Passer au contenu
Début du contenu

ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 13 mars 2001

• 0904

[Traduction]

Le président (L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bienvenue à cette séance du comité. Elle est particulièrement importante et nous sommes infiniment reconnaissants aux témoins d'y participer.

Le rapport que nous avons sous les yeux est énormément important et je suis sûr que chaque membre du comité le lira attentivement. Ce qui s'en dégage et les recommandations qu'il contient sont d'une grande portée.

• 0905

Un des témoins n'est pas au rendez-vous à cause des intempéries, mais ce serait dommage de ne pas profiter quand même du précieux temps à notre disposition. Deux témoins sont parmi nous et si vous êtes d'accord, je vais ouvrir la séance et souhaiter la bienvenue à M. Fortin ainsi qu'à M. Ellis.

Vous êtes sans doute nombreux à connaître les antécédents de M. Fortin. Il vient de l'université McGill, où il enseigne au Département de phytologie. Il a obtenu son doctorat en biologie moléculaire végétale en 1987 et il a entrepris des travaux post-doctoraux à l'Université de Chicago et à l'Université de la Californie. Ses travaux de recherche ont porté sur les méthodes d'application de la génétique moléculaire à l'analyse des interactions entre les plantes et les microbes, et il a été l'un des premiers à trouver des marqueurs génétiques permettant d'améliorer les plantes. Il est conseiller auprès de plusieurs organismes provinciaux et nationaux s'occupant de recherches dans le domaine de la phytologie.

M. Ellis est de l'Université de la Colombie-Britannique, où il a reçu son doctorat en 1969 et où il a dirigé le Département de phytologie de 1989 à 1999. Il se spécialise dans le métabolisme végétal, surtout la biosynthèse de la lignine. Au nombre de ses projets actuels, mentionnons la biochimie des enzymes métaboliques, véritables indicateurs grâce auxquels les plantes peuvent percevoir les changements environnementaux et y réagir, le stress oxydatif, et la manipulation génétique des cultures et des plantes forestières. Il enseigne l'agriculture viable et la communication professionnelle ainsi que la sélection des plantes et les interactions entre les plantes et les micro-organismes.

On peut comprendre que leur monde diffère considérablement du nôtre, d'où la grande importance de la communication.

Le troisième témoin vient d'arriver et je crois qu'il s'agit de M. Brunk—bienvenue au comité. M. Brunk est directeur des études et professeur de philosophie au Collège Conrad Grebel de l'Université de Waterloo. Il a obtenu son doctorat en philosophie en 1974 à l'université Northwestern, et il enseigne à l'Université de Waterloo depuis 1976. Ses domaines de spécialisation comprennent notamment l'éthique appliquée et la déontologie, l'éthique environnementale et la bioéthique ainsi que la résolution des conflits. Il est l'auteur d'un ouvrage intitulé Value Assumptions in Risk Assessment, publié en 1991. Il a été président du groupe d'experts de la Société royale du Canada constitué en 1996 pour examiner l'avenir de la colonie de primates non humains de Santé Canada.

Soyez tous les bienvenus. Je vous laisse décider qui prendra la parole en premier.

M. Conrad G. Brunk (directeur des études et professeur de philosophie, Collège Conrad Grebel, Université de Waterloo, Société royale du Canada): Je vous remercie infiniment. Je suis heureux de me retrouver enfin parmi vous, après avoir enduré la remise d'un vol, l'annulation d'un vol et un bouchon de circulation.

Si je comprends bien, vous aimeriez que nous vous fassions un exposé—d'environ combien de minutes?

Le président: N'oubliez pas que les questions seront nombreuses. Nous disposons de deux heures, si bien que tous vos exposés ne devraient sans doute pas dépasser une demi-heure.

M. Conrad Brunk: Nous devrions pouvoir le faire en moins d'une demi-heure. Nous ferons de notre mieux.

Nous voulons d'abord vous donner un aperçu du rapport que nous avons déposé. Je commencerai par expliquer le mandat. C'est un aspect très important car je pense qu'il y a eu des malentendus à propos du rapport parce que l'on n'a pas bien compris notre mandat.

• 0910

Nous allons expliquer tout cela et ensuite mes collègues vous parleront de certaines des questions qui sont à la base des recommandations que nous formulons dans le rapport. M. Ellis abordera plus précisément la question des équivalents substantiels, qui a été l'un de nos grands sujets d'étude. M. Fortin vous parlera ensuite de certaines des recommandations scientifiques que nous avons formulées.

Permettez-moi de vous expliquer d'abord notre mandat. Je crois que vous avez tous sous les yeux les notes dont nous nous servirons pour faire notre exposé et vous pouvez donc en suivre les grandes lignes.

Ceux qui ont commandé l'étude nous ont demandé de faire des prévisions concernant plusieurs points: premièrement, les types d'aliments issus de la biotechnologie qui seront soumis pour approbation et, deuxièmement, les techniques qui seront vraisemblablement employées pour mettre au point ces produits...

Le président: Excusez-moi, je dois vous interrompre. Pour la gouverne de nos collègues, M. Brunk est en train de lire le document qui vous a été distribué et qui porte le titre «Mandat». Est-ce bien cela?

M. Conrad Brunk: C'est bien cela.

Le président: Je vous remercie.

M. Conrad Brunk: Merci. Nous ferons notre exposé en suivant ces notes.

Troisièmement, on nous a demandé nos prévisions du potentiel de risque, à court et à long terme, que présentent la mise au point, la production et l'utilisation de ces produits dans trois domaines: les risques pour la santé humaine, les risques pour la santé animale et les risques pour l'environnement. On nous a demandé ensuite d'examiner les méthodes et les approches mises au point au Canada et dans le monde pour évaluer l'innocuité des produits alimentaires issus de la biotechnologie, notamment les normes mises au point par l'Organisation mondiale de la santé, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture et la Commission du Codex alimentarius.

On nous a demandé de définir les ressources scientifiques dont nous aurons besoin pour garantir l'innocuité des nouveaux aliments issus de la biotechnologie, notamment les ressources humaines dans les domaines de la recherche, des analyses de laboratoire, de l'évaluation de l'innocuité ainsi que de la surveillance et de l'application de la loi; on nous a demandé de définir également les lignes directrices, les politiques et les règlements nouveaux liés à la science dont nous pourrions avoir besoin pour protéger la santé humaine, la santé animale et la salubrité de l'environnement.

Vous remarquerez que le mandat parle précisément des ressources scientifiques qui sont nécessaires pour recenser les risques qui, selon le groupe d'experts, accompagneront l'utilisation de ces nouvelles technologies. Le mandat est tourné vers l'avenir; il n'est pas tourné vers le passé. On ne nous a pas demandé de faire la critique du système de réglementation qui a été en vigueur et qui a servi jusqu'ici à l'approbation des produits qui ont été mis en vente. Nous avons interprété notre mandat comme étant tourné vers l'avenir et comme visant en particulier les risques.

Vous devez comprendre que le mandat que l'on nous a confié ne concernait pas les points suivants: il ne concernait pas l'évaluation des avantages socio-économiques actuels ou futurs des produits agricoles issus de la biotechnologie. Le groupe d'experts ne comprenait pas de membres ayant les compétences voulues pour évaluer les avantages économiques, politiques et sociaux de ces produits agricoles. Nous n'étions pas en mesure de faire une telle évaluation et ce n'est pas non plus ce que notre mandat exigeait de nous. On ne nous a pas demandé non plus d'examiner les grandes questions d'éthique entourant certains types de produits issus de la biotechnologie ou entourant la technologie proprement dite.

Nous nous sommes bornés aux questions éthiques et morales entourant la gestion des risques pour la santé et pour l'environnement, c'est-à-dire les questions qui, selon nous, étaient essentielles pour définir le cadre scientifique et pour le placer dans un contexte stratégique, un contexte réglementaire. Nous ne nous sommes pas occupés cependant des grandes questions éthiques concernant les aspects moraux généraux ou encore les droits et les valeurs qui pourraient être associés à la biotechnologie. Nous ne nous sommes pas penchés sur les aspects philosophiques, religieux et métaphysiques qui alimentent une grande partie de la polémique à propos de la biotechnologie, surtout dans le domaine de la biotechnologie médicale, mais aussi dans le domaine de la biotechnologie agricole.

• 0915

Il importe donc de savoir que le rapport du groupe d'experts ne prétend nullement fournir une évaluation globale de l'acceptabilité ou de la désirabilité sociale, économique ou éthique des produits alimentaires issus de la biotechnologie. On ne nous a pas demandé de nous prononcer en général sur la désirabilité de ces produits, sur l'équation des risques-avantages, et ainsi de suite. Comme on ne nous a pas demandé d'évaluer les avantages ou les prétendus avantages de la technologie, nous ne pouvons pas prétendre non plus que le rapport apporte une évaluation complète de l'innocuité de ces produits. Bien sûr, il est généralement reconnu que, dans certains cas, l'innocuité est une question qui concerne la part de risques et la part d'avantages que présente une technologie. Comme nous ne nous sommes pas penchés sur les avantages, nous n'étions pas en mesure d'effectuer une analyse complète des risques-avantages et c'est pourquoi nous ne pouvons affirmer que nous avons effectué une évaluation complète de l'innocuité de ces produits. On nous a demandé d'examiner la partie de l'équation qui concerne les risques.

Nous nous sommes bel et bien penchés sur les questions d'innocuité entourant la norme de l'équivalence substantielle dont il est si souvent question, et qui ne tient pas compte des avantages. Nous avons donc examiné les normes d'innocuité dans ce contexte, sans toutefois les aborder dans leur ensemble.

J'aimerais vous dire quelques mots à propos des procédures que le groupe d'experts a suivies pour élaborer le rapport. Le groupe d'experts a été constitué à la demande de Santé Canada, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et d'Environnement Canada. Ces organismes se sont adressés à la Société royale du Canada et lui ont demandé de se servir de ces principes courants de constitution d'un groupe d'experts en réponse à une demande du secteur privé ou du secteur public d'une opinion objective et autonome sur certaines questions.

Il y a à cette fin à la Société royale du Canada un comité permanent chargé de s'occuper des groupes d'experts que l'on veut constituer. Ce comité se sert d'un processus de sélection fort ramifié pour désigner des personnes sans lien de dépendance qui sont des experts du domaine faisant l'objet du mandat, et les membres des groupes d'experts sont choisis par ce comité.

Dans notre cas, on a choisi 12 scientifiques et deux experts des politiques et de la réglementation dans le domaine du droit et de l'éthique. Je vous parlerai dans un instant des compétences scientifiques dont nous disposions.

Le comité chargé des groupes d'experts essaie de trouver des gens qui ont le moins de liens de dépendance possible avec les groupes intéressés aux questions à l'étude, en l'occurrence la biotechnologie. Des règles très strictes en matière de conflit d'intérêts sont appliquées aux membres.

Vous trouverez à la page suivante la liste des membres du groupe d'experts. Cette liste sert surtout à vous montrer les compétences dont était doté le groupe. Il y avait un botaniste, un nutritionniste, un éthicien, un spécialiste du droit et de l'éthique, un spécialiste de la biochimie végétale, un spécialiste de la biologie moléculaire végétale, un spécialiste de l'immunologie, un spécialiste de la biologie marine, un spécialiste de la nutrition animale, un entomologue, un toxicologue, un spécialiste et un biologiste en écologie microbienne et un spécialiste des sciences alimentaires. Ce sont là les disciplines qui étaient représentées parmi le groupe d'experts. Nous avions à mon avis un excellent groupe d'experts et ce fut un grand plaisir de travailler avec ces gens.

Vous trouverez aux deux pages suivantes les titres des chapitres, qui vous donneront un aperçu des sujets que nous avons abordés dans le rapport.

• 0920

Au chapitre 1, nous avons précisé les paramètres et la portée du mandat et nous avons également tiré au clair certaines questions concernant les rapports entre les questions scientifiques et non scientifiques et notre façon de les aborder dans notre document.

Le chapitre 2 porte sur l'évolution de la technologie, examinée sous un angle rétrospectif et aussi prospectif.

Le chapitre 3 présente un aperçu du régime de réglementation en vigueur au Canada.

Le chapitre 4 aborde la question des risques proprement dits ainsi que les aspects entourant la santé humaine. Il est divisé en trois sections. La première concerne les aspects toxicologiques de la biotechnologie, la deuxième porte sur la question très importante des allergènes dans les aliments, et la troisième traite des changements observés sur le plan de la nutrition et de leurs conséquences pour la santé humaine.

