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SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 11 avril 2002




¹ 1545
V         Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.))
V         M. Brian Morrisey (directeur général, Bureau de la politique économique, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international)

¹ 1550
V         Le président
V         M. (Rick) F.S. Thomas (directeur général, Direction générale des industries manufacturières, ministère de l'Industrie)
V         Le président
V         M. Darwin Satherstrom (chef, Commerce des marchandises, Division de la politique commerciale internationale, Finances et échanges internationaux, ministère des Finances)
V         Le président
V         M. Rory McAlpine (directeur général, Direction des politiques de commerce international, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire)
V         Le président
V         M. Tim Miller (analyste principal, Commerce et développement, Politiques économiques, Agence canadienne de développement international)
V         Le président
V         M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne)
V         M. Brian Morrisey
V         M. John Duncan

¹ 1555
V         M. Brian Morrisey
V         M. John Duncan
V         Le président
V         M. John Duncan
V         Le président
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         M. Brian Morrisey
V         M. Rory McAlpine

º 1600
V         M. Louis Gionet (directeur adjoint, Division de la politique sur la réglementation commerciale, Section du textile et des vêtements, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international)
V         Le président
V         M. Pat O'Brien (London--Fanshawe, Lib.)
V         M. Brian Morrisey

º 1605
V         M. Pat O'Brien
V         M. Brian Morrisey
V         M. Pat O'Brien
V         M. Brian Morrisey

º 1610
V         Mr. O'Brien
V         Le président
V         M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.)
V         M. Brian Morrisey
V         M. Tony Valeri
V         M. Brian Morrisey

º 1615
V         M. Tony Valeri
V         M. Brian Morrisey
V         Le président
V         M. Mark Eyking (Sydney--Victoria, Lib.)
V         M. Brian Morrisey

º 1620
V         M. Mark Eyking
V         M. Brian Morrisey

º 1625
V         M. Mark Eyking
V         M. Brian Morrisey
V         Le président
V         M. John Duncan
V         M. Brian Morrisey

º 1630
V         M. John Duncan
V         M. Brian Morrisey
V         M. John Duncan
V         M. Brian Morrisey
V         M. Duncan

º 1635
V         M. Brian Morrisey
V         Le président
V         M. John Duncan
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         M. Brian Morrisey
V         M. Pierre Paquette
V         M. Brian Morrisey
V         M. Pierre Paquette
V         M. Brian Morrisey
V         M. Paquette
V         Le président

º 1640
V         M. Tim Miller
V         Le président
V         M. Tim Miller
V         Le président
V         M. Tim Miller
V         Le président
V         M. Tim Miller

º 1645
V         Le président
V         M. Tim Miller
V         Le président
V         M. Brian Morrisey

º 1650
V         Le président
V         M. Brian Morrisey
V         Le président
V         M. Pat O'Brien
V         M. Brian Morrisey
V         M. Pat O'Brien
V         M. Brian Morrisey
V         M. Pat O'Brien
V         M. Brian Morrisey
V         M. Pat O'Brien
V         M. Brian Morrisey
V         M. Pat O'Brien
V         M. Brian Morrisey
V         M. Pat O'Brien

º 1655
V         M. Brian Morrisey
V         Mr. O'Brien
V         M. Brian Morrisey
V         M. Pat O'Brien
V         M. Brian Morrisey
V         Le président
V         Le président
V         M. Elliot Lifson (président, Fédération canadienne du vêtement)

» 1705

» 1710
V         Le président
V         M. Jack Kivenko (membre, Fédération canadienne du vêtement)

» 1715
V         Le président
V         Mr. John Alleruzzo (président, Syndicat du vêtement, textile et autres industries)

» 1720
V         Le président
V         M. John Alleruzzo
V         Le président
V         M. John Alleruzzo
V         Le président
V         M. John Alleruzzo

» 1725

» 1730

» 1735
V         Le président
V         M. John Duncan
V         M. John Alleruzzo

» 1740
V         M. John Duncan
V         M. John Alleruzzo
V         M. John Duncan
V         M. John Alleruzzo
V         M. John Duncan
V         Le président
V         M. Pierre Paquette

» 1745
V         M. Jack Kivenko
V         M. Pierre Paquette
V         M. Jack Kivenko
V         M. Pierre Paquette
V         M. Jack Kivenko
V         M. Pierre Paquette
V         M. Jack Kivenko
V         M. Pierre Paquette
V         M. Jack Kivenko
V         M. Paquette
V         M. Jack Kivenko
V         M. Elliot Lifson
V         M. Paquette
V         M. John Alleruzzo

» 1750
V         M. Pierre Paquette
V         M. Jack Kivenko

» 1755
V         Le président
V         M. Pat O'Brien
V         M. Elliot Lifson
V         M. Pat O'Brien

¼ 1800
V         M. Elliot Lifson
V         M. Jack Kivenko
V         M. Pat O'Brien

¼ 1805
V         M. John Alleruzzo
V         M. Pat O'Brien
V         M. John Alleruzzo
V         M. Pat O'Brien
V         M. John Alleruzzo
V         M. Pat O'Brien
V         M. Pierre Paquette
V         M. Pat O'Brien
V         Le président
V         M. Bob Kirke (directeur exécutif, Fédération canadienne du vêtement)
V         M. Pat O'Brien
V         M. Bob Kirke
V         M. Pat O'Brien
V         Le président
V         M. Elliot Lifson

¼ 1810
V         M. Pat O'Brien
V         Le président

¼ 1815
V         M. Jack Kivenko
V         Le président
V         M. Bob Kirke
V         Le président
V         M. Bob Kirke
V         Le président










CANADA

Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 029 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 11 avril 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1545)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)): Monsieur Duncan, nous supposons que vous avez maintenant pris votre place. Nous allons commencer pour ne pas prolonger le délai.

    Je veux d'abord vous remercier de votre présence. Il est 15 h 45 et nous allons commencer la réunion du Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

    Un groupe de témoins distingués comparaissent devant le comité dans le cadre de l'évaluation, conformément à l'article 108(2) du Règlement, des enjeux des négociations de l'OMC d'un point de vue canadien.

    Je propose de commencer par entendre les témoins pour ensuite passer à la période des questions et des observations. Nous allons commencer par M. Brian Morrisey, directeur général de la politique économique du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

    Bienvenue Monsieur Morrisey, à vous ainsi qu'aux membres de votre équipe.

+-

    M. Brian Morrisey (directeur général, Bureau de la politique économique, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je suis heureux d'être ici aujourd'hui et de prendre la parole à propos de l'initiative du gouvernement de procéder à la consultation des Canadiens afin de savoir ce qu'ils pensent de la proposition d'accorder l'accès en franchise de droits et hors quota au marché canadien pour la majorité des produits d'exportation des pays les moins avancés.

[Français]

    L'initiative qui est dirigée par le ministre du Commerce international, l'honorable Pierre Pettigrew, a été rendue publique par une note officielle publiée dans la Gazette du Canada en date du 30 mars 2002. Elle est exposée aussi dans un document de travail affiché sur le site web du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

[Traduction]

    Monsieur le président, le gouvernement souhaite connaître l'opinion des Canadiens en ce qui concerne l'octroi d'un accès en franchise et hors quota pour les produits en provenance des pays les moins avancés, les répercussions économiques et sociales de cette mesure pour la population du Canada et, en cas d'inquiétudes portant sur les incidences négatives, les moyens d'action à mettre en oeuvre pour redresser la situation.

    Le gouvernement propose cette initiative pour plusieurs raisons.

[Français]

    Premièrement, cette initiative est précisément ce qu'il convient de faire pour faire avancer le développement. Vaincre la pauvreté dans les pays les plus démunis a été le souhait le plus cher des Canadiens. Après 50 années d'efforts de développement, on sait aujourd'hui que la lutte contre la pauvreté doit reposer sur une stratégie d'ensemble. L'allégement de la pauvreté est indissociable de la croissance économique.

[Traduction]

    Deuxièmement, l'initiative donne suite à des appels internationaux que nous avons vu s'élever en faveur d'une telle action. Monsieur le président, la déclaration de Doha que vous êtes en train d'examiner enjoint au concert des nations de prendre d'autres actions à l'égard des pays les moins avancés, au même titre que la Déclaration du millénaire des Nations Unies et le Consensus de Monterrey.

    Les têtes dirigeantes de l'ONU, du FMI, de la Banque mondiale et de l'OMC, comme les dirigeants des PMA eux-mêmes, ont invité les pays développés à agir, dans le sillage des 15 pays de l'Union européenne, de la Norvège et de la Nouvelle-Zélande qui avaient déjà emboîté le pas. Les États-Unis ont entrouvert davantage les portes, sans toutefois aller jusqu'à admettre les exportations en franchise de douanes et hors quota.

    Troisièmement, le Canada, pays du G-8, s'est imposé comme le principal interlocuteur pour ce qui est d'alléger les souffrances des populations pauvres et assume sa juste part des responsabilités à cet égard, qu'il s'agisse de la réduction de la dette, de la contribution au Fonds mondial pour la santé ou du soutien au développement en Afrique, l'un des points prioritaires à l'ordre du jour du Sommet de Kananaskis. Aussi, le Canada peut prendre l'initiative de faire valoir l'importance du commerce pour les pays les moins avancés.

[Français]

    Ce sont les Nations Unies qui décident du statut des pays les moins avancés en pondération de facteurs tels que la population, la qualité de vie, la vulnérabilité économique et le produit intérieur brut par habitant.

[Traduction]

    Il s'agit, en l'occurrence, de pays les plus démunis du monde, où l'on a d'ordinaire guère que l'équivalent d'un dollar américain par jour pour vivre. Les taux de mortalité infantile sont parmi les plus élevés du monde et l'espérance de vie est réduite. Ces pays ne suivent pas le rythme des autres pays en développement. Ils risquent de voir s'accentuer leur marginalisation au sein de l'économie mondiale.

    Dans le cadre de préférences actuel en faveur des pays en développement, le Canada désigne 47 pays comme étant admissibles au traitement accordé en vertu du tarif applicable aux pays les moins avancés (PMA). Il prévoit permettre au Sénégal, qui vient d'entrer dans les rangs des PMA, de participer à cette initiative.

    Les exportations en provenance des pays les moins avancés sont d'ores et déjà admises en franchise pour 90 p. 100 des postes de la liste tarifaire du Canada.

    L'initiative se propose de supprimer les droits sur les 10 p. 100 restants des lignes tarifaires pour les exportations en provenance de ces pays, à l'exclusion des produits à offre réglementée—les produits laitiers, la volaille et les oeufs—qui seront toujours sujets à l'accès en franchise intra-contingent.

¹  +-(1550)  

[Français]

    L'initiative propose aussi de mettre fin au contingentement des produits d'exploitation en provenance des pays les moins avancés. Cinq des 48 pays dont il est question se heurtent encore à des contingents que le Canada impose à certains de leurs produits de vêtement. Les membres du sous-comité ne sont pas sans se rappeler que tous les contingents maintenus en vertu de l'accord de l'OMC sur les textiles et les vêtements seront éliminés d'ici le 1er janvier 2005.

[Traduction]

    Monsieur le président, bon an mal an, les exportations des PMA vers le Canada représentent à peine un dixième d'un pour cent de nos importations. Près de la moitié des expéditions en provenance des PMA sont passibles de droits.

    En 2000, nous avons importé des produits pour quelque 370 millions de dollars, dont environ 200 millions en produits du vêtement frappés de droits de 18 à 20 p. 100.

    Monsieur le président, la suppression des obstacles au commerce pour les pays les moins avancés peut aider à créer des possibilités d'investissement et à susciter la croissance de ces économies. Cela dit, l'initiative du gouvernement ne devrait pas avoir de répercussions notables sur le commerce canadien à brève échéance, encore que certains travailleurs et fabricants de vêtements du Canada risquent de faire face à une concurrence plus serrée. Le gouvernement est impatient de connaître la réaction des Canadiens en ce qui concerne la proposition à l'étude.

    Monsieur le président, distingués membres du comité, merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Morrisey.

    Nous avons avec nous M. Rick Thomas, du ministère de l'Industrie. Aimeriez-vous faire une déclaration liminaire?

+-

    M. (Rick) F.S. Thomas (directeur général, Direction générale des industries manufacturières, ministère de l'Industrie): Je n'ai pas d'observation pour le moment.

+-

    Le président: Très bien.

    M. Darwin Satherstrom, représentant du ministère des Finances, avez-vous une déclaration liminaire?

+-

    M. Darwin Satherstrom (chef, Commerce des marchandises, Division de la politique commerciale internationale, Finances et échanges internationaux, ministère des Finances): Pas pour l'instant, monsieur le président.

+-

    Le président: Très bien, monsieur Rory McAlpine, du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, avez-vous des observations quelconques?

+-

    M. Rory McAlpine (directeur général, Direction des politiques de commerce international, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Non, merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Monsieur Tim Miller, analyste principal, section du commerce et du développement de l'Agence canadienne de développement international, avez-vous des observations?

+-

    M. Tim Miller (analyste principal, Commerce et développement, Politiques économiques, Agence canadienne de développement international): Non, monsieur le président, pas en ce moment.

+-

    Le président: Très bien.

    Après ce tour de table, je pense que nous avons pas mal de temps pour poser des questions. Je veux commencer par M. Duncan, si vous avez des questions. Sinon, nous allons donner la parole à M. Paquette et revenir à M. Duncan plus tard.

+-

    M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Les mesures de protection qui sont particulières à la Chine comportent une date limite. Puis-je supposer que lorsque ces mesures de protection spéciales prendront fin, celles qui s'appliquent à tous les autres pays continueront, elles, de s'appliquer? Peut-on le supposer?

+-

    M. Brian Morrisey: Merci, monsieur le président.

    La réponse est oui, mais j'aimerais signaler que l'initiative dont nous parlons concerne les pays les moins avancés et que, par conséquent, la Chine en est exclue.

+-

    M. John Duncan: Mais nous avons des mesures de protection qui s'appliquent à tous les partenaires commerciaux, et ce pays ne ferait donc pas exception à la règle.

¹  +-(1555)  

+-

    M. Brian Morrisey: Je veux être sûr de comprendre votre question, monsieur, comme vous le savez sans doute, tous les contingents établis en vertu de l'Accord sur l'Organisation mondiale du commerce sur les textiles et le vêtement seront abolis à compter du 1er janvier 2005, mais les autres dispositions de protection normales prévues par l'OMC demeureront, et comme vous l'avez mentionné, il y a le calendrier s'appliquant aux mesures spéciales visant la Chine.

+-

    M. John Duncan: Très bien. Cela répond à ma question pour l'instant, monsieur le président, nous pouvons continuer.

+-

    Le président: Oui, allez-y.

+-

    M. John Duncan: J'ai eu la réponse à ma question pour l'instant.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Paquette, est-ce que vous avez une question?

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.

    Évidemment, je pense qu'on ne peut pas être contre l'initiative prise par le gouvernement canadien. D'ailleurs, à Doha, les pays en voie de développement ont bien dit qu'ils voulaient rouvrir une négociation, mais sur une base réciproque. Ils ont l'impression qu'après le Cycle Uruguay, les pays développés n'ont pas tenu leurs promesses concernant l'ouverture de leur marché. Donc, en principe, je suis d'accord sur cette initiative.

    Notre gros problème, c'est la façon dont se comporte là-dedans notre principal partenaire, les États-Unis. Je vais vous donner un exemple d'une situation où, tout en étant en principe d'accord sur l'ouverture des marchés aux pays en voie de développement, nous éprouvons de sérieux problèmes; je parle du cas du sucre raffiné. On est actuellement en négociation avec quatre pays d'Amérique centrale. On a signé un accord de libre-échange avec le Costa Rica et on a ouvert notre marché du sucre raffiné aux Costaricains. Ce n'est pas un danger parce qu'ils n'ont pas d'industrie actuellement. Par contre, c'est un précédent qui va probablement faire partie de l'accord final avec les quatre pays d'Amérique centrale.

    Notre industrie ne peut pas concurrencer ces pays-là directement parce que la ressource, dans ce cas-ci, provient d'Amérique centrale. Donc, ça voudrait dire qu'on ferait venir de la canne à sucre au Canada, qu'on raffinerait le sucre et qu'on le renverrait dans les marchés d'Amérique centrale. On voit bien qu'avec le transport, ce serait une concurrence déloyale, même si on avait les mêmes salaires que les travailleurs costaricains. Notre marché naturel serait les États-Unis.

    Donc, si on veut véritablement ouvrir les marchés de façon équitable, il faut que les Américains ouvrent aussi leur marché aux produits des pays les moins avancés pour s'assurer que nos entreprises, qu'on parle du vêtement ou du sucre raffiné, soient capables de trouver d'autres débouchés qui correspondent peut-être davantage à un créneau de haut de gamme, ce que l'on peut trouver aux États-Unis.

