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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 15 mars 2001

• 1529

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Chers collègues, la séance est ouverte. Nous avons l'avantage d'accueillir aujourd'hui les ministres Manley et Pettigrew.

Je suis très heureux de voir que le ministre Manley a décidé de venir vêtu de son costume sud-américain des années 60. Il me rappelle le moment où nous avons accueilli à ce comité le président de l'Argentine. Vous vous souvenez qu'à l'époque, on portait les mêmes lunettes fumées.

C'est la première audience du comité en préparation du Sommet des Amériques, pour lequel nous avons décidé d'entreprendre une étude. Ce sera la première d'une série. Compte tenu de l'intérêt public pour la question, nous présenterons un rapport à la Chambre et nous espérons que le gouvernement y répondra de la façon traditionnelle.

• 1530

[Français]

Comme vous le savez sans doute, le comité a fait un rapport sur la Zone de libre-échange des Amériques en octobre 1999. Nous proposons donc de donner suite à ce rapport en étudiant la question sur un plan plus vaste. Pour ce faire, nous allons inviter des témoins d'organisations paragouvernementales et d'organisations du monde des affaires, ainsi que des universitaires et des fonctionnaires.

[Traduction]

Comme vous le savez, messieurs les ministres, Ottawa accueillait la semaine dernière une réunion du Forum interparlementaire des Amériques, qui a été dûment constituée. Nous y avons reçu 28 pays, dont les parlementaires vont présenter à notre premier ministre un rapport qu'il va lui-même soumettre aux chefs d'État des Amériques lors du sommet.

J'aimerais dire en introduction, chers collègues, qu'à mon avis, la présence des deux ministres parmi nous aujourd'hui indique bien que contrairement à l'impression générale, le sommet portera sur bien d'autres choses que le seul commerce. Il va nous permettre d'échanger des points de vue, d'élaborer des programmes pour renforcer la démocratie dans l'hémisphère américain et d'y promouvoir la prospérité grâce au commerce tout en protégeant l'environnement, les normes de travail, les droits de la personne et la diversité culturelle; le sommet permettra aussi de tirer parti du potentiel humain de notre région. Nous avons hâte d'entendre les ministres à ce sujet, et de mener à bien notre étude.

Chers collègues, nous avons une heure et demie devant nous. Les ministres vont sans doute prendre une demi-heure. Je vous propose donc que nous nous en tenions pour le premier tour à 7 minutes plutôt qu'aux 10 minutes habituelles, de façon que vous soyez plus nombreux à poser des questions.

Soyez les bienvenus, messieurs les ministres. Nous allons commencer par M. Manley, puis nous écouterons M. Pettigrew.

Merci beaucoup d'être parmi nous.

L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères): Merci beaucoup, monsieur le président.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Il me semble que nous avions convenu qu'au premier tour, lors de la comparution d'un ministre, chacun aurait 10 minutes.

Le président: C'est exact. Nous verrons comment les choses vont se passer. Je suppose que les ministres auront besoin d'une demi-heure. Il nous restera donc une heure et si nous faisons 5 tours de 10 minutes, 50 minutes, il ne restera que 10 minutes aux autres pour poser des questions.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, nous avions convenu de 10 minutes par question en présence des ministres. Si l'on veut préparer des questions cohérentes, il est essentiel de s'en tenir à ce qui a été convenu.

Le président: Nous allons faire de notre mieux. Puis-je vous demander de vous limiter à un peu moins de 10 minutes? Il faut essayer de faire en sorte que chacun ait la chance d'intervenir.

Monsieur Manley, allez-y.

M. John Manley: J'essaierai d'être aussi bref que possible, mais j'aimerais présenter un certain nombre de questions concernant les préparatifs du sommet et ce qu'on en attend, car ce sommet se tient à un moment important et particulièrement stimulant pour le Canada ainsi que pour ses relations avec les pays de l'hémisphère.

Le comité sait que je comparais ici pour la première fois. Je m'efforcerai d'être aussi disponible que possible, mais malheureusement, je dois rencontrer ensuite son Éminence le Patriarche de l'Église Maronite et, du moins en ce qui me concerne, l'horaire devra impérativement être respecté.

La démocratie et la croissance des marchés libres sont en train de transformer les Amériques. Le Canada a joué un rôle actif dans l'hémisphère en recherchant des solutions efficaces au problème de transition démocratique et du changement économique et social. Nous sommes plus engagés dans les Amériques parce que c'est dans l'intérêt du Canada. Notre prospérité future est étroitement liée à notre capacité non seulement de reconnaître les occasions, mais aussi de faire preuve de leadership dans le développement de nos relations dans cette région.

Nos relations économiques avec l'hémisphère se sont développées plus rapidement, au cour des 10 dernières années, qu'avec n'importe quelle autre région du monde. Aujourd'hui, le Mexique se classe troisième parmi nos partenaires commerciaux les plus importants et le Chili est une importante destination des investissements canadiens à l'étranger—en fait, la plus importante en Amérique latine. Plus de 90 p. 100 de notre commerce se fait dans les Amériques, y compris les États-Unis, et la valeur de ce commerce avec l'hémisphère a augmenté de plus de 170 p. 100 durant cette période, par rapport à 60 et 66 p. 100 respectivement avec l'Europe et l'Asie.

[Français]

Toutefois, nos relations avec le reste de l'hémisphère sont bien plus que commerciales. L'année dernière, nous avons célébré le 10e anniversaire de notre adhésion à l'Organisation des États américains et avons accueilli une des assemblées générales les plus remarquables de l'histoire de l'organisation.

De concert avec l'OEA, le Canada a joué un rôle de premier plan dans le cadre d'un mission destinée à aider le Pérou à consolider sa démocratie. Ce processus a directement mené à l'organisation des premières élections présidentielles le 8 avril 2000 et a aussi fait la preuve de la solidarité dans l'hémisphère et du leadership du Canada dans la défense des institutions et des valeurs démocratiques.

• 1535

Nous travaillons également avec d'autres gouvernements de l'hémisphère à toute une gamme d'intérêts sectoriels, ce qui aurait paru impossible il y a 20 ans.

Les ministres du Commerce, des Transports, de l'Énergie, de la Condition féminine, de l'Éducation, du Travail, de la Justice, des Finances, de l'Environnement, du Développement durable, de la Santé, du Développement et de l'Agriculture de l'hémisphère se réunissent maintenant régulièrement. Dans les quelques semaines qui nous séparent du Sommet de Québec, il y a aura quatre réunions ministérielles, dont deux, celles des Finances et de l'Environnement, auront lieu au Canada. Nous accueillerons également une réunion des ministres du Travail en octobre.

[Traduction]

Même si le gouvernement a un rôle de premier plan à jouer pour favoriser de meilleures relations avec nos voisins de l'hémisphère, je tiens à reconnaître la contribution des législateurs à une meilleure compréhension mutuelle et à une plus grande coopération avec les Amériques. Le Parlement du Canada a accueilli la semaine dernière la réunion inaugurale du Forum interparlementaire des Amériques.

Je voudrais profiter de cette occasion pour féliciter les parlementaires Canadiens et notamment M. Graham et la sénatrice Hervieux-Payette, du leadership dont ils ont fait preuve à l'occasion du lancement du Forum et pour remercier tous ceux qui y ont participé.

La première réunion du Forum a abouti à des recommandations utiles sur l'action conjointe contre la corruption et le trafic de la drogue, la promotion de l'intégration économique et la réduction de la pauvreté, l'amélioration et la protection de l'environnement de même que la reconnaissance de la valeur de la diversité culturelle. Ces recommandations et les précieux apports que nous avons reçus de nombreux secteurs de la société civile constituent des contributions utiles au processus d'élaboration des politiques, au moment où nous abordons la phase finale des préparatifs du Sommet de Québec.

Dans l'ensemble, les nombreux préparatifs du Sommet vont bon train. Le Groupe de suivi du sommet ou GSS a tenu quatre réunions pour discuter du projet de déclaration et de plan d'action du sommet, ainsi que de la déclaration sur la connectivité. La plus récente de ces réunions a eu lieu la semaine dernière.

Le GSS s'est concentré sur l'élaboration des éléments du cadre qui ont été discutés et adoptés par les 34 ministres des Affaires étrangères des Amériques lors de l'Assemblée générale de l'OEA tenu à Windsor en juin dernier. Comme en ont convenu les ministres, la déclaration et le plan d'action du sommet comprendront un ordre du jour cohérent et équilibré organisé autour de trois grands thèmes: renforcer la démocratie, créer la prospérité et réaliser le potentiel humain.

Nous déployons des efforts pour que le sommet ait un mandat ciblé axé sur les priorités les plus pressantes de l'hémisphère. Nous travaillons très fort avec des organisations internationales et régionales ainsi qu'avec les banques de développement multilatérales pour nous assurer d'avoir les ressources humaines et financières nécessaires pour concrétiser nos engagements.

Bien entendu, ce dernier point est essentiel au succès du sommet. Tous les pays participants savent que la crédibilité du processus du sommet repose en définitive sur notre capacité collective d'honorer ces engagements. Les sommets des Amériques doivent servir explicitement les intérêts réels des peuples des Amériques. Pour être jugés utiles, ils doivent mener à des améliorations de leur qualité et de leur niveau de vie.

[Français]

Je voudrais passer brièvement en revue les grands thèmes du Sommet de Québec. Dans le discours qu'il a prononcé devant la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain le 27 février 2001, le premier ministre a énoncé d'une façon concise mais complète les principaux objectifs du sommet.

La force et l'unité de l'hémisphère sont fondamentalement basées sur des initiatives collectives destinées à consolider la démocratie, à promouvoir et à protéger les droits de la personne, et à augmenter la sécurité humaine.

Ces objectifs ainsi que la primauté du droit ont été au centre de nos efforts visant à assurer un fondement durable à l'intégration de l'hémisphère depuis le premier sommet tenu à Miami en 1994.

• 1540

Une démocratie vigoureuse doit être inclusive. Elle doit laisser la place à un débat raisonnable et à un dialogue constructif entre les gouvernements, la société civile et, bien entendu, les parlementaires. Cet engagement actif envers les droits, la transparence, l'ouverture et la participation des citoyens est essentiel au dynamisme de nos institutions démocratiques.

Cet engagement envers les valeurs démocratiques est un principe fondamental de la participation au processus du sommet. C'est là un point de vue que les participants ont l'intention d'exprimer d'une façon explicite à Québec.

[Traduction]

Mon collègue, Pierre Pettigrew, vous parlera de la création de la prospérité dans le contexte de la Zone de libre-échange des Amériques, mais je voudrais seulement dire maintenant que, même si la ZLEA demeure au coeur de notre effort collectif de promotion de la croissance économique et de l'expansion de la prospérité, le sommet va bien au-delà du commerce. Notre engagement envers l'intégration économique ne s'arrête pas à la ZLEA. Nous nous soucions également des moyens de réduire la pauvreté, de favoriser l'équité, de créer plus de chances de succès pour les entreprises, d'assurer le partage des avantages de la croissance, de gérer les migrations et de se préparer pour les catastrophes naturelles afin d'en réduire les conséquences.

