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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 30 avril 2001

• 1405

[Traduction]

Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Chers collègues, chers invités, mesdames et messieurs, je pense que nous pouvons ouvrir la séance de cet après-midi.

Je prie tout d'abord les témoins de m'excuser de ce retard de 30 à 45 minutes par rapport à l'horaire prévu. Cela s'explique à la qualité des exposés qui viennent de nous être présentés, et je suis sûr que nous allons en entendre parler cet après-midi.

Nos témoins, au cours de la séance de cet après-midi, sont LEGIT Vancouver, Canadian Lutheran World Relief, Vancouver Association of Chinese Canadians, Direct Action Against Refugee Exploitation et, à titre personnel, Fred Peet.

Nous allons commencer par LEGIT, représenté par Deb LeRose et Chris Morrissey, ses cofondatrices. Soyez les bienvenues.

Mme Chris Morrissey (cofondatrice, LEGIT Vancouver): Je m'appelle Chris et voici Deb.

Le président: Je ne sais pas si vous étiez ici ce matin lorsque j'ai indiqué aux témoins que nous avions reçu leurs mémoires, et je vous en remercie à l'avance. Nous vous demanderons de résumer votre mémoire au cours d'un exposé de cinq à sept minutes pour que nous puissions avoir ensuite le temps de vous poser quelques questions. Je vous remercie.

Mme Chris Morrissey: Merci.

Nous sommes heureux de pouvoir comparaître devant votre comité. LEGIT est le Groupe d'étude pour l'immigration des lesbiennes et des gais. Voilà neuf ans que notre organisation a été créée et que nous attendons d'avoir la possibilité de comparaître devant le Comité parlementaire permanent de l'immigration. Nous avons présenté plusieurs demandes et nous sommes heureux de pouvoir comparaître ici cet après-midi.

LEGIT, le Groupe d'étude pour l'immigration des lesbiennes et des gais, existe depuis neuf ans. Les membres de cette organisation ont tous été affectés personnellement par la Loi sur l'immigration, la plupart du temps parce qu'il s'agit de Canadiens dont les conjoints ne le sont pas et qui, aux termes de la loi actuelle, ne peuvent pas être admis à bénéficier du regroupement familial et, par conséquent, sont dans l'impossibilité d'immigrer au Canada. Nous ne sommes pas un groupe de pression ni des juristes; notre organisation est de type communautaire.

Nous nous sommes constitués à Vancouver il y a neuf ans et, depuis lors, nous nous sommes étendus à tout le pays et nous avons des représentants dans toutes les grandes villes et dans certaines des plus petites. C'est grâce au travail accompli par LEGIT pendant ces neuf années que l'on a pu effectivement mettre en place la méthode employée à l'heure actuelle pour faire entrer dans notre pays les conjoints de même sexe de citoyens canadiens ou d'autres immigrants reçus au Canada. Cette méthode s'inspire à l'heure actuelle de considérations humanitaires et les agents des visas et de l'immigration l'emploient dans tous les pays où il existe des bureaux d'immigration canadiens.

Nous pensons pouvoir remplir une mission utile ici étant donné que nous avons joué un grand rôle dans la mise au point de cette méthode. Nous avons contacté et aidé des milliers de gais et de lesbiennes au cours des neuf années écoulées et nous avons effectué des recherches et mis en place des méthodes devant permettre aux agents des visas et de l'immigration en place actuellement d'examiner les dossiers des demandeurs, de déterminer le sérieux de la relation et de permettre à ces conjoints d'obtenir un statut d'immigrant reçu et de devenir des résidents permanents au Canada.

Nous comprenons bien que votre comité s'intéresse ici à la loi et non pas aux règlements. Nous craignons toutefois qu'en l'absence de règlements, cette loi ne puisse pas véritablement mettre fin à la discrimination qui a cours actuellement.

• 1410

Certes, les principes sont nettement établis, mais il nous faut bien voir aussi qu'il y a tellement de choses qui sont laissées au soin des règlements que nous ne savons pas vraiment, en fait, comment la loi va être interprétée et mise en oeuvre et quelles vont être les conséquences sur les vies des particuliers—que ce soient les ressortissants canadiens ou leurs conjoints.

Nous allons en fait aborder deux problèmes, celui du regroupement familial et celui des réfugiés. Je sais que le premier point a déjà été évoqué lors d'une intervention antérieure. Il n'en reste pas moins que LEGIT, qui est le porte-parole national des gais et des lesbiennes en ce qui a trait à l'immigration, se doit de répéter ce qui a été dit précédemment, en l'occurrence que si nous reconnaissons et apprécions le fait que la loi étend le regroupement familial aux relations de fait, il ne nous apparaît pas que sa formulation actuelle soit suffisante et bien adaptée.

Historiquement, on entend par «conjoint de fait», des personnes qui sont dans une relation hétérosexuelle. Les gais et les lesbiennes ne se sont jamais appliqué à eux-mêmes ce qualificatif. Nous ne nous sommes jamais considérés par le passé comme des conjoints de fait et ce n'est certainement pas le cas non plus dans d'autres juridictions et dans d'autres pays. Le fait que la loi actuelle mentionne les conjoints de fait sans donner de précision nous paraît donc assez inquiétant. Nous recommandons que l'on mentionne précisément dans la loi les conjoints de fait de même sexe et de sexe opposé pour que tout soit bien clair et sans ambiguïté, et nous savons que c'est là l'un des objectifs des responsables de l'immigration lors de la mise à jour de la loi.

Il nous paraît très important que ces mots figurent en toutes lettres dans la loi. Nous prenons acte du fait que cette expression a été employée dans la Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations. Nous savons aussi qu'aux termes de la Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations, le critère définissant une relation de fait est celui d'une année de cohabitation. Ce n'est pas précisé dans la loi, mais c'est ce que l'on peut déduire des règlements d'application.

Nous devons intervenir aujourd'hui pour affirmer que ce critère d'une année de cohabitation pour définir une relation de fait nous inquiète dans le cadre de la Loi sur l'immigration. C'est un grand sujet d'inquiétude pour nous étant donné que, pour la majorité des couples, l'immigration fait obstacle à la cohabitation. Par conséquent, des gens qui ne peuvent pas cohabiter parce qu'ils habitent dans des pays différents et qui n'ont pas la possibilité d'obtenir un visa de visiteur, ou autre, devant permettre aux deux conjoints de se réunir au Canada, ne peuvent pas respecter le critère d'une cohabitation d'un an.

Nous vous demandons aujourd'hui d'insister pour que le ministre tienne compte des caractéristiques propres de l'immigration dans ce domaine et du fait que si l'on doit définir la relation en fonction d'un critère d'un an de cohabitation, la grande majorité des couples que l'on aurait pu effectivement réunir en fonction de considérations humanitaires ne pourront pas prétendre en bénéficier. Seule une faible minorité en profitera. Nous sommes tout disposés à vous fournir d'autres précisions et à répondre aux questions que vous voudrez nous poser plus tard si ce sujet vous intéresse spécialement.

Au sujet du regroupement familial et des couples, je tiens aussi à signaler ici que nous sommes en faveur de l'incorporation à la loi d'une catégorie d'immigrants reçus au Canada. Nous savons tous que la majorité des demandes faites sur notre territoire qui sont traitées actuellement ou qui l'ont été au cours des dernières années s'appliquent à des conjoints hétérosexuels. Nous savons aussi qu'il y a des conjoints de fait et des conjoints de même sexe dont le dossier est actuellement traité au Canada.

• 1415

Nous estimons donc, là encore pour qu'il y ait plus de transparence et pour normaliser la procédure en fonction de ce qui se passe actuellement, que la loi devrait prévoir effectivement une catégorie d'immigrants reçus au Canada. C'est tout particulièrement important pour les conjoints des gais et des lesbiennes. J'irais encore un peu plus loin en disant que non seulement nous voulons qu'il y ait une catégorie d'immigrants reçus au Canada, mais en outre que nous jugeons important que le projet pilote, qui prévoit actuellement que les dossiers déposés à Londres, à Hong Kong ou à Manille soient pris en charge par un bureau de traitement au Canada, se poursuive.

Nous souhaitons que cette procédure soit maintenue et normalisée, étant donné que ce qui arrête surtout les gais, les lesbiennes et les transsexuels venus du monde entier, c'est que lorsqu'ils s'adressent à un consulat canadien, une haute commission ou un bureau international des visas, leur premier contact se fait presque toujours avec un agent consulaire agréé qui appartient à leur propre communauté et à leur propre pays. C'est pour eux un obstacle énorme. Il est donc très important pour nous, étant donné l'homophobie qui règne dans le monde et les craintes qu'ont les gens, qu'il existe une procédure qui leur donne au moins le choix. Les intéressés auraient donc moins peur d'être stigmatisés, persécutés ou coupés de leur famille s'ils pouvaient s'adresser à un bureau de traitement situé au Canada.

Je tiens aussi à signaler que nous nous inquiétons tout particulièrement des ressortissants de pays autres que ceux pour lesquels on n'a pas besoin de visa pour entrer au Canada—ceux qui ne peuvent pas entrer au Canada sans exemption de visa. Ainsi, si le conjoint est ressortissant de l'Inde, du Pakistan, de la Colombie, du Venezuela ou de bien d'autres pays qui traditionnellement ne sont pas blancs et européens, il ne peut pas rejoindre son partenaire parce qu'il lui est impossible d'obtenir un visa de visiteur pour entrer au Canada. Il doit donc rester longtemps séparé de son conjoint.

Je ferai trois observations au sujet des réfugiés. Nous avons créé un comité qui est en quelque sorte le prolongement de LEGIT. C'est le Rainbow Refugee Committee, qui se charge d'examiner la question des réfugiés pour ce qui est des homosexuels. Nos préoccupations sont de trois sortes.