    Dans l'initiative que vous proposez, comment les Américains se situent-ils, et pourrait-on penser moduler l'ouverture des marchés par secteur, en tenant compte de l'attitude des Américains?

    Un autre exemple me vient à l'esprit qui m'a été rapporté par des teinturiers de l'industrie du textile à Montréal. Les Américains ont conclu un accord particulier avec certains pays des Antilles où ils envoient leurs textiles, font fabriquer des vêtements et les ramènent sur le marché américain à des coûts beaucoup plus bas que ce qu'on peut faire au Canada, où on utilise nos textiles dans notre industrie du vêtement et où on a quand même réussi à sauvegarder nos emplois. Là encore, on va faire face à une situation très particulière où les Américains se sont organisés, finalement, pour ne pas tenir compte de leur principal partenaire, le Canada.

    Donc, j'aimerais avoir vos réactions sur cette situation dont vous n'avez pas fait mention dans votre présentation.

+-

    M. Brian Morrisey: M. McAlpine va répondre à votre question sur le sucre raffiné et M. Gionet pourra ensuite répondre à votre question sur les vêtements et textiles.

+-

    M. Rory McAlpine: Merci, monsieur le président.

    Le gouvernement est bien au courant de la sensibilité du secteur du sucre raffiné au Canada, et cela se reflète dans les positions que nous avons dans les négociations avec l'Amérique centrale, par exemple, en ce moment. C'est tout à fait correct. Le marché mondial du sucre raffiné est bien compliqué et comporte plusieurs distorsions et plusieurs subventions, surtout aux États-Unis et dans l'Union européenne. La position du Canada est de promouvoir une libéralisation du marché mondial du sucre dans le contexte des négociations à l'OMC. Donc, il est bien compris que notre secteur est désavantagé à cause de ces distorsions, et on fait la promotion de cette initiative de manière globale.

    Donc, dans ce contexte, il est nécessaire d'avoir l'input du secteur du sucre au Canada pour bien comprendre sa position et l'impact possible d'une ouverture de notre marché. C'est pour cette raison que le sucre est présent dans le contexte des consultations. Mais on est bien placés pour répondre à ces problèmes.

º  +-(1600)  

+-

    M. Louis Gionet (directeur adjoint, Division de la politique sur la réglementation commerciale, Section du textile et des vêtements, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): En ce qui a trait aux politiques américaines, il est vrai que les Américains ont pris des mesures spéciales vis-à-vis des Caraïbes, mais dans la même loi en vertu de laquelle ils ont pris des mesures spéciales pour les Caraïbes, afin de faire avancer le traitement à l'extérieur du pays, ils ont aussi ouvert leur marché aux pays africains, ce qui comprend quand même la majorité des pays les moins développés ou les moins avancés. En vertu de la mesure américaine actuelle, les pays africains peuvent effectivement confectionner des vêtements en Afrique et les exporter aux États-Unis libres de droit et de contingents pour n'importe quel tissu, avec une règle d'origine très ouverte. Cette mesure a été mise en place pour trois ans. À l'heure actuelle, le Congrès américain est en train d'étudier la possibilité d'ouvrir cette mesure pour une période plus longue encore. Je crois que la période proposée au Congrès américain à l'heure actuelle, qui a été acceptée par le Congrès, va jusqu'à 2008. Les Américains ont pris une initiative semblable. Elle n'est pas aussi large, mais ils ont carrément pris une initiative qui cherche à offrir leur marché du textile et du vêtement spécifiquement aux pays africains, ce qui comprend la majorité des pays les moins avancés.

+-

    Le président: Ça va, Pierre?

    Monsieur O'Brien.

[Traduction]

+-

    M. Pat O'Brien (London--Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président. Je remercie monsieur Morrisey, ainsi que ses collègues, d'être ici.

    Peut-être que je m'éloigne du sujet de votre exposé, auquel cas, veuillez me le dire. Quel est votre point de vue sur l'ensemble du débat entourant les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, à savoir s'il existe ou non une flexibilité permettant aux pays les moins avancés de faire face à leurs pandémies? Comment les choses évoluent-elles? Pouvez-vous nous dire où en est rendue l'évolution de la situation dans son ensemble? Ou est-ce là une question qui sort du champ de vos attributions? Si c'est le cas, je poserai la question à une autre occasion. Mais j'ai pensé que vous auriez pu me répondre.

    L'ouverture de nos marchés-- mesure avec laquelle, comme l'a dit M. Paquette, vous devriez être d'accord en principe--s'impose si nous voulons que les pays les moins avancés profitent véritablement de la mondialisation, de la libéralisation du commerce. Je conviens que c'est la chose à faire, mais certaines adaptations seront nécessaires.

    Pourtant, je me demande s'il n'y a pas lieu de prévoir un système de contreparties? Est-t-il exigé ou envisagé d'encourager, à tout le moins, ces pays à libéraliser également leur système politique? Nous connaissons la disposition relative à la démocratie incluse dans l'Accord de libre-échange des Amériques, disposition qui reçoit mon appui. Je me demande simplement si on a songé à un arrangement un peu semblable, à défaut d'en faire une exigence formelle de contrepartie.

+-

    M. Brian Morrisey: Je vous remercie, monsieur le président.

    Monsieur le président, l'initiative que le gouvernement propose de mettre en oeuvre concerne les tarifs douaniers applicables aux pays les moins avancés. Ces tarifs font partie de notre système généralisé de préférences. Le SGP, comme on l'appelle, a été créé dans les années 1970 par les pays développés. Il s'agit d'une initiative unilatérale de ces pays, qui est non discriminatoire et non réciproque.

    Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration d'ouverture, les exportations en provenance des pays les moins avancés sont d'ores et déjà admises en franchise pour 90 p. 100 des positions de la liste tarifaire, et ce, sans réciprocité. L'initiative propose de supprimer les droits sur les 10 p. 100 restants, à l'exclusion des produits à offre réglementée. Dans ce contexte, nous ne chercherions pas à obtenir des ententes de réciprocité. Toutefois, dans un contexte plus large, je pense qu'il convient de noter deux ou trois choses importantes.

    Cette initiative, comme je l'ai dit, fait suite à la Déclaration de Doha. Elle vise à aider les pays les moins avancés à intégrer le système du commerce mondial et à les amener à prendre une part plus active aux travaux effectués dans le cadre de la conférence de Doha.

    Dans ce contexte, monsieur le président, nous prévoyons que les pays les moins avancés assumeraient leur juste part de responsabilités à l'égard des obligations fixées par l'Organisation mondiale du commerce. C'est donc ainsi que nous voyons leur participation.

    Nous pensons que les pays les moins développés seraient prêts, dans le cadre des négociations d'accès au marché de Doha, à prendre leurs propres engagements en la matière, en fonction de leur situation économique.

    Deuxièmement, monsieur le président, je ferais référence au Consensus de Monterrey, le document produit à l'issue de la conférence des Nations Unies organisée en mars à Monterrey, qui est en fait un plan directeur, un document-cadre. C'était la première fois que les Nations Unies, les organisations internationales et les pays eux-mêmes s'unissaient dans le but de rechercher les conditions nécessaires à la promotion du financement pour le développement dans les PED.

    Fait sans précédent, je crois, le plan renferme une série d'engagements que les pays en voie de développement reconnaissent devoir aussi respecter, en plus de l'aide au développement attendue des pays développés. Parmi ces engagements, citons l'élaboration de politiques macro-économiques saines, la création d'un environnement stable, l'établissement d'une bonne gouvernance, la lutte contre la corruption et l'ouverture des marchés.

    Dans un contexte plus large, monsieur le président, ce genre d'initiative vise à compléter les mesures plus importantes qu'essaie de prendre le monde développé en partenariat avec les PED afin d'aider ces pays à prendre leur essor.

º  +-(1605)  

+-

    M. Pat O'Brien: Ma deuxième question, s'il me reste du temps, monsieur le président, concerne le point soulevé par M. Paquette. J'imagine que nous avons dépassé le stade de l'examen pour cette initiative. Si je me fie aux déclarations faites par notre premier ministre en Afrique, nous nous préparons à ouvrir davantage nos marchés à certains des pays les moins avancés, et ce, unilatéralement.

    Existe-t-il une stratégie plus vaste destinée à inclure, dans cette initiative, nos partenaires commerciaux du G-8? Quels efforts déploie-t-on pour s'assurer, même si c'est une bonne action du Canada, que cette initiative ne se limitera pas à notre pays et que d'autres nations emboîteront le pas?

+-

    M. Brian Morrisey: Monsieur le président, le gouvernement procède à des consultations sur cette initiative et cherche à obtenir le point de vue des Canadiens sur la façon de s'y prendre, etc. Nous continuerons de recueillir l'opinion de nos concitoyens pour être en mesure d'émettre des recommandations et de prendre décisions ciblées.

    Dans un contexte plus large, j'ai indiqué que l'Union européenne avait déjà pris des mesures, depuis 2001, en vue d'instaurer un régime d'admission en franchise pour tous les produits, à quelques petites exceptions près.

    M. Pat O'Brien: Est-ce dans le cadre de l'initiative relative à l'environnement?

    M. Brian Morrisey: Oui.

    M. Pat O'Brien: Celle-ci n'inclut pas les produits agricoles?

    M. Brian Morrisey: Non, elle n'inclut pas les produits agricoles.

+-

    M. Pat O'Brien: C'est une exception de taille.

+-

    M. Brian Morrisey: On dénombre trois exceptions. La première concerne les bananes, jusqu'en 2006—il y a une longue histoire au sujet des bananes en raison des régimes préférentiels s'appliquant aux pays du groupe ACP. Il y a aussi le sucre et le riz, pour lesquels les barrières douanières tomberont complètement en 2009. D'ici là, on diminuera progressivement les contingents. Donc, cela inclut tous les membres européens du G-7.

    Nous avons dit ce que font les États-Unis en vertu de l'African Growth and Opportunity Act et dans le cadre de la Caribbean Initiative—même si, en fait, nous parlons ici des pays les moins avancés. Vous évoquez là un sous-ensemble d'initiatives américaines. Mais non, ce n'est pas vrai, les Américains n'ont pas complètement supprimé les droits ni les contingents, pas plus que les Japonais du reste.

    Nous pensons que l'un des résultats du Sommet de Kananaskis pourrait être l'élaboration d'un plan d'action pour l'Afrique qui serait une réponse du G-8 à l'initiative des pays africains, appelée le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, le NPDA. L'une des composantes du NPDA, que les leaders africains eux-mêmes considèrent comme étant très importante, est l'accès aux marchés.

    Donc, dans ce contexte, peut-être que d'autres pays comme les États-Unis et le Japon jugeront bon de faire plus. Cela, bien sûr, ne dépend que d'eux. Il s'agirait d'une initiative unilatérale du Canada, s'inscrivant dans la ligne de sa politique passée.

º  +-(1610)  

+-

    M. Pat O'Brien: Certainement. Merci.

    Je vous remercie, monsieur le président.

+-

    Le président: Monsieur Valeri.

+-

    M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Juste pour commenter ce qu'a dit M. O'Brien, vous nous avez décrit, monsieur Morrisey, ce que l'Union européenne, les États-Unis et le Japon sont prêts à faire. Mais pourriez-vous situer notre initiative par rapport à celles de l'Union européenne, des États-Unis et d'autres pays? Pourriez-vous nous dire comment vous évaluer notre initiative d'accès aux marchés par rapport aux autres?

+-

    M. Brian Morrisey: Je trouve que c'est un exercice assez difficile car nous ne comparons pas toujours exactement les mêmes choses. Mais, de manière générale, il est clair que l'initiative des membres de l'Union européenne est plus avancée que celles des États-Unis, du Japon et du Canada, parce qu'elle a institué un régime de franchise douanière et d'accès hors quota. Mais, là encore, il convient d'examiner les particularités de leurs propositions pour ce qui est des règles d'origine et d'autres conditions pouvant s'appliquer à leurs programmes normaux.

    Si nous devions comparer le Canada aux États-Unis et au Japon, je pense qu'il serait juste de dire que nous nous situons assez bien par rapport à ces deux pays. Évidemment, le marché canadien est le plus petit, en termes absolus, avec une population de 31 millions d'habitants, comparativement à plus de 50 millions en Europe et à environ 300 millions aux États-Unis. Donc, nous sommes un petit marché, mais nos dispositions sont généreuses. Les tarifs applicables aux pays les moins avancés ne sont pas assortis de conditions. Nous avons adopté des règles d'origine avantageuses.

    Par conséquent, il convient de regarder les particularités propres à chaque pays et d'examiner les détails de chacun de leurs programmes. Les États-Unis posent certaines conditions: des contingents, un volume d'échanges commerciaux soumis à un traitement préférentiel. Nous n'avons pas cela au Canada. Par conséquent, lorsqu'on met tout cela ensemble, je pense que la comparaison avec les États-Unis et le Japon, dans le cadre du programme SGP, nous est très favorable.

+-

    M. Tony Valeri: Très bien.

    D'après ce que j'ai compris, le cabinet Shannon and Associates a produit un rapport ou une étude pour le compte du MAECI, indiquant que l'initiative, ou plutôt son incidence sur les pays les moins avancés, serait très modeste. Quelle est votre réaction? Êtes-vous d'accord avec les conclusions de cette étude ou y a t-il des parties que vous désapprouvez?

+-

    M. Brian Morrisey: Elle n'a pas été réalisée pour le compte du MAECI; c'est l'ACDI qui l'avait commandée. Cette étude a été menée par quelques consultants privés. D'après ce que j'ai compris, ces derniers l'ont fournie au MAECI, et elle vient d'être terminée. Je dois avouer que je ne l'ai pas encore vue dans son ensemble. Je n'en ai lu que des parties.

    Donc, sans adhérer à cette étude, parce que je ne la connais pas encore assez bien, nous estimons qu'à court terme cette initiative n'aura pas d'importantes répercussions au Canada. Notre commerce avec les PMA représente environ un dixième de un pour cent de l'ensemble de nos échanges commerciaux, soit un millième, ce qui n'est pas beaucoup.

    En 2001, la valeur de nos exportations a dépassé les 400 milliards de dollars. Nous parlons ici de 400 millions de dollars et plus, c'est-à-dire de très petits chiffres. Nous ne voyons pas d'incidence majeure pour le Canada, mais nous reconnaissons qu'il pourrait y avoir des effets limités au secteur du textile et de l'habillement. Cela dépend d'un ensemble de facteurs très difficiles à prévoir.

º  +-(1615)  

+-

    M. Tony Valeri: Les membres de ce sous-comité ont entendu dire que les PMA bénéficieraient d'un accès aux marchés tant et aussi longtemps qu'ils offriraient certains types d'avantages par rapport aux pays en voie de développement, comme la Chine. Mais l'incidence ne serait que temporaire et il y aurait une nouvelle répartition ou une redistribution pendant une certaine période.

    Partagez-vous ce point de vue?

+-

    M. Brian Morrisey: Certainement, c'est un point qu'ont soulevé devant nous les PMA. Le fait que les contingents soient toujours en vigueur—et ils le resteront pendant encore deux ans—et qu'on impose des tarifs douaniers, sont autant de mesures de protection de l'industrie canadienne.

    Si on devait supprimer les contingents et les droits de douane pour les PMA, cela donnerait clairement à ces pays une marge de préférence par rapport à des PED comme la Chine, l'Inde et l'Indonésie—qui sont les plus gros fournisseurs de textiles sur le marché canadien.

    Il est certain, que si le 1er janvier 2005, les contingents devaient être supprimés et que le gouvernement appliquait cette initiative aux PMA, ces derniers ne seraient plus soumis aux mêmes droits exigés à d'autres pays en voie de développement. Mais cela dépend, bien sûr, de l'issue des négociations de Doha. Nous prévoyons que les droits de douane seront maintenus pour les pays en voie de développement après la conclusion du Doha round. Par conséquent, les PMA pourront encore profiter de cette marge de préférence par rapport aux pays en développement concurrents.

    Cela dépendra d'une série de facteurs. Il faudra voir si les importateurs canadiens souhaitent s'approvisionner auprès des PMA. Cela dépendra du rendement dans ces pays. Cela dépendra également de leur capacité à fournir la qualité requise, à respecter les normes, les délais, etc., et ce sera aussi lié aux décisions des investisseurs de miser ou pas sur ce type de marché. Donc, il est vraiment difficile de prévoir exactement les conséquences, mais ces pays conserveront une marge de préférence constante.

    Merci.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Monsieur Eyking.

+-

    M. Mark Eyking (Sydney--Victoria, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

    En commerçant avec ces PMA, on cherche à relever le niveau de vie de leur population et aussi à assurer une meilleure stabilité à l'échelle mondiale, en redistribuant la richesse.

    Comment choisit-on ces différents pays? Est-ce en se fondant sur la moyenne du revenu personnel disponible?

