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HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 décembre 2001

• 0841

[Traduction]

Le vice-président (M. Dennis J. Mills (Toronto—Danforth, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Le président a dû avoir du mal à se rendre ce matin, car il devait être là. Moyennant donc l'approbation de mes collègues, je propose que nous commencions afin de ne pas dévier de notre trajectoire, car nous accueillons un grand nombre de témoins ce matin.

Il semble que personne n'y voit d'inconvénient. Nous allons donc commencer par souhaiter la bienvenue au groupe REAL Women of Canada, qui est représenté par Gwendolyn Landolt, Sophie Joannou et Diane Watts. Nous accueillons également Évaluation-Médias, qui est représentée par Melanie Cishecki. Il y a aussi l'Association des sourds du Canada, dont les représentants ne sont pas encore arrivés. Nous recevons également la Canadian Association of Black Journalists et son porte-parole Sam Donkoh, de même que le Conseil canadien des normes de la radiotélévision, qui est représenté par Ronald Cohen et Ann Mainville Neeson.

Nous accordons généralement une dizaine de minutes à chacun des témoins. Nous entendrons tous les témoins, après quoi nous passerons aux questions.

Gwendolyn, nous allons commencer par vous.

Mme Gwendolyn Landolt (vice-présidente nationale, REAL Women of Canada): Merci, monsieur le président.

Nous sommes très heureuses de pouvoir venir ici vous présenter nos observations, en tant que simples citoyennes, au sujet du système de radiodiffusion.

• 0845

À notre avis, le CRTC interprète généralement la Loi sur la radiodiffusion de manière à limiter la concurrence puisqu'il favorise le contenu canadien, une programmation canadienne et un accès limité, que le public canadien veuille ou non ce genre de programmation. Ce que souhaitent les Canadiens n'est pas réellement pris en compte par le CRTC. Par conséquent, la plupart d'entre eux ne comprennent pas pourquoi ils doivent payer pour des assemblages de services qui comprennent des canaux dont ils ne veulent pas.

De plus, le CRTC ne fait pas preuve de suffisamment de diligence pour en arriver à un équilibre des opinions sur les questions faisant l'objet de débats publics, comme l'exige la Loi sur la radiodiffusion. Les radiodiffuseurs canadiens, privés et publics, n'assurent pas un équilibre rigoureux, mais font plutôt la promotion d'une perspective qui se situe apparemment à la gauche de la position financière et sociale de la plupart des Canadiens.

Bref, le CRTC, avec son budget de 22 millions de dollars, décide de ce qui est bon ou mauvais pour les téléspectateurs canadiens et est devenu un arbitre de ce qui est considéré comme le bon goût acceptable au Canada, encore une fois en ne tenant pas compte de ce que souhaitent vraiment les téléspectateurs.

D'autre part, le Code d'application concernant les stéréotypes sexuels de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, qui a été approuvé par le CRTC, stipule dans son objet que les diffuseurs doivent essayer de présenter dans leurs émissions et leurs messages publicitaires un nombre proportionnel d'hommes et de femmes ayant des occupations et des rôles variés dans la société, que ce soit au foyer ou au travail. Mais en réalité, les diffuseurs présentent rarement les femmes dans des rôles traditionnels, comme celui de mère ou de femme au foyer, ou de père en tant que soutien de famille et parent intéressé par ses enfants, à moins, bien sûr, que cela ne soit fait de façon moins que flatteuse.

Les lignes directrices prévoient également que les émissions de radio et de télévision doivent refléter le changement que connaît la structure familiale contemporaine. Cela est apparemment interprété au mépris de la famille traditionnelle qui, selon Statistique Canada, est l'environnement le plus sûr et le plus sain pour les hommes et les femmes parce que c'est un modèle où il y a moins de ruptures et de pauvreté.

La sociologue Judith Wallerstein conclut, dans l'étude de suivi sur 25 ans qu'elle a faite auprès des enfants de parents divorcés, que les divorces et la séparation ont des effets négatifs à long terme. Le recensement de 1996 de Statistique Canada nous éclaire à ce propos. Il révèle que 74 p. 100 des enfants vivent dans la famille traditionnelle formée de leur père et mère biologiques. Seulement 13 p. 100 des familles sont monoparentales, tout comme en 1930 soit dit en passant, et seulement 14 p. 100 des couples vivent en union libre. Mais on ne s'en douterait pas à voir les émissions qui sont présentées à la télévision canadienne, où la famille dysfonctionnelle est monnaie courante.

On se saurait se prononcer sur le système canadien de radiodiffusion sans parler de la Société Radio-Canada. La SRC, qui a été créée en 1930 présumément pour favoriser et renforcer la culture et l'identité canadiennes, est malheureusement loin de s'acquitter de sa mission. Au lieu de promouvoir un sentiment national d'unité et d'identité, la SRC est devenue un facteur de division dans la société canadienne.

En effet la SRC est devenue non pas une source d'information factuelle, mais plutôt une source d'endoctrinement pour les programmes politiques et sociaux de gauche. La parade constante de reporters, de commentateurs et d'invités de gauche à la SRC est très inquiétante et très préjudiciable.

La SRC fait preuve d'une détermination vraiment remarquable pour éviter de présenter dans le circuit de l'information les vues de l'élément conservateur. Même quand il lui arrive de présenter les opinions de groupes conservateurs, la SRC, selon une étude du Fraser Institute, leur accole une étiquette qui mine leur crédibilité, tandis que les étiquettes qu'elle accole aux groupes de gauche ont tendance à légitimer ces groupes ainsi que leurs déclarations.

Bien sûr, il y a aussi eu cette décision qu'a rendue l'ombudsman de la SRC le 19 septembre sur le groupe de réflexion que la SRC avait réuni à l'émission nationale pour discuter des attentats terroristes à New York. L'émission avait donné lieu à tellement de plaintes que l'ombudsman, David Bazay, a reconnu qu'elle ne reflétait tout simplement pas les vues des simples citoyens.

Dans le nouvel univers numérique, la situation doit changer et elle peut changer. Alors que la réglementation de l'industrie date d'une époque où le nombre des canaux, canaux analogiques, était limité, le niveau actuel de protection, les exigences de contenu et la microgestion de l'industrie ne sont tout simplement plus justifiables dans l'univers de 200 à 500 canaux rendus possible par la télévision numérique.

• 0850

La nouvelle réalité est que le grand nombre de canaux rendus disponible par la nouvelle technologie permet d'offrir au public un éventail élargi d'émissions tout en assurant une protection suffisante de l'accès et du contenu pour l'industrie canadienne. Il faut réaliser l'équilibre entre ce que le public souhaite voir et les objectifs de l'industrie.

La loi devrait également être interprétée de façon moins restrictive afin de refléter les goûts et les intérêts des téléspectateurs et d'éviter qu'on leur impose de force des canaux en les obligeant à s'abonner à des bouquets de services. Les clients continueront de faire des choix, et il faudra accepter un jour que certaines des émissions moins populaires de la radio-télédiffusion canadienne devraient pouvoir échouer et quitter le système plutôt que de continuer à être soutenues par la réglementation du CRTC.

Le Conseil a attribué des licences à un grand nombre de chaînes numériques spécialisées. Mais les vieilles habitudes ont la vie dure, et le Conseil a accordé un soutien sur le plan réglementaire à un très petit nombre de membres choisis du secteur de la programmation pour les protéger encore une fois de la concurrence, et cela nous inquiète énormément.

Dans l'avis public CRTC 2000-6 de janvier 2000, le Conseil énonce sa politique relative à l'attribution de licences aux nouvelles chaînes numériques de télévision spécialisées et payantes. Il s'est fondé, semble-t-il, sur les décisions du secteur de la programmation qui avait mis généralement l'accent sur la nécessité pour les nouveaux services d'être soutenus sur le plan de la réglementation. Les distributeurs, pour leur part favorisaient généralement une démarche d'entrée libre en fonction du marché. Le Conseil a acquiescé aux souhaits du secteur de la programmation et a décidé d'accorder un soutien réglementaire aux nouvelles chaînes numériques. Il a réparti les nouvelles chaînes en deux catégories, la catégorie 1 étant réservée à un nombre restreint de services qui seront encore une fois protégés.

Dans l'avis public 2000-171, le Conseil a attribué des licences à 16 services numériques anglophones et à 5 francophones, qui sont les seuls sur un total de plus de 272 services proposés qui auront droit à un traitement préférentiel du fait qu'ils se retrouvent dans la catégorie 1. Ces services sont notamment protégés pendant une période incroyable de sept ans et ne seront soumis à aucune concurrence de la part d'autres services numériques pour certains genres.

Les services de langue anglaise inclus dans la catégorie 1 sont variés: on y trouve par exemple BookTelevision, une chaîne documentaire, PrideVision, une chaîne consacrée aux sports et une autre consacrée au tourisme. Tous les câblodistributeurs et distributeurs par satellite ont reçu l'ordre de distribuer et d'assembler tous les services de catégorie 1, mais pourront choisir les services de catégorie 2 qu'ils souhaitent offrir.

La question qui saute aux yeux de tous les Canadiens est la suivante: Pourquoi le Conseil a-t-il choisi ces 16 services de catégorie 1 plutôt que les 232 autres services qui appartiennent maintenant à la catégorie 2? Pourquoi, avoir choisi PrideVision plutôt que EWTN? PrideVision est un service qui est destiné à la communauté gaie alors que EWTN est un diffuseur religieux. Pourquoi le CRTC n'a-t-il pas privilégié les chaînes consacrées aux chevaux, aux livres, à l'automobile, aux activités nautiques ou aux emplois?

REAL Women of Canada s'inquiète de la sélection de PrideVision en particulier et estime que ce choix par le CRTC est encore un autre exemple de son arbitrage du goût du public qui remplace le choix du public par un jugement tout au mieux bureaucratique.

Comme il est précisé dans l'avis public 2000-17, les choix ont été faits à partir de six critères différents: contributions à la programmation canadienne, attrait du service, contributions à la diversité, sérieux du plan d'affaires, utilisation novatrice du médium numérique et coût du service proposé pour les abonnés.

Il est évident que les critères 2 et 3 sont presque totalement subjectifs quand ils sont appliqués à plus de 250 candidats, mais la documentation soumise pour attester de la demande peut être un facteur important si elle est de qualité. Les critères 1, 4 et 6 sont fondés sur des données quantitatives qui, si elles sont correctement analysées, peuvent justifier le choix. Mais les critères subjectifs semblent certainement l'avoir emporté sur ces critères objectifs fondés sur des données.

En annonçant le choix de PrideVision dans son avis public 2000-456 du 14 décembre, le CRTC a expliqué ce choix en invoquant la diversité qu'apporterait PrideVision. Cette chaîne aiderait les amis et les familles des membres de la communauté gaie. Quant à la valeur de ce service, le Conseil déclare qu'«il pourrait être un service «rassembleur», suscitant la compréhension et réduisant ainsi les stéréotypes».

• 0855

Le Conseil fait également référence aux éléments de preuve présentés par PrideVision, qui a évoqué le manque de programmation destinée à la communauté gaie et lesbienne. PrideVision a également soutenu que le service comblerait les besoins de millions d'amis et a parlé de la demande très claire des groupes de réflexion. Dans sa demande, PrideVision proposait un tarif de gros de 35c. par abonné et une période d'essai de six mois.

Même une analyse très sommaire des documents soumis pour montrer l'importance de la demande et de l'argument relatif à la diversité ne permet toutefois pas de justifier la conclusion à laquelle le Conseil est arrivé pour approuver la demande de PrideVision et lui accorder une licence de catégorie 1. Ainsi, les groupes de réflexion auxquels on a eu recours pour montrer l'importance de la demande ne comprenaient que 20 personnes à Vancouver et 23 à Toronto. C'est ce petit groupe de personnes qui est cité comme source d'information relativement à l'importance de la demande et à l'attrait pour les auditoires grand public de gais et de lesbiennes—personne d'autre.

Quant à l'importance de la demande, le Conseil a indiqué que, d'après la documentation, PrideVision répondrait aux besoins de millions de Canadiens, de millions d'amis et de membres de familles. Le demandeur a soutenu que l'importance de l'auditoire était évalué aux alentours de 330 000 la première année et qu'elle atteindrait 550 000 téléspectateurs en l'espace de sept ans, si PrideVision était offert comme service autonome. S'il était assemblé avec d'autres services—ce qui s'est effectivement produit—le nombre des téléspectateurs passerait de 1 million à 2,6 millions pendant la même période.

Ces estimations montrent clairement que le chiffre plus élevé comprend un auditoire captif qui a acheté l'assemblage pour accéder à d'autres services, et non à PrideVision. De plus, même les chiffres inférieurs ne sont peut-être pas très réalistes. Après avoir obtenu sa licence et revu les renseignements présentés dans sa demande originale, PrideVision a annoncé sa stratégie de tarification le 13 novembre. Les responsables estiment maintenant qu'il faudra bien plus de 100 000 abonnés pour arriver au seuil de rentabilité après trois ans. Qu'est-il arrivé à ces millions de personnes qu'on disait vouloir attirer?

On peut présenter n'importe quel argument au nom de groupes divers et sous-représentés. Il ne convient pas de choisir un groupe en particulier en vue de lui accorder un soutien réglementaire pour cette simple raison. Les nouveaux canaux numériques ont permis au Conseil d'autoriser un certain nombre de services divers dans la catégorie 2 sur la base de l'ethnicité: philippine, juive, persane, punjabi, etc. En fait, le Conseil lui-même, par le passé, a élaboré une politique sur la programmation à caractère religieux pour permettre la distribution de services exprimant une divergence de points de vue à titre facultatif.

Ainsi, dans l'avis public CRTC 1993-74, le Conseil a déclaré—je résume ici—qu'il autoriserait les diffuseurs de programmation religieuse à présenter des émissions religieuses à point de vue unique ou limité accessibles uniquement à ceux qui désirent payer pour ce service. À notre avis, pour reprendre les propos du Conseil, les services destinés à des groupes divers et sous-représentés, comme la communauté gaie et lesbienne, pourraient avoir accès à leurs émissions à point de vue unique ou limité à condition que ces émissions ne soient accessibles qu'à ceux qui désirent payer pour ce service, tout comme c'est le cas pour les groupes religieux. Le CRTC pourrait veiller à ce que les services plus largement accessibles continuent à présenter aux téléspectateurs une multitude de points de vue sur les questions d'intérêt public comme le prévoit la Loi sur la radiodiffusion.

En résumé, le choix de PrideVision par rapport à l'exclusion de tous les autres n'est pas valable. En effet, l'utilisation des critères de sélection donne l'apparence mais pas la substance d'un examen attentif détaillé tandis que la base réelle de cette sélection particulière demeure subjective au mieux. Les bureaucrates ont substitué leur propre jugement à la demande du marché. Le manque d'objectivité est apparent dans la déclaration enthousiaste du Conseil dans sa décision de reconnaître PrideVision comme un service de catégorie 1. Le Conseil déclare:

    Un canal consacré à cet auditoire sera unique au système de radiodiffusion au Canada, parmi un des premiers de ce genre dans le monde. Il pourrait être un service «rassembleur», suscitant la compréhension et réduisant ainsi les stéréotypes.

C'est du sérieux! De l'avis du Conseil, PrideVision est donc plus unique dans le monde que les 232 autres candidats.

De plus, le Conseil est d'avis que PrideVision pourrait servir une fin sociale plus valable que tous les autres candidats qui ont présenté une demande...

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Avez-vous presque terminé, madame Landolt?

Mme Gwendolyn Landolt: Oui, j'ai un dernier point à vous présenter.

• 0900

Le CRTC semble être périmé et subjectif, et nous proposerions notamment, monsieur le président, qu'il joue son rôle de surveillance et d'application de la loi. Le rôle de l'État n'est pas de choisir des gagnants, et il sera très important, dans la révision de la Loi sur le CRTC et de la Loi sur la radiodiffusion, de faire en sorte que le CRTC n'ait plus à choisir les gagnants et qu'il laisse plutôt ces décisions au marché.

Si le CRTC a un rôle à jouer, c'est bien de préserver le contenu canadien, mais il doit aussi surveiller le rendement. Souvent, il attribue des licences et n'applique pas les conditions dont elles sont assorties, dans le cas de la SRC et de CTV. Quoi qu'il arrive, les diffuseurs font à leur gré sans se soucier des conditions de leurs licences. Ils en font fi tout simplement.

Le CRTC doit donc pouvoir appliquer les conditions de licences. La loi est très lacunaire sur le plan des mécanismes d'application, et le moment est venu, dans le nouvel univers numérique, de changer le rôle du CRTC.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Mme Gwendolyn Landolt: Excusez-moi d'avoir dépassé le temps qui m'était alloué.

Le président: Ça va.

Madame Cishecki.

Mme Melanie Cishecki (directrice exécutive, Évaluation- Médias): Merci beaucoup.

Au nom d'Évaluation-Médias, je tiens à vous dire comme je suis heureuse de témoigner devant vous aujourd'hui et à vous présenter d'avance mes excuses pour le fait que mon exposé portera principalement sur les modifications que nous souhaitons. Je n'ai pas vraiment accordé assez d'attention aux points forts de notre système de radiodiffusion. Je vous demande de bien vouloir m'en excuser.

Évaluation-Médias est une organisation féministe nationale qui cherche à transformer l'environnement médiatique pour faire en sorte que les femmes n'y soient ni invisibles ni présentées de façon stéréotypée, mais pour qu'elles soient plutôt présentées de façon réaliste et qu'elles soient représentées de façon équitable. Notre travail vise la promotion de l'égalité des sexes en vue d'obtenir des changements systémiques à long terme.

Mes remarques porteront surtout sur l'orientation future du système canadien de radiodiffusion, notamment sur les questions de réglementation et de politiques.

Évaluation-Médias a commandé à l'Université Simon Fraser une analyse comparative des systèmes d'autoréglementation au Canada, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande. Ce rapport, qui s'intitule Surveiller ceux qui surveillent — l'équité des sexes et la réglementation partagée au sein du nouveau marché médiatique, propose l'idée d'une coréglementation des industries médiatiques. Ce modèle de coréglementation nous ferait passer du régime d'autoréglementation existant à un modèle plus démocratique et plus responsable où l'industrie, le gouvernement, le public et les organisations de la société civile auraient tous un rôle à jouer.

Le Canada est reconnu comme étant un chef de file international dans la réglementation des médias, et il est important que nous continuions à jouer ce rôle de leadership en nous assurant que notre système est bien adapté aux défis liés aux changements rapides qui surviendront aux XXIe siècle. Je tiens à bien vous dire qu'Évaluation-Médias reconnaît l'importance croissante des organismes de réglementation et que nous reconnaissons aussi qu'il faut assurer l'équilibre entre la responsabilité sociale et les objectifs commerciaux de l'industrie.

Cela dit, laissez-moi vous donner les grandes lignes de nos conclusions. Nous avons évalué le modèle de réglementation canadien en fonction de quatre critères. Nous nous sommes d'abord demandé quel était le mandat et la base juridique; nous avons ensuite regardé quels étaient les réseaux de responsabilité du gouvernement, de l'industrie et du public; nous avons évalué la façon dont les conseils surveillaient les médias et évalué les valeurs et les goûts de la population; et enfin, nous avons évalué la façon dont chaque conseil informe le public de son droit de se plaindre.

Voici brièvement quelques grandes lignes tirées de notre rapport. Nous avons constaté qu'il était nécessaire d'ouvrir le dialogue entre, d'une part, les groupes de consommateurs et de défense des intérêts et, d'autre part, les organes de réglementation. Les organisations représentant la société civile se sentent aliénées par le système. Pour se plaindre, le public doit souvent intervenir activement, et pourtant il n'a aucun appui ni financier ni juridique. En effet, les organisations de la société civile telles que Évaluation-Médias ont aujourd'hui très peu de ressources leur permettant de prendre part au processus de réglementation. Cela fait plusieurs années que nous exerçons des pressions pour que l'on rembourse les intervenants de leurs frais, et nous sommes ravis de voir que le Sénat est actuellement saisi du projet de loi S-7 qui a été parrainé par la sénatrice Sheila Finestone.

Les organisations de la société civile signalent que le système des plaintes porte à confusion, prend du temps et donne peu de résultats. On déploie également très peu d'efforts pour surveiller l'évolution des normes de la collectivité pour qu'elles soient reflétées dans les nouveaux codes et dans les décisions des conseils. Même si le modèle de réglementation donne une apparence d'ouverture, si l'on y regarde de plus près, on constate que le processus n'est pas si ouvert que cela.

• 0905

Évaluation-Médias fait des sondages, à la mesure de son budget, et a commandité cette année au centre canadien sur l'opinion des consommateurs un sondage national auprès des Canadiens en vue d'évaluer la sensibilisation et les attitudes de la population vis-à-vis du processus de réglementation au Canada. D'après les résultats, un nombre important de Canadiens, soit 39 p. 100, ont signalé avoir été offensés par ce qu'ils voyaient à la télévision. De plus, 45 p. 100 de femmes ont signalé s'être senties offensées, par rapport à 32 p. 100 d'hommes.

Lorsque les téléspectateurs se sentent heurtés, c'est à hauteur de 75 p. 100 qu'ils signalent être heurtés par l'absence de moralité. Soixante-trois pour cent d'entre eux se disent offensés par la violence à la télévision de même que par l'image sexuelle que l'on transmet des femmes. Soixante-trois pour cent d'entre eux disent également être offensés par le racisme. Voilà pour les pourcentages les plus élevés.