Le chapitre 5 est consacré aux systèmes de production animale et aux questions de la santé des animaux. Il y est question des animaux transgéniques, y compris le poisson—un aspect important ici, parce que le poisson représente un domaine où les manipulations génétiques sont les plus évoluées et sont les plus proches des étapes de développement commercial. Nous avons examiné également la manipulation génétique des aliments du bétail, des additifs et des agents de modification du métabolisme ainsi que leurs conséquences pour la santé des animaux.

Le chapitre 6 concerne les risques pour l'environnement et se penche notamment sur les microorganismes et les sols, les plantes génétiquement modifiées et leurs incidences sur divers aspects du milieu naturel, et sur les insectes, notamment les risques entomologiques—et il y a une section spéciale sur les poissons génétiquement modifiés et leur impact sur l'environnement, car, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le groupe d'experts était particulièrement sensible à l'importance de cette question.

Le chapitre 7 aborde la question très controversée et très importante de l'équivalence substantielle, qui est un concept directeur, aussi bien au pays qu'à l'étranger, dans la réglementation de la biotechnologie.

Le chapitre 8 porte sur le principe de précaution, qui est très répandu mais qui est quand même très sujet à interprétation et à controverse. Nous avons consacré beaucoup de temps à le décortiquer et à établir comment ce principe pouvait être utile dans un contexte de réglementation. Ce chapitre contient ce qui est à mon avis l'une des analyses les plus détaillées du principe de précaution que l'on peut trouver dans la documentation sur la réglementation et surtout dans les rapports qui concernent la biotechnologie.

Le chapitre 9 aborde ensuite ce que nous considérons être des questions importantes concernant l'intégrité des bases scientifiques et la confiance du public à l'égard d'un régime de réglementation fondé sur la science.

Les recommandations du rapport tombent dans quatre catégories: les recommandations concernant les politiques et les principes de base en matière de réglementation de la biotechnologie agricole; les recommandations concernant des lignes directrices et des règlements particuliers que devrait comprendre, selon nous, le régime canadien; des recommandations générales concernant le processus réglementaire; enfin, des recommandations concernant en général la capacité scientifique aux fins de la réglementation de la biotechnologie alimentaire.

J'aimerais maintenant céder la parole à mon collègue, M. Brian Ellis, qui vous parlera un peu de notre façon d'aborder la question importante de l'équivalence substantielle.

Le président: Allez-y, monsieur Ellis.

M. Brian E. Ellis (directeur adjoint, Laboratoire de biotechnologie, professeur, Faculté des sciences agronomiques et Laboratoire de biotechnologie, Université de la Colombie- Britannique; Société royale du Canada): Je vous remercie.

L'équivalence substantielle est une question qui fait partie intégrante de la réglementation actuelle des produits issus de la biotechnologie. D'après le groupe d'experts, elle se rapporte à la genèse de l'élaboration de nouvelles variétés de cultures par le biais des croisements classiques, où l'éleveur croise des variétés connues et exerce une sélection parmi leurs progénitures, en assumant toutefois d'un bout à l'autre du processus qu'il manipule toujours le même matériel qu'au début, que la lignée n'a été que légèrement modifiée. C'est ainsi que les descendants, les nouvelles variétés qui sont mises au point, sont considérés comme étant effectivement des équivalences des parents, mais avec de légères améliorations.

• 0925

Selon le paradigme de la manipulation génétique, au lieu de mélanger un grand nombre de gènes provenant de deux types de parents au moment d'un croisement, on n'agit que sur un seul gène ou que sur un très petit nombre de gènes en utilisant la technologie de transfert génique, et le fonds génétique du matériel qui est utilisé ne serait pas modifié. Tout cela pour dire qu'il s'agit d'une méthodologie qui est très simple et très précise, parce qu'il n'est pas nécessaire de modifier un grand ensemble de gènes, une foule de gènes en interaction, et l'évaluation de ce matériel transgénique ou génétiquement modifié pourrait revenir en principe à une simple évaluation permettant de déterminer si un nouveau gène a introduit un trait qui a été prédit et si ce trait a des conséquences négatives sur le plan de l'innocuité des aliments ou de l'environnement.

Voilà en fait la structure d'une évaluation fondée sur l'équivalence substantielle: si on peut démontrer qu'un nouveau gène n'a pas de conséquence néfaste, le reste du matériel génétique que l'on manipule est substantiellement l'équivalent du matériel parental dont il est issu par transfert génique. C'est ainsi que lorsque l'on dit qu'il y a équivalence substantielle, on n'a pas à aller plus loin dans l'évaluation du matériel une fois que l'on a examiné les effets du nouveau gène.

Le groupe d'experts a conclu qu'une telle façon de procéder était lacunaire dans le cas des nouveaux gènes qui sont insérés dans un milieu génétique inhabituel par rapport au contexte propre à ce gène, dont la source est ordinairement très différente, ce qui fait qu'il est très difficile—en réalité impossible—de prédire les interactions entre ce nouveau gène et les gènes qui existent à l'intérieur du matériel qui a été manipulé. Il est probable que ces interactions auront toute une gamme d'effets, certaines secondaires, mais d'autres pouvant être plus considérables. Faute d'analyses de dépistage poussées du matériel transgénique, c'est-à-dire des produits génétiquement modifiés, il peut très bien arriver que l'on ne parvienne pas à repérer certains de ces effets secondaires associés à la présence d'un nouveau gène dans ce contexte.

C'est ainsi que le groupe d'experts est parvenu en fin de compte à établir la distinction suivante: en procédant à une analyse de dépistage très détaillée et rigoureuse, une analyse scientifique, du matériel génétiquement modifié dans le but précis de cerner les effets secondaires qui auraient pu résulter de la transformation, il conviendrait à l'issu de tout ce travail de désigner le matériel comme étant substantiellement équivalent si aucun effet secondaire négatif de cette nature n'a été observé. Par contre, selon le groupe d'experts, on aurait tort de se dire qu'ayant évalué les impacts directs du nouveau gène, on peut considérer le reste du génome du matériel transformé comme étant identique au matériel parental, c'est-à-dire comme n'ayant subi aucune modification et ne produisant aucun effet.

Donc, le comité d'experts en est venu à faire la distinction suivante: D'une part, il a estimé que le recours au concept d'équivalence substantielle comme seuil de décision—c'est-à-dire, parce qu'il s'agit d'un seul génome transféré à l'intérieur d'un nouveau gène, une fois qu'on a examiné le nouveau gêne, le reste ne pose pas de problème—était un emploi inapproprié du concept, et d'autre part, qu'un examen rigoureux du matériel, vérifions attentivement toutes ses incidences potentielles pour ensuite déterminer a priori qu'il ne diffère pas du matériel parental, constituait un emploi approprié de l'équivalence substantielle. Cela révèle effectivement qu'il s'agit d'un matériel très analogue au matériel parental diffère seulement dans les résultats spécifiques prédits et prouvés. Voilà donc la distinction que le comité d'experts juge appropriée.

D'après notre examen des méthodes en usage à l'heure actuelle pour l'approbation de produits génétiquement modifiés, en particulier au Canada, nous n'avons pas pu clairement établir au juste comment le principe d'équivalence substantielle était utilisé. Il figure dans les ordinogrammes nécessaires à l'approbation comme une étape discrète à partir de laquelle une décision est prise soit d'abandonner toute évaluation ultérieure, ou, s'il n'est pas concluant lors d'une évaluation d'équivalence substantielle, alors on passe à une évaluation environnementale complète.

• 0930

Dans nos entretiens avec les membres du personnel de l'ACIA qui est responsable au premier chef de l'examen de la production végétale, nous n'avons pas réussi à savoir exactement comment ils employaient ce principe là.

Donc, le comité d'experts en est simplement venu à la conclusion, qu'à l'avenir du moins, dans le processus de réglementation qui devrait être mis sur pied, il n'y a pas lieu d'omettre tout examen scientifique approfondi du matériau simplement parce qu'il résulte de la transformation d'un génétype présent dans un ou deux nouveaux gènes. Cela ne justifie pas l'omission d'une évaluation complète de toutes les conséquences de cette transformation.

Par conséquent, on doit encore exiger une évaluation complète et rigoureuse de tout matériau transgénique mis au point. Je crois que nous allons en rester là.

Le président: Très bien, merci, monsieur Ellis.

Monsieur Fortin.

[Français]

M. Marc G. Fortin (professeur agrégé et président, Département des sciences végétales, Université McGill, Société royale du Canada): Les recommandations scientifiques du comité d'experts sont basées sur la prémisse que les scientifiques n'ont pas toutes les réponses en ce qui concerne l'innocuité des produits OGM en termes d'effets sur la santé humaine ou sur l'environnement. Nous n'avons pas toutes les réponses. Il y a une incertitude scientifique en ce qui concerne l'innocuité des produits OGM.

Les recommandations sont basées sur le besoin de trouver les réponses et de réduire l'incertitude scientifique. Il faut donc faire de la recherche. C'est une recommandation importante. Nous n'avons pas les réponses. Il faut faire de la recherche, et nous avons une série de recommandations sur l'approche qui devrait être utilisée pour faire cette recherche.

Pour la recherche, on devrait utiliser la meilleure expertise possible au Canada. Les chercheurs au Canada n'ont pas, en ce moment, les moyens financiers de faire la recherche sur les OGM. Il faut que cette recherche soit faite par des chercheurs indépendants des promoteurs et des régulateurs de la technologie. C'est un principe scientifique de base: les chercheurs doivent être indépendants des promoteurs. Il ne faut pas être juge et jury en même temps.

Il faut que les principes d'une recherche rigoureuse soient appliqués à la recherche sur les OGM. Dans le monde réglementaire, il faut adopter les procédures scientifiques rigoureuses qui sont normalement en usage dans le monde scientifique. Il faut que celui qui réglemente ne soit pas perçu comme étant en conflit d'intérêts avec les compagnies qui sont promotrices de la technologie. Il faut que les données scientifiques qui serviront de base aux décisions réglementaires soient accessibles à tous. Il faut que le processus soit transparent.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments est actuellement perçue comme opérant à huis clos. Je dis bien qu'elle est perçue comme opérant à huis clos.

Dans un premier temps, il faut que les données scientifiques qui servent de base aux décisions sur l'innocuité d'un produit OGM soient accessibles à tous pour que les meilleurs experts possibles puissent examiner ces données.

Dans un deuxième temps, il faut lever l'atmosphère de confidentialité qui semble entourer la réglementation des OGM en ce moment. Cela crée de la méfiance chez le consommateur et une incertitude quant à l'innocuité des produits. Les scientifiques ne peuvent avoir accès aux données qui sont utilisées par l'Agence canadienne d'inspection des aliments et, à ce moment-là, on crée une espèce de doute quant à la validité du processus. Le processus peut être valable, mais en rendant les données inaccessibles, on crée la perception de confidentialité, d'agenda caché.

Le message se résume donc à ce qui suit: il faut avoir une évaluation indépendante et une recherche indépendante sur l'innocuité des OGM et il faut que les procédures scientifiques et rigoureuses normalement appliquées dans le monde scientifique soient mises en oeuvre comme, par exemple, l'examen pas les pairs. Il faut donc améliorer la transparence du processus pour permettre à tous d'examiner des données.

• 0935

Le Canada n'est pas le seul à faire face à ces défis. Divers pays dans le monde ont les mêmes problèmes. Nous n'avons pas les réponses scientifiques sur l'innocuité. Tous les pays sont confrontés au même défi; il faut faire la recherche et la faire de façon rigoureuse. Les recommandations du comité d'experts de la Société royale du Canada sont le reflet, en fait, de celles d'autres commissions ou d'autres groupes d'études sur la réglementation des OGM, en particulier d'un groupe des État-Unis et de l'Union européenne.

Je tiens à souligner que les États-Unis et l'Union européenne ont été des partenaires commerciaux dont les positions commerciales, en tout cas sur les OGM, ont été aux antipodes. Ce groupe a fait des recommandations concernant les besoins en recherche scientifique qui sont très semblables à celles qu'a faites ici le comité d'experts de la Société royale du Canada.

Il se développe, je crois, un consensus partout dans le monde à propos de la nécessité d'une recherche indépendante, impartiale, transparente et revue par les pairs.