    Ma prochaine question est la suivante: Qu'en est-il des pays autres que les PMA? Des pays qui commencent à émerger... Il y a 50 ans, par exemple, nous n'aurions jamais imaginer que le Japon serait une aussi grande puissance. Y a-t-il un moment où nous disons: «Arrêtons maintenant, ils commencent à prendre le pas sur nous»?

    Enfin, pourrait-il y avoir un autre scénario selon lequel, un beau matin, une grosse compagnie décide d'aller fabriquer des ballons de soccer dans un pays faisant partie du groupe des PMA, où les gens ne gagnent qu'un dollar par jour à couper des broussailles, par exemple, et que, malgré tout, les gens continuent de gagner un dollar par jour? Ne craint-on pas cette éventualité, que les gens n'améliorent pas beaucoup leur sort, qu'ils ne fassent que changer d'emploi, et que ces compagnies quittent un pays développé pour aller s'installer dans un pays sous-développé?

+-

    M. Brian Morrisey: Merci, monsieur le président.

    Pour répondre à votre première question, un comité a été créé aux États-Unis, appelé le Committee for Development Policy, qui relève du Conseil économique et social de l'Assemblée générale des Nations Unies. Ce comité se réunit tous les trois ans, et la dernière fois, c'était en avril 2000. À cette occasion, le Conseil a examiné encore une fois les critères qu'il applique pour déterminer si un pays doit avoir ou non le statut de pays moins avancé.

    Il y a toute un éventail de critères, dont l'un est une moyenne sur trois ans du PIB par habitant. Actuellement, en l'an 2000, cette moyenne limite a été fixée à 900 $ US par année. C'est le maximum. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, beaucoup de gens vivent en fait sous ce seuil, mais il faut se rendre à cette limite avant que l'on puisse remettre en question l'admissibilité d'un pays.

º  +-(1620)  

+-

    M. Mark Eyking: Lorsque c'est 1 000 $, ça ne va plus?

+-

    M. Brian Morrisey: Votre deuxième question se rapportait à la façon dont on peut cesser d'être un pays moins avancé. Comment se sortir de cette situation? Avec ces critères, ils prennent ces 900 $ et disent: nous envisageons une marge de 15 p. 100. Cela vous amène à 1 035 $ de PIB par habitant avant qu'ils puissent dire: «D'accord, vous répondez aux critères et, par conséquent, vous êtes promu hors du groupe».

    Il y a trois critères, et il faut dépasser les limites d'au moins deux d'entre eux pour pouvoir ne plus être considéré comme un pays moins avancé. Les autres critères sont un indice augmenté de la qualité matérielle de la vie et, le troisième, un indice de vulnérabilité économique. Celui-là est fondé sur la concentration des exportations, sur l'instabilité de la production agricole—qui sert, en fait, de substitut pour les catastrophes naturelles, les sécheresses, les ouragans et ce genre de choses—l'instabilité des exportations de produits et services, la part des services manufacturiers dans le PIB et la population.

    C'est un comité très technique, composé d'experts. Il fait appel à des statisticiens experts internationaux. Le comité passe par un processus très détaillé et il fait des recommandations formelles aux Nations Unies. Le comité se réunit cette semaine, non pas pour son examen triennal mais dans le cadre de ses travaux courants, et il doit débattre de la question du retrait de la liste et des critères que doit dépasser un pays avant que l'on puisse dire qu'il n'est plus un pays moins avancé.

    À ma connaissance, un seul pays a été ainsi retiré de la liste des PMA, et c'et le Botswana. Le Sénégal est allé dans l'autre sens. Malheureusement, il a le statut de pays moins avancé depuis l'an 2000.

    D'après ce que nous voyons, selon les prévisions, il faudra à certains de ces pays 25 ou 50 ans avant de pouvoir se défaire de ce statut. C'est un processus très long.

    Vous avez demandé, à votre troisième question, si les avantages pour un pauvre sont plus grands s'il y a investissement, et autre chose du genre. À ce que je comprends, des études, y compris celles que fait la Banque mondiale, concluent généralement que, lorsqu'il y a croissance économique dans un pays, les pauvres en bénéficient au même degré que tout le monde. Il y a cet aspect généralisé, à l'économie. Les pauvres semblent généralement tirer certains avantages de la croissance économique de leur pays.

    Ce que nous disons, en ce qui concerne cette initiative, c'est que si vous devez vous intéresser à la pauvreté, l'aide est un élément important, mais il ne suffit pas à lui seul. Il faut la croissance économique pour réduire la pauvreté, et ce que nous disons, c'est que les échanges commerciaux sont un facteur important de la croissance économique. Dans la mesure où notre perspective du commerce peut avoir une influence, nous pouvons espérer créer un contexte favorable à la croissance économique. Cela ne garantit pas qu'elle surviendra, mais au moins, nous contribuons à créer un contexte qui lui soit favorable.

º  +-(1625)  

+-

    M. Mark Eyking: Est-ce que la stabilité politique est tenue en compte d'une façon ou d'une autre, dans le sens où même s'il a un revenu par habitant de 1 000 $, le pays a besoin de ce...? Est-ce que les Nations Unies disent parfois ce pays a besoin d'un peu de...? Ou au contraire, lorsqu'il y a peu de démocratie dans un pays... Il n'en est pas question. Seulement les facteurs économiques entrent en compte, n'est-ce pas, lorsque vous déterminez si un pays est ou non un PMA aux fins d'échanges commerciaux?

+-

    M. Brian Morrisey: Je ne pense pas que l'on ferme les yeux là-dessus. Pour ce qui est du statut de PMA, oui, ce sont les critères que j'ai décrits, pas forcément la stabilité politique, qui comptent. Certains de ces pays sont des pays en conflit, par exemple, mais ils sont néanmoins des pays moins avancés.

    Ce que je dirais, à ce sujet, c'est que c'est le marché qui décidera s'il y a instabilité politique. En tant qu'investisseur et entrepreneur, je me poserais certainement la question, à savoir si c'est un pays où j'aimerais risquer mon capital en investissant dans cette économie? L'instabilité politique, un mauvais climat d'investissement, la corruption et ce genre de choses sont certainement des facteurs dont on doit tenir compte au moment de décider d'un investissement. C'est pourquoi le Monterey Consensus est un document si important. Il reconnaît ces éléments. Si vous voulez que le pays développé investisse, il lui faut une conjoncture attrayante, et vous devriez prendre des mesures pour la rendre accueillante en général. C'est pourquoi il faut regarder le tableau d'ensemble.

+-

    Le président: La parole est à M. Duncan, et ce sera ensuite à M. Paquette.

+-

    M. John Duncan: Merci beaucoup.

    Je pense être à la bonne page maintenant. Je m'excuse, au sujet de la première question.

    J'ai une ou deux questions à poser. D'abord, une chose pique ma curiosité depuis un bon moment. Nous avons vu cette immense panique qu'a suscité la fièvre aphteuse en Europe. Il y a de grandes régions du globe où cette maladie est rampante dont, notamment, l'Asie. Nous ne semblons pas nous en inquiéter. Aucune restriction n'est imposée pour les voyages, ou quoi que ce soit d'autre. C'est tout simplement un fait acquis. Nous échangeons de petites quantités de boeuf avec diverses parties du monde. Pourquoi est-ce un facteur si inquiétant dans une région du monde et si peu inquiétant dans d'autres régions? Comment le gouvernement canadien voit-il tout cela? Ou est-ce que j'aborde un sujet dont personne n'est tellement au courant?

+-

    M. Brian Morrisey: Je ne suis pas sûr d'avoir compris toutes vos questions. Tout d'abord, il est certain que le gouvernement du Canada se préoccupe beaucoup du problème de la fièvre aphteuse. Nous le savons tous, puisque lorsque nous sommes revenus d'Europe, nous avons tous dû passer sur des tapis spéciaux aux aéroports, pour nous assurer que nos chaussures n'étaient pas contaminées, etc.

    Deuxièmement, il n'y a que très peu de pays qui peuvent exporter leurs viandes, particulièrement le boeuf, au Canada, en raison de maladies endémiques qu'ils peuvent avoir, comme la fièvre aphteuse. Alors, très peu de pays peuvent le faire.

    Troisièmement, pour qu'un pays quelconque puisse envoyer un produit agricole dans le cadre de cette initiative, il doit se conformer à toutes les normes pertinentes qui sont en vigueur au Canada, qui sont réglementées et appliquées par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Alors, la simple question de l'élimination des droits ne signifie pas forcément, par conséquent, qu'un pays peut envoyer ses produits au Canada. Il y a d'autres critères.

    Je dirais donc que le gouvernement se préoccupe réellement de la question. La sécurité de nos fermes nous tient beaucoup à coeur, en tant que gouvernement et que pays, et cette initiative, à mon avis, protégerait et préserverait bien toutes les mesures de protection qui sont en place au Canada relativement aux produits agricoles.

º  +-(1630)  

+-

    M. John Duncan: C'est une bonne réponse, mais je ne suis toujours pas sûr de comprendre pourquoi nous avons eu... Je ne sais pas si c'est un virus différent. Nous avons éprouvé de grandes inquiétudes—et je pense qu'elles étaient tout à fait légitimes—au sujet de la transmission de la maladie par le biais des voyageurs, et c'est pourquoi il y a eu les avertissements aux voyageurs et les mesures spéciales. Je ne peux tout simplement pas comprendre pourquoi nous n'avons pas besoin de ces mesures spéciales et de renseignements pour les voyageurs qui reviennent de pays où sévit la fièvre aphteuse. Elle existe dans le monde. Cela ne semble pas avoir posé de problème. Mais probablement n'est-ce pas le moment ou le lieu pour en parler. Je pensais seulement que vous pourriez apaiser ma curiosité.

    Je vais passer à ma prochaine question. Elle se rapporte à l'initiative dont vous parlez, l'accès des marchés pour les pays moins avancés et le fait que nous continuons d'exempter les produits agricoles soumis à la gestion des approvisionnements. Nous faisons cela dans tous nos accords internationaux, alors, soyons au moins cohérents.

    Mais prenons une situation hypothétique, où nous supprimerions cela pour un PMA. Est-ce que quelqu'un a fait une estimation de l'ampleur de la pénétration? Quelles seraient les répercussions? Est-ce que nous protégeons seulement pour nous protéger, ou est-ce qu'il en découlerait autre chose de très important?

+-

    M. Brian Morrisey: Monsieur le président, nous n'attendrions pas de développement important d'une situation que vous dites hypothétique. La raison pour laquelle je dis cela, c'est que les pays sont déjà autorisés à fournir ces produits soumis à la gestion de l'approvisionnement en franchise de droits, en vertu de ce qui est appelé «l'accès contingenté». C'est-à-dire qu'is peuvent exporter chez nous une certaine quantité de leurs produits. Les pays moins avancés n'ont tout simplement rien eu à exporter dans le cadre de ces engagements actuels sur l'accès contingenté.

+-

    M. John Duncan: Alors, ils n'atteignent pas les contingents actuels.

+-

    M. Brian Morrisey: Non. Ils n'en sont pas capables. Je vais revenir sur le sujet de la conformité aux mesures sanitaires et phytosanitaires nécessaires pour s'assurer que leurs produits d'exportation répondent aux critères de santé et de sécurité du Canada qu'impose l'ACIA.

    Ce que le gouvernement voudrait faire, monsieur le président—et qu'il fait, je crois, dans une certaine mesure—, c'est essayer d'aider les pays moins avancés à comprendre les mesures sanitaires et phytosanitaires et leur fournir une aide technique pour accroître leurs capacités de manière à pouvoir se conformer aux normes qu'appliquent les pays développés. Cela pourrait être une composante.

    Je le répète, si vous voulez envisager le développement dans son sens le plus large, s'ils n'ont pas la capacité de se conformer à vos normes, ils ne pourront jamais avoir d'échanges commerciaux. Alors il nous faut aussi nous demander si nous pourrions faire quelque chose pour les aider sur ce plan aussi.

    Alors, je ne pourrais envisager aucune répercussion si le marché était ouvert, dans le contexte actuel.

+-

    M. John Duncan: D'accord.

    L'une des exigences de l'OMC, relativement à l'adhésion de la Chine—je sais bien que ce n'est pas un pays moins avancé—elle devait, dans les 30 jours qui suivaient son acceptation, présenter toutes ses normes sanitaires et phytosanitaires. Ce délai de 30 jours est évidemment écoulé. Je me demandais si vous pouviez confirmer qu'ils l'ont fait. Le savez-vous?

º  +-(1635)  

+-

    M. Brian Morrisey: Je ne connais pas la réponse à cette question, je regrette.

+-

    Le président: Ce serait une bonne question à poser mercredi prochain.

+-

    M. John Duncan: J'espérais seulement court-circuiter...

+-

    Le président: Monsieur O'Brien en prend note et il villera à vous fournir une réponse, nous l'espérons, d'ici là.

    Monsieur Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: J'ai une toute petite question, presque par curiosité. J'ai toujours été un peu sceptique quant à la méthode de consultation du gouvernement canadien dans le cadre de toutes ces consultations. Par exemple, vous dites que cela a été publié dans la Gazette du Canada. Ce n'est pas la publication la plus lue par la population. Pour ce qui est du site du ministère, je peux vous assurer que peu de mes amis le connaissent, mais ils connaissent le porte-parole du Bloc québécois en matière de commerce international.

    On avait suivi un peu la même procédure dans le cadre de l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica, et plusieurs groupes, même de très gros groupes sur le plan syndical, par exemple, avaient été surpris d'apprendre qu'on avait signé un accord avec le Costa Rica.

    D'abord, je voudrais savoir si vous allez prendre d'autres moyens pour vous assurer en particulier que les secteurs qui pourraient être touchés, mais qui ne sont peut-être pas conscients des enjeux, vont être informés de cette consultation. De plus, jusqu'à présent, combien de groupes, d'entreprises ou d'associations d'entreprises se sont manifestés dans le cadre de cette consultation?

+-

    M. Brian Morrisey: Vous avez raison: nous avons utilisé la Gazette du Canada et aussi notre site web, mais nous avons utilisé aussi notre moyen électronique pour communiquer avec près de 900 à 1 000 entreprises, organisations et associations qui s'occupent de ces questions, les ONG ainsi que les producteurs et d'autres, et nous avons ainsi un feed-back électronique de toutes ces organisations.

    De plus, le ministre Pettigrew va rencontrer ces groupes sectoriels qui scrutent les commerces internationaux dans le domaine du textile et du vêtement. On utilise des communiqués de presse et, à l'occasion, d'autres moyens de communiquer notre initiative par la presse. Nous avons aussi communiqué avec les provinces, dans le contexte de...

+-

    M. Pierre Paquette: Ce n'est pas une mauvaise idée dans le cadre d'une fédération. Je voudrais savoir jusqu'à quand la consultation se poursuivra.

+-

    M. Brian Morrisey: Nous avons commencé le 7 mars, je pense, avec les provinces. Nous leur avons envoyé tous les documents et nous attendons leurs réponses. Il y a beaucoup de...

+-

    M. Pierre Paquette: Est-ce que vous avez une date limite pour la consultation?

+-

    M. Brian Morrisey: Le 2 mai.

+-

    M. Pierre Paquette: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Paquette, ça va?

[Traduction]

    J'aurais une ou deux questions à poser. La première est au sujet de l'ACDI. Si notre comité devait recommander l'ouverture du marché pour les pays moins avancés, quelle répercussions cette mesure aurait-elle, par exemple, sur vos programmes dans ces pays-là? Est-ce que vous y voyez quelque avantage pour eux? Comment voyez-vous cela, en particulier, disons, pour les pays comme le Bangladesh et d'autres qui dépendent dans une large mesure de l'exportation des textiles?

º  +-(1640)  

+-

    M. Tim Miller: Merci, monsieur le président.

    L'ACDI et le gouvernement du Canada estiment que bien que l'aide officielle au développement soit essentielle aux efforts de la communauté internationale pour réduire la pauvreté dans les pays en développement, les échanges commerciaux revêtent tout autant, sinon plus, d'importance. Nous l'entendons souvent dire dans les pays en développement et les pays moins avancés.

    L'ACDI crée ses programmes bilatéralement dans la plupart des pays en développement, y compris les pays moins développés, selon un échange de vues avec ces gouvernements, et en coopération avec eux. En fait, la plupart de nos programmes et projets dans les pays comme le Bangladesh sont nés des efforts de coopération entre le gouvernement du Bangladesh et celui du Canada, par l'entremise de l'ACDI.

