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SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


Témoignages du comité

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 6 février 2002






¹ 1530
V         Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.))
V          M. Jack Mintz (président-directeur général, C.D. Howe Institute)
V         Le président
V         M. Jack Mintz

¹ 1535

¹ 1540

¹ 1545
V         Le président
V         M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne)
V         Jack Mintz
V         M. Rick Casson
V         M. Jack Mintz
V         M. Rick Casson
V         M. Jack Mintz

¹ 1550
V         M. Rick Casson
V         M. Jack Mintz
V         M. Rick Casson
V         M. Jack Mintz
V         M. Rick Casson
V         Le président
V         M. Rocheleau
V         M. Jack Mintz

¹ 1555
V         M. Rocheleau
V         M. Jack Mintz

º 1600
V         Le président
V         M. Bob Speller (Haldimand--Norfolk--Brant, Lib.)
V         M. Jack Mintz
V         M. Bob Speller

º 1605
V         M. Jack Mintz
V         M. Bob Speller
V         M. Jack Mintz
V         Le président
V         M. Mark Eyking (Sydney--Victoria, Lib.)

º 1610
V         M. Jack Mintz
V         M. Mark Eyking
V         M. Jack Mintz

º 1615
V         M. Mark Eyking
V         M. Jack Mintz
V         Le président
V         M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.)
V         M. Jack Mintz
V         M. Tony Valeri
V         M. Jack Mintz

º 1620
V         Le président
V         M. Rocheleau
V         M. Jack Mintz

º 1625
V         M. Yves Rocheleau
V         Le président
V         M. Peter Berg (attaché de recherche du comité)

º 1630
V         M. Jack Mintz
V         Le président
V         M. Jack Mintz

º 1635
V         Le président
V         M. Jack Mintz
V         Le président
V         M. Jack Mintz
V         Le président






CANADA

Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 019 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

Témoignages du comité

Le mercredi 6 février 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1530)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)): Bon après-midi tout le monde. La séance est ouverte.

    Nous avons la très grande chance d'accueillir aujourd'hui comme premier témoin M. Jack Mintz, le président-directeur général de l'Institut C.D. Howe. M. Mintz fera d'abord son exposé. Par la suite nous lui poserons des questions ou ferons des observations.

    Monsieur Mintz, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.

+-

     M. Jack Mintz (président-directeur général, C.D. Howe Institute): Merci beaucoup. C'est avec grand plaisir que j'ai accepté l'invitation du comité.

    Comme certains d'entre vous le savent peut-être, ma grande spécialité ce sont les finances publiques. J'ai touché à certains domaines du commerce et du développement au fil des ans, mais il ne s'agit pas de ma principale spécialité. J'espère qu'à tout le moins certaines des observations que je ferai seront utiles au comité.

    Si j'ai bien compris, vous voulez, dans un premier temps, parler de l'Organisation mondiale du commerce. Je vais mettre l'accent là-dessus.

+-

    Le président: Si vous voulez aborder les deux sujets en même temps, libre à vous.

+-

    M. Jack Mintz: D'accord. Comme certaines questions se recoupent, permettez-moi de le faire. Je ne vais pas traiter de toutes les questions posées dans votre document, mais je serais heureux de répondre à certaines d'entre elles. Comme vous vouliez vraiment un court exposé j'ai décidé de m'attacher à certains points très précis.

    Premièrement, j'estime que l'Organisation mondiale du commerce et son prédécesseur l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ont contribué fortement à la croissance mondiale. En fait, diverses évaluations économiques ont été faites sur l'impact des réductions des tarifs dans tous les pays et sur la mesure dans laquelle elles ont amélioré la croissance économique dans l'ensemble, le produit national brut dans les pays membres, étant donné les gains que les pays ont réalisés grâce aux échanges commerciaux. Je crois qu'il s'agit là de retombées économiques importants qu'il faut garder présentes à l'esprit à jamais, peu importe la mesure dans laquelle on discute de la nature des divers accords commerciaux et on entre dans tous les détails.

    Je devrais aussi dire que l'Organisation mondiale du commerce, et ce qui s'est passé dans le cadre de celle-ci, revêt une très grande importance pour les pays peu développés. Plus particulièrement, le commerce lui-même leur a permis de croître encore plus et cela vraiment en raison de trois impacts importants. Premièrement, les pays ont pu accéder aux marchés des pays développés alors qu'ils n'auraient pu le faire sans les divers accords, y compris l'Organisation mondiale du commerce. Ils ont aussi pu avoir accès aux capitaux étrangers, ce qui a grandement contribué à renforcer leur capacité, y compris leur productivité. En outre, ils ont pu avoir accès à la technologie, ce qui est aussi crucial. En réalité, de tous les avantages que les accords commerciaux ont apportés aux pays peu développés, c'est vraiment dans l'accès à la technologie des pays développés de l'Ouest que nous voyons la capacité de croître encore plus étant donné le meilleur outillage industriel dont ils ont disposé. Il y a en outre une meilleure gestion, c'est-à-dire être en mesure de garantir de la part des multinationales des investissements qui ont permis d'aider ces pays.

    Je dis ceci, en partie, parce que j'ai travaillé moi-même dans un certain nombre de pays peu développés dans le cadre de diverses missions sous l'égide de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international de même qu' à titre personnel, en Europe de l'Est et en Europe centrale, en Asie, en Amérique latine et dans des pays du Moyen-Orient. Je me suis rendu dans un très grand nombre de ces pays. Peu importe la façon que vous considérez la chose, lorsque vous examinez certains des changements qui se sont produits après que les pays eurent baissé leurs tarifs, eurent aboli les règlements qui entravaient le commerce, et plus particulièrement eurent ouvert l'accès à la technologie, ces pays ont vraiment traversé une période importante de croissance économique.

    Par exemple, au milieu des années 90, la Banque mondiale a effectué une étude d'envergure qui a porté sur les réformes en Europe de l'Est et en Europe centrale. Elle en est venue à la conclusion que les pays qui ont vraiment entrepris des réformes profondes, y compris l'ouverture de leurs marchés, ont connu, après une période de transition assez difficile, une croissance très rapide. Les pays qui n'ont fait qu'une partie du chemin, qui ont apporté certains changements et ne se sont pas vraiment ouverts complètement sur l'extérieur, en ont souffert et n'ont pas aussi bien réussi.

    Ainsi, à bien des égards, la politique commerciale et l'accès aux marchés est un programme d'aide très important que nous fournissons aux pays peu développés lorsque nous ouvrons des marchés pour eux. L'Organisation mondiale du commerce a joué, selon moi, un rôle très important en contribuant à la croissance économique dans le monde de même qu'en réduisant en partie l'inégalité entre les pays, dans la mesure où les pays ont pu ouvrir leurs frontières et avoir ainsi accès aux technologies.

