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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 28 février 2001

• 1526

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.)): Bonjour à tous. Bonjour, chers collègues. Je vous rappelle que la séance est télévisée du début à la fin et que nous sommes réunis ici pour les audiences portant sur le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi et le Règlement sur l'assurance-emploi (pêche).

J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos invités d'aujourd'hui: M. Fred McMahon de l'Institut Fraser, M. Marc Van Audenrode de l'Université Laval, M. Rick Audas de l'Université du Nouveau-Brunswick et M. Pierre Fortin de l'Université du Québec à Montréal. Je vous remercie d'être ici aujourd'hui malgré un préavis plutôt court. Je sais que nous sommes pressés par le temps.

Pour vous rappeler un peu la procédure, je vous demande de faire une présentation, chacun à tour de rôle, d'environ cinq minutes, si possible, et par la suite, tous les députés de chaque côté de la Chambre auront droit à cinq minutes de questions et réponses, la réponse étant incluse dans le cinq minutes, plus ou moins. Nous allons essayer de respecter cela le plus possible.

Donc, si vous le voulez bien, nous allons commencer immédiatement avec M. Fred McMahon.

[Traduction]

M. Fred McMahon (économiste, Institut Fraser): Merci de m'avoir invité.

Je me rends compte que la plupart des gens ici considèrent cela comme une politique gouvernementale, bonne ou mauvaise. Si j'en crois certains articles de journaux, il y aurait même un assez grand nombre de ministres et de députés libéraux qui se rendent compte qu'il s'agit d'une mauvaise politique. Personnellement, je considère cela comme une tragédie humaine.

J'ai grandi au Canada atlantique au moment où l'assurance-chômage était prolongée en fonction du taux de chômage régional. À l'époque où je terminais mes études secondaires pour passer à l'université et trouver du travail, mes copains discutaient de la façon de trouver 10 semaines de travail bidon pour percevoir 42 semaines de prestations d'assurance-chômage. Lorsqu'on est jeune, 42 semaines à faire la fête, pour 10 semaines de travail, c'est une perspective alléchante. Un bon nombre de mes amis se sont fait prendre dans ce cycle. C'est amusant lorsqu'on est jeune, mais lorsqu'on a atteint 40 ans, lorsqu'on a le cheveu qui grisonne ou qui disparaît, on se trouve pris dans une vie très déprimante. Un bon nombre de mes amis, qui avaient vraiment du talent, se sont fait séduire par l'assurance-chômage et ont perdu les possibilités que la vie leur offrait.

Dans ce cas-ci, il ne faut pas blâmer les victimes. Le gouvernement offre d'énormes pots-de-vin à des jeunes pour les inciter à se laisser prendre à ce piège. Comme dirait Tom Courchene, il s'agit d'une réaction rationnelle à une politique irrationnelle. Si le carrousel de l'assurance-chômage était si tentant pour mes amis et pour moi-même dans un centre urbain, il est encore plus tentant pour des jeunes dans des centres ruraux, eux qui ont encore moins de possibilités que nous en avions, mais pas si peu que vous le croyez.

Il n'empêche qu'au cours de plusieurs décennies de vie active, le gouvernement offre aux jeunes une subvention de près d'un million de dollars de fonds publics pour abandonner les études, non pour trouver du travail à plein temps, mais pour travailler quelques semaines par an dans un secteur saisonnier, sans avenir, pour recevoir ensuite, pour toucher ensuite, pendant le reste de l'année, des prestations d'assurance-chômage ou, comme on dit maintenant, d'assurance-emploi.

• 1530

Les seules conditions qu'impose le gouvernement aux jeunes pour leur donner cet argent, si vous rejetez ce projet de loi, c'est de ne pas poursuivre leurs études, de ne pas chercher à obtenir de l'emploi à plein temps, de ne pas acquérir les compétences nécessaires pour obtenir de l'emploi à plein temps et de consacrer leur vie à du travail saisonnier, à court terme.

Les gens oublient qu'avant que les prestations d'assurance-chômage ne soient prolongées sur une base régionale, en 1971—et cela est extrêmement important—le taux de chômage des anciennes provinces maritimes avait convergé avec le taux national. En fait, pendant au moins un an, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard avaient chacune connu un niveau de chômage inférieur à la moyenne nationale. Dès qu'il y a eu prolongation régionale de l'assurance-chômage, dès que ces pots-de-vin ont été mis en oeuvre, le taux de chômage du Canada atlantique est monté en flèche, avant même la crise pétrolière, que certaines personnes veulent rendre responsable de cette montée du chômage.

Pire encore, certains mois, il y avait deux fois autant de prestataires de l'assurance-chômage qu'il n'y avait de chômeurs officiellement. D'ordinaire, pour une année, il y avait un tiers de plus de prestataires de l'assurance-chômage qu'il n'y avait officiellement de chômeurs. Cela signifie que le taux régional de chômage est monté en flèche et a dépassé 10 p. 100.

Dans de nombreuses localités, le taux de chômage réel était de 20 p. 100 à 25 p. 100. Et, écoutez bien ceci. Au moment même où le taux de chômage réel au Canada atlantique était de 20 p. 100 à 25 p. 100, Statistique Canada et le Conseil économique des provinces de l'Atlantique faisaient état de pénuries de travailleurs dans tout le Canada atlantique, y compris des pénuries de travailleurs non spécialisés. Les employeurs ne pouvaient pas trouver d'employés parce que le pot-de-vin qu'offrait le gouvernement aux gens qui acceptaient des emplois saisonniers, à court terme et hautement rémunérés pour se retrouver ensuite au chômage pendant le reste de l'année, était trop alléchant. Comme je l'ai dit, les employeurs se disaient incapables de trouver des employés. On peut trouver des exemples de cela jusqu'au moment où il y a eu une nouvelle réforme, pendant les années 90.

C'est un sinistre manège dans lequel les gens se font prendre. Nous devons traiter généreusement les gens qui se sont faits piéger, qui ont renoncé aux occasions de trouver de l'emploi à plein temps, d'accroître leurs compétences et de poursuivre leurs études. Mais nous ne devons pas, comme vous entendez le faire, laisser une autre génération se faire prendre à ce piège. Ce que je dis est souvent impopulaire au Canada atlantique, mais chaque fois que j'affirme qu'il ne faut pas que la prochaine génération soit prise à ce piège, les gens me comprennent et je me fais applaudir, même si on a plutôt tendance à me huer pendant le reste de mon exposé.

C'est encore pire, vu d'un autre point de vue. En effet, vous prenez de l'argent de la poche de travailleurs faiblement rémunérés du reste du pays—des gens qui, dans le nouveau système, ont très peu de possibilités de recevoir des prestations d'assurance-emploi, ce qui signifie que pour eux, ce n'est pas du tout un programme d'assurance—pour verser de l'argent à un programme pervers qui encourage les gens à ne pas poursuivre leurs études. C'est une politique infâme. Vous allez piéger des gens.

N'allez pas croire que le Canada atlantique et les petites localités ne peuvent pas créer de l'emploi et favoriser la croissance. Ils le faisaient avant que ce système ne soit mis en oeuvre.

C'est une réaction rationnelle à une politique irrationnelle qui a fait augmenter le taux de chômage et a créé des pénuries de travailleurs au moment où il y avait un taux de chômage à deux chiffres et où, à certains mois de l'année, il y avait deux fois plus de prestataires de l'assurance-chômage qu'il n'y avait officiellement de chômeurs. Une étude récente du ministère des Ressources humaines a révélé qu'au Canada atlantique les gens qui touchent des prestations d'assurance-chômage ne se considèrent pas au chômage et ne cherchent pas à trouver du travail.

Vous ne devez pas piéger une nouvelle génération. Vous devez traiter généreusement les gens qui se sont déjà fait prendre dans ce cycle, mais cela n'autorise pas à retourner à une politique perverse qui suscite une véritable tragédie humaine.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur McMahon. Nous allons maintenant passer à M. Van Audenrode.

M. Marc Van Audenrode (professeur en économie, Université Laval): Merci, madame la présidente. Merci de nous avoir invités aujourd'hui. Je dois m'excuser avec mon collègue de ne pas avoir apporté de document: nous n'avons été prévenus que lundi; c'est donc un peu court comme délai.

• 1535

[Traduction]

Tout d'abord, permettez-moi de dire que je suis certain que nous avons tous ici le même objectif, celui d'assurer que l'assurance-emploi ou l'assurance-chômage soit un bon régime d'assurance-emploi, c'est-à-dire un régime qui permette le moins possible les abus et les recours inappropriés tout en donnant à tous les travailleurs les encouragements nécessaires pour retrouver du travail le plus rapidement possible.

Si mon collègue, Pierre, et moi sommes ici aujourd'hui, c'est parce que nous avons fait, au nom de Ressources humaines Canada, une étude où nous avons évalué l'incidence de la règle d'intensité pendant sa première année d'application.

La règle d'intensité a été une innovation très intéressante de la Loi sur l'assurance-emploi. C'est une mesure très originale. Personne d'autre dans le monde ne se sert d'une règle comme celle-là pour son régime d'assurance-emploi. Les États-Unis ont une certaine expérience des cotes accordées aux employeurs, mais non aux travailleurs. Étant donné que nous nous sommes lancés dans un domaine où, essentiellement, nous avons la primeur, nous avons pensé qu'il serait intéressant de voir et d'évaluer l'incidence de cette règle sur les personnes concernées.

Avant d'aller plus loin, permettez-moi de dire quelque chose. Si nous voulons changer les règles du régime d'assurance-emploi et si la règle d'intensité a été créée, c'est parce que certaines personnes croyaient que les chômeurs seraient incapables de changer de comportement et d'adopter un comportement mieux adapté aux objectifs du système dans son ensemble et du régime d'indemnisation de chômeurs.

La question essentielle est de savoir si ce changement de comportement s'est produit chez les chômeurs qui ont souffert ou qui étaient susceptibles de souffrir de l'adoption de la règle d'intensité. C'est là le sujet de notre étude. Pour l'essentiel, la conclusion de l'étude est très simple. Nous constatons des modifications de comportement. Nous constatons que certains travailleurs accélèrent leur retour au travail lorsqu'ils sont affectés par la règle d'intensité ou risquent de l'être. Toutefois, la réalité, c'est que cette incidence est très légère. La seule leçon à tirer de l'application de la règle d'intensité à ce moment- ci, c'est qu'elle fait du tort à bien des gens pour avoir une bien petite incidence sur le comportement des chômeurs.

Nous pourrions nous demander pendant des heures pourquoi, en réponse à la règle d'intensité, ces gens n'adoptent pas plus le comportement souhaité. Mais, au point où nous en sommes, c'est une question sans importance. Nous pouvons affirmer qu'actuellement la règle ne permet pas d'atteindre les objectifs voulus et fait du tort à beaucoup de gens. Eu égard à cette conclusion, l'idée de s'en débarrasser ou de la modifier est tout à fait appropriée.

Merci.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci beaucoup, monsieur Van Audenrode. Nous allons maintenant passer à M. Audas.

[Traduction]

M. Rick Audas (professeur, Université du Nouveau-Brunswick): Merci beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser au comité aujourd'hui.

Mes observations sont fondées sur une étude que nous avons effectuée ensemble l'été dernier, David Murrell, de l'Université du Nouveau-Brunswick, et moi-même. Nous avons adopté une perspective légèrement différente. Dans une grande mesure, nous trouvons que les gens qui sont actuellement dans le système et qui sont au chômage ont beaucoup de difficulté à s'adapter. Dans une grande mesure, leur sort au sein du marché du travail est prédéterminé. Nous pensons que, si l'on veut apporter des correctifs, les modifications proposées seront relativement mineures. Nous nous sommes donc surtout concentrés sur l'effet du système sur les jeunes, parce que nous pensons que ce sont eux qui ont le plus à gagner de cette politique.

Il y a deux ou trois choses que je tiens à souligner. La première, c'est que l'AE est extrêmement importante au Canada atlantique. Elle a eu un certain nombre d'effets positifs, en ceci qu'elle offre un complément au revenu pour beaucoup de gens dans le besoin. Je crois que nous ne devrions jamais oublier cela. Toutefois, nous devons également nous rappeler que les effets ont aussi été négatifs à bien des égards, dans la mesure où, dans de nombreuses localités, le système s'est institutionnalisé. Modifier les règles de l'AE, revient à avoir un impact significatif sur le Canada atlantique. Nos préoccupations portent essentiellement sur les dispositions quant à la récupération fiscale et à l'intensité du projet de loi C-2.

• 1540

Nous nous rendons certainement compte que notre étude entraîne certains problèmes méthodologiques. Toutefois, en l'absence de discussions et de preuves plus solides, nous estimons qu'il s'agit en fait de renseignements importants. Nous nous sommes servis des chiffres tirés d'une enquête de Statistique Canada sur les finances des consommateurs en 1987 et en 1997. C'est, grosso modo, dans la même phase que le cycle des affaires, bien qu'il y ait un écart de 10 ans. C'est là le principal problème de notre étude. Il est difficile de déterminer dans quelle mesure les effets que nous observons sur le marché du travail sont dus à la réforme des politiques et dans quelles mesures ils sont dus à des changements cycliques.

Comme je l'ai dit, ce sont les jeunes qui sont notre centre d'intérêt pour cette étude, puisque ce sont eux qui offrent la plus grande capacité d'adaptation et qui souffriront le plus s'ils tombent dans le cycle d'alternance du travail saisonnier et de l'AE. Au cours de son histoire, le Canada atlantique a beaucoup trop compté sur les industries saisonnières et, dans une grande mesure, cela a fait obstacle à la relance économique de la région.

Nous avons tiré un certain nombre de conclusions. Les réformes des années 90, celle de 1994 et celle de 1996, ensemble, ont entraîné une augmentation considérable de la durée annuelle du travail pour les jeunes Canadiens, âgés de 18 à 29 ans. La plus grande augmentation du temps travaillé s'est produite dans les régions rurales du Canada atlantique, où, en 1997, les gens ont travaillé presque quatre semaines de plus qu'en 1987. Au Canada, le pourcentage des jeunes prestataires, dans les régions tant urbaines que rurales, a énormément diminué. Dans les régions rurales du Canada atlantique, il a diminué de 18 points de pourcentage, passant de 43 p. 100 à 24 p. 100.