Le plan d'action reflète notre conviction que l'intégration économique et les mesures favorisant la protection de l'environnement et les droits des travailleurs peuvent s'appuyer les unes sur les autres et devraient le faire. Le défi ultime est de faire une différence, de promouvoir l'égalité des chances et d'améliorer le niveau et la qualité de vie de tous les citoyens des Amériques.

Cet engagement envers la démocratie et la prospérité va de pair avec notre détermination à encourager la participation de tous les secteurs de la société à la vie économique, politique, sociale et culturelle des pays respectifs et de la région en général. Les initiatives sociales du plan d'action du sommet appuieront l'éducation et l'acquisition de compétences nécessaires, assureront une meilleure santé à plus de gens, favoriseront l'égalité des hommes et des femmes, renforceront la participation et le dialogue entre les gouvernements et les populations autochtones, et encourageront la diversité culturelle.

Ces initiatives n'ont qu'un but: habiliter les gens et leur assurer des chances égales de vivre dans la dignité, de réaliser leur potentiel et de contribuer au développement des sociétés dans lesquelles ils vivent et travaillent.

[Français]

Notre hémisphère et notre monde ont été transformés par les technologies de l'information et des communications, qui ont de profondes répercussions sur notre vie.

Le gouvernement n'est que l'un des nombreux intervenants dans cette transformation, mais il joue un rôle central en modelant l'environnement dans lequel les technologies nouvelles et révolutionnaires évoluent et la façon dont les technologies sont utilisées au service des besoins et des aspirations de chacun.

La connectivité est un moyen. Notre souci de la promouvoir au sommet vise à appuyer et non à remplacer l'action destinée à répondre aux besoins de base de tous les citoyens des Amériques. Le Canada a proposé—et nos partenaires ont accepté—des initiatives communes pour étendre l'accès aux nouvelles technologies et desservir toute la collectivité des Amériques.

[Traduction]

Avant de céder la place à mon collègue, permettez-moi d'insister sur un point. Le Sommet des Amériques de Québec est important non seulement parce qu'il représente l'aboutissement d'années de coopération canadienne avec les Amériques. Mais aussi parce que c'est un effort commun de 34 partenaires désireux d'élaborer et de mettre en oeuvre un programme politique, économique et social cohérent et équilibré qui profitera à tous les citoyens de l'hémisphère. Le Sommet des Amériques est la tribune et le moyen fondamental de transformer en réalité la vision d'un hémisphère doté de plus de liberté, de prospérité et de justice sociale.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Monsieur Pettigrew.

L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international): Merci beaucoup, monsieur le président.

Avant de commencer mon exposé, je remarque que je comparais devant ce comité aux ides de mars. Nous nous souvenons tous de la mise en garde de Shakespeare: «Méfie-toi des ides de mars».

Une voix: C'est bien à propos.

• 1545

M. Pierre Pettigrew: Je suis certain, monsieur le président, que vous ne permettrez pas qu'on nous réserve à moi et à mon collègue John Manley le même sort qu'à Jules César.

Le président: M. Robinson sera tenu sous étroite surveillance.

Des voix: Ah, ah!

M. Pierre Pettigrew: Dans le cas de César, il s'agissait de son propre fils, et vous devrez donc regarder de tous les côtés, monsieur le président.

[Français]

Je voudrais commencer par vous remercier, vous, monsieur le président, ainsi que vous, membres du comité, de m'avoir invité aujourd'hui, en compagnie de mon collègue le ministre des Affaires étrangères, à vous parler des négociations de la Zone de libre-échange des Amériques. Je serai évidemment très heureux de participer, lundi prochain, à une réunion de votre sous-comité sur le bois d'oeuvre, ce qui nous permettra de continuer les discussions que nous avons déjà eues en Chambre aujourd'hui. J'apprécie mes rapports avec votre comité et vos sous-comités.

Ces négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques revêtent une très haute importance dans le cadre de notre politique commerciale pour de multiples raisons. La ZLEA, la Zone de libre-échange des Amériques, sera avantageuse pour le Canada et avantageuse pour l'hémisphère.

Elle constitue un élément clé d'un effort sans précédent dans les temps modernes visant à progresser face à tout un ensemble de problèmes politiques, économiques, sociaux et de développement auxquels sont confrontés les pays de notre hémisphère. Ceux-ci sont unis dans leur engagement collectif envers une action conjointe: le Sommet des Amériques.

Le processus du Sommet des Amériques, dont John Manley vient de parler, est le moteur de cette entreprise commune, et la ZLEA est le merveilleux fruit du Sommet des Amériques. Les négociations ont commencé en 1994 à titre d'initiative du sommet. Elles ont été officiellement lancées lors de la deuxième rencontre des dirigeants de l'hémisphère en 1998 et jusqu'à aujourd'hui, elles représentent un élément clé du plan d'action du sommet.

Bref, la ZLEA est le principal véhicule de promotion de la croissance et de la création de la prospérité, grâce à l'intégration économique de l'hémisphère.

[Traduction]

Charité bien ordonnée commence par soi-même, dit-on. Il est tout à fait vrai que le Canada peut tirer de grands avantages de la ZLEA. Votre comité sait que l'accès aux marchés étrangers en croissance est essentiel pour notre prospérité. Le Canada échange quotidiennement avec le monde des biens et des services d'une valeur de plus de 2,5 milliards de dollars canadiens. L'année dernière, en l'an 2000, nos exportations représentaient une part extraordinaire de notre produit intérieur brut, ayant atteint 45,6 p. 100 de ce PIB, par rapport à 25 p. 100 seulement en 1990. Cette performance repose chez nous sur des principes solides et sur une politique commerciale traditionnellement basée sur le double pilier de l'accès au marché et de la réglementation.

Cette politique a fait du Canada un chef de file mondial dans l'édification d'un environnement commercial international régi par des règles exécutoires qui facilitent un échange florissant de marchandises, de services et d'investissements, au profit de tous les participants. Comme nous le savons, le commerce représente plus que de meilleurs emplois grâce aux exportations.

Comme ministre du Commerce international, je me laisse parfois aller à l'enthousiasme quand je pense à nos entreprises de renommée mondiale qui oeuvrent dans tous les secteurs, depuis les télécommunications jusqu'à l'agroalimentaire. Les importations de produits concurrents ont renforcé le dynamisme de notre économie et élargi le choix que les Canadiens peuvent faire parmi des produits moins coûteux et de meilleure qualité.

Je l'ai dit et je le répète: nous profitons tous du commerce. Cela seul est suffisant pour étendre les avantages d'un commerce élargi fondé sur des règles à nos partenaires de ZLEA: nous en tirerons tous parti.

Mais, si vous voulez bien me permettre de vous parler pendant un petit moment en représentant de commerce, je vous dirais que les raisons pour lesquelles l'Amérique latine et les Antilles ont un énorme potentiel pour les gens d'affaires canadiens sont parfaitement claires. Nous sommes en train de bâtir la plus grande zone de libre-échange du monde. Cette zone est habitée par un sixième de la population de la planète: 800 millions de personnes. Elle engendre déjà plus d'un tiers de l'activité économique mondiale, avec un PIB annuel combiné de 17 billions de dollars canadiens. À ceux qui pensent que nous avons déjà tout l'accès dont nous avons besoin avec l'ALENA et l'Accord de libre-échange Canada- Chili, je dirais qu'ils n'ont pas remarqué la jeunesse et le dynamisme de tous les autres marchés des Amériques.

[Français]

Comme Rome, la ZLEA ne se bâtira pas en un jour. Permettez-moi de faire le point sur la situation actuelle, qui prévaut après trois ans de travail.

• 1550

Je dois m'entretenir dans deux semaines et demie avec mes collègues de l'hémisphère à Buenos Aires. Cette réunion nous donnera l'occasion d'évaluer le travail accompli au cours des 18 derniers mois de négociations et de déterminer les meilleurs moyens de poursuivre notre initiative.

En novembre 1999, lors de la réunion ministérielle de Toronto, au cours de laquelle s'est terminée la présidence canadienne de la première étape des négociations, les ministres avaient défini un plan d'action pour les négociateurs de la ZLEA. À Buenos Aires, nous recevrons un rapport du Comité des négociations commerciales sur les progrès accomplis dans la mise en oeuvre de ce plan d'action.

Nous examinerons également une ébauche de l'Accord de libre-échange. Ce texte, qui a fait l'objet d'un débat public animé ces derniers temps, n'est qu'un document préliminaire consistant en une compilation des ébauches préparées par les groupes de négociation.

Préliminaire ou pas, c'est une réalisation d'importance qui démontre l'engagement de tous les pays participants à faire progresser les négociations en vue de la création de cette Zone de libre-échange des Amériques. Vous avez déjà pris connaissance des propositions que nous avons présentées aux différents groupes de négociation, y compris notre projet de préambule.

[Traduction]

Je mentionne particulièrement le préambule parce que, conformément aux instructions données par les ministres du Commerce à la réunion ministérielle de San José en 1998, il énonce le point de vue du Canada sur les hypothèses fondamentales de la ZLEA, y compris le respect de la diversité culturelle, une meilleure protection de l'environnement et un renforcement des droits fondamentaux du travail.

Le Canada croit que l'ébauche regroupée devrait être rendue publique au moment de la réunion ministérielle. J'ai l'intention d'insister personnellement auprès de nos partenaires de l'hémisphère pour obtenir leur accord sur la publication du texte.

À l'étape suivante des négociations, nous élaborerons un nouveau plan d'action définissant l'orientation et le rythme des négociations suivantes. Nous donnerons instruction aux négociateurs d'oeuvrer en vue de rapprocher les positions nationales et de commencer à s'occuper des fondements institutionnels de la ZLEA.

Nous examinerons également, dans le cadre de cet exercice, les contributions et activités du Comité de la société civile. Le Canada a joué un rôle de premier plan dans le cadre du processus de la ZLEA pour l'établissement de ce comité. Il s'agit là d'une initiative sans précédent dans les négociations commerciales internationales.

Nous avons dit que ce groupe joue un rôle indispensable dans le processus de négociation et qu'il est donc nécessaire de renforcer son mandat. Nous croyons en particulier que ce groupe peut mettre de l'avant les vraies préoccupations de différents éléments de la société civile de façon à renseigner et à guider les négociateurs. C'est une vision ambitieuse, nous le savons, mais nous estimons que ce comité représente l'un des meilleurs moyens de discuter publiquement, dans la structure actuelle du processus de négociation de la ZLEA, de questions telles que les liens entre le commerce, l'environnement, le travail et d'autres thèmes reliés à la prospérité que nous avons également abordés ailleurs dans le processus du sommet. Le renforcement du mandat du Comité de la société civile est donc l'une des questions sur lesquelles nous chercherons à obtenir l'accord de nos partenaires de l'hémisphère.

[Français]

Notre dernière tâche à Buenos Aires consistera à rédiger une déclaration à l'intention des dirigeants faisant le point sur l'avancement des négociations de la ZLEA. Cette initiative, qui a vu le jour dans le cadre des travaux du Sommet des Amériques, fait partie intégrante des grands objectifs du sommet. Les résultats de la réunion ministérielle seront également importants, par conséquent, pour le Sommet de Québec.