Je ne ferai pas la liste de toutes les recommandations scientifiques que le comité a faites. Je vais en extraire quelques exemples pour illustrer les besoins en recherche comme, par exemple, la nécessité de développer des protocoles d'évaluation du potentiel allergène des nouvelles protéines produites dans les OGM. Nous n'avons pas et personne n'a les protocoles nécessaires pour mener de tels tests, pour évaluer de façon fiable le potentiel allergène des nouvelles protéines. C'est un défi qui se pose à la recherche partout dans le monde. Ce n'est pas un défi seulement pour le Canada.

Cependant, il faut que les chercheurs canadiens participent à la recherche internationale pour que le Canada puisse conserver sa position de leadership en ce qui concerne l'innocuité alimentaire. Il faut instaurer une surveillance à long terme des effets des OGM. Il n'y a pas au Canada, dans le moment, la capacité scientifique, le financement nécessaire qu'exigerait la mise sur pied d'une surveillance à long terme des effets des OGM sur la santé humaine ou sur l'environnement.

Pour évaluer les effets des OGM sur l'environnement, il faut mettre sur pied des stations de recherche. Il faut mettre sur pied rapidement, comme l'a dit le professeur Ellis, des protocoles d'évaluation des animaux transgéniques ou des poissons transgéniques. On sait que ces produits vont apparaître sur le marché à brève échéance et, dans le moment, l'infrastructure réglementaire n'existe pas.

Nous proposons aussi un moratoire sur la croissance de poissons transgéniques en milieu marin. On s'inquiète des effets que les poissons transgéniques pourraient avoir sur les populations de poissons sauvages.

Encore une fois, on ne connaît pas les réponses. Il existe une inquiétude, mais nous ne disons pas pour autant que les OGM auront des effets néfastes sur la santé et l'environnement. Nous disons qu'il existe une incertitude sur le plan scientifique et que ce doute scientifique doit être levé grâce à la recherche et à l'adoption de procédures scientifiques rigoureuses.

Le message que nous transmettons essentiellement est que, face au doute scientifique, il faut se montrer prudents, adopter une approche circonspecte puisque nous n'avons pas suffisamment de réponses scientifiques.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Fortin.

[Traduction]

Inutile de faire remarquer à quel point ces contacts entre scientifiques, politiques et décideurs sont peut-être certains des plus intéressants dans l'histoire de l'humanité.

Alors que je vous écoutais tous les trois, je ne pouvais m'empêcher de songer à un article qui a paru vers la fin janvier dans le Herald Tribune, je crois, sur la compagne Monsanto—que probablement beaucoup ont lu—et comment elle cherchait à organiser un système depuis une dizaine au sujet de ses travaux et ses initiatives commerciales concernant les OGM. Pour ceux qui ne l'ont pas vu, je suis sûr que la lecture de cet article vous éclairerait énormément, parce qu'il montre les énormes intérêts commerciaux qui sont reliés à ce genre de recherche en particulier ainsi que, bien entendu, les répercussions politiques.

• 0940

Donc, nous avons ici une bonne liste de vos interventions ou de vos exposés qui vont certes susciter des questions intéressantes et d'une grande portée.

Nous allons commencer de la façon habituelle, avec M. Forseth, suivi de M. Bigras et de M. Comartin, et ensuite nous passerons à M. Knutson. Voici les noms que j'ai jusqu'ici sur ma liste, de même que M. Reed et Mme Redman.

Monsieur Forseth, voulez-vous commencer la discussion, vous avez droit à cinq minutes.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, AC): Merci beaucoup et bienvenue à nos témoins.

Je vois dans vos notes que vous dites «l'équivalence substantielle ne peut être substituée à des tests scientifiques rigoureux sur les nouveaux produits». Bien entendu, on cherche toujours, par souci de rentabilité, des raccourcis afin de commercialiser les produits et d'en tirer un avantage. Également, l'avantage concurrentiel joue entre les concurrents qui s'efforcent d'être les premiers pour dominer le marché.

Vous avez parlé de la nécessité d'y consacrer des ressources et aussi de créer un climat législatif ou de réglementation. Je remarque qu'à la page 10 du sommaire exécutif des recommandations spéciales, dans les recommandations spéciales du n« 4.5 jusqu'au n« 7.5, bon nombre d'entre elles reprennent le même thème: «l'établissement de programmes de recherche générale...»; «recommande que le gouvernement fédéral finance une initiative de recherche multidisciplinaire...». Chacune de ces recommandations énumère de longues listes de mesures, à prendre, et j'imagine, étant donné le ton employé, qu'essentiellement un grand nombre d'entre elles ne sont pas prises.

Donc, voilà qui révèle une conception presque accablante mais nous sommes en concurrence pour obtenir des ressources, bien entendu, surtout étant donné le cadre de réglementation qui existe. Ce sont des choses qui ont souvent été faites par le gouvernement, surtout pour ce qui est d'établir le cadre législatif et réglementaire, et d'essayer de s'associer avec l'industrie.

Je veux simplement votre airs sur quelque chose. Étant donné l'importance économique du Canada, est-il vraiment réaliste de notre part de vouloir réaliser seul ces grands et nobles objectifs? Comment allons-nous en réalité atteindre un jour la norme scientifique d'innocuité alors que, étant donné notre expérience passée, nous avons de la difficulté à obtenir des ressources et à faire adopter assez et rapidement la législation et les règlements? Au lieu de nous faire l'énoncé merveilleux des réalisations nécessaires, avez-vous envisagé certains moyens qui nous permettraient d'arriver à ces résultats, et plus rapidement? Que dire de la notion de ne pas nécessairement faire cavalier seul, mais de trouver des partenaires sur la scène internationale pour qu'on puisse en réalité aboutir à quelque chose, et à assurer une certaine protection, au lieu de continuer à réagir comme d'habitude après coup?

Le président: Merci.

Qui veut répondre?

M. Brian Ellis: Je crois que vous avez mis le doigt sur une question capitale. Le monde est immense et le marché américain et la technologie américaine dominent, donc il est difficile de décider dans quelle mesure le Canada peut faire cavalier seul. Il y a certaines questions qui intéressent le Canada uniquement. De fait, il convient d'examiner par exemple les répercussions environnementales dans le cadre canadien, chez lui. Le Canada porte un intérêt exclusif à un certain nombre relativement restreint de cultures. Par exemple, le canola est un exemple classique et le blé serait une autre culture importante.

• 0945

Donc, le Canada, à mon avis, pourrait décider de faire un travail exemplaire dans des zones cibles d'un intérêt particulier pour lui, tout en collaborant à un accord international qui rallierait l'adhésion de tous les scientifiques et qui serait acceptable par tous les pays.

Je ne pense pas qu'il y a de réponse bien tranchée à cette question. On ne peut pas engouffrer des sommes indéfiniment et espérer d'arriver à quelque paradis de sécurité grâce à des règlements mais je crois vraiment qu'il y a des secteurs où nous pourrions faire un effort en tant que pays et faire preuve de leadership, à la fois sur le plan des résultats et sur celui de l'évaluation des matériaux transgéniques eux-mêmes.

Mon collègue a peut-être...

M. Conrad Brunk: Si je puis développer ce point de vue, je crois qu'en tant que pays nous dépensons énormément pour soutenir la recherche dans le développement de la technologie. L'une des choses que nous avons réclamée c'est l'équilibre des ressources consacrées à la recherche, pour être certain que ces ressources soient consacrées à une recherche indépendante axée sur l'innocuité et pas seulement au développement de la technologie. J'estime que nous avons en tant que nation l'obligation de le faire.

M. Paul Forseth: On a, à plusieurs reprises, évoqué la notion d'indépendance comme un sujet de préoccupation réelle. Est-ce un problème à l'heure actuelle, surtout en ce qui concerne l'approbation et l'analyse, sous l'angle du principe de précaution? L'absence de neutralité ou d'évaluation indépendante pose-t-elle un problème réel?

M. Marc Fortin: J'ai siégé pendant trois ans au Conseil national de recherche en science et en génie pour l'octroi de subventions en biologie végétale et en science alimentaire, et il y a deux ans, personne dans les universités du pays tout entier ne faisait de recherche dans le domaine des végétaux génétiquement modifiés. Les universités n'obtiennent tout simplement pas les ressources nécessaires des sources traditionnelles de financement pour effectuer ce genre de recherche. Là encore, c'est un des éléments des mécanismes de recherche. Nous ne prétendons certes pas que les universités sont la fin des fins en matière de recherche mais les chercheurs universitaires de façon générale ont plus d'indépendance que plusieurs autres membres du monde de la recherche. Nous devrions mettre à profit cette expertise et ces connaissances. Nous devrions leur donner les moyens d'accomplir le travail.

M. Brian Ellis: Permettez-moi d'ajouter un mot parce que je crois qu'il s'agit là d'une question plus vaste, à savoir le degré d'indépendance qui existe dans le système actuel de réglementation. Je crois que le comité d'experts était fermement d'avis que—son vouloir médire du personnel chargé actuellement de la réglementation—ce personnel est soumis à d'extrêmes pressions pour répondre aux besoins du milieu des affaires qui soumet ces matériaux. Je crois qu'il s'évertue à concilier les besoins de ce milieu avec ceux du public, qu'il est chargé essentiellement de protéger. Étant donné la nature intrinsèquement confidentielle du processus, il serait extrêmement utile d'avoir un mécanisme d'examen indépendant et ayant la confiance du public qui puisse considérer ces décisions et déclarer qu'elles ont été prise à bon droit et se fondant sur des preuves scientifiques solides. Si ce groupe, tel qu'il puisse être, avait la confiance du public, je crois que cela ferait une énorme différence dans l'esprit du grand public qui serait prêt à accepter que l'on adopte cette technologie.

M. Paul Forseth: Je vois dans la collectivité une foule d'organismes non gouvernementaux ou de groupes particuliers qui s'évertuent à dire que le monde est en péril, que nous devons nous méfier de tout ce qui provient des organisations, des politiciens et des organismes de recherche et développement dans la collectivité, des groupes en particulier qui s'opposent même à ce que l'on envisage d'entreprendre de la recherche dans ce domaine.

• 0950

Donc assurément, c'est au gouvernement à mettre en place les mécanismes indépendants de sécurité du public. Je ne suis pas certain que le gouvernement, étant donné son expertise interne des ministères, puisse s'y retrouver. Il va falloir qu'il...

Traditionnellement, nous avons typiquement avancé de façon décousue et graduelle, en réagissant au fur et à mesure. Faut-il continuer ainsi ou est-ce que la Société royale ou d'autres nous montrent avec force la voie où nous engager.

Le président: C'est l'objectif précis de ce rapport et c'est pourquoi nous en commençons l'analyse.

M. Paul Forseth: Un petit mot en réponse à cela et ensuite je m'arrête.

Le président: Quelqu'un veut-il faire une brève observation, je vous en prie?

M. Marc Fortin: L'une des recommandations porte sur la création de conseils consultatifs—là encore en faisant appel aux meilleurs experts du Canada—pour examiner des modifications génétiques précises dans des domaines précis, de concert avec Santé Canada et l'ACIA afin de présenter certaines recommandations sur la façon d'appliquer un protocole d'évaluation de l'innocuité concernant une série de modifications génétiques.

Le président: Merci, monsieur Forseth.

Monsieur Bigras, suivi de M. Comartin, M. Knutson, M. Reed, Mme Redman, M. Charbonneau et le président.

[Français]

M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens d'abord à vous remercier d'être venu présenté le résumé de votre rapport à notre comité.

Vous avez dit—c'est assez clair—qu'il existe tout un monde entre les protocoles d'évaluation de l'industrie agroalimentaire et ceux de l'industrie pharmaceutique. Deuxièmement, vous avez aussi estimé que les tests utilisés pour les nouveaux aliments ne sont pas encore au point. Vous croyez aussi—et je le crois aussi—, que l'homologation d'un produit transgénique devrait passer par les mêmes étapes auxquelles sont actuellement soumis les médicaments.

Ma question est simple. Si on adoptait le système que vous proposez aujourd'hui, combien d'organismes, combien d'OGM n'auraient pas été approuvés? Est-ce que le maïs Bt, par exemple, n'aurait pas été rejeté? Quels sont les aliments qui auraient été rejetés? Combien y en aurait-il au total?

M. Marc Fortin: J'aimerais apporter une correction. Nous ne proposons pas, dans le rapport du comité d'experts de la Société royale, l'adoption de protocoles d'évaluation semblables à ceux qui existent dans l'industrie pharmaceutique. Ce que nous proposons, dans un premier temps, c'est qu'on mette en place, avec l'accord et la participation de la communauté scientifique, des protocoles scientifiquement rigoureux qui ne seront peut-être pas ceux de l'industrie pharmaceutique.

