAR. Je viens d'ailleurs de parler à un collègue de retour de Yambio au sud du Soudan. On y a tenu une réunion, à laquelle toute la collectivité a été invitée, et on s'est efforcé de voir quelles mesures on pouvait prendre pour favoriser le développement communautaire et l'épanouissement de la société civile.

    À mon avis, l'ACDI peut certainement faire la même chose, ou quelque chose d'approchent. Elle a elle aussi participé à des programmes de rénovation et de remise en état d'hôpitaux, de cliniques et de routes, ainsi que de développement à l'école. C'est grâce à ce genre d'initiatives que la société civile s'affermira dans son pouvoir et son indépendance, et réussira à avoir voix au chapitre dans des tribunes plus vastes.

+-

    Mme Marlene Jennings: Je vous remercie.

+-

    La présidente: Merci beaucoup. J'aimerais préciser que quelques représentants de l'ACDI sont ici présents, ils vont donc entendre vos propos.

+-

    Mme Kathy Vandergrift: La plupart des ONG sont reconnaissantes à l'ACDI de l'appui qu'elle a donné au processus ayant une incidence directe sur la population, et elles ont d'ailleurs soumis à l'organisme des propositions destinées à étendre davantage ce genre de choses. Pour la plupart, nous estimons que de telles initiatives sont très utiles. Il y a donc eu des échanges réguliers entre les ONG et l'ACDI au sujet de cette étape qui nous permettraient de dépasser la simple aide humanitaire et nous concentrer plutôt sur des projets de développement pertinents, en dépit du conflit actuel.

    Si nous tenons à établir la paix, il faut aussi que nous favorisions l'émergence d'administrations civiles. La clé du succès à cet égard me paraît être de lier les initiatives à la base des processus officiels. À cet égard, je rappellerai ce qui s'est passé en Sierra Leone, où les ONG ont également été de la partie. Il y avait énormément de choses qui se passaient dans la société civile, et ces initiatives étaient liées de façon officieuse mais non officielle, c'est ce qui a fait évoluer les choses. En l'occurrence, nous avons des préoccupations assez semblables. Les gens qui travaillent dans le cadre des initiatives locales en savent très peu au sujet du processus officiel.

»  +-(1705)  

+-

    Mme Marlene Jennings: Il ne fait aucun doute que la sécurité préoccupe tout gouvernement qui appuie les ONG de son pays et leur travail, comme c'est le cas au Canada. Je suppose que si nous ne... Comme cela, à brûle-pourpoint... On m'a peut-être renseigné là-dessus, mais il y a une limite à la capacité d'absorption du cerveau humain. On m'a peut-être déjà parlé d'une politique quelconque permettant à l'ACDI d'aider les ONG à défendre la société civile dans des zones de conflit. Il faudra que je le vérifie, mais si elle existe, elle constitue peut-être un empêchement, dans les régions où la situation est telle qu'on ne peut garantir de sécurité.

    Je me souviens par exemple qu'en Afghanistan, lorsque les hostilités faisaient vraiment rage, les ONG canadiennes, et même les ONG internationales n'y étaient pas présentes. Elles s'étaient installées aux frontières des pays voisins, parce qu'il leur était impossible de garantir la sécurité de leurs propres membres autrement.

    Il faut probablement en arriver à un compromis acceptable dans de telles situations, quoi qu'il en soit, j'examinerai la question. Je prends bonne note de vos remarques au sujet de la Sierra Leone. Lorsque des initiatives locales de mise en valeur du potentiel de la société civile se conjuguent à des politiques officielles, soit internationales, soit bilatérales ou encore gouvernementales afin de favoriser la paix, lorsqu'il existe un tel dialogue, cela fait avancer les choses. Lorsque la paix devient une réalité, on dispose déjà de certaines capacités pour mettre sur pied des institutions et même administrer un gouvernement.

    Je prends bonne note de cela. Je vous remercie.