Lorsque les téléspectateurs sont heurtés, 62 p. 100 agissent en changeant de chaîne et 46 p. 100 d'entre eux éteignent carrément le téléviseur. Vingt-six pour cent d'entre eux environ boycottent un produit ou un service, mais seulement 3 p. 100 déposent officiellement une plainte. Les téléspectateurs offensés par ce qu'ils voyaient le signalaient spontanément. Si 35 p. 100 d'entre eux disaient ne pas se donner la peine de se plaindre officiellement, c'est que, à leur avis, cela ne ferait aucune différence ou parce qu'ils n'avaient pas le temps. À peine 7 p. 100 ont expliqué ne pas savoir à qui se plaindre.

Nous avons également constaté que 72 p. 100 des téléspectateurs, ce qui est élevé, connaissaient le code de violence. Par contre, seulement 21 p. 100 connaissaient le code de déontologie sur la façon de dépeindre les deux sexes. Autrement dit, il serait nécessaire pour Évaluation-Médias et sans doute pour le Conseil canadien des normes de la radiotélévision de se pencher sur ces questions dans le cadre de leurs programmes de diffusion externe.

Nous avons constaté que 69 p. 100 des répondants étaient d'accord avec l'idée qu'une agence indépendante suive les normes et les valeurs de la collectivité en vue de les maintenir. Vingt pour cent de nos répondants étaient contre.

Pour que le Canada reste dans le peloton de tête, il faut, d'après notre rapport, que le cadre juridique et les débats laissent de côté la problématique des images pour s'intéresser plutôt aux droits de la personne. En effet, la problématique des images est devenue anachronique étant donné que les goûts évoluent constamment dans notre société et particulièrement ceux qui sont liés à l'expression sexuelle. En se préoccupant plus des droits de la personne, on est plus sensible aux préoccupations qu'exprime de plus en plus la société à l'égard de la déontologie, des droits de la personne et de la violence; et nous espérons que cette réorientation permettra d'aborder les questions systémiques telles que le sexisme, le racisme et l'homophobie systémique. Notre rapport contient plusieurs recommandations en ce sens.

Pour Évaluation-Médias, l'autoréglementation n'est pas un processus inclusif. En effet, seule une petite partie de la population est disposée à présenter officiellement des plaintes, ce qui explique que les organisations de la société civile soient frustrées par le système. Très peu de recherches ont été faites sur le processus de réglementation et les normes n'ont pas été évaluées.

L'évolution du marché mondial nous fait vivre des changements sans précédent. Le féminisme est en train de subir une réorientation philosophique, et nous sommes d'avis que les codes devraient refléter le nouveau féminisme qui tient compte de problématique plus vaste comme l'égalité entre les hommes et les femmes, et ce, dans le contexte des droits de la personne.

Dans notre rapport «Surveiller ceux qui surveillent», nous recommandons certaines façons de faire évoluer le système de réglementation du Canada pour qu'il se rapproche de plus près du modèle de la coréglementation.

Voici nos recommandations à l'égard du CRTC: nous acceptons que le CRTC cède ses pouvoirs au CCNR, dans la mesure où il y a un examen régulier des codes au moins tous les 10 ans; nous recommandons qu'il y ait divulgation publique des plaintes par les différents détenteurs de dossier; nous recommandons que la divulgation publique de l'information soit considérée comme un outil important destiné à faire évoluer le comportement. Les audiences sur le renouvellement des permis devraient faire l'objet d'une publication de toutes les plaintes, y compris celles qui sont adressées au CCNR, de même que d'une publication des efforts déployés par le détenteur de permis pour former ses employés et la population sur les questions d'équité en vertu de la Loi sur les droits de la personne.

C'est ce que nous appelons une vérification axée sur l'égalité entre les hommes et les femmes, et le CRTC est la seule tribune publique qui permette la présence des tiers. Évaluation-Médias recommande fortement que le système retrouve sa capacité de surveillance des médias, grâce à une affectation d'au moins 125 000 $ par année pour un sondage indépendant des médias sur les normes de goût. Ce sondage pourrait se faire en partenariat entre le CRTC, le CCNR et d'autres intervenants. À notre avis, la nomination des commissaires doit être beaucoup plus ouverte et doit se faire en consultation avec les organisations de la société civile, le milieu et le gouvernement.

• 0910

La démarche requise pour déposer une plainte doit être beaucoup plus ouverte pour le public canadien et doit suivre des lignes directrices très claires permettant d'en appeler d'une décision. Le CRTC doit mener régulièrement des examens officiels du CCNR en faisant appel au public, et doit aussi aider ceux qui formulent des plaintes, en les soutenant financièrement, par exemple en défrayant les frais des intervenants, ou en fournissant aux plaignants des conseils sur un site Web qui pourrait être interactif.

Voici maintenant les recommandations que nous formulons à l'égard du CCNR. Le CCNR doit pouvoir imposer des sanctions s'il veut que l'on se conforme aux codes. Dans d'autres pays, comme en Nouvelle-Zélande, on a le pouvoir d'obliger les radiodiffuseurs à publier des déclarations, le pouvoir d'interdire la radiodiffusion pendant un certain temps ou le pouvoir d'imposer des amendes payables au Trésor ou à des particuliers. Un minimum de sanctions rendrait notre système actuel plus musclé.

La nomination des représentants du public doit se faire ouvertement et en consultation avec les organisations de la société civile; il faut aussi pouvoir justifier officiellement ces nominations, comme par exemple lors d'une comparution une fois l'an à un comité parlementaire. Le rapport du CCNR, déjà efficace, pourrait devenir encore plus efficace pour les organisations de la société civile si on y incluait la nature des plaintes par genre, par groupe de radiodiffusion et par titre d'émission, et en expliquant clairement l'incidence des plaintes retenues ou rejetées.

Les codes doivent faire l'objet officiellement d'examens périodiques et doivent être remaniés pour qu'ils reflètent les enjeux et les valeurs contemporaines de la société. Il faut consulter les organisations de la société civile et les reconnaître comme partenaires de plein droit dans la coréglementation, afin d'en garantir le processus démocratique. Enfin, les organisations de la société civile ont besoin de l'aide que leur fourniraient des chercheurs du gouvernement, du milieu et des universités pour qu'elles puissent collaborer régulièrement à la surveillance.

Voilà quelques-unes des grandes lignes de notre rapport; nous vous remercions à nouveau de nous avoir donner la parole et nous vous donnerons avec plaisir des détails supplémentaires si vous en avez besoin plus tard.

Le président: Merci beaucoup, madame Cishecki. Nous passons maintenant à la Canadian Association of Black Journalists et à M. Sam Donkoh.

M. Sam Donkoh (vice-président, Canadian Association of Black Journalists): Monsieur le président et mesdames et messieurs du comité permanent, la Canadian Association of Black Journalists remercie le comité de l'avoir invitée à comparaître pour présenter ses opinions sur l'état des médias au Canada en ce qui concerne la façon dont ils dépeignent et reflètent la diversité de la population canadienne.

D'entrée de jeu, monsieur le président, et avec votre indulgence, j'aimerais vous parler pendant quelques minutes de moi-même et de l'organisation que je représente. Je suis arrivé comme journaliste il y a plu de 30 ans au Canada et, depuis lors, je travaille dans les médias communautaires à divers titres, c'est-à-dire à titre de reporter comme de rédacteur. J'ai signé de nombreux reportages et commentaires sur maints sujets, depuis la santé jusqu'à la politique en passant par l'éducation et les affaires. Je suis membre de notre association depuis sa création, en 1995.

Nous sommes un réseau national de journalistes et d'autres professionnels des communications. Nous voulons faire en sorte que les médias reflètent bien la richesse et la diversité de la mosaïque du Canada. Nos 200 membres incluent des représentants des Afro-Canadiens et d'autres qui ont foi en notre vision et la partagent. Depuis six ans que nous existons, nous avons lancé plusieurs initiatives toutes conçues en vue d'aider nos membres et les habiliter dans leurs contributions professionnelles dans les salles de presse du Canada.

Laissez-moi vous parler de certaines de nos initiatives. La plus récente est la série de conférences Fil Fraser sur la diversité dans les médias. Vous savez peut-être que Fil Fraser est un président à la retraite et PDG de Vision TV. Il est le premier Canadien de descendance africaine à avoir été entendu sur les ondes canadiennes, et il a écrit dans certaines des grandes publications canadiennes des articles sur les droits de la personne et sur la diversité.

Autre initiative—le programme de mentorat de notre association qui réunit nos membres étudiants et nos membres professionnels. Dans le cadre de notre initiative sur l'alliance avec les institutions pédagogiques, nous nous sommes associés avec le Centennial College de Toronto pour faire de la formation. Nous siégeons à plusieurs des comités du collège, notamment au comité consultatif professionnel sur le programme de journalisme. Nous offrons également des bourses à des étudiants en journalisme.

• 0915

Nous offrons aussi nos prix de la diversité dans les médias et avons déjà récompensé le Toronto Star, Vision TV, la radio de la CBC pour ses émissions Metro Morning et Outfront, et la revue Chatelaine.

Pourquoi offrir un prix de la diversité dans les médias? Notre association veut sérieusement encourager les médias à être le reflet de la population canadienne, mais nous voulons faire plus que signaler simplement les manquements dans la façon des médias de refléter la diversité de la société canadienne. Nous voulons reconnaître les efforts, si modestes soient-ils, des organisations qui cherchent à être plus inclusives et mieux refléter la société.

Mais nous avons des préoccupations.

Nous sommes préoccupés par l'absence de diversité, particulièrement à la télévision. D'une façon générale, les médias n'ont pas réussi à respecter l'esprit et la lettre de la Loi sur la radiodiffusion ni à refléter la diversité multiculturelle et multiraciale des Canadiens. Sous la rubrique «Politiques canadiennes de radiodiffusion», à l'alinéa 3(1)d), la Loi canadienne sur la radiodiffusion établit que le système canadien de radiodiffusion devrait:

    par sa programmation et par les chances que son fonctionnement offre en matière d'emploi, répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations, des hommes, des femmes et des enfants canadiens, notamment l'égalité sur le plan des droits, la dualité linguistique et le caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne ainsi que la place particulière qu'y occupent les peuples autochtones.

Bien qu'il arrive parfois que des gens de différents antécédents culturels lisent les nouvelles ou jouent dans des émissions dramatiques ou dans des spectacles, il est rare de les voir autrement que stéréotypés, c'est-à-dire de les voir jouer autre chose que des rôles de criminels, de sportifs ou d'artistes du spectacle. On les voit rarement dans des rôles de pouvoir. Mesdames et messieurs, sachez que dans notre milieu afro-canadien, nous comptons également des professionnels des affaires, de la médecine, de la recherche, du droit et de l'éducation, et bien d'autres encore. Voilà la réalité que nous aimerions bien voir dépeinte à la télévision.

Mais nous voulons aller plus loin que celui qui parle à la caméra ou derrière le micro. Nous voudrions être également représentés tout autant en coulisse, c'est-à-dire là où se trouve le véritable pouvoir.

Même si la Loi sur la radiodiffusion ne s'applique pas à l'industrie de la presse écrite, il est important de mentionner les conclusions qu'a tirées le professeur John Miller de l'Université Ryerson dans son étude de 1994 de l'industrie de la presse au Canada. M. Miller signalait que seulement 67 des 2 620 emplois de professionnels répartis dans 41 salles de presse n'étaient comblés par des gens de couleur, dont à peine 16 étaient des Afro-Canadiens.

D'après le rapport, les minorités visibles dans les salles de la presse écrite en 1994 ne représentaient que 2,6 p. 100 de tous les travailleurs, à l'époque où les Autochtones et les minorités visibles représentaient 13 p. 100 de la population canadienne. Or, la situation ne s'est guère améliorée. Que nous sachions, il n'y a pas eu de recherche semblable sur les médias de la radio et de la télévision. Mais l'information anecdotique nous a permis d'apprendre que le nombre d'Afro-Canadiens travaillant dans les salles de presse de la télévision au Canada ne reflète en rien leur présence ou leur contribution dans la population canadienne.

• 0920

Voici maintenant quelles seraient nos recommandations, monsieur le président.

Nous aimerions profiter de l'occasion pour demander que l'on fasse une étude de la façon dont les services de nouvelles télévisées canadiens reflètent et dépeignent la diversité de la population canadienne. Nous serions ravis de prendre part à l'étude, même si notre association est à but non lucratif et tire ses fonds uniquement des cotisations de ses membres.

Nous nous félicitions également de la façon musclée dont le CRTC a récemment décidé d'obliger les radiodiffuseurs à justifier la façon dont ils tenaient compte de la diversité. Toutefois, le CRTC doit faire encore plus, s'il veut être le surveillant efficace de l'industrie. Nous aimerions voir imposer des mesures, notamment, qui obligeraient les chaînes télévisées à se fixer des objectifs et des échéanciers en vue d'atteindre des cibles en matière de diversité, et ce dans le cadre de leurs demandes de permis; il faudrait que les balises soient mesurables et soient imposées tout au long de la durée du permis, ce qui serait préférable à des efforts de maquillage de dernière minute destinés à impressionner le Conseil, au moment du renouvellement du permis.

Le rendement des chaînes télévisées au chapitre de la diversité devrait également faire l'objet de compte rendu régulier et largement disséminé. Le CRTC devrait permettre à des collectivités minoritaires de devenir propriétaires de médias. Après tout, le Canada aime à se vanter qu'il est le pays le plus multiculturel du monde. Dans ce cas, pourquoi a-t-il fallu quatorze ans pour que Milestone ait sa licence de diffusion dans la ville la plus diversement culturelle du Canada? Il faut donner une voix aux minorités visibles non seulement dans leurs propres collectivités mais aussi dans les grands médias.

Ce que nous demandons aujourd'hui n'est pas impossible. Cela se passe déjà en Grande-Bretagne, grâce à un réseau britannique de diversité culturelle. Il y a un an, tous les radiodiffuseurs britanniques se sont fixé des objectifs et des échéanciers en vue de mieux refléter la diversité du pays. Le mois dernier, on a fait le bilan, et ce que l'on a entendu était impressionnant.

En guise de conclusion, sachez que notre vision de la diversité dans les médias tient compte des différences qui existent chez tous les Canadiens, qu'il s'agisse des questions de race, de sexe, de religion, d'orientation sexuelle ou de capacité. Nous croyons également en la possibilité de célébrer sans entrave nos différences avec les autres Canadiens et de les partager.

Enfin, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité permanent, notre association vous remercie de nous avoir permis de vous présenter notre opinion sur la façon dont la diversité du Canada est dépeinte dans les médias. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Donkoh.

J'aimerais informer les membres du comité et nos invités que M. Roots de l'Association des sourds du Canada vient d'arriver et que nous allons lui permettre de prendre la parole. Il a besoin d'un interprète.

Faites-moi signe quand vous serez prêt.

• 0925

M. James Roots (directeur exécutif, Association des sourds du Canada): Je n'ai pas l'habitude de me servir de ma voix et j'ai besoin d'une minute pour démarrer.

Le président: Prenez tout votre temps et faites savoir quand vous serez prêt.

Si M. Roots préfère que d'autres prennent la parole avant lui, cela nous convient aussi. C'est à lui à décider s'il veut parler maintenant ou plus tard.

M. James Roots: Je crois que ça va, dans la mesure où vous entendez. Je ne sais pas si je suis audible, car je ne n'entends pas moi-même.

Le président: Allez-y, nous vous entendons très bien.

M. James Roots: Merci de m'avoir invité. La dernière fois que j'ai comparu, c'était en 1988, à l'époque du comité permanent qui vous a précédé et de la Commission royale d'enquête sur la radio et la télévision. Je m'y étais beaucoup amusé. J'habitais Toronto à l'époque, et vous m'aviez logé au Château Laurier, ce dont je ne me suis pas plaint.

Je ne sais si vous avez eu l'occasion de lire mon mémoire, mais j'aimerais vous en signaler quelques points saillants.

Je représente aujourd'hui l'Association des sourds du Canada. Nous sommes l'organisation nationale qui non seulement travaille pour les sourds mais qui regroupe uniquement également des sourds. Nous avons pour mandat de promouvoir et de protéger les droits, les besoins et les préoccupations des Canadiens sourds. Nous incluons parmi nos membres ceux qui ne se perçoivent pas eux-mêmes comme étant sourds mais qui sont des malentendants, étant donné qu'ils utilisent tout comme nous le sous-titrage et qu'ils partagent nos problèmes.

Notre association est sous le contrôle exclusif de sourds et se compose exclusivement de consommateurs qui sont eux-mêmes des sourds. Nous ne sommes pas une agence de services, nous sommes plutôt une organisation de consommateurs spécialisée dans l'information, la recherche et l'action communautaire.

Étant sourds ou malentendants, il nous est impossible de suivre les mots prononcés à la télévision. Le réglage du volume ne nous aide aucunement. De plus, nous ne pouvons entendre les effets sonores. Le dialogue hors champ nous échappe. Il en est ainsi, peu importe que le matériel télévisé soit une comédie de situation, une dramatique télévisée, de la publicité, des avertissements d'urgence, des bulletins de nouvelles—tout ce qui passe à la télévision. Par conséquent, le sous-titrage est indispensable afin que nous puissions comprendre le matériel diffusé.

Le sous-titrage consiste dans la transcription écrite du dialogue et des effets sonores qui apparaissent habituellement comme des lettres blanches sur un fond noir dans une case de deux à quatre lignes superposées à la partie visuelle du programme. Le sous-titrage est invisible sans un décodeur, et c'est pourquoi on parle de sous-titrage codé. On ne peut pas le voir sans mettre en marche le décodeur.

En vertu de l'American Television Decoder Circuitry Act de 1990, tous les téléviseurs munis d'écran de 13 pouces ou plus vendus aux États-Unis doivent être munis d'une puce de décodage. Il est évident que le Canada a profité de l'effet de débordement d'une telle loi et, par conséquent, presque tous les téléviseurs présentent déjà la capacité intégrée de décoder les signaux de sous-titrage.

C'est très important pour nous, parce que jusqu'en 1991, les décodeurs étaient des boîtes externes qu'il fallait brancher séparément. Il fallait brancher le décodeur au magnétoscope ou au téléviseur, et il y avait tous ces fils qui passaient derrière les appareils. Ce système ne respectait pas les critères de l'Association canadienne de normalisation, ce qui signifiait qu'on ne pouvait pas obtenir d'assurance. Si l'installation causait un incendie, on était sans assurance et tant pis pour nous. Nous sommes donc heureux que les puces de décodage soient maintenant intégrées dans d'autres téléviseurs.

Notre association représente quelque 350 000 Canadiens souffrant d'une surdité profonde, mais il y a au total quelque trois millions de Canadiens qui souffrent d'un certain degré de perte auditive. Des études ont prouvé hors de tout doute et de façon répétée que le sous-titrage aide les enfants et les adultes à acquérir des capacités de lecture et d'écriture, ainsi que des compétences dans une langue seconde. Par exemple, si des députés anglophones présents veulent améliorer leur français, ils n'ont qu'à capter le sous-titrage en français. Cela aidera beaucoup.

• 0930

J'estimais en 1987 qu'un tiers de la population canadienne pourrait profiter directement du sous-titrage. Je pense maintenant que c'est un chiffre très conservateur. Je pense qu'il s'agit de plus d'un tiers.

On pourrait très bien présumer, étant donné ces avantages évidents, qu'on offre présentement le sous-titrage lors de toute télédiffusion, mais ce n'est malheureusement pas le cas.

Le sous-titrage a vu le jour à Boston au début des années 70, grâce à une organisation à qui l'on doit l'instauration du sous-titrage au Canada. Nous avons dû nous battre longtemps et avec acharnement. Nous avons passé presque 10 ans à travailler avec l'ancien ministère des Communications, l'Office national du film, ainsi qu'avec ce qu'on appelait alors Santé et Bien-être social Canada, pour lancer un nouveau programme pour distribuer des films sous-titrés dans le pays. Pourquoi? C'était dans le but de prouver qu'il existait un marché pour le sous-titrage.

Après une dizaine d'années d'efforts, nous avons réussi à persuader l'Office national du film et le ministère des Communications de créer l'Agence canadienne de développement du sous-titrage en 1981, afin d'introduire le sous-titrage dans les films et la télévision au Canada. Cette agence a changé depuis. Il existe maintenant plus d'organismes indépendants de sous-titrage.

Au cours des premières années du sous-titrage au Canada, la technologie était imposante des points de vue physique et financier. Le coût de production d'une demi-heure de programmation sous-titrée variait entre 2 000 $ et 4 000 $. Le sous-titrage en français, en raison de la fréquence des accents dans cette langue, présentait un retard sérieux sur le sous-titrage en anglais.

À l'heure actuelle, on peut procéder au sous-titrage d'une heure complète de programmation pour aussi peu que 140 $. La technologie est si compacte et facilement transportable qu'on peut l'utiliser lors d'une conférence gouvernementale pour faire ce qu'on appelle du sous-titrage en direct. Je suis persuadé que vous en avez déjà fait l'expérience à certaines de vos conférences.

Le sous-titrage en langue française est en train de rejoindre le sous-titrage en langue anglaise. Malheureusement, ni le milieu de la réglementation ni celui de la radiodiffusion n'ont présenté un rythme comparable.