Dans un deuxième temps, nous n'avons pas examiné—et cela a été clarifié dans le mandat—les produits qui sont présentement sur le marché. Nous examinons plutôt ce qui va être soumis, dans le futur, pour approbation. Nous n'avons donc pas fait une évaluation rétrospective de ce qui est sur le marché présentement.

M. Bernard Bigras: D'accord. Ça ne répond pas à ma question, mais ce n'est pas grave.

Le président: Voulez-vous la répéter?

M. Bernard Bigras: Même si je la répétais, je ne pense pas que j'aurais nécessairement une réponse.

Il y a un autre aspect: l'utilisation du concept d'équivalence substantielle. Vous me direz si j'ai tort, mais si j'ai bien compris, vous vous opposez à l'utilisation de ce concept comme seuil de prise de décision parce que vous estimez que le problème de ce concept-là est qu'il n'est pas clair. On estime qu'une tomate génétiquement modifiée pourrait être équivalente à une tomate traditionnelle. Vous souhaitez, si je ne me trompe toujours pas, que chacune des évaluations soit mieux documentée afin qu'on puisse en venir à une meilleure prise de décisions, entre autres par des analyses de protéines, des analyses d'expression génétique et peut-être d'autres tests.

• 0955

Vous avez dit tout à l'heure que les chercheurs n'avaient pas les moyens de faire ces tests-là. Au fond, l'utilisation du concept d'équivalence substantielle ne sert-elle pas tout simplement à justifier le fait qu'il n'y a pas, au Canada, de tests approfondis sur la question?

M. Marc Fortin: Il y a différentes applications du principe d'équivalence substantielle et on en fait une assez longue discussion. C'est une discussion que je trouve intéressante et que je vous encourage à lire dans le rapport du comité d'experts, qui sera disponible en français très bientôt.

Je simplifie peut-être à l'extrême, mais pour illustrer les différentes applications du principe d'équivalence substantielle, on peut dire qu'une tomate transgénique ne semble pas avoir d'effets nocifs sur l'environnement, ce qui est une application. Donc, elle est substantiellement équivalente, parce qu'elle ne semble pas avoir d'effets nocifs. On peut aussi dire qu'on va analyser la tomate et ses composantes protéiques, génétiques et chimiques, et qu'on va arriver à déterminer que les composantes de la tomate transgénique sont, au meilleur de nos connaissances, substantiellement équivalentes à celles de la tomate non modifiée.

Ce sont deux approches philosophiques différentes de l'application du principe d'équivalence substantielle, et nous prônons l'utilisation de la deuxième approche, c'est-à-dire qu'il y a une preuve de l'équivalence au meilleur des connaissances qui sont actuellement disponibles.

M. Bernard Bigras: Un autre aspect est la question du manque de transparence et du conflit d'intérêts, dont vous traitez de façon intéressante, à tout le moins, dans votre rapport. Il y a tout cet aspect des rapports entre l'entreprise et le chercheur. Vous proposez que soient réalisées des recherches indépendantes qui, je le suppose, passeraient inévitablement par les universités.

Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction dans cela? M. le président a parlé de la question de Monsanto. Il est assez clair que la recherche ne doit pas être faite par les chercheurs d'entreprises ou peut-être même par les chercheurs universitaires, mais peut-être plutôt par le gouvernement. On aurait peut-être alors de meilleurs résultats.

M. Marc Fortin: Je suis convaincu qu'il y a, dans les universités, une grande quantité de chercheurs qui sont indépendants des entreprises et qui sont capables de faire une recherche indépendante de première qualité.

La question que vous soulevez, celle de l'influence croissante de l'agenda de recherche commercial sur les programmes de subventions qui sont offerts par les gouvernements fédéral et provinciaux, est identifiée dans le rapport.

Nous soulevons cela comme une inquiétude et non comme une indication d'incapacité de faire la recherche. C'est une inquiétude croissante. Il faut voir jusqu'à quel point on veut que les agendas commerciaux soient des moteurs de l'agenda de recherche à l'échelle nationale, mais ce n'est pas une indication d'une incapacité de faire cette recherche de façon indépendante. Il faut faire attention. La recherche qui serait faite par les gouvernements pourrait être perçue comme non indépendante si le gouvernement était perçu comme un promoteur de la biotechnologie.

M. Bernard Bigras: Est-ce qu'il me reste encore du temps?

Le président: Deux minutes.

M. Bernard Bigras: Il y a un autre aspect. J'aimerais revenir sur le réalisme du rapport. Cette question a été soulevée par mon collègue de l'Alliance canadienne, mais à l'inverse. Inévitablement, le processus que vous proposez va supposer un plus grand nombre d'études pour en venir à la décision. Inévitablement aussi, cela va accroître le délai d'homologation des produits et, inévitablement, pour l'entreprise, il y aura des coûts supplémentaires.

• 1000

Au fond, ma question est un peu la même que celle de mon collègue. Souvent, les seuls intérêts des entreprises sont des intérêts commerciaux. Ce qui est proposé là n'est-il pas surréaliste par rapport à la réalité commerciale et économique canadienne et, dans une certaine mesure, nord-américaine?

[Traduction]

M. Conrad Brunk: Je ne suis pas certain que des scientifiques comme nous soient vraiment qualifiés pour répondre à cette question et je vais signaler à nouveau le contexte très étroit du mandat qui nous a été confié et qui ne nous donne pas vraiment, à mon avis, les connaissances suffisantes pour répondre à ces questions économiques plus vastes. On nous a demandé de formulé des observations sur le genre de recherche scientifique qu'il serait nécessaire de faire d'une manière qui d'après nous protégerait suffisamment le public des risques que cela pourrait comporter. Je suppose qu'on pourrait dire que c'est à d'autres de décider de la mesure dans laquelle les exigences scientifiques que nous avons relevées, doivent faire l'objet d'un compromis par d'autres intérêts, commerciaux et politiques.

Voilà essentiellement la réponse qu'il faudrait donner à votre question, même si, à mon avis, nous avons également reconnu le fait qu'au fur et à mesure que sont mises au point les nouvelles techniques diagnostiques, que nous recommandons pour assujettir ces produits à des tests rigoureux, et au fur et à mesure qu'elles deviennent normalisées, elles révéleront peut-être qu'il n'y a pas de véritables problèmes en l'occurrence et que le processus d'approbation pourrait être simplifié parce que nous savons vraiment ce que nous faisons étant donné que nous avons procédé à des tests. Et, au fur et à mesure que ces nouvelles techniques diagnostiques sont utilisées, il ne sera pas tellement coûteux ou difficile d'effectuer le genre de tests que le comité d'experts réclame.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Bigras.

[Traduction]

Monsieur Comartin.

M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Merci, monsieur le président.

Je pense, monsieur Fortin, que vous avez signalé l'absence de recherches faites jusqu'ici au niveau universitaire. En ce qui concerne la procédure d'examen que l'on propose ici, avez-vous les connaissances spécialisées nécessaires? Avez-vous suffisamment de scientifiques qui seraient indépendants des intérêts commerciaux, pour faire cet examen à l'heure actuelle?

Je vous questionne sur la question d'indépendance, l'absence de conflit d'intérêts et les connaissances techniques spécialisées. Avons-nous au Canada, à l'heure actuelle, l'aptitude nécessaire pour faire cet examen?

M. Brian Ellis: Il importe de faire une distinction entre le fait d'effectuer en réalité ces tests et d'en faire l'examen. Si tous ces tests devaient être effectués à l'université, je crois qu'il pourrait y avoir une pénurie de personnel et de ressources.

Le deuxième modèle, selon lequel les spécialistes de l'université examinent les tests, tant du point de vue de leur conception que de la façon dont les données sont analysées, cela serait certainement possible. C'est probablement un modèle plus réaliste. Une foule de recherches s'effectuent actuellement dans les universités bien entendu sous contrat avec les compagnies, et par conséquent les données sont recueillies par des chercheurs universitaires dans certains cas. Mais, bien entendu, toute la recherche se fait en vertu d'ententes confidentielles si bien qu'aucune des données n'est accessible au public.

Mais pour en revenir à votre argument initial, je pense que les connaissances spécialisées existent si on les utilise de façon efficace.

Je voudrais également expliquer que les techniques diagnostiques dont a parlé M. Brunk sont relativement nouvelles; par conséquent, en tant que comité d'experts, nous envisageons un scénario en vertu duquel nous posséderions des instruments plus puissants pour trouver des solutions que ceux dont on dispose depuis cinq ou dix ans. Les temps évoluent, et le comité d'experts est d'avis que nos méthodes d'évaluation devraient évoluer également.

• 1005

M. Joe Comartin: Sur la scène internationale, y a-t-il d'autres pays qui envisagent ce genre d'examen, ce qui est encore plus important, y en a-t-il qui ont commencé à mettre en oeuvre ce processus d'examen au niveau national?

M. Conrad Brunk: Oui. Il y a des rapports comme le nôtre qui sont publiés à la demande de la plupart des gouvernements nationaux. Juste avant la publication de notre rapport, le Conseil national de recherches des États-Unis a publié un rapport analogue qui, je dois dire, renfermait nombre de recommandations analogues à celles de notre rapport. L'Union européenne et les États-Unis ont publié de concert un rapport de consultation qui en fait est analogue, dans ses conclusions, au nôtre. Il y a d'autres organismes nationaux et internationaux qui font la même chose.

M. Joe Comartin: La recommandation que vous avez faite concernant le moratorium sur la culture de poisson transgénique a-t-elle suscité des réactions de la part de l'industrie? Ce que je veux savoir essentiellement c'est qu'il y a eu des réactions négatives ou si on a attaqué votre recommandation disant qu'elle était sans fondement?

M. Marc Fortin: Eh bien, la culture du poisson transgénique n'a pas encore été approuvée. Donc elle n'a pas encore été communiquée. Nous croyons qu'une demande de communication sera présentée sous peu. Mais elle n'a pas encore été présentée.

M. Joe Comartin: C'est tout, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Comartin. Maintenant nous avons M. Knutson suivi de M. Reed, Mme Redman, M. Charbonneau et le président.

Monsieur Knutson, je vous en prie.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Messieurs, j'ai un certain nombre de questions à vous poser et je me demande si vous pourriez les examiner le plus rapidement possible.

La première ressemble davantage à une observation. Vous avez passé pas mal de temps à expliquer votre façon de procéder et vous nous avez donné une sorte de table des matières relatant comment vous aviez procédé à votre analyse après quoi vous êtes passés immédiatement aux recommandations. Je n'ai pas lu le rapport et j'ai simplement trouvé que l'exposé d'aujourd'hui renfermait bien peu de conclusions. Je ne sais pas s'il y a une explication à cela. J'ignore si je dois supposer que toutes ces recommandations se rapportent à une conclusion.

Par exemple, le besoin de neutralité en matière de réglementation. Dois-je présumer qu'actuellement notre processus de réglementation n'est pas neutre? L'avez-vous constaté?

M. Brian Ellis: C'est une chose très difficile à évaluer. Je crois qu'on a l'impression que le processus de réglementation est susceptible de ne pas être neutre. Ce sont là des termes assez vagues, je sais. Mais la difficulté, c'est que, parce qu'il s'agit d'un processus confidentiel qui exige des interactions très étroites et permanentes entre les responsables de la réglementation et les partisans de la technologie, et ce, sans aucune évaluation extérieure de la façon dont le processus fonctionne ou de la justesse des résultats, cela crée à la fin un problème de perception.

M. Gar Knutson: L'essentiel de ce que je vous ai entendu dire, c'est que la technologie est bien en avance sur le processus de réglementation. Je crois que... Je ne suis pas sûr d'avoir bien entendu.

M. Brian Ellis: Je ne sais pas au juste comment définir «bien en avance», mais la technologie évolue très rapidement.

M. Gar Knutson: Par exemple, je crois que nous avons dit que nous n'avons pas de protocole pour déterminer si ces choses provoquent des réactions allergiques dans certains segments de la population. Ce serait...

M. Brian Ellis: Voilà en fait un domaine où la technologie n'est pas en avance sur le processus de réglementation; je disais plutôt que c'est la technologie elle-même qui a besoin de se développer. Selon le groupe, il ne se fait pas assez de recherche sur le contrôle du développement de l'allergénicité et le potentiel allergène des nouvelles protéines. C'est donc là pour lui une faiblesse de la recherche.