+-

    La présidente: Est-ce que quelqu'un souhaite intervenir là-dessus, ou est-ce que tout va bien?

    Manock.

+-

    M. Manock Lual: J'aimerais préciser que certaines régions au Sud-Soudan sont depuis longtemps libres de toute présence gouvernementale et sont tout à fait sûres.

    Mme Marlene Jennings: Oui, je le sais.

    M. Manock Lual: La région équatoriale de l'Ouest, située aux frontières de l'Ouganda et du Congo, est l'une de celle où ce genre de chose serait possible. Nous pourrions y aller d'abord, et y limiter notre action.

    Mme Marlene Jennings: Je vous remercie beaucoup.

+-

    La présidente: Je vous remercie beaucoup. J'ai moi-même quelques questions à poser.

    Gary, vous avez affirmé que l'un des objectifs est de restreindre la production pétrolière au Soudan. Le sénateur Wilson nous a justement dit qu'en Suisse, on travaillait sur un projet de partage des richesses de ce pétrole.

    Est-ce que vous aimeriez nous en parler?

+-

    M. Gary Kenny: J'ignore vraiment quelle forme ce projet prendra. Je n'ai pas encore vu d'ébauches du moindre mécanisme. Je crois savoir que le ministère des Affaires étrangères travaille lui aussi là-dessus, en collaboration avec les Suisses et d'autres.

    J'avais l'intention d'appeler M. Alan Bones du ministère des Affaires étrangères cette semaine, afin de me renseigner davantage, mais je n'ai pas réussi à le faire.

    Cela dit, il me paraît assez difficile de concevoir un mécanisme de partage des recettes quel qu'il soit, s'il ne s'inscrit pas dans un processus de paix global et coordonné. Il faut absolument qu'il en fasse partie. Ensuite seulement on pourra l'utiliser comme levier pour favoriser la paix ou le présenter comme un de ses avantages, et dans les deux cas, une telle initiative forcerait alors les deux partis à prendre les négociations plus au sérieux.

    J'ai des réserves face à un tel mécanisme s'il demeure à l'extérieur du processus de paix. Je crains d'ailleurs que c'est ce qu'on est en train de faire en ce moment. Je peux toujours me tromper, mais je demeure préoccupé. Une fois inscrit dans le processus de paix en tant que tel, le partage des recettes peut être très utile.

+-

    La présidente: Nous allons vérifier cela.

    Manock.

+-

    M. Manock Lual: Je suis peut-être paranoïaque, je ne sais pas. Le fait est que lorsque vous parlez de partage des recettes, vous présumez déjà que la paix règne au pays. Vous parlez donc prématurément.

    Comme l'a dit Gary, vous devez concentrer vos efforts sur l'établissement d'une paix juste qui sera durable. Ensuite, l'idée du partage des recettes sera attrayante. C'est une bonne idée d'apprendre aux Soudanais à partager les richesses du pays. Mais d'abord, il faut se concentrer sur la paix. Il faut que la paix règne dans le pays, avant qu'on puisse s'occuper de partager les recettes. Vous ne pouvez pas utiliser cette idée comme moyen pour arriver à la paix. S'il y a partage des recettes, elles iront à la SPLA et au gouvernement; on leur dirait que c'est bon pour eux et que maintenant ils peuvent s'entendre pour faire régner la paix. Non. Cela ne fonctionnerait pas. Il faut commencer par s'occuper de la paix.

»  +-(1710)  

+-

    La présidente: Bien.

    J'ai une autre question à poser. Vous avez mentionné le Sudan Inter-Agency Reference Group.

    Pourriez-vous nous en parler un peu? Que faites-vous? Le gouvernement pourrait-il vous aider dans le processus?

+-

    M. Gary Kenny: Cet organisme existe maintenant depuis quatre ou cinq ans. Je pense qu'il compte actuellement environ 25 membres. Il ne s'agit pas d'une coalition officielle. C'est un organisme informel composé de différentes organisations, d'une grande diversité, qui font de la recherche et de la surveillance en matière de droits de la personne, ou qui s'occupent de développement, d'aide, de mise en valeur du potentiel, de diplomatie à deux volets, et de toutes sortes d'autres questions. C'est une gamme très vaste d'organisations.