Au cours des premières années du sous-titrage, les consommateurs et l'ASC se sont montré patients face à l'augmentation lente et marginale du nombre d'émissions sous-titrées. Nous avons réalisé que les aspects techniques et financiers étaient complexes et dispendieux. Ce n'est pas avant 1986, par exemple, qu'on a accepté 10 heures de programmation sous-titrée par semaine pour les deux seuls diffuseurs de l'époque, soit la SRC et CTV.

En 1987, cependant, nous en avons eu assez. Six ans après l'arrivée du sous-titrage au Canada, le CRTC demandait à la SRC et à CTV d'augmenter leur programmation sous-titrée d'une heure à chaque année. Même si l'on est partisan de la méthode graduelle, c'est ridicule. Cela signifiait qu'il faudrait encore 104 ans avant qu'on puisse sous-titrer toutes les émissions de la SRC et de CTV seulement.

Depuis ce temps, l'Association des sourds du Canada et ses organisations affiliées ont fait des pressions et sont intervenues de façon soutenue en faveur du sous-titrage généralisé. Les diffuseurs ont lutté contre nous à tous les moments, même lorsqu'ils étaient occupés à signaler leurs réalisations pour nous offrir des portions peu généreuses de sous-titrage.

Pour sa part, le CRTC a persisté en «encourageant» simplement—plutôt qu'en «exigeant»—les diffuseurs à offrir une quantité minimale de sous-titrage.

Il a fallu les menaces de poursuite de la part de la communauté des sourds de la Colombie-Britannique pour inciter le CRTC à fixer un objectif minimal plus réaliste et à faire usage d'un langage plus sévère au sujet du sous-titrage lors de ses audiences de renouvellement de permis en 1995. D'après cette décision, les diffuseurs dont les recettes annuelles excèdent les 10 millions de dollars doivent sous-titrer au moins 90 p. 100 de leur matériel avant le mois de septembre 1998, alors qu'on «s'attend» à ce que les diffuseurs moins prospères sous-titrent 95 p. 100 de leur matériel, et on «encourage» les plus petits à en sous-titrer 80 p. 100. Chose incroyable, même avant que le permis de 1995-1998 soit échu, les diffuseurs faisaient appel au soutien de l'ASC pour obtenir un prolongement du délai de réalisation.

• 0935

La SRC, dans son propre bulletin sur l'équité, précisait que 60 p. 100 de sa programmation en langue anglaise et 51 p. 100 de sa programmation en langue française était sous-titrée. Il est devenu évident que plutôt que d'investir davantage en heures de sous-titrage, en équipement de sous-titrage, dans la formation et le recrutement de personnel de sous-titrage, et dans le développement de ces technologies, le groupe des diffuseurs avait décidé en 1995 de placer tous ses «ufs dans le même panier—en l'occurrence, l'espoir d'une technologie vocale. Réalisant trop tard qu'il était encore 10 ans trop tôt pour que cette technologie devienne une méthode plausible de sous-titrage, ils ont demandé des prolongations. Inutile d'ajouter que le CRTC a refusé de prendre des mesures disciplinaires à l'encontre d'un seul diffuseur n'ayant pas respecté ses engagements en vertu de son permis de 1995-1998.

L'ex-président de l'ASC et Henry Vlug, premier avocat sourd du Canada, ont réagi en déposant contre la SRC une plainte en matière de droits de la personne pour avoir été si longtemps sans offrir de sous-titrage. Dans une décision qui a fait jurisprudence, le Tribunal canadien des droits de la personne a statué le 15 novembre 2000 que la SRC avait effectivement fait preuve de discrimination fondée sur la déficience. Il a ordonné au diffuseur de sous-titrer tout ce qu'il diffuse—soit sa programmation, ses communiqués d'intérêt public, les commerciaux, les nouvelles, les rapports d'urgence, les promos, etc.—«à la première occasion raisonnable».

Fidèle à son habitude, la SRC a décidé de défier cette décision en interjetant appel dont l'audition est prévue pour le mois d'avril prochain. Son argument consiste dans ce que le TCDP ne possède aucune autorité en la matière, puisque le CRTC a le mandat légal de réglementer la diffusion.

Notre association a fait parvenir une lettre à tous les diffuseurs—cela représentait beaucoup de lettres, car il y a de nombreux diffuseurs de nos jours comme vous le savez. Nous leur avons demandé de faire part de leur plan d'application; ils ont tous répondu que plutôt que d'agir, ils attendraient les résultats de l'appel de la SRC. Entre-temps, bien sûr, presque tous ces diffuseurs ont présenté des arguments lors des audiences du CRTC actuellement en cours au sujet de leurs propres opérations et procédures, en prétendant que l'organisme de réglementation est dépassé et qu'il ne devrait pas s'occuper des questions de contenu, ce qui comprend de façon implicite le sous-titrage. Autrement dit, les diffuseurs désirent que leur industrie soit exemptée de l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de la Charte des droits et libertés, et qu'ils ne soient redevables en matière de sous-titrage qu'au CRTC, qu'ils veulent voir privé de tout droit de réglementer ou d'exiger le sous-titrage.

Il faut préciser pour mémoire que les diffuseurs nationaux exploitent également la sémantique pour présenter une image embellie du nombre de films sous-titrés qui sont disponibles en réalité. Par exemple, le réseau CTV se vante depuis quelques années déjà que 100 p. 100 de sa diffusion nationale est sous-titrée. L'astuce repose dans les termes diffusion nationale. La programmation totalement «nationale» n'équivaut qu'a environ 40 p. 100 de la journée de radiodiffusion de toute station affiliée ou autre de la CTV.

Le plus consternant de l'affaire, c'est que la SRC et CTV sont les chefs de file des diffuseurs canadiens dans le domaine du sous-titrage. Aucun autre diffuseur, en particulier les chaînes thématiques, les chaînes de télé payante ou de télé à la carte, les chaînes par satellite ou les stations numériques ne leur arrivent à la cheville lorsqu'il s'agit de sous-titrer autant d'émissions.

Alors qu'on assiste à l'émergence d'un nombre grandissant de diffuseurs ciblés, de canaux numériques et de canaux en direct, le pourcentage d'émissions de télévision accessibles aux sourds et aux malentendants décroît à un rythme exponentiel. Cette situation cause beaucoup d'angoisse; le comité permanent doit en être bien conscient. N'oubliez jamais que vous devez répondre aux besoins de tous les Canadiens et ne pas exclusivement satisfaire les rêves de bénéfices du secteur de la radiodiffusion.

Quelle que soit l'issue de l'appel de la SRC de la décision rendue par le Tribunal canadien des droits de la personne, le fait demeure que la décision a confirmé la position de notre association selon laquelle la Charte canadienne des droits et libertés confère aux sourds et aux malentendants le droit d'avoir accès à l'intégralité de la programmation radiodiffusée. Aussi bien la Charte que la Loi canadienne sur les droits de la personne maintiennent les droits de tous les Canadiens de recevoir des services essentiels, ce qui comprend les services de radiodiffusion. Même la SRC ne conteste pas. Elle ne conteste que le droit du Tribunal canadien des droits de la personne d'intervenir dans ce qu'elle perçoit comme un secteur injustifié de réglementation.

• 0940

Je vais maintenant vous donner un exemple récent de discrimination. Le week-end dernier, TV Ontario a mis à l'antenne son émission bien connue, Saturday Night at the Movies. Je suis certain que certains d'entre vous la regardent lorsque vous êtes coincés à Ottawa et n'avez rien à faire. C'est le samedi soir, et vous écoutez les films à la télé, n'est-ce pas? La chaîne passait le film intitulé The Man Who Came to Dinner. C'est un film que je voulais voir depuis longtemps. C'est la première fois qu'il passait avec sous-titrage; enfin, c'est ce que je pensais. C'est ce que disait la publicité. Saturday Night at the Movies a toujours fait du bon travail de sous-titrage.

J'ai allumé le poste et il n'y avait rien. Pas de sous- titrage. J'ai donc envoyé un e-mail à TV Ontario pour demander ce qui est arrivé. On m'a répondu que la bande de sous-titrage avait été reçue séparément de la bande audio et que les deux ne correspondaient pas. Il l'ont donc renvoyée et ont reçu une deuxième bande de sous-titrage. Ce n'était toujours pas la bonne. Ils l'ont donc renvoyée. Ils ont décidé de diffuser le film sans le sous-titrage.

Dites-moi. Si cela avait été la bande audio qui avait été mauvaise, est-ce que la chaîne aurait quand même diffusé le film? Honnêtement? Non, bien sûr. Mais sans titrage, cela ne les dérangeait pas.

Dans l'affaire Vlug c. la SRC, le Tribunal canadien des droits de la personne a jugé d'après les éléments présentés par la SRC qu'il n'existe aucune raison technologique qui empêche de sous- titrer dès maintenant toutes les émissions de télévision. La technologie peut non seulement répondre à la demande mais elle se trouve également déjà entre les mains des diffuseurs. Même les canaux communautaires sur le câble ont accès à l'équipement de sous-titrage à un coût minime ou nul. La quasi-totalité des diffuseurs à ce que je sache disposent déjà du matériel sur place.

L'affaire a aussi montré que non contente d'exagérer de façon extravagante le coût prévu du sous-titrage intégral, la SRC ne sait même pas comment elle est arrivée à ses propres estimations. Le chiffre de 14 millions par an pour le sous-titrage intégral s'est révélé de la pure fantaisie. Le tribunal a laissé entendre que le coût véritable se rapprocherait plutôt d'un million, et encore. Chose importante, le tribunal a précisé que dans le budget de langue anglaise de la SRC, qui se chiffre à 417 millions, même selon les estimations exagérées de coûts de la SRC, le sous-titrage intégral ne représenterait que 0,6 ou 0,72 p. 100 de son budget annuel—donc moins de 1 p. 100.

Les diffuseurs refusent de sous-titrer l'intégralité des émissions sous prétexte qu'il y a une pénurie de sous-titreurs de formation. Or le tribunal a examiné la preuve présentée par le secteur et a conclu que c'est faux.

En résumé, les diffuseurs n'ont aucune raison valable de refuser d'offrir des journées de diffusion entièrement sous- titrées. Il ne leur manque que la volonté politique et commerciale de le faire et une réglementation qui les y oblige sous peine de sanctions.

Voici ce que nous demandons au comité permanent.

Premièrement, il faut confirmer et appliquer à tous les diffuseurs la décision du Tribunal canadien des droits de la personne dans l'affaire Vlug c. la SRC, qui les oblige à sous-titrer du début à la fin du temps d'antenne.

Deuxièmement, cela doit se faire à la première occasion raisonnable. On doit entendre par là six mois dans le cas des titulaires et deux ans dans le cas des nouveaux radiodiffuseurs. Pourquoi? Parce qu'ils ont déjà le matériel nécessaire. Ils ont déjà les fonds et le personnel qu'il faut. Qu'est-ce qui les retient?

• 0945

Le pouvoir de la Commission canadienne des droits de la personne et des tribunaux canadiens des droits de la personne de statuer sur les plaintes contre les diffuseurs au motif de discrimination doit être repris explicitement dans toute nouvelle loi relative à la radiodiffusion. Ce secteur ne doit pas être soustrait injustement au régime de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le CRTC doit conserver le pouvoir et le droit de délivrer des licences aux radiodiffuseurs. Une nouvelle loi relative à la radiodiffusion doit toutefois ordonner au Conseil d'instaurer des exigences et des mécanismes d'application rigoureux aux radiodiffuseurs pour qu'ils éliminent leurs pratiques discriminatoires dans la plage de 24 heures. Nous venons à peine d'apprendre, après toutes ces années, que pour le CRTC, la journée de radiodiffusion va de 6 heures à minuit. Et ensuite? Est-ce que tous les sourds sont censés se mettre au lit à minuit? Nous n'avons pas le droit de regarder un film aux petites heures? Qui a décidé cela? Qui a dit que les sourds ne vivent que 18 heures par jour? Nos journées font 24 heures, comme pour tout le monde. Nous voulons le sous-titrage par règlement 24 heures sur 24.

Il faut créer un mécanisme qui habilite et incite le CRTC à appliquer les exigences relatives à la licence. Il est de notoriété publique que le Conseil actuel est un tigre de papier et refuse de sanctionner les titulaires qui omettent ou refusent carrément de respecter les modalités de leur licence. Le CRTC est donc dénué de toute utilité ou efficacité. Il faut lui conférer le pouvoir et l'appui politique nécessaires pour prendre des mesures énergiques chaque fois que la situation l'impose. Cela pourrait signifier une interdiction d'antenne, ne serait-ce que temporaire, en cas de manquement.

Tout le travail des radiodiffuseurs en faveur de l'illustration de la diversité ne vaut que pour la présentation à l'écran des minorités visibles et des femmes. Il n'y a rien de semblable pour les personnes handicapées, à l'exception possible de David Onley. J'ignore ce qui lui est arrivé. Une nouvelle Loi sur la radiodiffusion devrait énoncer des normes minimales d'inclusion des personnes handicapées dans le monde de la radiodiffusion, aussi bien à l'écran qu'en coulisse.

Comme en témoignent ces recommandations, l'Association des sourds du Canada attache de l'importance au CRTC. Nous sommes contre sa suppression. Nous sommes par contre très déçus et désillusionnés de son action en matière de sous-titrage. Nous estimons néanmoins que nos recommandations peuvent le revivifier et en faire un organisme de réglementation efficace. Autrement dit, sans le CRTC, qui aurait le pouvoir d'ordonner le sous-titrage? Le consommateur serait contraint chaque fois de s'adresser aux tribunaux pour visionner une émission. Rares sont ceux—même regroupés en association—qui ont les moyens financiers de poursuivre les radiodiffuseurs.

Si le comité permanent décide de recommander la suppression du CRTC ou le retrait de ses pouvoirs, je vous demande de recommander au gouvernement fédéral qu'il accorde à l'Association des sourds du Canada, principal regroupement des consommateurs de sous-titrage, pour la doter des moyens financiers, juridiques, techniques et humains nécessaires à la création d'un centre d'accessibilité à la radiodiffusion pour les sourds et les malentendants. Celui-ci surveillerait le volume et la qualité du sous-titrage offert par les radiodiffuseurs et collaborerait avec eux pour améliorer l'accès des sourds et des malentendants à la télévision et former des techniciens.

En guise d'incitatif, les radiodiffuseurs devraient être contraints par le gouvernement fédéral pour obtenir une licence de consacrer 0,5 p. 100 de leurs recettes brutes au centre, en espèces ou en nature, sous forme de moyens techniques ou humains.

Cela suffira, je crois.

Le président: Merci beaucoup.

M. James Roots: Je vous remercie de m'avoir invité.

Le président: Nous apprécions beaucoup votre exposé. Vous avez très bien illustré pour nous les difficultés des sourds du pays dans l'espace télévisuel.

• 0950

M. Cohen, représentant du Conseil canadien des normes de la radiotélévision.

M. Ronald Cohen (président national, Conseil canadien des normes de la radiotélévision): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de l'invitation que vous m'avez faite de comparaître devant vous. Comme le président l'a dit, je m'appelle Ron Cohen, je suis président national des normes de la radiotélévision. Je suis accompagné de Mme Ann Mainville Neeson, directrice exécutive du conseil.

Nous n'avions pas présenté de mémoire au comité, monsieur le président, et nous sommes venus à l'invitation toute récente de la greffière. Nous sommes très heureux de pouvoir vous parler de notre conseil. Nous n'avons pas de recommandations à vous proposer, et nous allons donc plutôt vous dire qui nous sommes et ce que nous faisons.

À notre avis, le conseil est un exemple tout à fait réussi d'autoréglementation, la méthode de plus en plus répandue de réglementation dans de nombreux domaines professionnels des sociétés occidentales.

Créé à l'origine en 1986 par l'Association canadienne des radiodiffuseurs pour favoriser des normes élevées de conduite professionnelle de la part des radiodiffuseurs privés du pays, une proposition concrète a été formulée deux ans plus tard et présentée au CRTC au sujet de la formation de l'organisme, qui est devenu le CCNR. Le CRTC a accepté la proposition et déclaré dans son avis public 1988-159 que:

    Cette action volontaire de l'ACR et de ses membres témoigne du sens des responsabilités et de la maturité de l'industrie de la radiodiffusion à l'égard des questions sociales qui préoccupent le public.

Puis, en 1991, dans son avis public 1991-90, le CRTC a informé les titulaires et le grand public qu'il souscrivait au rôle du CCNR en matière de réception et de règlement des plaintes venant du grand public concernant la programmation de ses membres.

Le mandat du conseil est de surveiller l'application des codes des radiodiffuseurs privés du Canada, à savoir le code de l'ACR concernant les stéréotypes sexuels et le code de l'ACR concernant la violence, chacun d'eux étant une des modalités de la licence de tous les radiodiffuseurs du pays, privés et publics. Les codes que nous appliquons comprennent le code de déontologie de l'ACR et le code de déontologie journalistique de l'Association canadienne des directeurs de l'information radio-télévision (ACDIRT).

Dans l'exercice de son mandat, le CCNR reçoit les plaintes, encourage le radiodiffuseur et le plaignant à échanger pour trouver une solution et, si le plaignant est toujours insatisfait, statue sur ces plaintes.

Le processus d'autoréglementation des radiodiffuseurs privés est ouvert et public. Il repose sur la divulgation intégrale et la diffusion de toutes les décisions, qu'elles soient favorables ou non aux radiodiffuseurs. En conséquence, le communiqué qui annonce chaque décision est transmis aux journaux, à tous les radiodiffuseurs et à quiconque demande de figurer sur la liste de diffusion. Toutes les décisions, au nombre de 215—et cela inclut celle qui a été rendue aujourd'hui, monsieur le président—depuis le milieu de 1993, figurent sur note site Web accompagnées de l'ensemble des motifs.

À ce jour, il y a 498 radiodiffuseurs adhérents dans le secteur de la radio, de la télévision et des services thématiques. De ce nombre, 370 sont des radiodiffuseurs radio, 94 des radiodiffuseurs de télévision traditionnelle et 34 des services thématiques.

Toutes les décisions sont rendues par un conseil composé à parité de représentants du grand public et du secteur. Il y a cinq conseils régionaux (Atlantique, Québec, Ontario, Prairies et Colombie-Britannique) et deux conseils nationaux, un pour les services thématiques et l'autre pour les radiodiffuseurs nationaux traditionnels. La biographie de chaque membre du conseil figure sur notre site Web.

Ce travail est exigeant. Il faut en effet répondre aux préoccupations légitimes de la population face à la censure. Il faut aussi réglementer un contenu dans les limites acceptables de la liberté d'expression.

• 0955

À l'origine, le censeur—pour ceux qui se souviennent de leurs humanités—était un magistrat romain chargé de contrôler les moeurs des citoyens. Aujourd'hui, comme le dit le Grand Robert, c'est celui qui

    est chargé par un gouvernement d'examiner les livres, les journaux, les revues, les oeuvres théâtrales, cinématographiques, avant d'en autoriser la publication ou la représentation.

Pour éviter le moindre élan de censure, le CCNR ne prend pas sur lui de déposer une plainte ou de surveiller les émissions en l'absence de plaintes. Nous réagissons au sujet des préoccupations de la population; nous ne cherchons pas à les deviner.

Évoluant par définition dans le domaine de la liberté d'expression, le conseil est aux prises avec deux positions. Certains estiment que la liberté d'expression consacrée par la charge est un absolu; d'autres estiment au contraire que tout ce qui est désagréable et de mauvais goût et pis encore, devrait être proscrit à l'antenne.

Le conseil occupe le moyen terme. Pour commencer, l'expression à l'antenne doit être libre. Les radiodiffuseurs privés ont toutefois convenu entre eux que l'intérêt de leur auditoire est mieux servi par l'imposition de normes professionnelles auxquelles chacun souscrit. Ces normes s'incarnent dans les codes dont je viens de parler.

Deuxièmement, le conseil estime que les normes créées par les radiodiffuseurs doivent être pondérées par d'autres grandes valeurs de société incorporées aux codes, si bien que le conseil a cherché la juste mesure dans les nombreuses décisions qu'il a rendues à propos d'émissions ou de séries d'émissions.

Troisièmement, ce qui est une affaire de goût et non une violation du code relève de préférence du choix du téléspectateur ou de l'auditeur, qui peut changer de station ou éteindre le poste.

Quatrièmement, nos codes comportent de nombreuses dispositions concernant les émissions destinées aux enfants en bas âge, c'est-à-dire moins de 12 ans.

Cinquièmement, pour aider les téléspectateurs, et en conformité avec les codes, l'heure critique de 21 heures a été créée, avant laquelle aucune émission destinée aux adultes, parce qu'elle comporte de la violence, est à caractère sexuel ou aborde des sujets adultes, ne peut être diffusée. Même après cette heure, des avertissements et des icônes de classification sont aussi exigés pour que le téléspectateur puisse éviter les émissions qu'il ne juge pas indiquées pour lui ou sa famille.

Sixièmement, est également interdite la violence gratuite ou idéalisée à toute heure du jour.

Les 215 décisions affichées sur le site Web représentent une jurisprudence considérable qui illustre pour les radiodiffuseurs ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas mettre à l'antenne.

Même si les décisions relatives aux émissions ou aux bulletins non rediffusables sont aussi importantes que celles qui s'appliquent à une série complète, ce sont ces dernières qui attirent généralement le plus d'attention. Parmi nos décisions les plus importantes, nous comptons les suivantes.