Nous aimerions que l'on rajoute à la liste des motifs consignés à l'alinéa 96a) ceux qui ont trait à l'orientation et à l'identité sexuelles. C'est précisément pour que les choses soient bien claires, pour qu'il y ait une certaine transparence en tenant compte du fait que nombre de gais, de lesbiennes et de transsexuels n'imaginent même pas que cette possibilité leur est offerte. Il est donc effectivement important que ce soit bien précisé dans la loi pour qu'il soit clair qu'ils peuvent prétendre au statut de réfugié au Canada s'ils craignent raisonnablement d'être persécutés en raison de leur orientation ou de leur identité sexuelles.

Sur ce même point, on dispose à l'alinéa 112(2)d) que le délai d'attente pour présenter une deuxième demande doit être doublé. Il n'est pas rare que dans les familles qui viennent chez nous... Je connais par exemple le cas de deux frères qui sont arrivés en provenance du même pays. Ils sont venus ensemble. Ils ont présenté une demande et, au cas où leur demande aurait été refusée, celui des deux frères qui était gai aurait pu en présenter une autre, mais seulement six mois plus tard.

Toujours sur la question des réfugiés, nous aimerions en troisième lieu que l'on supprime au paragraphe 102(2) la liste des pays désignés, parce que cela maintient effectivement l'anonymat des gais, des lesbiennes, des transsexuels et des séropositifs qui sont gais. Les questions d'orientation et d'identité sexuelles ne se limitent pas à des pays précis et ne connaissent pas les frontières nationales ou religieuses.

Le président: Merci, Chris.

Excusez-moi d'avoir mal prononcé le nom de votre organisation, LEGIT. Je suis désolé.

• 1420

Je tiens à préciser à Chris et aux autres intervenants que notre comité a pris sur lui de demander au ministre de nous remettre le document de discussion fixant le cadre de la réglementation de façon à ce que nous puissions en comprendre les intentions car, vous avez tout à fait raison, ce sont toujours sur les détails d'application que l'on achoppe. Ce document de discussion et les projets de réglementation sont en fait à la disposition du public.

Notre comité veillera aussi à ce que cette réglementation soit conforme à nos voeux, avant même qu'elle soit mise en oeuvre après l'adoption de la loi. Notre comité s'intéresse donc de très près à la réglementation.

Nous allons maintenant donner la parole à M. Fikre Tsehai, du Canadian Lutheran World Relief. Soyez le bienvenu.

M. Fikre Tsehai (Canadian Lutheran World Relief): Merci.

Je m'appelle Fikre Tsehai, je représente le Canadian Lutheran World Relief, et je parle au nom du comité conjoint des ONG sur le parrainage privé des réfugiés.

Cet organisme émanant des ONG, qui a pris le nom de Comité sur le parrainage, regroupe six représentants élus de 81 organismes ayant passé des accords de parrainage au Canada. Je vous remercie en son nom et je me félicite de pouvoir intervenir sur le projet de loi C-11. Nous avons déjà eu l'occasion par le passé de présenter des mémoires et des exposés dans le cadre de la procédure d'examen des lois instituée par le Parlement.

Les organisations que nous représentons font du parrainage privé des réfugiés et se préoccupent avant tout de la réinstallation des réfugiés qui arrivent au Canada. Il y a quelque 10 000 réfugiés qui arrivent chaque année au Canada et pour lesquels la seule solution durable est la réinstallation. Quelque 7 000 d'entre eux sont patronnés par le gouvernement et 3 000 environ arrivent dans le cadre des programmes de parrainage privé ou d'assistance conjointe.

À l'issue de la procédure d'examen législatif qui a été entreprise, on a publié le rapport De solides assises, dans lequel on a proposé quatre orientations politiques qui, à notre avis, ont renforcé le programme de réinstallation au Canada. La première a assoupli la condition voulant que les réfugiés s'établissent avec succès au cours de la première année. La deuxième visait à faire un effort concerté pour faciliter le regroupement des familles dans les meilleurs délais. La troisième portait sur l'instauration d'une relation plus étroite avec les ONG. Enfin, la quatrième s'efforçait d'assurer une protection d'urgence aux réfugiés ayant besoin de solutions immédiates à leurs problèmes.

Nous accueillons à bras ouverts ces grandes orientations politiques proposées dans le rapport De solides assises, mais dans leur majorité elles n'ont pas été reprises dans le projet de loi C-11; elles seront plutôt mises en oeuvre dans le cadre de la réglementation. C'est d'ailleurs avec plaisir que je vous ai entendu nous dire tout à l'heure que vous allez participer à l'élaboration de la réglementation. Nous aimerions que celle-ci reflète ces orientations, mais il est très difficile d'en parler dès maintenant étant donné que nous ne l'avons pas devant les yeux.

Cela dit, il y a des articles de ce projet de loi qui peuvent avoir une incidence sur les réfugiés demandant à se réinstaller au Canada. Cela s'explique avant tout par le fait que l'on n'a pas fait une distinction bien nette entre immigrants et réfugiés. Les réfugiés ont avant tout besoin de protection. Il y a là une préoccupation humanitaire, et c'est celle-ci qui doit primer. Je n'ai pas beaucoup de temps et je me contenterai donc d'évoquer deux grands sujets de préoccupations en ce qui nous concerne.

• 1425

Le premier a trait à l'alinéa 14(2)c), qui traite du nombre de visas délivrés chaque année. Rien n'indique dans le projet de loi que cette restriction ne va s'appliquer qu'aux immigrants. Il faut bien voir que le programme de parrainage privé s'appuie sur le principe de la complémentarité. Il s'agit de réfugiés qui viennent s'ajouter à ceux qui relèvent du programme du gouvernement. Si nous plafonnons le nombre de réfugiés, nous allons à l'encontre du programme gouvernemental de promotion du parrainage privé. Les groupes de parrainage, les groupes d'intervenants et les particuliers auront par ailleurs plus de mal à offrir un parrainage. Nous ne sommes donc pas d'accord avec cet article instituant un plafond. Je considère qu'en instituant un plafond s'appliquant au nombre de réfugiés pouvant être admis au Canada, nous remettons sérieusement en cause le projet du ministre et l'objectif consistant à relancer le parrainage privé pour augmenter le nombre de réfugiés pris en charge par des programmes privés.

Nous faisons aussi des réserves au sujet de l'article 40 du projet de loi C-11, qui institue une nouvelle catégorie de personnes ne pouvant prétendre au statut de réfugié, celles qui ont fait une fausse déclaration concernant leur situation dans une demande d'immigration. C'est un gros problème pour les réfugiés. Là encore, je considère qu'il y a un problème et qu'il faut faire des distinctions. Pour des raisons qui ne dépendent pas d'eux, les réfugiés se trouvent éloignés de tout. Ils n'ont pas accès à des organismes dispensateurs de services. Il y a la barrière des langues. On ne devrait donc pas considérer qu'une situation a été faussement représentée s'il y a des erreurs dans un dossier de demande. On remet là en cause tout le principe de la protection de réfugiés sans défense qui ont besoin de se réinstaller ailleurs.

J'insisterai donc sur le fait qu'il convient de privilégier la protection des réfugiés et de l'indiquer très clairement dans les amendements susceptibles d'être apportés au projet de loi.

Je conclurai en disant que la démarche la plus importante que peut entreprendre le Canada pour mettre l'accent sur la protection dans son programme de réinstallation doit se faire sur le premier point que j'ai cité, celui de la suppression du critère d'établissement avec succès.

Je vous remercie.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant donner la parole à la Vancouver Association of Chinese Canadians. Victor Wong, soyez le bienvenu.

M. Victor Wong (Vancouver Association of Chinese Canadians): Bonjour tout le monde. Je m'appelle Victor Wong et je représente la Vancouver Association of Chinese Canadians. Bienvenue à Vancouver.

Je tiens à remercier tout d'abord les peuples salish du littoral, qui nous accueillent aujourd'hui sur leur territoire. Merci de nous permettre de donner aujourd'hui notre point de vue sur le projet de loi C-11.

L'ACC est une organisation antiraciste et favorable aux droits de la personne. Nous dispensons des services d'accueil aux immigrants, aux réfugiés, aux demandeurs du statut de réfugié, aux migrants et aux personnes sans papiers. Nous continuons à oeuvrer en première ligne et nous collaborons activement avec nos collègues de DAARE à la défense des droits des réfugiés de la mer chinois ainsi que d'autres groupes vulnérables.

L'ACC s'est opposée à la taxe d'établissement de 975 $. Nous nous sommes opposés à nombre des recommandations du rapport du GCRL. Nous nous sommes opposés au projet de loi C-31 ainsi qu'au projet de loi C-16. Nous nous opposons aujourd'hui au projet de loi C-11 et nous condamnons son ton criminalisateur. Nous sommes en faveur du principe de justice fondamentale—je crois que c'est le cas de tout le monde dans cette salle—et du droit d'être traité avec dignité. Nous considérons que le Canada, qui est un pays riche, doit faire davantage pour accueillir les immigrants et les réfugiés, fournir aux nouveaux arrivants des ressources leur permettant de se réinstaller convenablement et des crédits aux groupements non gouvernementaux qui aident ces nouveaux arrivants, et reconnaître les liens qui existent entre la mondialisation et les migrations contemporaines.

Sur le plan de la procédure, nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de tenir des audiences dans tout le pays, mais je pense qu'il vous faut agir avec un peu moins de précipitation. Bien des gens veulent se faire entendre. Ce projet de loi aura d'énormes répercussions—il est tout nouveau—sur la vie de centaines de milliers et même de millions de néo-Canadiens éventuels. Nous vous adjurons de prendre le temps de revoir à fond la loi et ses règlements d'application et de tenir pleinement compte des préoccupations émanant des témoins et du secteur concerné.

• 1430

Quant au ton général du projet de loi C-11, on remarque que la ministre Caplan mentionne les criminels avant les immigrants dans son communiqué de presse sur ce projet de loi. Elle parle des trafiquants et des passeurs avant d'évoquer les immigrants et les réfugiés. Le projet de loi C-11 insiste sur la criminalité. Il privilégie les instruments répressifs. Il est hostile aux immigrants et aux réfugiés.

Vous avez reçu des témoignages d'experts tels que David Matas ou du groupe comme la Coalition pour une politique juste à l'égard des requérants au statut de réfugiés, le Conseil canadien pour les réfugiés, l'Association du Barreau canadien et Amnistie Internationale. Ce sont là des experts dans le domaine. Nous avons remis notre mémoire à votre comité le 21 avril.