Il n'y a pas de doute que, dans l'attente de la réunion ministérielle et du sommet, un débat de plus en plus étendu s'est engagé au sujet de la ZLEA. Les Canadiens veulent savoir ce que cet accord implique, ils veulent connaître les positions que le Canada adoptera sur les principales questions. Le gouvernement écoute d'une oreille sympathique et demeure très attaché à la consultation et à la transparence dans ces négociations.

C'est précisément pour veiller à ce que le gouvernement continue à représenter les intérêts de nos citoyens dans les négociations de la ZLEA que nous avons fait un effort concerté pour établir un dialogue ouvert et bilatéral avec les Canadiens. Ces consultations étendues et continues ont permis d'intégrer un certain nombre de préoccupations prioritaires dans les positions de négociation du Canada, même à ces premiers stades du processus. Nous somme déterminés à obtenir un accord qui serve les intérêts de tous les Canadiens.

• 1555

[Traduction]

De plus, le Canada a été et demeure à l'avant-garde sur le plan de la transparence dans les négociations commerciales. Les positions canadiennes aux négociations de la ZLEA sont du domaine public depuis plus d'un an puisqu'elles se trouvent sur le site Web du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, dans la réponse du gouvernement au rapport de votre comité sur la ZLEA. Les propositions du Canada dans les négociations de la ZLEA ont aussi été publiées dans le site Web du ministère en décembre dernier.

À l'approche du sommet, nous pensons aux problèmes à résoudre pour créer une zone de libre-échange des Amériques. L'un des principaux défis qu'il faudra relever est la disparité en termes de taille et de développement économique entre les 34 pays de l'hémisphère. Négocier un accord de libre-échange entre des pays aussi divers est tout à fait sans précédent. De toute évidence, nous aurons besoin de créativité et de soutien institutionnel pour permettre aux petites économiques de se préparer et de participer efficacement aux négociations et d'y donner les suites voulues.

[Français]

Je voudrais maintenant jeter un coup d'oeil sur le chemin qui nous attend après Buenos Aires et Québec. Que nous réserve l'avenir?

Tout d'abord, nous aurons à mener de dures négociations commerciales.

Ces négociations auront pour objet de créer un environnement propice à la croissance, à l'efficacité économique, à la prospérité, des conditions qui permettront à tous les pays de l'hémisphère de s'épanouir et qui donneront aux gouvernements la possibilité de s'attaquer aux problèmes complexes de la pauvreté, du crime, de la dégradation environnementale et des menaces à la démocratie, et même aux droits de la personne.

Mon collègue John Manley vous a parlé des activités parallèles des ministre du Travail, de l'Environnement et d'autres secteurs dans le processus d'ensemble du Sommet de Québec. Pour ma part, je vous ai parlé des moyens que nous envisageons pour intégrer ces considérations aux négociations commerciales proprement dites.

Comme partie intégrante de ce processus, sous le thème de la prospérité, la ZLEA représente une occasion historique d'établir le lien entre la croissance économique et le développement social partout dans les Amériques.

L'un des moyens d'activer ce lien consiste à donner l'exemple dans le cadre de l'action nationale. Prenons le cas des questions environnementales: le gouvernement considère que les évaluations environnementales des négociations commerciales constituent une importante façon de favoriser la cohérence entre les politiques commerciale et environnementale.

Le mois dernier, nous avons lancé le Cadre national d'évaluation environnementale des négociations commerciales. Conformément à ce cadre, les négociations de la ZLEA feront l'objet d'une évaluation qui nous permettra de déterminer et d'étudier les incidences et les perspectives environnementales correspondantes.

Nous pourrons ainsi comprendre les avantages et les effets de la ZLEA sur notre environnement et concevoir nos objectifs et nos tactiques en conséquence.

[Traduction]

Monsieur le président, je crois avoir pris suffisamment de temps du comité pour vous présenter mon exposé, même s'il reste encore beaucoup à dire sur le sujet. Je sais que les négociations de la ZLEA n'en sont qu'au premier stade et qu'il y aura un long chemin à parcourir. Je crois toutefois que nous avons déjà réalisé des progrès remarquables et que notre destination vaut largement l'effort.

Je crois en outre qu'avec les négociations de la ZLEA, prises dans le contexte du processus du Sommet des Amériques, nous quittons les sentiers battus dans le domaine commercial. Mais nous voulons encore plus, nous recherchons de nouveaux dossiers de transparence et d'inclusivité, de nouvelles perspectives de prospérité pour des centaines de millions d'habitants des Amériques et de nouveaux moyens de nous attaquer, directement ou dans le cadre du sommet, à tous les problèmes que posent le commerce, l'investissement et la mondialisation de nos sociétés. C'est un programme ambitieux, dont les Canadiens peuvent être fiers, monsieur le président.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous en sommes conscients.

Nous allons passer immédiatement aux questions, en commençant par M. Solberg.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, AC): Merci, monsieur le président, et je remercie les ministres d'avoir accepté de venir parmi nous aujourd'hui.

Ma première question s'adresse, je suppose, à M. Manley. Je remarque, dans les documents d'information que nous avons reçus, que l'une des priorités du Canada dans l'accord de libre-échange des Amériques serait de réduire ou de supprimer certaines mesures douanières inutiles, ce qui faciliterait la circulation des biens, mais certains pays se préoccupent de l'aptitude du Canada à préserver l'intégrité de ses frontières.

Nous avons tous eu connaissance dernièrement, par les manchettes, du cas de ce terroriste algérien qui avait très facilement pu se procurer frauduleusement un passeport canadien qu'il avait utilisé pour essayer d'entrer aux États-Unis. Il y a également le cas de M. Amodeo qui est bien connu. Le SCRS nous dit qu'il surveillait une cinquantaine d'organisations qui ont un lien avec les activités de terroristes au Canada. Un ancien directeur du SCRS, Reid Morden, affirme pour sa part que le Canada est devenu le sanctuaire des terroristes.

• 1600

Étant donné ce genre de constat, y a-t-il quelque chose de particulier que notre gouvernement pourrait faire pour améliorer la sécurité de nos frontières, de manière à ce que, lorsque nous négocions l'élimination de ces barrières, nous ayons plus de crédibilité? é? Qu'allons-nous faire au juste pour que n'importe qui ne puisse pas obtenir un passeport aussi facilement que M. Ressam?

M. John Manley: Tout d'abord, monsieur le président, je pense que la question vaut autant pour les relations canado- américaines que pour le sommet de la ZLEA étant donné que, cela va de soi, comme nous avons des relations d'une telle envergure avec les États-Unis, c'est précisément la frontière canado-américaine qui pose problème puisqu'elle est traversée plus de 200 millions de fois par an. L'affaire Ressam met effectivement en exergue l'importance que nous devons tous accorder à la présence de mesures de sécurité adéquates.

L'affaire Ressam est intéressante parce qu'en réalité, ce personnage n'a pas obtenu son passeport aussi facilement que cela. La première fois qu'il a essayé, son émissaire s'est fait arrêter au bureau des passeports parce que la fraude avait été détectée. La seconde fois, il est parvenu à ses fins. Je pense que ce qui se dégage de cela, c'est qu'il faut une meilleure coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces, en particulier pour ce qui est de certaines des pièces justificatives qu'il faut fournir lorsqu'on demande un passeport. D'ailleurs, le gouvernement fédéral et les provinces travaillent actuellement sur ce dossier. Il y a également le passeport proprement dit, un document qui, en raison de la technologie utilisée pour le produire, devient de plus en plus difficile à falsifier.

Les pouvoirs publics canadiens et leurs homologues américains coopèrent de très près précisément pour que le gouvernement des États-Unis n'ait pas trop à se préoccuper de la sécurité de la frontière avec le Canada. Il y va clairement de notre intérêt, comme de celui des Américains, cela va sans dire, que la frontière entre les deux pays reste aussi ouverte que possible, surtout étant donné l'envergure des échanges commerciaux dans les deux sens. Nous allons donc continuer à travailler dans ce sens avec les Américains.

M. Monte Solberg: Je vais maintenant changer de vitesse pendant quelques instants en posant une question au ministre du Commerce international.

Il s'agit de l'ALENA, mais avec d'autres incidences. Le ministre voudrait voir modifier le chapitre 11 de l'ALENA. Et je me demande s'il pourrait nous faire part des changements qu'il voudrait y voir apporter et des raisons qui l'animent, et quelles sont les conséquences de cela pour la position de négociation à la table de la ZLEA.

M. Pierre Pettigrew: Ce que j'ai essayé depuis un certain temps d'obtenir, comme nous en avions d'ailleurs parlé à ma dernière comparution devant le comité, c'est une clarification de certains éléments du chapitre 11 dont l'interprétation, à mon avis, a été plus loin que l'intention initiale des auteurs. Il s'agit par exemple de la question de l'expropriation. Certaines dispositions concernant l'expropriation sont utilisées à mon avis de façon abusive et inutile. J'essaie donc d'obtenir de la part de nos deux autres partenaires les éclaircissements voulus de manière à ce que les investissements soient effectivement protégés, certes, mais qu'ils le soient dans le respect des intentions initiales des auteurs de l'accord, sans que certaines interprétations puissent aller plus loin que cela. Il y a en particulier certaines dispositions concernant l'expropriation qui me semblent ouvrir toute grande les portes à toutes sortes de choses. Il s'agit donc pour nous de resserrer certaines des définitions.

Nous voulons également davantage de transparence. À mon avis, grâce à une telle clarification, le chapitre 11, qui serait exécutoire pour les trois pays signataires, devrait prévoir plus de transparence en matière d'investissement, et en particulier en ce qui concerne la question du rapport entre l'investisseur et l'État.

M. Monte Solberg: J'aimerais que vous me donniez quelques précisions à ce sujet. Ce que je crains, c'est que cela puisse ouvrir la porte à une différence de traitement selon le pays d'origine de la compagnie. Le but même de l'ALENA est d'assurer à tous une égalité de traitement, de donner à toutes les compagnies la garantie qu'elles seront traitées de la même façon. Cela ne va pas avoir pour résultat de compromettre ce principe?

• 1605

M. Pierre Pettigrew: Le processus auquel nous avons recours ne peut être invoqué que par les compagnies étrangères, et non pas par nos compagnies à nous.

M. Monte Solberg: J'aimerais vous poser une question relativement générale. Sachant combien il sera difficile d'arriver à un accord sur une ZLEA, ne faudrait-il pas craindre que, dans la perspective toute proche de négociations à l'OMC, différents pays veuillent axer surtout leurs efforts sur l'avènement d'un régime commercial basé sur des règles en passant par l'OMC plutôt que par une ZLEA? À moins que ce processus ne facilite plutôt les choses? Est-ce que l'OMC pourrait en quelque sorte servir de modèle en vue de la création d'une ZLEA?

M. Pierre Pettigrew: Je vous remercie de vous montrer aussi optimiste en affirmant que nous réussirons à commencer une nouvelle série de négociations à l'OMC. La question m'a été posée hier et, effectivement, le gouvernement espère bien qu'il y aura une prochaine série de négociations. Par contre, je n'en vois guère de signes annonciateurs étant donné la position qui a été adoptée par un certain nombre d'autres pays.