Vous vous souviendrez peut-être de la décision rendue dans l'affaire des Mighty Morphin Power Rangers, dans laquelle on a jugé qu'il était inacceptable de présenter des émissions destinées aux enfants qui comportaient une violence exagérée ou des actes de violence sans conséquences, ou encore des actes de violence susceptibles d'encourager de jeunes enfants à les imiter. Chose intéressante, cette décision, qui a fait date, est le résultat de deux plaintes seulement, ce qui a amené le magazine Maclean's, dans un article sur la question, de titrer «Power to the People».

Dans les décisions concernant l'émission de Howard Stern, qui, dans un premier temps, n'ont autorisé sa diffusion qu'à Montréal et Toronto, il ne faut pas oublier que beaucoup d'autres villes songeaient à importer l'émission à ce moment-là; deuxièmement, nous avons régulièrement effectué des coupures dans l'émission; et troisièmement, l'émission de radio a disparu de l'antenne à Montréal en 1998. Les membres du comité savent peut-être aussi que l'émission n'est plus diffusée du tout au pays depuis une semaine.

• 1000

Je mentionnerai aussi ce radiodiffuseur qui avait acquis les droits canadiens pour l'émission de télévision de Howard Stern et qui a renoncé à mettre en ondes cette émission, ce qui témoigne de l'adhésion aux normes des radiodiffuseurs privés du Canada.

Notre décision concernant Jerry Springer a eu pour effet de retrancher cette émission qui valorise la violence de la grille-horaire de la plupart des grandes stations de télévision du Canada, particulièrement au cours de l'après-midi.

Nos décisions concernant l'émission radio de Laura Schlessinger a eu pour effet—et cela rejoint ce que Melanie disait au sujet de l'inquiétude qu'avait Évaluation-Médias—de faire disparaître de cette émission les commentaires désobligeants et discriminatoires relatifs à l'orientation sexuelle, non seulement au Canada mais aussi aux États-Unis. Ces commentaires discriminatoires et inadmissibles concernant l'orientation sexuelle n'ont jamais trouvé leur place non plus dans son émission de télévision qui a vite disparu.

Au jour le jour, les décisions officielles, qui sont au nombre de 25 à 45 et qui sont rendues chaque année, nous permettent de façonner de manière suivie les paramètres d'un contenu acceptable, qu'il s'agisse de télécauserie, des émissions d'actualité, des dramatiques, des messages sur la circulation ou sur d'autres domaines.

Le CCNR se donne beaucoup de mal pour s'assurer que ses décisions sont connues de tous ceux qu'elles touchent. Ses arbitres volontaires qui proviennent du public et de l'industrie se sont engagés à énoncer un ensemble de principes qui sera respectueux des attentes du public. Preuve de la bienveillance et de l'impartialité des arbitres, tant ceux du public que de l'industrie, à l'exception de 3 décisions sur 215, toutes nos décisions ont été prises à l'unanimité, que ce soit en faveur des radiodiffuseurs ou à leur détriment.

Je vous remercie vivement de m'avoir écouté. Ann et moi sommes bien sûr disposés à répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie pour cet exposé très clair.

Nous allons maintenant passer aux questions. Nous allons commencer avec Mme Hinton.

Mme Betty Hinton (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, Alliance canadienne): Tout d'abord, je tiens à remercier tous nos témoins d'aujourd'hui. Je tiens à dire entre autres choses que je n'ai jamais assisté à une rencontre concernant les audiences du CRTC et la Loi sur la radiodiffusion qui n'était pas fascinante, et la journée d'aujourd'hui ne fait pas exception.

Je ne suis peut-être pas d'accord avec bon nombre de choses qui ont été dites, mais je suis sûrement d'accord avec la philosophie qui les anime. Tous nos témoins aujourd'hui ont préféré nous éclairer au lieu de maudire la noirceur dans ces dossiers qui sont peut-être importants pour vous, et je crois qu'une telle attitude est toujours louable.

J'aimerais aborder deux ou trois choses. En particulier, j'ai deux questions à poser à M. Roots. Quel est le pourcentage de Canadiens qui sont sourds; et de même, à son avis, est-ce que le système américain de sous-titrage est meilleur que le système canadien?

J'aimerais dire aussi que je suis entièrement acquise au sous-titrage. Le sous-titrage aide non seulement les personnes sourdes, mais il sert également à enseigner aux jeunes à lire—et j'en ai vu des exemples. Les personnes âgées en profitent aussi.

Donc, monsieur Roots, gardez tout votre courage. Un nombre croissant de Canadiens âgés vous rejoignent tous les jours, et le soutien dont vous bénéficiez va s'accroître au fil du temps.

Ce sont donc les deux questions que j'adresse à M. Roots. Je tiens à dire aussi que je suis d'accord avec certaines choses qui ont été dites ici aujourd'hui, à savoir que la liberté d'expression doit être maintenue. Mais la question à laquelle nous devons répondre aujourd'hui est de savoir s'il est juste que les contribuables paient pour cette liberté d'expression, et je crois que c'est ce qu'ont dit aujourd'hui Gwendolyn Landolt et quelques autres témoins. Il s'agit de savoir qui paie pour cela.

Je vais donc m'arrêter ici, et j'aimerais que M. Roots réponde à mes questions.

M. James Roots: En réponse à la première question, on a toujours dit qu'environ 10 p. 100 de la population souffrait d'une perte quelconque de l'ouïe, mais nous avons découvert lors du dernier recensement que cette proportion est de 15 p. 100.

En réponse à votre deuxième question, le système de sous-titrage aux États-Unis est beaucoup plus avancé que celui du Canada. Cela tient en partie au fait que les États-Unis ont un ministère fédéral de l'éducation qui subventionne très généreusement le sous-titrage.

• 1005

En réponse à votre troisième question, au Canada, ce ne sont pas vraiment les contribuables qui paient pour cela. Les télédiffuseurs paient de leur poche. Si vous êtes abonné du câble, une partie de l'argent que vous versez à votre câblodiffuseur finance en partie le sous-titrage. Les câblodiffuseurs comptent aussi sur le soutien des annonceurs et des commanditaires. Par exemple, voyez les nouvelles de 18 heures à CJOH, vous allez constater que c'est un salon funéraire, croyez-le ou non, qui commandite le sous-titrage du bulletin de nouvelles télévisé tous les jours. Il s'agit donc d'un télédiffuseur privé qui se sert d'une commandite privée pour faire cela.

Est-ce que cela répond à votre question?

Mme Betty Hinton: Oui.

Je vous dois une clarification. Je ne parlais pas de sous-titrage lorsque je me demandais si les contribuables doivent payer pour ces services. Je parlais des émissions qui ont été mentionnées plus tôt par d'autres témoins.

Voilà qui clarifie les choses.

Je tiens à dire aussi que mon collègue, M. Abbott, et moi-même étions aux États-Unis au cours de la fin de semaine dernière pour la promotion «Le Canada aime New York», événement formidable, soit dit en passant. Il y avait 20 000 Canadiens sur place. La chose qui m'a frappée le plus, c'est qu'aux États-Unis, on célèbre beaucoup plus l'unité que la spécificité. Je crois que la spécificité est une chose formidable. Le multiculturalisme est la marque de l'identité canadienne, et nous devons protéger cela. Mais aux États-Unis, au cours de cette fin de semaine-là, il m'est apparu évident que ces gens-là sont avant toute chose des Américains, et que la diversité vient après. Je crois que c'est une chose que nous aurions intérêt à imiter.

Le président: Merci, madame Hinton.

[Français]

Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Merci. On a beaucoup de questions à poser ce matin. Je trouve que c'est très intéressant. Il y a des avis contradictoires selon les observateurs de la scène. J'aimerais poser une question à la dame d'Évaluation-Médias, Mme Cishecki.

Vous avez parlé d'un sondage qui fait état de la qualité et de la teneur des contenus. Est-ce qu'on pourrait avoir, d'abord, le sondage? C'est assez important ce que vous dites sur les normes, sur ce qui est appliqué, sur les critiques que l'on fait à l'endroit des contenus. Est-ce que c'est un sondage qu'on pourrait avoir entre les mains pour voir l'échantillonnage, pour voir un peu auprès de quel public vous avez fait ce sondage?

[Traduction]

Mme Melanie Cishecki: Nous avons fait état de certains résultats dans notre rapport. Cependant, je serais heureuse de vous communiquer les tableaux qui nous ont été donnés par la maison de sondage. Je vais obtenir les informations voulues et les communiquer au comité.

Le président: Envoyez-les à la greffière du comité. Mme Fisher vous donnera l'adresse.

Mme Melanie Cishecki: Bien sûr.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Dans un deuxième temps, il y a le Conseil canadien des normes de la radiotélévision qui se dit très permanent, qui semble, en tout cas, être à l'écoute de toutes ces critiques faites sur le contenu, sur la qualité du contenu.

Ne pensez-vous pas que ce conseil joue le rôle que vous souhaitez tant avoir comme emprise sur le contenu canadien?

Le président: À qui posez-vous la question madame Gagnon?

Mme Christiane Gagnon: À Mme Cishecki.

[Traduction]

Mme Melanie Cishecki: Chose certaine, le CCNR écoute les plaintes du public et y donne suite.

Comme je l'ai mentionné au début de mon allocution liminaire, je vous ai demandé de me pardonner de ne pas avoir assez parlé des qualités du CCNR, j'aurais dû mentionner entre autres la jurisprudence à laquelle M. Cohen a fait allusion lorsqu'il s'agit de réunir les preuves voulues qui motivent les décisions.

Ce que nous voulons, c'est que le CCNR réagisse de façon plus musclée. Le CCNR est une organisation assez petite, d'après ce que j'en sais. Comme on l'a vu dans l'affaire Howard Stern, le CCNR a été inondé de plaintes.

L'une des critiques que je faisais avait trait au temps qu'il faut pour obtenir une réponse, et je disais aussi que, du point de vue des organisations de la société civile, le système est compliqué. Tout d'abord, nous devons adresser une plainte au radiodiffuseur et attendre sa réponse. Si nous ne sommes pas satisfaits, nous transmettons alors la plainte au CCNR. Nous devons attendre que son conseil se réunisse, puis nous attendons sa décision, ce qui peut souvent prendre plusieurs mois.

• 1010

Donc du point de vue des organisations de la société civile, c'est un système compliqué et qui prend beaucoup de temps, et il me semble que l'attente est trop longue pour que les gens soient heureux du processus et de la décision.

Le président: Voulez-vous intervenir, madame Landolt?

Mme Gwendolyn Landolt: Oui. J'aimerais dire quelque chose au sujet du Conseil canadien des normes de la radiodiffusion. Nous qui valorisons la diversité, nous qui avons un point de vue différent, nous trouvons que le Conseil a un parti pris et des préjugés. Le Conseil ne reflète pas les vues de la vaste majorité des Canadiens. Le Conseil privilégie davantage les groupes d'intérêts spéciaux. Il ne fait que protéger l'industrie. Il ne protège pas le public canadien.

Monsieur Cohen a cité l'exemple de l'affaire Howard Stern, mais un grand nombre de Canadiens se sont opposés des plus énergiquement à la manière dont on a traité Laura Schlessinger. On disait qu'on protégeait l'orientation sexuelle. Ce n'est pas vrai. On protégeait un groupe d'intérêt spécial mais non le public canadien. Si quelqu'un doit contrôler la radiodiffusion au Canada, ce ne devrait pas être un groupe qui protège d'abord ses intérêts. C'est ce que j'ai à dire.

Le président: Monsieur Cohen, nous ne voulons pas nous lancer dans un débat ici, mais...

[Français]

Mme Christiane Gagnon: C'est intéressant parce qu'on les a tous les deux.

[Traduction]

Le président: ... maintenant que nous avons entendu ce point de vue, je pense qu'il est juste que vous soyez entendu, monsieur Cohen.

[Français]

M. Ronald Cohen: Merci.

Tout d'abord, si je peux répondre à cela... En fait, il y a deux questions devant nous. Il y a la question que nous pose Mme Gagnon et il y a la réponse de REAL Women of Canada qui va dans l'autre sens.

Pour ce qui est du temps dont Melanie Cishecki a parlé pour rendre une décision, il est vrai que de temps à autre, ça prend du temps, parce qu'il y a un processus. Il faut accorder du temps pour le dialogue, qui est très important, entre ceux et celles qui font des plaintes et les radiodiffuseurs qui veulent y répondre. Alors, ça prend un petit bout de temps. Je dois dire que dans le cas de Howard Stern, par exemple, qui est survenu à Montréal le 2 septembre 1997, la décision du CCNR est sortie deux mois et 9 jours après le début de l'émission. Je pense que c'était très vite. Il y avait une urgence. Nous avons la possibilité de répondre vite. En tout cas, l'effet de nos décisions est, dans un sens, éternel, parce que les décisions durent à titre d'exemples de ce qui sera permis et de ce qui ne le sera pas pour les émissions à l'avenir.

[Traduction]

En ce qui concerne les propos de la représentante de REAL Women, monsieur le président, ce qui est intéressant à mon avis, c'est qu'on semble approuver sélectivement, dans un certain sens, ce qu'a dit ce groupe de représentants des radiodiffuseurs et du public. La décision Stern a apparemment satisfait les gens, mais lorsque le même groupe a pris une décision concernant Laura Schlessinger pour protéger les droits des gais et des lesbiennes, REAL Women n'était pas contente.

Ce qu'il faut noter, à mon avis, c'est qu'il ne s'agissait pas d'une décision prise dans l'intérêt des radiodiffuseurs, comme on l'a laissé entendre. Si la décision avait été prise dans l'intérêt des radiodiffuseurs, cette émission aurait été diffusée. On peut imaginer que les radiodiffuseurs préfèrent avoir une émission dont ils ne sont pas obligés de réviser le contenu, et qu'ils peuvent rediffuser telle quelle.

Dans ce cas-ci, on a imposé un changement radical à l'émission, et je suis heureux d'ajouter que ce changement a été mis en oeuvre tant aux États-Unis qu'au Canada. Chose certaine, cette décision est un reflet de la législation en matière de droits de la personne dans notre pays. C'est un reflet de la Charte, de la décision Egan, et de toutes les convictions que nous avons dans notre pays.

[Français]

Le président: Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon: Quelle est votre marge de manoeuvre, par exemple, pour intervenir lors de critiques et même de poursuites de la part de journalistes de la radio qui détruisent des réputations, de gens qui sont homophobes et qui sont très durs à l'endroit de certaines femmes aussi, qui les ridiculisent, puis qui démissionnent? On en a un à Québec qui démissionne présentement, mais qui va être embauché ailleurs. Je trouve que c'est donner une image, que c'est habituer les gens à écouter ce genre de... On n'a pas besoin de cela pour avancer dans la société. Je trouve cela dangereux. Il y en a quelques-uns au Québec et il y en a probablement au Canada. Nous, on les écoute et on trouve cela iépouvantable parce qu'ils ont un public. Ils sont très, très en demande parce qu'un jour c'est un autre et qu'un autre jour, c'est sur une autre question. Il n'y a pas d'idéologie derrière cela. On peut frapper n'importe qui. Comment pouvez-vous arriver à mettre un terme à une telle carrière?

• 1015

M. Ronald Cohen: Il va sans dire que nous n'avons pas le pouvoir de mettre fin à une carrière. Tout ce que nous pouvons faire, c'est rendre des décisions, et nous sommes très confiants que les radiodiffuseurs en question suivront enfin le résultat de nos décisions. Nous ne participons pas non plus à tout aspect relatif à la cour civile. Une action en diffamation, par exemple, n'a rien à voir avec nous.

Mais pour ce qui est de la radiodiffusion, si un animateur disparaît d'une station de radio et qu'il s'en va travailler à une autre, cela veut dire, entre autres, qu'il y a quelqu'un au niveau de la gestion de la compagnie visée qui a décidé que les services de la personne en question ne sont plus requis, peut-être à cause de ce qu'elle a dit. C'est difficile. On ne peut pas mettre fin à la carrière, mais en général—je dirais même pratiquement toujours—, les radiodiffuseurs suivent tout ce que nous disons dans nos décisions.

Le président: Monsieur Cohen, je voudrais un bref éclaircissement. Est-ce que vous pouvez intervenir directement ou si vous n'intervenez que lorsqu'il y a une plainte?

M. Ronald Cohen: C'est une excellente question, monsieur le président. Nous intervenons tout simplement après avoir reçu une plainte. Nous ne pouvons pas prendre l'initiative d'une action.

Le président: D'accord.

[Traduction]

M. Harvard et Mme Bulte—oui, madame Cishecki, un mot.

Mme Melanie Cishecki: Je dirai que Mme Gagnon a soulevé une question importante du point de vue d'Évaluation-Médias, à savoir le manque de clarté dans le processus d'appel. Si quelqu'un n'est pas heureux d'une décision, on ne sait pas trop quelle mesure on peut prendre, et cela pose un problème. Je crois qu'il y a une poursuite contre le CRTC qui repose partiellement sur cela.

Deuxièmement, les codes ne font pas état de certains problèmes qu'elle mentionne. Ce sont des choses qui ont trait au ton d'une émission ou à des problèmes systémiques, et nous cherchons un moyen de régler certains des problèmes systémiques qui ont été mentionnés. Merci.

Le président: Merci.

M. Harvard, Mme Bulte.

M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): J'ai combien de temps, monsieur le président?

Le président: Comme d'habitude.

M. John Harvard: Merci. J'étais en retard, excusez-moi. J'assistais à une autre réunion ce matin.

Je veux poser quelques questions à madame Landolt. Excusez-moi, je n'ai pas entendu votre exposé, mais j'ai lu certains passages de votre mémoire, sous la rubrique SRC. Vous devriez peut-être savoir, madame Landolt, que j'ai passé plusieurs années à Radio-Canada. J'ai également travaillé pour la radio et la télévision privées, mais j'ai passé 18 ans à Radio-Canada, je tiens donc à déclarer mon conflit d'intérêt, si je puis dire. Il y a 14 ans que j'ai quitté la SRC.

Quoi qu'il en soit, dans votre mémoire, vous accusez la SRC d'être «une source d'endoctrinement pour les programmes politiques et sociaux de gauche». Je trouve cette remarque intéressante parce que, dans votre exposé, vous ne faites nulle mention des tribunes téléphoniques que l'on trouve dans notre pays d'un océan à l'autre et qui constituent, à mon avis, le royaume des commentateurs de droite, qui sont certainement hostiles au gouvernement, ce qui veut dire qu'ils sont hostiles aux idées libérales. Si vous ajoutez à cela, et je sais que cela ne fait pas partie de notre étude, les journaux de notre pays, on trouve une pléthore de sources d'information de droite. Donc, si vous croyez qu'on est injuste ici envers les Conservateurs, vous vous en prenez à un bien petit groupe qui est loin, à mon avis, d'exercer l'influence des autres médias.

• 1020

Mais avant que vous répondiez à ma question, je crois que l'une des raisons pour lesquelles la SRC est attaquée par un groupe comme le vôtre, par exemple, c'est parce que la SRC accueille des opinions très diverses. La SRC n'est pas acquise strictement à des opinions conservatrices ou simplement traditionnelles; elle se fait l'écho des opinions les plus diverses, et oui, certaines de ces opinions vont déranger les conservateurs et d'autres vont aussi déranger ces personnes dont vous dites qu'elles sont du centre-gauche.

Vous pourriez donc peut-être nous expliquer pourquoi vous vous en prenez à ce petit courant de pensée politique dans notre pays sans toucher à l'autre.

Mme Gwendolyn Landolt: Merci, monsieur Harvard. L'un des problèmes, et cela fait partie de la réalité globale du pays, tient au fait que les médias au Canada—et nous nous limitons pour le moment à la radio—ne reflètent pas le public canadien, et personne ne semble se soucier de ce que pense la citoyenne ordinaire. Les radiodiffuseurs, les distributeurs, sont simplement protégés par le CRTC; la SRC est protégée, et elle n'est pas réceptive à un débat public global. Je sais que vous êtes député néo-démocrate, donc par conséquent...

M. John Harvard: Non, je ne suis pas néo-démocrate. Loin de là.

Des voix: Ah, ah!

Mme Gwendolyn Landolt: Excusez-moi. Je sais que votre point de vue est différent, mais le fait est qu'en ma qualité de citoyenne ordinaire qui écoute les nouvelles à Radio-Canada, par exemple, à la radio, je sais qu'on essaie de me conditionner... Je peux vous donner un bon exemple, monsieur Harvard. Au Sommet des Amériques de Québec, tout ce que j'entendais à la SRC, c'était à quel point la mondialisation est une chose terrible. Je me suis demandé pourquoi moi, la Canadienne ordinaire, je ne peux entendre un autre point de vue? Ce n'est qu'un exemple. Au sujet de la situation de l'APEC en 1997, je n'ai pas entendu des vues équilibrées à la SRC, ni chez les autres radiodiffuseurs.

Ce sont des exemples de questions primordiales pour les Canadiens où l'on ne donne pas un portrait complet de la situation.

Je sais que votre point de vue est différent. Vous dites que la droite règne partout. Mais je vous dis, moi, en tant que femme ordinaire, mère, épouse et avocate, que je suis une personne parfaitement intelligente, donc pourquoi les médias se limitent-ils à une seule perspective. On essaie de me conditionner, et tout ce que je veux, ce sont les faits, moi qui suis une personne relativement intelligente.

Vous avez mentionné les tribunes téléphoniques de la SRC...