Les jeunes Canadiens ont considérablement augmenté leur niveau de scolarité. Au Canada atlantique, dans les zones urbaines, les taux de scolarité sont passés de 20,9 p. 100 à 32,7 p. 100, ce qui, en fait est actuellement supérieur à la moyenne nationale. Les jeunes des régions rurales du Canada atlantique ont augmenté leur scolarité, passant de 16,1 p. 100 à 24,5 p. 100.

De plus en plus, les jeunes Canadiens de l'Atlantique choisissent des professions plus prometteuses. Nous pensons que cela est directement lié aux réformes de principe adoptées en 1996, et c'est pourquoi nous trouvons que les défaire maintenant pourrait entraîner des risques graves. Ces jeunes sont plus susceptibles de passer à des activités de gestion ou de ventes, à trouver de l'emploi dans les sciences naturelles plutôt que dans l'exploitation minière, le bâtiment, l'agriculture et la foresterie. En dépit de ces améliorations, les jeunes Canadiens de l'Atlantique continuent à travailler dans des professions saisonnières à un taux beaucoup plus élevé que la moyenne nationale. L'un des objectifs des réformes de l'AC et de l'AE était de rendre suffisamment rebutant pour les jeunes les métiers saisonniers, qui tendent à beaucoup favoriser le recours à l'AE et au supplément de revenu.

Après les réformes de 1996, nous avons encore un certain nombre de préoccupations. La proportion de gens à revenus élevés du Canada atlantique qui reçoivent de l'assurance-emploi... lorsque je parle de revenus élevés, j'entends plus élevés que 45 000 $, et je n'ai pas de difficulté à dire que c'est un revenu élevé, puisqu'il est plus élevé que le traitement initial des professeurs de mon université. Pour ce qui est du montant des prestations reçues, les Canadiens de l'Atlantique reçoivent systématiquement le double de la moyenne nationale. Les personnes à faible revenu ont eu beaucoup plus de difficultés à obtenir de l'assurance-emploi. C'est là encore une des préoccupations que suscite la réforme en matière d'équité: l'assurance-emploi est, de plus en plus, versée à un plus petit groupe de personnes.

La proportion des Canadiens de l'Atlantique qui reçoivent l'assurance-emploi a diminué au cours de la dernière décennie mais reste considérablement supérieure à la moyenne, avec un tiers d'hommes et un cinquième de femmes qui tirent au moins une partie de leur revenu de l'assurance-emploi. Toutefois, nous estimons que dans ce contexte, éliminer la récupération fiscale et les dispositions relatives à l'intensité, comme le propose le projet de loi C—2, ne diminuera pas beaucoup le problème. Cela permet de rendre l'emploi saisonnier et d'autres formes de travail qui dépendent systématiquement de l'assurance-emploi plus attrayants. Nous pouvons nous attendre à ce qu'un nombre croissant de jeunes, ceux qui ont le plus besoin de s'adapter, passent dans ces secteurs et catégories d'emploi, et ne réussissent pas à sortir du cycle de dépendance.

De plus, ça va perpétuer l'inégalité parmi les chômeurs, certains d'entre eux ayant des emplois relativement lucratifs, et pouvant bénéficier de prestations, et de plus en plus d'autres qui ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi et font donc face à de réelles difficultés.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur Audas. Maintenant, nous allons passer à M. Fortin. Veuillez prendre la parole, monsieur Fortin.

M. Pierre Fortin (professeur en économie, Université du Québec (Montréal)): Merci beaucoup, madame la présidente. J'aimerais seulement ajouter deux remarques à ce que mes collègues ont dit: l'une d'ordre général et l'autre d'ordre plus particulier qui touche la règle d'intensité à laquelle Marc Van Audenrode et moi avons travaillé.

• 1545

La remarque générale, c'est que le régime d'assurance-emploi canadien n'est plus, en l'an 2001, ce qu'il était en 1989. On a connu, de 1990 à 1996, une série d'amendements qui ont été nombreux et qui ont eu des effets assez importants sur le comportement du marché du travail et sur les chômeurs eux-mêmes. On peut dire qu'aujourd'hui le régime canadien d'assurance-emploi a atteint un degré global de générosité ou d'ouverture qui est très semblable à celui de l'État américain moyen. Le régime est, en effet, très proche du régime moyen que l'on observe dans les États américains, c'est-à-dire qu'il y a certains États américains qui sont plus généreux que nous, d'autres moins. Évidemment, en raison des règles variables qui existent au Canada, on peut aussi dire la même chose au sujet des diverses provinces.

Il y a une façon très simple d'expliquer ce phénomène-là. Au Canada, avant 1990, le nombre de prestataires de l'assurance-emploi représentait à peu près 75 p. 100 du nombre de chômeurs. Aujourd'hui, ce pourcentage est passé de 75 p. 100, il y a une douzaine d'années, à environ 35 p. 100. Ceci correspond à peu près exactement au rapport global qui est observé aux États-Unis: les prestataires d'assurance-emploi représentent à peu près 35 p. 100 du nombre global de chômeurs.

En raison de cette observation générale, je ne serais donc certainement pas tenté, de prime abord, d'imposer dans le régime davantage de restrictions qui toucheraient l'ensemble du Canada. Il y a peut-être des adaptations, des ajustements à faire selon les différentes régions du Canada, mais, dans l'ensemble, je pense que le gouvernement canadien a fait son devoir dans le domaine des changements à apporter à l'assurance-emploi.

La remarque particulière que je voudrais ajouter porte sur la règle d'intensité qui a été changée dans la loi de 1996. Ce que nous avons constaté, en somme, c'est que la règle d'intensité, qui fait passer progressivement les prestations de 55 à 50 p. selon le nombre de semaines de prestations obtenues au cours des cinq dernières années, a en effet incité un certain nombre de personnes qui, si l'on peut dire, «jouent» quelque peu avec le système d'assurance-emploi à chômer moins et à travailler plus. Par contre, pour la très grande majorité des prestataires, les résultats statistiques obtenus indiquent plutôt que la règle fait surtout mal aux gens qui n'ont pas le choix d'être chômeurs et à qui, essentiellement, on enlève de l'argent.

Grosso modo, les chômeurs typiques sont des gens qui, lorsqu'ils travaillent, gagnent 8 $ l'heure, travaillent 30 heures par semaine, et reçoivent donc probablement un salaire de 240 $ par semaine. Lorsqu'ils reçoivent de l'assurance-emploi, leurs prestations hebdomadaires sont de l'ordre de 132 $. Le maximum qu'on pourrait leur enlever serait une douzaine de dollars, ce qui n'est certainement pas susceptible d'avoir un effet important sur le comportement de ces gens-là. Comme on l'a clairement constaté, statistiquement—et je ne pense pas que cela soit contournable—l'effet a été relativement faible, et on pouvait s'y attendre parce que la mesure n'est pas très importante en termes de force d'impact. Passer de 55 à 50 p. 100, ce n'est pas beaucoup.

Le gouvernement aurait donc eu le choix, à la lumière de cela, de faire deux choses. Il aurait pu accentuer davantage la pénalité, ce qui aurait eu comme conséquence, peut-être, pour certaines personnes qui ont le libre choix de décider d'être chômeurs ou pas et qui s'amusent peut-être un peu avec le système, de travailler un peu plus, mais selon nos données statistiques, même si on descendait de 55 p. 100 à 40 p. 100 plutôt qu'à 50 p. 100 seulement, l'effet supplémentaire serait très faible sur l'incitation à chômer moins. Par ailleurs, la grande majorité des chômeurs, qui n'ont pas le choix du nombre de semaines de chômage qu'ils ont à subir, seraient durement frappés.

• 1550

L'autre possibilité, c'est tout simplement de supprimer cette mesure-là parce qu'on constate qu'aller plus loin causerait beaucoup plus de dommages et rapporterait peu d'avantages et que ce qu'on a fait jusqu'ici a tout au plus effleuré un problème attribuable principalement au manque d'emplois dans les régions durement frappées par le chômage.

Finalement, je pense que la principale politique sociale que le gouvernement canadien doit adopter est de chercher par tous les moyens à appliquer des mesures qui feraient baisser le chômage partout au Canada. Donc, la meilleure politique sociale pour le Canada, c'est de maintenir le taux de chômage à son plus bas niveau possible dans toutes les régions. Ce n'est pas en cherchant à jouer sur la marge par une mesure comme celle-là, en la rendant plus dure, qu'on obtiendra un impact important.

C'est pourquoi moi, personnellement, ainsi que mon collègue appuyons carrément l'amendement proposé, soit supprimer l'expérience de la règle d'intensité.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci à vous, monsieur Fortin, ainsi qu'à tous nos témoins.

Nous allons maintenant entreprendre le premier tour de questions. Je vous rappelle que vous avez droit à cinq minutes tant pour les questions que pour les réponses. La première intervenante sera Val Meredith. Par la suite, Joe McGuire, Paul Crête, Raymonde Folco, Yvon Godin et John Godfrey prendront la parole.

[Traduction]

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, AC): Merci, madame la présidente, j'ai deux questions, dont l'une pour M. McMahon.

J'ai été assez surprise par vos commentaires sur la situation de la région de l'Atlantique avant les prestations de prolongation fondées sur le taux de chômage régional. Est-il possible que cette région améliore sa situation économique afin de se retrouver à nouveau à la moyenne nationale ou même, comme une année, en deçà du taux moyen de chômage national?

Lorsque M. McMahon aura répondu, j'aimerais poser une question à M. Fortin. Vous dites que beaucoup de ces gens-là n'ont pas le choix. J'aimerais vous citer un article du National Post:

    Des personnes sans emploi à Terre-Neuve refusent de travailler à un centre de télémarketing pour conserver leurs prestations d'assurance-emploi. La crainte de perdre ces prestations est trop forte pour certaines personnes qui refusent ces emplois à 7 $ de l'heure au centre d'appel de Gander de Hospitality Marketing Concepts Inc.

C'est un travail de 40 heures par semaine, à 7 $ de l'heure, qui rapporterait 280 $ par semaine. Je vous demande donc si vous trouvez vraiment que ces gens-là n'ont pas le choix?

Monsieur McMahon, si vous pouviez revenir sur ma...

M. Fred McMahon: Certainement. Je vais d'ailleurs vous donner un autre petit exemple.

Vous vous rappelez tous sans doute le jour où des ouvriers du Cap Breton ont brûlé un immeuble que construisaient des travailleurs non syndiqués. Deux mois plus tard, le président de la Banque royale à Sydney a voulu faire réparer son toit et il était prêt à embaucher des travailleurs syndiqués à n'importe quel prix. Il ne pouvait trouver personne au Cap Breton où le syndicat avait un taux de chômage de 80 p. 100. Il a donc dû aller chercher un groupe à Halifax pour réparer son toit. Ceci, parce que pour ces travailleurs, le travail à temps partiel ne valait pas le coup. On abandonnait l'assurance-chômage pour réparer le toit puis on reprenait l'assurance-chômage. C'est une distorsion horrible du marché du travail.

La réponse à votre question est qu'en effet la région de l'Atlantique peut voir sa situation économique s'améliorer. Le taux de convergence parmi les régions à la traîne du monde avancé permet un rattrapage d'environ 2 p. 100 par an. La région de l'Atlantique en était là avant l'assurance-chômage et ces autres programmes. C'est ce que l'on constate aux États—Unis, en Europe et même dans les régions retardataires du Japon.

Tout ce que l'on vous a dit aujourd'hui revient à la même chose. Il est très difficile pour des gens qui étaient piégés dans ce manège il y a des années, il y a deux générations, d'en sortir et d'aller trouver du travail. Ils ont abandonné leurs possibilités de poursuivre des études, de se perfectionner.

Ce que vous dit le témoignage de Rick, c'est que lorsque l'on retire ces incitatifs pervers du système, les gens retournent à l'école, cherchent à se perfectionner. Le marché du travail redevient plus normal.

L'expérience est faite dans le monde entier. Lorsque l'Irlande a changé de politique économique, son taux de chômage approchait 20 p. 100. Elle importe maintenant du monde. À un moment, les Hollandais avaient un million de leurs sept millions de travailleurs à l'assurance-invalidité—qui correspond pour eux à l'assurance-chômage. Ils ont renversé la situation.

La situation du Canada atlantique peut également changer, à condition que nous débarrassions le système de ces incitatifs pervers et que nous arrêtions de subventionner ceux qui cessent leurs études ou refusent du travail à plein temps.

• 1555

Nous détruisons les possibilités d'emplois dans toute la région de l'Atlantique parce que les employeurs ne peuvent trouver de travailleurs, ne peuvent se développer. Même quand ils trouvent des travailleurs, ils doivent faire face à la concurrence de ces subventions gouvernementales. Cela crée des distorsions salariales.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Fortin.

[Français]

M. Pierre Fortin: Je connais en particulier la situation dans l'est du Québec, qui est très semblable à celle de l'Atlantique, parce que j'ai vécu là pendant assez longtemps. Pour la grande majorité des chômeurs de la région de l'Atlantique, il y a toujours moyen de trouver, à gauche et à droite, des petits emplois qui peuvent faire baisser le taux de chômage de quelques dixièmes de point de pourcentage. Cependant, quand les gens sont installés dans ces régions depuis des générations et que, du jour au lendemain, vous sabrez dans les prestations d'assurance-emploi de façon importante dans le but précis de créer de nouvelles incitations à travailler, la conséquence sera tout simplement... Ce que je veux dire, c'est que ces emplois-là ne se créeront certainement pas par la seule opération du Saint-Esprit. Il n'y aura pas plus d'emplois dans ces régions-là.