    Lorsque ces pays, et c'est eux qui en décident, assignent certaines priorités à certains domaines, nous tentons de réagir à ces priorités, dans la mesure où nous le pouvons, par le biais de ce processus de coopération. Nous nous rencontrons par intervalles de plusieurs années pour rédiger ensemble des documents de coopération sur la planification du développement. Ce que nous avons constaté récemment, c'est que très souvent, ces gouvernements, dont celui du Bangladesh, demandent une aide technique spécifique axée sur leurs stratégies de promotion des échanges commerciaux et visant aussi à les aider à mieux comprendre comment ils pourraient être en mesure de négocier des accords commerciaux. Dans les pays comme le Bangladesh, où cette démarche est vraiment, dirais-je, embryonnaire, nous avons de plus en plus—chaque année—de programmes pour les aider à s'intégrer au système mondial d'échanges commerciaux.

    Par exemple, nous avons actuellement avec le Bangladesh un projet continu de l'OMC relatif au commerce. Dans notre base d'information, je dirais qu'il se trouve probablement, depuis une dizaine d'années, environ 200 projets de l'ACDI liés au commerce, des projets techniques et d'augmentation de la capacité. Probablement environ 20 p. 100 de ces projets sont dans les pays moins avancés. Les 80 p. 100 restants seraient en Chine et en Inde.

+-

    Le président: Lorsque nous parlons en particulier d'un secteur comme celui des textiles, la plus grande partie, probablement, des employés de cette industrie sont des femmes. N'est-ce pas?

+-

    M. Tim Miller: Au Bangladesh?

+-

    Le président: Partout, dans la plupart des pays.

+-

    M. Tim Miller: Il y a une forte proportion de femmes. Je ne pourrais pas dire si c'est plus de 50 p. 100.

+-

    Le président: Plus de 50 p. 100?

    Disons, par exemple, lorsque le commerce international s'embarque dans un programme pour faciliter le commerce entre le Canada et les pays moins avancés—tous les pays, si on veut, qui sont admissibles pour l'ACDI—est-ce que vous ne définissez pas les programmes qui facilitent le commerce? M. Morrisey disait qu'au bout du compte, c'est le développement économique qui est l'élément clé. Où vous situez-vous, là-dedans? Est-ce que vous avez vraiment un espèce de mécanisme, ou la structure est-elle si rigide qu'il n'y a pas de flexibilité pour essayer de modifier un programme existant pour l'adapter et en faire le complément de ce que fait le commerce international? Je serais très intéressé à connaître votre avis là-dessus.

+-

    M. Tim Miller: Beaucoup de projets de l'ACDI dans les pays en développement sont des projets pluriannuels. Certains sont des projets d'échanges commerciaux, mais la vaste majorité d'entre eux sont dans des domaines comme la santé et l'éducation. À la façon dont beaucoup de nos projets ou initiatives avec ces pays sont structurés, ils utilisent la langue avec une certaine flexibilité dans cet exercice pluriannuel. La plupart des projets liés aux échanges commerciaux et à l'augmentation de la capacité que nous aurions avec ces pays, d'abord, ne viseraient pas à accroître le commerce spécifiquement avec le Canada. Ils visent généralement à aider ces pays à accroître leur activité commerciale dans le monde. Ce n'est pas spécifiquement les échanges bilatéraux, mais les échanges mondiaux que nous tentons de les aider à stimuler.

    Beaucoup de nos plus gros projets économiques ont des éléments intégrants de flexibilité, alors, si à mi-chemin d'un projet, un pays dit: «Oui, vous nous aidez vraiment à créer une infrastructure ici, mais nous aimerions que votre aide elle soit plus axée sur le type d'infrastructure qui aidera nos échanges commerciaux» le projet-même a une certaine flexibilité. Mais je pense que la réponse dépend réellement du type de projet dont il s'agit. Un projet qui prend la forme, comme cela arrive souvent, de formation en politique économique, est tout à fait adaptable. S'il s'agit de construire un barrage, ou des ports, ou des routes, c'est généralement un projet à plus long terme, et on ne peut pas l'arrêter.

º  +-(1645)  

+-

    Le président: Alors évidemment, lorsque l'Europe, disons, par exemple, a supprimé les obstacles au commerce pour les pays moins avancés, vous étiez bien contents parce que, selon votre point de vue, cela crée des opportunités pour les pays moins développés.

+-

    M. Tim Miller: Oui, nous en sommes heureux.

+-

    Le président: D'accord.

    J'ai une autre question. Je ne sais pas, monsieur Morrisey, si vous pouvez y répondre, ou si c'est le ministère des Finances.

    Je me rappelle l'époque des négociations de l'ALENA, lorsque tout le débat faisait rage sur, spécifiquement, l'industrie du textile. On s'inquiétait beaucoup du fait qu'une fois que l'ALENA entrerait en vigueur, il aurait des répercussions très négatives sur l'industrie du textile. J'aimerais particulièrement savoir ce qui est arrivé au secteur après l'entrée en vigueur de l'ALENA, comparativement à la période antérieure. Quelles étaient les statistiques commerciales de l'industrie du textile avant, et qu'est-il arrivé après?

    Cela me préoccupe. Si les chiffres montrent que l'industrie a subi des répercussions négatives, je pense que nous devrons vraiment réfléchir à l'orientation de notre débat.

+-

    M. Brian Morrisey: Lorsque vous utilisez le mot «textiles», je tiens pour acquis que vous parlez à la fois des secteurs du textile et du vêtement.

    Le président: C'est exact, oui, en général.

    M. Brian Morrisey: En jetant un simple coup d'oeil à quelques données, certainement dans les deux secteurs, les textiles et le vêtement, après les négociations de l'accord du libre-échange avec les États-Unis en 1988, qui est entré en vigueur en 1989, nous avons observé une perte importante d'emplois. Mais vous vous rappellerez également que, dans les années qui ont suivi, le Canada a sombré dans une très forte récession.

    C'est vers 1992 que le Canada a connu le creux de la vague. Depuis lors, des emplois ont été créés tant dans le secteur des textiles que dans celui du vêtement. Même s'ils ne sont pas revenus, ni dans un cas ni dans l'autre au niveau des années 80, leur croissance est constante.

    Ainsi, par exemple, dans le document de consultation que nous avons affiché sur notre site Web, nous donnons, pour les années remontant jusqu'à 1992, des données sur l'emploi dans le secteur canadien du vêtement. Je crois comprendre qu'en 1988-1989 quelque 120 000 personnes travaillaient dans ce secteur au Canada. En 1992, d'après les données de Statistique Canada que nous utilisons, ce chiffre est tombé tout juste au-dessous de 76 000 personnes. Depuis lors, ce chiffre est graduellement passé en l'an 2000 à 93 000. La croissance a donc été constante dans ce laps de temps.

    Nous avons aussi constaté une croissance des livraisons intérieures dans le secteur de l'industrie canadienne du vêtement canadien une fois de plus d'après les données de Statistique Canada. D'environ 5,8 milliards de dollars qu'elles valaient en 1992, ces expéditions se chiffrent maintenant à 7,3 milliards de dollars. La valeur des expéditions se sont accrues d'environ 1,5 milliards de dollars au Canada dans ce secteur.

    à mon avis, il est aussi important de signaler qu'en 1992 nous avons exporté pour une valeur de 615 millions de dollars de vêtements et en l'an 2000, plus de 3 milliards de dollars. Par conséquent, notre capacité d'exportation a sensiblement augmenté.

    Presque 95 p. 100 de ces exportations se font à destination des États-Unis de sorte que nous avons tiré partie de toute évidence des dispositions de l'ALÉ et de l'ALENA. L'industrie s'est révélée concurrentielle, tout à fait en mesure de s'ajuster pour trouver ses créneaux de marché et a su bien tirer partie de ces possibilités.

º  +-(1650)  

+-

    Le président: Autrement dit, le secteur de l'exportation prend de l'expansion en fait depuis...

+-

    M. Brian Morrisey: Oui, il a connu une hausse importante; il est passé de 650 millions de dollars à plus de 3 milliards de dollars.

+-

    Le président: D'accord. À peu près quatre fois.

    M. Brian Morrisey: Cinq fois.

    Le président: À peu près cinq fois.

    Monsieur O'Brien.

+-

    M. Pat O'Brien: Quelques autres questions. Je pense que vous avez répondu à M. Paquette que l'échéancier en ce qui a trait aux suggestions est le 2 mai. Je me demande pourquoi il en est ainsi et ce que vous allez faire avec ces suggestions. Quelle est la prochaine étape?

+-

    M. Brian Morrisey: Il s'agira ensuite de rassembler tout ce que nous aurons entendu de la part des Canadiens, peu importe l'intérêt qu'ils manifestent, afin de faire des recommandations au gouvernement. Le gouvernement décidera ensuite ce qu'il fera en ce qui a trait à cette initiative, s'il prendra des mesures précises. Étant donné l'importance de l'accès au marché dans le NPDA dont j'ai parlé et le fait qu'il en sera question au sommet de Kananaskis, nous espérerions idéalement, je crois, être en mesure de faire alors certaines recommandations au gouvernement.

+-

    M. Pat O'Brien: L'initiative est donc en quelque sorte motivée par Kananaskis.

+-

    M. Brian Morrisey: Le sommet offre une possibilité. Et nous recevons également des demandes claires de la part de la communauté internationale.

+-

    M. Pat O'Brien: Mais cette question continuera d'évoluer, n'est-ce-pas, même pendant et après Kananaskis?

+-

    M. Brian Morrisey: C'est tout à fait possible.

+-

    M. Pat O'Brien: Très bien. Je vous remercie.

    En ce qui a trait au renforcement des capacités, cette question a été soulevée à deux ou trois reprises aujourd'hui, nous savons bien sûr que ces pays auront besoin d'aide dans ce domaine. Quel serait l'instrument? S'agirait-il de l'ACDI ou de quelque autre organisme gouvernemental? Ou est-ce qu'une décision a déjà été prise?

+-

    M. Brian Morrisey: Monsieur le président, il est certain que nous nous tournons vers l'ACDI pour le financement et l'assistance aux politiques en matière de renforcement des capacités. Nous recourons à un certain nombre d'initiatives auxquelles nous avons accès. Il y a, par exemple, le cadre intégré pour les pays moins avancés qui fait intervenir les six principaux organismes d'aide multilatérale. On le met en place à l'heure actuelle en coordination avec les programmes que les gouvernements entreprennent sous l'égide de la Banque mondiale et du FMI. Nous incluons donc le commerce dans ces initiatives.

    Le Canada est un collaborateur important à ce projet du FMI, en utilisant les fonds de l'ACDI et nos subventions. Nous avons aussi accordé de l'aide aux pays en développement, ce qui leur a permis de protéger leurs droits et de défendre leurs intérêts dans le cadre de l'OMC par l'entremise d'un centre consultatif sur le droit commercial. Nous avons versé, une fois de plus grâce aux bons offices de l'ACDI, des sommes importantes pour le renforcement des capacités dans le contexte de l'OMC, par le canal de nos initiatives de l'APEC. Le premier ministre a annoncé un programme de 9 millions de dollars réparti, je crois, sur trois ans et dans le cadre duquel nous aiderions de nouveau nos collègues de l'APEC qui pourraient tirer partie du renforcement des capacités.

    Nous recourons donc à un éventail de mécanismes. Nous ferons aussi appel à l'aide des institutions internationales. Il existe déjà à Genève des institutions, la Commission du commerce international par exemple, qui apportent leur contribution. Ce ne sont donc pas les moyens qui manquent. Le secret c'est de bien coordonner nos efforts de manière à changer véritablement le cours des choses.

+-

    M. Pat O'Brien: Qui s'occupera de la coordination?

+-

    M. Brian Morrisey: Il va sans dire que le gouvernement du Canada ne ménage pas ses efforts pour insister sur la coordination. Nous employons tous les moyens possibles, par le biais de notre participation au cadre intégré et au sein de l'OCDE. Nous sommes très actifs au sein du secrétariat de l'OMC et nous poursuivons notre objectif dans presque tout contexte multilatéral.

+-

    M. Pat O'Brien: Ce serait le MAECI, n'est-ce pas?

º  +-(1655)  

+-

    M. Brian Morrisey: Oui, nous le faisons. C'est exact.

+-

    M. Pat O'Brien: D'accord. Je vous remercie.

    Monsieur le président, pour reprendre une de vos préoccupations, je crois que nous voulons tous que cette initiative aille de l'avant, mais nous sommes tous un peu curieux—peut-être certains plus que d'autres—selon la circonscription que nous représentons. Je ne sais pas. Et je comprends cela.

    J'aimerais maintenant m'entretenir avec vous des répercussions positives et négatives sur les Canadiens. Dans quelles régions cette initiative pourrait-elle avoir des effets néfastes? Quels sont les données démographiques concernant les travailleurs susceptibles d'être touchés au Canada? Nous avons entendu parler de programmes d'adaptation, mais où en sommes-nous en ce qui a trait à leur élaboration?

+-

    M. Brian Morrisey: Lorsque vous considérez la gamme de produits avec lesquels nous traitons, nous nous attendons à ce qu'il y ait très peu de répercussions importantes sur les Canadiens à l'exception peut-être du secteur du vêtement. Un des avantages sera peut-être une baisse du coût des produits importés pour le consommateur canadien.

    Nous avons montré, par l'entremise de rondes successives de négociations commerciales, plus particulièrement en ce qui concerne l'ALÉ et l'ALENA, que l'économie canadienne devient plus efficace lorsque nous ouvrons notre marché. Vous savez à quel point le commerce revêt de l'importance pour notre économie. Parmi les pays du G-7 nous sommes le pays le plus dépendant...

    M. Pat O'Brien: Nous pouvons faire faire à la concurrence.

    M. Brian Morrisey: Tout à fait.

    Ainsi, l'ouverture de nos marchés engendre la concurrence qui à son tour donne lieu à des gains de rendement ainsi qu'à des adaptations. Le secteur du vêtement est peut-être celui où vous constaterez peut-être un besoin d'adaptation. Je le répète, nous ne savons pas qu'elles seront les répercussions. Nous voulons que d'autres nous fassent connaître leur point de vue à cet égard, nous disent ce à quoi ils s'attendent et nous examinons nous-mêmes la question. Nous n'avons assurément pas terminés notre analyse de la question.

    Vous n'êtes pas sans savoir que plus de la moitié des emplois dans le secteur du vêtement se trouvent au Québec. L'Ontario arriverait au deuxième rang. Je crois que c'est ensuite la Colombie-Britannique puis le Manitoba et l'Alberta. C'est là que se trouve l'industrie. Les principales villes sont Montréal, Toronto, Vancouver et Winnipeg. C'est là où se trouvent les emplois.

    Il est très difficile pour nous, pour l'instant, de déterminer quelles seront les véritables répercussions sur l'emploi. Dans certains des marchés, on constate une pénurie de gens qualifiés, qualifiés dans le sens d'être en mesure d'exécuter les travaux de couture qu'exige l'industrie du vêtement. Nous nous situons en haut de l'échelle à bien des égards. Cela variera d'un marché à l'autre. La concurrence offrira peut-être de nouvelles possibilités d'emploi qui émergeront des nouvelles initiatives.

    Il est difficile pour l'instant d'aller plus loin, monsieur le président.

+-

    M. Pat O'Brien: Merci, monsieur Morrisey. Même si je n'en suis par originaire, Montréal, Winnipeg, Vancouver et les autres endroits que vous avez mentionnés sont tous très importants pour nous. Il n'en demeure pas moins qu'il est trop tôt pour prévoir les détails exacts des programmes d'adaptation. Le gouvernement va suivre la question de près et se doter de plans d'urgence au fur et à mesure.

    Ai-je bien compris?

+-

    M. Brian Morrisey: Nous allons certainement suivre la situation de très près et demeurer très à l'écoute des Canadiens. Comme vous le savez, il existe déjà des programmes pour régler les problèmes de chômage, et nous avons bien l'intention de les réexaminer.

    Sont-ils efficaces dans les circonstances résultant de cette initiative? Dans la négative, je suppose que le gouvernement verra à prendre les mesures nécessaires.

    M. Pat O'Brien: C'est bien. Merci beaucoup.

+-

    Le président: Il ne semble pas y avoir d'autres questions. Je vous remercie donc au nom de mes collègues. Il est clair que vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion et je vous remercie d'être venu aujourd'hui en groupe comme une «Équipe Canada». Vous avez rassemblé tous les principaux acteurs du gouvernement du Canada et nous souhaitons de tout coeur que vous garderez cet esprit de collaboration et de bonne entente à l'avenir.

    Avant de passer à nos autres témoins, nous allons vous laisser vaquer à d'autres occupations.

»  +-(1700)  


»  +-(1701)  

+-

    Le président: Nous amorçons maintenant la deuxième partie de notre réunion. Nous accueillons M. Elliot Lifson, M. Bob Kirke et M. Jack Kivenko de la Fédération canadienne du vêtement, ainsi que M. John Alleruzzo, du Syndicat du vêtement, du textile et autres industries.