M. John Harvard: Pas de la SRC, seulement les tribunes téléphoniques de la radio privée, qu'il s'agisse d'Adler à Winnipeg, de Rutherford à Calgary, de Rafe Mair en Colombie- Britannique ou de Lowell Green à Ottawa. Ce sont des attaques constantes contre le gouvernement.

Mme Gwendolyn Landolt: Mais vous ne croyez pas que ces personnes reflètent l'opinion canadienne?

M. John Harvard: Mais cela ne vous dérange pas alors?

Mme Gwendolyn Landolt: Ce sont des voix que les gens veulent entendre. Mais si vous syntonisez la SRC...

M. John Harvard: Qui représente la SRC? Des gens de la planète Mars? Ne s'agit-il pas de Canadiens aussi?

Mme Gwendolyn Landolt: Monsieur Harvard, je veux parler de la tribune téléphonique de la SRC. On ne peut jamais avoir accès à cette émission pancanadienne le dimanche. Vous devez au préalable exprimer votre point de vue, et s'il ne correspond pas au point de vue de l'animateur, on ne vous donne pas la parole. La tribune téléphonique...

M. John Harvard: Je crois que Rex Murphy serait très surpris si on l'accusait d'être un agent de la gauche.

Des voix: Ah, ah!

Mme Gwendolyn Landolt: Tout ce que je dis, c'est qu'en ma qualité de personnalité publique qui est intervenue dans le débat et en ma qualité de simple citoyenne, nous ne pouvons pas faire entendre notre voix à la tribune téléphonique de la SRC. Peut-être que pour ces Canadiens partout au pays, dont vous n'aimez pas les opinions, c'est la seule tribune qu'ils ont pour exprimer leur colère parce que les médias, les radiodiffuseurs, sont tellement contrôlés au Canada, ils protègent l'industrie. C'est ça qui semble être le problème; c'est parce que l'on ne permet pas aux Canadiens d'exprimer leurs vues.

M. John Harvard: Permettez-moi de vous poser une autre question. Vous écrivez dans votre mémoire: «Le défilé constant de reporters, de commentateurs et d'invités de gauche à la SRC est presque risible». Qui sont ces gens? J'aimerais bien les rencontrer.

Mme Gwendolyn Landolt: On les voit tout le temps au bulletin de nouvelles nationales de la SRC. Quand il y a des commentaires...

M. John Harvard: À commencer par Mansbridge, j'imagine? À commencer par Peter? Sûrement pas Peter.

Mme Gwendolyn Landolt: Tout d'abord, monsieur Harvard, lorsque la nouvelle porte sur un jugement de la Cour suprême, ou une décision du gouvernement, on n'invite jamais un groupe conservateur à se prononcer. Mais on va inviter une avocate féministe extrémiste. Lorsqu'une décision...

M. John Harvard: Je crois avoir vu Gwen Landolt à la SRC.

Mme Gwendolyn Landolt: Très rarement, parce que mes opinions ne sont pas politiquement correctes. Nous n'avons pas accès au public, et le problème, c'est que très souvent ces journalistes ne le savent même pas. Ils voient simplement le monde comme ils veulent le voir. Pourquoi les responsables de la programmation ou les réalisateurs n'ont-ils pas une approche plus large? Je crois qu'ils ne comprennent même pas que, parfois, ils ne représentent même pas le public.

Tout ce que nous demandons, c'est qu'on rapporte les faits tels qu'ils sont. En ma qualité de citoyenne, je dis que ce n'est tout simplement pas le cas. Nous sommes tous favorables au contrôle de l'industrie, à sa protection. Je sais qu'il faut protéger le contenu canadien. Sans quoi nous ne saurions jamais ce que fait notre premier ministre, nous devons donc être très ouverts, mais nous avons besoin de protection. Nous nous préoccupons simplement du fait que les voix du public, peu importe ses préférences, ne sont pas entendues à cause de ce contrôle. Le bon vieux CRTC était une bonne chose en 1968, mais ce n'est plus le cas en 2001.

• 1025

Le président: Une dernière question, monsieur Harvard.

M. John Harvard: Mais ce que vous dites vraiment alors, madame Landolt, c'est que nous, les politiciens—et je ne crois pas que nous soyons très compétents pour ce faire—devrions entrer dans des maisons comme la SRC et dire exactement quoi montrer et quelle sorte de règles et éthiques journalistiques elle devrait suivre? Si tel était le cas, ce serait extrêmement dangereux, à mon avis.

Mme Gwendolyn Landolt: Évidemment que non. Bien sûr que non. Nous ne serions pas...

M. John Harvard: Il faut donc s'en remettre à la discrétion et au jugement professionnel des responsables, n'est-ce pas?

Mme Gwendolyn Landolt: Pourquoi ne pas nous en remettre au marché? Pourquoi donnons-nous une licence à la SRC qui n'en honore même pas les conditions? Par exemple, elle était censée réduire le nombre d'émissions sportives. Il y a un mois, elle a conclu un contrat de 60 millions de dollars avec la Soirée du hockey. On lui avait dit de ne pas faire cela.

C'est le marché qui compte; abolissez cette restriction, et si les gens ne veulent pas regarder Radio-Canada, ils changeront de poste. Mais le contribuable ne devrait pas payer pour la SRC. La SRC nous divise. Qui a confiance dans la SRC? Qui regarde la SRC? Cessez de la financer. Sortez de là.

Chose certaine, je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que les politiciens ne devraient pas se mêler de cela. Laissez faire le marché. Si on montre de la pornographie, si on montre autre chose qu'on n'aime pas, appelez-en aux tribunaux. Intentez un recours au civil. Laissez le marché contrôler la situation et intentez des recours au civil, mais chose certaine, ce genre de décision n'appartient pas aux politiciens et sûrement pas au CRTC, qui est largement dépassé.

M. John Harvard: Merci.

Le président: Madame Bulte.

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci, monsieur le président. Je rassemble mes réflexions.

Mme Landolt voulait savoir qui regarde la SRC. Que l'on sache bien que moi je la regarde, et que je crois beaucoup dans la SRC. À mon avis, il est important d'avoir un radiodiffuseur public et national qui unit les Canadiens d'un océan à l'autre. Je tiens à le dire pour mémoire.

Deuxièmement, sachez également que je suis moi aussi une femme, que je suis mariée, que j'ai trois enfants et que je suis moi aussi avocate.

Maintenant que nous savons qui nous sommes, monsieur Cohen, permettez-moi de commencer par vous. Je tiens à vous dire que votre organisation fait un bien énorme. Je tiens aussi à vous féliciter pour les textes que vous envoyés aux parlementaires et qui nous permettent de faire savoir à nos électeurs ce que fait votre conseil et comment s'adresser à lui. Je crois que vos textes sont extrêmement bien faits. Ces textes sont très utiles et me permettent de faire de merveilleuses choses dans ma circonscription, et je tiens à vous en remercier.

M. Ronald Cohen: Vous êtes bien aimable.

Mme Sarmite Bulte: Madame Cishecki, les recommandations que contient votre mémoire ne sont pas tout à fait les mêmes dont vous avez fait état dans votre exposé. Donc veuillez me dire exactement comment nous devrions procéder à tous ces changements que vous voulez apporter au CRTC? Procéderiez-vous par voie de règlement ou de modification à la loi?

Nous nous penchons sur la Loi sur la radiodiffusion. Nous voulons l'améliorer. Nous voulons savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas. Nous ne voulons pas gérer tout le système dans ses moindres détails, alors vous pourriez peut-être me donner plus d'explications ici. C'est ma première question.

Ma deuxième question est celle-ci. Vous dites que le Conseil canadien des normes de la radiotélévision fait un bon travail, mais vous trouvez aussi qu'il prend trop de temps, mais quelle est l'alternative? Qu'en est-il de M. Roots, qui a dû s'adresser à la Commission canadienne des droits de la personne, dont la décision a fait l'objet d'un appel. Si vous intentiez un procès, quelques mois me sembleraient bien peu de chose. Quelle est l'alternative? Comment amélioreriez-vous le système?

Mme Melanie Cishecki: Je vais répondre d'abord à votre deuxième question. Je ne connais pas assez bien la SRC pour savoir comment elle fonctionne. J'imagine que la lenteur des décisions tient aux ressources dont dispose le CCNR. Je crois savoir que c'est une organisation qui compte quatre ou cinq personnes. Donc étant donné le raffinement des détails et toute la réflexion qui intervient dans ces décisions—le fait qu'ils s'appuient sur ces décisions antérieures pour édifier cette jurisprudence—, j'imagine que tout cela prend beaucoup de temps, peut-être que le CCNR a besoin de plus de gens compétents. Pour ce qui est du temps que cela prend, c'est probablement un problème de ressources.

• 1030

Pour ce qui est de la manière d'apporter des changements au CRTC, je crois que ce que nous devons probablement faire, c'est revenir aux anciennes formules du CRTC. Le CRTC s'est déchargé de certaines choses, et il y a des gens ici aujourd'hui qui critiquent le rôle du CRTC et le fait qu'il s'est déchargé d'une bonne part de ses pouvoirs. Je crois que nous devons consulter le public davantage pour donner une réponse précise à cette question, parce que nous avons l'impression d'être exclus des décisions concernant le système réglementaire.

Mme Sarmite Bulte: L'une des choses que fait et que faisait le CRTC s'assimile presque à l'établissement de la politique gouvernementale, alors que la loi lui confère un rôle de supervision et de réglementation. Pourtant, lorsque nous avons entendu notre sous-ministre adjoint, Michael Wernick, qui a témoigné devant notre comité, il nous a dit qu'une des bonnes choses que fait le CRTC, c'est tenir les audiences, comme ces audiences qu'il a tenues au sujet de la SRC il y a quelques années, par exemple, pour entendre le point de vue des gens. C'est un signe de transparence et d'ouverture.

Ne pourriez-vous pas intervenir...? Ce travail lui convient-il? Est-il utile?

Mme Melanie Cishecki: Je dirais que oui. Je crois savoir qu'on fonctionne aussi par invitation, comme dans ce processus-ci. Je crois que nous devons réfléchir sérieusement à la manière dont les gens peuvent intervenir pour faire connaître leurs vues, pour nous assurer que le processus est suffisamment ouvert et que l'on peut entendre des vues diverses.

Mme Sarmite Bulte: D'accord. Merci.

Merci, monsieur le président.

Le président: Je dois rappeler, madame Cishecki, que même si nous procédons par invitation, nous n'imposons aucune restriction. Si les gens veulent se faire entendre et qu'ils sont associés à l'industrie de la radiodiffusion... nous invitons le plus grand nombre de gens possible. Nous avons fait beaucoup de publicité sur le Web et ailleurs, donc s'il y a des organisations que vous connaissez et qui n'ont pas été invitées à témoigner, elles n'ont qu'à contacter la greffière.

Mme Melanie Cishecki: Merci.

Le président: Madame Lill, vous avez la parole.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci.

Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui. Nous avons ici un groupe très représentatif de divers points de vue et j'aimerais bien que l'on ait une séance où vous pourriez échanger entre vous.

J'aimerais faire deux ou trois observations. Moi non plus, je ne peux résister à la SRC. Comme vous, Gwendolyn, et je suis députée du NPD, je déplore le fait que Radio-Canada ne reflète pas mon point de vue. Il y a longtemps, si cela a jamais été le cas, que Radio-Canada n'est plus une terre fertile pour la gauche et que ce n'est plus qu'un fouillis.

Le président: Madame Lill, vous trouvez Radio-Canada de droite?

Mme Wendy Lill: Absolument.

J'adore Radio-Canada. Je suis prête à défendre Radio-Canada. Peut-être devrais-je nuancer mes propos et dire plutôt que Radio-Canada ne reflète que quelques points de vue, comme le reste des médias. Et c'est là une des choses qui m'inquiètent.

Pensez à la couverture médiatique actuelle de la guerre contre le terrorisme; elle ne traduit qu'une gamme très limitée de vues. Je n'ai pas encore entendu de bonnes discussions de pacifistes, que ce soit au niveau national ou international. Je n'entends pas souvent non plus les Canadiens musulmans ou arabophones. J'entends peu de gens nous dire ce que nous devrions faire dans le monde pour régler les problèmes mondiaux. Pour moi, c'est troublant. Je me sens privée de ce qui, à mon sens, devrait être notre radiodiffuseur national.

Tout le monde dit la même chose: nous voulons tous l'équité et l'équilibre et nous voulons que la télé reflète notre vie quotidienne. Si j'habitais à Preston—je représente les Prestons, en Nouvelle-Écosse, une collectivité noire très fière de Nouvelle-Écosse—, je voudrais que la télé reflète ma réalité à moi. Or, ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Cette région est semi-rurale, très pauvre à bien des égards, son taux de chômage est élevé, mais c'est une collectivité très cultivée axée sur la foi et la famille. Ça, je ne le vois pas à la télévision.

• 1035

Les personnes handicapées sont tout aussi absentes de la télévision. Il y a plusieurs années, il y avait à la télé une émission mettant en vedette un adolescent trisomique, une émission que j'aimais beaucoup. Je comptais une personne handicapée parmi mes proches et j'étais heureuse de pouvoir regarder cette émission. Mais ce n'était qu'une émission parmi tant d'autres, et elle a quitté l'affiche.

Si j'étais chrétienne évangélique... Je ne le suis pas, mais ma soeur l'est et elle a perdu tout espoir de voir à la télévision des émissions qui reflètent et alimentent sa vie.

Si j'étais lesbienne, ce serait la même chose; je ne trouverais rien à la télé qui me valoriserait, moi et mon mode de vie.

Nous parlons donc tous de la même chose. Nous devons faire en sorte que la Loi sur la radiodiffusion—qui compte de beaux et grands principes sur la diversité, sur la représentation des handicapés, des Autochtones et du multiculturalisme—soit véritablement mise en oeuvre, contrairement à ce qui se fait actuellement. Je suis heureuse d'entendre le point de vue de chacun de vos groupes et de constater qu'il y a consensus à cet égard.

Voici mes questions: je suis très préoccupée par la question du sous-titrage. Je trouve tout à fait honteux que Radio-Canada appelle de la décision qui a été rendue sur le sous-titrage. Le gouvernement fédéral a un rôle d'importance à jouer dans la protection des droits civiques des personnes handicapées au pays. Je suis très heureuse qu'on ait abordé ici cette question car il faut trouver une solution.

Monsieur Donkoh, d'après vous, la concentration des médias depuis huit ou dix ans a-t-elle eu un effet négatif sur la présence des Noirs dans la prestation et la création de nouvelles. J'ignore quelle est la réponse et j'aimerais savoir si vous avez constaté des tendances.

Nous venons à peine de discuter des remarques de Mme Bulte sur les documents du Conseil canadien des normes de la radiotélévision que vous nous avez transmis et qui nous seront très utiles. Je dois toutefois vous dire que ce qu'on dit dans ces documents ne semble pas traduire la réalité dans ma collectivité. Ce serait peut-être une bonne chose qu'un numéro de téléphone sans frais s'affiche à l'écran de temps à autre, toutes les 15 minutes, un numéro qu'on pourrait composer si ce qu'on voit à la télé nous déplaît. Vous seriez peut-être submergés d'appels. L'ennui, c'est que je ne sais pas vraiment à qui m'adresser ou quoi faire lorsqu'une émission de télé me déplaît particulièrement.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Sam Donkoh: Merci, madame Lill.

La situation des journalistes afro-canadiens se détériore. Prenez l'exemple du Globe and Mail dont le propriétaire détient aussi des intérêts dans la télévision. Il en va de même pour CTV qui appartient à Bell Media. Ils se proposent d'utiliser les mêmes sources. Les quelques possibilités d'accès qui s'offraient à nous se raréfient.

De plus en plus, les jeunes Noirs qui suivent la formation de journaliste ne trouvent pas d'emploi. Par conséquent, ils vont aux États-Unis. C'est triste, à mon avis, car ces jeunes ont investi des milliers de dollars dans leur formation, sans compter les subventions que leur ont accordées les gouvernements du Canada. Quand vient le temps pour eux de travailler, nous n'avons rien à leur offrir. Ce sont donc les Américains qui profiteront de leur formation. C'est un problème qu'il faudrait régler.

• 1040

Le président: Madame Cishecki, allez-y.

Mme Melanie Cishecki: J'aimerais répondre aux remarques de Mme Lill. Ce que vous avez dit souligne la nécessité de contrôler les médias de façon systématique et continue.

Nous tous ici nous sentons aliénés; nous avons l'impression que notre point de vue est le seul qui n'est pas transmis à la télé, mais nous n'en sommes pas certains. Nous ignorons comment on décrit les gais et les lesbiennes ou les groupes chrétiens, nous n'avons pas de détails sur l'image de la femme, par exemple.

Dans le passé, c'est le CRTC qui s'occupait de cela, mais il ne le fait plus. Il est donc nécessaire de mener de la recherche systématique et continue afin que nous disposions des informations nécessaires pour savoir quels correctifs doivent être pris.

Le président: Vous avez la parole, madame Landolt.

Mme Gwendolyn Landolt: J'insiste pour que ce ne soit pas les radiodiffuseurs eux-mêmes qui se contrôlent par le biais du Conseil des normes. Je le répète, je ne suis pas chrétienne évangélique, mais je sais que chaque fois qu'un groupe se plaint qu'on a attaqué la religion chrétienne à la télé, le Conseil des normes de la télévision rejette leur plainte du revers de la main. Je reçois régulièrement des lettres de nos membres qu'on a envoyés promener sous prétexte qu'ils représentent un groupe d'intérêts particuliers.

Il ne faut pas s'en remettre aux radiodiffuseurs. Si nous voulons que la télé soit véritablement représentative, il ne faut pas lui demander de s'autoréglementer. C'est là le problème. Les Canadiens ordinaires, chrétiens ou non, jugent qu'ils n'ont pas voix au chapitre parce que le Conseil des normes de radio- télévision a ses propres vues, sa propre perspective, et quiconque se plaint qu'on s'en est pris à la foi chrétienne, musulmane ou juive—surtout les chrétiens—se fait habituellement répondre qu'il n'y a rien de blessant dans ce qui a été dit.

J'ai rarement vu—en fait, je n'ai jamais vu de lettre du Conseil des normes où l'on reconnaissait que des remarques visant la foi chrétienne étaient inadmissibles ou scandaleuses. On a peut-être déjà rendu un tel jugement, mais je n'en ai pas été informée. Nos membres nous envoient régulièrement des lettres nous disant: «À quoi sert ce Conseil? L'autoréglementation est inutile; nous ne voulons pas que les radiodiffuseurs se contrôlent eux-mêmes.»

Il faut prévoir un autre processus que l'autoréglementation.

Le président: Voulez-vous intervenir brièvement, monsieur Cohen?

M. Ronald Cohen: Oui, si vous me le permettez, monsieur le président. Plusieurs remarques ont été faites à notre sujet. Mme Lill a soulevé la question très importante de la publicité concernant notre travail dans sa région du pays.

D'abord, tous les radiodiffuseurs privés du pays qui sont membres du CCNR sont tenus de diffuser des messages d'intérêt public, trois fois par semaine à un moment choisi par la station; c'est généralement la norme. Ce serait bien de pouvoir diffuser notre message toutes les 15 minutes, comme vous le proposez, bien que vous l'ayez proposé à la blague, mais cela se fait de façon continue à la radio et à la télé et je pense que cela donne aux gens suffisamment d'information pour nous trouver.

L'an prochain, nous espérons avoir un message d'intérêt public nouveau et revitalisé.

Nous avons aussi une nouvelle brochure qui, malheureusement, en raison de difficultés d'impression, n'était pas disponible pour aujourd'hui mais le sera probablement plus tard cette semaine; je crois que vous la trouveriez très intéressante. Elle est très colorée et représente bien la diversité dans les photos, notamment.

En ce qui concerne la publicité, comme l'a dit Mme Bulte, lorsque nous rendons une décision, nous la communiquons à tous. Si, par exemple, vous ou l'un de vos électeurs ne figurez pas sur notre liste d'envoi, dites-le-nous et nous corrigerons la situation.

Nous avons un site Web très efficace, de navigation facile qui est accessible bien sûr 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Même le sondage MediaWatch qui est cité dans cette étude indique, si ma mémoire est bonne, qu'à l'échelle transnationale, 66 p. 100 des répondants reconnaissent le CCNR.

• 1045

Bien sûr, les gens connaissent davantage les résultats de nos décisions que le conseil lui-même. De toute façon, tout ce qui touche les radiodiffuseurs privés et qui est envoyé au CRTC nous est transmis. Si un de vos électeurs transmet une plainte au CRTC, c'est nous qui en serons saisis et qui trancherons.

Le président: Monsieur Cohen, peut-être pourriez-vous transmettre à la greffière les informations pertinentes sur votre site Web afin que nous puissions les communiquer aux membres du comité.

Je rappelle aux députés que, à 11 heures, nous accueillerons des représentants du ministère des Finances. Il nous reste donc 15 minutes. Le prochain intervenant sera M. McNally, qui n'a pas encore pu poser de questions. Pendant le deuxième tour, nous entendrons MM. Mills, Harvard et Abbott. M. Mills n'est pas encore intervenu non plus; il sera donc le premier, après M. McNally. MM. Harvard et Abbott pourront ensuite poser de brèves questions.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, PC/RD): Merci, monsieur le président.

Merci de vos témoignages. Pour commencer, je tiens à dire que je suis d'accord avec M. Roots: toutes les émissions devraient être sous-titrées et il faudrait faire en sorte que cela se fasse.