¹  +-(1535)  

    Permettez-moi une toute petite observation sur le mécanisme de règlement des différends commerciaux qui, selon moi, est important. Ce que j'entends dire parfois au sujet des règles de l'Organisation mondiale du commerce c'est que nous avons laissé les normes devenir un peu trop élevées en adoptant des règles qui ont restreint le recours aux mécanismes de règlement des différends commerciaux. Les gens s'inquiètent parfois du fait que, dans un différend commercial, vous pourriez vous retrouvez du côté des perdants et, par conséquent, vous faire taper sur la tête, ce qui n'est pas particulièrement bon pour l'économie. Mais il y a certains cas très importants.

    Un des aspects fascinants de l'Organisation mondiale du commerce—c'est dans mon domaine et c'est la raison pour laquelle je vais y faire référence—ce sont les récents conflits concernant des questions fiscales. Une contestation du programme FISC aux États-Unis est l'exemple le plus récent. Il s'agit du rejeton du programme américain DISC, les Sociétés de vente à l'étranger. Le programme FISC est un programme similaire qui permettait aux sociétés américaines d'exporter des biens et services dont les recettes ne seraient pas imposables aux États-Unis, même si la production pouvait s'y faire. Ce programme a créé des distorsions importantes et soulevé de très grandes craintes de la part d'un certain nombre de pays, particulièrement le Canada, au sujet de pratiques commerciales déloyales de la part des États-Unis en ce qui concernait le programme FISC. En fait, des pressions ont été exercées sur le gouvernement canadien à certains moments pour qu'il mette en place un programme similaire au Canada ou à tout le moins pour qu'il offre des stimulants à l'exportation semblables à ceux du programme FISC. Le gouvernement canadien a répondu, une bonne réponse selon moi de la part du gouvernement, qu'il n'allait pas encourager les stimulants à l'exportation de ce genre qui faussent et empêchent largement les échanges. Il a plutôt décidé de contester le programme auprès de l'Organisation mondiale du commerce, ou à cette époque, en vertu de GATT.

    Finalement les États-Unis ont perdu en ce qui a trait au Programme FISC. Ils ont essayé d'apporter certains changements exigés par l'OMC qui les a rejetés sous prétexte qu'ils ne répondaient pas à l'intention qui consistait à supprimer les distorsions de concurrence. Récemment, les États-Unis ont accepté d'apporter les changements exigés dans le cadre des différends commerciaux visant l'élimination du programme FISC. Il s'agit là d'un déroulement très important. Cela constitue un très bon exemple de la façon dont le Canada peut grandement profiter de changements de ce genre.

    Il s'agit là d'un exemple précis mais je dois dire que les différends commerciaux peuvent aller d'un côté ou de l'autre. Il peut arriver que le Canada n'obtienne pas ce qu'il veut même s'il s'agit de quelque chose qui est dans son intérêt. Cependant, l'important selon moi c'est de supprimer les obstacles au commerce et d'accroître les échanges de manière à accroître les revenus de toutes les populations qui sont parties prenantes à ces accords commerciaux. Par conséquent, d'un point de vue personnel à coup sûr, j'appuierais les changements qui amélioreraient les échanges dans les domaines de l'agriculture et des services de même que l'accès aux marchés qui en découlerait.

    Permettez-moi de parler quelques instants de la Zone de libre-échange des Amériques. Nous verrons d'ici au printemps si les États-Unis accepteront une procédure accélérée pour la ZLEA. S'ils le font, je crois qu' une est possible. Dans le cas contraire, je crois que les partenaires de l'accord s'inquiéteront grandement de la capacité de négocier avec les États-Unis lorsque, lorsque, en réalité, il leur faudra le faire à deux reprises, une première fois par l'entremise de l'administration et ensuite par l'entremise du Congrès.

¹  +-(1540)  

    Permettez-moi tout d'abord de dire quelques mots au sujet des échanges avec le Canada. Diverses études ont été faites sur l'importance des échanges commerciaux du Canada avec les pays d'Amérique latine. Comme vous le savez, presque 85 p. 100 de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis, notre principal partenaire commercial. Nous commerçons un peu avec les pays d'Amérique latine,mais cela représente un faible pourcentage de nos échanges. Nous avons tendance à être des importateurs nets des pays d'Amérique latine, pas des exportateurs net. Nous accusons donc un déficit dans notre dans notre balance des paiements avec ces pays. D'autre part, compte tenu du peu d'importance que revêtent ces échanges et de notre excédent commercial très élevé, nous devons nous rappeler que nous ne pouvons être des exportateurs nets à l'échelle mondiale, alors que certains pays seront des importateurs nets, en raison surtout de l'él.ment moteur qu'est l'économie.

    Nos échanges avec l'Amérique latine sont donc très peu nombreux. D'une part, vous pourriez dire qu'il importe peu que nous concluions un accord de libre-échange avec les pays d'Amérique latine étant donné le peu d'échanges commerciaux que nous avons déjà avec eux et que cela ne revêt peut-être pas tant d'importance pour nous? Je pense qu'il y a vraiment deux questions importantes lorsque nous demandons pourquoi nous aimerions que la zone de libre-échange des Amériques se concrétise. En fait, que les États-Unis participent ou non à l'accord n'a pas vraiment d'imporancer vu que d'aucuns peuvent faire valoir que le Canada bénéficierait d'un accord de libre-échange avec les pays d'Amérique latine.

    Si les États-Unis concluent un accord avec les pays d'Amérique latine, le Canada aurait certainement avantage à le signer parce qu'alors les entreprises peuvent s'établir au Canada et desservir à la fois le marché américain et le marché de l'Amérique latine dans le cadre de la ZELA. Si, par contre les États-Unis ne sont pas partie prenante à l'accord, nous avons toujours intérêt à conclure un accord de ce genre, comme celui que nous avons à l'heure actuelle avec le Chili. En fait, le Mexique, à tout le moins le président Vincente Fox, a vu que le fait d'être une plaque tournante dans le monde constituait une bonne stratégie. La stratégie du Mexique consiste à conclure le plus grand nombre d'ententes possibles avec le plus grand nombre de partenaires possibles dans le monde, que ce soit en Asie, aux États-Unis et au Canada, en Europe ou en Amérique latine parce qu'il est ainsi possible de servir de plaque tournante pour les Amériques et retirer d'énormes avantages commerciaux.

    Je crois que le Canada doit réfléchir sérieusement à une stratégie de plaque tournante de ce genre étant donné que le plus d'ententes il aura dans diverses parties du monde et le plus de marchés mondiaux lui seront accessibles, le mieux il sera placé comme pays pour accueillir des entreprises ici qui trouveront des avantages à venir s'installer au Canada et à commercer avec le reste du monde. Par conséquent, pour cette raison, je souscris très fortement à l'idée de multiplier les ententes commerciales pour tirer profit de nos échanges économiques.