M. Gar Knutson: C'est une faiblesse de la recherche parce que le processus de réglementation n'ordonne pas de faire cette recherche, n'est-ce pas?

M. Brian Ellis: C'est probablement l'une des raisons pour lesquelles on manque de fonds de recherche, oui. Si le processus de réglementation exigeait une norme plus élevée en ce qui concerne l'évaluation du potentiel allergène, nul doute qu'il y aurait une augmentation du financement dans ce domaine.

• 1010

M. Gar Knutson: Pour ce qui est de la confidentialité, je suppose que le gros argument que l'on invoque contre elle, ce sont les droits commerciaux. D'autres pays ont-ils un système plus ouvert et plus transparent que celui que nous devrions adopter?

M. Brian Ellis: Cela varie d'un pays à l'autre. Le système américain, par exemple, est plus ouvert que celui du Canada. Mais aucun pays ne donne librement accès aux renseignements commerciaux, et il est irréaliste de s'attendre à ce que ce soit le cas.

Il y a cependant toute une atmosphère de secret qui enveloppe les renseignements commerciaux confidentiels au Canada, ce qui empêche vraiment les organismes de réglementation de fournir à la population la preuve concrète que les décisions en matière de réglementation sont les bonnes. Par conséquent, je crois même qu'ils trouvent frustrant d'avoir à garder secrète une aussi grande partie de ce qu'ils font, même des renseignements qui ont manifestement peu d'importance d'un point de vue commercial, mais parce qu'ils proviennent d'une entreprise qui applique les règles visant les RCC, ils sont automatiquement dissimulés.

M. Gar Knutson: Je veux dire que du point de vue de la politique publique il est facile de faire valoir que si les Américains le font et si le monde occidental a un système plus ouvert, nous devrions le faire aussi. Je vous demande donc si d'autres pays ont un système plus ouvert.

M. Conrad Brunk: J'aimerais bien que notre avocat, qui est un spécialiste de ce domaine, soit ici pour répondre à cette question. Mais nous, les membres du groupe, l'avons entendu en discuter, et entendu dire qu'il y a d'autres pays, par exemple les États-Unis, où, parce que les renseignements commerciaux confidentiels y sont mieux protégés par les brevets, les processus de réglementation peuvent être plus ouverts du fait que ces renseignements sont mieux protégés à d'autres niveaux—ce qui signifie que parce qu'ils sont moins bien protégés au Canada, le processus de réglementation a tendance à être plus fermé.

M. Gar Knutson: Très bien.

Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais je vais terminer par cette question-ci. L'essentiel de ce que vous avez dit est selon moi assez alarmant, quelque peu préoccupant. Je me demande si vous, qui êtes là depuis le début, vous êtes préoccupés ainsi.

Nous voulons un moratoire, mais seulement pour le poisson GM. Ne devrions-nous pas avoir un moratoire pour tout, jusqu'à ce que nous mettions en place tous ces autres processus? Vous avez proposé un moratoire pour le poisson GM, pour l'approbation du poisson GM, mais pas pour tout le reste. Que dois-je en conclure?

M. Brian Ellis: Allez-y, Conrad.

M. Conrad Brunk: L'une des raisons de choisir le poisson, c'est que la science à l'heure actuelle identifie déjà beaucoup mieux le pléiotrope imprévu et autres effets sur le poisson; et les interactions, les impacts de ces changements imprévus sur le milieu ambiant du poisson sont beaucoup plus évidents maintenant qu'ils ne le sont pour les plantes.

Pour ce qui est des plantes, je crois qu'il est juste de dire—et mes collègues peuvent me reprendre ici—que cela n'est pas aussi évident, même si nous demandons de faire plus de recherche dans ce domaine. Mais parce que cela est si évident pour le poisson, et à cause de la liberté des interactions écologiques—le poisson est mobile, la plante ne l'est pas—nous avons cru que cette demande se justifiait.

M. Brian Ellis: J'allais justement renforcer cet argument. Il arrive constamment que des poissons s'échappent des piscicultures. Mais une fois partis, ils ne reviennent plus. De fait, ils parcourent des milliers de kilomètres.

Le groupe a constaté avec inquiétude que nos recherches sur les pêches sont vraiment sous-développées par rapport à nos recherches sur les cultures. À bien des égards nous ne comprenons pas la biologie du poisson, et il serait prématuré de laisser aller des poissons génétiquement modifiés dans l'écosystème avant d'avoir une bien meilleure compréhension de ces interactions.

M. Marc Fortin: Pour en revenir à la question de savoir si nous étions alarmés ou pas, le rapport portait sur l'évolution de la technologie transgénique. Nous croyons que les plantes transgéniques que nous avons actuellement sur le marché représentent des modifications génétiques plutôt simples. La technologie va pouvoir produire un jour des modifications plus complexes. À cause de l'incertitude des effets potentiels et du manque de connaissance des effets des manipulations génétiques plus complexes—et nous ne parlons pas d'effets négatifs ou nocifs—nous devons être prudents.

• 1015

Peut-être que dans cinq ans, comme M. Brunk l'a dit, nous allons pouvoir dire: «Bien, nous n'avons détecté aucun effet nocif ou imprévu», puis nous pourrons assouplir la réglementation.

M. Gar Knutson: Je trouve alarmant qu'il ne se fasse aucune recherche universitaire indépendante. Je ne dis pas que quelque chose va sauter quelque part, mais je trouve tout simplement alarmant ce que vous venez de dire.

Le président: Peu importe que vous insistiez pour dire que vous étudiez l'avenir, vous ne pouvez étudier l'avenir sans analyser le présent et les leçons du passé. Nous entrons donc ici dans une dimension très intéressante.

Merci beaucoup.

Monsieur Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je présume que la transgénèse est la branche de la biotechnologie sur laquelle vous vous êtes concentrés. Nous sommes engagés dans la biotechnologie depuis plus d'un siècle sous une forme ou une autre. Y a-t-il d'autres préoccupations dans ce domaine?

Je vais vous donner un exemple. Il y a 40 ans, nous utilisions des agents de modification métabolique pour les aliments du bétail, ou pour le bétail en général. Nous avons découvert que certains étaient inacceptables à long terme, et d'autres sont passés inaperçus dans le système. En est-il question dans l'étude biotechnoloque au même titre que la transgénèse?

M. Brian Ellis: Je crois qu'il est juste de dire que le groupe s'est consacré presque exclusivement aux organismes génétiquement modifiés. C'est là que résident la majorité des controverses et des incertitudes. Mais vous avez raison: nous manipulons de nombreux aspects de notre système de production alimentaire depuis des décennies, voire depuis des siècles. Une partie de ces interventions ont très bien tourné. Une bonne partie ont très bien tourné, apparemment, mais nous avons eu des problèmes, aussi, certains problèmes non biotechnologiques.

M. Julian Reed: Vous êtes en train de parler à un vrai néophyte ici. Y a-t-il des phénomènes transgéniques dans la nature?

M. Brian Ellis: Je suis heureux que vous posiez cette question. La découverte qui a en fait permis d'avoir des cultures génétiquement modifiées, ce fut celle de la bactérie du cancer végétal, un agent pathogène qui cause des galles sur des plantes comme les plants de vigne et les framboisiers. C'est une maladie relativement mineure dans la plupart des cas, mais quand la biologie a fait l'objet d'études, on a découvert que l'agrobactérie transférait en permanence des gènes dans la plante.

Par conséquent, chaque fois que vous voyez une galle sur un framboisier ou un plant de vigne, vous êtes en présence d'une plante génétiquement modifiée, qui l'a été par la bactérie pour ses propres fins, mais il s'agit bien d'une plante transgénique.

M. Julian Reed: L'étude parle aussi d'une recommandation qui propose d'abandonner les marqueurs responsables de la résistance aux antibiotiques. Je me demande si vous pourriez nous expliquer cela. Ayant assez bien connu le milieu de l'alimentation il y a des années, je sais que l'usage systématique d'antibiotiques pour les aliments du bétail a produit des résistances que nous ne voulions pas avoir et a fini par entraîner des effets très négatifs. Je me demandais si cette question porte sur ce sujet.

M. Marc Fortin: Vous avez raison de dire que les antibiotiques sont utilisés, parfois massivement, dans la production animale. Peut-être que les gènes résistant aux antibiotiques qui ont été incorporés dans des plantes transgéniques ne représentent pas vraiment une menace pour la santé. C'est bien possible.

• 1020

Il existe toutefois des technologies qui peuvent remplacer les marqueurs antibiotiques lorsqu'il s'agit de produire des plantes génétiquement modifiées. Nous disons que, étant donné qu'il y a d'autres technologies, qu'il y a une certaine incertitude pour ce qui est des effets éventuels sur la santé des gènes résistant aux antibiotiques dans les plantes, nous pourrions aussi bien cesser de les utiliser et nous tourner vers d'autres technologies.

M. Julian Reed: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Reed.

Madame Redman, puis M. Charbonneau, M. Laliberte, et le président.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à tous d'être venus comparaître ici aujourd'hui.

Monsieur Brunk, c'est particulièrement agréable de voir quelqu'un de ma ville. Je suis heureuse de voir que nous partageons des connaissances ici.

L'un des problèmes que beaucoup de membres ont évité... Greenpeace Canada a déclaré que votre rapport est en fait un réquisitoire contre le système actuel. Le groupe croit-il que le processus de réglementation actuel pose des risques inacceptables au Canada?

M. Conrad Brunk: Il ne serait pas juste de tirer cette conclusion de notre rapport, parce que nous n'avons pas examiné en profondeur les protocoles et les essais, de même que les évaluations de risques qui ont été faites pour les cultures actuelles sur le marché.

Notre processus est un processus ouvert. Selon le processus du groupe d'experts de la Société royale, nous devons rendre public tout le contenu de notre rapport et tout ce qui est à la base de nos décisions. Cela signifie que les renseignements confidentiels qui font partie des évaluations faites par les organismes de réglementation ne pourraient pas nous être transmis, parce que nous ne pourrions pas en garantir la confidentialité. Par conséquent, nous n'avons pas eu tous les renseignements que nous aurions dû avoir pour savoir avec certitude quel niveau d'essai s'est appliqué aux produits actuellement sur le marché.

Nous avons eu des conversations avec les intéressés. Nous avons examiné tous les critères qu'ils ont publiés pour leurs exigences, qu'ils donnent aux entreprises, et nous avons dit comment selon nous il fallait les renforcer. Mais vous ne pouvez pas conclure, d'après notre rapport, que nous avons fait des recherches sur les évaluations faites pour les produits actuels et que nous disons avec assurance que nous savons qu'ils n'ont pas subi d'essais au niveau dont le public devrait se préoccuper. Ce n'est pas ainsi que nous avons interprété notre mandat, qui était plutôt de prévoir, comme mes collègues l'ont dit, les technologies plus complexes qui s'annoncent à l'horizon et de dire: «c'est ce dont nous avons besoin.» Mais nous n'avons pas dit non plus qu'ils sont selon nous sans danger.

Mme Karen Redman: Merci.

Des fonctionnaires du ministère de la Santé ont aussi parlé du groupe. Ils ont été jusqu'à dire que vous ne compreniez pas l'application des politiques fédérales. Croyez-vous que vous avez eu suffisamment accès aux documents ministériels pour comprendre l'application actuelle des politiques?

M. Conrad Brunk: Ce fut un problème pour nous, pour les raisons que je viens de mentionner. L'une d'elles, c'était les exigences en matière de confidentialité pour les organismes. Notre publicité a créé un problème ici. Nous avons donc dû nous fier à ce qui était annoncé et disponible publiquement, et c'était loin d'être complet.

Mme Karen Redman: Était-ce suffisant, ou pouvez-vous même le dire si vous ne savez pas quels étaient les renseignements que vous n'avez pas vus?

M. Conrad Brunk: Si notre mandat avait été d'évaluer la pertinence de la pratique actuelle, alors les renseignements que nous avions ne nous auraient pas permis de parvenir à une conclusion.

Mme Karen Redman: Un autre sujet, qu'a abordé mon collègue, M. Comartin, je crois, concerne les conflits et les tensions qui peuvent être considérés comme faisant partie du processus, qu'il s'agisse de la commercialisation ou de la bonne science pure, et de ce qui protège les Canadiens. De quels conflits d'intérêts le groupe a-t-il été saisi? Y en avaient-ils qui étaient plus répandus que d'autres?