    J'ai pensé que nous pourrions commencer par votre exposé, monsieur Lifson, puis par celui de M. Alleruzzo, après quoi nous passerons aux questions et aux commentaires.

+-

    M. Elliot Lifson (président, Fédération canadienne du vêtement): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, nous sommes très heureux de témoigner devant vous aujourd'hui pour vous aider dans vos délibérations.

    Je m'appelle Elliot Lifson. Je suis président de la Fédération canadienne du vêtement et vice-président de Peerless Clothing Inc. Je suis accompagné de Jack Kivenko, vice-président de Jack Spratt Manufacturing et ex-président de la Fédération canadienne du vêtement. Ensemble, nous comptons plus de 65 ans d'expérience de l'industrie canadienne du vêtement. Même si nous avons l'air très jeunes, nous sommes sur la ligne de front de l'industrie, et nos sociétés emploient plus de 3 500 personnes.

    M. Bob Kirke, directeur exécutif de la Fédération canadienne du vêtement, assiste également à cette séance.

    Lorsque nous avons témoigné devant votre comité, le 21 février dernier, nous vous avons manifesté notre inquiétude à propos des plans—alors non publiés—d'élimination des tarifs douaniers et des contingents pour les importations des pays les moins avancés, les PMA. Depuis, le gouvernement a déposé un document de travail sur la question des PMA, et notre but aujourd'hui, c'est de vous dire comment nous évaluons la portée et les incidences du plan proposé.

    Il ne fait aucun doute que le marché du vêtement est en pleine transformation. Conformément à l'Accord de l'OMC sur les textiles et le vêtement, qui a été mis en oeuvre en 1995, tous les contingents d'importation de vêtement disparaîtront en 2005, et les tarifs douaniers seront réduits. Le Canada a respecté ses obligations en vertu de cet accord, qui a l'effet voulu d'ouvrir nos marchés aux exportations des pays en développement.

    L'an dernier, les importations de vêtements ont augmenté de plus de 10 p. 100. Les exportations à destination du Canada du premier producteur de vêtements des PMA, soit le Bangladesh, ont augmenté de 23 p. 100 en moyenne au cours des huit dernières années.

    Le gouvernement propose une plus grande ouverture aux exportations en provenance des PMA. Il faut toutefois se demander si cette stratégie aidera vraiment les PMA et si elle tient compte des incidences qu'elle aura sur l'industrie canadienne.

    Selon nous, l'élimination des tarifs douaniers et des contingents pour les importations de vêtements des PMA ne profitera que de façon temporaire à ces pays en plus de nuire à des pans importants de notre industrie.

    La stratégie proposée porte à croire que nous ne faisons que rattraper les autres pays à cet égard. En réalité, la proposition du Canada aux PMA est beaucoup plus généreuse que les mesures prises par l'Union européenne ou les États-Unis. De plus, l'impact en sera beaucoup plus marqué pour le Canada, qui produit beaucoup plus de vêtements qu'eux. Environ 50 p. 100 des vêtements achetés ici sont produits au Canada, proportion beaucoup plus élevée que celle qui prévalait dans l'UE ou aux États-Unis lorsqu'ils ont concédé de tels privilèges aux PMA.

    De même, la proposition du gouvernement néglige des réalités tout à fait fondamentales. Premièrement, si les industries du vêtement existent dans les pays les moins avancés, c'est en grande partie en raison des contrôles contingentaires prescrits par l'Arrangement multifibres et l'OMC. Lorsque ces contrôles cesseront en 2005, la production de vêtements des pays les moins avancés, comme le Bangladesh et Madagascar, qui demeure somme toute peu élevée, migrera vers des pays plus productifs comme la Chine. Les industries du vêtement dans les PMA seront décimées, et cela avec ou sans les concessions du Canada. Bref, ce que nous pouvons penser des contingents...ils protègent vraiment les pays en question.

    Deuxièmement, cette proposition néglige le fait que l'industrie du vêtement englobe des entreprises figurant parmi les plus mobiles au monde; des sociétés qui transportent littéralement des milliers de travailleurs expatriés vers des sites de production dans des pays offrant l'accès au marché recherché. C'est précisément le type d'activité qu'on observe actuellement à Madagascar et ailleurs en Afrique. Par conséquent, il est faux de croire que les mesures proposées par le Canada permettront une croissance à long terme dans les PMA.

    Les vrais bénéficiaires en seront ces multinationales ultra-organisées qui peuvent déplacer rapidement leurs travailleurs et leurs ressources dans le monde.

    Troisièmement, la proposition ne prévoit aucune des restrictions sévères qui s'imposent en matière de réexpédition, pour assurer que la production a vraiment lieu dans les pays les moins avancés et non dans d'autres pays soumis à des restrictions contingentaires. Sans de telles restrictions, certaines sociétés produiront dans un pays pour ensuite expédier leurs marchandises par l'intermédiaire d'un des pays les moins avancés, échappant ainsi aux contingents et aux droits de douane. Les producteurs trouvent depuis des années des moyens comme celui-là de contourner les contrôles contingentaires.

»  +-(1705)  

    Les fonctionnaires canadiens devraient être prudents lorsqu'ils disent que ces mesures auront peu d'impact, parce c'est plutôt le contraire. J'ai l'impression que très peu de choses ont été faites pour l'évaluer. S'il y a eu des évaluations, nous aimerions beaucoup y jeter un coup d'oeil. Le seul rapport dans lequel nous avons vu une évaluation crédible de cet impact conclut que 25 p. 100 de l'industrie sera touchée. Mon collègue, M. Jack Kivenko, pourrait vous en dire plus long sur l'impact de ces mesures dans son secteur.

    Quatrièmement, et cela est étroitement lié à la question de la réexpédition, il serait primordial d'établir des règles d'origine cohérentes avec celles de nos autres accords commerciaux. Tous les accords commerciaux que nous signons prescrivent que les vêtements doivent être fabriqués avec des tissus produits dans le même pays. Ce sont essentiellement les mêmes règles d'origine que celles appliquées en Europe et M. Morrisey en a justement parlé il y a quelques instants. Cela ne fait aucun doute. Les règles d'origine en vigueur en Europe sont beaucoup plus strictes que les nôtres. Nous pressons fortement le gouvernement canadien d'adopter les mêmes règles d'origine pour les pays les moins avancés tout en admettant des exceptions limitées par rapport aux seuils annuels. C'est ainsi que sont structurées les concessions américaines aux PMA d'Afrique, lesquels ne peuvent exporter de vêtements aux États-Unis au-delà d'une certaine limite.

    Si le gouvernement a l'intention d'aider les PMA d'Afrique, cela doit transparaître dans sa proposition. Le fait d'y inclure d'autres PMA, comme Haïti, le Bangladesh, le Cambodge et le Laos, rend sa proposition beaucoup plus vaste et fait de la réexpédition une menace beaucoup plus importante et beaucoup plus probable.

    Nous profitons de cette occasion pour rappeler au gouvernement canadien que, peu importe que sa proposition soit mise en oeuvre ou non, les importations à moindre coût de multiples fournisseurs feront peser des pressions croissantes sur l'industrie canadienne. L'industrie peut s'adapter pour demeurer concurrentielle dans ce nouvel environnement, mais nous avons besoin d'un cadre politique gouvernemental qui favorise l'investissement. Il est urgent de prendre des mesures pour abaisser les tarifs douaniers applicables aux importations de textiles, par exemple. Nous sommes paralysés par les droits que nous devons payer pour les textiles non produits ici.

    L'industrie canadienne du vêtement attend toujours que le gouvernement tienne sa promesse et l'aide à se préparer à l'évolution du marché international. C'est l'engagement pris par le gouvernement dans un avis publié dans la Gazette du Canada, partie I, en date du 8 novembre 1997:

...le gouvernement a également annoncé la formation d'un comité fédéral chargé d'examiner les besoins des industries des textiles et du vêtement. L'examen doit prendre fin le 1er janvier 2000 et, dans l'intervalle, tous les faits nouveaux seront surveillés de près.

    Ce comité n'a jamais rempli ce mandat.

    Par la suite, lorsque l'Accord de l'OMC sur les textiles et les vêtements a été signé, le gouvernement canadien a assuré l'industrie canadienne du vêtement qu'il ne réviserait pas les modalités de cet accord à mi-parcours, or c'est précisément ce qu'il fait en ce moment. Au lieu d'aider l'industrie, il lui met des bâtons dans les roues à un moment où elle n'en a sûrement pas besoin.

    J'ai quatre grands messages à vous adresser aujourd'hui. Premièrement, nous doutons que ces concessions aient un effet positif notable sur les PMA. Nous croyons plutôt que les tendances générales hors du contrôle du Canada mèneront à une rationalisation importante de l'industrie du vêtement dans les pays en développement.

    Deuxièmement, les concessions tarifaires immédiates accordées aux principaux pays exportateurs auront des répercussions négatives importantes sur l'emploi et l'investissement au Canada.

    Troisièmement, si le gouvernement met sa proposition de l'avant, il doit progressivement changer ses tarifs, établir des règles d'origine comparables à celles de l'UE et réglementer la réexpédition.

    Quatrièmement, le gouvernement doit respecter l'engagement qu'il a pris au sujet de l'adoption de mesures pour aider l'industrie à se préparer à surmonter les nouveaux défis du marché.

    Merci.

»  +-(1710)  

+-

    Le président: Monsieur Kivenko, voulez-vous commenter brièvement ou préférez-vous attendre la période de questions?

+-

    M. Jack Kivenko (membre, Fédération canadienne du vêtement): Je n'avais jamais réalisé que j'étais un vieux de la vieille avant de comparaître ici, devant vous, et qu'Elliot ne fasse remarquer que je faisais cela depuis près de 40 ans; il se pourrait bien qu'un jour j'arrive à mes fins. Non seulement j'ai travaillé dans l'industrie, mais j'ai aussi présenté des exposés devant des comités gouvernementaux pendant la majeur partie de ces années. Peut-être que maintenant, c'est vous qui allez comprendre. Il en est grand temps. Il est temps que vous commenciez véritablement à nous écouter, avant que nous ne soyons plus là pour vous demander de l'aide.

    J'ai longtemps réfléchi à la façon dont le gouvernement pouvait nous aider. Manifestement, celui-ci est prêt à faire ce qu'il faut pour soutenir les gens qui ne l'ont pas élu, partout à l'étranger. Ceux qui vous ont élus sont mes employés et mes fournisseurs. Je pense que vous devez vous demander si ce que vous prétendez faire est bon pour le Canada. Vous devez examiner dans quelle mesure ce que vous envisagez servira nos intérêts et jusqu'à quel point cela profitera à d'autres pays.

    Je pense que c'est fantastique d'avoir appris que les Européens, les Américains et les Japonais le font déjà. Savez-vous ce qu'ils ont donné aux populations de ces 47 pays? Eh bien, selon les Américains, les Européens et les représentants de notre gouvernement, ils leur donné accès à un marché de 750 millions de personnes. Je dis bien de 750 millions, et ils auraient besoin de 30 millions supplémentaires pour s'en sortir. Ce n'est pas possible que le petit peu qui leur manque pour se développer et prospérer soit l'accès en franchise et hors contingent à notre marché. Cela ne se peut tout simplement pas.

    Par ailleurs, nos représentants ont indiqué que l'accès hors quota à notre marché est véritablement important. Comprenez que seulement six des 47 pays dont ils parlent appliquent des quotas sur leurs exportations de textiles et de vêtements au Canada. La dernière fois que j'ai témoigné ici, je n'avais pas toutes ces données; aujourd'hui, je les ai.

    Lorsque nous avons levé le contingentement sur les chemises, il y a quelques années, trois des six pays, qui sont des PMA, exportaient des chemises vers le Canada. Savez-vous ce qui est arrivé à leurs exportations? Elles n'ont cessé de diminuer. Le Bangladesh exportait pour 15 millions de dollars de chemises en 1997; en 2000, ce chiffre était tombé à 11 millions. Quant au Népal, la valeur de ses exportations était de 1,5 million de dollars; en l'an 2000, elle n'était que de 91 000 $. La République populaire du Myanmar exportait pour 2,2 millions de dollars en 1996 et pour seulement 50 000 $ en 2000. Savez-vous ce que cela signifie pour moi? Que lorsqu'on élimine les quotas, les petits pays perdent leur accès à notre marché. C'est exactement le contraire de ce qu'affirment les représentants assis devant vous aujourd'hui. Ces pays n'auront pas un meilleur accès à nos marchés parce que les quotas seront supprimés, et il finiront par perdre leur part de marché au Canada au lieu de l'accroître.

    Bien sûr, les représentants ont eu une meilleure idée. Ils ont dit: «supprimons les contingents et accordons-leur un avantage supplémentaire; cessons de prélever des droits». On commence par faire cela avec 47 pays et ensuite, quel sera le quarante-huitième, le quarante-neuvième et le cinquantième? Ces pays éprouveront aussi de sérieuses difficultés. Avant même de nous en apercevoir, nous aurons supprimé les droits de douane pour ces pays ou, tout au moins, pour la plupart d'entre eux.

    Lorsque nous aurons commencé à lever ces barrières, l'un de nos meilleurs fournisseurs, la Chine, nous dira: «Dites donc, les amis, vous nous traitez injustement. Vous privilégiez tous nos concurrents. Vous devez nous accorder les mêmes avantages qu'à eux.» Vous savez quoi? Ils auront raison. Finalement, nous devrons réduire toutes les taxes à l'exportation que nous avions fixées en vertu des accords de l'Organisation mondiale du commerce. Maintenant, nos représentants reviennent pour dire que nous les aurons réduites jusqu'à concurrence de ce que nous avions convenu dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, mais cela ne suffira pas; nous devrons faire encore plus. Vous savez quoi? Notre industrie a payé, dans une certaine mesure, le prix de l'accession du Canada à l'Organisation mondiale du commerce. Je pense que nous nous sommes assez sacrifiés comme ça.

»  +-(1715)  

    Lorsque nous passerons à la période de questions, j'aimerais parler d'une des choses que le gouvernement pourrait faire pour aider notre industrie à survivre—à défaut de prospérer—et à se restructurer —à défaut de croître—et qui va à l'encontre des politiques gouvernementales que je considère malavisées.

    Nous demanderons donc au gouvernement d'élaborer de nouvelles politiques pour remplacer celles qu'on recommande actuellement et qui sont mauvaises. Cela n'a pas beaucoup de sens à mon avis, mais je pense qu'il faudra le faire.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Monsieur John Alleruzzo.

+-

    Mr. John Alleruzzo (président, Syndicat du vêtement, textile et autres industries): Merci beaucoup.

    Je m'appelle John Alleruzzo, je suis directeur du SVTI, le Syndicat du vêtement, textile et autres industries. Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui, au nom de nos membres.

    Le SVTI représente plus de 25 000 travailleurs canadiens, répartis dans environ 240 établissements. Même s'il est enraciné dans l'industrie du vêtement et du textile, actuellement, le SVTI représente les travailleurs de plusieurs autres secteurs, dont ceux oeuvrant dans la fabrication de pièces d'automobiles, de fibre de verre, de plastique et de photocopieurs.

    Le SVTI est très cosmopolite. Ses membres sont Blancs, Noirs, Asiatiques, Sud-Asiatiques et Latino-Américains. La majorité sont des femmes.

    Le SVTI a été créé au début du siècle dernier, à l'époque où nos syndicats fondateurs, l'Union internationale des ouvriers et ouvrières du vêtement pour dames et le Syndicat des travailleurs amalgamés du vêtement d'Amérique ont commencé à s'organiser pour combattre les ateliers clandestins dans l'industrie de l'habillement. Sa mission demeure la même aujourd'hui: le SVTI négocie des contrats, cherche à améliorer les conditions de travail et à renforcer le pouvoir des travailleurs dans nos systèmes économique et politique.

    Le but du SVTI est d'organiser ce qui ne l'est pas, de lutter pour la sauvegarde des emplois de ses membres en protégeant ses contrats, de prévoir les besoins de la main-d'oeuvre au moyen d'actions politiques et de lutter contre les ateliers clandestins, grâce à la solidarité internationale.

    Ces ateliers clandestins, qui semblaient être chose du passé, refont leur apparition. De nos jours, il n'est pas rare d'entendre des histoires d'horreur sur l'industrie de l'habillement. Selon un récent rapport de la Fédération internationale des travailleurs du textile, de l'habillement et du cuir:

La plupart des 30 millions d'emplois que compte le secteur dans le monde sont mal payés, non protégés et concentrés dans des zones franches industrielles où les travailleurs n'ont généralement aucun droit. Les salaires sont fréquemment inférieurs au minimum vital et ils diminuent en termes réels. Les heures supplémentaires tendent à devenir obligatoires et ne sont souvent pas rémunérées. Des millions d'enfants sont exploités. L'intimidation est monnaie courante... Ceux qui tentent de former des syndicats sont traités avec la plus grande brutalité et risquent parfois même leur vie. Loin de s'améliorer, la situation empire à mesure que la mondialisation gagne du terrain... La multiplication des ateliers clandestins dans les pays industrialisés en est une preuve flagrante.