    Bien sûr nous avons beaucoup d'investissements dans le secteur des ressources dans un certain nombre de pays de l'Amérique latine, surtout ceux du Sud. Nous avons d'importants investissements dans le secteur de la fabrication, au Brésil et au Mexique par exemple. Les industries de services canadiennes en profiteraient grandement étant donné le grand nombre d' entreprises très prospères installées dans certaines régions. Il serait très utile à ces entreprises que les pays d'Amérique latine leur soient plus accessibles.

    Je crois que le Brésil, à part le Mexique avec lequel nous avons déjà conclu une entente, est le pays le plus important commercialement parlant. Il s'agit d'un pays très peuplé dont le marché est énorme et qui domine l'Amérique latine. Le Brésil hésite à signer des accords de libre-échange; il a tendance à beaucoup penser en tant qu'économie fermée. La raison en est partiellement historique. En effet, c'est une ancienne colonie du Portugal, à la différence d'autres pays colonisés par les Espagnols. C,est pour cette raison que le Brésil a eu tendance à se replier davantage sur lui-même par rapport aux autres pays d'Amérique latine. Cependant il lorgnent certainement du côté de l'accord et songera à l'adopter s'il obtient des conditions qui lui seront favorables.

¹  +-(1545)  

    En fait, parmi les pays d'Amérique latine, ce sont les tarifs du Brésil de 14 p. 100, qui sont les plus élevés. Au Canada et aux États-Unis, par contre, le tarif moyen est d'un peu plus de 4 p. cent. Par conséquent, lorsque l'on considère l'accessibilité des producteurs canadiens aux pays de l'Amérique latine, surtout au Brésil, on se rend compte de la possibilité de gains très significatifs. À l'heure actuelle, un certain nombre d'entreprises qui essaient d'y développer des marchés.

    Il y aura donc, selon moi, un certain nombre de problèmes importants et difficiles à régler en ce qui a trait à la ZELA et peut-être allons-nous entreprendre. Cependant, à tous le moins du point de vue du principe général et d'une stratégie pour le Canada, je crois que nous avons tout intérêt à négocier un accord avec les pays d'Amérique latine.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci beaucoup de cet excellent exposé.

    Nous allons maintenant vous poser des questions.

    Monsieur Casson.

+-

    M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    M. Mintz, je vous remercie de votre exposé.

    Vous vous êtes demandé si nous sommes ou non avec les États-Unis comme partie prenante à la ZELA . À votre avis, ne vaudrait-il pas mieux pour le Canada que les États-Unis ne soient pas partie prenante si ces autres pays participaient? Est-ce que cela améliorerait notre chance de pénétrer les marchés?

+-

    Jack Mintz: Nous devrons voir ce que font les États-Unis. Ce que je veux dire c'est que si les États-Unis signent l'entente, nous devrions le faire également. Cependant, bien sûr, si les États-Unis décident le contraire, même si nos échanges sont assez peu nombreux avec les pays d'Amérique latine, si nous parvenions à conclure avec eux un plus grand nombre d'ententes commerciales, nous en retirerions des avantages, surtout dans la conjoncture nord-américaine où, si le Canada parvenait à mettre en place ces ententes commerciales étoilées avec divers pays, encore plus que l'on fait les États-Unis, il deviendrait d'autant plus attrayant pour les investisseurs.

+-

    M. Rick Casson: Je suppose que le Canada aurait avantage à long terme pour le Canada à avoir d'autres partenaires commerciaux et à s'affranchir d'une partie de sa dépendance envers les États-Unis pour la majeure partie de ses échanges.

+-

    M. Jack Mintz: Je suis désolé, mais, je n'ai pas très bien saisi.

+-

    M. Rick Casson: En étant moins dépendants des États-Unis, son principal partenaire commercial, en réduisant ses échanges commerciaux et en les répartissant davantage, le Canada en retirerait des avantages à long terme.

+-

    M. Jack Mintz: Oui. On peut faire dire ce qu'on veut aux facteurs économiques. C'est sûr, je crois qu'il y a certains avantages à avoir plus d'accords commerciaux et à réduire les tarifs douaniers entre les pays. Si cela permet au Canada de diversifier son commerce et de ne pas avoir tous ses oeufs dans le même panier, je pense que c'est un avantage pour nous. De fait, si vous regardez les chiffres des investissements à l'étranger par des compagnies canadiennes, vous verrez que la part qui va aux États-Unis a baissé avec les années. Les compagnies canadiennes n'hésitent certainement pas à s'intéresser à d'autres marchés et à s'y faire une place. En fait, je soupçonne que d'ici quelques années, nous allons commencer à constater une hausse de notre part du marché hors des États-Unis, vers d'autres pays, parce que nous avons des compagnies, au Canada, qui n'ont pas peur d'entrer sur d'autres marchés que le marché américain.

¹  +-(1550)  

+-

    M. Rick Casson: Lorsque nous regardons la position du Canada alors que nous entrons dans les négociations sur la ZLEA, si vous analysez nos forces, nos faiblesses, certaines des opportunités et des menaces, y en a-t-il qui vous viennent particulièrement à l'esprit qui ont présenté de bonnes opportunités et, d'un autre côté, d'autres qui pourraient menacer notre industrie intérieure?

+-

    M. Jack Mintz: Vous voulez dire du côté de l'Amérique latine?

+-

    M. Rick Casson: Oui, l'Amérique latine.

+-

    M. Jack Mintz: L'industrie du textile en est toujours une qui peut être touchée, à cause des différences de salaires. Les services sont un secteur où nous pourrions très bien réussir sur certains plans, particulièrement du côté des services aux entreprises, où nous avons certaines compagnies qui ont très bien réussi. Nous avons vu certaines de nos compagnies de télécommunications se faire une place très honorable sur les marchés étrangers. Je pense que la raison pour laquelle nos compagnies peuvent assez bien réussir est qu'en dépit du fait que de nombreux pays de l'Amérique latine ont des salaires inférieurs, la productivité et la technologie sont très importantes pour le commerce, et quand on est dans la partie supérieure d'une chaîne à valeur ajoutée, lorsqu'on s'appuie sur d'importants investissements de capitaux et la technologie nécessaires pour produire certains types de biens et services, on peut très bien se débrouiller tandis que d'autres pays qui ont, disons, des salaires inférieurs, mais non pas la technologie, se spécialiseront bien entendu dans ce type d'industrie. Cela fait évidemment partie des avantages du commerce. Les pays se spécialiseront dans ce qu'ils font le mieux, et ainsi tout le monde y gagne, à cause du fait qu'on finit par se spécialiser dans la production.

+-

    M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Rocheleau.