S'il y a beaucoup d'emplois en Hollande et en Irlande, par exemple, comme M. McMahon l'a souligné très pertinemment, ce n'est pas parce que l'assurance-emploi a été coupée. C'est tout simplement parce qu'une très forte demande s'est produite et que des pactes sociaux ont été créés entre le monde syndical et le monde patronal. On s'est entendu pour accepter des augmentations très modérées de salaire et, de ce fait, la main-d'oeuvre est devenue disponible. Pour les entreprises, c'est très rentable. Donc, le progrès, dans ces pays-là, est venu d'une demande très forte du côté des employeurs et non pas des baisses de l'assurance-emploi.

Si vous réduisez l'assurance-emploi dans l'est du Québec ou dans la région de l'Atlantique, la conséquence sera que ces gens-là devront se déplacer dans d'autres régions du pays. Comme ce ne sont pas, la plupart du temps, des gens qui ont des compétences particulières, qui ont reçu une instruction et acquis des compétences leur permettant d'avoir de bien meilleurs emplois, même l'incitation à se déplacer va demeurer très faible. Ce qui va se produire, c'est que vous allez tout simplement transférer tous ces gens-là à l'aide sociale.

À ce moment-là, bien sûr, le budget du gouvernement fédéral va s'en trouver amélioré, mais les budgets provinciaux vont s'en trouver alourdis. Donc, il y aura un déplacement de l'assurance-emploi vers l'aide sociale et peut-être, en partie, une migration de gens vers le centre-ville de Montréal ou de Toronto sans qu'il y ait beaucoup plus d'emplois.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Je m'excuse, mais le temps qui vous est alloué est épuisé, madame Meredith. Si vous le voulez, vous pourrez reprendre la parole au prochain tour de questions.

[Traduction]

Mme Val Meredith: Je voulais juste dire que...

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Vous voulez un autre tour?

[Français]

Donc, au prochain tour de questions. Joe McGuire, Paul Crête, Raymonde Folco, Yvon Godin et John Godfrey.

[Traduction]

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Je veux simplement dire que je suis de la région de l'Atlantique et que mes souvenirs de la situation économique de cette région ne sont pas aussi utopiques que ceux de M. McMahon. Dans la région rurale où je vivais, des exploitations agricoles entières étaient laissées à l'abandon le long de la plupart des routes rurales de l'Île-du-Prince-Édouard. Les pêcheurs vivaient pratiquement de ce qu'ils pêchaient—ils ne gagnaient pas un sou pour leurs produits. Dans bien des cas, surtout dans les provinces comme Terre-Neuve, ils n'avaient rien pour vivre entre les saisons sauf la charité de leurs collectivités.

Lorsqu'on a instauré les prestations selon un taux régional, cela a donné aux Canadiens de cette région qui restaient dans ces entreprises saisonnières un certain respect de soi—quelques-uns des biens temporels dont jouissaient les autres.

• 1600

Je crois que si nous avions été traités de la même façon que la République irlandaise ces 30 dernières années au sein de l'Union européenne, avec les investissements des États-Unis et de l'Allemagne en particulier, et les milliards de dollars que cela a représenté, et avec les arrangements économiques dont elle bénéficiait, nous nous en tirerions également assez bien. Mais nous n'avons pas eu ces investissements. Tous les 10 ans, 70 000 Canadiens de la région de l'Atlantique s'en vont et c'est probablement moins qu'avant l'introduction de l'assurance-emploi. Il y a des gens qui souhaitent rester dans cette région. Nous ne pouvons pas tous partir ailleurs.

Dans bien des cas, le choix pour les travailleurs de ces emplois saisonniers serait l'assistance-sociale, si ce n'était pas l'assurance-emploi, comme l'a dit M. Fortin. Alors, quand vous dites que vous nous tuez à force de bonté, je ne suis pas très convaincu.

Val a parlé des 7 $ de l'heure. Ma foi, que ferait-elle si elle se trouvait à Terre-Neuve et qu'on lui offrait 7 $ de l'heure pour 280 $ par semaine et qu'elle gagnait 360 $ à l'assurance-emploi? Elle continuerait de toucher l'assurance-emploi. Alors pourquoi la société qui offrait 7 $ de l'heure ne paierait-elle pas un salaire qui lui permette de vivre, plutôt que 7 $ de l'heure? Comment pensez-vous que quelqu'un peut vivre avec 7 $ de l'heure? Si ces sociétés veulent s'installer dans la région de l'Atlantique et payer ce genre de salaires, je leur conseille de rester où elles sont.

Pour ce genre de chose, quelle est la solution économique? Quel plan avez-vous pour créer des emplois à plein temps dans la région de l'Atlantique? Ce n'est pas en critiquant l'assurance-emploi qu'on réglera le problème.

Rick, votre étude a porté sur les années 1987 à 1997, ce qui ne comprend pas les années où les changements ont vraiment eu un effet sur les jeunes, comme les 910 heures, etc. S'il y a eu un changement positif avant 1997, il l'a été encore beaucoup plus après cette date, parce qu'il est devenu beaucoup plus difficile pour les jeunes de devenir admissibles à l'assurance-emploi une première fois.

Peut-être que M. McMahon voudrait répondre à cela.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur McMahon, vous avez une demi-minute.

M. Fred McMahon: Tout d'abord, vous avez tout à fait raison. Tout un éventail de politiques économiques sensées sont nécessaires pour provoquer la croissance. En Irlande, on a considérablement diminué les impôts et on s'est entendu avec les syndicats, les employeurs et le gouvernement pour modérer la hausse des salaires. Les syndicats parlaient de conserver les salaires bas pour améliorer les bénéfices en Irlande. Cela a permis de créer énormément d'emplois.

Les subventions de l'Union européenne en Irlande sont une petite fraction de l'argent que le gouvernement fédéral a versé à la région de l'Atlantique et l'Irlande n'avait pas de problème de chômage. Nous pourrions adopter des politiques sensées dans la région de l'Atlantique, diminuer les impôts et s'entendre sur des salaires raisonnables afin de pouvoir attirer des investissements.

En Irlande, il y avait aussi un problème d'assurance-chômage, comme dans la région de l'Atlantique. Aux pires moments d'une politique économique désastreuse, il y avait plus de monde qui percevait des prestations de l'assurance-chômage que de chômeurs officiels. Je me souviens d'avoir parlé à un chef syndical qui disait qu'ils avaient créé dans leurs villes des secteurs où il y avait deux générations sans aucune expérience professionnelle et qu'il leur fallait s'en occuper. Il reconnaissait le problème. Une des réformes qu'ils ont apportées en Irlande fut de réviser le régime d'assurance-chômage. Mais vous avez tout à fait raison: des réformes plus larges et plus globales sont nécessaires pour que cette région devienne une région qui attire des entreprises susceptibles de créer des emplois.

Comme j'ai dit à propos des statistiques, si on considère la situation dans les années 60 et jusqu'au moment où l'on a adopté la prolongation des prestations d'assurance-emploi en fonction du taux de chômage régional—je suis sûr qu'il y avait des cas difficiles et je ne dis pas que c'était le paradis sur terre—enfin jusque-là, la région de l'Atlantique, si l'on considère le revenu par habitant, se développait nettement plus vite—plus vite!—que le reste du pays. Son chômage, même à l'I.P.E., se rapprochait de la moyenne nationale. Puis on a commencé à subventionner les secteurs saisonniers par ce programme.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Avez-vous des commentaires, monsieur McGuire?

[Traduction]

M. Joe McGuire: Ma foi, je ne sais pas où sont allés ces gens-là. Sur la route rurale où je vivais, il y avait des fermes en exploitation d'un bout à l'autre de la route et pratiquement tout le monde est parti. On commence à reprendre l'exploitation et certains ont l'intention de retourner à la terre, mais dans les années 60 et 70, il ne restait personne. C'était pourtant de bonnes terres agricoles. Ce n'était peut-être pas simplement une question d'assurance-emploi. Il y avait d'autres questions économiques, mais...

M. Fred McMahon: Il y a une véritable adaptation de rural à urbain.

M. Joe McGuire: ...il y a énormément... Les Canadiens de l'Atlantique sont les gens les plus mobiles au Canada. Depuis la Confédération, nous sommes toujours allés ailleurs, que ce soit à Boston, aux États-Unis, à Montréal, Toronto ou Calgary. J'estime que les gens qui restent devraient pouvoir participer à une partie de la richesse de notre pays.

• 1605

M. Rick Audas: Sans aucun doute.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Peut-être que nous pourrions attendre le prochain tour car nous devons maintenant passer à quelqu'un d'autre.

[Français]

Maintenant, nous allons passer la parole à Paul Crête, puis ce sera à Raymonde Folco, Yvon Godin et John Godfrey.

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, madame la présidente.

Monsieur McMahon, j'ai de la sympathie pour vous parce que je n'ai pas vécu de mauvaises années comme celles que vous avez vécues. Dans mon jeune temps, les gens de mon âge avaient le goût de travailler et il n'y en avait pas tant que cela qui essayaient de profiter du système ou de le flouer. En général, c'était des gens qui essayaient de gagner leur vie.

L'autre remarque que je veux faire, c'est que vous n'avez pas à craindre pour les jeunes; comme il faut 910 heures pour se qualifier, ils n'y arrivent plus. Il y en a 25 p. 100 qui se qualifient et il y en a 75 p. 100 qui ne se qualifient pas. Ils ne seront jamais touchés par la règle d'intensité car ils ne touchent pas de prestations d'assurance-emploi. Donc, cela n'aura pas nécessairement d'effet sur eux.

Je voudrais vous poser une question en essayant d'utiliser des termes d'économiste. Quelqu'un qui gagne 500 $ par semaine recevra une prestation de 275 $, si on la calcule à 55 p. 100. Si on la calcule à 50 p. 100, elle sera de 250 $. Si le salaire était de 600 $ par semaine, ce serait 330 $ ou bien 300 $. S'il était de 700 $ par semaine, ce serait 385 $ ou bien 350 $.

Pensez-vous sérieusement que quelqu'un qui est au chômage et qui reçoit 275 $ préférerait tout à coup retourner au travail parce qu'on ne lui accorderait plus que 250 $ à cause de la règle d'intensité? Savez-vous ce que cela veut dire que d'essayer de faire vivre une famille avec 250 $ par semaine, pendant la période de chômage, alors qu'on gagne 25 000 $ par année en travaillant? Avez-vous déjà essayé de vivre avec 250 $ par semaine en ayant une famille? Avez-vous déjà essayé de le faire?

La personne qui serait ainsi touchée par ce 25 $ de moins jetterait un coup d'oeil de l'autre côté et verrait que le régime a généré un surplus de 28 milliards de dollars. Elle se dirait qu'on lui coupe 25 $ par semaine parce qu'on la considère comme un chômeur volontaire, comme quelqu'un qui ne veut pas travailler, alors que, par ailleurs, on accumule un surplus de 28 milliards de dollars.

Où se trouve l'équité là-dedans, monsieur McMahon? Est-ce que vous pensez vraiment que quelqu'un à qui on enlève 5 p. 100 chôme moins longtemps et moins délibérément que si on lui laissait ce 5 p. 100? Le montant n'est pas suffisant pour avoir un effet réel. Son seul effet est un appauvrissement.

[Traduction]

M. Fred McMahon: Je conviens avec mes collègues que les règles ne vont pas tellement toucher ceux qui sont déjà piégés dans le système. J'ai dit, et je répète, qu'il nous faudrait aider généreusement ceux qui se sont laissés piéger par le système, qui n'ont pas poursuivi leurs études et ne sont pas devenus entrepreneurs, professeurs, médecins ou ingénieurs qualifiés. Ces gens-là doivent être traités avec générosité. Ce qu'il nous faut, c'est d'éviter de piéger la prochaine génération.

[Français]

M. Paul Crête: Monsieur McMahon, la prochaine génération ne peut pas s'introduire dans le système parce qu'elle ne se qualifie pas selon les règles du régime. Quand on aura redonné aux jeunes l'accès au régime, quand on leur permettra de se qualifier de façon satisfaisante, on pourra se poser la question que vous nous posez là. Quand ils ne sont que 25 p. 100 à pouvoir se qualifier, comment voulez-vous que la règle de l'intensité s'applique à eux? Ils ne peuvent même pas se qualifier au régime. Ils paient des cotisations mais ne peuvent se qualifier.

Aujourd'hui, les jeunes qui ont une bonne formation ont un emploi. Ils se trouvent de l'emploi et vivent convenablement. Mais il y en a d'autres qui sont en chômage et qui ne se qualifient pas pour avoir droit aux prestations du régime. Ce n'est pas la règle de l'intensité qui va leur donner le goût du travail; ils ne reçoivent pas de subventions et, par conséquent, ne ressentiront pas l'effet négatif de la règle d'intensité.

[Traduction]

M. Fred McMahon: Il y a là deux facteurs. Étant donné la destruction d'emplois dont sont responsables dans la région de l'Atlantique, l'assurance-chômage et l'assurance-emploi, il va falloir du temps pour recréer des emplois, et c'est une autre raison pour laquelle je dis qu'il nous faut nous montrer généreux vis-à-vis de ceux qui se sont laissés piéger par le système.

Une des inégalités du Régime actuel d'assurance-emploi, c'est que dans certaines parties du pays, comme vous le signalez, il est à peu près impossible de toucher des prestations alors que dans d'autres secteurs, c'est devenu pratiquement un droit et un mode de vie. Rick est peut-être mieux placé que moi pour en parler. C'est horrible, mais il faut dire qu'en Alberta, dans certaines régions du Québec, etc., il est presque impossible de percevoir des prestations d'assurance-emploi si bien que l'on a absolument aucune assurance, alors que dans certaines régions de l'Atlantique, dans certains secteurs, les gens modifient entièrement leur vie et leur mode de travail pour en percevoir.

Vouliez-vous faire un commentaire?

M. Rick Audas: Oui, les témoignages...

• 1610

[Français]

M. Paul Crête: J'ai une question, monsieur McMahon. Avez-vous déjà essayé de couper des arbres en forêt au mois de février? J'aimerais que vous répondiez à cette question. D'autre part, vous essaierez d'aller à la pêche en mer pendant l'hiver... Puis dans les usines, que fait-on quand il n'y a plus de poisson à trancher? Que fait-on avec ces gens-là pendant ce temps? Doivent-ils déménager dans l'Ouest?