Nous estimons que ce projet de loi sert à renforcer les pouvoirs du ministère de l'Immigration lorsqu'il s'agit d'arrêter les réfugiés et, dans la pratique, de les maintenir en détention. Ce projet de loi, tout comme le rapport du GCRL, fait preuve d'absolutisme. La législation ne prévoit absolument aucun mécanisme qui permette de tenir compte de la situation difficile des victimes du trafic ou des résidents de longue date.

Le projet de loi C-11 permet de contrer les dispositions de la charte et les droits universels qu'ont les immigrants et les réfugiés à une audience pleine et entière, juste et impartiale. Nous considérons que le projet de loi C-11 est contraire à l'esprit de la société canadienne.

Au sujet de la réglementation, nous adjurons le comité de revoir au minimum toutes les dispositions réglementaires d'application du projet de loi C-11 et de consulter activement les responsables du secteur avant que cette réglementation ne soit publiée dans la Gazette du Canada.

Pour ce qui est de ses obligations en matière de droits de la personne, le Canada est signataire de nombreuses conventions internationales et nous l'invitons à signer la convention internationale sur les droits des migrants.

L'ACC a aidé les réfugiés de la mer qui sont arrivés en 1999. Nous avons établi un site d'information sur Internet et nous avons défendu le droit à une audience pleine et entière, juste et impartiale. Vous savez peut-être que le ministère de l'Immigration a même cherché en fait à empêcher quelque 110 personnes de demander le statut de réfugié à leur arrivée. En toute illégalité, il a quand même essayé de le faire.

Le ministère de l'Immigration a finalement enregistré ces demandes alors que l'appel allait être entendu devant la Cour fédérale. Dans le plus pur style kafkaïen, cinq jeunes adultes sont encore aujourd'hui en détention 20 mois après leur arrivée et alors que l'on a dépensé une soixantaine de millions de dollars de crédits publics.

Je vais quand même évoquer rapidement nos recommandations. Vous les avez devant vous. Nous recommandons que la loi fasse un lien entre la mondialisation et les migrations. Plus précisément, nous vous recommandons de modifier l'article 2. Je vous passerai le texte tout à l'heure. Il conviendrait d'insérer à l'article 2 un paragraphe enjoignant à «reconnaître que la mondialisation et les projets de libre-échange entraînent le déplacement de personnes vulnérables et les amènent à émigrer».

En ce qui a trait à la protection des victimes du trafic, nous vous adjurons de mettre en place une nouvelle catégorie pour protéger les victimes du trafic et faire en sorte que des permis ministériels soient accordés aux personnes vulnérables. Plus précisément, nous proposons qu'un amendement soit apporté au paragraphe 107(1), qui devra être reformulé pour ajouter les victimes de trafic aux «personnes à protéger». Ce paragraphe devrait être formulé ainsi «une personne à protéger ou la victime d'un trafic».

Troisièmement, l'ACC s'oppose à la détention. Nous nous y sommes toujours opposés, même lorsque les réfugiés de la mer sont arrivés. Nous continuons à nous opposer à la détention. Si toutefois on maintient la détention, ce projet de loi soulève de grandes difficultés étant donné qu'il autorise une détention prolongée. Bien sûr, elle doit être réexaminée tous les 30 jours. Comment est-il possible qu'il y ait des personnes arrivées le 31 août 1999 qui sont aujourd'hui encore en prison? Comment cela est possible? C'est possible parce qu'il n'y a aucune limite de temps imposée à la détention dans la loi. Vous devriez fixer une limite de six mois parce que je pense que tout le monde a droit à la liberté en vertu de notre charte. Je pense qu'au bout de six mois la balance devrait pencher en faveur de la personne détenue.

• 1435

Nous proposons donc l'amendement suivant à l'article 60: «Nous affirmons que le principe selon lequel chacun a le droit à la liberté ne permet pas de prolonger au-delà de six mois la durée de la détention en vertu de cette loi».

Pour ce qui est de la valorisation de l'immigration, je pense que d'autres intervenants ont évoqué la notion de ressortissant étranger. Je ne reprendrai pas leurs commentaires à ce sujet, mais j'invite le comité à recommander la suppression de cette notion. Elle renforce les exclusions en créant une nouvelle catégorie—une troisième catégorie, en fait, de gens au Canada.

En matière de rapatriement, nous vous demandons de vous pencher sur les modes de rapatriement des personnes, tout particulièrement vers les pays qui ne respectent pas les droits de la personne. Plutôt que de procéder à des expulsions groupées de grande ampleur comme nous l'avons vu en l'an 2000, nous devrions envisager des rapatriements anonymes volontaires des individus et, par ailleurs, des migrations vers des pays tiers par opposition au renvoi vers le pays d'origine.

Concernant le financement des ONG, mon collègue a souligné sa grande importance. Nous invitons le ministre à fournir des crédits et à reconnaître que les ONG et les avocats de la cause des réfugiés ont besoin de ressources suffisantes.

Nous avons toujours dit au sujet de l'immigration en provenance de Fujian qu'il fallait que le Canada crée un poste sur place dans la province de Fujian. On devrait y offrir des visas d'emploi et des données précises touchant les programmes d'immigration et la marche à suivre pour immigrer. Cette façon de faire les choses sur place permettra d'offrir des renseignements précis à la source pour éviter que les gens ne soient floués par les trafiquants et qu'il faille régler les problèmes une fois qu'ils ont débarqué au Canada.

Enfin, pour ce qui est des cas spéciaux, j'ai mentionné précédemment dans notre mémoire le cas de Lucy Lu. Vous êtes nombreux, je crois, à le connaître. Je pense qu'il y a de nombreux cas spéciaux comme le sien, ceux de résidents de longue date qui font face à une expulsion. Ils ont commis un crime ou ont été accusés d'avoir commis un crime ici au Canada, mais on les expulse vers un pays qu'ils ont quitté il y a des années. Parfois, ce sont des personnes qui sont arrivées chez nous étant encore enfants et nous les renvoyons dans leur pays d'origine. Pourquoi? Parce que ce sont des résidents permanents et non pas des citoyens.

Nous vous demandons d'envisager éventuellement d'adopter un mécanisme autre que celui de l'intervention du bureau du ministre lorsqu'il s'agit de résidents de longue date. Vous pourriez peut- être envisager d'amender l'article 36 afin de disposer que les résidents de longue date ont la possibilité de demander devant un tribunal composé de juges à la retraite un statut de résident permanent ou une exemption en vertu des critères ou des obligations en vigueur aux termes de cette loi.

C'est une simple proposition que je vous fais étant donné que la ministre se trouve effectivement devant un dilemme. D'un côté, ses agents chargés de la répression désirent effectivement expulser ces personnes. Elle doit appuyer son personnel sur ce plan. D'un autre côté, le seul mécanisme mis à sa disposition par le projet de loi C-11 l'oblige à accorder un certain type de dispense à la personne concernée.

Je prends le cas de Lucy Lu, une personne résidant au Canada depuis 15 ans, qui a un dossier vierge depuis qu'elle a été relâchée de prison il y a 10 ans, et que le gouvernement veut cependant expulser, l'obligeant à se réfugier dans l'église Calvary Bible de Kingston, en Ontario. Je lui ai rendu visite.

Je vous invite à prendre connaissance de ces dossiers. Vous êtes députés et vous en avez de nombreux exemples dans vos circonscriptions.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Wong.

Nous allons maintenant donner la parole à la représentante de Direct Action Against Refugee Exploitation, Agnes Huang. Agnes, vous êtes la bienvenue.

Mme Agnes Huang (Direct Action Against Refugee Exploitation): Je vous remercie.

Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître ici aujourd'hui.

Comme Victor, je tiens à remercier les peuples salish du littoral, ceux de Musqueam, de Squamish, de Burrard ainsi que la nation Sto:Lo, qui nous accueillent aujourd'hui sur leurs territoires. Il est absolument essentiel que tous ceux d'entre nous qui ont personnellement immigré dans ce pays ou qui sont issus de familles immigrantes soient conscients de la présence des premiers habitants du Canada.

Pour en revenir à la situation actuelle, je vais faire état de nos principales préoccupations concernant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés en général, et plus précisément de nos préoccupations touchant le recours à la détention des demandeurs d'asile. Nombre de ces questions ont déjà été soulevées par mon collègue Victor Wong car, comme il l'a indiqué, VACC et DAARE ont activement et très étroitement collaboré à la défense des immigrants chinois en provenance de la province de Fujian qui sont arrivés en l'été et à l'automne 1999.

• 1440

Je pense qu'il est bien établi et tout à fait reconnu que l'histoire de la politique d'immigration du Canada est pleine de discrimination. Cette politique s'est appuyée avant tout sur des idéologies racistes, de classe et sexistes. Pourtant, rien n'a vraiment changé en réalité, c'est une nécessité qu'il convient de reconnaître et qui ne l'a jamais été lors des différentes refontes de la Loi sur l'immigration. Nos politiques d'immigration et d'accueil des réfugiés continuent à être racistes, de classe, homophobes, sexistes, et j'en passe.

Lorsqu'on a établi le système par points, on voulait éventuellement éviter que les gens soient jugés en fonction de leur race ou d'après leur origine, mais en fait ce n'est toujours pas ce qui se passe. On ne voulait pas décider en fonction du sexe des personnes. Le système était censé être neutre. Ce n'est évidemment pas ça.

Le système par points revient à conférer une certaine valeur aux gens en fonction d'une conception étroite de la contribution économique à la société ou de liens familiaux avec une personne qui apporte une telle contribution économique. On ne considère pas tout ce qu'un être humain est en mesure d'apporter à notre collectivité, à notre société. Je pense que c'est fondamental si l'on veut refondre notre Loi sur l'immigration; il nous faut reconnaître que tous les êtres humains sont bien plus complexes et ne sont pas qu'une simple composante économique.