+-

    M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): J'aimerais savoir, monsieur Mintz, ce que vous pensez de l'idée qui a été lancée par le président du Mexique, M. Fox, et que le gouvernement du Québec a appuyée jusqu'à maintenant, ainsi que le Bloc québécois et plusieurs intervenants du Québec. Il s'agirait de la mise sur pied éventuelle d'un fonds de développement des Amériques, un peu à l'exemple de ce qui s'est passé en Europe pour aider les pays plus faibles économiquement à consommer davantage les produits fabriqués dans les pays plus riches et faire en sorte d'établir un meilleur équilibre entre les deux groupes. Que pensez-vous du principe?

[Traduction]

+-

    M. Jack Mintz: Tout d'abord, le Canada a déjà plusieurs programmes d'aide d'assez grande importance, avec l'ACDI bien sûr, dont certains sont réalisés avec les pays de l'Amérique latine et il y a plusieurs programmes dans plusieurs pays du globe, qui sont financés par le Canada par l'entremise de la Banque mondiale. Alors, s'il y en a pour créer un nouveau fonds, le seul commentaire que j'ai à faire concerne la coordination et ce que nous essayons de réaliser. Je pense qu'on sera toujours d'accord pour aider, particulièrement, les pays moins développés des Amériques, pour qu'ils puissent se développer. C'est donc que les subventions d'aide au développement peuvent être utilisées à des fins utiles, tant que nous savons que les gouvernements réaliseront les programmes qui sont financés et ne gaspilleront pas l'argent eux-même. Nous pourrons, au bout du compte, exercer une forte influence positive sur leur croissance économique.

    J'ai travaillé, notamment, avec la Guyane. La Guyane et Haïti sont les deux pays les plus pauvres des Amériques. La Guyane est un merveilleux pays, du point de vue de ses habitants, sa population très chaleureuse, qui a connu beaucoup de difficultés depuis 30 ou 40 ans. Après le départ des Britanniques, ils ont eu de la difficulté à créer leurs industries, en partie parce qu'ils ont nationalisé beaucoup de compagnies et qu'ils n'avaient pas les compétences de gestion qu'il fallait pour les diriger. En fin de compte, les meilleurs Guyanais, ou du moins les plus compétents, ont quitté le pays pour aller s'installer à New York ou à Toronto plutôt que de rester en Guyane. Alors, le temps passant, la Guyane a eu de grandes difficultés à s'assurer un bon capital humain, des travailleurs compétents pour diriger les compagnies.

    Il y a eu des changements au sein du gouvernement, particulièrement pendant les années 80 et 90, qui, je crois, tentaient honnêtement d'améliorer le sort de la Guyane, et des améliorations ont certainement été faites. Je pense qu'il y a eu de lourdes erreurs de politiques, particulièrement en ce qui concerne le développement de ces pays, en Guyane surtout du côté de l'industrie forestière, quand ils ont plus ou moins donné les terres à une compagnie, à très faible prix, avec très peu de redevances, donc en n'obtenant pas assez en retour, en un sens, pour leur développement. C'est le genre de choses que nous devons essayer de prévenir dans nos programmes de développement, parce que je pense que tout le monde entier aimerait voir la situation de ces pays s'améliorer grandement.

    Le développement est un domaine très difficile, comme de veiller à ce que les pays aient une croissance saine, mais je pense que le principe et la pratique que nous connaissons, le renforcement des capacités de ces pays, nous permettront à tout le moins de faire certains excellents investissements stratégiques par le biais d'un fonds de développement.

¹  +-(1555)  

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau: Il faut être conscient, monsieur le président, que la divergence, on la perçoit dans l'esprit de ce qui a été avancé par M. Fox et appuyer par nous. Effectivement, ce serait un programme spécial géré par les gouvernements et non géré par des structures traditionnelles comme la Banque mondiale. Ce serait une structure mise en place pour gérer un phénomène nouveau qui s'appelle la zone de libre-échange et des mécanismes nouveaux de répartition de la richesse et d'établissement d'un équilibre. En tout cas, c'est sûr qu'on en est encore à l'abc de la présentation de cette solution alternative.

    J'aurais une question qui s'applique plus spécifiquement au domaine de l'agriculture, selon votre perception des négociations. On sait que dans le domaine de l'agriculture, le Québec et le Canada--le Québec à tout le moins--se distinguent par leur capacité à gérer l'offre, notamment dans le domaine du lait.

    Pensez-vous que, au fur et à mesure qu'avanceront les négociations, on pourra compter sur le maintien de la gestion de l'offre telle qu'on la connaît, ou si elle fera partie des concessions éventuelles?

[Traduction]

+-

    M. Jack Mintz: Je pense que le sens que je préférerais donner à votre question, c'est est-ce que je crois que les offices de commercialisation et notre système d'approvisionnement devraient être maintenus au Canada, ou devrions-nous vraiment essayer d'adopter de bien meilleures politiques à long terme, pas seulement au Canada, mais à l'échelle internationale, où nous avons supprimé de nombreuses subventions versées au secteur agricole.

    Je serais très favorable à des changements dans ce sens qui seraient coordonnés à l'échelle internationale. Pour ce qui est d'essayer de prédire si nous arriverons à nous entendre là-dessus ou non, si on regarde les États-Unis et où ils en sont sur la question agricole, je ne suis pas sûr qu'ils soient déjà prêts à faire d'importantes concessions dans le sens d'une réduction des subventions. Nous n'avons pas vu de pays de l'Europe qui y soient très favorables non plus. Alors si on regarde le genre d'accords, que ce soit sur la zone de libre-échange des Amériques ou ce qui concerne l'OMC, je pense que la route sera très ardue et je ne suis pas sûr que les négociations apporteront aucun changement, à moins que les gens aient vraiment l'impression qu'ils en ont assez et qu'il est grand temps de créer un monde où il y a beaucoup moins de subventions à l'agriculture et où nous nous assurons d'avoir une approche beaucoup plus équilibrée du développement industriel dans tous les pays.

    Il y a un pays, la Nouvelle-Zélande, qui a décidé unilatéralement d'éliminer les subventions. Cela a créé beaucoup de misère, de nombreux éleveurs de moutons ont fait faillite, mais au bout du compte, l'industrie agricole néo-zélandaise a affiché une énorme croissance de la productivité; des fermes beaucoup plus grandes ont été crées, qui produisaient des agneaux et des moutons à bien moindre coût pour l'exportation. Cela a donc été un changement assez radical, qu'un pays a fait sans même se coordonner avec d'autres.

    Je pense que tous les pays seraient en meilleure posture si nous finissions par régler la question agricole et essayions de bien mieux traiter l'industrie et qu'avec le temps, nous verrons probablement croître sa productivité de façon phénoménale en conséquence d'une meilleure gestion de l'ensemble du système.

º  +-(1600)  

+-

    Le président: Monsieur Speller, vous avez la parole.