• 1025

M. Conrad Brunk: L'un des conflits d'intérêts que nous avons identifiés très clairement concernait les chercheurs eux-mêmes, notamment les chercheurs universitaires. Il s'agit ici d'une technologie qui a une valeur commerciale considérable, et bon nombre de chercheurs universitaires comptent profiter beaucoup du fait de pouvoir traduire leurs idées en production commerciale, ce qui a tendance à faire dévier la recherche dans une certaine direction, vers le développement. Cette situation est renforcée par le fait que de plus en plus nos organismes gouvernementaux chargés d'octroyer des subventions à la recherche demandent aux chercheurs de participer à des partenariats avec l'industrie et d'autres personnes afin de pouvoir obtenir une subvention de recherche, ce qui crée un conflit d'intérêts pour ce qui est du programme de recherche.

Je voulais apporter cette précision plus tôt, en réponse à ceux qui ont demandé si la recherche universitaire est plus indépendante que les autres genres de recherche. Elle l'est en principe, mais si nous insistons de plus en plus pour que la recherche universitaire se fasse en partenariat avec ceux qui ont d'importants intérêts commerciaux dans le développement de la technologie, et si le gouvernement finance de moins en moins la recherche consacrée à la protection des intérêts de la population et de l'environnement, alors nous aurons un grave conflit d'intérêts, que le groupe a identifié.

Le président: Merci.

Monsieur Charbonneau, suivi de M. Laliberte, M. Lincoln, et du président.

[Français]

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, je veux justement poursuivre avec une dernière question.

M. Brunk vient de nous faire voir la limite possible de l'objectivité en matière de recherche scientifique en milieu universitaire. Il y a des situations où on peut, là aussi, trouver des conflits d'intérêts.

Plus tôt, le professeur Fortin nous a dit que si le gouvernement se fait le promoteur des biotechnologies tout en subventionnant des recherches dans le domaine, il peut y avoir, là aussi, un problème d'objectivité.

Comment peut-on contourner cela? On ne peut pas dire, bien entendu, que le meilleur lieu d'objectivité se trouve chez les entreprises puisqu'elles ont un intérêt commercial dans cette question. Si les entreprises ne peuvent être objectives, si le gouvernement ne peut l'être parce qu'il travaille parfois à promouvoir les biotechnologies, si les universités sont aux prises avec des problèmes de conflit d'intérêts, où va-t-on trouver la formule qui va faire avancer la recherche de manière rassurante pour la population?

[Traduction]

M. Conrad Brunk: Heureusement, les organismes gouvernementaux qui financent la recherche universitaire ne sont généralement pas ceux qui favorisent ou réglementent telle ou telle industrie, comme la biotechnologie. Je crois que la population fait entièrement confiance au gouvernement pour financer la recherche indépendante. À mon avis, la meilleure façon de financer la recherche indépendante, c'est de faire appel à des services gouvernementaux indépendants. Ce financement ne provient pas d'organismes gouvernementaux qui favorisent nécessairement une technologie.

C'est une question distincte, je crois, de savoir si les organismes qui réglementent une technologie sont les mêmes que ceux qui la favorisent. Cela présente un problème. Plus les organismes de réglementation peuvent être indépendants des organismes gouvernementaux qui favorisent la technologie, plus la population aura confiance dans le processus de réglementation. Je crois que nous pouvons citer des exemples de ce problème dans le monde entier. Par exemple, le ministère britannique de l'Agriculture et des Pêches a éprouvé de sérieux problèmes à cause de la ESB parce qu'il était tellement perçu comme étant le défenseur de l'industrie, et de certaines pratiques de l'industrie qui ont fini par être associées à la crise de la ESB, que ses propres décisions en matière de réglementation et ses tentatives de contrôler le problème n'inspiraient aucune confiance.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Ce sera donc en maintenant un cloisonnement le plus étanche possible entre les agences de réglementation et les autres qu'on pourra en arriver à une solution.

• 1030

J'ai une question reliée aux recommandations qui nous parlent de la nécessité de la recherche à long terme. Le groupe d'experts en parle, et certaines organisations liées à l'environnement demandent qu'avant d'accepter un organisme génétiquement modifié, on mène une étude à long terme sur ses effets.

Vous avez formulé votre recommandation d'une manière un peu différente. Vous demandez à votre recommandation 5.7:

    ...l'établissement d'un programme national de recherche pour effectuer un suivi sur les effets à long terme des organismes GM sur l'environnement, la santé...

Donc, ce ne serait pas une recherche à long terme qui précéderait la mise en marché d'un organisme génétiquement modifié, mais une recherche à long terme qui suivrait la mise en marché d'une organisme génétiquement modifié, si je comprends bien ce que vous dites ici. De toute façon, cela me paraît plus sensé, parce que si on fait une étude à long terme avant, cela risque d'être long. Quelle est la durée du long terme? Vingt ans? Trente ans? Deux générations? Parlez-vous bien d'une étude de suivi? Est-ce votre manière à vous de répondre à ceux qui réclament des études à long terme avant l'introduction d'organismes génétiquement modifiés sur le marché?

M. Marc Fortin: Nous vous proposons deux choses, en réalité. Nous vous proposons des études de suivi à long terme, après la mise en marché. Nous proposons aussi des études plus approfondies avant la mise en marché, avant l'approbation, des études approfondies qui auraient pour but, comme je le disais plus tôt, d'établir avec la meilleure expertise scientifique possible l'absence d'effets délétères. On n'arrivera jamais à un risque zéro. En biologie, on n'arrive jamais à un risque zéro, mais il faut réduire l'incertitude scientifique à une barre qui soit acceptable. Dans ce sens-là, nous recommandons des études plus approfondies avant l'approbation et après l'approbation.

Il faudra faire les études de façon intelligente, c'est-à-dire en fonction des modifications génétiques qui seront présentées au réglementeur. Avec les connaissances qui vont s'accumuler internationalement, je pense qu'il sera de plus en plus facile de réduire l'incertitude scientifique.

M. Yvon Charbonneau: Voici ma dernière question, monsieur le président. C'est une question qui a déjà été soulevée par ma collègue Redman, mais j'aimerais y revenir. Il s'agit des rapports entre votre groupe de travail et Santé Canada.

Je suis aussi secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, et le ministre a souligné la qualité de votre travail et son intérêt quant à la mise en oeuvre de vos recommandations. Cependant, certains fonctionnaires de Santé Canada ont fait une mise au point en soulignant que le groupe n'avait peut-être pas saisi exactement ce dont il s'agit, en ce qui a trait à Santé Canada.

Tout à l'heure, j'ai cru comprendre que M. Brunk nous disait que vous aviez dû vous en tenir à ce qui était public. Est-ce à dire que vous n'avez pas eu de rencontres privées avec les fonctionnaires de Santé Canada, que vous n'avez pas eu le loisir de bien examiner leurs procédures, leurs théories en la matière et leurs dossiers, que vous n'avez pas été capables de le faire ou qu'on vous l'a refusé? Qu'est-ce qui s'est passé exactement?

Étant des élus, nous avons à répondre à des questions de la population ou de l'opposition. Souvent, les gens profitent de ces dissonances entre les organismes pour se faire croire ou dire qu'il y a peut-être des choses qui ont été cachées ou quoi que soit d'autre. Est-ce qu'on vous a caché des choses? Qu'est-ce qui s'est passé exactement? Avez-vous tenté de vérifier après coup, après le rapport? Avez-vous eu des rencontres additionnelles pour clarifier ça? Je voudrais que vous dissipiez cette confusion si c'est possible.

M. Marc Fortin: Nous avons eu une première rencontre en mars ou en avril 2000, au début des travaux du comité d'experts, à laquelle nous avons demandé aux agences gouvernementales de nous faire parvenir l'ensemble de la documentation sur leurs procédures, leurs procédés et la réglementation qui est présentement en place. On nous a fait parvenir une quantité considérable de documents. Nous les avons examinés et nous avons demandé des clarifications par la suite. Dans certains cas, on nous a fourni des clarifications.

• 1035

Nous avons ensuite fait des entrevues avec quatre représentants des organismes de réglementation en août 2000, où nous avons posé des questions et obtenu des réponses visant à clarifier les procédures et la réglementation qui étaient en place. Nous avons obtenu leur collaboration. À chaque demande que nous avons faite, nous avons reçu des réponses du personnel des agences de réglementation, mais il n'en reste pas moins que nous n'avons obtenu que les documents publics puisque nous n'étions pas en mesure d'assurer la confidentialité des documents qui nous seraient remis.

M. Yvon Charbonneau: Depuis la parution du rapport, est-ce qu'il y a eu des échanges supplémentaires à la suite de ces remarques faites par certains fonctionnaires? Avez-vous eu l'occasion de vous expliquer avec eux et d'avoir de l'information complémentaire? Ils disent que vous n'avez peut-être pas saisi exactement la situation. S'ils n'ont pas mis de matériel à votre disposition, c'est un peu normal, mais s'ils en ont mis... Avez-vous reparlé de cela avec eux?

[Traduction]

M. Conrad Brunk: Nous avons fait des démarches pour rencontrer des fonctionnaires de Santé Canada et de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Nous avons eu des conversations avec eux. Ils ont dit vouloir nous parler de la mise en oeuvre des recommandations du rapport.

J'ai aussi eu l'occasion de discuter de façon informelle avec certains fonctionnaires de Santé Canada pour savoir si nous avions pris connaissance de tous les documents que nous aurions dû demander. Maintenant, avec le recul, il est évident qu'il y a probablement eu des malentendus au sujet de renseignements que nous demandions. Lors de notre réunion, nous avons demandé des renseignements supplémentaires, que nous n'avons pas obtenus, et après avoir parlé aux fonctionnaires, je suppose que c'était un malentendu. Je ne pense pas qu'il y ait qui que ce soit parmi nous qui estime que c'était délibéré. Mais il y a des renseignements que nous n'avons pas obtenus que nous pensions avoir demandés.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Est-ce que vous les avez reçus maintenant? Est-ce qu'on vous les a remis?

[Traduction]

M. Conrad Brunk: Non.

Le président: Merci.

[Français]

Merci, monsieur Charbonneau.

[Traduction]

Il y a M. Laliberte, M. Lincoln, le président, puis de plus en plus de membres qui veulent poser une deuxième série de questions, ce qui me fait conclure que nous pourrions devoir tenir une autre réunion jeudi matin, si les témoins sont disponibles.

Monsieur Laliberte, s'il vous plaît.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): Bonjour messieurs.

Je veux aborder quelques recommandations et peut-être l'absence d'une recommandation sur un point.

La première recommandation sur laquelle j'aimerais me pencher est celle de l'examen par les pairs. Vous en avez fait une question importante. Si je regarde les membres de votre groupe d'experts, ce ne sont pas nécessairement des groupes constitués de pairs qui sont créés ici pour produire ce rapport à ce niveau. Devrait-il y avoir un plus grand équilibre, une plus grande représentation des disciplines auxquelles on fait appel pour l'examen, plutôt que des pairs qui sont peut-être uniquement des généticiens ou des spécialistes en produits alimentaires? A-t-on besoin d'un plus grand nombre de pairs scientifiques, d'une plus grande représentation des disciplines, pour examiner cette question?

M. Brian Ellis: Pourriez-vous préciser à quel niveau d'examen vous songez? Parlez-vous de l'examen des décisions d'ordre réglementaire pour lesquelles, par exemple, nous avons demandé la mise sur pied d'un groupe d'experts indépendants qui examineraient ces décisions? Est-ce à ce niveau d'examen que vous pensez?

M. Rick Laliberte: Je pensais uniquement à votre recommandation lorsque vous avez souligné qu'un des sujets était «besoin de recherche dans l'examen par les pairs». Dans une très grande majorité vous dites que nous n'avons pas toutes les réponses, de sorte que nous devons faire de la recherche à ce sujet, et un des sous-sujets était l'examen par les pairs. Je pense qu'il y a beaucoup des questions reliées aux préoccupations des consommateurs ou des producteurs qui portent sur le fait de savoir si nous devrions avoir non seulement des pairs dans ce domaine spécialisé, mais aussi une représentation des disciplines pour examiner le processus des produits génétiquement modifiés.

• 1040

M. Brian Ellis: Je pense que vous avez probablement la recommandation 9(3) sous les yeux qui veut que les organismes mettent en place une évaluation régulière par les pairs des évaluations des risques sur lesquelles se fondent les approbations, et que ces évaluations soient effectuées par un comité d'experts externes, non gouvernementaux, et indépendants. Vous demandez si la composition du groupe d'experts devrait être élargie et s'étendre à des spécialistes autres que des généticiens et des biologistes moléculaires.