À mon avis, la ZLEA est, comme je le disais dans mon introduction, une initiative qui, pour la première fois, permettra à des économies relativement peu puissantes, à des pays moins développés, de se joindre aux économies les plus avancées en Amérique du Nord. Une bonne partie des problèmes que nous rencontrons à l'OMC exigent une certaine créativité, exigent des solutions originales. Je dirais que ce que nous allons faire à la table de négociations de la ZLEA permettra de mitiger bon nombre des problèmes que nous rencontrons à l'OMC, ou du moins de leur apporter des solutions créatrices. Par conséquent, les progrès réalisés à la table de la ZLEA vont nous permettre de conforter et de consolider ce que nous faisons à l'OMC.

M. Monte Solberg: Monsieur le président, je voudrais maintenant céder ce qui me reste de temps de parole à mon collègue.

M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, AC): Merci.

Monsieur Manley, vous avez dit dans votre introduction—et ailleurs aussi—qu'il ne s'agit pas simplement d'une question économique, et je vous le concède. À la page 3 de la note documentaire canadienne sur le Sommet de 2001, on peut lire ceci:

    Le respect de la démocratie, des droits humains et de l'État de droit est la pierre angulaire de la formule du sommet et des efforts déployés pour asseoir de façon durable l'intégration à l'échelle de l'hémisphère.

Fort bien. Vous avez pour l'essentiel dit la même chose ici aujourd'hui en parlant, dans les deux exposés, de l'égalité, de la protection de l'environnement, des droits des travailleurs, du respect de la diversité, et ainsi de suite.

Puisqu'il y aura environ 9 000 délégués à Québec, plus environ 3 000 représentants des médias de tous les pays, il y a une chose qui inquiète beaucoup les Canadiens, et c'est ce message potentiellement hypocrite et contradictoire que le Canada semble envoyer. En 2000, les échanges commerciaux du Canada avec l'Amérique latine représentaient grosso modo 25 milliards de dollars. Les échanges commerciaux avec la seule Chine, ce pays au potentiel immense, se situent entre 12 et 16 milliards de dollars. Or, le Canada n'exige pas la même chose de la Chine dans ses rapports commerciaux avec elle, et la population s'interroge. Pourriez-vous nous donner une explication?

M. John Manley: Écoutez, ce n'est pas avec la Chine que nous proposons de créer une zone de libre-échange. Ce qui est important à mon avis, dans le cas du sommet, c'est qu'il nous donne un contexte hémisphérique dans lequel nous pouvons mettre vigoureusement l'accent sur ces ingrédients extrêmement importants et qui seront nécessaires pour réaliser cette intégration dont nous parlons. Le renforcement de la démocratie et cette clause sur la démocratie, seront essentiels dans ce sens. Il est également tout à fait fondamental de faire respecter des valeurs comme le respect de l'État de droit.

À ce tournant auquel nous sommes rendus ici, nous avons véritablement la possibilité de faire valoir l'importance que nous accordons à ces notions à l'échelle de l'hémisphère, en partie d'ailleurs à cause des événements de l'an dernier—en l'occurrence l'évolution très positive qui est survenue au Pérou, en partie suite à l'intervention de l'OEA et du Canada, et en second lieu la première transition politique non violente depuis de nombreuses années au Mexique.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

• 1610

[Français]

Monsieur Paquette.

M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci pour vos présentations respectives. Je voudrais commencer par le chapitre 11 de l'ALENA.

Je pense qu'il y a de plus en plus de gens et de gouvernements qui s'aperçoivent que ce chapitre 11 cause des problèmes d'interprétation, entre autres quant à la notion d'expropriation et au règlement des différends. Je pense qu'on est plusieurs, au Canada et au Québec, à considérer que ce n'est pas une base intéressante de négociation sur les investissements.

J'aimerais que le ministre du Commerce international me dise combien de poursuites sont actuellement intentées contre le gouvernement fédéral en vertu du chapitre 11 et à combien s'élève approximativement le montant des réclamations.

Pendant que M. Carrière fait les calculs, je peux poser une autre question sur le chapitre 11. Pendant longtemps, on a entendu la position du Canada concernant quatre thèmes qui ont été rendus plus ou moins publics la semaine dernière. Il manquait la position sur les investissements, celle sur les services, celle sur le règlement des différends et une autre qui m'échappe. Vous avez rendu public un résumé des positions canadiennes à cet égard. Quand les positions seront-elles disponibles sur le site web, en particulier sur la question des investissements, puisque tout le monde considère que c'est un enjeu majeur de la négociation de la Zone de libre-échange des Amériques?

M. Pierre Pettigrew: Il y a certains chapitres sur lesquels notre gouvernement n'a pas encore déposé ses propres positions. Dans le domaine des services, c'est la même chose. Nous avons annoncé hier notre position sur l'Accord général sur le commerce des services, mais nous ne l'avons pas encore fait pour la Zone de libre-échange. Vous savez que nous devons conduire cette négociation au cours des prochaines années. On est peut-être à mi-point au cours de la négociation, et il nous apparaissait plus stratégique de tenir compte du positionnement d'un certain nombre de pays, de regarder les autres pays s'avancer. Sur cette base, nous sommes en train de consulter les gouvernements provinciaux et les industries respectives.

Donc, il y a un certain nombre de chapitres sur lesquels le Canada n'a simplement pas déposé de position, parce que nous sommes encore en consultation à la lumière de ce que d'autres pays ont mis sur la place, mais aussitôt que ce sera fait, ce sera manifestement sur le site web.

M. Pierre Paquette: Dans combien de temps?

M. Pierre Pettigrew: Je ne le sais pas. Tout dépendra de l'évolution des consultations. Ce sera fait au fur et à mesure que notre position sera établie. Comme vous le savez, nous cherchons beaucoup à consulter et à refléter l'ensemble du pays.

M. Pierre Paquette: Oui, mais je trouve un peu étrange qu'on dépose un résumé d'une position sur les investissements sans que le texte sur lequel le gouvernement travaille soit disponible. Ça me semble un peu contradictoire avec la notion de transparence, dont on nous parle souvent à la Chambre lorsqu'on pose des questions sur le processus.

Sur la question des montants et du nombre de poursuites...

M. Pierre Pettigrew: On est en train de vérifier et on va vous revenir. Quand vous me donnez à l'avance une question comme celle-là, ça va bien, mais là...

M. Pierre Paquette: Ça fait longtemps que je voulais la poser et j'ai la chance de le faire.

Une voix: On ne l'a pas en tête.

M. Pierre Paquette: Je voudrais profiter de la présence de M. Manley pour lui soumettre un problème que je considère assez important.

Un des quatre thèmes de l'ensemble de la démarche est de renforcer la démocratie. Je partage cette préoccupation, mais j'ai un peu de mal à comprendre qu'on ait ce thème à un moment où, au Canada, il n'existe aucun mécanisme formel d'implication des parlementaires dans le cadre du processus de négociation de la Zone de libre-échange des Amériques. On nous parle d'un débat exploratoire le 27 mars prochain. Disons que c'est un pas, mais c'est loin d'être suffisant, d'autant plus que les parlementaires n'auront pas accès à la documentation pertinente pour se faire une idée de la qualité ou de la valeur des positions canadiennes en regard de ce qui se passe aux neuf tables sectorielles de négociation.

Au cours des dernières semaines, on a appris que les parlementaires américains avaient accès à plus d'information que simplement la position américaine. J'ai pu vérifier moi-même. Ce ne sont pas nécessairement les textes de base de la négociation, mais ce sont des résumés du processus de négociation. Dans le cas du gouvernement du Québec, la ministre des Relations internationales a annoncé qu'elle rendrait accessibles—ça ne veut pas dire publics—les textes aux membres de la Commission des institutions de l'Assemblée nationale.

Je demande à M. Manley s'il ne serait pas normal qu'avant le débat exploratoire du 27 mars prochain, au moins les membres du Comité des affaires étrangères et du commerce international puissent avoir accès à de tels documents. Je ne dis pas qu'on les rendrait publics. On les rendrait accessibles aux membres du comité pour qu'on puisse alimenter la discussion dans nos caucus respectifs et faire en sorte que ce débat exploratoire soit d'une certaine utilité pour le gouvernement fédéral.

• 1615

Le président: C'est une question pour M. Pettigrew, je crois.

M. Pierre Paquette: C'est M. Manley qui avait abordé le thème du renforcement de la démocratie.

M. John Manley: Il n'y a pas de division entre nous, mais comme il s'agit d'une question sur la Zone de libre-échange...

M. Pierre Pettigrew: On peut être ministre du Commerce international et favoriser la démocratie et le progrès par le biais du commerce. Je suis même convaincu que le développement du commerce contribue directement au progrès de la démocratie.

M. Pierre Paquette: La bonne charité commence par soi-même. Normalement, on devrait donner davantage l'exemple...

M. Pierre Pettigrew: C'est la raison pour laquelle je suis extrêmement heureux que notre gouvernement ait été le plus transparent de l'hémisphère. Il a été le premier à déposer ses positions sur le site Internet, il y a un an. C'est le pays qui a le plus contribué à mettre sur pied, au Sommet des Amériques et à la Zone de libre-échange des Amériques, un comité de la société civile. Nous venons de faire des recommandations en vue de renforcer ce comité de la société civile. Je crois vraiment que le Canada a été un leader très important à cet égard.

La question que vous soulevez est très importante, et tous conviennent de la pertinence d'en débattre. Au cours des derniers mois, le Canada, comme je le disais, a été un leader, dans l'hémisphère, en matière de transparence. Je dis depuis très longtemps que le Canada veut rendre les textes publics, point final. Ils devraient être publics. Maintenant, nous n'agirons pas unilatéralement. Je ne sais pas si la position du Bloc serait que nous agissions unilatéralement et je ne sais pas si le gouvernement du Québec voudrait que j'agisse unilatéralement. Mme Beaudoin m'a demandé formellement de rendre les textes publics, mais pour bien refléter son point de vue et bien le comprendre, je lui ai écrit pour lui demander si elle et le gouvernement du Québec souhaitaient que nous rendions ces textes publics même sans l'assentiment des partenaires.

J'aimerais que vous nous disiez si vous êtes d'accord avec notre gouvernement pour dire qu'on ne doit pas rendre les textes publics sans le consentement des partenaires. C'est quelque chose qui m'intéresse. Je sais bien que vous ne parlez pas au nom de Mme Beaudoin, mais vous devez vous parler de temps à autre.

Donc, nous n'agirons pas unilatéralement, même si j'aimerais beaucoup savoir ce que nos partenaires de la fédération souhaitent. Vous savez que j'ai toujours été un homme de consensus et que j'ai toujours fonctionné de cette manière. Je vous demande aujourd'hui de me laisser d'abord chercher ce consensus avec nos partenaires à Buenos Aires, les 6 et 7 avril. J'ai commencé à rechercher ce consensus quand j'étais en Amérique centrale, il y a deux semaines, avec nos partenaires des Caraïbes également. Laissez-moi travailler avec mes collègues pour voir si mes homologues de l'hémisphère, en prévision du Sommet de Québec, nous permettraient de le faire et accepteraient de rendre les textes publics. Si nous n'avons pas de consensus au sein de l'hémisphère pour la publication des textes, je m'engage aujourd'hui à ce que le gouvernement étudie la question et offre une réponse si le Parlement nous le demande.