+-

    M. Bob Speller (Haldimand--Norfolk--Brant, Lib.): Je vous remercie.

    Je voudrais en parler aussi. J'ai regardé les statistiques sur la productivité—au sujet de votre dernier argument sur la gestion de l'approvisionnement—et les chiffres de la productivité, dans la gestion de l'approvisionnement au Canada, sont montés en flèche comparativement à tous les autres biens. J'ai aussi eu l'occasion de parler à certains néo-zélandais qui pourraient ne pas être d'accord avec vos affirmations sur le fait que la productivité a augmenté, parce que les régions rurales ont été très touchées, les niveaux des services et beaucoup des petites entreprises qui étaient exploitées dans ces régions rurales ont été touchés.

    Je ne veux pas poser de question là-dessus, mais j'ai été intéressé par vos commentaires sur le Brésil et les États-Unis. Je suppose qu'il s'agit de savoir si ces négociations peuvent vraiment se poursuivre sans les États-Unis. Il est certain que le Brésil ne voudra probablement pas conclure ce genre d'accord s'il ne peut avoir accès au marché américain. Si le Brésil décide de se retirer, croyez-vous que ce sera fini? Croyez-vous qu'il pourrait y avoir une espèce de mouvement vers la conclusion d'un accord plus restreint?

+-

    M. Jack Mintz: Tout d'abord, un bon nombre d'accords ont déjà été conclus avec des pays de l'Amérique latine. Il y a le MERCOSUR qui, bien entendu, englobe le Brésil, l'Argentine, le Chili et, je crois, le Mexique. Il y a aussi un accord de libre-échange entre plusieurs îles des Caraïbes. J'oublie combien il y a exactement de ces accords. L'une des préoccupations que suscitent tous ces différents accords touche à d'intéressants effets de discrimination, qui font qu'en conséquence ces accords, les règles du jeu sont différentes pour certains pays de l'Amérique latine. Je pense que c'est l'une des raisons qui font que le Brésil et bien d'autres pays, dont, particulièrement, le Mexique, pourraient s'intéresser à la conclusion de l'accord de libre-échange des Amériques, parce qu'en fait, avec lui, il y aurait une approche plus homogène et plus coordonnée des accords de libre-échange en Amérique latine même.

    Si les États-Unis devaient s'abstenir de participer à un accord et le Brésil s'en retirer, la question qui se pose est la suivante: y aurait-il le moindre intérêt à ce que le Canada reste dans la partie? Nous avons un accord avec le Chili, et il ne me semble pas qu'il nous ait fait du tort. Je pense que les compagnies canadiennes ont eu un rôle important dans les Caraïbes. Il y a les États de l'Amérique centrale avec lesquels nous avons eu des échanges commerciaux. Si on commence à s'intéresser à certains des autres pays, il y aurait peut-être avantage à conclure individuellement des accords avec eux. Alors, je pense que l'accord de libre-échange des Amériques serait rien moins que mort si les principaux partenaires ne le signaient pas, mais je ne crois pas que cela nous empêcherait nécessairement d'améliorer nos voies d'accès sur d'autres marchés susceptibles de s'ouvrir et à d'autres partenaires qui pourraient être intéressés à entretenir de telles relations avec nous.

+-

    M. Bob Speller: Merci.

    Vous avez dit que le commerce est aussi important qu'un programme d'aide. En même temps, vous avez parlé de nos industries qui éprouvent des difficultés d'ajustement. Comment un pays comme le nôtre compose-t-il avec cela? Ici, d'un côté, nous offrons de l'aide à ces autres pays et de l'autre nous mettons nos propres gens sur la paille. Pensez-vous qu'il soit nécessaire pour notre gouvernement de créer des programmes d'ajustement s'adressant à nos propres citoyens, ou est-ce que cela s'intègre dans votre philosophie de marché ouvert et libre?

º  +-(1605)  

+-

    M. Jack Mintz: Cela dépend de la mesure dans laquelle vous avez besoin de faire ces ajustements. Le problème, avec l'appui à la transition que vous offrez à la lumière des changements de politique, c'est que, bien entendu, vous pourriez gêner le mouvement que vous voudriez susciter des ressources entre, disons, deux industries ou deux régions du pays. Dans le cas de l'accord de libre-échange avec l'Amérique latine, étant donné la modestie de nos activités commerciales, je ne suis pas sûr qu'il y ait vraiment besoin de grands ajustements. Il se pourrait que certaines industries particulières, selon une définition très étroite, soient touchées, mais nous avons des marchés relativement flexibles et nous avons démontré que les Canadiens sont tout prêts à changer de région ou d'emploi au pied levé. Tant que l'économie va relativement bien, il est beaucoup plus facile de s'ajuster à la transition.

    La valeur de la monnaie canadienne est montée juste après la signature de l'Accord de libre-échange de 1989. Cela a beaucoup compliqué l'ajustement pour les marchés de l'exportation et les exportateurs à ce moment-là. De plus, les importateurs ont eu affaire à une compétition beaucoup plus forte. Et puis nous avons connu une forte récession en 1990 et en 1991 à cause de cela. Donc, l'accord de libre-échange a démontré ce qui arrive lorsqu'il n'est pas soutenu par une économie vigoureuse, et la transition peut être beaucoup plus difficile à cause de cela, comme c'est arrivé en 1990. Notre économie est au ralenti ces temps-ci, mais au moment où nous clôturerons cet accord, je soupçonne que l'économie sera beaucoup plus robuste dans le monde entier, y compris au Canada et en Amérique du Nord. Par conséquent, je crois que ce sera beaucoup plus facile de faire la transition.

+-

    M. Bob Speller: Je ne voudrais pas éterniser le débat, mais nous avons des arguments intéressants, encore une fois, sur les aspects agricoles, qui nous sont présentés par l'Institut C.D. Howe. Si vous parveniez enfin à vous débarrasser de toutes ces subventions, étant donné que le Canada est tellement un pays du Nord, vous pensez qu'il n'y aurait pas beaucoup d'ajustements. À mon avis, ce que vous dites, c'est que nous ne résoudrions pas forcément le problème agricole. De fait, si nous parvenions à le résoudre et nous nous débarrassions de toutes les subventions, ne pensez-vous pas que les régions agricoles du Canada devraient s'ajuster, étant donné le nombre d'emplois qui sont directement touchés par l'agriculture dans notre pays?

+-

    M. Jack Mintz: Si nous le faisions unilatéralement, il y aurait de gros ajustements. S'il y avait une action coordonnée des pays de l'Europe, des États-Unis et du Canada en matière de subventions, ce qui arriverait c'est que les prix des produits agricoles monteraient pour compenser la perte des revenus des subventions. Par conséquent, l'ajustement nécessaire serait moindre. Ce que je dis, en fait, c'est qu'il y a eu des politiques d'égoïsme sacré dans certains pays qui participent aux politiques agricoles. Personne ne veut agir seul parce que cela pourrait coûter très cher à son secteur agricole mais s'ils agissaient ensemble, les ajustements ne seraient pas si difficiles, parce que les coûts des produits agricoles monteraient probablement, étant donné la nature des conditions de l'offre et de la demande dans l'industrie.