Autant notre radio-télédiffuseur public que l'Association canadienne des radiodiffuseurs pourraient être proactifs, prendre l'initiative, offrir un service positif aux personnes sourdes et malentendantes, ce qui serait aussi profitable pour eux, car la majorité des Canadiens approuveraient cette mesure, à mon avis. Je me demande pourquoi ça n'a pas encore été fait et j'espère que cela se fera bientôt. Si ces deux groupes n'agissent pas, notre comité devrait le faire.

Par ailleurs, je crois que nous défendons tous des intérêts particuliers. Soyons honnêtes. Nous avons tous un cadre de référence, des convictions particulières. Il est intéressant d'entendre dire que Radio-Canada est à gauche ou à droite ou même entre les deux. Je ne m'engagerai pas dans ce débat. Moi, je regarde la télé anglaise de Radio-Canada régulièrement. Je regarde The National et CTV National News presque tous les soirs et j'aime bien les deux émissions, bien que je regarde celle de CBC d'abord.

J'aurais peut-être une piste de solution sur les choix offerts aux téléspectateurs: Que pensez-vous de la possibilité que chaque consommateur choisisse ses chaînes et ne paie que pour ces chaînes, qu'on ne l'oblige pas à payer pour 17 postes de télé qu'ils ne regardent jamais? Cela ne réglerait-il pas la plupart des problèmes de choix?

Essentiellement, les gens me disent que, lorsqu'ils se plaignent de voir telle ou telle chose à la télévision, ils se font répondre qu'ils n'ont qu'à éteindre le téléviseur. Mais je crois que vous avez souligné que vous devez payer pour les chaînes que vous ne voulez pas regarder, et que c'est ce à quoi vous vous opposez.

Y a-t-il une solution? Pourrions-nous permettre à chacun de choisir ses chaînes tout en appuyant les petites stations telles que la chaîne autochtone? Y a-t-il une façon de trouver l'équilibre? Voilà mes questions.

J'ai une autre question pour faire suite à celle de Mme Lill. Diffuse-t-on de temps à autre à la télé une annonce du genre «si vous avez des préoccupations concernant cette émission...»?

Je crois en avoir vu à quelques reprises. Savez-vous à quelle fréquence ces messages sont diffusés?

M. Ronald Cohen: Les radiodiffuseurs privés, car nous n'avons aucune compétence à l'égard du radiodiffuseur public, sont tenus de diffuser ces messages trois fois par semaine à un moment de leur choix.

M. Grant McNally: À Radio-Canada, donc, aucun message n'indique aux téléspectateurs qu'ils peuvent adresser une plainte au CRTC? Il n'y a rien de tel à la télévision publique?

M. Ronald Cohen: Pas pour autant que je sache.

M. Grant McNally: Je vois.

J'aimerais revenir à ma première question sur les choix.

Le président: Un moment je vous prie. Un moment, madame Landolt.

Avez-vous terminé, monsieur McNally?

M. Grant McNally: Oui.

Le président: D'accord.

Mme Gwendolyn Landolt: Premièrement, pour ce qui est de votre recommandation de supprimer les forfaits de chaînes de télévision, je juge inacceptable qu'en 2001 ou 2002, nous ayons à payer pour des choses que nous ne voulons pas. Si je veux voir la chaîne autochtone, par exemple, c'est à moi de payer. Si je veux regarder la chaîne Playboy, c'est à moi de payer. Mais je ne veux pas être forcée de m'abonner à ces chaînes qui diffusent des émissions que mes enfants pourraient voir, par exemple, parce que j'ai dû acheter un assemblage particulier de chaînes.

• 1050

L'autre problème, c'est le contrôle de ce qui est diffusé. Ceux qui défendent les mêmes intérêts que moi sont tous insatisfaits du travail du Conseil canadien des normes de la radiotélévision. Nous nous entendons pour dire que ce conseil est inutile et qu'il est très frustrant de traiter avec ce conseil qui envoie des lettres désobligeantes, presque méprisantes. J'en ai justement lu une hier, et ces lettres ne sont pas plaisantes. Comme l'a dit M. Cohen, toutes leurs décisions sauf trois ont été unanimes. Cet organisme est donc contrôlé par des gens qui ont tous la même mentalité. Il faut trouver une autre forme de contrôle qui pourrait être exercé par le CRTC.

Toutefois, le CRTC est loin d'être parfait. C'est un organisme qui date mais, au moins, ses intérêts sont plus diversifiés et il est ouvert à toutes sortes de points de vue. Si nous étions convaincus que le Conseil des normes était prêt à nous écouter... Ceux qui partagent mon point de vue savent que c'est une perte de temps. J'ai toute une pile de lettres de gens qui se plaignent du CCNR.

Le CRTC est un organisme gouvernemental qui pourrait surveiller les radiodiffuseurs, mais ça n'empêche pas que le public canadien n'ait plus voix au chapitre quant à ce qui est diffusé à la télé. Nous n'entendons parler que de la gestion du secteur par les gens du secteur. Si je ne réussis qu'à transmettre un message aujourd'hui, c'est celui-ci: il faut mettre fin à l'offre de forfaits de chaînes spécialisées.

Le président: Je vous demande d'être bref, monsieur McNally.

M. Grant McNally: J'aimerais demander une petite précision, si vous le permettez, car j'ai oublié de le faire. Je voulais demander à Mme Cishecki si elle travaillait à l'Université Simon Fraser ou non, car je sais que ce document nous provenait de cette université.

Mme Melanie Cishecki: Non, nous avons commandé cette étude à l'Université. C'était une étude indépendante.

M. Grant McNally: C'est mon alma mater et je voulais donc vous offrir mes félicitations si c'était le cas. Je suis d'accord avec vous pour dire que la nomination des commissaires doit aussi passer par un processus plus ouvert et transparent. C'est ce que nous entendons aussi de la part d'autres témoins. Pour gagner du temps, je vais m'arrêter ici.

Le président: Merci, monsieur McNally.

Monsieur Mills, vous avez la parole.

M. Dennis Mills: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens d'abord à dire, comme tous mes collègues ici présents aujourd'hui, que je trouve triste de voir une organisation comme la Société Radio-Canada, que nous avons tous passionnément appuyée ces deux dernières années, contester les demandes de l'Association des sourds du Canada concernant le sous-titrage. Je pense que nous ne devrions pas attendre de terminer notre étude avant d'intervenir comme nous l'a demandé aujourd'hui M. Roots.

Je voudrais poser une question à Mme Landolt.

Le président: Elle est très populaire.

M. Dennis Mills: Premièrement, madame Landolt, combien de membres font partie de REAL Women?

Mme Gwendolyn Landolt: Notre organisation compte environ 55 000 membres répartis dans le pays. Je tiens à préciser que nous ne sommes pas subventionnées par le gouvernement; nous ne recevons pas d'argent du gouvernement.

M. Dennis Mills: Bien.

Mme Gwendolyn Landolt: Nous avons 55 000 membres.

M. Dennis Mills: En passant, que représentent les lettres du mot REAL?

Mme Gwendolyn Landolt: R représente le mot «realistic», E représente le mot «equal»—nous croyons à l'égalité des femmes—, A représente le mot «active» et L représente le mot «life».

M. Dennis Mills: Très bien. Je dois vous dire que j'ai bien aimé votre exposé aujourd'hui et j'avoue franchement que je partage votre opinion sur presque tout. Je suis d'accord avec vous sur presque tout ce que vous avez dit au sujet de la Société Radio- Canada. Je suis un ardent partisan de cette société.

M. John Harvard: Vous êtes censé être libéral.

M. Dennis Mills: Non, je suis un ardent partisan de la Société Radio-Canada. Permettez-moi de m'expliquer.

Je crois qu'il nous incombe à titre de parlementaires de nous exprimer. Nous respectons les gens privilégiés de notre collectivité, mais je crois que l'essence même de la vie des parlementaires est de parler pour ceux qui ne peuvent pas se faire entendre. Personnellement, je représente une circonscription du centre-ville de Toronto, et des gens comme Rex Murphy, Michael Enright et Andy Barrie me rappellent constamment que nous sommes ici, et c'est le cas du gouvernement également, pour représenter et écouter ceux qui ne peuvent pas se faire entendre.

Au cours des dernières années, notre société est devenue essentiellement dominée par les privilégiés dans ce pays. Les défavorisés ont vraiment eu beaucoup de difficulté à faire passer leur message. Je pense que la Société Radio-Canada réussit merveilleusement à parler au nom de ces personnes.

• 1055

C'est un pur hasard, mais plusieurs d'entre nous qui aimons la Société Radio-Canada le font parce que nous pensons qu'elle se situe fortement au centre gauche de l'éventail politique. Cela fait partie de son mandat de diffuseur national. Je pense que Radio- Canada fait un merveilleux travail dans les régions éloignées du pays qui peuvent difficilement se faire entendre.

En ce qui me concerne, votre description de ce que devrait être le mandat de la Société Radio-Canada est rigoureusement exacte. Merci.

Mme Gwendolyn Landolt: Merci.

Le président: Merci, monsieur Mills.

Je demanderais à M. Harvard et à M. Abbott d'être brefs, parce que nous avons un autre groupe de témoins à entendre.

M. Dennis Mills: J'ai abrégé mes questions, John, pour que vous ayez plus de temps.

M. John Harvard: Bon, je pense que vous vous êtes replacé, ce que vous disiez avait du sens. Il vous a fallu un peu de temps, cependant.

J'ai une observation à faire et je poserai ensuite deux brèves questions à M. Donkoh.

Je suis l'un de ceux qui appuient l'idée d'utiliser l'abonnement au câble pour offrir ces chaînes spécialisées. Je pense que notre pays est dans l'ensemble beaucoup trop conservateur et si nous laissions jouer seulement la prétendue justice du marché, des services comme la chaîne autochtone et d'autres ne verraient jamais le jour. Nous devons utiliser une forme de coercition démocratique. Je suis simplement heureux que nous le fassions.

M. Grant McNally: C'est un oxymore.

M. John Harvard: Oui, je sais que c'est un oxymore, mais quoi qu'il en soit...

J'ai deux questions à poser à M. Donkoh. Je pense que vous en avez parlé dans votre exposé. S'il y a des systèmes de radiodiffusion dans le monde qui réussissent mieux à refléter la diversité, j'aimerais que vous me les mentionniez—en tout cas le meilleur—et que vous me disiez comment ils font.

Vous avez dit en outre que vous ne croyez pas dans l'utilisation d'un système de quota pour les journalistes noirs, et je suis d'accord. Au lieu d'un tel système, de quelle sorte de stratégie avons-nous besoin pour permettre à des gens de votre groupe d'obtenir plus d'emplois dans les médias?

M. Sam Donkoh: L'organisation à laquelle j'ai fait allusion est le Cultural Diversity Network. C'est un organisme de Grande-Bretagne. Il existe depuis un an environ. Si vous voulez d'autres informations, je pourrai vous les faire parvenir dès mon retour à Toronto.

En ce qui concerne les quotas, nous ne sommes pas en faveur d'un tel système. Nous parlons plutôt de compétences. Si des gens ont la compétence voulue, ils font un bon travail lorsqu'on leur en donne l'occasion. Mais à l'heure actuelle, l'autobus part—en fait, l'autobus est déjà parti—et nous ne pouvons même pas monter sur le toit. Nous n'avons pas d'occasion de nous faire valoir.

M. John Harvard: Comment pourriez-vous avoir cette occasion?

M. Sam Donkoh: Nous avons effectivement dit que la diversité devrait être un élément des demandes de permis. On devrait préciser clairement les mesures qui seront prises à l'intention des divers segments de la collectivité. Il faudrait des objectifs mesurables, réalisables, et accompagnés de calendriers. Qu'on expose ceux qui ne sont pas à la hauteur. C'est ce que nous demandons.

Quelqu'un a dit au début de la séance que nous devrions célébrer l'unité de notre société et que la diversité viendra par la suite. Eh bien, nos gens sont ici depuis l'arrivée des premiers colons européens. Nous avons combattu dans toutes les guerres. Nous avons aidé à construire ce pays. Nous avons participé concrètement à la construction du Canada. Nous ne demandons pas d'être traités d'une façon différente. Nous demandons simplement que notre présence au Canada soit reconnue et qu'on nous donne une juste possibilité de participer à la construction de ce grand pays qu'est le nôtre.

• 1100

Mme Melanie Cishecki: MediaWatch suggère que l'une des conditions d'obtention d'un permis par les diffuseurs soit qu'ils mènent une vérification de l'équité en matière d'emploi et qu'ils soient tenus de rendre publics leurs efforts pour former, recruter et recycler des membres de différents groupes. Nous préconisons donc que cela fasse partie des conditions de renouvellement ou d'obtention d'un permis.

Le président: M. Abbott, suivi de Mme Gagnon, après quoi nous mettrons fin à cette période de questions.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): D'après moi, s'il y a un groupe de Canadiens totalement et absolument désavantagés en ce qui concerne leur représentation à la télévision, sur n'importe quelle chaîne, ce sont les chrétiens évangéliques, qu'il faudrait montrer d'une manière sensible et réaliste. Il n'y a absolument aucune émission de divertissement qui les montre sous un aspect sympathique. Je tiens à le dire publiquement. J'ai hâte d'entendre quelqu'un contester ce que je viens de dire.

J'aimerais faire une suggestion au comité. J'ignore de quelle façon il conviendrait de procéder. Je serais disposé à proposer une motion, même si je reconnais qu'il faut donner un préavis de 48 heures, ou encore je serais prêt à faire une suggestion.

Je pense qu'il y a largement consensus au sujet des aspects soulevés par M. Roots. La procédure nous permettra peut-être de demander que notre présidence rédige immédiatement une lettre destinée au président de Radio-Canada dans laquelle il demanderait que Radio-Canada donne sa position par écrit d'ici une semaine, de manière à ce que nous puissions avoir l'autre version des faits.

Par la suite, évidemment, si nous n'étions pas satisfaits de la position énoncée par Radio-Canada, nous proposerions une motion d'appui à M. Roots.

Ainsi, quelle que soit la façon la plus convenable de traiter de la question, je serais d'avis que...

Mme Sarmite Bulte: J'aimerais revenir à ce qu'a dit M. Abbott.

Je suis d'accord avec M. McNally. J'estime que nous sommes d'avis que la recommandation de M. Roots ne doit pas attendre que l'étude soit menée à terme. Cependant, sur le plan juridique, est-ce bien réaliste? L'affaire est en appel à l'heure actuelle. Leurs avocats ne vont pas vouloir commenter. Nous n'allons aboutir à rien.

J'aimerais trouver une autre façon, soit une recommandation quelconque par laquelle nous demanderions à Radio-Canada d'énoncer sa position. Nous pourrions obtenir des exemplaires de mémoires si nécessaire.

Il faut bien se rendre à l'évidence, monsieur Abbott. Ces gens-là vont nous dire que l'affaire est en délibéré. Voilà ce qu'ils vont nous répondre. Et cela n'aboutit pas à ce que vous souhaitez.

M. Jim Abbott: Non.

Mme Sarmite Bulte: Il me semble bien que c'est la réponse que nous allons obtenir, Jim. Nous allons ainsi perdre notre temps.

J'aimerais trouver une autre solution. Nous pourrions peut-être en discuter. Nous pouvons proposer une motion ou encore appuyer fortement la position de M. Roots.

Le président: Puis-je proposer quelque chose aux membres du comité?

M. Jim Abbott: Je vous en prie.

Le président: Nous devons tenir le six une réunion consacrée exclusivement à la planification. Nous pourrions alors réfléchir à cette question et déterminer la meilleure marche à suivre.

M. Dennis Mills: D'accord.

Mme Sarmite Bulte: D'accord.

Le président: Si, après avoir étudié tous les aspects et, compte tenu du fait que l'affaire est en appel, nous décidons qu'une résolution s'impose, alors je pense bien que nous allons pouvoir obtenir le consentement unanime.

M. Jim Abbott: J'aurais un dernier commentaire concernant le Conseil canadien des normes de la radiotélévision. Il me semble fort intéressant que cet organisme soit d'avis que les mesures prises à l'encontre de Dr Laura s'imposaient, alors que, par ailleurs, les mesures prises à l'encontre de celui qui nous a malheureusement quittés, Howard Stern, l'étaient également.

Les propos les plus visiblement grossiers et contestables de Howard Stern ont été épurés. Néanmoins, ses attaques pornographiques soutenues et interminables à l'endroit des femmes du Canada, soit à peu près tout ce qu'il vocifère sur les ondes, ont pu continuer fort longtemps.

• 1105

Or, la position adoptée par le Dr Laura concernant la collectivité homosexuelle, qui était fondée sur ses convictions religieuses, a été jugée inacceptable et donc exclue. Il me semble plutôt intéressant que l'on n'ait pas pris le même genre d'initiative à l'égard de la façon tout à fait inacceptable qu'avait M. Stern de typer et de réifier les femmes du Canada.

M. Ronald Cohen: Je répondrai d'abord que M. Abbott n'est peut-être pas sans savoir que la plainte visant Laura Schlessinger avait rapport à six questions. Nous avons été d'accord avec Laura Schlessinger au sujet de quatre de ces questions. Nous avons été d'accord avec elle pour ce qui est de certains des commentaires qu'elle avait formulés et qui avaient indisposé le plaignant, qui reconnaissait volontiers être un homosexuel. Nous n'avons pas pris sa défense sur deux des questions.

Pour ce qui est de Howard Stern, j'ai en main un dossier qui contient le registre de contrôle que j'ai reçu quotidiennement durant fort longtemps. La position que nous avons adoptée au sujet de l'émission de Stern n'était pas de nature différente de celle concernant l'émission de Schlessinger.

Pour ce qui est de ses déclarations concernant les femmes, nous avons toujours fait preuve de fermeté. La chose est reconnue dans le document MediaWatch, et je ne vois aucune incohérence entre les deux positions, étant donné que nous nous abstenons de toute prise de position idéologique. Nous prenons position contre tout commentaire discriminatoire, abusif ou inopportun visant un groupe identifiable.

Le président: Madame Gagnon, allez-y.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Merci.

Pour ce qui est du sous-titrage, vous savez que notre collègue Caroline St-Hilaire a déposé un projet de loi qui touche à cette question. On a déposé un projet de loi, et j'avais demandé à la ministre du Patrimoine si elle avait une ouverture. Elle a dit oui. On va voir jusqu'où ira l'ouverture, mais un projet de loi privé a été déposé. On espère, en tout cas, avoir au moins l'appui des membres du comité, parce qu'on semble intéressé à ce qu'il y ait une plus grande équité en ce qui concerne le sous-titrage.

Je voudrais revenir sur le projet de loi C-7. Nous avons appuyé le projet de loi pour le règlement des frais afin que les petites associations aient une compensation pour leurs déplacements. Si on veut une plus grande équité, si on veut avoir un contrôle sur le contenu canadien et le respect de la diversité des voix, il faut que le public ait droit à son chapitre et les petits organismes, qui souvent sont plus près des citoyens et des citoyennes, aussi.

Vous nous avez dit, madame Cishecki, qu'il faudrait une plus grande transparence et qu'on a perdu un peu le contrôle sur la qualité de la diversité, entre autres, et du contenu, que le CRTC n'assure plus ce contrôle. Que pensez-vous de la transparence du conseil d'administration? Je n'en connais pas toute la composition. J'ai demandé qu'on m'envoie les noms des membres du conseil d'administration du CRTC. On sait qu'on vient de faire une nouvelle nomination, mais on aurait dû attendre de connaître la direction que prendra la comité pour la transparence du conseil d'administration. Est-ce qu'il y a des membres qui viennent, par exemple, du public, d'une association de consommateurs. Ce que je vois, c'est que de plus en plus, c'est le public qui paie par ses taxes, parce qu'on donne des subventions, on donne un renforcement financier aux téléradiodiffuseurs, et on paie aussi pour le service. Donc, il faut absolument que des associations soient présentes lors de la prise de grandes décisions afin de voir l'impact aussi du contenu, de la diversité des voix.

Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?

[Traduction]

Mme Melanie Cishecki: Je suis d'accord. Aucun membre du CRTC ne représente le public, à ce que je sache. Personne n'a de compte à rendre au sujet du mode de sélection des membres du CRTC. À ma connaissance, il n'existe aucune directive officielle garantissant la diversité dans la sélection des membres du Conseil canadien des normes de la radiotélévision, de manière à garantir l'équilibre sur le plan des sexes, des points de vue, de la représentation régionale et linguistique.

Il nous semble très souhaitable que de tels critères soient connus s'ils existent et que le choix des commissaires soit motivé d'une façon ou d'une autre. Pour nous, c'est primordial.

• 1110

Le président: J'aimerais remercier tous les témoins experts qui ont comparu aujourd'hui. La séance a été fort intéressante et les échanges animés. Je vous remercie de votre apport et de votre participation.

• 1111




• 1113

Le président: Nous reprenons nos travaux. Nos témoins sont avec nous.

J'aimerais demander aux fonctionnaires du ministère des Finances de s'avancer.

Frayez-vous un chemin jusqu'à la table.

M. Dennis Mills: Ces gens du ministère des Finances sont un peu timides.

À titre de rappel au Règlement, monsieur le président, j'aimerais tout d'abord remercier le comité et tout particulièrement la greffière d'avoir réussi, en moins de 24 heures, réussir à faire comparaître les hauts fonctionnaires du ministère des Finances. J'en avais fait la demande lors de la dernière réunion.