M. Pierre Paquette: Je ne parlais pas de rendre les textes publics même si je pense que les textes doivent l'être pour qu'on puisse mener un débat serein au sein de la société québécoise et canadienne. Je parle de rendre les textes accessibles aux membres de ce comité avant le débat exploratoire du 27 mars. À mon avis, cela n'exige pas de permission spéciale parce qu'ils ne seront pas rendus publics. Ils seront simplement rendus disponibles aux membres du Comité des affaires étrangères et du commerce international. Il me semble qu'il serait normal que le comité qui travaille à conseiller le gouvernement et le Parlement dans la démarche en cours ait accès à ces textes sans qu'on les rende publics.

Je veux ajouter une dernière chose pour créer un rapport de force. À la CSN, on disait de moi que j'étais un homme de consensus. Il est toujours bon de montrer l'exemple et de poser des gestes pour aller un petit peu plus loin. À mon sens, sans poser un geste unilatéral, le gouvernement pourrait rendre les textes accessibles aux membres de ce comité et, par ce geste concret, montrer sa volonté d'être plus transparent qu'il ne l'est présentement. Ça pourrait être un geste exemplaire pour les autres pays impliqués dans la négociation.

M. Pierre Pettigrew: J'ai bien compris votre point de vue et je pense que c'est une question qui est importante. Je vais continuer de souhaiter que nous allions le plus loin possible dans le sens de la transparence.

Pour ce qui est de la question sur les parlementaires, comme je vous l'ai dit, si nous n'arrivons pas à les rendre publics, je vais m'assurer que le gouvernement étudie la question, parce que nous avons des systèmes parlementaires et des questions de responsabilité. Il y a toutes sortes de lois qui interviennent, comme la Loi sur l'accès à l'information. À partir du moment où des parlementaires ont accès à des documents, est-ce que ces documents doivent automatiquement être rendus publics? Ce travail doit être fait très sérieusement.

M. Pierre Paquette: Le 27 mars, c'est bientôt.

M. Pierre Pettigrew: Oh, je pense que vous saurez très bien participer au débat du 27 mars. Je ne suis pas inquiet.

• 1620

Le président: Je suis certain, monsieur Paquette, que vous serez d'accord avec moi pour dire qu'au moins, cet exercice-ci nous permet de participer à titre de parlementaires.

M. Pierre Paquette: Je vous rappelle d'ailleurs que c'est le Bloc québécois qui l'a suggéré.

Le président: On est là pour débattre.

M. Pierre Paquette: On est un aiguillon de la démocratie canadienne. C'est ce que je constate.

M. Pierre Pettigrew: Monsieur le président, est-ce que je pourrais donner la réponse à M. Paquette avant de passer à autre chose, car mes gens sont un petit peu plus précis? En fonction du chapitre 11, il y a trois contestations impliquant le Canada à l'heure actuelle: Pope & Talbot, S.D. Myers Inc. et UPS. Ce sont les trois qu'on connaît pour un total de 380 millions de dollars de vulnérabilité à l'endroit du...

[Traduction]

Le président: Madame Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Je remercie tout d'abord les deux ministre d'être venus nous entretenir aujourd'hui.

Au cas où vous l'ignoreriez, je suis originaire d'un petit État insulaire. C'est là que je suis née. Toute cette question de multiplier les potentialités à l'échelle de l'hémisphère ainsi que la situation des petits États insulaires, des petites économies, de même que les initiatives nécessaires pour que ces économies puissent être prises en compte dans toute cette discussion, me préoccupent beaucoup. Je vous demanderais donc quelles sont les initiatives ou les idées que vous mettez sur la table, ou encore que le Canada met sur la table, pour aider ces petites économies à trouver des solutions aux problèmes que vous avez circonscrits dans vos exposés dans le domaine de l'environnement, du travail, de la technologie, et ainsi de suite.

M. John Manley: Si cela ne vous dérange pas, nous allons tous les deux répondre à cette question.

Je suis heureux de savoir que la petite île dont vous parlez, ce n'est pas Toronto. En effet, nous considérons parfois cette ville un peu comme une île.

Mme Jean Augustine: Sans compter qu'il y a également Centre Island.

M. John Manley: La réalisation du potentiel humain, qui est le thème du sommet, est l'une des questions qui vont se révéler particulièrement intéressantes précisément dans le contexte des problématiques que vous venez d'évoquer. C'est effectivement là que nous tentons d'édifier un assemblage d'engagements positifs et productifs dans des secteurs comme l'éducation, l'amélioration de l'infrastructure de la santé, l'égalité des sexes et l'engagement par rapport aux collectivités autochtones. Le thème fondamental qui vient s'ajouter à chacune de ces catégories de connectivité s'inscrit également dans le même cadre, en partie parce qu'il jouera un rôle important dans le contexte du développement économique à venir, mais également à cause de l'importance qu'il revêt pour l'instruction publique à l'échelle de l'hémisphère.

Nous escomptons que le sommet procurera des engagements nationaux à l'égard de la réalisation du potentiel humain dans ce genre d'initiatives.

Pierre, vous pourriez peut-être à votre tour évoquer l'élément commercial.

M. Pierre Pettigrew: Je vous remercie beaucoup.

Certes, la question est extrêmement importante parce que très souvent, ces économies insulaires qui sont plus petites et souvent moins développées ont lieu de s'inquiéter, et elles le font. Il est très important que le Canada les défendent.

Lorsque nous avons présidé la conférence de Toronto qui était pilotée par le Canada, nous avons créé un comité chargé d'étudier le cas des économies moins développées de la zone des Caraïbes, et en particulier d'analyser de façon précise les problèmes qui leur sont propres. Ces problèmes, nous les avons identifiés et nous avons essayé de leur apporter une solution.

Nous l'avons fait sous plusieurs angles. L'ACDI obtient d'excellents résultats dans les pays de la zone des Caraïbes dans le dossier de la création de capacités. Comme vous le savez, le premier ministre lui-même s'est rendu en janvier dans les pays des Caraïbes. Moi-même, j'y étais en février. Plus précisément, je suis allé à Kingston. Je préfère dire Kingston que «la Jamaïque», étant donné que c'était en février, car cela fait moins mauvaise impression.

Le jour même où j'avais rencontré Bob Zoellick à Washington, je suis allé voir Enrique Iglesias, le président de la Banque Inter-américaine de développement.

• 1625

L'un des problèmes que nous avons identifiés d'une façon très concrète est celui-ci: nous avons demandé à tous ces pays de baisser leurs tarifs douaniers—en fait, le libre-échange revient à éliminer totalement ceux-ci—mais bien souvent, ces tarifs douaniers sont la seule façon, pour ces pays, de financer leurs dépenses publiques, et le Fonds monétaire international leur a demandé de continuer à le faire.

Nous devons donc trouver des solutions. Nous devons aider ces pays à se doter de systèmes fiscaux territoriaux et nationaux. L'ACDI est présente, et le FMI et la Banque mondiale devraient également faire davantage. C'est la raison pour laquelle le Canada joue, pour les organismes internationaux, le rôle d'agent de liaison afin que ces pays soient mieux en mesure de faire partie de la ZLEA et de l'Organisation mondiale du commerce.

Le président: Il reste cinq minutes et, si cela ne vous dérange pas, je vais maintenant donner la parole à Mme Marleau pour ce qui reste du temps.

Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Nous comprenons fort bien ici le rôle des sommets parce que nous avons déjà participé à un certain nombre d'entre eux. Un sommet, c'est une rencontre de chefs d'État et de gouvernement qui viennent lire des discours. Cela est bien joli, mais qu'est-ce que le Canada attend de cela et quelle sera l'issue de ce sommet-ci? Je sais que ce n'est qu'une étape parmi plusieurs.

Vous devez bien escompter un résultat. Certes, vous avez fait état de vos suggestions, mais que pensez-vous vraiment obtenir de cette rencontre, et qu'est-ce que les Canadiens peuvent escompter de ce sommet de Québec au niveau de leur quotidien?

M. John Manley: Cette fois-ci, je crois que c'est moi qui vais commencer.

Je dirais que cette possibilité qui nous est donnée de réunir ainsi les 34 chefs d'État nous donnent la chance de faire valoir le processus de démocratisation dans tout l'hémisphère. Il est certain que nous pourrons ainsi par exemple évaluer l'évolution de la situation au Pérou, comme je l'ai déjà dit.

Ce sera à mon avis pour le président Fox l'occasion de dire très clairement quels sont les progrès qui sont survenus au Mexique dès lors que, pour la première fois depuis 71 ans, ce ne sera plus le PRI qui sera au pouvoir mais une nouvelle formation politique. Cette transition s'est effectuée dans le respect des lois et de la constitution, sans violence, et je pense que cela a véritablement donné au Mexique une vigueur nouvelle qui lui permet d'être une voix en faveur de la démocratie dans l'hémisphère. Je pense que cette voix sera bien accueillie.

La semaine dernière, nous avons publié une déclaration concernant le Chiapas, et je pense que, depuis une semaine, nous avons pu constater les progrès immenses qui sont en train de s'accomplir dans la société mexicaine face à certains des clivages qui y existaient depuis de nombreuses années.

Je dirais que cela nous a donné également, dans le contexte de l'hémisphère tout entier, la possibilité de nous atteler au problème de la disparité entre les riches et les pauvres. Créer la prospérité n'est pas le but exclusif de la ZLEA, il s'agit également de trouver et de mettre en place certains des éléments essentiels à la création de nouvelles possibilités. Il s'agit de l'infrastructure, il s'agit de l'éducation, comme je l'ai déjà dit, de la connectivité, de tous ces éléments interdépendants dont nous devons tenir compte pour nous attaquer aux problèmes que nous devons résoudre pour pouvoir faire bénéficier tout l'hémisphère d'une nouvelle prospérité.

Il y a deux semaines, j'étais à Monterrey, dans le nord du Mexique. Cette région illustre parfaitement ce que le libre-échange peut effectivement produire, étant donné que le chômage y est virtuellement inexistant et que les salaires y ont augmenté jusqu'à s'aligner sur ceux qui sont pratiqués dans la partie méridionale des États-Unis. Voilà précisément le genre de résultats qu'on escompte obtenir. Le problème dans ce cas-ci, étant donné le très faible taux de chômage, c'est qu'il faut maintenant arriver à ce qu'une partie de la production se fasse ailleurs au Mexique, là où le taux de chômage est élevé, mais là également où on trouve d'autres potentialités, par exemple de meilleures ressources en eau.

Je dirais que ce que nous voulons faire dans le cadre du sommet, c'est parler très franchement de notre vision de la propagation de cette prospérité dans d'autres régions de l'hémisphère dans lesquelles, jusqu'à présent, la prospérité a toujours eu du mal à s'implanter.

• 1630

Je pense que Pierre voudrait également vous livrer quelques réflexions à ce sujet.

Le président: Pourriez-vous être bref, monsieur le ministre?