+-

    Le président: Monsieur Eyking.

+-

    M. Mark Eyking (Sydney--Victoria, Lib.): Pour poursuivre sur ce que dit Bob au sujet de l'agriculture, je sais que nous parlons de l'Amérique du Sud, mais à mon avis, la gestion de l'offre est l'une des meilleures choses qui soit arrivée aux agriculteurs de notre pays, et nos consommateurs en semblent tout à fait satisfaits maintenant. Si nous devions un jour nous en servir comme monnaie pour supposément ouvrir l'accès au reste du monde avec nos produits agricoles, cela m'inquiéterait un peu, parce que jusqu'ici, avec toutes les négociations que nous menons, nous semblons agir comme de bons scouts; nous réduisons nos subventions, particulièrement pour les céréales, et rien n'est arrivé de l'autre côté. C'est pourquoi je ferais très attention avant de conclure un marché à ce sujet sans que l'autre côté fasse quelque chose de vraiment concret.

    Nous parlions de l'Amérique du Sud, et il semble que le Brésil soit une force dynamique là-bas, comme un peu les États-Unis en Amérique du Nord, je suppose. Alors quelle que soit la place que nous obtenions là-bas, la fenêtre du Brésil doit s'ouvrir plus grand. L'année dernière, nous avons eu un problème là-bas avec le conflit sur le boeuf, si vous vous rappelez bien. Il semble qu'ils n'étaient pas très contents des Canadiens à ce moment-là—ils mettaient même des bâtons dans les roues à notre musique et à tout—mais où est-ce que cela en est maintenant? Est-ce qu'ils sont encore méfiants à notre égard?

º  +-(1610)  

+-

    M. Jack Mintz: Je ne saurais pas répondre à cette question. D'après mes derniers entretiens avec certaines personnes qui faisaient du commerce au Brésil, le Canada n'était pas particulièrement bien vu et c'étaient pourtant des compagnies canadiennes qui avaient déjà fait des investissements au Brésil et qui étaient exploitées au Brésil. Certainement, ils ont été refroidis par toute cette confrontation qu'il y a eu entre le Brésil et le Canada non seulement au sujet de la viande, mais aussi des subventions de l'industrie aérospatiale. Je soupçonne qu'il y a probablement encore des impressions négatives au Brésil qui subsistent en conséquence de cette confrontation, mais depuis au moins six mois, je n'ai pas suivi la question.

+-

    M. Mark Eyking: À ce propos, avant de devenir député, j'ai fait beaucoup d'affaires en Amérique centrale, et le climat politique y est parfois très instable, il y a des changements de gouvernement. Voyez ce qui est arrivé en Argentine. C'est une chose que de vendre et d'échanger des produits entre les deux pays, mais là où il y a fortune à faire, c'est avec les investissements dans ce pays, bien sûr, et la création d'entreprises. Quelles sont les perspectives sur ce plan? Vous en avez un peu parlé tout à l'heure. Est-ce qu'il y a stabilité économique? Est-ce qu'il y a des pays qui sont vraiment tombés de la branche et d'autres qui sont vraiment solides? Comment les coter? Est-ce que le Brésil et le Pérou sont vraiment bien, mais l'Équateur pas du tout? Comment lire la carte de cette région?

+-

    M. Jack Mintz: Je ne peux pas parler de tous les pays. Depuis cinq, six et sept ans, le Brésil a entrepris un certain nombre de réformes, mais il a encore beaucoup à faire pour améliorer le fonctionnement de sa propre économie. Il a assurément beaucoup de problèmes de fond à régler. Dans l'ensemble, il n'est pas en mauvaise posture.

    Évidemment, en Argentine, la situation est horrible. Il y a toute une histoire derrière, et, bien sûr, cela aura des répercussions sur les économies voisines avec lesquelles l'Argentine fait affaire, notamment celle du Brésil qui est un de ses importants partenaires commerciaux.

    Plus au Nord, on constate que les économies sont assez prospères; l'économie du nord du Mexique connaît une croissance très significative, qui est moins évidente dans la partie sud du pays.

    Certains pays d'Amérique centrale, comme le Costa Rica, dont j'ai oublié de parler et avec lequel nous avons signé un accord de libre-échange, ont récemment entamé des réformes. En fait, j'ai travaillé un peu au Costa Rica l'an dernier. Ce pays a commencé à modifier son système fiscal pour essentiellement réduire les taux d'imposition, élargir l'assiette fiscale, supprimer certains avantages et éliminer les retenues d'impôt à la source sur les dividendes, ce qui se fait maintenant fréquemment dans un certain nombre de pays d'Amérique latine. Ces mesures visent à favoriser l'investissement étranger direct au Costa Rica.

º  +-(1615)  

+-

    M. Mark Eyking: Donc, dans l'ensemble, ils ont fait beaucoup de chemin, et certains d'entre eux en ont encore un peu à faire.

+-

    M. Jack Mintz: Tout à fait.

+-

    Le président: Monsieur Valeri.

+-

    M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci d'être venu nous rencontrer. J'ai quelques questions à vous poser.

    Je voulais vous parler de votre stratégie en étoile concernant les accords commerciaux. Corrigez-moi si je me trompe, mais je pensais que le Canada ne voulait pas de ce genre de stratégie. C'est la raison pour laquelle nous avons conclu l'accord de libre-échange. J'aimerais avoir votre point de vue sur son effet possible sur notre dollar, notre productivité, notre niveau de vie et le reste. Vous préconisez évidemment cette stratégie parce qu'elle avantagera notre pays, mais je veux savoir si c'est la ligne de conduite que vous recommanderiez, ou si c'est une solution par défaut et qu'il y a une meilleure façon d'améliorer nos relations commerciales.

+-

    M. Jack Mintz: Je pense que cela fait partie de la stratégie économique globale que j'envisage pour le Canada. Je pense que les Canadiens craindraient beaucoup de perdre le marché nord-américain. Le Canada s'intègre de plus en plus à l'Amérique du Nord avec les États-Unis et, abstraction faite des politiques et en tenant compte seulement des économies de marché, le marché américain est beaucoup plus vaste que le marché canadien. Les entreprises ont tendance à se rapprocher du marché et, si beaucoup de sociétés envisageaient de s'établir en Amérique du Nord, elles penseraient à le faire aux États-Unis, où le marché est important, la main-d'oeuvre nombreuse et diversifiée et le marché de capitaux solide. Donc, tous ces facteurs ont tendance à favoriser l'investissement aux États-Unis.