Je sais que nous avons du retard et que certains députés doivent se rendre ailleurs. Cependant, permettez-moi de revenir sur ce que j'ai déjà dit. Nous voulons parler aujourd'hui non pas tant du crédit d'impôt que de l'abri fiscal qui, d'après ce que l'on dit, est devenu une sorte d'escroquerie dans les milieux du cinéma.

Monsieur le président, j'espère que M. Farber va pouvoir faire porter son attention dans son exposé sur les aspects du système qui ont rapport au ministère des Finances, et qui font d'ailleurs l'objet d'un examen par le ministre et son ministère à l'heure actuelle.

Le président: Monsieur Farber, vous avez la parole. Je vous remercie d'avoir répondu si promptement à notre demande. Nous vous en sommes reconnaissants.

M. Len L. Farber (directeur général, législation, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances): Nous sommes heureux de comparaître.

Permettez-moi de présenter mon collègue, M. Ed Short, agent principal, Politique de l'impôt, Division de la législation de l'impôt.

On nous a demandé de comparaître ici ce matin pour répondre à diverses questions au sujet des abris fiscaux et des mesures d'incitation qui ont rapport à la production cinématographique au Canada.

J'aimerais d'abord faire une mise en contexte qui nous permettra de mieux comprendre les mesures concernées.

• 1115

D'entrée de jeu, monsieur le président, il faut dire que nous ne considérons nullement que l'abri fiscal comporte quelque imposture que ce soit. Le fait est qu'il n'existait aucun programme gouvernemental indépendant qui permettait de financer la production cinématographique par le truchement d'un abri fiscal.

Le financement par abri fiscal était possible avant 1996. Avant sa suppression... et j'ajoute ici, monsieur le président, qu'il a été disponible dans un certain nombre de domaines au cours des 25 dernières années. L'abri fiscal existait pour le logement locatif, les navires, la recherche scientifique... et toutes sortes d'autres fins. Or, le gouvernement fédéral a fini par mettre un terme aux divers abris fiscaux pour plutôt agir de façon directe pour stimuler tel ou tel secteur.

Donc lorsque les abris fiscaux ont été supprimés en grande partie en 1996, on en avait discuté avec l'industrie afin de voir si on pouvait mettre en place une mesure qui profiterait directement à la création d'un produit cinématographique au Canada. Presque de façon négociée—bien que je n'aime pas beaucoup utiliser cette terminologie—, l'intention était de soutenir la création du produit cinématographique au Canada. Au cours d'une période de 25 ans, nous avions amélioré la production cinématographique au Canada, si bien que nous avons mis en place une structure assez importante au pays. Nous avions des gens très talentueux, des studios partout au pays, et nous avions à l'époque un très bon produit.

En éliminant l'abri fiscal, on a voulu le remplacer par un mécanisme où, plutôt que de partager l'avantage—qui par le passé, pour les abris fiscaux, était partagé entre les promoteurs, les producteurs et les studios à raison d'un tiers chacun... Ainsi, nous éliminions en fait ceux qui ne participaient pas directement à la création des films.

À la suite de négociations, nous avons mis en place un crédit d'impôt remboursable pour production cinématographique calculé à partir d'une composante de main-d'oeuvre qui représentait 11 p. 100 des budgets de production de quatre films produits au Canada, d'après une composante de main-d'oeuvre qui était évaluée à ce moment-là à environ 50 p. 100 des budgets de production. Essentiellement, ça représentait un crédit d'impôt direct pour production cinématographique d'environ 5,5 p. 100 pour la composante de main-d'oeuvre de la production de tout film en particulier, qu'il s'agisse d'un long métrage, du film de la semaine, d'un film d'animation, d'une série télévisée ou de tout autre type de films produits au Canada, d'après la composante de main-d'oeuvre.

Or à cette époque, lorsque ce crédit d'impôt de 11 p. 100 a été mis en place, je vous rappelle, monsieur le président et membres du comité, qu'il n'y avait pas d'autres mesures incitatives en place. Cela remplaçait le mécanisme d'abri fiscal qui était utilisé auparavant.

Par la suite, à mesure qu'on a commencé à l'utiliser, les provinces ont souscrit à cet incitatif fiscal et dans la plupart des cas ont offert au minimum le même incitatif et dans certains cas l'ont même amélioré. Donc, non seulement il y avait l'incitatif fiscal fédéral de 11 p. 100 du coût de la main-d'oeuvre, mais aussi un incitatif fiscal provincial qui venait s'y ajouter doublant ainsi pratiquement le niveau d'appui à la création des produits cinématographiques au Canada.

Par ailleurs, monsieur le président, même s'il ne s'agissait pas là vraiment d'un type d'incitatif, à l'époque le dollar canadien valait 73 ¢. Par la suite, à mesure que le dollar a chuté, la valeur de l'incitatif pour la production cinématographique au Canada a augmenté encore davantage.

Donc, si on regroupe tous ces aspects, notamment l'infrastructure qui a été mise en place au Canada au cours d'une période d'environ 25 ans, il y a eu un programme d'encouragement extraordinaire pour la production cinématographique au Canada. Et ces incitatifs ont eu beaucoup de succès. Nous avons attiré beaucoup de films au pays et nous avons toute une réserve de talents. Nous avons des studios à la fine pointe de la technologie et toute une infrastructure qui a été mise en place, et les entreprises canadiennes sont tout à fait concurrentielles dans l'industrie.

• 1120

Il n'a jamais été question—jusqu'à ce que l'on lance des rumeurs au sujet des abris fiscaux—que le crédit fiscal de 11 p. 100 n'était pas suffisant pour appuyer la production au Canada.

Le 18 septembre, le ministre des Finances a publié un communiqué concernant les règles relatives aux dépenses rattachées au produit dont l'industrie s'était prévalue... Et je ne parle pas ici uniquement de l'industrie cinématographique, car les règles concernant les dépenses rattachées au produit, monsieur le président, sont des règles d'application générale. Quiconque voulait commercialiser un produit en particulier lorsque des dépenses se rattachent à un droit à recevoir un revenu aurait pu utiliser ce mécanisme. Franchement, on était en train de mettre en place des mécanismes dans d'autres secteurs où l'on commençait à se demander comment on pourrait utiliser ces mécanismes afin d'offrir des abris fiscaux aux investisseurs.

Donc le 18 septembre, le ministère a publié un communiqué pour annoncer que l'on mettait fin à l'investissement avec abri fiscal. Par la suite, nous avons rencontré les représentants de l'industrie pour voir s'il était possible de faire la transition et de maintenir ces dispositions pour les productions qui en étaient déjà à diverses étapes afin qu'elles puissent être terminées en suivant la même procédure qui avait été prévue depuis le début de la production, avant l'annonce.

Nous avons publié une lettre pour rassurer l'industrie à la suite de l'annonce du 18 septembre, au sujet de toute une myriade de productions cinématographiques qui étaient déjà en cours afin qu'elles puissent être menées à bien de façon harmonieuse. La production de tous ces films devrait être terminée d'ici la fin du mois de mars 2002. Encore une fois, nous avons pensé qu'il fallait tenir compte des projets qui étaient déjà en cours, et l'industrie a tout de suite reconnu que cela était juste et équitable, particulièrement dans le cas des productions cinématographiques qui avaient commencé avant le 18 septembre.

Voilà donc, monsieur le président, un peu la façon dont cela a commencé et les mesures appliquées depuis au moins 1997 en ce qui concerne l'aide à l'industrie pour créer des productions ici au Canada. On a parlé dans la presse d'un programme gouvernemental d'abris fiscaux déterminés, mais ce genre de programme n'a jamais existé.

Les fiscalistes ont été très ingénieux et ont utilisé les règles d'application générale d'une façon qui n'avait pas été envisagée par le gouvernement lorsque nous avons introduit les règles sur les dépenses rattachées au produit. On peut reprocher aux fiscalistes d'avoir profité de ces règles d'application générale de façon indue.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Farber. Encore une fois, merci d'être venu nous rencontrer malgré le court préavis.

Nous allons maintenant passer aux questions.

M. Dennis Mills: Merci beaucoup, monsieur le président, et je serai très bref.

Tout d'abord, il est très important que nous reconnaissions le fait que la question du crédit a été tirée au clair la semaine dernière à notre séance de comité, de sorte que nous voulions aborder immédiatement les règles relatives aux dépenses rattachées au produit.

Or, monsieur Farber, ce que vous avez dit... et tout d'abord, sachez que je représente 5 000 hommes et femmes qui sont employés dans l'industrie cinématographique dans ma circonscription uniquement, avec plus de 2 millions et demi de pieds carrés de studio. Vous pouvez bien vous imaginer que si je semble me passionner davantage pour la question, c'est un peu comme un collègue qui aurait une usine Ford dans sa circonscription. C'est une question qui est très importante pour moi.

Vous avez dit que vous avez rencontré des représentants de l'industrie, que vous leur avez parlé et naturellement, la question des droits acquis... Si je vous ai bien entendu ou si je vous ai bien compris, vous pensez qu'ils étaient satisfaits de cette mesure de temporarisation visant la production à terminer avant la fin de mars et qui serait admissible, après quoi le crédit prendrait fin.

Ai-je bien compris ce que vous avez dit? Aviez-vous l'impression que les représentants de l'industrie étaient satisfaits à cet égard?

• 1125

M. Len Farber: Monsieur le président, les représentants de l'industrie, qui ne représentent pas seulement les promoteurs mais aussi les studios, étaient très satisfaits des mesures de transition ou de droits acquis. Cela ne veut pas dire du tout qu'ils sont très satisfaits de l'élimination d'une mesure sur laquelle ils comptaient de plus en plus, mais pour ce qui est des mesures de transition, absolument, je pense que nous avons répondu à toutes les préoccupations possibles lorsqu'il était raisonnable de supposer qu'une production aurait été lancée avant le 18 septembre.

Il ne faut pas oublier, monsieur le président, que dans l'industrie cinématographique, on ne fonctionne pas avec des contrats écrits. C'est une industrie qui en fait s'occupe de la paperasse bien après coup.

Nous avons dû faire preuve d'imagination et travailler en étroite collaboration avec l'industrie pour nous assurer que les indices du début que nous avons inclus dans le communiqué—la lettre de réconfort—étaient réels, pouvaient en fait être vérifiés et pouvaient être maintenus. Nous avons réussi à le faire, et je pense que nous l'avons fait certainement à la satisfaction de l'industrie.

M. Dennis Mills: Je tiens à noter, et j'ai terminé, monsieur le président, que les représentants de l'industrie sont venus me voir et qu'ils ne m'ont pas dit ce que M. Farber nous dit maintenant. Ils essaient probablement... J'ai l'intention de tirer cette affaire au clair. Je ne comprends pas pourquoi on vous dirait une chose à vous et une autre chose à moi. Bien entendu, la principale chose dont ils voulaient me convaincre, c'est que cette mesure nuira au développement de l'industrie cinématographique à laquelle nous assistons maintenant au Canada. Que pourrais-je ajouter? Nous entendons vraiment deux sons de cloche.

Merci.

M. Len Farber: Monsieur le président, si vous me le permettez, je voudrais faire une précision ici. Il est peut-être question de deux choses différentes. Je ne pense pas qu'il y ait le moindre doute au sujet de la transition. Je n'ai pas entendu un seul représentant de l'industrie dire que la période de transition ne suffisait pas pour qu'on puisse tenir compte de la multitude de projets cinématographiques qui étaient amorcés.

Par ailleurs, cela ne veut pas dire que l'industrie est convaincue que l'incitatif actuel, c'est-à-dire un crédit d'impôt, peut satisfaire aux besoins de l'industrie ou aux besoins que l'industrie pense avoir. Ce n'est pas la même chose.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Monsieur Farber, je vais m'arrêter là. Je ne veux pas prendre tout le temps qui reste. M. Abbott va poursuivre.

Ce que me disent tous les représentants de l'industrie, c'est que même si le mécanisme actuel présente quelques problèmes, nous ne devrions pas nous en défaire avant d'avoir autre chose, un mécanisme que l'industrie jugera acceptable. S'il n'y a pas cet autre mécanisme, nous risquons de faire du tort à un secteur de l'économie qui, comme vous l'avez si bien dit vous-même, a accompli des progrès remarquables, surtout depuis sept ou huit ans.

Ils disent aussi... et je vous prie d'intervenir parce que je sais que vous avez une certaine influence auprès du ministre. Je lui ai déjà dit directement que, tant que notre étude n'est pas terminée et que nous n'avons pas proposé un autre mécanisme, il vaudrait mieux ne pas toucher à celui que nous avons maintenant.

De toute façon, la parole est à M. Abbott.

M. Jim Abbott: Monsieur Farber, vous êtes venu témoigner de bonne foi et je n'essaie pas de dire le contraire. Le problème que j'ai avec vous est le même que j'aurais avec toute autre personne que je consulterais pour m'aider à réduire les impôts excessifs que je dois verser sur mon maigre revenu, c'est-à-dire un fiscaliste. J'ai énormément de difficulté à comprendre le jargon que vous et vos collègues utilisez et je vais donc parler en termes clairs. Je répète que j'ai beaucoup de mal, n'ayant pas l'expérience de la fiscalité ou de la comptabilité, à suivre ce que vous dites.

Je vais donc vous poser une question de portée plutôt générale.

• 1130

Quand le ministère des Finances décide de faire certaines choses, c'est parce qu'il veut obtenir certains résultats. Sans nous donner une liste complète, pouvez-vous nous donner une idée des résultats que vous escomptiez en prenant cette mesure. Vous pourriez peut-être nous dire comment cela pourrait permettre d'économiser tel ou tel montant. Quels résultats comptez-vous obtenir?

Deuxièmement, et c'est au moins aussi important, le ministère des Finances s'efforce-t-il de dégager aussi les résultats indésirables? Autrement dit, fait-on une analyse coûts-avantages au ministère dans un cas comme celui-ci où vous espérez réaliser une économie de tant de millions de dollars, mais où, comme l'a signalé M. Mills, cela pourrait avoir comme conséquence indésirable de ralentir la croissance de l'industrie cinématographique? Analysez- vous vraiment ces conséquences indésirables ou vous contentez-vous de réagir après coup?

M. Len Farber: Monsieur le président, je voudrais tout d'abord parler des résultats escomptés du communiqué du 18 septembre.

Le but de ce communiqué était de mettre fin à l'abus d'une règle d'application générale dont pouvait profiter non seulement l'industrie cinématographique, mais aussi n'importe quelle industrie qui voulait mettre quelque chose en marché qui va entraîner certaines dépenses et produire des recettes seulement sur une période longue.

Autrement dit, on créait des pertes en investissant et ces pertes pouvaient être déduites d'autres sources de revenu comme votre traitement ou votre revenu professionnel, et le revenu de cet investissement serait calculé sur une certaine période et l'investissement lui-même serait vendu après la fin de la période et imposé au taux sur les gains en capital, c'est-à-dire qu'il y aurait opération d'arbitrage des taux de revenu par opposition au taux des gains en capital. C'est pour cela qu'il y avait abus et nous voulions donc, ou plutôt le gouvernement voulait, mettre fin à ce genre d'abus.

L'une des conséquences indésirables, dans la mesure où il y en a eu... Je dois revenir ici à mon exposé, monsieur le président, pour signaler que, comme nous voulions stimuler ce genre d'investissement dans la production de films étrangers au Canada, nous avions adopté un incitatif en 1996 qui entrait en vigueur le 1er janvier 1997. Cet incitatif avait été conçu comme incitatif industriel pour la main-d'oeuvre utilisée dans la production de films étrangers au Canada. Ce genre de production rivalise quelque peu avec les productions canadiennes et je pense que mes collègues de Patrimoine vous ont signalé la semaine dernière que l'incitatif fourni est calculé au taux de 25 p. 100 de l'élément de main-d'oeuvre canadienne dans les films canadiens portant visa.

C'est la mesure qui avait été instaurée à l'époque pour favoriser la trajectoire ascendante de l'industrie dont vous avez parlé, monsieur le président, et pour garantir que la production de films étrangers au Canada serait non seulement soutenue mais favorisée. À l'époque, c'est la seule mesure dont l'industrie disposait pour remplacer les instruments de financement de type abri fiscal qui existaient auparavant.

Depuis, les provinces avaient greffé leurs propres mesures au mécanisme fédéral et différentes choses s'étaient produites au point où le taux d'incitatif était passé d'environ 5,5 p. 100 au départ à quelque 13 p. 100 des productions. Je dois admettre que c'était tout à fait inattendu, tant pour l'industrie qui profitait de ce mécanisme que pour les gouvernements qui avaient instauré ces incitatifs fiscaux pour attirer l'investissement au Canada.

Voilà donc quels étaient les résultats souhaités et non souhaités de ce mécanisme. Nous pensions avoir une bonne idée de ce qu'il fallait faire pour stimuler l'investissement dans l'industrie cinématographique au Canada et l'industrie a connu une croissance relativement rapide depuis cinq ou six ans et elle est maintenant très solide.

M. Jim Abbott: Merci beaucoup de votre réponse.

J'essaie encore de comprendre si l'on peut utiliser l'approche disant que 100 p. 100 de zéro et toujours zéro. Vous avez parlé de 5,5 p. 100 de 100 millions de dollars. Si à cause de la trajectoire de croissance, ces 100 millions étaient devenus 400 millions de dollars, avez-vous calculé ce que cela aurait représenté? Autrement dit, est-ce qu'on en était arrivé à 13 p. 100 d'un montant beaucoup plus important? Avez-vous évalué la perte en dollars absolus s'il y en a une? Je ne suis pas certain de bien faire comprendre ma question.

• 1135

Le vice-président (M. Dennis Mills): Voulez-vous dire le coût pour le Trésor?

M. Jim Abbott: Il s'agit effectivement du coût pour le Trésor. Avez-vous calculé ce coût? Je ne veux pas dire que ce sont nécessairement les bons chiffres, mais s'il y avait une perte pour le Trésor de 5,5 millions de dollars sur 100 millions de dollars, si les investissements sont maintenant de 400 millions de dollars, 13 p. 100 de ce montant représente un montant moindre que les 5,5 p. 100.

M. Len Farber: Je comprends la question. L'Agence des douanes et du revenu Canada obtient les chiffres des déclarations de revenus, comme vous le comprenez certainement. Le seul chiffre qui ait été publié à ma connaissance jusqu'ici est le chiffre des ventes pour ces abris fiscaux, qui doivent être enregistrées auprès de l'Agence et qui représentaient 2,7 milliards de dollars en 2000.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Est-ce seulement pour l'industrie cinématographique?

M. Len Farber: C'est le chiffre pour les enregistrements d'abri fiscal des dépenses à rattacher aux produits. Il ne s'agit peut-être pas exclusivement d'enregistrements pour l'industrie cinématographique.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Mais c'est un point important.

M. Len Farber: C'est un point très important. L'Agence établit les chiffres en fonction de ce qu'on lui remet. J'imagine que la grande majorité de ces comptes concernent l'industrie cinématographique.

M. Ed Short (agent principal, Politique de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances): Excusez-moi, mais il s'agit du montant pour les abris fiscaux cinématographiques. On ne sait pas si c'est pour la production de films ou non. Ce peut être pour d'autres sortes de dépenses.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Pouvez-vous nous donner un exemple?

M. Ed Short: Ce pourrait être pour les dépenses après la production, pour les contrats d'impression et de montage, pour les coûts de mise en marché. Ce sont les coûts qui peuvent être inscrits dans ces abris fiscaux, mais nous ne pouvons pas les distinguer.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Mais ce sont tous des coûts reliés à l'industrie.

M. Ed Short: Ce sont tous des coûts reliés à la production de films.

M. Jim Abbott: Je promets que je vais terminer, mais sauf votre respect, votre réponse semble montrer que, même si le ministère des Finances vise certains résultats quand il prend de telles mesures, il ne surveille pas les résultats indésirables. Sauf votre respect, il me semble que, même si Revenu Canada examine ce qui se passe, le ministère des Finances se contente d'une évaluation plutôt vague des effets nets de ces mécanismes alors qu'il sait nettement quels résultats il vise. C'est une chose qui m'inquiète en tant que député.

M. Len Farber: Monsieur le président, si vous me le permettez...

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Je m'excuse, monsieur le président. Habituellement, il y a un ordre de...

Le vice-président (M. Dennis Mills): Un moment, Christiane, il y a un problème.

Mme Christiane Gagnon: D'accord.

[Traduction]

M. Len Farber: Je voudrais simplement signaler, monsieur le président, que l'Agence du revenu doit additionner les chiffres, et ainsi de suite, mais il est très clair, et je pense que c'est un fait à peu près indéniable, que la meilleure façon pour le gouvernement d'en avoir pour son argent, c'est que tout programme de dépense visant à stimuler l'industrie, remette directement l'argent entre les mains de l'industrie comme le fait un crédit d'impôt.

Lorsqu'on a un investissement de type abri fiscal, comme je l'ai dit tantôt, il faut donner un profit à l'investisseur, un profit au promoteur et le reste va au studio. Si vous dépensez un dollar, c'est seulement le tiers de ce dollar qui servira à la production au Canada. Les deux autres tiers du dollar iront à d'autres qui...

Le vice-président (M. Dennis Mills): C'est donc de l'escroquerie.

M. Len Farber: ... ont peut-être quelque chose à voir avec le film, mais qui ne s'occupent pas directement de la production. C'est tout à fait clair et c'est pourquoi nous nous sommes graduellement éloignés de ce genre d'abri fiscal parce qu'on veut en obtenir plus pour son argent. Peu importe les montants qu'on veut investir dans une industrie donnée, il vaut toujours mieux l'investir directement dans l'industrie au lieu de le répartir entre les distributeurs, les promoteurs et tous ceux qui ont quelque chose à voir avec la mise en marché de l'investissement.