[Traduction]

M. Rick Audas: Le fait est que ces gens-là—vraiment, beaucoup d'entre eux, en particulier dans le secteur des pêches—gagnent beaucoup d'argent les semaines où ils peuvent travailler. Nos études révèlent que dans bien des cas, dans la région de l'Atlantique, les gens gagnent plus de 80 000 $ par an et touchent tout de même des prestations d'assurance-emploi. Il y a énormément de cas d'employés de secteurs saisonniers qui touchent de bons revenus. Je crois que ce qu'il faudrait, c'est que ces secteurs saisonniers offrent du travail à plus long terme, de sorte que ces gens-là ne travaillent pas 10 semaines, mais bien 20 ou 30 semaines et touchent un revenu qui s'approche d'un revenu à plein temps pour l'année. Je pense que c'est l'essentiel.

Autre point sur lequel nous devons nous arrêter, c'est le changement d'attitude. Essentiellement, l'objet de notre étude consistait à voir comment nous pourrions faire pour que les jeunes ne considèrent pas cela comme un mode de vie viable. Il faut qu'ils essaient de trouver des emplois non saisonniers et de sortir de ce piège. Il me semble extrêmement injuste de savoir que ce problème existe, de voir ce qui se passe et de ne rien faire à ce sujet.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Un commentaire?

M. Paul Crête: Oui, madame la présidente. Je n'ai pas de problème avec cela, mais nous voulions que le comité voyage pour visiter les régions. Je pense plutôt que ce sont le comité et les témoins qu'il faudrait emmener en voyage pour visiter la population et voir ce qui se passe vraiment sur le territoire.

[Traduction]

M. Rick Audas: Je suis de la région. J'ai été élevé dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

M. Paul Crête: Je rigole, mais ce n'est pas drôle du tout, parce que votre vision des jeunes et des travailleurs de l'industrie saisonnière est qu'il s'agit de gens qui font cela volontairement, et ça, c'est totalement inacceptable.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, Paul. On reviendra peut-être à d'autres commentaires plus tard. Donc, Raymonde Folco, Yvon Godin, John Godfrey et Carol Skelton.

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente. J'allais répondre également que même si on ne voyage pas, on apprend beaucoup de choses au sein de ce comité lorsqu'on reçoit des témoins comme ceux ici présents.

Lorsque j'entends des commentaires où on utilise un langage comme

[Traduction]

«pot-de-vin» et «piège gouvernemental»

[Français]

par rapport à l'assurance-emploi, ce sont des mots que je trouve, comment dire de façon polie, irréalistes. Je ne veux pas dire qu'ils sont déplacés mais qu'ils sont irréalistes par rapport à la situation. J'ai vécu moi aussi quelque temps à Terre-Neuve, dans le nord du Nouveau-Brunswick et j'ai vu quelles étaient les conditions de travail. Dieu merci, j'y suis allée au cours de l'été, alors que c'était relativement facile. Dans une partie de mon comté également, les gens font face à un chômage chronique.

Nous vivons dans un pays qui a pris ses responsabilités par rapport aux citoyens, et je suis très contente de pouvoir dire que je fais partie des personnes qui croient que le gouvernement a un rôle à jouer par rapport à cette partie de la population qui vit des situations difficiles. Et je crois que, dans le contexte de l'assurance-emploi, il est de la responsabilité du gouvernement de ne pas laisser les forces du marché dicter qui va travailler ou qui ne va pas travailler; on ne peut pas tout simplement laisser le marché décider comment cela doit se passer ici, au Canada.

Quelqu'un a comparé notre pays aux États-Unis. La comparaison est peut-être appropriée sous certains aspects, mais il y a une comparaison qui ne correspond pas tellement: c'est que nous sommes responsables envers nos citoyens, ce que nous voyons un peu moins au sud du Canada.

Une personne venue témoigner hier nous disait qu'à cause de l'assurance-emploi, les gens ne se préoccupent pas de travailler, malgré le fait que les entreprises ont besoin d'employés. Il est vrai que partout où nous voyageons, où je voyage, des affiches montrent en toutes lettres: «Nous avons besoin d'employés, nous embauchons». Je crois qu'un des grands problèmes auxquels nous faisons face consiste en ce que la population n'est peut-être pas suffisamment formée pour satisfaire aux exigences des entreprises. Il y a donc, à mon sens, un problème de formation d'une certaine portion de la population pour qu'elle puisse être embauchée. C'est l'un des problèmes importants.

Le système ou le concept de l'assurance-emploi est un système à l'intérieur d'un plus grand système, d'un plus grand contexte, soit que le gouvernement canadien est un gouvernement qui vient en aide aux personnes qui veulent rentrer à la maison s'occuper de leurs jeunes enfants. Je parle ici du congé de maternité ou des congés parentaux, qui aident aussi notre société à plus long terme.

• 1615

Donc, j'aimerais bien entendre en particulier de M. Fortin parce que j'ai entendu bien des choses très intéressantes de sa part. J'aimerais bien qu'il nous dise comment il verrait cette nouvelle loi de l'assurance-emploi en tenant compte du plus grand contexte des autres objectifs que le gouvernement s'est donnés.

M. Pierre Fortin: Dois-je répondre tout de suite?

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Oui.

M. Pierre Fortin: Qu'est-ce que vous entendez quand vous me demandez comment je verrais l'assurance-emploi dans le contexte des autres objectifs? Quels sont-ils?

Mme Raymonde Folco: C'est-à-dire qu'hier, quelqu'un a nié devant nous ce que les chiffres semblent indiquer, soit que l'élimination de la règle d'intensité va nous amener moins de gens qui vont demander des prestations et ainsi de suite.

Vous semblez avoir des chiffres. Vous nous en avez donné aujourd'hui. Je pense que M. Van Audenrode en a également et vous en avez parlé. Ces chiffres-là nous ont justement amenés à vouloir revoir la loi de 1996. J'aimerais que vous me parliez, non seulement de l'impact de l'élimination de la règle d'intensité, mais aussi de ce que cela pourrait vouloir dire dans les régions, non seulement par rapport à l'assurance-emploi, mais aussi par rapport aux autres programmes de notre gouvernement. Je ne sais pas si vous êtes en mesure de le faire.

M. Pierre Fortin: Est-ce que vous voulez parler de l'interaction entre le programme d'assurance-chômage et les programmes provinciaux d'aide sociale?

Mme Raymonde Folco: Ce pourrait être le cas, oui, si vous désirez le faire.

M. Pierre Fortin: En ce qui concerne les programmes provinciaux, ce que j'ai observé dans une étude que j'ai faite il y a trois ans, c'est qu'il y avait eu effectivement, dans une certaine mesure, un reflux de chômeurs qui ne pouvaient plus se qualifier pour des prestations d'assurance-emploi vers des programmes provinciaux d'aide sociale.

Pour être franc avec vous, même si j'étais globalement en faveur des amendements qui ont été proposés à l'époque, disons que je conservais une certaine réticence vis-à-vis de cela. C'est la raison pour laquelle il faut être très prudent face aux demandes des gens qui veulent qu'on continue de couper dans l'assurance-emploi. En effet, si une personne touche des prestations d'assurance-emploi, elle bénéficie d'un programme gouvernemental qui, au moins, exige qu'elle ait travaillé au préalable pour pouvoir se qualifier, alors que si elle est catapultée—si vous me passez l'expression—dans le programme d'aide sociale, il n'y a plus d'exigence qui lui est imposée pour avoir accès aux prestations gouvernementales, provinciales cette fois-là.

Donc, quand des changements transfèrent des gens d'un programme qui exige qu'on travaille pour y avoir accès à un programme qui n'exige rien sur le plan du travail, je pense qu'il y a régression du point de vue du développement du travail, du développement de l'emploi au Canada. Si vous me parlez de la discussion qui a lieu aujourd'hui sans revenir sur ce qui a été fait en 1990, 1994 et 1996, les cheveux me dresseront sur la tête si on me dit qu'il faut encore renforcer toutes les contraintes déjà imposées.

Je suis soulagé de voir que le comité nous prend au sérieux, dans un certain sens, quand nous disons que l'effet de la règle d'intensité a été faible. Il y en a eu un, mais il a été faible et n'a pas vraiment changé le comportement des gens comme l'avaient prévu certaines personnes. Donc, c'est une mesure qu'il est tout à fait souhaitable de simplement supprimer.

Il n'est pas mauvais qu'un gouvernement dise qu'il s'est trompé, qu'il est allé trop loin. Rétablissons la règle antérieure puisque c'était la meilleure.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Fortin, on doit passer à l'autre tour de questions: Yvon Godin, John Godfrey, Carol Skelton, Alan Tonks, Monique Guay.

Yvon.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, madame la présidente.

Premièrement, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue même si je n'aime pas avoir à entendre ce que certaines personnes ont à dire. Je pense, en effet, que vous avez complètement manqué le bateau dans la région de l'Atlantique. Absolument.

• 1620

Je pense que vous ne comprenez pas la pêche ou bien qu'au cours de vos études, vous l'avez laissée tomber. C'est bien beau, l'université, et je suis tout prêt à en faire la promotion, mais vous serez d'accord avec moi qu'il ne faut pas quatre années d'université pour travailler dans l'industrie de la pêche et à la transformation dans une usine de poisson. Vous aimez bien le homard. J'ai utilisé cet exemple bien souvent, que ce soit à Toronto ou même à Fredericton, sur la rivière Saint-Jean, où il n'y a pas de homard. Pourtant, quand j'y vais, je vois les gens de Fredericton manger du homard qui vient de chez nous, de la Baie des Chaleurs. Il faut donc des gens qui travaillent à la transformation.

Voici une de mes questions. Êtes-vous en train de nous dire qu'il faut laisser tomber cette industrie complètement et en sortir ceux qui y travaillent? Sinon, est-ce que votre recommandation est: travaille 10 ou 15 semaines et passe au bien-être social? Ne serait-il pas possible d'instaurer une industrie capable d'absorber les gens pendant une partie de l'année afin qu'ils puissent ensuite retourner à l'industrie de la pêche pour continuer à faire la transformation du poisson. C'est une de mes questions.

Deuxièmement, on disait tout à l'heure qu'il y a des entreprises qui cherchent à combler des emplois. M. Audas, de l'Université du Nouveau-Brunswick, sera ou non d'accord avec moi, mais je vais lui citer un exemple de chez nous.

La CIBC a installé un centre d'appels à Fredericton, où le taux de chômage est de 4,5 p. 100. L'entreprise a reçu 750 000 $ du gouvernement provincial du Nouveau-Brunswick. Pourquoi n'a-t-elle pas installé son centre dans la péninsule acadienne où il y a des francophones? Les téléphones sont bien plus faciles à déménager que les gens. Par la suite, ils se lamenteront en disant que personne ne veut travailler pour eux. On installe des centres d'appels dans des gros centres comme Toronto, Moncton et Halifax alors que les gens des régions rurales n'ont pas de travail. Est-ce que ce ne serait pas là la solution?

Troisièmement, peut-être que nous sommes une bande de sans dessein chez nous. Nous devrions peut-être nous dire que nous allons pêcher et que personne au pays n'aura le poisson avant que nous l'ayons transformé complètement, que nous allons couper notre bois, dresser des barricades et faire nous-mêmes les deuxième et troisième transformations. De cette façon, nous pourrons travailler. Demain, il n'y aura pas d'industrie à Toronto, il n'y aura pas d'industrie à Vancouver, il n'y aura pas d'industrie à Montréal et nous, nous travaillerons 12 mois par année.

Il y donc seulement une telle quantité d'ouvrage. Vous, gens d'université et économistes, vous êtes-vous arrêtés à ces petits points qui causent tant de mal aux gens du monde rural?

Je sais que je suis en train d'occuper le temps que j'aurais pour obtenir des réponses. Le pêcheur qui fait 80 000 $ par année, avez-vous calculé qu'il doit posséder un bateau, engager un homme de pont qui travaille sur ce bateau et payer pour le réparer quand c'est nécessaire? Son revenu de 80 000 $ équivaut peut-être à seulement 20 000 $.

Ce sont là les questions que j'ai essayé de vous présenter. Quelles réponses leur donnez-vous? Le contenu de vos présentations me donne à penser—vous m'en excuserez—que vous êtes restés trop longtemps à l'université. Vous avez oublié de venir dans les régions où les gens vivent et vous font vivre aussi grâce à leurs taxes.

[Traduction]

M. Rick Audas: Il y a l'argument de la tour d'ivoire.

M. Yvon Godin: Je suis prêt à discuter.

M. Rick Audas: Apparemment. Le chiffre de 80 000 $ a été soumis à Statistique Canada comme revenu, c'est-à-dire après impôts et dépenses. C'est un revenu, un revenu réel.

Ce que nous voulons dire, et ce que nous essayons d'expliquer... Nous ne préconisons pas une telle réforme, nous ne préconisons pas d'éliminer l'assurance-emploi. Je ne propose pas des solutions plus strictes. Ce que nous disons, c'est qu'il nous faut changer ce cycle. Il faut que les gens soient employés plus de semaines par an et il nous faut trouver des moyens novateurs pour y parvenir. Je ne dis pas qu'on réglera tout en modifiant l'assurance-emploi. Ce n'est pas vrai. Il nous faut faire preuve d'imagination.

Par exemple, il nous faut penser aux compétences qu'ont ces gens-là. Dans une large mesure, nous sous-estimons leurs compétences et leurs capacités d'innover, de créer des emplois, de créer de la richesse et de bâtir une région plus prospère. C'est essentiellement ce que nous voulons dire.

Je ne pense pas que nous vous ayons dit qu'il fallait supprimer les prestations d'assurance-emploi; nous ne sommes pas anti-ruraux ni contre...