    Nous essayons de faciliter les occasions de coopération entre les membres pour certaines initiatives, et de faire front commun pour d'autres initiatives. Nous ne préconisons pas de politique au nom du groupe de référence. Nous rédigeons parfois une lettre adressée aux Affaires étrangères ou à un autre ministre. Nous élaborons parfois une série d'options stratégiques que nous essayons de faire endosser par le plus grand nombre de membres possibles.

    C'est à peu près comme cela que l'organisme fonctionne. Nous avons constaté que c'était une entité très utile ces dernières années. Le groupe existe encore. Nous espérons qu'il continuera de donner des résultats positifs à l'avenir.

    Kathy, voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    Mme Kathy Vandergrift: La mise en commun de l'information est un premier élément de base. Nous avons parrainé ensemble un dialogue de deux jours, auquel ont participé plusieurs personnes venues du Soudan. Je pense que c'était une expérience utile. C'est un organisme informel. Il n'est pas toujours facile de faire ce genre de choses, mais c'est très utile.

    Pourrions-nous envisager d'autres initiatives semblables?

    Si le processus de paix commence à montrer des progrès, je pense que nous verrons certainement comment nous pourrions travailler collectivement avec nos collègues au Soudan dans le but d'optimiser les possibilités qui existeront.

+-

    La présidente: Marlene, avez-vous d'autres questions à poser?

    J'en ai moi-même une autre. Vous avez mentionné qu'il fallait avoir recours au pouvoir discret et au pouvoir ferme. Qu'entendiez-vous par pouvoir ferme?

    Je pense que la question s'adresse à Gary.

+-

    M. Gary Kenny: Je pense que j'en ai mentionné trois.

+-

    La présidente: Est-ce pour le pouvoir ferme?

+-

    M. Gary Kenny: En ce qui concerne le pétrole en particulier, il faut un moyen de limiter l'exploitation pétrolière, ou de réduire les recettes pétrolières du gouvernement du Soudan.

    C'est l'un des moyens que j'envisageais en parlant de pouvoir ferme. Il y a peut-être d'autres incitatifs qu'on pourrait envisager, pour exercer un pouvoir ferme.

    La présidente: Kathy.

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Certaines ONG ont proposé l'idée d'une zone d'interdiction de vol, pour empêcher les bombardements. Il existe un précédent en Iraq. On peut douter de son succès, comme on peut se demander qui s'en occuperait, mais la possibilité d'empêcher ces bombardements ouvrirait aussi plus d'espace politique pour faire régner la paix.

+-

    M. Gary Kenny: Si vous le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Le bombardement de civils fait partie des deux ou trois stratégies militaires critiques du gouvernement soudanais. La perte de cette stratégie aurait une énorme incidence sur la capacité du gouvernement de continuer à mener la guerre comme il l'a fait jusqu'ici. Ce serait un élément très important.

    Quand nous proposons certaines de ces idées—une zone d'exclusion aérienne, une restriction ou même un arrêt de l'exploitation pétrolière, ou encore le dépôt des recettes dans un compte fiduciaire bloqué—le problème vient de ce que les affaires étrangères et d'autres hauts fonctionnaires répondent toujours que ce n'est pas possible, que c'est irréalisable, qu'il n'en est pas question.

    Nous ne disons pas que ce n'est pas difficile. Nous ne disons pas qu'il n'y a pas d'obstacles à surmonter, mais nous sommes simplement renversés de voir que dans le cas d'autres conflits dans le monde, la communauté internationale est galvanisée par une question, et réussit à rassembler la volonté politique qui lui permet de faire des choses phénoménales. On doit se demander pourquoi pas dans le cas du Soudan? Nous n'avons jamais réussi à vraiment trouver une réponse claire à cette question. Nous faisons des spéculations, mais...