M. Pierre Pettigrew: Oui, je serai très bref.

À mes yeux, pour que le Sommet de Québec soit une réussite, il faudrait que dans la déclaration, nos dirigeants, les chefs d'État et de gouvernement, nous livrent à nous, les ministres du Commerce, un ordre de marche clair qui nous permettra de concrétiser aussi rapidement que possible une Zone de libre-échange des Amériques. Je vais être très attentif à ce qu'ils diront et à la façon dont ils le diront, ainsi qu'à l'insistance qu'ils donneront à leurs propos. Mais pour juger du succès du Sommet de Québec, en ce qui me concerne, comme je vous le disais, c'est ainsi que nous allons nous y prendre.

Le président: Monsieur Robinson.

[Français]

M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président. J'aimerais remercier les ministres d'être venus comparaître devant le comité aujourd'hui.

[Traduction]

J'aurais des questions à vous poser dans trois directions différentes, mais d'abord je voudrais faire quelques observations.

Tout d'abord, le ministre du Commerce international s'est exprimé d'une façon que je qualifierais d'orwellienne lorsqu'il a dit que tout le processus de la ZLEA faisait littéralement précédent en matière de transparence et d'inclusion, ce qui m'a laissé pantois.

Lorsque nous voyons que le Sommet de Québec qui aura lieu le mois prochain s'accompagne de mesures de sécurité quasiment sans précédent dans l'histoire du Canada, à tel point que la ville de Québec deviendra une véritable place-forte, qu'on ferra taire sans aucun ménagement toutes les voix dissidentes, ce qui à mon avis viole certains des droits les plus fondamentaux accordés aux Canadiens par la charte, lorsque nous voyons un gouvernement qui refuse de rendre public le texte de ce qui va être négocié, et qui risque pourtant d'affecter profondément le quotidien de la population, son environnement, voire celui des autres populations de l'hémisphère...

Le ministre n'a cessé de dire: «J'essaye de faire publier le texte». Aujourd'hui, il nous dit pour la première fois: «Je pense qu'il faudra faire publier le texte au moment de la rencontre ministérielle». Il nous dit: «Oui, j'essaye de le faire publier, mais il ne le sera éventuellement que le 6 ou le 7 avril». Or, il se trouve qu'après le 6 ou le 7 avril, la Chambre ne siégera pas et ne reprendra ses travaux qu'après le sommet. Et c'est tout juste deux semaines avant le début du sommet.

Tout cela n'est pas démocratique; c'est au contraire un affront à la démocratie, puisque le gouvernement refuse de publier ce texte. On nous dit ensuite qu'un pays peut opposer son veto à la publication, puisqu'il faut un consensus.

Et pour couronner le tout, le ministre dit: «Nous nous inquiétons du chapitre 11». C'est le ministre qui l'a dit. On peut supposer qu'il sera question du chapitre 11 et des différends entre un investisseur et un État dans le contexte des négociations sur l'investissement, au sein du groupe de négociations sur l'investissement. Si le gouvernement est inquiet, pourquoi ne s'est-il pas adressé à ce groupe de travail?

Il est tout à fait incroyable qu'il s'inquiète des différends entre un investisseur et un État et qu'il n'ait rien dit. Il n'a présenté aucun document. C'est ce qu'on voit sur le site Web. Il n'a présenté aucun document au groupe de travail sur l'investissement—et c'est incroyable qu'il le reconnaisse. On est bien loin de la démocratie.

Je voudrais poser particulièrement deux questions aux ministres du Commerce et des Affaires étrangères.

Tout d'abord, sur le chapitre 11, si le ministre s'inquiète des dispositions de l'accord concernant les différends entre un investisseur et un État, pourquoi n'est-il pas intervenu auprès du groupe de négociations sur l'investissement?

M. Pierre Pettigrew: Il faut être sérieux. Vous connaissez parfaitement les efforts que nous avons déployés sur le chapitre 11. Nous avons fait d'énormes progrès auprès de la nouvelle administration du Mexique et auprès du secrétaire Derbez qui accepte maintenant de s'asseoir avec nous. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que c'est épouvantable. Nous avons fait des progrès considérables et...

M. Svend Robinson: Vous n'avez présenté aucun document.

M. Pierre Pettigrew: Laissez-moi finir ma phrase. Je vous dis que ce gouvernement a pris les choses en main.

M. Svend Robinson: Pas de documents.

M. Pierre Pettigrew: Nous avons pris les choses en main pour obtenir des précisions sur le chapitre 11 de l'ALENA. Nous nous servirons de toute l'information provenant des autres pays, mais je dis très clairement que notre pays ne reviendra évidemment pas sur ce que nous essayons de modifier actuellement. Ma réponse est très claire.

• 1635

Sincèrement, je mets au défi ce député, qui dit que c'est épouvantable, qu'il n'a jamais rien vu de pareil, que nous nous cachons derrière tel ou tel argument, etc., je le mets au défi de me donner un seul exemple de négociation commerciale internationale qui soit plus transparente.

Le gouvernement a publié son point de vue sur Internet et il a consulté tous les secteurs de la société. Je ne vois aucun exemple de négociation commerciale internationale plus transparente et plus ouverte.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, c'est tout à fait absurde.

M. Pierre Pettigrew: Donnez-moi un seul exemple.

M. Svend Robinson: Le ministre dit: «J'ai annoncé très clairement notre position». Regardez le site web. On n'y trouve rien sur l'investissement. Rien sur les services. Rien sur le règlement des différends.

M. Pierre Pettigrew: Les négociations vont durer trois ans.

M. Svend Robinson: Rien sur la propriété intellectuelle, monsieur le président. Pas un traître mot.

M. Pierre Pettigrew: Il y a encore trois ans de négociations.

M. Svend Robinson: Trois ans? Voilà qui change tout.

M. Pierre Pettigrew: Absolument.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, je voudrais poser une question sur le 35e pays de l'hémisphère. Le 1er avril, des Canadiens vont siéger dans cette même salle et dans la salle voisine, pour dire ce qu'ils pensent de cette parodie de transparence.

M. Pierre Pettigrew: Donnez-moi un exemple de négociation plus transparente. Nous faisons des progrès et vous ne voulez pas le reconnaître.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, je veux poser une question concernant le 35e pays de l'hémisphère qui a été exclu de ce processus, c'est le seul pays qui en ait été exclu.

Le ministre des Affaires étrangères a mentionné que la semaine dernière, le Forum interparlementaire des Amériques et le groupe de l'Accord sur la protection des investissements étrangers avait voté en faveur de la participation cubaine. À propos, ils ont aussi préconisé la publication du texte à négocier.

Je voudrais demander au ministre des Affaires étrangères pourquoi nous permettons aux États-Unis d'annoncer la couleur sur la participation au Sommet des Amériques? Cuba a des relations diplomatiques avec la quasi-totalité des pays de l'hémisphère. Sauf erreur de ma part, Cuba a plus de représentants diplomatiques dans la région que tout autre pays, sauf les États-Unis. Il en a même plus que le Canada.

Évidemment, les Cubains apporteraient une perspective différente à la table de négociation. C'est indiscutable. Mais pourquoi est-ce que Cuba est le seul pays de l'hémisphère que l'on tient à l'écart en lui disant: «Vous n'êtes pas autorisé à participer à ce sommet»?

M. John Manley: Monsieur le président, M. Robinson sait certainement qu'il ne s'agit pas là de la volonté d'un pays ou d'un autre qui s'opposerait à la participation de Cuba. Il n'y a pas consensus entre les 34 pays concernant la participation de Cuba. À mon sens, cela n'a rien d'étonnant. Cuba n'a jamais montré qu'il acceptait les principes démocratiques, le pluralisme politique ni même l'application des normes internationales en matière de respect des droits de la personne.

Voilà pourquoi je ne pense pas qu'on puisse s'attendre dans un proche avenir à l'apparition d'un consensus entre les 34 pays pour faire participer Cuba à un sommet qui, de surcroît, doit mettre l'accent sur le renforcement des valeurs démocratiques.

M. Svend Robinson: Tirons les choses au clair: Cuba ne participe pas à ce sommet pour les raisons que vient d'évoquer le ministre, mais je crois savoir que l'OMC va aller au Qatar, qui n'est certainement pas un champion de la démocratie et dont les antécédents en matière de droits de la personne sont pour le moins douteux.

Pourquoi le Canada est-il prêt à participer à un sommet au Qatar? Pourquoi le Canada est-il prêt à solliciter les faveurs de la Chine en y envoyant l'Équipe Canada? La Chine n'est pas à proprement parler un exemple de démocratie. C'est un État à parti unique, comme le sait le ministre.

Pourquoi faire deux poids deux mesures? N'est-il pas vrai que ce sont les États-Unis qui annoncent la couleur dans ces négociations?

M. John Manley: Sauf erreur de ma part, nous avons pris des engagements vis-à-vis de Cuba, comme nous en avons pris vis-à- vis de la Chine. Nous avons maintenu nos relations commerciales. Nous avons des relations diplomatiques. Nous avons parlé activement de droits de la personne avec Cuba mais nous n'avons obtenu, je dois le dire, que des résultats décevants. Nous nous sommes engagés de la même façon auprès de la Chine, dont nous attendons des résultats plus encourageants.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, je voudrais poser une dernière question au ministre du Commerce international.

Il s'est rendu au Guatemala au début du mois. Dans une interview au journal La Prensa Libre, on l'a interrogé sur le dossier de la main-d'oeuvre et de l'environnement, en lui demandant dans quelle mesure les préoccupations concernant les droits des travailleurs et l'environnement seraient intégrées à la ZLEA.

Le ministre a répondu que la main-d'oeuvre et l'environnement ne seraient pas intégrés à l'accord, et pourraient faire l'objet d'accords parallèles. En outre, le non-respect des dispositions dans ces autres domaines n'entraînerait pas de sanctions commerciales. Il s'est par ailleurs interrogé sur la «représentativité» de la société civile.

• 1640

Pourquoi est-ce que dans ces accords commerciaux, dont le ministre est si fier, on veut protéger les droits des investisseurs, les brevets et la propriété intellectuelle, mais on ne veut pas y intégrer les droits fondamentaux des travailleurs, la liberté d'association, le refus de l'exploitation des enfants au travail et le respect de l'environnement? Pourquoi fait-on deux poids deux mesures? Est-il vrai que ce gouvernement refuse d'inclure ces éléments dans ses propositions concernant l'accord proprement dit.

M. Pierre Pettigrew: Ceux qui étaient à Seattle se souviendront fort bien du grand débat auquel cela avait donné lieu. Nous savons pertinemment bien qu'en cherchant à imposer nos normes ouvrières—les nôtres, celles qui existent actuellement dans les pays développés—dans les pays en développement, ces mêmes pays en développement considèrent cela comme du protectionnisme dissimulé. Ces pays voient cela comme un moyen détourné que nous utilisons pour les freiner. Et cela, c'est quelque chose à quoi le Canada ne saurait souscrire.