En raison de ce système par points, nombre de femmes ont bien évidemment d'énormes difficultés à immigrer en leur nom propre. Une grande partie de leur apport, qu'il s'agisse d'élever les enfants ou d'autres membres de la famille, d'animer leur quartier, d'agir comme bénévoles ou de veiller au bien-être de leur collectivité et de leur entourage familial, n'est pas reconnu par le système de points établis en vertu de la Loi sur l'immigration. Les femmes ne peuvent donc se prévaloir que d'une certaine forme de regroupement familial, qui les laisse tout à fait dépendantes de la personne jugée apporter une contribution économique à notre société.

L'autre inconvénient du système par points, bien entendu, c'est qu'il ne cherche pas en fait à savoir quelles sont les valeurs de la personne concernée. Le Canada s'est mis à reconnaître récemment, par exemple, les droits des peuples autochtones en vertu de notre Constitution, les droits à l'égalité des femmes, des personnes de couleur, des personnes de tous les âges, des handicapés, etc. Notre Loi sur l'immigration, notre système actuel de points, ne pose pas la question de savoir quelles sont les valeurs que l'intéressé juge importantes. Considérez-vous que les droits des lesbiennes et des gais sont importants? Reconnaissez- vous les droits des lesbiennes et des gais? Reconnaissez-vous qu'il faut mettre fin à la violence contre les femmes dans notre société? Reconnaissez-vous la place des Premières nations dans l'histoire de notre société?

À l'heure actuelle, la Loi sur l'immigration ne pose pas ces questions. Il semble que cela ne soit pas important. Une fois de plus, nous ramenons chacun à son apport économique.

C'est ainsi que le Canada a, par exemple, accueilli à bras ouverts sur son territoire les sud-Africains blancs. Pour quelle raison? Parce qu'ils ont souvent des compétences professionnelles, ce sont des médecins, des comptables, des avocats, etc., qui obtiennent ainsi des points même s'ils proviennent d'un système qui a tiré parti de l'oppression des Noirs, des Africains, des gens de couleur, pendant des générations et des générations. Une grande partie de leur réussite s'explique par les politiques de suprématie des Blancs de ce pays. Nous les apprécions parce qu'ils sont censés nous apporter la contribution économique dont notre pays a besoin.

Voilà aussi pourquoi nos politiques font preuve de discrimination et bloquent les femmes en provenance des Philippines ou d'autres pays qui viennent travailler au Canada comme personnel de maison. C'est une contribution économique qu'effectivement notre société apprécie, mais nous ne les laissons pas venir chez nous avec le même statut. Mes collègues du Centre des femmes des Philippines ne manqueront pas de venir vous en parler.

Nous ne tenons pas compte là non plus de leur apport à notre société. Il est probable que cet apport est davantage qu'une simple contribution économique, mais nous n'en reconnaissons pas l'importance au sein de notre société.

Dans l'état actuel de notre Loi sur l'immigration, il est pratiquement impossible pour les personnes qui n'obtiennent pas de points de venir chez nous. Ma collègue Rita Wong, de DAARE, a établi un système de points pour deux femmes qui sont arrivées de Chine en été et à l'automne 1999, et ces dernières n'ont eu que très peu de points. Ce sont des femmes réfugiées au titre de la convention. Elles vivent et elles travaillent au sein de notre collectivité. Leur contribution est grande. Toutefois, en vertu de notre système par points, elles n'auraient jamais été autorisées à venir chez nous.

Par ailleurs, notre politique des réfugiés est tellement dépassée qu'elle ne tient pas compte des raisons complexes, multiples et simultanées pour lesquelles les gens sont forcés de quitter leurs collectivités. Je dis «forcés», pas parce qu'on leur met un pistolet sur la tempe, mais en raison de tout un ensemble de circonstances économiques et politiques qui les obligent à partir parce qu'ils ne peuvent pas survivre.

• 1445

La nécessité de survivre doit être l'un des motifs devant permettre d'obtenir un asile au Canada. Les gens ont un droit de survie. Nos politiques actuelles ne le permettent pas. Comme l'a dit mon collègue Victor Wong, nos politiques actuelles et celles que préconise le projet de loi C-11 ont pour résultat de criminaliser davantage les immigrants. Nous les plaçons dans l'illégalité. Ces gens-là ne viennent pas illégalement. Il n'est pas illégal de débarquer au Canada et de demander asile. C'est nous qui en plaçons un grand nombre dans l'illégalité. Qu'ils soient déjà là, comme Lucy Lu, ou qu'il s'agisse de cas comme celui de Malca Salvador, une femme des Philippines arrivée dans le cadre du programme concernant les aides familiaux résidants et qui fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion, nous les plaçons dans l'illégalité. Ce sont là les problèmes de fond que ne résout pas le projet de loi C-11.

Je sais que mon temps est presque écoulé, mais je tiens à évoquer rapidement le problème de la détention des demandeurs d'asile. Nous sommes tout à fait opposés à la détention des demandeurs d'asile. S'il doit y avoir une détention, il faut que ce soit dans des circonstances exceptionnelles. Immigration Canada, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié affirment tous que la détention est une mesure de type extraordinaire.

Elle est pourtant bien banale lorsqu'on voit la façon dont ont été traités les immigrants chinois en provenance de la province de Fujian. Tous les 30 jours, sans avocat, sans plus d'égard, on reconduit cette mesure. En moins de 20 minutes on les renvoie en prison, 19 mois plus tard, pour une autre période de 30 jours. On parle ici de prison et non pas d'une simple tape sur les doigts; on les incarcère. On a oublié de tenir compte de l'effet psychologique et physique de la prison sur les gens. Il est très important. J'ai vu des femmes pourtant fortes craquer au point de tenter de se suicider. Voilà ce qui se passe en réalité.

Aucune directive ne régit la détention dans les établissements où ces personnes sont incarcérées. Certaines ont été envoyées à Prince George et loin des localités dans lesquelles elles bénéficient d'un appui. Elles n'ont pas accès à un avocat. Elles sont transbahutées d'un côté et de l'autre et on leur met partout les menottes. Si elles doivent aller à l'hôpital, elles sont menottées. Vous pouvez imaginer quels sont les effets psychologiques d'une telle situation sur un demandeur d'asile ou de statut de réfugié. Après être passés par tant de difficultés, voilà de quelle façon on les traite. Elles ne font plus confiance au système.

En dépit de tous les obstacles placés sur le chemin des ressortissants de Fujian, je tiens à signaler que 24 d'entre eux ont réussi à obtenir le statut de réfugié. Même si bien des gens dans notre pays ne reconnaissent à aucun d'entre eux des motifs valables de demander asile, il y en a qui ont réussi à obtenir ce statut. Nous soutenons qu'ils auraient été plus nombreux à réussir si on ne les avait pas emprisonnés.

Tout ce qu'ils veulent, c'est vivre avec nous en paix, en sécurité et libres.

S'il y a des motifs de détention, c'est le ministère de l'Immigration qui a la charge de justifier cette détention. Actuellement, ce n'est pas le cas. La charge de la preuve incombe à l'intéressé, qu'il soit ou non représenté par un avocat ou qu'il se représente lui-même, et c'est lui qui doit justifier sa libération. Ce n'est pas juste.

L'histoire mondiale est faite de migrations...

Le président: Je dois vous dire que nous avons d'autres personnes à entendre et qu'il nous faut passer à la suite.

Mme Agnes Huang: La détention n'arrêtera pas les migrations. Les gens vont continuer à se déplacer. Il nous faut trouver une solution bien meilleure que la détention, tenir compte des raisons pour lesquelles les gens se déplacent et bien voir les raisons pour lesquelles le Canada est complice de l'immigration de la population chinoise. Je pense que des échanges commerciaux d'un montant de 63 milliards de dollars amènent les gens à se déplacer.

Je vous remercie.

Le président: Merci, Agnes.

Nous allons maintenant entendre l'intervention à titre personnel de Fred Peet.

M. Fred G. Peet (témoignage à titre personnel): Merci à tous d'être venus à Vancouver et de me donner la possibilité de m'adresser à vous.

[Français]

Je voudrais aussi remercier M. Lahaie et Mlle Poulin pour leur aide et leur coopération.

[Traduction]

L'exposé que je vais faire au sujet du projet de loi C-11 portera sur les visas de visiteur.

J'évoquerai quatre points précis et je terminerai par une remarque personnelle. Le premier point porte sur le contrôle judiciaire. Le projet de loi C-11 exige que les personnes souhaitant obtenir le contrôle judiciaire d'une décision prise à l'extérieur du pays au sujet d'un visa de visiteur demandent au préalable l'autorisation du tribunal. Il s'agit là d'un changement. Le 14 juin 2000, Joan Atkinson, sous-ministre intérimaire de CIC a déclaré que ce changement met tout le monde sur un pied d'égalité. En fait, il favorise encore plus ceux qui détournent les règles et défavorisent ceux qui les respectent.

• 1450

Dans son communiqué de presse sur le document d'information numéro deux, le ministère déclare que CIC élabore un autre mécanisme de résolution des différends pour les décisions prises à l'étranger. Il n'en est pas question dans le projet de loi C-11 ni dans les documents de discussion servant de préparation à la réglementation.

Ces observations ont donc débouché sur les deux recommandations suivantes: que le contrôle judiciaire des demandes de visa de visiteur puisse être obtenu sans autorisation préalable et que le mécanisme de règlement extrajudiciaire des différends proposés par CIC soit incorporé à la loi pour ce qui est des décisions prises à l'étranger.

Le deuxième point porte sur la Charte des droits et libertés. Dans son témoignage devant le comité, le 1er mars de cette année, la ministre a déclaré que c'est en fait la Charte des droits et libertés qui permet aux gens qui viennent au Canada de présenter une demande de statut de réfugié. Ainsi, quiconque abuse de notre système et se présente ici sous de faux prétextes, par exemple en obtenant un visa de visiteur dans l'intention de demander le statut de réfugié, bénéficie de la protection de la charte. Par contre, un Canadien qui se conforme à la loi canadienne en invitant légalement un membre de sa famille et se voit refuser le visa de visiteur n'a aucun recours en vertu de la charte.