À ce sujet, je ne peux que formuler mon opinion personnelle. Je pense que oui, il doit y avoir un groupe d'experts plus diversifié qui comprend des généticiens, des biologistes moléculaires et des écologues. Mais il y a des questions, pour ce qui est des répercussions, par exemple, qui comportent des aspects non scientifiques, qui doivent aussi être représentés dans le processus d'examen.

M. Rick Laliberte: La liste de vos principales recommandations n'inclut pas l'étiquetage. Évidemment, toute la question de l'étiquetage obligatoire et volontaire est le sujet du jour. L'autre chose, c'est que les OGM sont nouveaux, et que le fardeau de la preuve semble incomber aux agriculteurs et producteurs de produits biologiques. Il leur incombe de prouver qu'ils ne touchent pas à des OGM, et cela gâche en quelque sorte l'aspect concurrentiel relié à ce secteur d'activité. Je pense que l'étiquetage est une préoccupation des producteurs et des consommateurs. Toute cette question est litigieuse à l'échelle nationale comme internationale.

M. Brian Ellis: Plusieurs aspects sont touchés ici. En bout de ligne, l'étiquetage ne sera probablement possible qu'avec une piste de vérification complète, depuis le producteur jusqu'au détaillant, en passant par le transformateur. Sinon, il est difficile de concevoir de quelle façon une étiquette significative pourrait être apposée au produit définitif, exclusion faite des fruits et légumes frais—ils sont faciles à étiqueter. Si ce mécanisme doit être mis en place, il entraînera certainement une augmentation du coût des aliments.

La question des agriculteurs biologiques est un véritable défi, parce qu'ils ont dit que le mot «biologique» n'inclut aucun organisme génétiquement modifié. Compte tenu de la pollinisation croisée de certaines cultures, et du fait que le pollen se déplace, le colza canola étant l'exemple parfait, il est difficile de concevoir que vous puissiez avoir une exploitation biologique à proximité des terres d'un agriculteur qui cultive des produits MG. Ce n'est pas évident pour le groupe d'experts de savoir comment cette question peut être résolue. Ce sera un véritable défi.

M. Rick Laliberte: Toujours en rapport avec cette question, quelqu'un a soulevé l'aspect international, mais on n'a identifié aucun organisme de réglementation international sur le sujet. Se passe-t-il quelque chose dans le cadre du PNUE ou est-on en train de reconnaître une autorité en la matière? Parce qu'il y a des questions d'éthique, des répercussions commerciales qui nous touchent, et je pense que nous devons avoir des liens à l'échelle internationale. Je pense qu'il faut que ce soit simultané—vous ne pouvez tout simplement pas régler les questions nationales, puis attendre de voir où nous nous situons à l'échelle internationale. L'effort est simultané, à l'échelle régionale, locale et internationale.

M. Brian Ellis: Vous avez raison. Aucun pays dans un contexte de libre-échange ne peut décider seul de ces questions, de sorte que les décisions très importantes vont être prises au niveau des organismes internationaux qui essaient de déterminer les normes sur lesquelles le libre-échange se fondera. Ces organismes comprennent évidemment le Codex, la FAO et l'OMS, et ces normes sont ensuite utilisées par l'OMC pour régler les différends commerciaux.

Il y a beaucoup de travaux qui se font dans ce domaine, et les rapports que produisent les administrations nationales et les organismes indépendants des différents pays sont examinés très minutieusement. Je suis convaincu que le rapport de la Société royale fera l'objet d'un examen très minutieux. De fait, j'assistais à une réunion de l'OMS la semaine dernière à Genève et ce rapport et d'autres y faisaient l'objet d'un examen très attentif de la part des personnes qui établiront les normes internationales.

• 1045

M. Rick Laliberte: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Lincoln, s'il vous plaît.

M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Je lisais certaines de vos recommandations, et il était étonnant de voir à quel point les mêmes questions refont surface, celles dont nous traitions lorsque nous parlions des pesticides. Je fais référence à l'examen des pesticides dans le rapport. On dirait que ce sont pratiquement des questions génériques touchant toutes les questions controversées, qu'il s'agisse de biotechnologie ou de produits chimiques par rapport à la réglementation, à l'innocuité et à la santé humaine. Les mêmes questions semblent rester.

Une des questions est celle des renseignements commerciaux confidentiels, qui limite un système ouvert et transparent. Une autre question est celle du principe de précaution: devrions-nous l'adopter, le modifier, le limiter, ou ne pas du tout en tenir compte? Il y a aussi celle du conflit d'intérêts touchant la promotion par rapport à la réglementation, qui existe de fait entre certains ministères. Un ministère met en valeur le producteur tandis qu'un autre essaie de protéger la santé humaine ou l'environnement.

Toute la question du fardeau de la preuve et de l'inversion du fardeau de la preuve semble continuellement faire surface, sans oublier l'incitation morale pour une évaluation préalable des risques écologiques ou une nouvelle évaluation lorsque l'on dispose de connaissances plus exhaustives. Et il y a toute la question de l'examen par les pairs.

J'aimerais parler de vos recommandations 8.2 et 8.3. En 8.1, vous rejetez «l'équivalence substantielle» à la faveur d'un système qui fait porter le fardeau de la preuve par le producteur. Puis vous ajoutez que selon les lois et les règlements actuels, il incombe véritablement au producteur de démontrer que ses produits ne présentent aucun effet délétère pour la santé humaine et l'environnement. Ensuite, lorsque nous examinons la recommandation 8.3, nous savons qu'il est absolument impossible de garantir l'innocuité d'un produit parce que l'expérience nous démontre que nous le savons uniquement lorsque des problèmes surgissent.

Puis, vous avez laissé entendre qu'il devrait y avoir une nouvelle évaluation immédiate, et vous avez fait part de l'expérience britannique dans le cadre de laquelle, suite à un sentiment très ténu de précaution, ils ont mis fin au processus. Cela nous ramène à ce dont vous parliez, l'OMS et l'OMC, où il semble une fois de plus qu'il y ait un conflit d'intérêts. L'OMS évidemment favorise la santé humaine, tandis que l'OMC favorise le commerce. J'ai lu un document récemment dans lequel l'OMC dit considérer le principe de précaution et l'inversion de la charge de la preuve comme des obstacles au commerce et qu'ils seraient déclarés invalides en ce qui concerne le commerce.

Comment faisons-nous pour concilier toutes ces choses? Est-ce que les gouvernements ne devraient pas dire que le principe de précaution, le fardeau de la preuve qui incombe au producteur, et un système transparent de réglementation et d'évaluation des examens devraient primer, peu importe le ministère qui le met en oeuvre? Est-ce que cela ne devrait pas être une priorité de tout gouvernement, sans tenir compte du commerce ou de toute autre question? En d'autres mots, ne devrions-nous pas mettre au tout premier rang l'environnement et la santé humaine? Ai-je raison de penser qu'il s'agit d'une orientation de votre rapport?

M. Conrad Brunk: Oui. Nous commençons par reconnaître que la version provisoire du principe de précaution a déjà été entérinée au niveau international, en particulier dans le protocole de Carthagène et l'accord de Montréal, ainsi que dans la plupart des politiques annoncées par les gouvernements nationaux qui sont partenaires dans le régime du libre-échange. Ils ne s'entendent pas tous sur la signification du principe de précaution, et vous en avez relevé les éléments critiques.

Le chapitre de notre rapport qui porte sur le principe de précaution essaie de présenter chacune des questions que vous avez soulevées d'une façon très minutieuse—ce que veut dire attribuer le fardeau de la preuve; comment vous composez avec le fait qu'il est impossible scientifiquement de démontrer l'innocuité d'un produit—et ce n'est pas du tout ce qu'exige la nécessité du principe de précaution. Nous croyons comprendre que le principe de précaution est essentiellement un ensemble de lignes directrices qui permettent de composer avec les incertitudes du point de vue scientifique, et nous énonçons ce que nous pensons que devraient être les lignes directrices dans le cas des incertitudes scientifiques.

• 1050

De plus, il porte sur l'attribution du fardeau de la preuve. Il porte aussi sur les normes de preuve, qui doivent être assouplies s'il faut attribuer le fardeau de la preuve ou les preuves d'innocuité. C'est donc une question très complexe.

Un des points intéressants que nous n'avons pas mentionné a trait aux procédures concernant les groupes d'experts à la Société royale du Canada. Tous les rapports sont assujettis à un examen scientifique par les pairs. Notre rapport a été envoyé à un groupe de pairs anonymes, au même titre qu'une publication scientifique. Un des points intéressants signalé par plusieurs pairs était que le chapitre sur le principe de précaution était un des meilleurs traitements de la question qu'ils avaient eu l'occasion de voir. De fait, ils encourageaient une publication indépendante de ce chapitre. Donc, je pense que nous, au sein du groupe d'experts, estimons qu'il s'agit d'une importante contribution, et nous espérons que les gens le liront attentivement.

M. Clifford Lincoln: Si je peux me permettre, monsieur le président, comment pouvons-nous nous consoler du fait que...? Nous avons entendu des fonctionnaires de certains de nos ministères qui jouaient sur les mots, qui refusaient d'accepter que les mots «principe de précaution» fassent partie d'un traité ou d'une convention à l'échelle internationale, sans mentionner nos lois. Nous nous battons parfois pour qu'ils soient inclus dans les lois sur la santé. Ces mots sont devenus en quelque sorte une forme de peste. Nous ne les mentionnons pas, ou nous les mentionnons d'une autre façon, de sorte qu'en les mentionnant d'une autre façon, nous pouvons les interpréter en fonction de ce que les autorités ou l'OMC veulent qu'ils signifient.

Maintenant que nous avons déterminé cela à Rio, maintenant que votre rapport est public, maintenant que l'OMS, qui fait la promotion de la santé humaine... Est-il possible que nous puissions avoir une orientation nationale et internationale pour examiner les questions du principe de précaution, du fardeau de la preuve, et une définition beaucoup plus vaste des renseignements commerciaux confidentiels acceptables pour l'OMC? N'est-ce pas ce vers quoi nous devrions tous tendre? Peu importe ce que nous disons ici, si l'OMC le rejette, il semble qu'elle soit devenue l'organisation suprême mondiale qui régit l'OMS et la totalité des traités et organismes environnementaux. C'est l'organisme qui détient le pouvoir. Ne devrions-nous donc pas essayer de les faire accepter comme principes fondamentaux de pratiquement tous les droits liés à l'environnement et à l'humain et de tous les droits en matière de santé?

M. Conrad Brunk: Vous posez une question de politique très vaste sur le système international de réglementation qui, je pense, va au-delà de la compétence du groupe d'experts. Cependant, personnellement, je peux dire que je consacre une partie de mon temps à ces organismes internationaux, et mon impression est que le principe de précaution est de plus en plus reconnu comme un principe important, bien que l'on ne s'entende pas toujours sur la façon de l'interpréter. Je peux seulement dire que notre rapport a déterminé qu'il s'agissait d'une approche importante et légitime de la réglementation de la biotechnologie, et qu'il essaie aussi d'en énoncer une interprétation qui, selon nous, serait traitable dans ce contexte de réglementation internationale.

Le président: Merci.

• 1055

Dans le numéro du 6 février du Chronicle-Herald, Dennis Bueckert, de la Presse canadienne, disait que les, et je cite, «bureaucrates disent que les scientifiques ne comprennent pas les politiques». Qu'en pensez-vous?

M. Brian Ellis: C'était peut-être le commentaire concernant notre interprétation du principe de l'équivalence substantielle et de la façon dont il était peut-être repris par le système canadien de réglementation. Je pense que cette question soulevait énormément de sensibilité.

Nous n'avons pas prétendu qu'ils s'en servaient de façon inappropriée, mais nous estimions qu'il y avait suffisamment d'ambiguïté quant à la façon dont le principe était enchâssé dans le processus de réglementation et quant à la façon dont il semblait être mis en oeuvre lorsque nous avons parlé à leur personnel. Il fallait de toute évidence préciser ce point, et nous avons par conséquent produit un énoncé qui, je pense, est très clair sur la façon dont l'équivalence substantielle pourrait être utilisée de façon appropriée. Mais il y avait très certainement de la sensibilité autour de cette question.

Le président: Et comment expliquez-vous ce degré de sensibilité?

M. Brian Ellis: Sans l'interpréter à leur place, je pense qu'ils estiment l'avoir utilisé de façon appropriée—peut-être de la façon que nous recommandons qu'il soit utilisé—et ils estiment qu'ils ne sont pas coupables de l'avoir diffusé d'une façon peut- être un peu plus libre et facile, si je peux m'exprimer ainsi.