+-

    La présidente: Allez-vous jusqu'à suggérer que nous utilisions nous-mêmes la force militaire, ou dites-vous que nous devons essayer d'agir grâce à l'opinion publique, sans avoir recours à une intervention militaire?

+-

    M. Gary Kenny: Je ne dis pas cela personnellement, mais je pense effectivement qu'il vaut la peine d'examiner la possibilité d'une forme d'intervention humanitaire, surtout s'il n'y a pas de moyen d'atténuer la famine qui règne actuellement et qui s'aggrave. Il y a des choses que nous pouvons faire à cet égard, et on le fait certainement dans d'autres parties du monde.

+-

    La présidente: Manock.

+-

    M. Manock Lual: Je veux dire quelque chose à ce sujet, et je parle en l'occurrence à titre de Soudanais, et non à titre d'employé de KAIROS. Je pense que la guerre se terminera plus rapidement si l'on prive le gouvernement et la SPLA de la capacité de faire la guerre. Le Canada dispose de l'un des principaux moyens d'y arriver, grâce à Talisman—le Canada dit qu'il n'y a pas de moyens d'arrêter Talisman, mais il faudrait empêcher Talisman de poursuivre ses activités.

    Ensuite, il faut trouver des moyens appuyés par plusieurs pays pour bloquer les exportations et les importations de pétrole au Soudan. Le Soudan a seulement 400 milles de littoral et le pétrole du Soudan est exporté à partir d'un seul port. Si vous bloquez ce port, il n'y aura pas de pétrole qui pourra y passer. Cela peut se faire facilement, si vous pouvez persuader vos amis les Américains de bloquer le port, ou encore vous pouvez demander à la communauté internationale de le faire.

    Pourquoi ne faites-vous pas chanter les Britanniques en disant que c'est leur problème, qu'ils nous ont légué ce gâchis et qu'ils doivent donc bloquer la mer pour nous et résoudre ainsi le problème? Je parle un peu à la blague, mais je pense que c'est le seul moyen qui permettra de mettre fin rapidement à la guerre.

    Si vous amenez Talisman à cesser ses activités et si vous demandez l'aide de divers pays du monde pour bloquer le port, le gouvernement ne recevra plus l'argent qu'il reçoit maintenant et il fera la paix. Lorsqu'il ne disposait pas des recettes pétrolières, il lui est arrivé de connaître la défaite militaire et de négocier sérieusement. Mais ce n'est plus le cas depuis 1999.

»  +-(1715)  

+-

    La présidente: Puis-je obtenir une précision? Il n'y a pas seulement une compagnie pétrolière, là-bas?

+-

    M. Manock Lual: C'est pourquoi je dis qu'il faut un blocus. Si vous prenez des mesures contre Talisman et qu'il n'y a plus de pétrole qui passe en raison d'un blocus, aucune entreprise ne sera intéressée à y aller, parce qu'elle ne pourra pas exporter le pétrole. Il sera impossible aux Chinois ou aux Malaysiens d'exploiter le pétrole qu'ils peuvent y extraire. Il ne s'agit donc pas seulement d'empêcher Talisman d'exercer ses activités, mais le monde devrait empêcher tous ceux qui sont là de le faire également.

+-

    La présidente: Mais y a-t-il d'autres compagnies pétrolières là-bas?

+-

    M. Gary Kenny: Oui.

+-

    La présidente: Et si Talisman se retirait, quelqu'un d'autre achèterait-il simplement l'entreprise?

    M. Manock Lual: C'est pourquoi je ne me limite pas à cela.

    La présidente: Je voulais simplement vous le faire préciser. Vous sembliez dire que c'était la seule compagnie pétrolière là-bas.

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Puis-je ajouter quelque chose? J'avais bien envie d'ajouter cela la semaine dernière, pendant que j'écoutais la conversation.