Nous voulons des progrès sur le front du travail et celui des normes ouvrières. Nous voulons des progrès sur le plan de l'environnement, et mon collègue John Manley l'a d'ailleurs fort bien dit il y a quelques instants. Mais en faire quelque chose de conditionnel, subordonner à ces mêmes éléments la participation de ces pays au système commercial, revient à freiner ces pays, à les garder assujettis, et ce n'est pas une position à laquelle le Canada est prêt à souscrire. Nous voulons des progrès. Nous voulons même parvenir à un moment donné à faire davantage pour que l'OIT par exemple, l'Organisation internationale du travail, devienne plus efficace. Si l'OMC pouvait aider l'OIT à être plus efficace, je trouve que ce serait excellent. Nous voulons des progrès sur tous les plans. Mais en tant que pays, nous ne croyons pas qu'il nous faille imposer ces normes et donc freiner ces pays dans leur développement. Nous voulons qu'ils puissent participer à l'ordre commercial précisément pour améliorer ces normes ouvrières tout comme...

M. Svend Robinson: Pourriez-vous répéter?

M. Pierre Pettigrew: Mon collègue le ministre des Affaires étrangères en a constaté un excellent exemple tout récemment. Lorsqu'il était à Monterrey, il a pu constater que le salaire de ces travailleurs avait atteint un niveau équivalent à ce qu'il est dans les États du sud des États-Unis. Je pense que c'est de cette façon que nous devons arriver à des progrès.

Le président: D'accord, je vous remercie. Nous avons déjà dépassé le temps qui nous est imparti.

Je voudrais simplement appeler votre attention, monsieur Robinson, sur les réunions du FIPA depuis notre séjour là-bas. La réunion dont vous parlez avait appelé les gouvernements à envisager la possibilité de remettre aux parlementaires le texte préliminaire de l'accord. Je pense que le ministre avait répondu qu'il y réfléchissait, et d'ailleurs il y travaille. Pour faire la part des choses, j'estime devoir rappeler que c'est cela que dit le texte.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, il ne s'agissait pas de leur demander d'y songer dans trois semaines.

Le président: Eh bien, le ministre a dit... D'accord, nous n'allons pas nous étendre plus longuement sur ce sujet.

Monsieur Casey, je vous en prie.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Je vous remercie, monsieur le président, et je salue la présence des deux ministres.

Je voudrais simplement remercier le ministre du Commerce international d'avoir pris acte aujourd'hui à la Chambre de la position de la région de l'Atlantique dans le dossier du bois d'oeuvre. Son intervention est la bienvenue en plus d'être un signe encourageant.

Quoi qu'il en soit, je sais que nous ne sommes pas ici pour parler du bois d'oeuvre, mais si ce dossier n'aboutit pas, si l'accord sur le bois d'oeuvre vient à échéance et si des mesures de rétorsion sont prises le 2 avril, c'est-à-dire à la fois des mesures compensatoires et des mesures antidumping, y aurait-il des répercussions à Québec? Pensez-vous que cela va poser problème ou être un obstacle aux négociations si le Canada et les États-Unis ne parviennent pas à un accord dans ce dossier?

M. Pierre Pettigrew: Comme vous le savez, le contentieux canado-américain dans le domaine du bois d'oeuvre dure depuis 100 ans. Ce contentieux ne nous a pas pour autant empêchés de développer nos relations de façon extraordinaire dans le domaine commercial, dans le domaine économique, dans le domaine social et dans celui de la défense. Le Canada et les États-Unis entretiennent des relations dans de très nombreux domaines. Dans bien des cas, nous avons une vision commune des choses, et nous avons également des relations commerciales exceptionnelles. J'espère très sincèrement qu'après l'échéance de l'accord actuel, le dossier du bois d'oeuvre ne nous empêchera nullement de progresser sur tous les autres plans. Vous pouvez avoir l'assurance que nous allons travailler de façon constructive et résolue dans tous les dossiers possibles, commerciaux et autres, avec les États-Unis. Par ailleurs, nous espérons également très sincèrement que, dans celui du bois d'oeuvre, nous allons obtenir des États-Unis ce que nous voulons et ce que nous méritons, c'est-à-dire un libre-échange.

M. Bill Casey: Les négociations de la ZLEA qui s'annoncent sont-elles pour les négociateurs de votre ministère et ceux des Américains une raison plus impérieuse de trouver rapidement une solution temporaire au problème du bois d'oeuvre? Est-ce que cela a une incidence quelconque...

• 1645

M. Pierre Pettigrew: Nous allons reprendre lundi nos entretiens sur le bois d'oeuvre. Je viendrai en faire part ultérieurement au comité. Mais il n'y a pas de lien particulier avec les discussions sur une ZLEA. Ce que je veux dire par là, c'est que la négociation de la ZLEA va nous occuper au moins pendant trois ans, c'est ce que nous pensons, car nos négociateurs sont toujours occupés à étudier le cadre général de l'accord. Il n'y a donc pas d'incidence directe sur le dossier du bois d'oeuvre.

M. Bill Casey: J'allais dire que la question de l'interdiction du boeuf brésilien a laissé un arrière-goût amer, mais je pense que je vais m'abstenir et essayer de présenter la chose sous un autre angle. Il n'empêche que ce contentieux a provoqué une levée de boucliers au Brésil et que le Brésil pourrait être un partenaire de premier plan dans une ZLEA. Pensez-vous que cela puisse affecter les négociations ainsi que nos rapports avec le Brésil? Pensez-vous que nos rapports avec le Brésil aient déjà été touchés?

M. Pierre Pettigrew: Vous savez, ce court embargo sur le boeuf brésilien est survenu à un bien fâcheux moment. Ce n'est pas quelque chose que nous voulions mais, comme nous sommes un gouvernement responsable, nous devions intervenir comme nous l'avons fait. Nous demeurons toutefois persuadés que le gouvernement brésilien l'a parfaitement compris. J'ajouterais que c'est la même chose pour l'avionnerie que pour le bois d'oeuvre. Cela fait quatre ans et demi que le Brésil et le Canada sont aux prises l'un avec l'autre à l'Organisation mondiale du commerce. Quatre groupes d'experts successifs nous ont donné raison. Nous insistons pour que le Brésil respecte ses engagements commerciaux internationaux, mais je pense que le Brésil comprend également que le Canada insiste pour faire respecter ses droits.

Par ailleurs, je pense que le Brésil participera volontiers au sommet de Québec. La raison pour laquelle nous avons, à l'OMC, des groupes d'experts et d'autres mécanismes de ce genre, c'est précisément pour isoler les différends commerciaux afin qu'ils ne contaminent pas les autres éléments de la relation. Je suis donc persuadé que le Brésil, qui est un partenaire important et de poids dans l'hémisphère, participera au sommet de Québec et adhérera à la Zone de libre-échange des Amériques.

M. Bill Casey: Vous savez, monsieur le ministre, je ne puis m'empêcher de penser que si les relations entre les deux pays s'aigrissent et si certains de ces contentieux perdurent, il y aura une incidence. Y a-t-il d'autres problèmes qui, selon vous, risqueraient de gêner les négociations à venir?

M. Pierre Pettigrew: Ces négociations vont être extrêmement difficiles. Notre collègue Jean Augstine a fait valoir quelque chose de très important. La situation des petites économies est un gros problème auquel nous allons devoir nous attaquer.

La ZLEA exigera des solutions originales et exigera également beaucoup de créativité. C'est la première fois que nous créons une zone de libre-échange qui réunit des économies aussi différentes. Ce que je veux dire par là, c'est que le problème et l'enjeu sont tous deux énormes, monumentaux.

M. Bill Casey: Vous avez répondu à Mme Augustine—et je l'ai écrit ici—quelque chose qui semblait vouloir dire: «Nous allons exporter nos régimes fiscaux». Je pense que les habitants de ces pays vont être très heureux d'apprendre qu'ils vont hériter de régimes fiscaux.

Allez-vous les encourager à créer des régimes qui remplaceraient les tarifs douaniers?

M. Pierre Pettigrew: L'un des problèmes dont nous sommes conscients depuis un certain temps, c'est que le Fonds monétaire international exige toujours des différents pays qu'ils puissent financer leur gouvernement sans devoir trop emprunter. Mais pour bon nombre d'entre eux, les seules recettes fiscales sur lesquelles ils puissent compter, ce sont les droits de douane. Cela pose donc un problème pour les gens de l'OMC, et ce que je vous dis, c'est qu'il faut apposer une certaine cohésion.

Cela veut donc dire, effectivement, que nous devons aider certains pays qui, jusqu'à présent, ont dépendu exclusivement des droits de douane pour financer leur gouvernement, à se doter d'autres moyens fiscaux. Mais cela ne veut pas dire que nous allons exporter...

M. Bill Casey: Cela n'équivaut-il pas à transférer à ces pays notre fardeau fiscal? Enfin, à l'heure actuelle, nous payons les tarifs indirectement et voilà que nous disons à ces petits pays, à ces pays pauvres, qu'ils devront dorénavant remplacer les tarifs par un régime fiscal. S'agit-il d'un impôt sur le revenu ou...

M. Pierre Pettigrew: Ce n'est pas à moi de décider ce que d'autres pays devraient faire. Je dis simplement que certains pays financent leurs services publics presque exclusivement à partir des droits qu'ils exigent à la frontière. Ils devront trouver—et je crois que le Canada et les institutions internationales devraient aider ces pays à mettre au point—d'autres outils pour financer leurs services publics. Sinon, ils ne pourraient pas participer à la zone de libre-échange puisque, par zone de libre-échange, on entend une zone où tous les tarifs ont été supprimés.

Je ne crois pas avoir rien dit qui... Vous comprenez ce que je dis?

Une voix: Oui, oui.

Une voix: Oui, monsieur le ministre.

Des voix: Ah, ah!

Une voix: Non, monsieur le ministre.

• 1650

M. Bill Casey: J'ai une dernière question à poser qui fait suite à celle de M. Robinson au sujet de Cuba. Combien parmi les 34 pays seraient d'accord pour que Cuba soit partie à l'accord? Avez-vous un chiffre ou une idée approximative?

M. John Manley: Non, puisqu'on ne passe pas par un vote, mais plutôt par le consensus, et il n'y a pas de consensus.

M. Bill Casey: Diriez-vous que certains l'appuieraient?

M. John Manley: Je ne pourrais pas vous le dire.

Une voix: Le Canada l'appuie-t-il?

M. John Manley: Pas pour le moment.

Le président: Merci beaucoup.

M. Paradis est le suivant. Nous sommes maintenant à cinq minutes. Je vous accorde cinq minutes au maximum, mais si vous pouviez en prendre moins, ce serait utile.

[Français]

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue au ministre des Affaires étrangères et au ministre du Commerce international.

Ma question s'adresse au ministre du Commerce international. Nous avons, par rapport à la Zone de libre-échange des Amériques, des atouts extraordinaires au Canada. Nous avons deux systèmes de droit: le droit civil et le common law. Nous avons aussi ce côté latin, au Québec, et en Amérique du Sud, il y a ce côté latin aussi par opposition au côté anglo-saxon des États-Unis. Nous avons un rapprochement avec les États-Unis. On sait aussi que les économies du Brésil, de l'Argentine et du Chili sont assez éloignées en distance des États-Unis. Donc, la proximité du Canada par rapport aux États-Unis est un atout. On a une façon et une habitude de faire du commerce avec les États-Unis, qui sont notre principal partenaire commercial.