M. Yvon Godin: C'est le sentiment de votre collègue.

M. Rick Audas: Il est libre de penser ce qu'il veut. Moi aussi.

M. Yvon Godin: Ma foi, il dit toujours que vous êtes son ami et je pensais que c'était réciproque.

M. Rick Audas: Ce n'est pas parce que nous avons des idées similaires à certains égards qu'elles sont forcément identiques. Nous ne sommes pas des sosies.

M. Fred McMahon: Tout d'abord, n'oubliez pas que je suis de la région de l'Atlantique et que j'ai vu comment fonctionnait le système et quels effets il avait.

M. Yvon Godin: Vous avez oublié d'où vous venez.

M. Fred McMahon: Cela dit, je crois que vous avez soulevé un point important, à propos du travail saisonnier, du travail rural et du secteur primaire.

• 1625

Toutes les régions du monde développé ont dû passer d'une économie reposant sur le secteur rural, primaire, même l'Ontario, pour s'adapter à une économie où il y a moins d'agriculteurs. Cette adaptation est naturelle.

M. Yvon Godin: D'accord, mais voulez-vous du homard? Voulez-vous du poisson? Voulez-vous des produits agricoles? Voulez-vous des 2 x 4 pour construire votre maison? C'est ça ma question. Oui ou non?

M. Fred McMahon: Permettez-moi de vous raconter ce qui s'est passé.

Entre 1961 et la fin des années 80, la population agricole du Canada a décliné de 60 p. 100. Ceci, parce qu'il fallait moins de monde pour labourer les champs, récolter les céréales, couper les arbres, attraper le poisson. Il y a eu d'autres éléments de production.

La façon dont nous avons exploité les pêches de l'Atlantique, qui ont présenté des problèmes écologiques, était tellement insensée que dans ce secteur primaire, il y avait deux fois et demie plus de monde à la fin des années 80 qu'en 1961.

Nous ne permettions ainsi pas à la région de l'Atlantique de s'adapter même alors à la nouvelle économie. Nous avons piégé les gens dans le cycle saisonnier. Il y avait deux fois et demie plus de monde dans le secteur des pêches à la fin des années 80 qu'en 1961. Comment pouvez-vous justifier ce genre de politique économique perverse—ce piégeage de ressources humaines dans des secteurs saisonniers sans avenir? N'allez pas me dire que c'est un processus économique naturel et que l'on n'avait pas le choix. On avait le choix et le choix aurait pu être une réaction rationnelle à cette politique irrationnelle.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur McMahon. Maintenant nous allons donner la parole à M. John Godfrey, Mme Carol Skelton, M. Alan Tonks, Mme Monique Guay, M. Jeannot Castonguay et on reviendra à M. Yvon Godin.

[Traduction]

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Merci beaucoup d'être venus. Je ne suis pas un membre régulier du comité et je vous remercie de me laisser poser une question.

Il semble que ce que nous essayons de faire en général avec la politique de l'assurance-chômage c'est de concilier trois objectifs de politique socio-économique. Tout d'abord, nous voulons que les débouchés, les emplois et les incitatifs marchent, en particulier pour les jeunes. Deuxièmement, nous voulons une certaine forme de justice sociale et de respect, en particulier pour ceux qui n'ont pas grand choix—en général les travailleurs saisonniers plus âgés. Nous essayons en troisième lieu, ce que l'on ne dit pas toujours, d'assurer la viabilité des collectivités. Nous ne croyons plus vraiment à la politique d'autorisations des Highlands.

Si je comprends bien ce que veulent dire MM. Audas et McMahon, l'incidence de tous les changements intervenus depuis 1989 serait assez positive—correspondrait au genre d'incitatifs nécessaires, en particulier pour les jeunes. Donc l'orientation politique est de façon générale, bonne. Toutefois, il est difficile, d'après eux, d'interpréter exactement quels éléments des changements proposés à l'assurance-emploi auront un effet de contre-incitatifs qui nuira au comportement.

Toutefois, lorsque j'entends M. Van Audenrode et M. Fortin, il semble qu'il y ait un facteur qui n'ait eu aucun effet, c'est la règle de l'intensité. Ce n'est pas suffisamment important. C'est également ce que disait M. Crête.

Je voudrais donc savoir si vous êtes d'accord, messieurs. Diriez-vous la même chose de la règle d'intensité? Et si ce n'est pas ce qui aura une incidence positive ou négative sur le comportement, qu'est-ce qui reste? Est-ce d'être plus généreux vis-à-vis des femmes qui veulent revenir sur le marché du travail? Est-ce la récupération fiscale ou est-ce simplement symbolique? Il me semble que vous protestiez beaucoup et que les gains que nous pourrions bien obtenir du côté de la justice sociale, et c'est ce qui semble être en cause... Il n'est pas juste de pénaliser des travailleurs âgés pour réaliser de piètres économies sans que cela n'améliore sensiblement le comportement des jeunes. Alors pourquoi n'être pas plus humain et honorer cette partie de vos trois objectifs?

Acceptez-vous l'intensité ou pensez-vous que ce n'est pas cela? Sinon, qu'est-ce qui vous fait peur?

M. Rick Audas: Je crois que c'est l'intensité mais il y a quelque chose d'important à ne pas confondre ici. Leur étude portait sur des gens qui sont actuellement au chômage et sur la façon dont cela va changer leur comportement et ils semblent dire que cela ne va pas changer grand chose. Je crois que c'est juste. Ce qui n'est pas étudié c'est la façon dont cela change quelqu'un qui envisage son avenir et son entrée sur le marché du travail et le genre d'emplois qu'il ou elle va envisager.

Certes, il s'agit de changements mineurs mais, en tant qu'économistes, nous devons considérer la marge. Nous pensons que de petites différences sont importantes à un certain niveau. Cela commence à changer la façon dont pensent les gens. Si je considère le marché du travail et que je dis qu'il y a cinq ans j'aurais pu me lancer dans un métier qui m'aurait demandé de travailler 10 ou 15 semaines par an et qu'ensuite j'aurais reçu une sorte de supplément et que ce supplément aurait été assez généreux, si l'on rend ce supplément moins généreux, il y a moins de chance que je choisisse ce métier.

• 1630

C'est important parce que cela montre que les gens peuvent s'adapter. Notre étude indique que durant les années 90, les gens se sont adaptés. Le comportement des jeunes a changé. Ils poursuivent leurs études, ils font de meilleurs choix de métier.

M. John Godfrey: Mais j'aimerais revenir à M. Fortin. Pensez-vous que pour l'ampleur de ce changement... Vous dites qu'un changement marginal ne peut avoir ce genre d'effet sur le comportement, n'est-ce pas?

M. Fred McMahon: Si l'on parle de jeunes plutôt que de...

M. John Godfrey: D'accord. Tout d'abord, on fait la distinction entre les jeunes et les moins jeunes. Je vais alors demander à M. Van Audenrode si son étude fait ressortir des distinctions dans les comportements?

M. Marc Van Audenrode: Non. Nous n'avions pas un échantillon suffisamment important pour avoir les éléments permettant d'établir une différence. Essentiellement, ils lèvent les bras. Il n'y a pas de preuve que cela pourrait avoir une incidence sur les plus jeunes. C'est possible, mais je ne puis faire de commentaires sur des preuves qui n'existent pas. Pour le moment, le seul élément de preuve quantifié que l'on ait sur l'incidence de la règle d'intensité est ce que nous avons dit et il n'y a rien d'autre.

M. Rick Audas: Il y a là un point important à soulever. C'est essentiellement parce que les données ne sont pas universellement disponibles. Les données que nous avons utilisées viennent de 1997, ce qui est la source la plus récente disponible.

M. John Godfrey: Mais vous vous intéressiez aux jeunes, à la règle de l'intensité. Avez-vous concentré votre effort sur la règle de l'intensité en ce qui concerne spécifiquement les jeunes?

M. Rick Audas: Non, de façon générale sur les changements, sur l'ensemble des changements.

La vice-présidente (Mme Val Meredith): Monsieur Godfrey, c'est tout?

Carol Skelton.

Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosstown—Biggar, AC): J'aimerais poser une question à M. Audas.

Nous avons parlé de régions du Canada—on y revient toujours—et je viens de la Saskatchewan, où il est très difficile de toucher l'assurance-emploi. À l'heure actuelle, notre agriculture est en crise, nos agriculteurs quittent leurs exploitations. Nous ne pouvons obtenir l'assurance-emploi et on ne peut pas parler d'égalité dans le pays. Quelle solution proposeriez-vous à cette situation? Avez-vous une solution?

M. Rick Audas: Je ne dirais pas que j'ai une solution mais je proposerais un principe directeur, à savoir que l'assurance-emploi, telle qu'elle existe actuellement, crée des riches et des pauvres parmi les chômeurs, et ce n'est pas normal. Nous avons vu diminuer le nombre de chômeurs qui touchent des prestations, par rapport au nombre total de chômeurs. Ce n'est pas normal. Nous faisons une distinction. Il y a des chômeurs que nous jugeons acceptés pour le chômage, d'autres qui ne le sont pas. Ce n'est pas juste. Il y a là un véritable problème d'équité. Un des grands principes de la citoyenneté canadienne est l'équité, c'est croire que personne ne devrait connaître des difficultés indues.

Mme Carol Skelton: Je sais qu'il y a des familles d'agriculteurs dans ma région qui ne peuvent obtenir l'assistance sociale. Elles ne peuvent obtenir l'assurance-emploi. Elles ne peuvent pas obtenir de subventions pour aller suivre des cours de formation ou quoi que ce soit. C'est tout à fait injuste.

M. Rick Audas: Si je considère la réforme que nous avons, je ne vois rien là qui puisse effectivement aider la population de la Saskatchewan en ce sens.

Mme Carol Skelton: Non.

M. Rick Audas: Nous pouvons discuter indéfiniment de quelques changements aux dispositions relatives à la règle d'intensité mais je crois qu'en fait cela n'aura pas une incidence énorme, parce que cela ne représente pas beaucoup d'argent. Par contre, dans une certaine mesure, je pense que nous ratons l'occasion de réorienter cette politique.

Mme Carol Skelton: D'accord. Merci.

Mme Val Meredith: J'aimerais poser une question à propos de cette étude de la règle de l'intensité et du changement d'attitude que cela peut entraîner. Je crois comprendre que vous avez effectué cette étude pour le ministère des Ressources humaines. Est-ce qu'une année suffit pour déceler un changement de comportement chez quelqu'un? Est-ce qu'un an de changement dans un programme suffit pour obtenir un changement de comportement humain?

M. Rick Audas: Non.

M. Mar Van Audenrode: Oui, bien sûr parce que nous avons vu des changements de comportement. Nous les avons vus.

Mme Val Meredith: Est-ce qu'un an suffit à quelqu'un pour changer d'attitude face à un changement de situation financière? Parce que je puis vous dire que je ne suis pas sure qu'un an suffise pour entraîner un changement à long terme, définitif. Peut-être quelque chose de temporaire, une réaction à une situation, mais cela ne suffit pas pour savoir si c'est un véritable changement de comportement à long terme.

• 1635

M. Marc Van Audenrode: Certes, peut-être que 10 ans seraient préférables. Mais alors si le changement est si difficile, si lent et si long à venir, pourquoi un changement marginal dans le montant d'argent que l'on donne à ces gens entraînerait-il ces changements de comportement? Vous dites que ces changements sont énormes pour les intéressés, qu'ils coûtent extrêmement cher, qu'il faut du temps et qu'ils sont difficiles à absorber. D'accord, je veux bien, et c'est probablement ce qu'indiquent nos chiffres. Mais si vous croyez que c'est ça le problème, pourquoi décideraient-ils ces changements quand on leur donne 10 $ de moins par mois?

Mme Val Meredith: Je voudrais répondre à cela en disant que voici des gens pour qui les changements représentent 5 $ par semaine ou 10 $ par mois, et vous me dites qu'il y a des changements énormes. Pourtant, nous venons d'entendre qu'il y a des collectivités entières dans une province qui ne reçoivent pas de prestations d'AE, qui ne reçoivent pas d'aide sociale et qui n'ont aucun recours. Si les changements sont tellement minimes, si cela représente 5 $ par semaine, pourquoi cela change-t-il le comportement des gens autant que vous l'affirmez, et pourquoi faut-il défaire ce que nous avons fait et remonter le cours du temps?

M. Marc Van Audenrode: Le problème véritable de cette collectivité n'est pas d'obtenir de l'assurance-emploi. Le fait est que nous avons beaucoup trop réduit les prestations. Je suis sûr que mes collègues ici présents ne seront pas d'accord. Le fait est que je parle comme si nous étions encore en 1980. Nous sommes bel et bien en l'an 2001 et, comme l'a dit Pierre, la générosité de notre régime est à peu près semblable à la générosité du régime de la moyenne des États américains. Cela signifie qu'il est moins généreux que celui de nos principaux concurrents, c'est-à-dire New York, le Massachusetts et les États du nord. Voilà donc la réalité.

Mme Val Meredith: La réalité, c'est aussi de n'obtenir aucune prestation en Saskatchewan, où l'AE est pratiquement inexistante.

M. Marc Van Audenrode: Rendez le régime plus généreux. Vous aurez entièrement mon appui.

Mme Val Meredith: Eh bien...

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): On va passer à une autre personne, parce que notre temps est terminé. Je veux rappeler à tout le monde qu'on va tenter, au deuxième tour, de respecter les cinq minutes allouées afin de donner la chance à tout le monde de poser des questions. Donc, je cède la parole à Alan Tonks. Les prochains intervenants seront Monique Guay, Jeannot Castonguay et Yvon Godin.

[Traduction]

M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur McMahon, si je vous ai bien compris, la réforme n'a pas fonctionné et les gens qui ont déjà bénéficié de l'AE y sont revenus. Certaines des statistiques qu'on nous a fournies indiquent, particulièrement pour les prestataires réguliers et les pêcheurs, que 40 p. 100 d'entre eux sont restés sur place, malgré les réformes. Sur ce nombre, 80 p. 100 sont classés parmi les employés saisonniers. Je suppose que cela montre simplement que le travail saisonnier et l'utilisation fréquente de l'AE sont liés.