    Lundin a cessé ses activités temporairement, de même que Petronas. On dit qu'il n'est pas possible que Talisman suspende ses activités avant que la paix ne règne, et pourtant deux entreprises ont effectivement suspendu leurs activités.

+-

    La présidente: Pourquoi temporairement seulement?

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Si la paix revient, c'est évident que la société Lundin retournera. Ils n'ont pas abandonné leurs droits d'exploration où ils en détiennent, mais ils ont cessé leurs activités au Soudan provisoirement. Comme Petronas, donc il y a un précédent...

+-

    La présidente: Combien en reste-il?

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Il y a les Malaisiens et les Chinois, je crois.

+-

    M. Gary Kenny: La Russie cherche du pétrole dans le Nord actuellement.

+-

    La présidente: Madame Jennings.

+-

    Mme Marlene Jennings: Vous avez répondu à ma question, en fait, parce qu'elle portait sur la possibilité de couper les recettes pétrolières.

    Je ne pense pas que je serais favorable à ce qu'on force Talisman à quitter le pays. J'appuierais des sanctions. Quant aux entreprises qui ont investi des fonds dans les régions où il y a eu des violations des droits de la personne, qu'elles en subissent les conséquences.

    M. Gary Kenny: Je suis d'accord avec vous.

    Mme Marlene Jennings: Avant de vous donner la parole, Gary, la question...

    J'aime bien parler, donc je profite du fait qu'il n'y a que la présidente et moi ici. D'habitude on me coupe la parole.

    Je crois que c'est vous, monsieur Lual, qui a dit que les Britanniques étaient des colonialistes qui avaient des principes, si c'est possible. C'est une contradiction dans les termes, n'est-ce pas?

+-

    M. Manock Lual: Je faisais état de la situation au Soudan. Je ne leur ferais pas vraiment confiance, étant colonialistes et nous ayant vendus en 1947. Mais ça concernait quelque chose que j'avais entendu ici au comité—je n'y étais pas mais je l'ai appris d'une façon ou d'une autre—quelqu'un aurait dit que le Canada n'a pas de liens culturels avec le Soudan et que c'est une raison pour ne pas intervenir. Donc j'avais soulevé le lien britannique afin de rappeler à ceux qui l'auraient peut-être oublié que le Soudan était à l'époque une colonie britannique.

    Il y a certaines valeurs que les Britanniques ont léguées aux Soudanais qui sont toujours appréciées, entre autres le fait que mon peuple croyait que quand les Britanniques disaient quelque chose, ils étaient sérieux. L'expérience nous a enseigné que les élites du Nord ne joignent pas l'acte à la parole; nous admirons donc les Britanniques de l'avoir fait même si ce n'était pas toujours pour le mieux. C'est ce que j'essayais de dire.

»  +-(1720)  

+-

    Mme Marlene Jennings: D'accord, je vous remercie de l'explication.

+-

    La présidente: Gary.

+-

    M. Gary Kenny: Je croyais que Colleen Beaumier et Keith Martin seraient ici aujourd'hui et qu'ils diraient que si ce n'était pas Talisman, ce serait une autre entreprise. J'avais préparé une réponse à cette question. Ça me coûterait de partir sans dire publiquement ce que je voulais dire à cet égard. Me le permettez-vous?

+-

    Mme Marlene Jennings: Si Talisman n'y était pas, est-ce que quelqu'un d'autre ne viendra pas à la place?

+-

    M. Gary Kenny: Il y a cinq raisons convaincantes, et il va falloir que je les lise parce qu'elles sont plutôt compliquées, mais je vais le faire rapidement.

    Premièrement—et vous l'avez déjà entendu dire—Khartoum a fourni une protection d'ordre moral indispensable aux activités pétrolières au Soudan, et Khartoum s'est servie implacablement de la compagnie à cet effet. Il y a de bonnes raisons de croire que ni les Autrichiens ni les Suédois seraient au bloc 5A si Talisman n'avait pas marché la première dans les blocs 1, 2 et 4.