Ces observations ont donné lieu à la recommandation suivante, qui n'est pas contraire à la charte: que, pour annuler le préjugé de la charte en faveur des étrangers qui se servent des visas de visiteur pour obtenir le statut de résident et pour annuler le préjugé de la charte contre les Canadiens qui respectent la loi canadienne et désirent inviter des membres de leur famille légalement, tous les demandeurs de visa de visiteur signent un serment selon lequel ils ne demanderont pas le statut de réfugié au Canada; s'ils le font, a) ils ne seront pas protégés par les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés b) ils seront expulsés immédiatement et sans recours, et c) ils se verront désormais refuser l'accès au Canada.

Le troisième point porte sur l'équité en matière de procédure. Les agents des visas sont tenus par la loi et par la jurisprudence du Canada de faire preuve d'équité en matière de procédure. Ce principe a été posé par CIC devant votre comité l'année dernière et cette année. Si j'en crois mon expérience, cependant, il n'en est pas tenu compte dans le traitement des visas de visiteur.

Dans son témoignage devant le comité le 1er mars 2001, la ministre a introduit le concept de loi cadre et déclaré qu'elle avait tenu compte de

    [...] l'importance de l'inclusion de tous les droits fondamentaux et de toutes les politiques de base dans la loi, c'est-à-dire qu'il serait explicite dans le texte de loi proprement dit plutôt que dans la réglementation.

Ces observations ont donné lieu à la recommandation suivante: que le projet de loi C-11 comporte un énoncé explicite du droit fondamental et de la politique de base que constitue l'exigence d'équité en matière de procédure de la part de CIC et des agents des visas.

Le quatrième point a trait aux lacunes administratives de CIC. Au chapitre 3 de son rapport de l'an 2000, le vérificateur général a relevé toute une série de lacunes concernant le fonctionnement de CIC. Nombre d'entre elles sont portées à l'attention des députés par leurs administrés et leur font perdre inutilement du temps.

Les sujets d'inquiétude du vérificateur général ont fait l'objet de discussions au sein de notre comité le 31 mai de l'année dernière. Il en est ressorti que les changements apportés à la loi ne régleront que 20 p. 100 des problèmes de CIC. On a fait état du fait qu'éventuellement 80 p. 100 de la solution résidait dans l'amélioration de la gestion et du fonctionnement administratif. En l'occurrence, quelque 80 p. 100 des lacunes subsisteraient avec le projet de loi C-11 qui, notamment, ne parviendrait pas à remédier à celles qui ont trait aux visas de visiteur.

Ces observations ont donné lieu à la recommandation suivante: que les lacunes administratives relevant du fonctionnement de Citoyenneté et Immigration Canada, dont certaines ont été circonscrites par le vérificateur général et d'autres peuvent être identifiées par les clients et citoyens canadiens soient abordées par le comité dans le cadre d'audiences publiques et que ces audiences aient lieu avant qu'on mette la dernière main à la réglementation afférente au projet de loi C-11.

Je ferai une dernière remarque personnelle. Voici quelle a été mon expérience de la question. Ma belle-mère a été victime des nazis. À cette occasion, elle a été séparée de sa fille aînée, qui à l'époque avait moins de deux ans. Ma belle-mère est arrivée au Canada après la guerre à titre de personne déplacée. Plus de 45 ans après, à la suite de la Pérestroïka, elle a pu reprendre contact avec la fille qu'elle avait perdue.

La petite-fille et l'arrière-petite-fille de ma grand-mère, qui habitent actuellement en Europe de l'Est, souhaitent visiter pour la première fois leur grand-mère et arrière-grand-mère. La section des visas de l'ambassade canadienne de Moscou leur a toutefois refusé des visas de visiteur. C'est scandaleux et le projet de loi C-11, dans sa version actuelle, n'empêchera pas que ce genre de chose se produise à l'avenir.

Je vous remercie.

• 1455

Le président: Merci, Fred, et je suis d'accord avec vous. Merci de nous avoir fait part de votre expérience personnelle et d'avoir de toute évidence étudié de près la question.

Je vous remercie de tous vos exposés. Ils nous sont très utiles. J'en apprécie la teneur et nous allons maintenant vous poser quelques questions à leur sujet.

Nous allons commencer par Inky.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, AC): Merci, monsieur le président.

Merci de comparaître ce matin.

Je suis d'accord avec vous pour dire, Fred, que 80 p. 100 des difficultés que nous éprouvons à l'heure actuelle pourraient probablement être réglées par la voie administrative sans passer par des solutions législatives. Après avoir entendu les nombreux témoins qui ont comparu, vous connaissez éventuellement toutes leurs préoccupations au sujet des changements apportés en ce qui a trait aux considérations humanitaires, préoccupations qui sont bien réelles.

L'une des lacunes du système est celle de la réinstallation des réfugiés dans notre pays. Tant que nous ne remédierons pas à ce problème, les réfugiés se regrouperont tous à Vancouver, à Toronto et à Montréal, exclusivement. On me dit que selon les statistiques, ils se retrouvent presque toujours dans ces trois grands centres moins d'un an après être arrivés chez nous.

Comme on nous l'a fait savoir un peu plus tôt, il faut que le gouvernement fédéral consacre par ailleurs davantage de temps et d'efforts à la consultation et à la collaboration avec les municipalités. Il faut aussi qu'il y consacre de l'argent.

Le Danemark vient d'adopter une loi sur l'intégration qui met justement l'accent sur le travail effectué auprès des municipalités. Sur une période de trois ans, le gouvernement s'engage à payer l'intégralité de la facture, tous les coûts, pour s'assurer que les réfugiés vont bien s'intégrer et bénéficier d'un soutien. Il est encore plus important qu'ils bénéficient d'une aide scolaire et linguistique, d'une formation professionnelle, etc.

Je voulais vous poser une question sur tout ce qui entoure les immigrants, illégaux ou autres, qui apparaissent sur nos côtes. Vous savez que sur la côte Ouest, il y a des affaires qui font les manchettes des journaux et il y a certains cas qui nous posent des problèmes à tous et pas seulement aux personnes directement intéressées.

Pour ce qui est de la détention, je suis d'accord pour dire que l'on devrait fixer un délai limite pour la détermination du statut des réfugiés et qu'on ne devrait pas pouvoir détenir ces derniers pendant un an et même davantage. Même en Australie, où l'on met en détention tous les immigrants illégaux, on les relâche en moins de six mois. Leur statut est déterminé dans un délai de six mois. Ce n'est pas ce que nous faisons chez nous. Plutôt que d'accuser le gouvernement, il nous faudrait peut-être chercher des solutions pour éviter que cela se produise.

Je ne sais pas quelle est la solution. Elle consiste certainement en partie à collaborer avec les pays d'origine, ce que l'on fait à l'heure actuelle. Je me souviens qu'il y a un an environ, des fonctionnaires chinois sont venus en visite au Canada et je leur ai demandé leur aide. Je leur ai demandé en quoi ils pourraient nous aider à résoudre le problème posé par les immigrants sur la côte Ouest et ils m'ont répondu—d'une façon qui était évidemment assez brutale—de renvoyer les bateaux d'où ils venaient. Ils m'ont dit que si nous faisions un tri parmi les immigrants, ils ne voulaient pas reprendre ceux qui étaient refusés. Ce n'est toutefois pas la mentalité de notre pays et il nous faut donc faire preuve d'humanité. Je conviens que c'est ainsi qu'il nous faut agir.

La semaine dernière, les responsables de l'industrie du transport maritime se sont présentés devant notre comité, et je leur ai dit qu'ils étaient responsables. En fait, toutes les personnes impliquées sont responsables jusqu'à un certain point, mais je tenais à leur dire qu'ils étaient responsables du fait des activités qu'ils exerçaient. C'était la responsabilité civile qui les inquiétait, mais je leur ai dit qu'ils devaient pouvoir rendre compte de la cargaison qu'ils transportaient à bord, sciemment ou à leur insu.

J'ai envie de vous demander quelle est la solution. Qui est responsable du transport de cargaisons humaines dans le monde? La côte Ouest est certainement la plus touchée à l'heure actuelle.

Le président: Monsieur Wong.

• 1500

M. Victor Wong: Merci de m'avoir posé cette question, monsieur Mark.

Je dirais rapidement que nous sommes tous responsables. Comme nous l'avons indiqué ici, il faut faire le lien entre la mondialisation et les migrations.

Je vais vous donner un exemple extrême, celui des événements de Douvres en juin de l'année dernière. On a découvert 60 personnes dans un camion, 58 d'entre elles étant mortes. Il y avait aussi dans ce camion une cargaison de tomates, une cargaison légale alors que la cargaison humaine ne l'était pas.

Nous avons institué ces systèmes permettant aux marchandises, aux profits du capital et aux biens et aux services de franchir assez rapidement les frontières. C'est une bonne chose pour le développement, mais nous dressons des barrières pour empêcher les gens de traverser ces frontières. On a le droit de sortir de son pays mais pas celui d'entrer dans un autre. Il faut faire ce lien entre la mondialisation et les migrations.

Nous achetons toutes ces marchandises ici au Canada avec nos salaires du monde développé, et pourtant elles sont produites avec des ressources et des salaires du tiers monde, de sorte que nous jouissons d'une situation très confortable ici. Nous sommes tous complices.

Quant aux solutions à court terme, il faut bien voir que les habitants de Fujian ont toujours émigré. Où est le problème dans ce cas? Lorsqu'on arrive à Vancouver en avion, on peut voir en regardant par le hublot, neuf fois sur 10, des terres libres. Il y a beaucoup de terrains ici. Le problème ne vient pas du nombre de gens, parce que 599 personnes, ce n'est rien. Cela fait 3 000 demandeurs du statut de réfugié par an. Prenez le cas de 36 personnes qui arrivent dans un conteneur par voie maritime. C'est la moitié du trafic quotidien à l'aéroport Pearson, n'est-ce pas? Ce n'est pas la quantité de gens qui crée des difficultés, ce sont les arrivées imprévues, irrégulières et spontanées. C'est, je crois, ce qui inquiète quelque peu la population.