    Je suis d'avis que le Canada ne doit pas copier les politiques américaines ni harmoniser ses politiques sur celles des États-Unis, même si certains obstacles importants devraient être éliminés, mais il doit se rendre très attrayant, devenir le tigre du nord en Amérique, adopter des politiques plus avantageuses que celles des États-Unis et des autres pays au point où les entreprises vont vouloir s'établir chez nous pour desservir le marché nord-américain et les marchés latino-américains. Quand je dis qu'une structure en étoile est intéressante, je veux dire qu'il faut offrir des avantages sur le marché mondial, pour que le Canada soit considéré comme un endroit attrayant pour faire affaire avec le reste du monde.

+-

    M. Tony Valeri: Pour que la stratégie en étoile fonctionne, il faut vraiment que l'avantage canadien existe, n'est-pas? Pouvez-vous nous en dire un peu plus long là-dessus. Quels sont les éléments de l'avantage canadien? Je ne veux pas que nous développions une stratégie en étoile sans pouvoir en tirer profit. Il reste que l'investissement étranger direct en Amérique du Nord est en régression constante. Normalement, on a tendance à s'installer dans le marché le plus important qu'on veut servir. En quoi consiste donc l'avantage canadien si nous voulions développer cette stratégie en étoile?

+-

    M. Jack Mintz: Je pense que vous savez peut-être déjà ce que je vais répondre à cette question.

    J'ai publié un ouvrage à l'automne sur la nation la plus favorisée, avec les soins de l'Institut C.D. Howe, dans lequel j'explique comment j'estime qu'on peut créer cet avantage. Certes, je pense que la politique gouvernementale est très importante, et qu'il est essentiel que les gouvernements adoptent des programmes et une stratégie fiscale efficaces pour favoriser l'investissement de gros capitaux au Canada.

    Permettez-moi de vous citer l'exemple de l'Irlande, que je connais assez bien sur différents aspects. De fait, l'Irlande a choisi de se distinguer substantiellement du reste de l'Europe. Au début des années 80, son taux de chômage était très élevé, atteignant près de 20 p. 100. C'était le parent pauvre de l'Europe, et elle voyait depuis longtemps ses compétences fuir vers le Royaume-Uni et l'Amérique du Nord. Le niveau d'instruction des Irlandais était aussi très bas. En fait, beaucoup de gens n'avaient même pas de diplôme d'études secondaires, et encore moins d'études universitaires ou postsecondaires. Avec l'aide des syndicats et des entreprises, le gouvernement de l'Irlande a en quelque sorte élaboré une stratégie économique pour mettre fin à cette longue période de faible croissance, et elle a ainsi adopté un certain nombre de politiques importantes.

    Les subventions régionales pour l'Europe ont aidé le pays, en lui permettant de financer l'atteinte de certains de ses objectifs. Mais, consciente qu'elle avait besoin de plus de travailleurs spécialisés, l'Irlande a beaucoup investi dans l'éducation, particulièrement aux niveaux secondaire et universitaire. En fait, les études universitaires sont toujours gratuites en Irlande. Elle voulait vraiment encourager la population à s'instruire. Mais elle a aussi décidé que la formation ne suffisait pas et qu'il fallait accroître la demande pour ses travailleurs spécialisés, pour ne pas qu'ils partent aux États-Unis ou au Royaume-Uni, où les perspectives d'emploi sont meilleures. Elle a donc réduit considérablement l'impôt des entreprises, surtout sur le revenu provenant de la fabrication et des services financiers. Le pays a aussi éliminé toute une série de politiques fiscales visant les entreprises qui étaient inutiles, surtout les crédits d'impôt à l'investissement et les déductions pour placements.

    Son initiative a beaucoup attiré l'attention des multinationales. D'après les chiffres que je consultais récemment, l'Irlande a vraiment réalisé quelque chose de remarquable. Elle intéresse même le Canada maintenant. Elle a attiré huit milliards d'investissements étrangers directs en 2000, alors qu'elle n'en attirait qu'un milliard en 1990. Son taux de chômage a baissé et se compare à ceux qui existent au Canada. Elle a mis fin à son exode des cerveaux, au point où il y a aujourd'hui plus d'arrivées que de départs en Irlande. Bien sûr, l'Irlande a été le pays de l'OCDE qui a connu la plus importante croissance dans les années 90. Son revenu per capita a doublé, alors que celui du Canada a augmenté seulement de 4 p. 100 durant cette décennie. Nous sommes d'ailleurs un des pays de l'OCDE qui a connu la plus faible croissance pendant cette période.

    Nous ne ferons pas comme l'Irlande parce que nous avons des problèmes différents à régler, mais c'est la raison pour laquelle je préconise cette stratégie, en raison de ce que nous pouvons essayer de réaliser sur le plan fiscal, sur le plan de la réglementation et sur le plan commercial, en vue de créer l'avantage canadien.

º  +-(1620)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Rocheleau.

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau: Concernant les négociations sur les services, quel rôle, à votre avis, les provinces sont-elles invitées à jouer? Est-ce qu'elles sont véritablement consultées, compte tenu du fait que, quand un pays souverain signe un traité, il s'engage à faire en sorte qu'il soit respecté par toutes ses instances? C'est ma première question.

    Voici la deuxième: j'entends s'exprimer toutes sortes d'appréhensions, par exemple, que d'éventuelles ententes sur les services pourraient compromettre, au Québec, tout le réseau des garderies publiques que nous avons, l'existence d'une commission des normes minimales de travail, l'existence d'une commission de la santé et de la sécurité au travail. Est-ce que des appréhensions de ce genre sont fondées ou si elles sont tout à fait hors d'à-propos?

[Traduction]

+-

    M. Jack Mintz: Le gouvernement fédéral a, bien sûr, une responsabilité constitutionnelle à l'égard des accords commerciaux et il a le pouvoir constitutionnel de conclure des accords sans nécessairement avoir le consentement des provinces. Dans un pays comme le Canada, les consultations sont évidemment très importantes, et je pense que les provinces doivent avoir le sentiment que les accords commerciaux servent aussi leurs intérêts. Je pense que c'est d'ailleurs ce qui s'est passé dans certains cas, comme le Pacte de l'auto et l'Accord de libre-échange. Beaucoup de provinces en ont profité, y compris le Québec, qui a été un ardent partisan de beaucoup d'accords commerciaux conclus à l'échelle internationale.

    Pour ce qui est des normes de travail et des normes environnementales, c'est une question très difficile parce qu'on voudrait, en principe, que beaucoup de pays adoptent des normes sévères dans ces domaines pour lutter contre les violations des droits de la personne et régler d'autres problèmes inquiétants. Mais il faut se demander si ces mesures doivent faire partie des accords commerciaux ou faire l'objet d'autres accords entre les pays. Les pays moins développés appréhendent beaucoup l'application de normes de travail et de normes environnementales dans les accords, parce qu'ils considèrent que c'est peut-être une forme de protectionnisme que les pays développés essaient d'imposer pour nuire aux échanges commerciaux. Ils accepteront peut-être de réduire les tarifs douaniers, mais finiraient par être lésés par l'application des normes. Ils préféreraient qu'on négocie d'autres accords pour faire valoir ces questions.