    La deuxième raison se trouve dans le rapport Gagnon-Ryle. D'après ce rapport, la production pourrait chuter de 30 p. 100 si Talisman se retirait. Cela représente des revenus importants pour un régime qui consacre quotidiennement à la guerre plus d'un million de dollars américains et probablement beaucoup plus. Le régime est un des plus endettés au monde, avec des dettes de plus de 20 milliards de dollars américains. Il dépense plus pour la guerre et pour le matériel militaire que ce que les revenus pétroliers actuels ne lui rapportent. Le gouvernement aura énormément de mal à faire face à une diminution de ses revenus pétroliers et sera donc davantage poussé à faire la paix.

    Troisièmement, Talisman est d'une importance capitale pour ses projets d'expansion de la capacité de production des blocs 1, 2 et 4. Les Canadiens sont de loin supérieurs à leurs homologues malaysiens et chinois sur ce point. Il n'y a vraiment pas de comparaison. La technologie de la prospection pétrolière et l'ingénierie nord-américaine sont de loin supérieures à tout ce qui pourrait venir remplacer Talisman.

    Quatrièmement, le départ de Talisman montrerait à tous ceux qui ont des engagements sur le marché financier américain et qui sont sensibles aux pressions boursières, que s'ils vont au Soudan, ils seront ciblés. N'oublions pas que la China National Petroleum Corporation a tenté de lancer un énorme placement initial de titres de 10 milliards de dollars américains à la bourse de New York à l'automne de 1999. Quand la compagnie est finalement arrivée sur le marché en avril suivant, rebaptisée et restructurée PetroChina, la somme qu'elle a pu lever était inférieure à 3 milliards de dollars, soit 7 milliards de moins qu'elle ne l'espérait. Et même alors, le placement initial aurait été un échec absolu en l'absence de l'intervention de BP Amoco, qui a garanti un investissement de un milliard de dollars.

    Finalement, le Canada est maintenant profondément impliqué dans ce qui est—ce n'est pas mon expression mais je partage cette opinion—finalement une destruction génocidaire dans le sud du Soudan. Le départ de Talisman ne mettra pas fin à la guerre ni à la destruction, mais cela exercera de fortes pressions sur Khartoum—et c'est pourquoi le régime a fait tant d'efforts pour empêcher le départ de Talisman. Ce n'est pas très connu, mais c'est la réalité. Le PDG de Talisman s'en est plaint aux cadres du département d'État des États-Unis. Cela mettra un terme à la complicité canadienne, ce qui devrait suffire comme motif pour des gens fiers de leur engagement à défendre les droits de la personne et la sécurité humaine.

+-

    La présidente: Merci beaucoup d'avoir lu votre réponse pour les fins du procès-verbal. Gary, vous avez mentionné dans votre rapport, celui de de KAIROS, que vous appuyez le voyage du comité. Je me demandais s'il y a quelqu'un parmi vous qui a des observations ou des suggestions à nous faire, à part de ce qu'il y a dans vos rapports, au sujet de notre voyage au Soudan.

+-

    M. Gary Kenny: Nous en aurions certainement beaucoup à vous faire, mais je crois que vous devriez visiter des régions contrôlées par le gouvernement et des régions qui ne le sont pas.Vous devriez avoir un échantillon complet, autant que possible. Vous n'avez que 10 jours, ce qui n'est pas beaucoup. Ne privez pas le sud à l'avantage du nord. Vous devrez trouver un juste équilibre.

    Il serait d'une importance capitale que vous parliez aux victimes—des Soudanais ordinaires du sud qui ont été déplacés des champs pétroliers, ou qui vivent dans des zones relativement libérées depuis des années, mais qui ont vécu toutes sortes d'horreurs au fil des ans à cause de la guerre. Il est essentiel que vous parliez à ces gens pour connaître leur point de vue. Vous devriez également parler aux Soudanais typiques du nord.