Eh bien, si cela vous inquiète, je pense que l'une des solutions serait d'établir un poste sur place, dans la province de Fujian. Je sais que c'est même ce qu'a proposé un ancien député libéral, Ted McWhinney, lorsque les navires sont arrivés. Pourquoi ne l'a-t-on pas fait? Pourquoi ne vous êtes-vous pas entendus avec la France, le Royaume-Uni, l'Australie et les États-Unis pour établir un poste sur place dans la province de Fujian?

Vous pouvez dire à ces gens, voilà la procédure à suivre pour entrer au Canada. Nous allons accepter 500 personnes. Nous avons des emplois à vous donner dans l'industrie à Winnipeg et dans d'autres régions du Canada. Nous allons vous accepter chez nous, c'est entendu, mais voilà la procédure à suivre et ne vous laissez pas tromper. Ne vous laissez pas prendre au piège des contrats passés avec des intermédiaires marrons, qui vous promettent de vous faire passer à New York si vous leur versez 30 000 $ à l'arrivée en vous assurant que vous n'aurez qu'à payer plus tard. Ne vous laissez pas prendre, puisque nous vous avons dit comment il fallait faire.

Ainsi que vous l'a indiqué ma collègue Agnes Huang de DAARE, si vous vous en tenez au système par points, nombre de ces personnes ne pourront être admises et vous les poussez dans les bras des passeurs clandestins.

Le président: John.

M. John McCallum (Markham, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai été très impressionné par ce que vous nous avez dit de la détention, des conditions qui la caractérisent et de ce que ressentent les gens. D'un autre côté, je ne suis pas tout à fait d'accord avec certaines affirmations de M. Wong, qui semble penser que les rédacteurs de cette loi manquent de coeur et ne respectent pas la tradition canadienne.

Il me semble qu'il faut quand même faire la part des choses. Bien sûr, on aimerait moins avoir à recourir à la détention. On aimerait se montrer plus humain et faire état de toute la commisération dont vous parlez, mais je pense qu'il faut aussi maintenir un certain équilibre pour que le système puisse fonctionner et que l'on évite les abus. Si nous ne le faisons pas et s'il y a des abus, une forte réaction va se produire et toutes les bonnes volontés n'y pourront rien. Je pense qu'il y a toujours un certain équilibre à maintenir.

J'aimerais vous poser une ou deux questions là où à mon avis cet équilibre n'a pas été respecté. Il s'agit tout d'abord de la proposition selon laquelle une personne ne devrait pas être détenue plus de six mois. Il est bien possible pourtant qu'une personne soit détenue parce qu'elle est très dangereuse. Si l'on dispose dans la loi que tout le monde doit être libéré dans les six mois et qu'une personne commette alors un crime horrible, l'Alliance va immédiatement pousser les hauts cris dans la Chambre—certains de ses députés, pas celui qui est ici—et nous critiquer. Il y aura de gros remous dans les médias et cela fera plus de mal que de bien à la politique d'immigration libérale.

• 1505

C'est là un simple exemple qui montre qu'à mon avis votre proposition n'est pas équilibrée. Je me demande ce que vous en pensez.

M. Victor Wong: Merci d'avoir posé cette question, monsieur McCallum.

Je vous répondrai brièvement que si vous demandez aux agents d'immigration combien il y a de personnes qui sont détenues depuis plus de six mois, ils vous répondront qu'en fait il n'y en a pas tant que ça. Bien des gens sont expulsés; ils ne sont pas très nombreux à être détenus pendant plus de six mois. Quelles sont les caractéristiques des personnes détenues pendant plus de six mois? Je pense que vous avez bien peu de chances de trouver de grands criminels parmi ces gens. Dès qu'il peut en trouver, le ministère de l'Immigration s'efforce de les expulser le plus vite possible.

Il s'agit ici de la détention de civils, de gens comme vous et moi ou comme ceux qui habitent dans votre circonscription. Les immigrants arrivés par bateau ne sont pas des criminels; ce sont des personnes comme tout le monde que l'on jette en prison. La détention est un mal; c'est mal sur le plan moral. C'est pourquoi nous nous opposons à la détention, nous y sommes totalement opposés. Lorsque ces personnes ont débarqué, nous nous y sommes opposés. Nous continuons à nous y opposer. Nous nous y opposons dans ce projet de loi. Toutefois, si vous voulez absolument de la détention, nous vous demandons de prévoir des garde-fous. La détention permanente n'est pas acceptable. Ainsi, à l'heure actuelle, nous avons cinq jeunes adultes qui restent détenus depuis 21 mois sans interruption. La loi actuelle l'autorise. Ça peut toujours se produire aux termes de la loi que vous proposez.

Quelle est la limite? Nous ne sommes certainement pas en faveur d'une détention illimitée. Je ne pense pas que vous préconisiez que la détention puisse se poursuivre sans interruption pendant plus de cinq ans. N'y a-t-il donc pas une limite? C'est ce que nous disons. Dans des cas comme celui de Sahin, une limite de 14 mois a été proposée. Nous disons qu'il faut fixer un maximum. Limitez dans la loi la durée de la détention à six mois, pour obliger le ministère de l'Immigration à faire preuve d'une plus grande efficacité. S'il décide de recourir à la détention, il faut que cette personne soit élargie dans les six mois.

M. John McCallum: J'ai tendance à être d'accord avec vous dans le cas que vous décrivez. Je prends simplement cet exemple pour montrer qu'il pourrait...

J'ai une autre question, si vous me le permettez, qui a trait elle aussi à la nécessité de maintenir un équilibre.

Vous nous dites que la ministre est en conflit d'intérêts lorsque les responsables de la sécurité lui recommandent une expulsion alors que des considérations humanitaires s'y opposent. Toutefois, je ne parlerais pas ici de conflit d'intérêts. Je pense que les affaires les plus délicates impliquent un jugement de valeur puisqu'il faut faire la part des choses entre, d'une part, le risque que l'on encourt sur le plan de la protection et de la sécurité du public et, d'autre part, le coût humanitaire. Dans des affaires difficiles de ce type, je ne vois pas de conflit; il y a une personne en particulier, qui est justement la ministre élue démocratiquement, qui a la charge de prendre une décision exigeant le maintien de cet équilibre très délicat.

M. Victor Wong: Eh bien, je propose un autre mécanisme. Il y a d'un côté toute la procédure de la Commission d'appel de l'immigration, mais il y a aussi ces résidents de longue date au Canada, des gens qui sont arrivés alors qu'ils étaient enfants. Leurs parents ont omis de leur faire prendre la citoyenneté et ils ne savent même pas qu'ils ne sont encore que des résidents permanents. Dès qu'ils ont des problèmes avec la justice, le gouvernement s'empresse de les expulser. Ce ne sont que des résidents permanents, mais il y a des années qu'ils sont au Canada. Leur mentalité est canadienne. Nous les renvoyons dans des pays qu'ils ne connaissent pas. En outre, ces pays n'en sont pas responsables. C'est ici, au Canada, qu'ils ont enfreint les lois et qu'ils ont vraisemblablement purgé leur peine. Même s'ils n'ont pas récidivé, s'ils ne présentent aucun risque pour notre sécurité, nous continuons à chercher à les expulser.

Je vous cite à nouveau le cas de Lucy Lu—et vous savez que votre collègue, M. Milliken, a défendu sa cause. Voilà 15 ans qu'elle est au Canada. Le crime ou le délit qu'elle a pu commettre est en fait contesté, mais voilà 10 ans qu'elle est sortie de prison et elle n'a pas récidivé. Je considère que c'est vraisemblablement une bonne candidate à la réhabilitation. Pourquoi voudrait-on renvoyer chez elle une personne qui est réhabilitée. Toutefois, en novembre dernier, le ministère de l'Immigration a entrepris de l'expulser. Voilà six mois qu'elle habite dans un sous-sol d'église avec son nouveau mari, ce qui ne trouble aucunement la ministre de l'Immigration.

Je suis donc d'accord avec vous: vous nous dites qu'il faut laisser au ministre—à une personne—le soin de décider. J'ai remarqué toutefois que cette ministre est quelque peu prisonnière de ses propres tendances répressives. Elle n'a pas vraiment su réagir avec son coeur.

• 1510

Ma collègue a mentionné l'affaire Malca Salvador et celles d'autres personnes qui ont été expulsées. Quelle en était la raison? Lorsqu'on occupe un deuxième emploi, on est expulsé? Si elle revient aujourd'hui, elle doit repartir de zéro. Où est le jugement de valeur ici?

M. John McCallum: Je pense que mon temps est écoulé. Je voulais simplement dire...

Le président: Non, votre temps est écoulé, je suis désolé.

Fikre, je pense que vous aviez une question à évoquer et un commentaire à faire au sujet des armes à feu.

M. Fikre Tsehai: Oui, je voulais faire très rapidement une observation au sujet de la détention, plus particulièrement en ce qui a trait aux réfugiés de la mer de la province de Fujian.

J'irai tout d'abord dans le même sens que mon collègue, Victor Wong. La détention n'est pas la solution. Tout d'abord, s'il s'agissait par là de dissuader des réfugiés de la mer éventuels de venir au Canada, il s'agit d'un échec patent. Je me souviens que l'été dernier, alors que les bateaux de réfugiés se succédaient sur nos côtes, on a eu recours à la détention. Voilà qu'il y a deux semaines environ on en a vu arriver à nouveau, de sorte que c'est un échec.

Je crois qu'il nous faut comprendre que ces réfugiés viennent pour différentes raisons. Il n'y a pas seulement la persécution; il y a aussi la pauvreté, des conditions de vie très difficiles, et nous avons notre mot à dire à ce sujet. J'ai lu les comptes rendus de nombre de sociétés transnationales canadiennes qui exercent leurs activités dans la province de Fujian et qui versent là-bas des rémunérations.

Nous contribuons à faire naître des vocations de réfugiés de la mer qui viennent demander un statut de réfugié au Canada. Nos politiciens devraient intervenir et condamner les violations des droits de la personne. Je sais que c'est difficile. Je sais que ce n'est pas bon pour les relations commerciales internationales. Toutefois, si nous voulons que les gens restent chez eux, il y a un certain nombre de choses que nous pouvons faire.