Conrad.

M. Conrad Brunk: J'aimerais faire remarquer que ce ne sont pas les seuls commentaires qui ont été faits par des fonctionnaires d'organisme, et que les nombreuses personnes qui ont lu le rapport ne donneraient pas la même réponse.

Je pense qu'il n'en demeure pas moins que nos commanditaires ont demandé à nous rencontrer et à discuter de ces choses. Maintenant qu'ils ont lu le rapport et qu'ils ont eu le temps d'y réfléchir, ils nous disent qu'il y a de nombreux points qui, selon eux, pourraient être très utiles. Ils veulent entreprendre un processus positif de consultation, et je pense que l'évaluation réfléchie du rapport est vraiment ce à quoi il faudrait se fier en bout de ligne.

Le président: Dans l'exposé que vous avez fait ce matin, vous avez pris la peine de nous dire ce que ne comprenait pas votre mandat. Qu'est-ce qui vous a incité à prendre ce temps pour nous dire ce que votre mandat ne comportait pas? Quel en était le motif?

M. Conrad Brunk: Bonne question.

Le groupe d'experts a fait l'objet de très vives critiques de la part de certaines personnes pour ne pas avoir tenu compte des avantages, et pour avoir par conséquent donné un point de vue très biaisé de la situation en ce qui concerne la biotechnologie. Pour mettre en contexte ce que notre rapport dit et ce qu'il ne dit pas, il fallait préciser ce qu'était notre mandat.

Le président: Et d'où viennent les critiques?

M. Conrad Brunk: J'en ai lu beaucoup dans les journaux.

Le président: Oui, mais les journaux ne faisaient pas de critiques. D'où vient la critique?

M. Conrad Brunk: Je suppose que les personnes qui estiment qu'il est important de mettre en lumière les avantages de la technologie et qui estimaient que le rapport ne le faisait pas en ont fait une critique amère.

Le président: Conviendrait-il, alors, de conclure que la critique venait de scientifiques du secteur privé?

M. Conrad Brunk: J'ai vu très peu de critiques de la part de scientifiques. J'ai vu des critiques de la part de personnes qui prétendent représenter l'industrie ou parler en son nom. Que ce soit le cas ou non, je ne le sais pas.

Le président: Le chapitre 9, incontestablement un chapitre très important—sans atténuer l'importance des autres—identifie les facteurs qui contribuent à l'émergence de sérieuses inquiétudes et je cite, concernant:

    ... l'affaiblissement des assises scientifiques de la réglementation du risque au Canada:

    -le conflit d'intérêts découlant de l'attribution aux organismes de réglementation des mandats de (1) promotion du développement de la biotechnologie agricole et (2) sa réglementation;

    —les obstacles de la confidentialité qui compromettent la transparence et l'ouverture à l'examen par des pairs des résultats scientifiques sur lesquels sont fondées les décisions en matière de réglementation; et

    —des conflits d'intérêts importants et croissants au sein de la communauté scientifique engendrés par le climat entrepreneurial dans lequel baigne l'émergence de nouvelles technologies...

Vous en tenez-vous encore à ces trois déclarations?

• 1100

M. Conrad Brunk: Oui, tous les membres du groupe d'experts s'en tiennent à ces déclarations contenues dans le rapport.

Le président: Merci.

Le chapitre 9 se termine par le paragraphe suivant:

    Cette cooptation de la biotechnologie par des intérêts commerciaux contribue à l'érosion globale de la confiance du public dans l'objectivité et l'indépendance de la science sur laquelle repose la réglementation de la biotechnologie alimentaire. Cela diminue grandement les ressources scientifiques mises à la disposition des organismes gouvernementaux de réglementation de la technologie et partant, la fiabilité de ses assises scientifiques. Cette situation va bien au-delà du pouvoir des organismes de réglementation gouvernementaux de trouver eux-mêmes des solutions. Au lieu de cela, ils subissent les conséquences de ces rapports changeants au sein de la société dans la mesure où la base des connaissances dont ils dépendent pour évaluer les risques technologiques est amoindrie. Le groupe d'experts estime, d'une part, qu'il s'agit d'un grave problème de politique gouvernementale lié au financement public de la recherche scientifique indépendante effectuée dans les universités et que, d'autre part, seuls ceux qui formulent et mettent en oeuvre ces politiques au sein du gouvernement peuvent y trouver une solution.

Vous vous en tenez à cette déclaration également.

M. Conrad Brunk: Oui.

Le président: Si vous regroupez les principales recommandations du chapitre 9 ainsi que celles du chapitre 5 et d'autres, que proposeriez-vous pour que les produits de la biotechnologie soient mis en marché en toute sécurité?

M. Conrad Brunk: Ce qui nous inquiète, c'est que nos organismes gouvernementaux de réglementation, à l'instar de la plupart des organismes gouvernementaux de réglementation, ne disposent pas des ressources leur permettant d'effecteur eux-mêmes des contrôles relativement à ces produits. Ils s'en remettent aux tests effectués par ceux qui demandent l'homologation de ces produits. Ils ne disposent pas des ressources scientifiques leur permettant d'évaluer ces évaluations s'il n'y a pas suffisamment de données et d'assises scientifiques sur lesquels peuvent se fonder les organismes de réglementation.

D'après nous, cette observation est grandement favorable à nos organismes de réglementation, qui se tournent vers d'autres organismes gouvernement qui subventionnent la recherche, la recherche indépendante dans les universités, afin d'offrir les assises scientifiques dont nos organismes de réglementation ont besoin pour s'acquitter de leur tâche dans le cadre de processus de réglementation—dans la mesure où cette assise scientifique est affaiblie et que la tâche des organismes de réglementation est beaucoup plus difficile.

Mes collègues auraient peut-être quelque chose à ajouter.

Le président: Mais il y a, à part cet affaiblissement scientifique, le fait que vous craigniez à l'avenir un conflit d'intérêts en ce qui a trait au mandat de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

M. Conrad Brunk: Oui, il s'agit d'une question qui se distingue de celle de l'assise scientifique.

Le président: Oui, mais néanmoins cela fait partie de tout l'ensemble.

M. Conrad Brunk: Oui.

Le président: Cela signifie alors que si vous avez des craintes quant à l'avenir de cet organisme d'inspection, vous avez raison de croire que l'agence est aux prises à l'heure actuelle avec un conflit d'intérêts qu'il faut régler.

M. Brian Ellis: Je crois qu'il est juste de dire que l'agence est née d'un conflit d'intérêts parce que, bien sûr, elle trouve son origine dans Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui disposait d'un programme très solide de promotion du développement de la biotechnologie et qui, de pair devait en principe surveiller de près l'utilisation de la technologie. Pour régler ce conflit d'intérêts, l'Agence canadienne de l'inspection des aliments a été détachée du ministère et s'est vu confier son propre mandat. Elle ne s'occupe plus du développement de la biotechnologie mais conserve malgré tout une partie de son mandat en matière de promotion, comme en témoignent certains des documents qu'elle distribue et le traitement qu'elle accorde à la biotechnologie.

Le président: Il serait donc exact d'en conclure que pour garantir l'avenir, le rôle de cette agence doit faire l'objet d'un examen voir être modifié?

M. Marc Fortin: Nous avons indiqué que nous avions des réserves à l'égard de certaines positions qui ont été prises par les hauts fonctionnaires de l'ACIA, l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Le débat doit être le plus neutre possible et doit être ainsi perçu. Cet aspect a été une source d'inquiétude pour le groupe d'experts.

• 1105

Le président: Par conséquent, comme la neutralité s'impose, cela voudrait dire qu'à l'heure actuelle il n'est pas facile de discerner cette neutralité ou que certains problèmes se posent.

M. Conrad Brunk: J'interpréterais ce que M. Fortin appelle neutralité... L'agence nous a dit très clairement, et nous le mentionnons dans le rapport, qu'elle sent le besoin de maintenir certaines relations—relations collégiales—avec l'industrie qu'elle réglemente parce que cela exige une certaine coopération et de la collégialité.

Je pense que vous faites peut-être allusion à la neutralité dans ce sens. Lorsque vous êtes dans une position où vous devez représenter les deux côtés de l'équation, le public a alors un peu moins confiance en votre objectivité en matière de réglementation de la technologie.

Le président: Diriez-vous que, dans l'ensemble de la communauté scientifique compétente en génie génétique à l'heure actuelle au Canada, une faible minorité, 50 p. 100, ou une grande majorité, travaille pour l'industrie? Quelle serait votre évaluation des trois possibilités ou plus? Diriez-vous un petit nombre, la moitié de votre secteur ou la grande majorité?

M. Marc Fortin: Je pense que nous relevons des défis semblables dans l'industrie pharmaceutique. Les compagnies pharmaceutiques mettent au point des produits qui sont ensuite testés dans la communauté scientifique, assez souvent par les chercheurs universitaires. Il existe des façons de protéger l'objectivité ou l'intégrité de la recherche universitaire.

À l'heure actuelle, je crois qu'une minorité de chercheurs universitaires est associée à l'industrie de la biotechnologie.

Même si c'était moitié-moitié, il existe des moyens de protéger cette intégrité. L'industrie pharmaceutique n'a pas trop mal réussi à le faire au cours des 30, 40 ou 50 dernières années.

Le président: Quelle est la différence de salaire entre un chercheur universitaire, ne travaillant pas pour l'industrie, et un chercheur qui travaille pour une industrie?

M. Brian Ellis: Les chercheurs de l'industrie sont généralement payés davantage, parfois beaucoup plus, mais il va sans dire qu'ils n'ont pas la sécurité dont jouissent les chercheurs universitaires. Il y a donc des choix.

M. Marc Fortin: J'aimerais préciser. Je ne suis pas certain si vous vouliez savoir si les chercheurs universitaires qui font de la recherche pour l'industrie sont payés différemment. Était-ce...

Le président: Non. Simplement un revenu imposable global; une comparaison des deux activités.

M. Marc Fortin: Dans le secteur privé, nous parlons probablement d'une différence totale de 1,5, 2, ou 2,5 en ce qui a trait au salaire.

Le président: Mais vous diriez, vous en venez à la conclusion que pas même la moitié des scientifiques compétents en génie génétique travaillent présentement pour l'industrie.

M. Brian Ellis: Non.

Le président: C'est un petit groupe.

M. Brian Ellis: Certainement au Canada, il s'agit d'une mince proportion.

Le président: Quant à l'Agence d'inspection des aliments—celle dont nous avons parlé plus tôt—aurait-elle des ressources scientifiques? Dans l'affirmative, sont-elles suffisantes?

M. Brian Ellis: Personnellement, je ne connais pas exactement le nombre de leurs employés ou leur niveau de formation. Nous n'avons rencontré qu'un petit nombre d'entre eux.

M. Marc Fortin: Nous n'avons pas examiné leur personnel pour en évaluer les connaissances spécialisées. Nous n'avons rencontré que quelques personnes.

Le président: J'aimerais vous poser une question qui se greffe à celle que vous a posée plus tôt M. Laliberte. Si le Canada devait signer la Convention sur la diversité biologique, est-ce que cela l'aiderait à s'accorder aux progrès de la communauté internationale? Est-ce que cela aurait des répercussions positives? Est-il souhaitable que cela se fasse et, dans l'affirmative, bientôt?

• 1110

M. Conrad Brunk: Le groupe d'experts ne s'est pas penché sur cette question. Par conséquent, je crois que toute réponse que nous donnons, nous la donnerions à titre personnel et elle refléterait notre propre opinion sur le sujet.

Le président: Et quelle serait votre réponse?

M. Conrad Brunk: Je dirais que ce serait un progrès.

Le président: Nous avons énormément appris ce matin et nous avons vécu une expérience fantastique. Vous n'avez probablement qu'effleuré le sujet. Il nous faut apprendre davantage. Nous vous sommes très reconnaissants du temps que vous nous avez consacré. Nous allons tenter d'organiser une deuxième séance à laquelle nous convierons les membres du Comité de la santé et peut-être aussi ceux du Comité de l'agriculture afin de partager vos conclusions avec un plus grand nombre de représentants élus.

En attendant, nous vous remercions beaucoup de votre bon travail, de vos conclusions qui, et je ne parle qu'en mon nom—ont d'incroyables conséquences. Nous espérons vous revoir.

M. Brian Ellis: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: La séance est levée.

Haut de la page