+-

    La présidente: Avez-vous des commentaires, Kathy?

+-

    Mme Kathy Vandergrift: Les ONG qui ont des bureaux à Nairobi seront heureuses de vous aider à planifier votre visite. C'est elles qui sauront vous faire les meilleures suggestions, mais elles se feront un plaisir de vous aider.

+-

    La présidente: Manock.

+-

    M. Manock Lual: Je suis d'accord avec ce que Gary vient de dire. En plus, 10 jours ne sont pas du tout suffisants. Le Soudan a une superficie d'un million de milles carrés, c'est-à-dire 2,5 millions de kilomètres carrés. Vous ne pourrez jamais tout voir en 10 jours. Cependant, je sais que tel n'est pas votre but. Ce serait très bien de pouvoir disposer de plus de temps, mais si, en fait, vous vous rendez au Soudan, essayez de rencontrer des gens du sud du pays, surtout si vous allez à Khartoum.

    Certains étudiants du Sud-Soudan ont été arrêtés la semaine dernière. Essayez de rencontrer des étudiants et des membres de l'Union des partis africains du Soudan. Vous devriez essayer de rencontrer de simples citoyens qui ne font pas partie du gouvernement. Vous pourriez aussi rencontrer des gens du Sud-Soudan qui font partie du gouvernement, afin d'avoir un aperçu équilibré de la situation. Cependant, je ne ne pense pas que ces gens-là représentent qui que soit.

    Donc, je vous encourage à vous efforcer à obtenir un aperçu très large de ce qui se passe au pays. Gary et Kathy ont beaucoup voyagé dans le sud du Soudan, et à Khartoum, vous aurez la possibilité de rencontrer des responsables gouvernementaux. Néanmoins, vous devriez essayer de rencontrer d'autres intervenants.

    J'appuie votre mission. Vous devriez vous rendre là-bas. Je ne suis pas du tout d'accord avec ceux qui disent que votre voyage ne sert à rien. Je pense que vous allez pouvoir obtenir des renseignements très utiles.

»  -(1725)  

+-

    La présidente: À votre avis, devrions-nous nous rendre dans les régions où se situe les exploitations de Talisman?

+-

    M. Manock Lual: Tout à fait. C'est là où on voit le déplacement humain.

+-

    La présidente: C'est la seule façon, à mon avis, de vraiment voir ce qui se passe. Certains nous ont dit que nous ne devrions pas y aller.

+-

    M. Manock Lual: Mais vous devriez essayer de voir les deux côtés de la médaille. Ne vous contentez surtout pas de la visite guidée que vous offrira la société Talisman. Vous pouvez bien sûr faire cette visite, mais il faut essayer de voir ce que Talisman ne vous montre pas.

+-

    La présidente: Merci.

    Bashir.

+-

    M. Bashir Abdelgayoum: J'aimerais aussi vous dire qu'au cours de votre visite au nord du Soudan, vous devriez rencontrer les organisations de la société civile soudanaise, qui militent, pas seulement pour la paix, mais pour les droits humains et pour la réduction de la pauvreté. Ces organismes sont composés de Soudanais du sud et du nord du pays et aussi des habitants de la région des Montagnes Nuba. Certains de ces organismes travaillent ensemble pour établir des réseaux. Ils vont pouvoir vous donner beaucoup d'information sur des questions dont nous ne savons pas grand-chose.

-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Les cloches vont sonner d'un moment à l'autre. Si vous voulez poser d'autres questions, Marlene, peut-être que vous pourriez le faire plus tard.

    J'aimerais vous remercier d'être venus aujourd'hui. Si vous avez des suggestions à faire, au sujet des personnes que nous devrions rencontrer au cours de notre visite, veuillez les communiquer au greffier. Nous allons tenter de voir le maximum, et nous allons essayer d'obtenir un aperçu le plus équilibré possible. Nous ne pouvons pas faire plus pour l'instant.

    La séance est levée.