    Les travailleurs canadiens ont souffert de cette situation. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, les fabricants de vêtements ont été durement frappés par une récession profonde et persistante. Au cours des cinq années qui ont suivi la signature de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis en 1988, l'industrie a été amputée de quelque 800 ateliers et de plus de 33 000 emplois.

    Contrairement aux prévisions, toutefois, l'industrie du vêtement n'a pas disparu au Canada. Les expéditions et les emplois se sont stabilisés et ont commencé à progresser au milieu des années 1990. Le nombre d'emplois y est passé de près de 76 000 en 1992 à 93 000 en...

»  +-(1720)  

+-

    Le président: Monsieur Alleruzzo, puis-je faire une suggestion? Je pense que vous être en train de lire la proposition que vous nous avez remise. Je vais demander à mes collègues s'il est possible de l'intégrer au compte rendu des délibérations, de façon à ce que vous n'ayez pas à la parcourir au complet. Nous disposerions ainsi de plus de temps pour vous poser des questions et pour obtenir les réponses. Nous vous proposons donc d'interrompre votre exposé, si vous le voulez bien. C'est à vous de décider.

+-

    M. John Alleruzzo: Je suis ici pour ça et j'aimerais terminer ma présentation, comme l'ont fait les autres témoins avant moi.

+-

    Le président: Très bien, poursuivez. C'est vous qui l'avez choisi.

+-

    M. John Alleruzzo: Merci. Je sais que certaines choses sont répétitives mais, en tant que représentant syndical, je pense qu'il convient de les dire.

+-

    Le président: Je voulais simplement vous libérer de cette tâche, c'est tout. S'il vous plaît, continuez.

+-

    M. John Alleruzzo: La valeur des expéditions domestiques a augmenté de 5,8 milliards de dollars pour s'établir 7,4 milliards de dollars.

    Maintenant, on nous dit que c'est grâce à l'ALENA. En fait, cela tient surtout à la faiblesse du dollar canadien et pas nécessairement au libre-échange.

    La question n'est pas de savoir si nous aurons une industrie de l'habillement, mais quel type d'industrie ce sera. Est-ce qu'elle sera une source d'emplois de qualité ou un refuge pour les ateliers clandestins?

    Nous disposons de preuves selon lesquelles, à Toronto, des personnes travaillant à domicile pour l'industrie du vêtement ne gagnent que 2 $ de l'heure. Des travailleurs, dans les centaines de petites boutiques qui offrent des contrats, subissent régulièrement des violations des normes d'emploi fondamentales. Un résumé des inspections menées par le ministère du Travail de l'Ontario dans l'industrie de l'habillement entre 1991 et 2001 révèle qu'à chaque inspection on avait constaté des infractions à la loi du salaire minimum de l'Ontario.

    Alors que l'industrie de l'habillement est hautement fragmentée, celle du commerce du détail est devenue de plus en plus concentrée au Canada. Dans la foulée du libre-échange, des détaillants américains, comme Gap, Eddie Bauer et Wal-Mart ont grandement accru leur présence sur le marché canadien. Étant donné que cette industrie en pleine expansion est très décentralisée, cela permet à un nombre croissant de détaillants de négocier plus âprement lorsque vient le moment de fixer les prix et les conditions de livraison avec les fabricants.

    Le secteur du commerce de détail joue maintenant un rôle prépondérant dans la détermination des conditions pour les fabricants gouvernementaux. Les détaillants délocalisent leur production dans d'autres régions du monde, à la recherche d'une main-d'oeuvre meilleur marché. La mondialisation de l'industrie a été alimentée par le développement des accords commerciaux multilatéraux, particulièrement dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.

    La protection tarifaire limitée dont bénéficiaient par le passé les travailleurs de l'industrie du vêtement et des textiles disparaît rapidement. Après l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, l'Arrangement multifibres, qui prévoit un traitement spécial pour les importations de vêtements et de textiles, a été remplacé par l'Accord sur les textiles et les vêtements.

    Les quotas négociés pour le textile et les vêtements en vertu de l'Arrangement multifibres seront éliminés graduellement d'ici 2005. Avec l'accession de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce, les produits chinois pourront plus facilement pénétrer le marché canadien. La Chine est déjà le plus important fournisseur de textiles et vêtements du Canada puisque 34 p. 100 des importations provenaient de ce pays en 1999.

    Les ramifications mondiales de l'industrie du vêtement sont visibles partout. Visitez n'importe quel grand magasin canadien—la Baie, Zellers, Sears, Wal-Mart Canada, Roots, Club Monaco, Gap ou Eddie Bauer. Vous y verrez des vêtements fabriqués aux quatre coins du monde, dont un pourcentage énorme en provenance de Chine.

    Lors d'une récente visite dans un magasin Gap Kids local, un membre du Groupe d'action pour le commerce équitable, dont le SVTI est membre, a relevé des étiquettes de plus de 35 pays.

    Dans une industrie de l'habillement restructurée et mondialisée, les détaillants et les grandes marques recherchent constamment de nouveaux débouchés pour confectionner des vêtements au moindre coût. Des pays comme le Salvador, le Mexique, le Bangladesh, la Chine et la République populaire du Myanmar sont forcés de livrer concurrence à ceux qui acceptent les pires salaires et conditions de travail, ainsi que les pires normes de travail, de santé et de sécurité, de protection de l'environnement et des droits de la personne.

    Par conséquent, partout, les gouvernements subissent des pressions pour abaisser les normes d'emploi et assouplir leur législation, déréglementer l'économie, confier au secteur privé l'élaboration des normes de travail et de réglementation environnementale. Loin de stimuler la croissance économique des pays en voie de développement, la mondialisation et la libéralisation des marchés ne font qu'encourager le travail clandestin dans le monde.

    Lors d'un récent voyage dans le sud de la Chine, un membre du Groupe d'action pour le commerce équitable s'est fait dire par le dirigeant taïwanais d'une usine de chaussures de sport travaillant pour une marque américaine que sa compagnie recevait des pressions pour déplacer sa production en République du Myanmar, les coûts de main-d'oeuvre étant trop élevés en Chine. Il a ensuite expliqué que le coût de main-d'oeuvre total par employé était de 100 $US par mois en Chine, contre seulement 28 $ au Myanmar.

    Le problème, c'est que lorsqu'on adopte cette stratégie pour attirer des emplois, il y a toujours un endroit, ailleurs, où les coûts de main-d'oeuvre sont plus bas.

    Dans l'industrie canadienne du vêtement, les salaires se situent dans la fourchette pratiquée par la plupart des pays industrialisés membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Ces salaires sont, toutefois, bien plus élevés que ceux payés dans les pays en voie de développement. Il y a, dans le monde, 160 pays qui produisent et exportent des articles de mode. La pression à la baisse sur les coûts de main-d'oeuvre est intense. C'est une course au moins offrant que nous ne pouvons gagner.

»  +-(1725)  

    C'est en Afrique du Sud et au Lesotho qu'est implantée une industrie en expansion de l'exportation et de la fabrication de vêtements où les droits des travailleurs sont constamment enfreints. L'industrie du textile est à l'heure actuelle l'employeur le plus important du Lesotho avec plus de 40 000 travailleurs. Cependant, le Lesotho Clothing and Allied Workers Union signale que les usines de textiles ne respectent pas le droit du travail du Lesotho et la croissance du secteur de la fabrication du vêtement travaillant pour l'exportation a accentué l'exploitation des travailleurs.

    Cette croissance du secteur de l'exportation doit être considérée dans le contexte des conditions de travail épouvantables de l'industrie du textile, qui se caractérisent par de maigres salaires et des heures de travail excessivement longues. Ce sont les propos qu'a tenus dans le cadre des nouvelles de la BBC, Daniel Maraisane, un délégué syndical de Reflex Knitwear, une des usines travaillant pour l'exportation.

    Un rapport publié récemment par l'Ethical Trading Action Group fait ressortir un grave abus des droits des travailleurs dans trois usines d'approvisionnement de la Compagnie de la Baie d'Hudson au Lesotho. En octobre dernier, l'ETAG a entrepris des démarches auprès de l'entreprise pour discuter de ces cas documentés d'abus des travailleurs dans leurs installations sous contrat. Au cours de la réunion, des cadres de la CBH ont dit qu'ils embaucheraient un vérificateur indépendant pour visiter les usines et qu'ils nous feraient parvenir un rapport nous indiquant les mesures qu'ils prendraient pour respecter leur propre code d'éthique. Ils nous ont plutôt envoyé, quelques mois plus tard, une copie d'une lettre adressée à un autre organisme, lettre qui ne parlait pas des mesures qui étaient prises pour apaiser nos craintes et ont laissé entendre que la Compagnie de la Baie d'Hudson avait l'intention d'agir de façon irresponsable, d'abandonner les usines plutôt que d'exercer des pressions auprès des propriétaires pour qu'ils améliorent les conditions de travail.

    Les travailleurs qui se sont courageusement prononcés contre l'abus dans les ateliers clandestins risquent d'être traités de façon injuste. Je crois comprendre que le Conseil canadien du commerce de détail présentera sous peu un exposé. Il ne serait peut-être pas mauvais que le comité leur pose des questions à ce sujet.

    En ce qui concerne la prolifération des abus dans les ateliers clandestins dans l'industrie du vêtement à l'échelle mondiale de même qu'au Canada, un mouvement contre les ateliers de misère a vu le jour et a pris énormément d'expansion au cours des deux dernières années. Ce nouveau mouvement regroupe des étudiants, des professeurs, des membres d'Églises, des organisations non gouvernementales, des syndicats et des consommateurs. Les consommateurs demandent de plus en plus où ils peuvent acheter des vêtements fabriqués dans des conditions de travail humaines. La grande majorité des Canadiens préféreraient acheter des vêtements qu'ils savent avoir été fabriqués dans de bonnes conditions par des gens qui gagnent un salaire minimum vital.

    Dans un sondage Vector qui vient tout juste de paraître, 36 p. 100 des répondants ont dit avoir refusé, au cours de la dernière année ou des deux dernières, d'acheter des produits qui leur semblaient avoir été fabriqués dans des ateliers clandestins. Parmi les répondants dont l'âge se situait entre 18 et 24 ans, le marché for convoité des jeunes, ce chiffre grimpait à 40 p. 100. Presque six Canadiens sur dix ont dit qu'il était très probable—39 p. 100—ou probable—20 p. 100—qu'ils boycotteraient les magasins qui vendent des vêtements fabriqués dans des ateliers de misère. Ce sondage a aussi fait ressortir que les deux tiers des Canadiens paieraient 25 $ pour un vêtement s'ils étaient convaincus qu'il n'a pas été fabriqué par des enfants ou dans des ateliers de misère plutôt qu'un vêtement de 20 $ dont on ne peut leur garantir la provenance.

    Il est clair que si on leur en donne le choix, la plupart des Canadiens préféreraient acheter des vêtements fabriqués dans des conditions conformes à l'éthique.

    Les gens qui s'inquiètent des abus dont sont victimes les travailleurs dans les ateliers de misère sont tous aux prises avec le même problème persistant, à savoir l'incapacité de confirmer où les vêtements ont été fabriqués. L'industrie du commerce de détail et son réseau d'entrepreneurs ne ménage pas les efforts pour priver les consommateurs de cette information précisément parce qu'ils ne veulent pas être tenus responsables des conditions dans lesquelles leurs produits sont fabriqués.

    Plus tôt cette année, l'Ehtical Trading Action Group a fait parvenir une lettre au ministre de l'Industrie pour lui proposer des changements mineurs à la réglementation fédérale relative à l'étiquetage des textiles, exigeant des entreprises qu'elles divulguent l'emplacement des usines dans une base de données accessible au public. Nous sommes revenus à la charge à plusieurs reprises mais jusqu'à maintenant nos il refuse de nous recevoir.

»  +-(1730)  

    Notre proposition est simple mais pourrait avoir une grande portée. Pour être autorisées à vendre des vêtements au Canada, les entreprises seraient tenues de publier les noms et les adresses de tous les sites de production utilisés pour la fabrication de leurs vêtements. Cette information n'aurait pas à figurer sur l'étiquette elle-même. On pourrait y avoir en consultant la base de données renfermant les numéros d'identification CA publiés en ligne par Industrie Canada. Les consommateurs pourraient ainsi associer des marques particulières et des articles de vêtement aux usines de fabrication. Nous pourrions ainsi être vraiment solidaires des travailleurs qui essaient de s'organiser et d'améliorer leurs conditions.

    Dans son rapport final, la Commission sur la démocratie canadienne et la responsabilisation des entreprises a souscrit à cette proposition. Des employés du ministère que nous avons rencontrés nous ont dit qu'il est techniquement possible de mettre en oeuvre la proposition. Exiger la divulgation des fournisseurs de vêtement est une étape concrète vers la solution due problème des abuseurs des ateliers de misère et s'avère aussi une initiative populaire. Le sondage Vector dont j'ai parlé plus tôt a fait ressortir que 84 p. 100 des Canadiens sont en faveur de la divulgation de l'emplacement des usines où sont fabriqués les produits de l'habillement vendus au Canada.

    Au cours de sa tournée en Afrique, le premier ministre Chrétien a plaidé pour la démocratie et les droits de la personne et a exhorté les dirigeants africains à permettre à leur peuple de s'exprimer. Mais aujourd'hui la voix des travailleurs africains ne se fait pas entendre dans les discussions bilatérales ou multilatérales en matière d'investissement, de commerce et d'aide au développement et les droits des travailleurs, un élément essentiel des droits de la personne, ne sont toujours pas intégrés à de ces discussions.

    Nous estimons que la réussite de l'intégration économique repose sur des normes minimales en matière de travail et d'environnement. Les travailleurs des pays en développement ont besoin d'outils pour négocier leur juste part des avantages du libre-échange. Nous devrions nous fixer comme objectif d'améliorer nos normes du travail, non pas d'inciter à une course inexorable vers le point le plus bas.

    Notre expérience des accords additionnels de l'ALENA sur le travail nous a convaincus que les droits dans le domaine du travail n'auront un effet que dans la mesure où ils sont un élément central de l'accord. Aucune des deux douzaines de plaintes déposées dans le cadre des accords additionnels de l'ALENA depuis 1994 n'a mené à un redressement positif pour les travailleurs. Nous recommandons d'inclure dans nos futurs accords commerciaux des dispositions qui exigeraient des parties qu'elles appliquent non seulement leurs propres lois mais aussi les normes fondamentales du travail de l'Organisation internationale du travail. Comme la plupart des pays avec lesquels nous faisons du commerce se sont déjà engagés à respecter ces normes, cela ne peut être considéré comme une imposition de l'étranger.

    Nous recommanderions en outre que toutes les normes fondamentales du travail soient assujetties au même mécanisme de règlement des différends et recours comme les autres violations possibles de l'accord. Si nous pouvons protéger les droits de propriété intellectuelle au moyen d'accords commerciaux internationaux, il n'y a aucune raison pour que nous ne puissions faire la même chose en ce qui concerne les droits du travail.

    Je vous remercie.

»  +-(1735)  

+-

    Le président: Merci monsieur Alleruzzo.

    Monsieur Duncan, avez-vous des questions?

+-

    M. John Duncan: Oui, ma question s'adresse à M. Alleruzzo et elle porte sur les ateliers de misère dont il a parlé dans son exposé.

    À d'autres comités et à d'autres moments pendant ma carrière, comme j'ai examiné beaucoup de normes environnementales je vois certains points communs. Vous parlez des consommateurs très motivés qui veulent acheter des produits qui viennent d'usines qui respectent les normes du travail et ainsi de suite et vous dites qu'ils voudraient une façon simple de le déterminer. Mon attention est très attirée par cette partie de votre exposé parce que ce qui a eu tendance à se passer dans certains domaines c'est que les choses ont mené à un processus d'accréditation. On en vient à ce que ce soit ni le gouvernement ou les gouvernements qui surveillent de près et réglementent le processus mais une tierce partie, un vérificateur indépendant et défenseur des droits des consommateurs. Je crois qu'à bien des égards cela est susceptible de mieux fonctionner que les gouvernements.

    Je me demandais jusqu'à quel point votre organisme a réfléchi à cette possibilité. Si ce n'est votre organisme, avez-vous quelque signal de la part du Congrès international du travail qui se dirige peut-être aussi dans la même direction? Le Congrès dispose certainement d'un effectif important et de beaucoup de ressources que vous n'avez probablement pas.

+-

    M. John Alleruzzo: En fait, il y a un an et demi ou deux ans, le Groupe d'action pour le commerce équitable ou ETAG, dont nous sommes membres, s'est joint au gouvernement pour tenter d'établir des codes de conduite applicables à tous les pays exportateurs ainsi qu'au Canada.