• 1140

[Français]

Le vice-président (M. Dennis Mills): Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon: C'est un peu le genre d'éclaircissement que je voulais avoir, parce que vous disiez que c'était l'irritant de l'abus qui se faisait par rapport à l'abri fiscal et je voulais que vous me donniez un exemple concret de quelqu'un... Donc, ce serait le cas d'un particulier qui utiliserait cet abri fiscal, si j'ai bien compris, parce qu'il investirait une certaine somme dans une production cinématographique et qu'il n'y aurait pas de retour pour le producteur en tant que tel et d'autres secteurs d'activités à l'intérieur d'une production cinématographique.

Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais c'est à peu près ce que j'essaie de décoder par rapport au langage financier.

[Traduction]

M. Ed Short: Si j'ai bien compris, ce que vous me demandez, c'est qui profitait de ce programme, ou plutôt des abris fiscaux qui, comme l'a dit M. Farber, ne sont pas un programme gouvernemental.

Les contrats sont organisés par des promoteurs.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Qui sont les promoteurs?

M. Ed Short: Un promoteur est quelqu'un qui arrange une entente entre un studio de cinéma et un investisseur, c'est-à-dire que le promoteur cherche des gens prêts à investir dans un film...

M. John Harvard: Voudriez-vous un producteur?

M. Ed Short: C'est le studio qui produit le film. Le promoteur s'occupe des questions fiscales. L'investisseur fournit l'argent et reçoit un avantage fiscal du gouvernement. L'argent investi par l'investisseur sera réparti entre le promoteur et le studio. À la fin du compte, comme l'a dit M. Farber, les avantages fournis par le gouvernement grâce aux déductions d'impôt pour l'investisseur sont répartis de la façon suivante: un tiers pour le studio, un tiers pour le promoteur et un tiers pour l'investisseur.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Ce sont les ronds-de-cuir qui l'emportent.

M. Ed Short: Au sujet des chiffres et des projections du gouvernement, lorsque la règle des dépenses à rattacher aux produits a été annoncée, au moment où on a mis en vigueur le nouveau crédit d'impôt pour services de production, étant donné le grand nombre de productions étrangères alors tournées au Canada, on estime que les coûts pour le gouvernement ont atteint 55 millions de dollars.

Le niveau du crédit d'impôt a été choisi de telle manière que les producteurs puissent continuer à recevoir le même soutien que sous le régime des abris fiscaux. Si l'on prenait le tiers de leurs bénéfices, ce qui correspondait à leurs subventions, le crédit d'impôt pour services de production était conçu de telle façon que le montant leur reviendrait par ce nouveau moyen.

Après l'entrée en vigueur du crédit d'impôt fédéral, la plupart des provinces ont emboîté le pas et ont offert au moins l'équivalent du crédit fédéral, tandis que sous le régime de l'abri fiscal, l'apport des provinces correspond à peu près à un tiers de tous les avantages fiscaux.

Dans le cas du crédit d'impôt pour les services de production, la plupart des provinces ont au moins offert l'équivalent du crédit d'impôt fédéral, et certaines d'entre elles ont été encore bien plus généreuses. À l'heure actuelle, les producteurs de cinéma bénéficient davantage du crédit d'impôt calculé en fonction d'un pourcentage de leurs coûts de production que sous le régime des abris fiscaux.

Depuis 1997, ceux qui étaient favorables aux abris fiscaux ont découvert une exception à la règle des dépenses à rattacher aux produits. Encore une fois, cela ne se limiterait pas à l'industrie cinématographique mais pourrait s'appliquer à toute industrie. Ils ont vérifié la légalité de la disposition auprès de l'Agence des douanes et du revenu du Canada puis après quelques tâtonnements, ils ont réussi à concevoir des affaires qui aux yeux de l'Agence des douanes et du revenu du Canada n'enfreindraient pas la règle des dépenses à rattacher aux produits. Après cela, les spécialistes des abris fiscaux ont recommencé à échafauder de nouveaux abris fiscaux.

• 1145

Lorsqu'on a adopté la nouvelle règle destinée à mettre fin à cette exception afin qu'on ne puisse pas en profiter pour...

M. John Harvard: Il s'agit d'une échappatoire.

M. Ed Short: Une échappatoire, oui si vous voulez. Pour mettre fin à cette échappatoire donc, le gouvernement a fait ce qu'il a pu pour obtenir une estimation assez juste des coûts. En matière d'abris fiscaux, il est très difficile d'effectuer des calculs nets des coûts à venir. Dans un monde idéal, il faudrait attendre 10 ans pour que les droits des films soient venus à expiration puis demander les déclarations de revenus des investisseurs pour les 10 années précédentes, calculer leur avantage fiscal et en déduire le coût final. Au mieux, ce qu'on peut faire est donc une projection.

Lorsqu'on a mis fin à cette échappatoire fiscale, on n'a pas discuté d'un mécanisme de substitution. Ce dernier a été mis en place il y a quatre ans, et à l'époque, personne ne se demandait si le crédit d'impôt pour services de production suffisait. Depuis son adoption cependant, les coûts gouvernementaux se sont alourdis du fait que les promoteurs d'abris fiscaux ont conçu des transactions d'abri fiscal, contrairement à l'intention qui avait présidé à l'adoption de la règle sur les dépenses à rattacher aux produits.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Madame Bulte, c'est à vous.

Mme Sarmite Bulte: Merci.

D'après les renseignements que j'ai obtenus, l'avantage de l'abri fiscal tient au fait qu'il ne donne pas prise aux droits compensateurs, contrairement au crédit d'impôt pour services de production. J'aimerais connaître votre avis là-dessus. Je crois déjà connaître votre réponse, mais j'aimerais vous l'entendre dire.

En second lieu, n'est-il pas vrai que les producteurs nous disent maintenant que le crédit d'impôt ne suffit pas? Le crédit d'impôt pour services de production est censé favoriser l'embauche d'employés canadiens. N'est-il pas vrai que la raison pour laquelle il ne suffit peut-être pas, c'est que les producteurs étrangers embauchent moins de personnel canadien qu'il y a 10 ans?

M. Ed Short: En ce qui concerne la question des droits compensateurs, il faut étudier les subtilités du contrat avant de le signer. C'est à vous en tant qu'investisseur, au promoteur et au studio de décider si le studio pouvait en fait exiger des crédits additionnels de vous ou du promoteur comme indemnisation pour contrer les droits compensateurs imposés par les États-Unis sur le transfert de services de production du Canada aux États-Unis. Que ce soit fait par le truchement d'un crédit d'impôt ou d'un abri fiscal ne change rien du tout.

Quelle était votre deuxième question?

Mme Sarmite Bulte: Le crédit d'impôt en matière de services de production n'est plus adéquat. Peut-être ce crédit ne marche plus parce que les producteurs étrangers embauchent moins de travailleurs canadiens que dans le passé. Cette tendance a diminué donc le crédit. L'idée qui sous-tend le crédit d'impôt en matière de services de production était d'encourager les entreprises étrangères et canadiennes à engager des Canadiens.

M. Ed Short: Quand le crédit a été mis en vigueur, nous avons demandé au secteur de nous indiquer le rapport entre la main-d'oeuvre canadienne et le coût de production total pour que nous puissions mettre en place un crédit qui leur donnerait les mêmes avantages que les abris fiscaux. Le secteur nous a présenté le chiffre: 50 p. 100. Jusqu'à présent, le secteur ne nous a pas dit que ce pourcentage n'était pas suffisant. Cependant, lors des discussions des droits acquis, le secteur du film a soulevé ce problème. Néanmoins, je ne pense pas que nous ayons reçu une demande officielle du secteur du film. Pour ce qui est de la main-d'oeuvre canadienne, on nous a parlé du chiffre de 30 p. 100, au moins dans le cas des longs métrages.

Depuis ces discussions, nous avons fouillé un peu plus. Je ne peux pas vous dire que nous avons des chiffres exacts, mais notre recherche indique que pour la production d'émissions télévisées ou la production des films pour la télévision, le rapport exact serait plutôt 50 p. 100. En ce qui concerne la production des films de long métrage, on assume la plupart des coûts de développement et des coûts de post-production en Californie. En ce qui concerne les coûts assumés au Canada par comparaison au coût total de la production du film, le rapport de la main-d'oeuvre canadienne est plus bas. Il faudra attendre pour voir s'il convient de relever le taux pour contrer cette situation.

• 1150

Mme Sarmite Bulte: Est-ce une question que vous entendez négocier avec eux? Est-ce même négociable?

M. Len Farber: Peu importe si c'est négociable ou non. On a attiré notre attention sur cette question. Depuis cinq ans et demi, c'est-à-dire depuis la mise en place de ce crédit, le rapport est à la baisse, comme M. Short vous a déjà dit. À propos, ce rapport a baissé comme pourcentage des budgets globaux car le coût pour embaucher les vedettes hollywoodiennes a augmenté proportionnellement. Nous n'offrons pas de crédit pour l'embauche de vedettes hollywoodiennes, pour des raisons bien évidentes. Donc, cette baisse n'a rien d'étonnant.

En fait, cet après-midi, je vais rencontrer la guilde des réalisateurs, qui veulent entamer des discussions sur cette question. Ils veulent nous présenter certaines statistiques et aussi examiner leurs suggestions pour l'application de ce crédit d'impôt à d'autres domaines. Nous sommes certainement prêts à discuter cette question et cette réunion sera la première de plusieurs. Nous voulons toujours colliger le plus d'informations possible. Ce faisant, nous pouvons donner de bons conseils et de bons renseignements au ministre.

M. Sarmite Bulte: J'ai une petite question.

L'industrie avait demandé une prolongation jusqu'en septembre. Je reviens à ce que disait M. Abbott au sujet des conséquences non prévues. Avant que ce crédit d'impôt ne soit examiné... A-t-on songé à la possibilité de prolonger la date limite du mois de mars jusqu'en septembre?

M. Len Farber: En toute honnêteté, monsieur le président, je dirais catégoriquement que ce n'est pas ce qu'a demandé l'industrie lorsque nous discutions des règles de transition. Nous avions un mécanisme qui nous permettait de tenir compte de tout ce qui était en cours avant le 18 septembre. La règle générale veut que si quelqu'un compte sur une disposition dans la loi pour entreprendre un projet, cette disposition sera valable jusqu'à ce que le projet soit terminé. Tout ce qui est en cours bénéficierait d'une clause de droits acquis.

Si, par exemple, on devait prolonger l'application de cette règle jusqu'en septembre, je ne vois pas ce que cela pourrait changer, sinon la date à laquelle on commence le tournage. Si on commence avant le 18 septembre, il serait inconcevable de croire qu'il faudrait jusqu'en septembre pour terminer ce qu'on a commencé. Le tournage d'un film se fait sur une base quotidienne et continue jusqu'à la fin. Sinon, on risque de perdre de l'argent.

On nous a dit qu'on aurait amplement le temps d'ici la fin du mois de mars pour terminer tous les projets en cours.

Mme Sarmite Bulte: Je vous remercie.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Monsieur McNally, allez-y.

Oh, madame Lill. Je m'excuse.

Mme Wendy Lill: Ça va. Merci.

On a fait certains commentaires au sujet du contenu canadien, exprimé en pourcentage de main-d'oeuvre canadienne qui participe à l'industrie du cinéma en ce moment. J'ai quelques questions de base. Quel est le pourcentage de l'industrie que l'on peut qualifier de canadien? Est-ce que vous en tenez compte?

Nous avons entendu plusieurs témoins; des représentants d'ACTRA nous ont dit que l'idéal serait d'avoir une participation canadienne à 100 p. 100 pour la production d'un film. Cela ne relève peut-être pas de votre domaine, mais en tant que membre de ce comité, je m'intéresse à l'amélioration de l'industrie canadienne du cinéma. Je ne parle pas simplement des compagnies cinématographiques canadiennes dont le siège social se trouve à Los Angeles.

Existe-t-il encore des compagnies qui sont essentiellement canadiennes à 100 p. 100? Je sais qu'il s'agit de plus en plus d'une espèce rare, mais il serait bon pour nous de connaître le pourcentage canadien de cette industrie. Cela me serait grandement utile.

• 1155

M. Len Farber: Monsieur le président, des témoins sont venus comparaître devant ce comité la semaine dernière. Les responsables du BCPAC, le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens, ainsi que d'autres représentants du ministère seraient les mieux placés pour vous trouver ces statistiques. Ce sont ces gens-là qui comprennent le mieux les critères d'admissibilité, le processus de certification, ainsi que le taux de participation.

Mme Wendy Lill: Une précision, s'il vous plaît; vous êtes sans doute bien au courant de ceux qui font des demandes de crédit d'impôt.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Les abris fiscaux.

Mme Wendy Lill: Mais si j'ai bien compris ce que vous avez dit, les fiscalistes ont réussi à transformer les gains obtenus par voie de crédit d'impôt. Ils ont trouvé une autre façon de tirer profit de ces crédits, quelque chose que l'Agence n'a pas su anticiper.

Comment faites-vous pour repérer ces échappatoires? Serait-il important de savoir qui est propriétaire de la compagnie qui a fait l'investissement? Vous suivez de très près les éléments qui se rapportent au pourcentage de la main-d'oeuvre, afin de savoir s'ils ont respecté leurs engagements, puisque c'est le fondement même de cette disposition. Mais qu'en est-il du pourcentage de propriété canadienne dans l'industrie du cinéma? En tenez-vous compte?

M. Ed Short: Le crédit canadien a des règles qui le distingue du crédit pour les services de production. Pour les films à contenu canadien produits par des sociétés de production canadiennes, le crédit fédéral est de 25 p. 100 des coûts de la main-d'oeuvre, plutôt que le crédit d'impôt pour les services de production, qui ne comporte aucun critère relié à la propriété. Il s'agit de 11 p. 100. Le crédit canadien est donc plus intéressant.

Pour ce qui est du crédit canadien, il y a une disposition dans les règles qui empêche la création d'un abri fiscal relié à la production. Les sociétés canadiennes qui participent à des productions à contenu canadien, ce qui serait homologué par le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens, n'auraient pas accès à ces abris fiscaux.

L'Agence des douanes et du revenu du Canada tient compte du nombre de demandes qu'elle reçoit pour le crédit canadien, par rapport au crédit d'impôt pour les services de production. Règle générale, on peut dire que pour les réalisateurs canadiens qui participent à des productions de contenu canadien, c'est le crédit d'impôt pour le film canadien ou pour la production vidéo canadienne qui s'appliquerait; c'est-à-dire, le crédit d'impôt pour le contenu canadien. Pour les autres réalisations faites au nom de studios étrangers ou pour le travail que font ces studios étrangers ici au Canada, c'est le crédit d'impôt pour les services de production qui s'applique.

Le vice-président (M. Dennis Mills): C'est au tour de M. McNally.

M. Grant McNally: Merci, monsieur le président.

Je partage plusieurs de vos préoccupations. Même si je ne représente pas 5 000 personnes qui travaillent dans cette industrie, j'en ai quand même plusieurs centaines qui travaillent à Vancouver. Mon comté se situe tout près de Vancouver. Le Virtue Studio Ranch se trouve dans ma circonscription; c'est l'endroit où on a tourné les émissions Neon Rider et Nothing Too Good for a Cowboy, qui sont des réalisations de la CBC. Le village frontalier se trouve aussi dans mon comté. Nombreux seront ceux qui se verront touchés par ces décisions.

Je comprends un peu mieux maintenant, grâce aux explications qu'on a fournies.

Il est évident qu'en mettant fin à ces échappatoires fiscales, c'est essentiellement le promoteur qui sera exclu. Ai-je raison?

M. Ed Short: Ainsi que l'investisseur.

M. Grant McNally: Très bien.

Il y aura donc moins de monde à la recherche de sources d'investissement pour la réalisation cinématographique ici au Canada, ce qui représente certaines conséquences pour notre industrie. Nous voulons tous que l'industrie demeure forte et concurrentielle.

• 1200

Je veux bien comprendre. Le crédit d'impôt pour les services de production se situe à 11 p. 100, et c'est surtout pour la main-d'oeuvre. Il y a ensuite le crédit de 25 p. 100 pour la propriété canadienne. Est-ce que ça vient s'ajouter aux 11 p. 100? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Len Farber: Ce sont des crédits pour deux types de productions distinctes. Le 11 p. 100 s'applique à la main-d'oeuvre qui travaille au tournage des films étrangers. Le 25 p. 100 ne s'applique qu'aux films avec un contenu canadien qui respectent des critères très sévères quant au nombre de comédiens canadiens, de réalisateurs et ainsi de suite qui sont tous homologués par le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens. Il s'agit de deux crédits indépendants qui ne pourraient pas être utilisés pour le même film.

M. Grant McNally: Bon, c'est soit un ou soit l'autre mais pas les deux.

Disons qu'on a une production qui va coûter un million de dollars. Pourriez-vous nous expliquer quels seraient les effets, en termes financiers, de l'élimination de l'abri fiscal? Ça ne serait probablement pas une tâche facile, étant donné ce que vous nous avez dit au sujet de l'application de ces crédits. Comment un investissement d'un million de dollars, sous l'ancien régime, se compare-t-il à un million investi, sans abri fiscal? Serait-il plus difficile d'attirer les investissements dont a besoin l'industrie?

Je ne sais pas si c'est faisable.

M. Ed Short: C'est le genre de choses que nous faisons.

M. Grant McNally: C'est merveilleux. Il est évident que je ne le fais pas, moi.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Il faudrait demander au ministère des Finances de nous envoyer une explication de ces trois éléments différents.

M. Ed Short: J'ai une précision au sujet des abris fiscaux ou des crédits d'impôt pour les services de production. Si, par exemple, on investissait deux millions de dollars pour tourner un film en Colombie-Britannique, et si 50 p. 100 des coûts allaient pour engager la main-d'oeuvre canadienne en Colombie-Britannique, peu importe si un dégrèvement fiscal pouvait s'appliquer ou non, avant ou après l'élimination de cette échappatoire, il y aurait quand même un crédit pour les services de production en Colombie-Britannique. Il s'agit de 110 000 $, c'est-à-dire, 11 p. 100 des frais de main-d'oeuvre.

Il y a une façon précise pour le calcul du pourcentage fédéral du crédit, et c'est pour cette raison que le montant s'élève à un peu moins que 11 p. 100 du coût global de la main-d'oeuvre. Cela fait 97 900 $. Donc, pour ce qui est des crédits d'impôt, et ceci pour un film de deux millions de dollars—encore une fois, il ne s'agit pas du contenu canadien et il n'appartient pas aux Canadiens—, le chiffre est de l'ordre de 207 900 $, ou environ 10,5 p. 100.

Normalement, pour un film qui tire profit de l'abri fiscal... ils prendraient les dépenses autres que la main-d'oeuvre canadienne, les dépenses autres que celles qui sont admissibles au crédit d'impôt relatif aux services de production, et les intégreraient à un partenariat d'abri fiscal. Il y a donc un million de dollars qui passe par le partenariat.

Ce que disent les studios cinématographiques, c'est que, une fois qu'on fait la répartition de l'avantage fiscal, la part d'un tiers est de l'ordre de 6 p. 100. Cela veut dire que pour un million de dollars, cela représente 60 000 $, et cela constitue la différence, pour eux, entre avoir et ne pas avoir l'abri fiscal.

M. Len Farber: Monsieur le président, lorsque vous prenez un exemple accompagné des chiffres, on a l'impression que c'est simple et qu'il y a un écart de 3,5 p. 100. Il faut cependant tenir compte d'une chose. L'exemple qu'on vous a donné respecte la norme exigeant un contenu de main-d'oeuvre de 50 p. 100. Ce que disent les studios, surtout en ce qui concerne la production de longs métrages, c'est que le contenu de main-d'oeuvre canadienne ne s'élève pas à 50 p. 100, et pourrait être plutôt de l'ordre de 30 p. 100. Par conséquent, il pourrait être moindre et l'abri fiscal pourrait être plus élevé, parce qu'il pourrait inclure d'autres dépenses qui n'ont pas de rapport.

Il s'agit d'un exemple très général.

• 1205

Le vice-président (M. Dennis Mills): Sam.

Mme Sarmite Bulte: On a déjà répondu à ma question.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Eh bien, monsieur Farber, je ne représente pas les promoteurs, et tout au long de ma vie au Parlement, j'ai toujours essayé avec beaucoup d'ardeur d'éliminer les abris fiscaux et les échappatoires qui n'ont pas de raison d'être. J'ai toujours désapprouvé ces mesures, par principe. Je crois que la meilleure façon d'aider les gens, c'est de le faire de façon directe, où on a une transparence absolue.

Mais je dois vous dire tous les deux que j'espère de tout coeur que votre analyse de la situation est exacte et que cela ne va pas de quelque façon que ce soit avoir un impact préjudiciable sur les hommes et les femmes qui fabriquent les lentilles, qui font la conception des costumes et des décors, tous ces gens-là qui travaillent dans les ateliers, dans les usines, qui font ces films. Personnellement, cela ne me dérange pas si on adopte une approche plus équilibrée à l'égard de ces promoteurs, mais si ces gens qui travaillent dans l'atelier sont lésés par cette mesure, cela va barder.

La séance est levée.

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