Ce qui m'intéresse avant tout, ce sont les récupérations fiscales prévues dans les dispositions de la règle d'intensité. Je me demande si d'autres pays, qui ont des conditions semblables pour le travail saisonnier, utilisent des mécanismes semblables. Vous reconnaîtrez—je ne vous ai pas entendu dire le contraire—que les systèmes de cotes qui prévoient des mécanismes tels que la récupération et la règle d'intensité ont des aspects punitifs. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Fred McMahon: Bien sûr. Dans une certaine mesure, l'expérience du Canada atlantique est unique. Elle n'est pas absolument unique, mais elle l'est dans une grande mesure. En effet, l'AE est arrivée à un moment où la région se transformait en s'écartant des industries rurale et primaire. L'AE a donc pris les gens au piège... J'ai été accusé un peu plus tôt de me servir de ces termes inappropriés, «pris au piège» et «pot-de-vin»; eh bien, j'étais là, je l'ai vu de mes propres yeux et je pense que ces mots correspondent à la réalité. L'assurance-emploi a enfermé la région dans le piège des industries desquelles elle voulait sortir et a forcé les gens à occuper ces emplois saisonniers et ruraux. Tout à l'heure, je vous ai donné les chiffres sur les pêcheurs, et j'ai expliqué comment ces politiques-là avaient gonflé ces chiffres de façon disproportionnée.

• 1640

Nous voici donc en l'an 2001. Sur la côte Est, nous nous trouvons aux prises avec une économie qui est plus saisonnière qu'elle ne l'aurait été si ces programmes n'avaient pas été instaurés. Tout cela suscite les problèmes que nous essayons maintenant de résoudre par de nouvelles mesures.

Je crois qu'il importe également de comprendre que vous parlez de la différence entre un cliché et un film, pour ainsi dire. Rick et moi reconnaissons que, pour des gens qui bénéficient du système, qui n'ont pas été formés pour acquérir des compétences et qui, depuis deux générations, sont pris dans le cycle travail-à-court-terme-et-AE, il est très difficile d'en sortir. Ce qui nous intéresse, ce n'est pas cette image statique, mais bien l'image en mouvement, celle du film. Voulons-nous prendre au piège la génération suivante? Par son étude sur le moral des travailleurs, Rick a montré que ces modifications encouragent les jeunes à faire les choses différemment.

Pour répondre plus directement à votre question, y a-t-il d'autres politiques qui permettraient d'atteindre ces objectifs? Peut-être qu'au lieu de pénaliser les travailleurs, vous pourriez rendre beaucoup plus difficile l'octroi des prestations d'AE. Certains des changements à l'AE ont rendu beaucoup plus difficile aux jeunes d'entrer dans le système. Vous pourriez peut-être travailler davantage à cet aspect du régime et un peu moins à pénaliser les gens qui en profitent déjà, afin que les jeunes sachent que, s'ils rentrent dans le système, ils vont être aux prises avec des mesures rigoureuses, telles que la règle d'intensité ou la récupération fiscale. Ils sauront également que les règles peuvent changer, comme elles ont déjà changé un peu.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Tonks, est-ce que vous avez un autre commentaire?

[Traduction]

M. Alan Tonks: Je me demande s'il y a une autre observation au sujet de... Monsieur Fortin, ou l'un d'entre vous.

M. Marc Van Audenrode: Je reconnais que notre étude est un instantané, mais c'est là-dessus justement que porte cette discussion: il s'agit de corriger ou de fignoler une loi très précise, la Loi sur l'assurance-emploi. Il ne s'agit de rebâtir les Maritimes, ni de transformer le Canada de fond en comble.

Donc, vu sous cet angle, il s'agit bien d'un instantané. Or, cet instantané nous montre que la règle d'intensité ne fonctionne pas bien.

M. Alan Tonks: Vous seriez donc d'accord pour que l'on abroge la règle d'intensité dans les mesures de récupération.

M. Marc Van Audenrode: Oui, bien sûr.

M. Pierre Fortin: Il y a un effet, mais il est minime. On a eu assez de temps. Une année suffit pour voir l'évolution. La règle d'intensité s'applique après 20 semaines. Que je sache, une année, c'est plus que 20 semaines.

M. Alan Tonks: C'est un pourcentage pour chaque...

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): On passe maintenant à Monique Guay, et ensuite à Jeannot Castonguay, Yvon Godin et Anita Neville.

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Merci, madame la présidente.

Bonjour, messieurs. J'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour les grands penseurs; je pourrais les écouter pendant des heures. Mais cela me ramène les deux pieds sur terre et je vois aujourd'hui pourquoi j'ai fait le choix de carrière que j'ai fait.

Je suis dans une région touristique où 80 p. 100 de la population travaille dans ce secteur, et quand il n'y a plus de neige, il n'y a plus de neige. Je regrette, mais c'est comme ça. Les gens sont tous au chômage. Ils peuvent avoir des emplois de qualité pendant la saison de ski, mais après la saison, c'est fini et ils sont au chômage pour une période de temps, et cela ne leur plaît pas nécessairement.

Je ne pense pas qu'il y ait d'abus à ce niveau-là. En tout cas, chez moi, je n'en vois pas. Je vois que ces gens-là, lorsque l'été revient et que c'est la saison du golf, que c'est la saison estivale autour des lacs et qu'il y a des activités estivales partout, sont très heureux de retourner au travail. Ils sont très heureux de pouvoir reprendre et ils travaillent des heures incroyables. Très souvent, ils travaillent de 60 à 80 heures par semaine, parce qu'ils veulent essayer aussi d'accumuler le plus grand nombre d'heures. On en demande tellement maintenant pour avoir droit à quelques semaines d'assurance-chômage, qu'ils n'ont pas le choix. Ils sont obligés de fonctionner comme cela, et ce sont souvent de très petits salariés.

Alors, je ne pense pas qu'il y ait de l'abus à ce niveau-là et je ne pense pas que 5 p. 100 de plus ou de moins vont faire une différence. Je ne pense pas que ces gens-là sont des chômeurs professionnels; au contraire, ce sont des gens qui dépendent de ce système. Ils n'ont pas créé le travail saisonnier; le travail qu'ils font est un travail saisonnier. Ils sont obligés de composer avec cela, de vivre avec cela. Pensez-vous qu'une femme monoparentale qui se retrouve au chômage a le goût de rester quelques semaines, un mois ou deux, au chômage et peut-être perdre sa place à la garderie pour ses enfants? C'est un «paquet de troubles». Ce n'est pas vrai que ces gens-là veulent cela.

• 1645

Alors, je pense que vous faites fausse route, que vous faites vraiment fausse route. En tout cas, on a fait des études chez nous il y a plusieurs années—et je ne suis pas députée depuis hier, ça fait presque huit ans que je suis ici—et on peut vous dire que selon les statistiques que nous avons, les gens n'abusent pas de l'assurance-emploi. De plus, quand vous payez une assurance, messieurs—vous avez tous des assurances—vous vous attendez à en bénéficier si vous en avez besoin.

Alors, quand arrive un malheur, une situation problématique, ces gens-là en ont besoin et ils font appel à l'assurance-emploi. On les voit, les chômeurs qui abusent. Ce sont des gens faciles à cerner parce que dans des petites localités comme chez nous, et comme chez vous, Yvon, on est capables de les percer ces gens-là, et il n'y en a pas beaucoup. Je pense que vous faites fausse route dans vos visions.

J'aimerais savoir de vous tous si vous croyez que l'assurance-emploi ne devrait pas exister, parce que si on n'a pas d'assurance-emploi, c'est bien dommage mais vous le savez, monsieur Fortin, au Québec, c'est l'aide sociale. C'est carrément vers cela qu'on s'en va, et ce n'est pas ce qu'on veut, ce n'est absolument pas ce qu'on veut. Alors, quelles solutions avez-vous, à court terme, pour remplacer le système d'assurance-emploi que vous jugez inefficace, qui ne fonctionne pas et qui encourage les gens à ne pas travailler?

Je pense que pour un jeune, devoir travailler 910 heures pour se qualifier et avoir droit à l'assurance-emploi, c'est beaucoup d'heures de travail. Je ne pense pas que nos jeunes ont dans leur mentalité—et j'en connais des jeunes, je suis entourée de jeunes et j'en ai moi-même, des jeunes—de se dire qu'ils vont aller travailler 910 heures pour avoir de l'assurance-emploi en bout de ligne. C'est complètement débile.

Je ne pense pas qu'on ait cultivé cela dans la population canadienne et québécoise. Je pense qu'il faut que vous ayez peut-être une... En tout cas, j'aimerais vous amener voyager en région. Vous verriez un petit peu comment ça se passe chez nous. J'aimerais avoir une réponse à ma question. Merci.

[Traduction]

M. Fred McMahon: Personne n'accuse les gens qui reçoivent des prestations de frauder le système. Ils se servent d'un système qui a été établi par le gouvernement. Comme je l'ai dit, je pense qu'il s'agit d'une réponse rationnelle à une politique irrationnelle.

Il y a quelques années, Ressources humaines Canada a effectué une étude qui offrait à des travailleurs saisonniers du travail mieux rémunéré que du travail à plein temps s'étalant sur toute l'année. Lorsqu'ils recevaient des prestations, ils pouvaient en fait gagner plus d'argent en acceptant un emploi hautement rémunéré à court terme plutôt qu'un emploi permanent. Dans l'étude de Ressources humaines Canada, on offrait aux prestataires de l'AE des subventions pour accepter des emplois à plein temps, pour combler l'écart entre le travail saisonnier et le travail à plein temps. On offrait des subventions aux gens, y compris des gens dans des centres à forte intensité d'emploi, tel que Halifax et Moncton.

L'adhésion au principe de l'étude a été très faible. Il y a eu si peu de travailleurs qui ont accepté de le faire qu'il a fallu, en fait, mettre fin à l'expérience. Je crois que ce sont seulement 2 p. 100 des travailleurs qui ont accepté. Ils ne fraudaient pas le système, je ne les accuse pas de cela, mais pour eux, c'est un mode de vie.

Pour ce qui est des réformes, je crois que nous essayons d'utiliser l'AE à des fins pour lesquelles elle n'est pas prévue. Nous avons greffé à l'AE des tas d'objectifs bizarres qui gravitent autour.

Je vais vous dire ce que nous devons faire: nous devons établir un système qui porte bien son nom, un système d'assurance-emploi. Il nous faut un système pour aider les gens lorsqu'ils sont en cessation de travail, et nous occuper des autres objectifs au moyen d'autres politiques s'il y a lieu.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci. On doit passer à une autre personne. Jeannot Castonguay, Yvon Godin et Anita Neville.

M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, madame la présidente.

On dit que du choc des idées jaillit la lumière et je remercie nos invités: peut-être que cela va nous choquer les idées. Je suis d'accord qu'il y a peut-être des gros pêcheurs de crabe qui gagnent beaucoup d'argent, mais le gars qui est sur le couteau ou le filet, lui, il n'en gagne pas. Lui, il a des problèmes.

On dit qu'on doit changer la culture par rapport à l'assurance-emploi et je suis d'accord là-dessus, madame la présidente. Mais qu'est-ce qu'on fait des gens qui perdent leur emploi, des gens qui ont payé leurs cotisations pendant cette fameuse période de transition, de changement de culture? C'est ma première question.

Comment change-t-on la culture d'un peuple? Est-ce que cela se fait avec des mesures punitives ou n'est-ce pas plutôt un processus d'éducation qui s'étend sur une longue période de temps? J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus. Dans ma région, madame la présidente, il y a du travail saisonnier, il y a des professionnels qui font du travail saisonnier qui bénéficie à tous les Canadiens, que ce soit dans le domaine de l'agriculture, de la foresterie, des pêches, de la construction ou du tourisme. Les gens viennent visiter quand on a des belles saisons touristiques; c'est agréable.

• 1650

Si on déplace tous ces gens-là vers la ville—ils vont peut-être chômer aussi en ville à un moment donné—qui va faire ce travail qui est important pour tous les Canadiens? J'aimerais écouter les commentaires de nos invités.

[Traduction]

M. Fred McMahon: Je vous rappelle que le secteur saisonnier du Canada atlantique a été gonflé de façon disproportionnée par toutes ces politiques. Je vous ai donné certains des chiffres. Vous pourrez en trouver d'autres.

Oui, il y a, au Canada atlantique, un plus grand problème que ce qui aurait pu ou aurait dû se produire si ces politiques perverses n'avaient pas été instaurées. Dans votre question, vous avez choisi l'élément le plus ardu de tout changement de politique. Comment rendre le monde meilleur sans pénaliser ni faire de tort à trop de gens qui sont devenus tributaires d'une mauvaise politique adoptée antérieurement.

Je continue de dire que nous devons être généreux à l'endroit des gens qui ont été pris au piège, sans pour autant prendre au piège la génération suivante. Il faut qu'il soit plus difficile pour les jeunes d'entrer dans le cycle. C'est vraiment un problème très ardu. L'étude de Rick sur cet aspect est plus récente que la mienne. Peut-êre voudrait-il en traiter?

M. Rick Audas: Non, je crois que Fred a généralement raison.

Pour ce qui est des gens qui sont pris dans les rouages du système, nous ne pouvons pas nous attendre qu'ils changent entièrement leur vie, qu'ils déménagent, et ainsi de suite. Ce que nous voulons, c'est empêcher la nouvelle génération de pénétrer dans ce cercle.

Si je venais vous voir aujourd'hui et vous disais que j'ai 18 ans et que j'envisage de faire carrière dans des industries saisonnières, vous tâcheriez probablement de me convaincre de faire autre chose. Je crois que cela est important. Nous devons, selon moi, avoir des politiques qui témoignent de cette réalité, à savoir que nous ne voulons pas qu'un grand nombre de personnes envisagent de faire carrière dans des professions saisonnières. Oui, dans certains cas, il est acceptable de faire cela pendant quelques années. Et, pour ce qui est des gens qui travaillent maintenant dans ces métiers, nous voulons qu'ils y travaillent pendant plus de semaines, pendant plus d'années, de sorte que le revenu gagné ressemble un peu plus à celui que l'on tirerait d'un emploi s'étalant sur toute l'année.