    Divers syndicats, bien sûr, ainsi que de nombreux organismes, dont les églises, ont participé à la rencontre organisée par le gouvernement à ce sujet. Les fabricants et les détaillants y étaient aussi. Nous avons tenu un certain nombre de réunions, mais nous ne sommes jamais arrivés à une entente, vraiment, essentiellement parce que les détaillants étaient totalement contre et préféraient avoir leurs propres codes de conduite.

    Aujourd'hui, ces codes de conduite existent bel et bien. Posez la question aux employés de la Baie, ils vous diront qu'ils ont un code de conduite. Ces codes doivent toutefois faire l'objet de surveillance et de vérifications. Il est très important que les vérifications soient menées par une tierce partie, sinon les codes de conduite ne sont d'aucune utilité.

    Voilà pourquoi nous vous proposons maintenant d'adopter des règles de divulgation, qui me semblent très simples. Les numéros d'identification CA figurent déjà sur les étiquettes afin que ceux qui le veulent puissent savoir d'où vient une marchandise donnée.

    Nous croyons que quel que soit le code de conduite en vigueur, c'est aux consommateurs que revient la décision finale. Selon nous, les consommateurs ont déjà montré qu'ils sont responsables et qu'ils veulent acheter des marchandises produites dans des ateliers où les travailleurs sont traités décemment, où ils ont des conditions de travail décentes et gagnent au moins en salaire vital. Voilà pourquoi nous insistons pour que soient adoptées des règles de divulgation.

»  +-(1740)  

+-

    M. John Duncan: Ces règles ne seront pas vraiment efficaces si aucune autorité indépendante n'est là pour porter ce jugement, parce que le consommateur moyen n'a aucune façon de vérifier si le lieu de production est adéquat ou non, n'est-ce pas?

+-

    M. John Alleruzzo: Ce genre de vérification existe déjà. L'ETAG vérifie beaucoup d'usines étrangères, et nous comptons bien continuer dans cette voie. De plus, il est très facile, lorsque que nous savons que les conditions de travail d'une usine sont douteuses, d'y envoyer un vérificateur. Comme je l'ai dit, nous le faisons déjà; nous avons déjà des vérificateurs en Amérique centrale et dans divers pays.

+-

    M. John Duncan: Que fait l'ETAG s'il juge qu'une usine ne respecte pas les conditions humanitaires voulues? Qu'est-il arrivé dans le cas de La Baie? Comme vous l'avez dit, ce sont en fait les travailleurs...

+-

    M. John Alleruzzo: Je pense que c'est très simple. Si les ouvriers travaillent 75 heures par semaine et qu'ils ne sont payés que pour 50, ou si des femmes enceintes sont obligées de rester debout...

    M. John Duncan: Oui, je comprends.

    M. John Alleruzzo: ...et s'ils ne reçoivent même pas le salaire minimum, c'est très simple, l'atelier est déclaré clandestin.

+-

    M. John Duncan: Mais à ce que vous dites, cela semble pénaliser deux fois plus ces ouvriers, ce qui me semble plutôt problématique. En tout cas, je vais m'arrêter là. Je vous remercie beaucoup de l'attention manifeste que vous portez à la question. Je vais laisser la parole aux autres personnes qui ont des questions.

[Français]

+-

    Le président: Thank you very much.

    Monsieur Paquette, voulez-vous poser des questions?

+-

    M. Pierre Paquette: D'abord, je vous remercie de vos présentations.

    Si je comprends bien la position de la Fédération canadienne du vêtement, ce qu'elle cherche en gros, c'est que l'on s'en tienne aux ententes qui ont été signées dans le cadre de la dernière ronde de l'OMC concernant le vêtement et le textile.

    Vous parliez d'aide gouvernementale.Vu que ces accords ont déjà été signés, il me semble que l'avenir du vêtement au Canada et au Québec passe beaucoup par le créneau que l'industrie va choisir. Est-ce que vous avez accès à des programmes qui vous permettent d'occuper un créneau plus haut de gamme que les vêtements qui proviennent de pays en voie de développement? Est-ce qu'il y a des programmes qui existent actuellement? Est-ce que ce serait une avenue à explorer pour le moyen terme? Tôt ou tard, les tarifs et les quotas vont disparaître, et la seule manière, à mon sens, d'assurer la survie de l'industrie, c'est de s'assurer que ce soit la qualité qui attire les consommateurs et qui nous permette d'exporter.

»  +-(1745)  

[Traduction]

+-

    M. Jack Kivenko: Jetez un coup d'oeil dans la salle, monsieur. Si les personnes assises ici ne consomment pas de haut de gamme—je ne vois personne ici en porter—à qui en vendrons-nous assez pour tenir la route?

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: C'est un veston canadien, ça.

[Traduction]

+-

    M. Jack Kivenko: Ça aussi.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Je l'ai payé presque 1 000 $. J'appelle ça haut de gamme, moi. C'est mon seul d'ailleurs!

[Traduction]

+-

    M. Jack Kivenko: Je ne peux m'en permettre un pareil.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Vous ne donnez pas l'exemple, messieurs.

[Traduction]

+-

    M. Jack Kivenko: Vous avez raison. Mais le fait est que pour demeurer en affaires, nous devons pouvoir vendre nos produits à tout le monde. C'est notre travail. Tellement peu de gens achètent du haut de gamme que je ne connais personne qui en porte.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: J'ai parlé de vêtements plus haut de gamme que ce qui nous vient du Bangladesh ou d'ailleurs.

[Traduction]

+-

    M. Jack Kivenko: Bien sûr, c'est ce que nous faisons, mais nos prix sont loin d'être les plus bas.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Je comprends très bien votre position et je suis prêt à la défendre, mais je trouve qu'elle est défensive parce qu'à terme les tarifs et les quotas vont disparaître, que cela prenne 5, 10 ou 15 ans.

[Traduction]

+-

    M. Jack Kivenko: Absolument.

[Français]

+-

    M. Elliot Lifson: Certainement, mais il y a une chose. Les vêtements que nous exportons aux États-Unis ne viennent pas du Bangladesh, mais l'importation de vêtements du Bangladesh a un impact sur notre industrie ici, au Canada. Dans la réponse de M. Morrisey à la question de M. Harb au sujet de l'effet des importations et exportations, on a seulement parlé des exportations. Oui, c'est vrai, mais les importations ont augmenté deux fois plus que les exportations. Ça veut dire que cette année, nous sommes dans la même situation qu'en 1980, mais la différence est entre les exportations et les importations. Oui, certainement, les exportations ont augmenté, mais les importations au Canada ont augmenté deux fois plus. Ça, c'est le risque ici. L'industrie canadienne a connu une baisse de 25 à 35 p. 100.

+-

    M. Pierre Paquette: Monsieur le président, j'ai une question aussi pour le Syndicat du vêtement, du textile et autres industries.

    D'abord je peux vous dire que pour ma part et aussi en ce qui concerne le Bloc québécois, on endosse complètement l'idée d'avoir des clauses à caractère social et de faire référence aux grandes conventions de l'Organisation internationale du Travail. Je sais que cette idée n'est pas partagée par tout le monde ici, mais à mon avis, c'est aussi une voie d'avenir pour s'assurer que l'augmentation des échanges internationaux favorise finalement l'amélioration des conditions de vie et de travail de l'ensemble des populations, plutôt que d'être, comme vous le disiez, une concurrence vers le bas. Vous avez tout à fait raison quand vous dites à la fin qu'on a réussi à trouver une façon de protéger la propriété intellectuelle. Il me semble que ça ne serait pas tellement plus difficile, avec un peu d'imagination et de volonté politique, de protéger les conditions de travail des gens.

    Cela dit, je voudrais quand même vous poser quelques questions.

    J'ai rencontré des gens de l'industrie du textile à Montréal--j'y faisais référence tout à l'heure--et, d'après ce qu'ils me disent, il y a une très bonne industrie du textile à Montréal, mais le problème est que les vêtements coûtent trop cher. Donc, ils suggèrent de suivre l'exemple américain, c'est-à-dire produire des textiles au Canada ou au Québec, faire fabriquer des vêtements dans les Caraïbes et les ramener ensuite au Canada ou aux États-Unis. Selon eux, si on n'arrive pas à fabriquer des vêtements moins chers, on va perdre les marchés canadien et américain. Ça, c'est leur point de vue.

    De l'autre côté, les représentants de l'industrie du vêtement nous ont dit tout à l'heure qu'il fallait absolument qu'ils aient accès à des textiles sans tarif s'ils veulent faire face à la concurrence.  Il me semble que, des deux côtés, il y a une volonté de s'en sortir qui est tout à fait légitime mais qui joue l'un contre l'autre.

    Vous qui représentez à la fois des travailleurs du textile et du vêtement, comment réagissez-vous à ce genre de comportement? C'est finalement, me semble-t-il, une guerre à l'intérieur d'une industrie qui devrait peut-être davantage se tenir les coudes.

+-

    M. John Alleruzzo: Naturellement, il y a toujours une grande différence entre l'industrie du textile et l'industrie du vêtement. Cela a toujours été évident. Je pense que l'industrie du textile, depuis un an, fonctionne bien. Elle a investi des milliards de dollars et elle s'est renouvelée. Elle est capable de faire concurrence à n'importe qui dans le monde. Dernièrement, l'industrie du textile a été, elle aussi, particulièrement touchée en raison de l'entente qu'il y a eu entre les États-Unis et les Caraïbes. Vous savez que la filature et le tricotage se font maintenant aux États-Unis.

    Ceci touche aussi l'industrie du textile au Canada. Comme on vient de le dire, les exportations ont augmenté, mais 90 p. 100 des exportations s'en vont aux États-Unis. Cet accord avec les Caraïbes va diminuer l'exportation.

    L'autre plainte de l'industrie du textile concernant les vêtements, particulièrement les vêtements pour hommes, c'est que le tissu est toujours acheté à l'extérieur du pays. Ça fait déjà presque 35 ans que je suis membre du syndicat. Ça fait depuis le début des années 1960, je dirais, qu'on lutte, comme syndicat, contre les importations. Le Japon a commencé en 1959. Après, cela a été différents pays. C'est simplement parce que c'est devenu trop cher au Japon. Finalement, au niveau du syndicat, on s'est dit que c'était la mondialisation. On n'est pas contents, mais on l'accepte. Que peut-on faire? C'est ça qui va se produire.

    Chaque fois qu'il y a des négociations de libre-échange ou n'importe quoi, le travailleur est toujours laissé en dehors de cela. Par exemple, le libre-échange entre le Canada et les États-Unis a eu un impact. Il y a eu beaucoup de fermetures et autres choses. Ceci a aussi eu un impact sur les négociations entre syndicats et employeurs. Dès que l'on parle de libre-échange, on prend naturellement la part des employeurs en disant qu'il faut être capable de concurrencer les États-Unis. On a alors négocié des conventions collectives qui n'ont pas donné les augmentations qui auraient dû être données.

    La même chose se produit toujours avec les importations des autres pays. Encore une fois, si on regarde les salaires dans des pays comme le Bangladesh ou El Salvador ou la Chine, entre autres, on constate que c'est impossible pour une industrie d'ici de faire concurrence à de tels pays.

    La seule chose qui se produit maintenant ici, au Canada, c'est que l'industrie du vêtement, et particulièrement l'industrie du vêtement pour hommes, a réussi à pénétrer le marché américain grâce à la belle qualité et au style des vêtements, à la livraison et, naturellement, à la faiblesse du dollar canadien.

    Comme syndicat, on pense que l'industrie du vêtement et l'industrie du textile existeront toujours ici, au Canada, particulièrement au Québec et en Ontario où elles sont prépondérantes. Toutefois, pour ce qui est de l'industrie du vêtement, le taux horaire moyen des travailleurs est d'environ 10 $ l'heure alors que le taux moyen dans l'industrie manufacturière est de 16 $ l'heure. Il y a une différence de 6 $ et, de plus, c'est une différence en moins. Il en sera toujours ainsi. Ce sera peut-être pire encore en raison des importations du Tiers-Monde. On espère que les conditions de travail, les salaires, les avantages sociaux vont rester les mêmes. Je pense qu'ils vont toujours rester au niveau où ils sont maintenant.

    Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

»  +-(1750)  

+-

    M. Pierre Paquette: Je voulais avoir vos commentaires. Cela va nous être utile.

    Merci beaucoup.

[Traduction]

+-

    M. Jack Kivenko: Je pense qu'il est important de comprendre que l'industrie canadienne du textile—ce n'est plus une très grande industrie maintenant—, ne peut actuellement fournir à l'industrie du vêtement le genre de textiles dont elle a besoin, et qu'une part énorme des textiles produits au Canada ne sont pas destinés aux vêtements. Ce sont des textiles; les tapis sont faits de textile, tout comme les papiers peints et les rideaux. Ce sont tous des exemples de textiles qu'on produit efficacement au Canada.

    Si on les soustrait de la production textile du Canada, vous verrez que ce n'est plus qu'une toute petite industrie, dont le potentiel est très limité en ce qui concerne la fabrication de tissus dont nous avons besoin.

    Notre industrie serait très heureuse de pouvoir acheter à ses voisins. Nous le faisons, quand c'est possible, mais dans le cas contraire, nous ne devrions pas avoir les mains liées et devoir payer des droits élevés pour des textiles qui ne sont plus produits au Canada, ni ne peuvent l'être.

    L'une des beautés de l'industrie des complets, la haute couture pour hommes, c'est qu'elle se procure ses tissus aux quatre coins du globe. En gros, nous ne fabriquons pas, au Canada, le genre de tissus nécessaire à leur confection. L'un des avantages de notre industrie lorsqu'elle exporte vers les États-Unis, c'est qu'elle achète des tissus de partout et les assemble au Canada, ce qui fait qu'elle offre des modèles différents de ceux confectionnés aux États-Unis à partir de tissus américains.

»  +-(1755)  

+-

    Le président: Monsieur O'Brien.

+-

    M. Pat O'Brien: Merci, monsieur le président.

    Premièrement, j'aimerais réagir à la critique intéressante de M. Kivenko, qui dit que le gouvernement s'apprête à aider des gens qui ne l'ont pas élu. On entend plutôt la critique inverse habituellement. C'est un commentaire intéressant, mais je ne l'accepte pas. C'est notre travail d'agir ainsi. Au Canada, le gouvernement est rarement élu avec plus de 50 p. 100 des voix: il doit donc aider des gens qui ne l'ont pas élu. D'après moi, cela vaut aussi à l'échelle internationale. De toute façon, je devais répondre à ce commentaire.

    Je voudrais poser une question à M. Lifson. Vous nous avez présenté un témoignage très important et très intéressant. Le gouvernement mène des consultations. Vous avez entendu les fonctionnaires avant vous. Je suis heureux de voir que certains d'entre eux prennent note de vos commentaires. Il nous faudra nous pencher davantage sur vos préoccupations.

    À cet égard, M. Lifson, vous dites qu'aucune évaluation adéquate des incidences de ces mesures sur votre industrie n'a été réalisée, ou quelque chose du genre. Pouvez-vous nous dire précisément ce en quoi consisterait une évaluation adéquate selon vous? Pouvez-vous nous montrer votre évaluation? En avez-vous déjà fait une?

+-

    M. Elliot Lifson: J'aimerais bien avoir une boule de cristal, mais je ne peux me fonder que sur notre expérience du passé, que M. Kivenko a d'ailleurs bien relatée.

    Il y a une autre chose que je voudrais vous dire en ce qui concerne les consultations. Je vois bien que les députés sont assis ici et qu'ils m'écoutent, mais en toute sincérité, je vous dis qu'il y a un problème. De toute évidence, personne ne comprend vraiment les incidences réelles de ce qui pourrait arriver, et je ne parle pas seulement des éléments pragmatiques et directs, mais aussi de réexpédition.

    Pour être bien clair quant à ce que nous voulons dire par là, il est très facile de retirer l'étiquette d'un vêtement, de la changer et d'envoyer le tout vers d'autres pays. C'est déjà arrivé et cela arrive tous les jours. Il est inutile de dire qu'une pareille brèche ne peut que s'agrandir, et que nous n'avons vraiment pas assez de personnel pour surveiller et réglementer ce phénomène.

    Toutefois, je peux vous dire une chose: il faut entamer une réflexion sur les problèmes de l'industrie et les incidences qu'auront ces nouvelles mesures sur elle, et il faut que le ministre y participe—nous allons rencontrer le ministre lui-même—, parce qu'il s'agit d'une industrie très importante. Comme quelqu'un l'a déjà dit—lorsque les représentants des Finances ont témoigné, je crois—ces mesures auront un impact énorme particulièrement au Québec.