Tout d'abord, sommes-nous en faveur d'un respect universel des droits de la personne? Il serait alors préférable que nous nous élevions pour condamner les infractions. Si c'est mauvais pour nos relations commerciales, c'est une tout autre question.

Les rémunérations—est-ce que nous recherchons de la main- d'oeuvre bon marché? Si ces gens quittent leur pays parce qu'ils vivent dans des conditions insoutenables, c'est aussi notre faute.

Le président: Je vous remercie.

Madeleine, vous voulez poser une question?

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président.

Le groupe LEGIT, dans son intervention, a fait référence à une certaine discrimination au niveau du parrainage. Il y a, en effet, de la discrimination, mais le terme «parrainage», comme tout le monde le sait, veut dire s'assurer que l'on s'occupe de quelqu'un, qu'on le prend en charge.

Comment pourrait-on mettre de côté le critère économique quand on pense, par exemple, aux gens qui sont contraints à vivre d'aide sociale? Pourrait-on envisager, par exemple, lorsqu'un parrain est malchanceux, que la personne parrainée puisse, pendant un certain temps, bénéficier elle aussi de l'aide sociale? Voilà ma première question.

Parlons de réduction du temps de parrainage. Dix ans, c'est bien long, surtout si on pense au fait que les relations humaines ne sont pas toujours de très longue durée.

Mon autre question s'adresse à Mme Huang. Vous avez fait référence aux critères et, dans votre exposé, vous avez mentionné que les critères ne tiennent pas compte des valeurs comme, par exemple, la non-violence ou l'importance de l'engagement dans la communauté. Une des caractéristiques des critères est qu'ils soient facilement mesurables. J'ai donc de la réticence à accepter d'inclure ces critères, même si je reconnais tout à fait le bien-fondé de ce que vous dites.

• 1515

Comment peut-on mesurer le sens qu'une personne donne à ces valeurs? Comment peut-on mesurer cela de façon équitable pour la personne et équitable pour la société?

[Traduction]

Le président: Je pense que la première question s'adressait à Chris.

Mme Chris Morrissey: Merci.

Je vous prie tout d'abord de m'excuser de ne pas pouvoir vous répondre dans notre deuxième langue officielle étant donné que ma deuxième langue à moi est l'espagnol et non pas le français.

Le président: Gracias.

Mme Chris Morrissey: De nada.

Pour ce qui est de l'assistance sociale et du fait que nous demandons qu'une personne doit pouvoir être en mesure de faire venir son conjoint dans notre pays même s'il bénéficie de l'assistance sociale, je dois dire tout d'abord qu'à notre avis c'est la réunification des familles qui est la pierre de touche de l'immigration canadienne. Sur le plan des relations, il est évident que dans notre société occidentale nous considérons que la famille nucléaire est le fondement de la société, et je considère donc qu'il y a là en quelque sorte une contradiction. Je répéterai que nous évaluons des facteurs économiques plutôt que de tenir compte avant tout des considérations humaines.

En second lieu, d'un point de vue purement économique, LEGIT a toujours été en faveur des relations d'interdépendance et non pas de dépendance. Traditionnellement, les femmes étaient à la charge de leur conjoint dans une relation hétérosexuelle alors que nos relations, qui mettent en présence deux partenaires de même sexe, cassent de toute évidence ce moule et partent d'un point de vue différent. Nous sommes donc en faveur des relations d'interdépendance.

Par conséquent, lorsqu'on se replace dans un cadre plus large et lorsqu'on considère les choses à long terme, ce n'est pas parce que le partenaire canadien bénéficie de l'assistance sociale qu'il restera automatiquement assisté à l'arrivée de son conjoint et que tous deux vont continuer à bénéficier de l'assistance sociale à long terme. J'ai d'ailleurs rencontré des personnes dont le conjoint avait des moyens suffisants et qui, peu après son arrivée dans le pays, était en mesure de contribuer à la société. Dans un premier temps, toutefois, ces mesures ne peuvent pas entrer au pays parce qu'elles ne répondent pas aux critères de parrainage.

En second lieu, l'arrivée d'un conjoint entraîne bien évidemment l'instauration de relations familiales et, par conséquent, il y a davantage de potentiel et de possibilités—si les qualifications sont là et si des emplois sont disponibles, parce que je pense que ce ne sont pas nécessairement les personnes concernées qui sont incapables de travailler, mais qu'il y a aussi la société qui n'est pas nécessairement en mesure de fournir des emplois.

Pour nous, cependant, il y a essentiellement deux principes. Tout d'abord, il est question ici de réunification des familles et non pas d'économie, et l'on ne devrait pas pénaliser les pauvres, qui seraient incapables d'avoir des relations parce qu'ils ne peuvent pas se le permettre financièrement.

En second lieu, je crois savoir que dans la pratique, lorsque des couples hétérosexuels se sont présentés devant la commission d'appel, les décisions ont été renversées; par conséquent, pourquoi ne pas dire dès le départ qu'à partir du moment où il s'agit d'une relation privilégiée, nous n'allons pas imposer le parrainage? Cela nous permettrait aussi d'éviter les problèmes liés à la violence et aux mauvais traitements infligés aux femmes ainsi qu'à la violence chez les couples de même sexe.

Troisièmement, nous considérons que les réticences relatives à l'assistance sociale sont à très courte vue étant donné la nature des relations.

Le président: Merci, Chris.

Agnes, pour ce qui est de la deuxième question...

Mme Agnes Huang: Merci. Je vous prie moi aussi de m'excuser de ne pas pouvoir vous répondre en français.

Le président: N'oubliez pas que nous avons un excellent système d'interprétation...

Mme Agnes Huang: Oui.

Le président: ...et d'excellents interprètes qui nous aident par ce moyen.

Mme Agnes Huang: Je comprends votre question. Je n'ai jamais dit que la solution était facile. Je veux simplement souligner qu'il y a une énorme contradiction dans le fonctionnement de notre politique d'immigration.

Notre pays s'appuie sur de nombreuses valeurs. Nous n'accordons pas simplement de la valeur aux gens en fonction de ce qu'ils peuvent produire et de ce qui peut être mesuré économiquement. Pourquoi n'instituons-nous pas d'autres mécanismes pour que notre système d'immigration tienne compte du fait que les gens peuvent venir chez nous pour apporter bien d'autres contributions qu'un simple apport économique?

• 1520

Je considère qu'un simple critère économique est bien étroit. Certes, c'est un système simple, mais la simplicité n'est pas toujours la meilleure solution. Je pense que nous nous privons d'un grand nombre de personnes qui pourraient apporter une très grande contribution. À mon avis, nous causons aussi des difficultés aux personnes qui veulent faire venir des membres de leur famille et qui ne peuvent le faire éventuellement qu'en recourant au parrainage, dans le cadre d'une relation de dépendance, sans que les nouveaux arrivants puissent venir selon leurs mérites propres et faire vivre cette famille pour que cette dernière—quelle que soit la façon dont on définit la famille—s'épanouisse, apporte une contribution à la société, etc.

La Loi sur l'immigration est conçue de manière si étroite à l'heure actuelle et définie de manière si simpliste en fonction de critères économiques que l'on exclut davantage de personnes. C'est ainsi que l'on crée éventuellement un système au sein duquel les personnes sont appréciées en fonction de leur pouvoir d'accès à la richesse. Est-ce vraiment ce que l'on souhaite au sein de notre collectivité?

Le président: Merci, Agnes.

Excusez-moi, mais il faut que je me mette à écourter les questions et les réponses. Nous manquons de temps.

John, suivi de Libby.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci. J'ai été quelque peu surpris par les premiers communiqués publiés par le ministère de l'Immigration au sujet de ce projet de loi. Il m'a paru assez inquiétant que le parti de Mike Pearson et de Pierre Trudeau choisisse de mettre l'accent sur la criminalité et non pas sur l'immigration, qui a contribué à faire augmenter la population de notre pays et a largement favorisé sa croissance.

Cela dit, je suis tout aussi favorable aux mesures judiciaires et incitatives que je le suis... J'ai toujours dit, au sujet des jeunes contrevenants, que lorsqu'on les met en prison avec des adultes, s'ils ne sont pas des criminels endurcis au moment où ils y entrent, ils le sont devenus lorsqu'ils en sortent.

Des fonctionnaires sont venus dire à notre comité que ce projet de loi ne va rien ajouter aux moyens dont nous disposons déjà pour ce qui est du traitement accordé aux criminels endurcis qui sont indésirables chez nous et que nous voulons expulser pour des raisons légitimes. Comme M. McCallum, je suis donc en faveur d'un projet de loi équilibré qui rende compte des préoccupations de notre société afin que nous puissions disposer d'un régime d'immigration libéral.

Au sujet des personnes que vous avez évoquées, Agnes, celles qui sont arrivées en 1999 et qui sont toujours en prison—je ne veux pas parler simplement de détenus, je dis bien en prison, ce que vous avez parfaitement compris, à mon avis—nous sommes partis du principe que cette mesure était nécessaire pour des raisons de sécurité publique ou parce qu'elles risquaient de s'enfuir. En tant que parlementaire, je suis très peiné de voir que ces personnes, qui recherchaient une autre vie chez nous, aient pu être détenues si longtemps.

Qu'est-ce qui devrait remplacer la détention? Je suis bien d'accord, le recours à la détention pour ces personnes, pendant si longtemps, ne se justifie pas. Toutefois, si ces personnes s'enfuient au cours de la procédure, ce n'est pas une bonne chose non plus. Que peut-on mettre à la place?

Mme Agnes Huang: Je pense que la collectivité dispose de meilleurs moyens que celui de la détention. C'est ce que nous avons cherché à faire au sein de DAARE et de DACC, en offrant aux gens le soutien de la collectivité. Au sein de DAARE, nous offrons notre temps et nous servons de contact avec la collectivité... Il y a d'ailleurs bien des gens au sein de cette collectivité, ce n'est peut-être pas un gros pourcentage, mais il y a bien 20 ou 30 personnes que je vois régulièrement, qui vivent au sein de la collectivité et s'y trouvent bien.