[Français]

M. Jeannot Castonguay: Madame la présidente, j'ai un peu de difficulté devant l'argument fourni qui dit que je découragerais un jeune de faire du travail saisonnier. Qui va faire ce travail-là? Qui va planter les arbres chez nous pour que la forêt pousse? Qui va couper du bois pour qu'on ait du bois d'oeuvre? Qui va pêcher? Ma réponse à ce jeune-là, madame la présidente, serait de l'encourager à développer des expertises dans différents domaines afin qu'il puisse essayer de travailler deux ou trois saisons d'affilée. C'est ça qui serait mon approche, et c'est ça, je pense, qui fait partie de l'éducation d'un peuple. Il ne faudrait pas dire à ces gens-là qu'ils ne devraient pas faire de travaux saisonniers. Vous me décevez, monsieur Audas.

[Traduction]

M. Rick Audas: Il faut se rendre compte d'une certaine réalité: si l'on travaille dans des industries saisonnières, on doit peut-être travailler dans deux ou trois industries saisonnières différentes, de sorte que cela s'étale sur l'ensemble de l'année.

Lorsqu'on réfléchit à ces choses-là, il faut faire preuve d'un peu d'imagination. Lorsqu'on examine la situation actuelle, je crois que nous sous-estimons considérablement la capacité des gens en leur disant qu'ils peuvent travailler 12 ou 15 semaines par an et recevoir des prestations pour les 40 autres. Nous pouvons faire preuve de plus d'imagination.

M. Fred McMahon: Une fois de plus, permettez-moi de signaler qu'il s'agit d'un problème créé artificiellement. Par l'adoption de certaines politiques, nous avons accru la dépendance des travailleurs du Canada atlantique à l'égard du travail saisonnier à court terme. On peut voir cela en examinant les chiffres sur l'emploi saisonnier. Prenons les pêcheurs, par exemple: à la fin des années 80, ils sont deux fois et demie plus nombreux qu'en 1961, malgré la diminution des stocks et l'amélioration des techniques de pêche. C'est le piège que nous avons créé, et nous devons en sortir. Cela signifie qu'il nous ne faut pas encourager la génération suivante à suivre le même chemin.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Fortin, un court commentaire.

M. Pierre Fortin: Comment changer la culture? Il y a deux manières.

Si on examine le régime d'assurance-emploi canadien tel qu'il existait jusqu'à la fin des années 1980, on y découvre un certain nombre d'exagérations en ce qui a trait aux régions ayant un taux de chômage extrêmement élevé, notamment dans le nombre de semaines minimales exigées avant d'avoir accès aux prestations et dans la durée maximale des prestations.

Quelle que soit notre opinion là-dessus, je tiens à répéter que le Canada a fait son ménage dans le régime d'assurance-emploi. On n'a plus le droit de parler, en 2001, du régime d'assurance-chômage canadien. Il ne s'agit plus, comme le disent nos amis anglophones, du giveaway que ça pouvait être dans les années 1970. Si vous êtes chômeur aujourd'hui, vous n'avez qu'une chance sur trois de recevoir des prestations, alors que dans les années 1980, vous aviez trois chances sur quatre. Si vous n'appelez pas cela un ménage, je ne sais pas comment vous pouvez appeler cela. Le ménage a déjà été fait.

• 1655

Deuxièmement, si vous voulez changer la culture d'un peuple, donnez-lui des emplois.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Fortin, je m'excuse. Je vous demande de conclure rapidement.

M. Pierre Fortin: On avait 12 p. 100 de chômage au début des années 1990; on est descendu à 7 p. 100. On est dans la bonne direction. Continuons.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci. Je donne maintenant la parole à Yvon Godin, qui sera suivi de Anita Neville, Val Meredith et Joe McGuire.

M. Yvon Godin: J'apprécie ce que M. Fortin dit: il faut donner des emplois au peuple. Est-ce la responsabilité de l'employé qui a perdu son emploi le vendredi et qui est au chômage le lundi? Est-ce à lui de se créer de l'emploi? Je pense que l'accent est mis au mauvais endroit. Si on veut créer des emplois, ce n'est pas au gouvernement à le faire, mais c'est à lui d'établir les infrastructures nécessaires au développement économique, surtout dans les régions rurales.

Nous, on ne veut pas quitter l'Acadie. Je viens d'une famille de 11 enfants. En 1972, il n'en restait plus un seul chez nous. Je vais cependant vous dire une chose. Mes frères qui étaient allés s'installer dans le nord de l'Ontario travaillaient 12 mois par année, mais aujourd'hui, ils sont obligés d'avoir recours à l'assurance-emploi à chaque année. Mes frères et mes soeurs qui sont allés s'installer à Prince George, en Colombie-Britannique, font la même chose. Ce n'est plus l'Atlantique. On va aller faire un tour en Colombie-Britannique. À Prince George, en Colombie-Britannique, ils ont maintenant recours à l'assurance-chômage à chaque année à cause des quotas de bois qui ont été imposés. À Nanaimo et à Port Alberni, en Colombie-Britannique, les gens doivent avoir recours à l'assurance-emploi parce que les stocks de poissons se sont effondrés en Colombie-Britannique. J'ai fait un rapport sur les 10 provinces du Canada. Cela s'appelle Le côté humain de l'assurance-emploi.

En Colombie-Britannique, à Vancouver, les gens reçoivent des prestations d'assurance-emploi. J'ai ici des histoires de gens qui ont été affectés par les changements à l'assurance-emploi. Cela n'a pas changé ces gens-là. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'en Colombie-Britannique, les gens vont encore à la pêche et se servent maintenant du système d'assurance-emploi?

Allez-vous régler le problème en leur enlevant le pain sur la table et en envoyant leurs enfants à l'école sans qu'ils aient pu manger? Est-ce en frappant sur des familles que vous allez résoudre le problème économique? Est-ce comme ça? Ce n'est pas de même qu'on fait cela. C'est en donnant les infrastructures nécessaires. Vous êtes censés être des gens très intelligents. C'est sur cela que vous devriez vous concentrer. Au lieu d'aller taper sur les 1,4 million d'enfants qui ont faim, vous devriez aller taper sur les grosses entreprises, sur les Bronfman et les Irving afin qu'ils prennent leurs responsabilités et créent de l'emploi pour les gens. Les gens ne sont pas lâches. À la mine Brunswick, au Nouveau-Brunswick, pendant qu'on est en train de mettre à pied des gens, il y a 1 000 personnes à la porte qui veulent des emplois. Au smelter, on est en train de mettre à pied des gens, et plus de 800 personnes cherchent des emplois. Ça, c'est la réalité. C'est pour ça qu'il est difficile d'accepter de dire que vous avez capturé les gens, que vous avez fait de ces gens des paresseux, comme certains l'ont dit. Je ne dis pas que c'est vous, mais il y en a qui ont dit que les gens de l'Atlantique étaient une bande de paresseux. Partout dans le Canada, il y a des gens qui ont dû se séparer de leur famille pour aller travailler ailleurs. On ne veut pas fermer l'Atlantique. Trouvez des solutions! Êtes-vous d'accord avec moi qu'on doit travailler ensemble au niveau économique au lieu de varger sur le petit qui a perdu son emploi?

[Traduction]

M. Rick Audas: Je suis parfaitement d'accord.

M. Yvon Godin: Merci. Passons au suivant.

M. Fred McMahon: Mais ce n'est pas de cette façon qu'on y parvient.

M. Rick Audas: Je crois que nous ne parlons pas tout à fait de la même chose. Le développement économique des régions rurales du Canada atlantique, ce n'est pas la même chose que l'AE. Ce qu'il nous faut, c'est créer un système ou instaurer des politiques qui créent des possibilités d'emploi dans les régions rurales. Je crains toutefois que ces mesures-ci ne permettent pas d'atteindre cet objectif-là. Je ne crois pas nécessairement qu'elles nous privent de tant de choses, mais elles ne permettent certainement pas de créer des débouchés sur le marché du travail, et c'est de cela que nous avons besoin.

M. Yvon Godin: Mettons que nous soyons d'accord avec vous. Ce n'est cependant pas en punissant les gens que nous obtiendrons des résultats non plus. Taper sur les petites gens, ce n'est pas la solution.

M. Rick Audas: Pour répéter ce qu'a dit Fred, nous ne voulons pas taper sur les petites gens, nous ne voulons pas taper sur ceux qui sont pris dans le système.

M. Yvon Godin: Mais ce sont eux qui se font taper dessus.

Rick Audas: Et je ne suis pas d'accord avec cela.

M. Yvon Godin: Très bien, donc vous êtes d'accord avec les changements à l'AE.

M. Rick Audas: Non.

M. Yvon Godin: Alors, vous vous contredites.

M. Rick Audas: Non, je crois que vous...

M. Yvon Godin: Mais si.

M. Rick Audas: ...préconisez une politique unique pour tous. Je crois que ce que Fred et moi disons est tout autre chose. Il nous faut reconnaître qu'il y a dans le système des catégories différentes de personnes et que les personnes différentes doivent être traitées de façon différente.

Je m'intéresse beaucoup au domaine de l'éducation et, plus particulièrement, de l'éducation à la petite enfance. Oui, vous avez raison, la pauvreté est l'égal de la mort pour ces gens-là, parce qu'on ne leur donne pas la possibilité d'obtenir l'éducation qu'ils méritent. Nous ne pouvons pas accepter cela. Toutefois, comme nous le voyons bien maintenant, l'AE ne corrige pas ce problème. Comme nous venons de l'entendre dire à propos de la Saskatchewan, il y a énormément de gens qui ne peuvent rien obtenir. Ce sont les enfants de l'avenir que nous vouons à un triste sort. La politique préconisée dans ce cas-ci ne répond pas du tout à cette problématique. Je pense donc que si vous voulez envisager des réformes qui corrigent l'AE et en font un outil plus performant, celles-ci ne sont pas les bonnes.

M. Fred McMahon: Est-ce que je peux me rendre encore plus impopulaire auprès de vous?

M. Yvon Godin: Vous réussissez assez bien jusque là.

• 1700

M. Fred McMahon: J'irai plus loin que Rick. Au Canada atlantique, je crois que l'AE, ou l'AC comme on l'appelait, a fait empirer la situation en décourageant les gens de progresser dans le sens qui aurait permis aux employeurs locaux de créer de l'emploi, en décourageant les gens d'accepter du travail à plein temps, et ainsi de suite. Il existe des preuves abondantes de cela. On a vu le taux de chômage du Canada atlantique monter en flèche lorsque les réformes originelles de l'assurance-emploi ont été apportées.

Je tiens également à dire autre chose, rapidement. Il est vrai que, partout au Canada, l'AE a été transformée en système punitif. On y verse de l'argent et on ne peut rien en retirer. Mais cela n'est toujours pas vrai pour certains regroupements de travailleurs privilégiés du Canada atlantique. La réforme n'est pas allée jusqu'au bout. Nous avons deux systèmes, et cela est terriblement inique.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Un très court commentaire, Yvon.

[Traduction]

M. Yvon Godin: Terminons rapidement. Que fait-on du bûcheron qui perd son emploi alors que l'on veut toujours du bois d'oeuvre dans la région d'où vous venez? Que fait-on des travailleurs des usines de transformation du poisson? Voulez-vous toujours avoir du poisson dans votre assiette? Oui ou non? C'est aussi simple que cela.

M. Fred McMahon: Bien sûr, mais, comme je le dis, ailleurs dans le monde, les gens se sont éloignés de ces industries primaires et rurales sans pour autant dépeupler ces régions. Au Canada atlantique, nous avons renforcé cette structure. Il n'était pas nécessaire de rendre la situation si catastrophique.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur McMahon, mais on doit vous couper la parole. Je m'en excuse. Si on essaie de couper un peu, tout le monde pourra poser ses questions. Donc, Mme Neville, et ensuite Val Meredith et Joe McGuire.

[Traduction]

Mme Anita Neville (Winnipeg-Sud-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente. Désolée d'être arrivée en retard. Nombre des questions dont je voulais traiter ont déjà été abordées.

J'ai beaucoup de difficultés à vous écouter et à m'imaginer la jeune personne de 16, 17 ou 18 ans qui choisit délibérément une vie d'emploi temporaire ou saisonnier, avec toutes les inconnues que cela entraîne. Je ne crois pas qu'elle considère cela comme un choix délibéré, je crois plutôt qu'elle se résigne à cela en raison des réalités dans lesquelles elle évolue. Je suis du Manitoba, je ne connais donc pas bien les provinces atlantiques. Toutefois, à cette table-ci, j'ai certainement entendu beaucoup de choses ces derniers temps.

Pour ce qui est du projet de loi sur l'assurance-emploi, je crois qu'il ne s'agit pas d'un outil de développement économique. Je me rends compte que nous commençons à manquer de temps, mais j'aimerais que chacun de vous me parle positivement du potentiel de développement économique dans les régions du pays qui dépendent de l'assurance-emploi, parce que les mesures de l'AE ne sont pas les mêmes pour tous.

M. Rick Audas: Aux informations, hier, j'ai vu quelque chose au sujet d'une situation différente, je me rends compte. On parlait d'une réserve autochtone au Canada et de la façon dont les prestations d'AE étaient épuisées dans cette réserve. Il y avait de moins en moins de possibilités de travail, de sorte que beaucoup de gens étaient en train de créer leurs propres industries. Ces gens créaient des industries d'artisanat. Ils se livraient à des travaux d'artisanat et gagnaient en fait des milliers de dollars à fabriquer ces objets. Ils tirent beaucoup d'argent de cette activité.

Je crois qu'il existe d'énormes possibilités d'entrepreneuriat et je crois que c'est là que se trouvent les clés véritables. Ces collectivités doivent, en grande mesure, grandir seules. Elles ont besoin de politiques qui les appuient, qui encouragent ce type de progression. Ce n'est pas ce qui va se produire, mais l'important, selon moi, c'est que les politiques doivent provenir des collectivités elles-mêmes.