Monsieur le ministre, vous avez beaucoup voyagé, plus particulièrement en Amérique du Sud dernièrement, et vous allez continuer à le faire. Comment pouvons-nous, dans le cadre de ces deux systèmes de droit, effectuer ce rapprochement des cultures et des frontières avec les Américains, et profiter ou se servir de cela pour investir et aider à investir davantage afin d'aider nos amis d'Amérique du Sud dans le contexte de la clôture des négociations sur la ZLEA? Je veux avoir vos commentaires là-dessus.

M. Pierre Pettigrew: Il est vrai que dans l'exportation des services, par exemple, on réclame souvent nos deux points de vue sur les questions de droit. Vous avez raison de dire que ça nous aide énormément à comprendre les deux façons de faire progresser les choses ou de nous rendre à la justice. C'est un très bel exemple de contribution que nous sommes arrivés à faire. C'est arrivé en Amérique du Sud, par exemple, où on a beaucoup aidé les gens à la rédaction de leur constitution, notamment à cause de notre propre expérience qui est différente ici, au pays.

Nous avons un rôle particulier à jouer et nous avons des atouts qui nous permettent très souvent de véritablement faire le pont entre les États-Unis et plusieurs pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud.

M. Denis Paradis: J'ai une deuxième question, monsieur le président.

On connaît la situation politique en Haïti. C'est le pays le plus pauvre de l'hémisphère. On y manque d'eau, d'aqueducs, d'électricité, de routes, etc. On a aussi une communauté importante d'Haïtiens au Canada. Au sujet des thèmes du prochain sommet, soit renforcer la démocratie, créer de la prospérité, réaliser le potentiel humain, monsieur le ministre, vous avez raison de dire que, quand on crée la prospérité, ça va mieux pour renforcer la démocratie et pour réaliser le potentiel humain aussi.

On regarde les deux Amériques et on voit Haïti, un des pays les plus pauvres au monde, en plein milieu. Est-ce qu'il y a une possibilité que le Canada puisse aller chercher l'appui d'autres pays pour faire encore davantage? On voit que la Zone de libre-échange des Amériques veut créer la prospérité. Est-ce qu'il y a moyen de faire davantage pour faire en sorte qu'Haïti puisse s'en sortir?

M. John Manley: Je crois que c'est une question complexe que celle de la situation d'Haïti. On croit qu'il y a des progrès sur le plan de la démocratie avec les élections qui ont été tenues l'année dernière, mais pour créer la prospérité, il faudrait beaucoup d'investissements et de travail.

• 1655

Comme Canadiens, on a fait des contributions au niveau du système policier et du système judiciaire, lesquels sont nécessaires pour atteindre le niveau de confiance requis pour que des investissements soient faits par le secteur privé. Mais je crois que c'est un grand défi et que ça va continuer de l'être pour l'hémisphère si on veut atteindre un niveau de croissance acceptable pour Haïti. C'est une situation qui demande notre attention continuellement.

M. Denis Paradis: Merci, monsieur le ministre. Je laisse le temps qu'il me reste monsieur le président.

Le président: Vous ne pouvez pas en disposer, car il ne vous en reste plus. C'est fini.

[Traduction]

Vous avez la parole, monsieur Moore.

M. James Moore: Merci.

Je pense bien qu'il n'y a pas de consensus dans les Amériques sur la démarche à suivre à l'égard de Cuba. Depuis 1959, le gouvernement cubain a incarcéré, chassé ou tué le cinquième de la population du pays, ce qui cause sans doute certaines divisions. De toute évidence, le Canada a des normes différentes en ce qui concerne l'engagement avec Cuba.

Nous avons des normes différentes en ce qui concerne l'engagement avec l'Afrique. Ainsi, nous n'importons pas de produits faits avec de l'ivoire à cause de nos préoccupations relativement aux espèces menacées, et nous considérons qu'il s'agit en quelque sorte d'une question de droits de la personne.

Nous avons des normes différentes en ce qui a trait aux droits de la personne dans d'autres parties du monde. Je vois ici que nous partons du principe que des questions comme les droits des travailleurs, la protection de l'environnement et l'amélioration de la qualité de vie relèvent des droits de la personne, si bien que nous leur donnons un sens très général et très altruiste.

Le ministre des Affaires étrangères a-t-il dressé une liste des droits de la personne qui s'appliquent à chaque hémisphère ou à chaque pays, ou suivons-nous essentiellement une démarche bilatérale en ce qui a trait aux droits de la personne? Existe-t-il un gabarit en matière de droits de la personne que nous appliquons à nos négociations commerciales avec un pays en particulier, ou y va-t-on au cas par cas?

M. John Manley: Les droits de la personne ne sont pas des droits canadiens. Ce sont des droits de reconnaissance internationale, et les normes qui s'appliquent sont internationales. Nous engageons les pays selon une démarche bilatérale ou multilatérale. Dans le cas du sommet, il s'agit d'une démarche multilatérale. Mais très souvent les droits de la personne font nécessairement partie aussi de nos relations bilatérales. C'est pourquoi j'ai dit que, pour ce qui est du sommet, il n'y a pas de consensus sur Cuba. Cela ne veut toutefois pas dire que nous n'avons pas d'échanges avec Cuba ou que nous n'essayons pas d'engager Cuba.

M. James Moore: En posant ma question, je pensais plutôt à la possibilité que nous décidions de ne pas avoir d'échanges avec Cuba à cause des préoccupations que nous avons au sujet du respect des droits de la personne dans ce pays ou que nous décidions de ne pas avoir d'échanges avec certains pays d'Afrique à cause de nos préoccupations relatives aux droits de la personne.

Une voix: Nous en avons.

M. James Moore: Nous en avons, mais certaines restrictions s'appliquent. Nous appliquons des restrictions à l'égard d'autres pays aussi. Le Canada a-t-il un ensemble national de normes en matière de droits de la personne qu'il applique à toutes nos relations commerciales ou qu'il tente de suivre? Avons-nous de ces normes et avons-nous même songé à la possibilité d'en négocier à l'intérieur d'un comité?

M. John Manley: Il nous arrive à l'occasion d'imposer des sanctions, mais nous avons pour notre dire que, pour être efficaces, les sanctions doivent idéalement s'inscrire dans une démarche multilatérale. Le meilleur exemple de réussite à cet égard est peut-être celui des sanctions imposées à l'Afrique du Sud. En règle générale, nous ne recourons pas aux sanctions commerciales pour réaliser nos objectifs en matière de droits de la personne. Nous optons plutôt pour l'engagement avec le pays en cause afin de l'encourager à respecter les droits de la personne.

M. James Moore: Très bien.

Ma deuxième question porte sur un tout autre sujet. À l'approche du sommet de Québec, les médias consacrent beaucoup de colonnes à la possibilité d'actes de violence dans les rues et ailleurs. Nous avons vu ce qui s'est passé à Seattle, où les réseaux d'information comme KOMO et d'autres stations de télévision avaient posté leurs caméras au coin des immeubles pour être prêts dès que la violence débuterait. Ils n'avaient plus qu'à attendre. Est-on bien préparé pour le sommet de Québec? Le ministre des Affaires étrangères a-t-il vérifié les préparatifs pour s'assurer que les dispositifs nécessaires soient en place pour éviter que les gens ne soient blessés ou qu'une de nos plus grandes villes ne se retrouve dans une situation gênante? Va-t-on sévir avec toute la force voulue contre ceux qui commettront des actes criminels, si nous en arrivons là?

M. John Manley: Le dispositif de sécurité est bien entendu une priorité importante, et c'est ce dont M. Robinson se plaignait tout à l'heure. Je dois vous dire que je trouve cela malheureux, mais le fait est qu'à notre époque, si nous voulons protéger le droit des gouvernements démocratiquement élus de se réunir, d'échanger et de faire ce qu'ils sont venus faire, il faut prévoir un dispositif de sécurité pour protéger les chefs d'État et leur délégation.

• 1700

Je crois que les mesures de sécurité sont suffisantes sans être excessives, étant donné l'expérience que nous avons de rencontres à d'autres endroits et dans d'autres circonstances. J'estime que ceux qui souhaitent manifester ou exprimer leur désaccord auront amplement l'occasion de le faire de façon pacifique. Ils ne pourront toutefois pas le faire de manière à menacer nos invités ou les membres des délégations. Nous devrons faire le nécessaire pour protéger les participants.

Le dispositif de sécurité est donc suffisant à mon avis.

Le président: Il nous reste assez de temps pour une dernière question d'une ou deux minutes.

Monsieur Harvard, je crois que vous êtes le suivant.

M. Svend Robinson: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je sais que le ministre des Affaires étrangères nous a dit qu'il devait partir à 17 heures. Je me demande si le ministre du Commerce international serait disposé à rester quelques minutes de plus.

Le président: Vous ai-je entendu dire que vous aviez quelque chose?

M. Pierre Pettigrew: Je serai de retour lundi sur le bois d'oeuvre.

Le président: M. Pettigrew reviendra devant le sous-comité lundi.

Monsieur Harvard, très brièvement.

M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Si je résume en une seule question ce qui me préoccupe, c'est le dispositif de sécurité.

Je me demande simplement, monsieur le ministre, si le gouvernement a pu en arriver à un consensus avec les dirigeants de la manifestation de manière à ce qu'on respecte d'une part la liberté de réunion et d'expression et qu'on puisse d'autre part faire régner l'ordre et appliquer la loi. Quand il y a des rencontres de ce genre, bien souvent, chaque parti accuse l'autre d'avoir violé l'entente à laquelle on était arrivé. Ce sont là les allégations qu'on entend après coup. Les deux parties ont-elles une entente qui précise exactement ce que l'on pourra faire et ce que l'on ne pourra pas faire?

M. John Manley: Comme vous le savez, on aura la possibilité de se faire entendre. Il y aura non seulement le sommet populaire, mais aussi des rencontres importantes entre les gouvernements, et entre les représentants des gouvernements et les représentants de la société civile. Mais, comme vous le savez, certains de ceux qui ont indiqué leur intention d'être là pour le sommet ont fait savoir qu'ils tenteraient d'empêcher la rencontre d'avoir lieu. Je crois que nous n'avons finalement d'autre choix que d'assurer un niveau de sécurité suffisant pour que la rencontre puisse avoir lieu.

Les manifestations ont donc leur place. Il s'agit d'un élément important de la démocratie. Dans une démocratie, les gens doivent cependant aussi pouvoir vaquer à leurs affaires sans être inquiétés. Voilà donc pourquoi nous accordons la priorité à la protection des citoyens.

Le président: Dans quelle mesure le gouvernement appuie-t-il le sommet des citoyens, monsieur le ministre?

M. John Manley: Le gouvernement fédéral s'est engagé à accorder 300 000 $ pour le sommet des citoyens, et le gouvernement du Québec, 200 000 $.

Le président: Je regrette, collègues, mais il ne nous reste plus de temps.

Messieurs les ministres, je vous remercie d'avoir comparu devant le comité. Nous attendons avec impatience de poursuivre notre étude du sommet.

La séance est levée.

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