    Il est difficile de courir deux lièvres à la fois comme le font ceux qui veulent prévoir trop de choses dans un accord, parce qu'un accord commercial vise simplement à améliorer les échanges commerciaux. En fait, c'est étonnant qu'on ait établi dans le monde entier un régime de conventions fiscales et que personne n'aie jamais demandé d'inclure de normes environnementales et de normes de travail dans ces conventions, parce qu'on sait comment il est important de faciliter l'investissement de capitaux et la mobilité des travailleurs et de garantir les avantages que ces conventions accordent.

    Je pense que c'est une question difficile parce qu'on voudrait qu'un certain nombre de normes soient améliorées. Nous pouvons nos servir de nos programmes d'aide et d'autres moyens pour conclure ces ententes. Je pense qu'il serait peut-être plus opportun de conclure des accords commerciaux plus simples, mais je sais que ce n'est pas la tendance politique actuelle dans le monde.

º  +-(1625)  

[Français]

+-

    M. Yves Rocheleau: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Avec la permission du comité et la vôtre, monsieur Mintz, je vais demander à M. Berg de vous poser une question que j'avais à l'esprit.

    Monsieur Berg.

+-

    M. Peter Berg (attaché de recherche du comité): Merci, monsieur le président.

    Un enjeu de négociation important pour l'OMC et la ZLEA est toute la question des investissements. Nous ne tenons plus le compte, et il y en a peut-être plus, mais 1 800 accords bilatéraux ont été conclus dans le monde, et le Canada en a signé un certain nombre. Il y a des accords régionaux visés par le chapitre 11 de l'ALENA et d'autres accords, mais il n'y a aucun accord multilatéral. Nous avons essayé de signer l'AMI, mais sans succès. Aujourd'hui, l'OMC est chargée de préparer un plan de match pour 2003 et peut-être ensuite d'entamer des négociations. Pensez-vous que c'est une bonne idée d'intégrer ces accords d'investissements bilatéraux et régionaux dans un cadre multilatéral? Si oui, quels sont quelques-uns des principaux éléments qui devraient, selon vous, faire partie d'un accord multilatéral? Aimeriez-vous, par exemple, qu'il y ait une disposition sur les différends opposant un investisseur et un État? Elle existe dans l'ALENA. Il y a de la controverse à ce sujet. Aimeriez-vous voir cette forme de protection additionnelle dans un accord multilatéral?

º  +-(1630)  

+-

    M. Jack Mintz: D'un point de vue pratique, il sera très difficile de conclure un accord multilatéral sur l'investissement dans le contexte actuel. Il faut se demander s'il ne vaut pas mieux conclure des accords régionaux. Je ne sais pas si l'OMC aura le courage d'envisager un important accord sur l'investissement, quoi qu'on ne sait jamais comment les négociations vont progresser, et si les intérêts des différents pays n'inciteront pas les parties à revenir sur cette question. Dans la Zone de libre-échange des Amériques, on sera peut-être plus intéressé à conclure des accords sur l'investissement, pour favoriser l'investissement dans les différents pays, en assurant la protection voulue qui, je pense, est nécessaire.

    Ce qui m'amène à répondre à votre deuxième question sur la protection des investisseurs qui devrait être prévue dans les accords en principe. Je pense que cette protection est utile pour la raison suivante. Il faut se rappeler que le capital investi par les entreprises est irrécupérable, comme on dit souvent en économie. Il est toujours intéressant pour les gouvernements de percevoir de lourds impôts sur ce capital ou, dans le cas d'une expropriation, de prendre possession de la compagnie sans offrir un rendement raisonnable sur le capital exproprié. Ainsi, les pays qui n'offrent pas une certaine protection pourront en souffrir si les investisseurs hésitent à placer des capitaux chez eux. La protection à long terme présente donc un réel avantage, parce qu'elle permet aux gouvernements d'assurer aux investisseurs qu'ils ne seront pas traités injustement un jour ou l'autre après avoir fait des placements stratégiques qui rendent leurs capitaux irrécupérables.

    En principe, la protection des investisseurs est essentiellement utile, mais elle n'empêche pas les gouvernements de faire des expropriations à un moment donné, parce que cela peut arriver. Je pense que l'indemnisation doit être équitable en cas d'expropriation. Beaucoup de pays finissent par offrir cette protection parce qu'ils ne veulent pas décourager les investisseurs. Donc, dans ce contexte, je ne crois pas que ce soit difficile de l'inclure dans un accord.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Mintz.

    J'ai une question très simple à vous poser, à laquelle vous pouvez me donner une réponse simple. Avez-vous déjà réfléchi au mécanisme de règlement des différends qui existent dans le cadre de l'OMC actuellement? Il me semble à tout le moins que ce régime doit être complètement repensé. Avez-vous réfléchi à la question? Avez-vous rédigé des documents sur le sujet que vous pourriez transmettre au comité?

+-

    M. Jack Mintz: Nous allons nous pencher sur toute la question des politiques en matière de commerce extérieur à l'Institut C.D. Howe. En fait, nous projetons de tenir une conférence sur la protection des investisseurs ce printemps. Nous avons produit un document que je pourrais vous envoyer sur les mécanismes de règlement des différends commerciaux. Je ne suis pas expert en ce qui concerne les problèmes actuels et le réorganisation du système, mais je serais heureux de vous envoyer une version de...

º  -(1635)  

+-

    Le président: Je pense que ce serait très utile parce que nous pourrions peut-être trouver exactement ce que nous cherchons dans ce document, et votre jugement et vos observations nous seraient très utiles.

+-

    M. Jack Mintz: Je pense que nous avons déjà une ébauche, mais je vais devoir vérifier.

+-

    Le président: Ce serait formidable.

    Nous avons été très chanceux que vous passiez une heure complète avec nous, et votre témoignage a été très intéressant et très instructif. Les échanges ont été animés. Comme vous pouvez le constater, les députés ont des points de vue qui reflètent vraiment l'opinion du pays, dans les circonscriptions urbaines et rurales, d'une région à l'autre du pays. Au nom de tous mes collègues, je veux vous remercier d'être venu nous rencontrer. Il est à espérer que nous pourrons rester en contact au cours des prochaines semaines et des prochains mois et, si vous voulez nous transmettre des documents à titre d'information, ce serait très utile.

+-

    M. Jack Mintz: Je le ferai avec plaisir.

-

    Le président: Je vais suspendre la séance pendant deux minutes, étant donné que nous allons poursuivre nos travaux à huis clos pour discuter de certains de nos travaux futurs.

    [Les travaux se poursuivent à huis clos]