M. Fred McMahon: J'ai intitulé mon dernier livre Atlantic Canada and the Negative-Sum Economy (le Canada atlantique et l'économie à somme négative). On semble tenir pour acquis, là-bas, que chaque fois qu'un emploi ou que quelque chose disparaît, cet emploi, cette chose, ne seront jamais remplacés, qu'ils auront disparu. C'est une économie à somme négative. En réalité, l'économie de marché moderne ne fonctionne pas ainsi. Comme le disait Rick, il existe de multiples façons de créer de l'emploi, et nous étions en train d'en créer à foison au Canada atlantique, avant que l'AE ne soit instaurée.

Et pour répondre à votre première question, je suis de la région atlantique, et j'ai donc vu des gens faire ces choix. Cela n'a rien de mystérieux. Cela se produit.

Je voudrais parler d'un autre endroit qui a une population équivalente à celle du Canada atlantique mais a connu une situation économique encore pire: 20 p. 100 de chômage, une croissance en déclin, une émigration désespérée; il s'agit de l'Irlande. Il y a 15 ans, le PIB par habitant du Canada était deux fois et demie celui de l'Irlande. Aujourd'hui, le PIB par habitant de l'Irlande dépasse celui du Canada.

Par habitant, l'Irlande est plus riche que le Canada. Le chômage a pratiquement disparu. Il y vient des gens du monde entier. Les Irlandais ont réussi cela au moyen de politiques sensées. Ils ont énormément réduit les impôts, comme nous le savons tous. Des ententes ont été conclues entre... C'est incroyable. À Dublin, on peut parler à un dirigeant syndical qui se plaint du fait que les syndicats étaient trop militants: «Nous ne laissions pas assez de place au profit. Nous avons modéré les traitements et salaires et nous avons permis aux gens de faire des profits; tout à coup, il y a eu de l'investissement, et nos travailleurs gagnaient plus que jamais parce que ces investissements les rendaient plus productifs».

• 1705

Nous devons envisager des politiques de ce genre pour le Canada atlantique un endroit attirant pour les investissements. Ne gonflez pas les salaires en forçant le gouvernement à livrer concurrence aux employeurs du secteur privé par l'entremise de l'assurance-emploi. Faites quelque chose pour réduire le fardeau fiscal au Canada atlantique. Nous sommes une région à taux d'imposition élevé dans un pays à taux d'imposition élevé. Pas étonnant que nous n'ayons aucune croissance.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Anita.

Mme Anita Neville: Monsieur Fortin, je trouverais intéressant de savoir ce que vous pensez au sujet du développement et de la croissance économique pour la région.

M. Pierre Fortin: Je trouve plutôt positif ce qui s'est produit au Nouveau-Brunswick. Malheureusement, M. Godin n'est plus ici.

Parfois, nous parlons comme si rien ne changeait en Nouvelle-Écosse ou au Nouveau-Brunswick. Ces dernières années, j'ai vu l'écart entre le taux de chômage du Québec et celui du Nouveau-Brunswick décroître considérablement. Même chose pour le Québec et la Nouvelle-Écosse. L'écart Ontario-Québec, qui était de quatre points de pourcentage, il y a 15 ans, est maintenant d'environ 2,5 points. Je crois que la situation s'améliore.

Au Canada, il y a un contexte général: des finances publiques rationalisées, une banque centrale qui, progressivement, tire des leçons de nos voisins du Sud sur la façon de gérer la politique monétaire. Il y a certainement l'espoir que notre taux de chômage est en régression partout au Canada. En outre, les écarts entre les régions diminuent également. Mon message, c'est qu'il faut voir les choses avec optimisme. Je pense que nous allons dans la bonne direction.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur Fortin. Nous allons maintenant passer la parole à Val Meredith, et ensuite à Joe McGuire. Il serait apprécié que vous raccourcissiez un peu nos interventions de quelques minutes. Il y aura ensuite un petit deux minutes pour M. Martin, s'il a une question.

[Traduction]

Mme Val Meredith: Je voudrais vous remercier tous d'être venus aujourd'hui.

Je voudrais poser une question en deux parties. L'assurance-emploi devrait-elle être exactement cela, c'est-à-dire un fonds d'assurance que contrôle les employeurs et les employés, et qui existe pour les personnes qui se retrouvent sans emploi? Dans les régions concernées, le gouvernement devrait-il mettre moins l'accent sur l'assurance-emploi et utiliser plutôt ses ressources financières pour mettre en oeuvre des programmes d'enseignement, d'éducation permanente ou de formation pour l'emploi, afin de stimuler la croissance par la création d'une main-d'oeuvre mieux préparée pour le travail? Séparons l'assurance-emploi de la formation. Au lieu d'utiliser le régime d'assurance-emploi qui, au départ, devait être un dispositif concernant uniquement les employeurs et les employés, que le gouvernement élabore ses programmes sociaux en aidant les gens à travailler par l'entremise d'un organisme distinct qui met l'accent sur la formation professionnelle et l'enseignement.

M. Fred McMahon: Permettez-moi de commencer. Oui, l'assurance-emploi devrait être ce que son nom indique. La confusion des objectifs politiques mène toujours à de mauvaises politiques, parce que l'on ne sait pas comment établir un juste équilibre et qu'on ne sait pas ce que l'on fait.

Pour ce qui est de la formation et de l'enseignement professionnel, cela est d'une importance énorme, mais je refuse tous programmes de développement économique gérés par le gouvernement. On finit toujours par donner des subventions et de l'aide à ceux qui ont le plus de pouvoirs politiques et pas nécessairement à ceux qui sont le plus efficaces. Donnons plutôt une subvention à tout le monde en réduisant les impôts de tout le monde. C'est la même chose qu'une subvention, sauf que c'est distribuer de façon équitable. Les personnes qui sont le plus efficaces et qui peuvent créer le plus d'emplois en profitent plus. L'assurance-emploi devrait être un régime concernant l'emploi et ne contenant aucun programme d'éducation, de formation ou de développement économique.

Permettez-moi de dire encore une chose au sujet du développement économique. Il y a maintenant énormément de textes sur la convergence entre les régions qui accusent du retard et les régions plus développées au sein des pays industrialisés. Aux États-Unis, en Europe et au Japon, l'écart diminue d'environ deux points de pourcentage par année, que l'on ait ou non adopté des politiques régionales. Il existe très peu de politiques régionales en Europe et il n'y en a pratiquement pas aux États-Unis, mais il y a quand même un rapprochement de deux ou trois points de pourcentage par année.

• 1710

Au Canada atlantique, nous avons été détournés de cette convergence par des politiques perverses telles que l'assurance-emploi, qui a mis l'accent sur d'anciennes industries primaires, et par des programmes de développement économique qui récompensaient les politiquement puissants et politisaient le jeu économique. Les textes économiques et la preuve empirique montrent que, si nous ne faisons rien, nous nous débrouillerons mieux que nous ne le faisons maintenant.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci beaucoup.

Est-ce qu'on peut passer maintenant à M. Joe McGuire?

[Traduction]

M. Joe McGuire: Merci beaucoup, madame la présidente.

Pour ce qui est de l'acquisition des compétences, je crois que chaque province au Canada a un accord de perfectionnement et de formation professionnelle avec le gouvernement fédéral. Cet accord s'appelle l'Accord de développement du marché du travail. Je crois que l'Ontario est la seule province à ne pas l'avoir signé. Toutes les autres provinces au Canada ont conclu cet accord, en vertu de la partie deux du programme d'assurance-emploi. L'accord est mis en oeuvre par la province, parce que l'éducation est une compétence provinciale, mais l'argent provient de DRHC et est envoyé à la province. En Saskatchewan, je crois que cela représente 43 millions de dollars par année. Donc, si les agriculteurs, par exemple, ont de la difficulté à obtenir de la formation, ils devraient s'adresser à la province.

En ce qui concerne les jeunes, je ne crois pas que qui que ce soit ait examiné l'incidence des modifications de 1996, c'est-à-dire les 910 heures de travail pour avoir droit aux prestations, puisque vos chiffres s'arrêtent en 1997. Le programme démarrait à peine et, dans une économie saisonnière, il est extrêmement difficile d'obtenir six mois de travail. Je suppose donc que, de deux choses l'une: soit les jeunes quittent la région en grand nombre, soit ils trouvent du travail pour de plus longues durées. Mais nous n'avons aucune certitude, puisque personne n'a vraiment examiné cela.

Je voudrais toutefois que les témoins nous donnent leur opinion, s'ils en ont une, sur la règle du dénominateur. Il s'agit de la règle qui prévoit un dénominateur plus élevé de deux points que le taux de chômage en cours, de sorte que, s'il y a amélioration de l'emploi, les chômeurs s'en trouvent punis parce qu'ils doivent attendre plus longtemps et reçoivent moins d'argent. Je me demande si vous avez une opinion sur la règle du dénominateur et sur la façon dont elle fonctionne.

M. Fred McMahon: Eh bien, puisque personne ne prend la parole, je vais le faire une fois de plus. Je crois tout de même que je parle trop, et vous partagez probablement mon opinion.

Je n'aime pas la règle du dénominateur parce qu'elle est source d'inégalité de traitement entre les diverses régions du pays. Cela signifie que, si l'on vit dans un endroit où le taux de chômage est élevé, on est traité différemment de ceux qui vivent dans une région de faible chômage, même si sa situation personnelle est exactement la même. C'est injuste. On se retrouve également à valoriser le chômage, parce qu'il est plus facile de recevoir des prestations d'assurance-emploi dans ces régions. Le système offre des incitatifs à l'obtention de prestations d'assurance-emploi, ce qui maintient le taux de chômage à la hausse, et l'on se retrouve pris au piège d'un cercle vicieux à l'échelle régionale. C'est inéquitable et ça relance un cycle répréhensible.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur McMahon.

Maintenant on peut terminer, en conclusion, avec M. Pat Martin. Deux petites minutes, si possible, monsieur Martin,

[Traduction]

très brève question.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci beaucoup de m'avoir inclus à la fin. Étant donné que je n'ai que deux minutes, je vais me limiter à une question de détail.

J'ai longtemps exercé le métier de compagnon charpentier, et j'ai représenté le syndicat des charpentiers. Un des plus grands problèmes des travailleurs des métiers et du bâtiment, c'est la façon dont le régime d'assurance-emploi s'applique actuellement aux apprentis en ce qui concerne les études collégiales qui font partie de leur apprentissage. Pendant les six ou huit semaines où ils fréquentent un collège, au lieu d'être considérés comme étant au chômage, ils sont simplement considérés comme étant absents du travail.

À l'époque où j'étudiais, il n'y avait pas interruption de versements du revenu. Maintenant, par contre, les apprentis sont pénalisés en raison de la période de carence de deux semaines, qui leur est imposée comme s'ils avaient perdu leur emploi et étaient au chômage. De ce fait, beaucoup d'apprentis ne peuvent simplement pas donner suite à la composante collégiale de leur formation parce que, s'ils ont des familles, ils ne peuvent simplement pas se permettre de se passer de revenus pendant deux semaines.

Donc, quels que soient vos sentiments sur la nécessité de l'existence de l'assurance-emploi, ne trouvez-vous pas, comme moi, que pénaliser les apprentis lorsqu'ils fréquentent un collège communautaire est une mauvaise chose pour l'industrie? S'agit-il d'un changement négatif qui aurait pu être corrigé dans le projet de loi C-2? Que pensez-vous de l'incidence de cette mesure sur l'industrie? La question s'adresse à tous.

M. Rick Audas: Cela me semble pervers. Selon moi, s'il y a une politique qui décourage la volonté de formation, il va falloir me présenter des arguments très convaincants pour que je l'accepte.

• 1715

Cela ne me semble pas être un cas rare. Notre pays doit augmenter le nombre de travailleurs spécialisés et nous devons répandre les compétences parmi plus de gens. Les ouvriers spécialisés doivent avoir amplement la possibilité d'améliorer leurs connaissances, parce que c'est ainsi que l'on améliore la productivité, et c'est ainsi que le pays s'enrichit.

M. Fred McMahon: Je trouve cependant regrettable que cette subvention fasse partie du système d'assurance-emploi. Encore une fois, on confond les objectifs. Si l'on veut encourager l'éducation et la formation spécialisée, j'estime qu'il faut recourir à un programme distinct, ayant des objectifs clairs.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci beaucoup. Un très court commentaire, monsieur Fortin.

[Traduction]

M. Pat Martin: Belle façon de conclure.

[Français]

M. Pierre Fortin: Je cherchais depuis le début un point sur lequel je pouvais être d'accord avec Rick. Je suis entièrement d'accord avec lui cette fois.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci beaucoup.

J'aimerais remercier nos invités d'aujourd'hui: M. Fortin de l'Université du Québec à Montréal, M. Audas de l'Université du Nouveau-Brunswick, M. Van Audenrode de l'Université Laval et M. Fred McMahon de l'Institut Fraser.

Je pense que mes collègues sont d'accord avec moi pour dire que nos échanges ont été très fructueux et très intéressants. Donc, je vous remercie d'avoir accepté de venir nous rencontrer à si peu de temps d'avis. Je vous souhaite une bonne journée.

Maintenant, je sais que la greffière vous a distribué les horaires des prochaines rencontres. La liste des témoins qui seront entendus lors de ces rencontres vous sera distribuée demain, à la prochaine rencontre. Je vous rappelle que la réunion de demain aura lieu à 11 heures; cependant, contrairement à ce qui avait d'abord été annoncé, elle aura lieu à la salle 237-C. Vos bureaux ont été avisés de ce changement, mais je vous demanderais d'en prendre note.

En terminant, j'aimerais remercier tous mes collègues de m'avoir permis de présider cette séance. Je les remercie également d'avoir bien collaboré avec moi pour ma première présidence au Comité du développement des ressources humaines.

La séance est levée.

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