    M. Pat O'Brien: Nous comprenons bien cela.

    M. Elliott Lifson: C'est d'une importance cruciale.

+-

    M. Pat O'Brien: Peut-être n'ai-je pas été clair en posant mes questions. Vous dites ne pas avoir de boule de cristal. Eh bien, malheureusement, nous non plus.

    Vous avez été légèrement la critique, je crois, lorsque vous avez dit que les incidences de ces mesures n'avaient pas été évaluées adéquatement. Ainsi, je vous demande de me décrire ce qui serait, pour vous, une évaluation adéquate.

¼  +-(1800)  

+-

    M. Elliot Lifson: Nous allons vous donner un exemple.

    Jack.

+-

    M. Jack Kivenko: M. Morrisey dit qu'il est difficile d'en prévoir les résultats. Pour ma part, je me demande bien pourquoi vous déploieriez ces mesures si vous ne savez pas quels en seront les résultats. Vous feriez mieux d'avoir une idée des résultats éventuels. Si lui-même, qui les préconise, n'en connaît pas les résultats, pourquoi procéderiez-vous de la sorte?

    Bien honnêtement, je doute qu'on obtienne les résultats voulus. On s'attend à ce que ces mesures améliorent le sort des PMA, mais je ne crois pas que c'est ce qui va arriver. Je pense qu'il y va effectivement y avoir un déplacement de la production à court terme vers les PMA tant qu'ils jouiront de certains avantages, mais ceux-ci ne seront que très éphémères, et peu de temps après, la production retournera vers la Chine, l'Inde et un ou deux autres pays, comme je l'ai déjà dit à trois reprises.

    Quel effet cela aura-t-il sur les sociétés canadiennes? Si vous étiez à ma place et que vous appreniez aujourd'hui que les droits et les contingents vont bientôt disparaîtront, dépenseriez-vous des centaines de milliers de dollars en nouvel équipement de production? Certainement pas. Dépenseriez-vous des centaines de milliers de dollars en formation afin d'améliorer la productivité des employés? Certainement pas. Investiriez-vous dans des nouvelles usines? Certainement pas.

    Il y a fort à parier que nous ne nous perfectionnerons pas si nous sentons que notre industrie sera bientôt inondée de quantités incroyables d'importations grâce à ce programme. Vous savez quoi? Nous avons de bonnes raisons de croire que c'est ce qui va arriver, parce que chaque fois que de telles mesures ont été prises, c'est exactement ce qui est arrivé.

    Cela a été le cas de l'industrie de la chemise. Dès que les contingents ont été éliminés, une surabondance de chemises a pénétré le marché canadien. Par conséquent, l'industrie nationale et les importations de chemises ont atteint un niveau terriblement bas. On pouvait alors acheter une chemise pour 8 $ au Canada.

    C'est donc ce qui va arriver une fois de plus, et c'est pourquoi je pense...

+-

    M. Pat O'Brien: Non, je comprends bien cela. Bien que vous n'entrevoyiez pas les mêmes résultats que les fonctionnaires, vous me servez le même discours et dites que nous n'avons aucun moyen réel d'en prévoir les effets positifs. Je suppose que dans une certaine mesure, c'est comme de regarder dans une boule de cristal, j'en suis conscient.

    Monsieur le président, j'aimerais revenir à l'OIT. Mon collègue, M. Paquette, moi-même et d'autres avons ressassé la question. J'ai déjà exprimé mon désaccord avec d'autres représentants du travail, et je vais le faire de nouveau. J'ai beaucoup de bons amis dans le domaine, qui m'ont aidé à me faire élire, et j'espère que cela se poursuivra ainsi.

    Le fait est que lorsque M. Somavia, président de l'OIT, a comparu devant notre comité, je lui ai demandé s'il pensait que l'inclusion des normes du travail fondamentales dans les ententes commerciales était la meilleure façon de faire, il m'a répondu que non. Il n'a pas tari d'éloges—je peux vous le citer exactement, si vous le voulez—à propos du Canada qui, par des ententes parallèles, montre son souci des normes du travail et des droits des travailleurs. C'est ce qu'a dit le président de l'OIT, M. Somavia, lorsqu'il a témoigné devant notre comité.

    Lors de leur conférence sur le développement, à laquelle j'ai participé il y a environ un an, les ministres de l'UE ont indiqué très clairement que les ententes commerciales ne devraient pas englober des normes du travail ou des normes environnementales, et qu'il était beaucoup plus efficace de prévoir ces normes dans des ententes parallèles.

    Je ne suis donc pas le seul à avoir ce point de vue. Bien sûr, je le partage pour l'avoir entendu si souvent de la bouche de spécialistes du travail dans différents pays. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

¼  +-(1805)  

+-

    M. John Alleruzzo: Je n'en ai pas entendu parler, donc...

+-

    M. Pat O'Brien: Je suis heureux de vous l'apprendre.

+-

    M. John Alleruzzo: Je veux bien croire ce que vous dites, mais l'OIT dit...qu'il y a des droits fondamentaux. Il est vrai que certains pays n'ont toujours pas ratifié la convention; quoi qu'il en soit, ces droits fondamentaux que l'OIT a reconnus devraient s'appliquer même dans les pays n'ayant pas ratifié la convention. S'ils sont membres de l'OIT, ces droits devraient s'appliquer à eux.

+-

    M. Pat O'Brien: Je m'excuse de vous interrompre, mais ce n'est pas ce que je dis, monsieur. Vous recommandez de les inclure dans les ententes commerciales; le président de l'OIT dit le contraire.

    Comment réagissez-vous à cette opinion?

+-

    M. John Alleruzzo: Si c'est ce qu'il a dit, je suis en désaccord avec lui. Cela ne fait aucun doute, parce que nous pensons que le travail et que le CTC... Je suis membre du CTC. Nous pensons qu'il faut les inclure. Encore une fois, les travailleurs n'avaient vraiment aucun... Chaque fois qu'on parle de libre-échange, on ne fait attention qu'à son impact sur le pays, les détaillants, etc.

+-

    M. Pat O'Brien: En toute honnêteté, la raison pour laquelle lui et d'autres personnes que j'ai interrogées sont contre, c'est que cela rend complètement impossible la conclusion de toute entente commerciale. Ce n'est même pas la façon la plus efficace... Ce n'est pas que M. Somavia, président de l'OIT, ne se soucie pas des droits des travailleurs, évidemment. Il n'en demeure pas moins que dans son témoignage devant notre comité, il a dit que ce peut être très efficace de les prévoir dans des ententes parallèles, et il a félicité le Canada de procéder de la sorte. J'ai son témoignage ici, que je serais heureux de vous lire. Je pense qu'il est important que vous compreniez bien le contexte.

    Pardon, Pierre?

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Il faudrait relire son témoignage. Ce n'est pas tout à fait ce qu'il a dit.

[Traduction]

+-

    M. Pat O'Brien: Je n'entends pas l'interprétation.

    M. Pierre Paquette: [Note de la rédaction: Inaudible]

    M. Pat O'Brien: Mais non, monsieur, je suis heureux de vous donner...

+-

    Le président: D'accord. M. Kirke a quelques mots à dire, très judicieux.

+-

    M. Bob Kirke (directeur exécutif, Fédération canadienne du vêtement): Je voudrais seulement répondre au commentaire que vous avez fait un peu plus tôt. Selon l'étude Shannon, à laquelle le National  Post semble avoir eu accès, 25 p. 100 de l'industrie serait directement touchée par ces mesures, et cela vaut pour des articles comme les pantalons, les tricots et les sous-vêtements. Je pense que c'est un bon point de départ. Nous recueillons aussi des renseignements auprès de nos membres pour savoir comment ils voient les choses. Je pense que c'est raisonnable.

    Il y a eu de vives discussions lorsque les représentants des Affaires étrangères ont parlé de...vous savez, il est vrai qu'elles n'auront pas le même impact dans tous les secteurs de l'industrie. L'industrie des complets a ses stratégies. Les autres secteurs ont les leurs.

    Je continue toutefois de penser qu'elles auront des incidences importantes. Nous allons les porter à l'attention du gouvernement, mais nous n'en sommes pas pleinement conscients pour le moment.

    Ce que j'aimerais dire pour compléter ce qui a été dit et revenir peut-être un peu au point soulevé par votre collègue, c'est que...

+-

    M. Pat O'Brien: Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le président, c'est mon tour de poser des questions. Mon collègue pourra prendre son tour après, mais si vous pouviez vous concentrer sur ma question...

+-

    M. Bob Kirke: Oui. Je voulais simplement souligner que nous parlons de l'industrie du textile en général, alors que M. Kivenko semblait dire qu'il y a deux types d'industries ici. Pour revenir aux dernières questions, c'est l'industrie du vêtement qui subira d'énormes conséquences si le gouvernement fait toutes les concessions qu'il annonce.

+-

    M. Pat O'Brien: C'est excellent.

    Ce que je vous demande de faire...et j'accepte cette opinion. Je l'accepte comme une opinion, mais j'aimerais savoir--parce que c'est très important—si vous pouvez nous aider à montrer que c'est un fait, en réalité. M. Lifson affirme ne pas avoir de boule de cristal, mais moi non plus. Je suis un profane, et non un homme d'affaires. De plus, je ne travaille pas dans cette industrie. Il n'en demeure pas moins que je devrai, à un moment ou un autre, prendre une décision politique que j'aimerais la plus éclairée possible. C'est le but de ces séances.

    Je vais conclure là-dessus, monsieur le président. Un autre devoir m'appelle, mais j'aimerais remercier les témoins. J'ai hâte d'avoir davantage de données quantitatives sur ces points.

+-

    Le président: Juste avant que nous perdions le quorum...

    Monsieur Lifson, vous pouvez commenter, je poserai ensuite une dernière question, après quoi nous pourrons suspendre nos travaux.

+-

    M. Elliot Lifson: J'aimerais répondre à M. O'Brien. Je comprends bien que vous siégez...et que vous parlez de «décision politique», parce que c'en est une.

    Une voix: Bien sûr!

    M. Elliot Lifson: Vous devez tout prendre en considération. Il faut le comprendre.

    Notre fabrique compte 3 000 employés, et ce ne sont pas des employés spécialisés, comme je l'ai déjà dit, mais de simples ouvriers. Nous parlons de deux choses ici. Nous voulons nous montrer magnanimes, mais gardons en tête que notre fabrique emploie le même type de personnes—si nous parlons toujours de personnes—que celles que nous voulons aider. Nous les sortons de la rue, nous les formons à devenir des citoyens viables capables de gagner leur vie et d'avancer au fur et à mesure qu'ils gravissent les échelons. Ce sont ces personnes qui se retrouveraient sans emploi si nous fermions notre fabrique, puisque ce sont des ouvriers non spécialisés.

    Si nous voulons faire quelque chose pour les habitants de notre pays, n'hésitons pas—il faut garder cela en tête sur le plan politique. Si nous voulons faire quelque chose de tout aussi magnanime pour un autre pays, montrons-lui comment survivre après 2005. Ce ne serait vraiment pas la peine de bouleverser toute notre industrie pendant deux ans et ne rien vraiment faire pour ces pays.

    J'espère avoir répondu à vos interrogations sur les compétences des employés, sur les personnes touchées, et sur les pays visés.

¼  +-(1810)  

+-

    M. Pat O'Brien: Je comprends bien ce que vous dites, mais j'aimerais que vous me donniez plus de faits prouvant que cette initiative—et vous n'avez pas à le faire tout de suite, mais j'aimerais que vous envoyiez votre réponse au comité—ne sera d'aucun avantage pour les PMA. Nous partageons tout à fait vos inquiétudes quant aux travailleurs canadiens, c'est pourquoi j'ai interrogé les fonctionnaires qui ont comparu aujourd'hui au sujet des programmes d'adaptation, si vous vous rappelez bien, parce que je pense que vous étiez ici. C'est une question qui nous préoccupe tous. Le gouvernement ne prendra pas de mesures visant à aider les PMA sans se pencher sur les problèmes qu'elles pourraient poser aux travailleurs canadiens. C'est pourquoi nous examinons aussi les programmes d'adaptation.

+-

    Le président: J'ai une petite question.

    D'abord, les contingents de 2002 sont déjà établis, rien ne se passera donc d'ici la fin de l'année. Ainsi, quoique ce comité décide, s'il veut recommander au gouvernement de procéder à l'élimination des tarifs douaniers et des contingents pour les pays les moins avancés, rien ne se fera avant 2003.

    Vos craintes et celles de M. Kivenko ne pourraient donc pas se concrétiser d'ici 24 mois. Nous parlons d'une éventuelle mobilisation massive, mais compte tenu de ce que nous savons des régimes en place dans les pays les moins avancés, nous pouvons dire qu'aucune grande société n'ira y ouvrir de filiale pour exporter ses produits au Canada.

    Vous avez aussi fait un commentaire sur le déficit et les statistiques commerciales, lorsque j'ai demandé à M. Morrisey de décrire la situation des exportations. M. Morrisey a clairement répondu que les exportations avaient augmenté, qu'elles avaient quintuplé, je crois, du moins depuis 1992, ce qui remonte à 10 ans. Avant, je ne sais pas. Cette période est essentiellement celle où ont été adoptés l'ALENA et tous ces autres accords. Selon Statistique Canada, les importations de tous les pays se chiffraient à 2,874 milliards de dollars en 1992 et les exportations, à 615 millions de dollars. En l'an 2000, les importations se chiffraient à 5,308 milliards de dollars et les exportations, à 3,042 milliards de dollars.  

    Nous avons fait quelques calculs et voici ce que nous avons trouvé. En 1992, la différence entre la valeur des importations et des exportations était de 2,259 milliards de dollars. En 2000, elle était de 2,269 milliards de dollars. Bref, la différence entre la valeur des importations et des exportations n'a pas vraiment changé au cours de ces dix années. Ce qui est arrivé, par contre, après la conclusion des accords commerciaux... À compter de 1995, le Canada avait une population active de 75 700 personnes, contre 93 152 en 2000. Les expéditions domestiques s'élevaient à 5,8 milliards de dollars en 1992, et avaient grimpé à 7,38 milliards de dollars en 2000.

    J'essaie simplement de vous montrer que l'industrie semble être bien consciente du fait qu'elle doit s'adapter, et honnêtement, c'est grâce à votre leadership.

    Au nom de tous mes collègues, j'aimerais vous remercier pour votre sincérité et pour la façon dont vous avez présenté votre cause. Ma question est très simple. Actuellement, les pays les moins avancés exportant des vêtements et des textiles au Canada et jouissant d'un contingent garanti profitent-ils au maximum de leur contingent? Exportent-ils vraiment le plus de marchandises possible au Canada ou pourraient-ils en exporter davantage?

¼  -(1815)  

+-

    M. Jack Kivenko: La plupart des pays n'exportent pas leur plein contingent.

+-

    Le président: Bref, selon vous, si nous éliminions les tarifs...

+-

    M. Bob Kirke: Cela ne veut pas dire qu'il n'y pas d'exportateurs très importants qui sont plutôt limités par leurs contingents et qui ont une capacité énorme de production, grâce à laquelle ils pourraient intensifier leurs exportations. C'est indiqué dans les notes d'information, je crois.

+-

    Le président: J'étais au Bangladesh... Désolé, poursuivez.

+-

    M. Bob Kirke: Je comprends votre commentaire dans l'esprit où vous l'avez formulé. Je pense que nous exportons beaucoup, que ce soit en raison de la faiblesse de notre dollar, comme M. Alleruzzo l'a souligné à plusieurs reprises... Nous investissons également dans le domaine de la technologie. La fabrique de M. Lifson est vraiment à la fine pointe de la technologie, tout comme celle de Jack, d'ailleurs.

    J'aimerais revenir à la signification du mot «adaptation». Je ne pense pas que nous soyons ici aujourd'hui pour vous dire: «Nous devrons bientôt fermer nos usines: s'il vous plaît, aidez-nous!» Nous voulons simplement dire au comité et au gouvernement dans son ensemble que vous pourriez prévoir des mesures commerciales afin de nous aider à demeurer concurrentiels, tout en accordant des concessions à ces pays.

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    Le président: Nos fonctionnaires sont ici, de même que le porte-parole officiel du gouvernement, M. O'Brien et je suis certain qu'ils ont pris note de cette observation.

    J'aimerais vous remercier au nom de tous mes collègues. Il est 18 h 20, et je sais que nous allons bientôt ne plus avoir le quorum, parce que mes collègues ont un autre engagement et qu'au moins trois membres du comité doivent être présents si nous voulons poursuivre. Si vous avez d'autres statistiques ou renseignements à communiquer au comité ou à un ministère, n'hésitez pas à le faire. J'espère que vous continuerez à nous faire part de vos vues et à participer au règlement de cette question cruciale qui se pose à cette industrie vitale.

    Sur ce, je déclare la séance levée. Merci.