Ce qui a été difficile au départ pour bien des gens qui sont arrivés ici, ce fut d'entendre les agents de l'immigration leur dire: «Nous vous aurons d'une manière ou d'une autre». On leur a dit: «Même si on vous relâche, nous vous retrouverons et nous vous expulserons». Le sentiment général était le suivant: «Vous êtes dans l'illégalité, des clandestins, nous ne voulons pas de vous ici et nous vous aurons de toute façon». Il n'est donc pas étonnant qu'ils s'enfuient.

• 1525

Pourquoi inciter ces personnes à se jeter dans les bras d'intermédiaires auprès desquels ils s'endettent fortement et qui ne pensent qu'au profit? Pourquoi ne pas leur apporter le soutien de la collectivité? Pour protéger effectivement les gens contre les passeurs clandestins, il faut les accepter sur notre territoire. Il faut légaliser leur statut. Il faut leur donner une protection.

Les personnes qui restent détenues n'ont jamais été accusées d'être un danger pour le public. Cela a été dit très clairement. Chaque fois que l'on réexamine la détention, on précise que la question n'est pas là. Ce sont des jeunes, des jeunes femmes.

À titre de conseiller non juriste, j'ai d'ailleurs aidé deux femmes à sortir de prison ces deux dernières semaines. Elles avaient présenté une demande d'audience de leur cause devant la Cour fédérale et l'arbitre a jugé que le maintien en détention enfreignait les dispositions de l'article 7 de la charte.

Lors de ma plaidoirie, j'ai bien précisé que ces deux femmes avaient constamment fait preuve de franchise et de responsabilité. Elles ne s'étaient jamais contredites. Elles n'avaient pas menti à l'immigration. Elles s'étaient montrées coopératives.

L'arbitre a jugé qu'elles étaient dignes de foi, crédibles et honnêtes. Elles n'en avaient pas moins fait 19 mois de prison. Ce n'est pas juste.

Le président: Libby Davies.

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci.

Monsieur le président, j'aimerais bien que nous ayons beaucoup plus de temps pour évoquer précisément la question des réfugiés de la mer et du trafic humain parce qu'en fait nous n'avons pas entendu beaucoup d'arguments rationnels. Le débat a été complètement hystérique et s'est déroulé par l'intermédiaire des médias. Je me félicite donc qu'il ait lieu aujourd'hui.

J'ai en fait rendu visite aux 32 femmes du Centre correctionnel pour les femmes de Burnaby, et je peux confirmer les dires de Victor et d'Agnes et le fait que ces personnes sont privées de leurs droits fondamentaux en matière de traduction, d'accès à un avocat, de rédaction de la correspondance, d'appels téléphoniques, etc. Nous avons effectivement écrit à la ministre et je considère qu'il est tout à fait inhumain de retenir ces personnes en prison depuis maintenant près de deux ans. Ce système est un échec, pour tout le monde.

Je pense que vous nous avez fait effectivement une excellente proposition au sujet de ce nouvel article visant à protéger les victimes du trafic. J'aimerais que vous nous donniez quelques précisions sur ce qui a été fait aux États-Unis. Vous avez indiqué dans votre mémoire que l'on a offert 5 000 visas. Avez-vous d'autres précisions à ce sujet?

En second lieu, je tiens à préciser à LEGIT qu'il est assez surprenant de voir que dans le projet de loi C-23 toute cette question des relations entre personnes de même sexe en ce qui a trait à l'immigration reste confinée à la réglementation et n'est pas incorporée à la loi. On aurait pu penser que cette incorporation serait automatique. Bien évidemment, nous sommes résolument en faveur d'une formulation précisant que les relations entre personnes de même sexe sont incluses dans la notion de conjoint de fait.

Pour des raisons évidentes, que vous précisez, vous nous signalez qu'il est pratiquement impossible de satisfaire au critère de cohabitation d'un an, qui est désormais la nouvelle règle. Si, par conséquent, on ne retient pas ce critère, quel est celui qu'on pourrait alors employer pour démontrer qu'il s'agit d'une véritable relation de deux personnes du même sexe qui sont effectivement des conjoints de fait?

Le président: Pouvez-vous répondre tout d'abord au sujet des visas, Victor? Puis nous donnerons la parole à Chris Morrisey.

M. Victor Wong: Merci, Libby, de cette question.

Si je comprends bien, une nouvelle catégorie a été établie aux États-Unis, celle des visas T, dans le cadre de la loi visant à lutter contre le trafic, qui a été présentée l'automne dernier. Le projet de loi a été déposé par le sénateur Wellstone, du Minnesota, et il a été adopté.

L'INS offre chaque année 5 000 visas T aux personnes victimes du trafic. Il s'agit de considérer d'autres catégories de personnes, plus vulnérables. Ce sont ici des femmes et des enfants—éventuellement des femmes qui travaillent dans des salons de massage, qui s'adonnent à la prostitution et qui ont été forcées de faire ce genre de métier, ou éventuellement du personnel de maison mis en esclavage par des particuliers aux États-Unis, ou encore des migrants, des jeunes victimes du trafic organisé par leur propre famille.

Il semble donc qu'en la matière les États-Unis fassent preuve d'une plus grande compassion que le Canada.

Le président: On ne peut pas laisser faire cela.

Chris?

Mme Chris Morrissey: Au fil des années, LEGIT a élaboré un modèle qui pourrait remplacer le critère de cohabitation d'un an impossible à respecter par la plupart des gens, en se fondant sur la notion de «cohabitation présumée». De même qu'on peut présumer qu'une personne est, dans certaines circonstances, résidente du Canada même si elle réside à l'extérieur du pays, on pourrait considérer que les exigences de cohabitation sont respectées en apportant la preuve d'une relation suivie.

• 1530

Voilà huit ans que des personnes fournissent ce genre de preuve. Ce que nous proposons, c'est qu'au lieu d'appliquer ce critère unique, qui exige qu'il y ait une cohabitation d'un an, on puisse présumer que les conditions sont remplies dans certaines circonstances... à partir du moment où l'on peut fournir un dossier apportant la preuve que cette relation dure depuis un certain temps, tout devrait pouvoir être réglé.

Le président: C'est une solution qui apparaît logique.

Anita, une dernière question.

Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): En fait, vous avez peut-être déjà répondu à ma question parce que je me rends compte qu'une année de cohabitation n'est pas le seul critère permettant de démontrer l'existence d'une véritable relation de fait, et qu'il faut effectivement la présumer lorsque la cohabitation est impossible parce que les circonstances sont exceptionnelles, en cas de persécution, par exemple.

Je constate que votre exposé se démarque de presque tout ce que nous avons entendu ces dernières semaines. J'aimerais bien savoir comment vous classez les nombreuses recommandations que vous nous avez faites, par ordre d'importance. Quelles sont les deux ou trois questions qui vous paraissent les plus urgentes?

Mme Chris Morrissey: Je pense que la grande priorité serait d'incorporer à la loi l'expression «conjoint de fait de même sexe».

Mme Anita Neville: Puis-je faire une observation ici? En regardant le projet de loi, je vois qu'à l'article 96, pour ce qui est des «réfugiés au sens de la convention», on mentionne le cas d'un groupe social, et c'est la façon dont cela a été interprété par le passé. Vous voulez une formulation plus précise et plus explicite?

Mme Chris Morrissey: Oui. Je parlais du regroupement familial, mais ce deuxième point renvoie à la liste faisant état d'un groupe social. Je sais que selon l'interprétation actuelle de la charte, cette définition englobe les gais et les lesbiennes. De ce point de vue, étant donné que nous avons ici une loi qui s'applique à des gens habitant dans d'autres pays, il faut que ces derniers soient véritablement informés car ils ne se considèrent pas nécessairement comme faisant partie d'un groupe social. Si cette mention figurait dans la liste, ils comprendraient bien qu'une personne persécutée en raison de son orientation ou de son identité sexuelles peut prétendre à bénéficier du statut de réfugié au Canada.

Mme Anita Neville: Ce serait une priorité.

Mme Chris Morrissey: Je pense que la priorité serait le regroupement familial. Les deux choses sont parallèles. Il y a un article sur l'immigration et le regroupement familial et un autre de même nature, qui lui se trouve dans la partie de la loi consacrée aux réfugiés.

Mme Anita Neville: Je vous remercie.

Le président: Merci.

Si vous permettez au président d'intervenir, j'ai une dernière question à poser à Fred. En ce qui a trait aux visas de visiteur, je pense que vous avez touché une corde sensible, du moins chez ceux d'entre nous qui font parfois beaucoup de travail d'immigration dans leur bureau et s'efforcent de convaincre les agents des visas du monde entier que ces personnes veulent simplement venir voir leur famille, se réunir avec leurs parents et, effectivement, retourner chez elles au bout d'un certain temps.

Je pense que vous avez évoqué une question importante. Je me demande s'il y a un moyen—autre que l'intervention d'un député—de prouver que ces personnes souhaitent légitimement retourner chez elles. Y a-t-il un mécanisme ou un moyen—éventuellement un cautionnement—que l'on pourrait selon vous mettre en oeuvre? Peut-on penser à d'autres solutions autres que celle qui consiste à dire non à un pays donné parce que l'on soupçonne ses ressortissants de ne pas vouloir rentrer? Qu'est-ce que l'on pourrait faire selon vous dans la pratique?

M. Fred Peet: Le cautionnement est une possibilité. Le problème, c'est que les cautionnements ne sont pas acceptés dans les postes situés à l'étranger. Ils ne le sont qu'à l'entrée au Canada. Si quelqu'un propose par exemple, un cautionnement à Moscou, il ne sera pas accepté, parce qu'il n'y a aucun mécanisme de prise en charge.

Je recommanderais aussi que la demande de visa comporte la mention suivante: «J'atteste par la présente que je vais au Canada uniquement en visiteur. Je ne vais pas demander le statut de réfugié; je compte retourner chez moi. Si je change d'avis ensuite et si je demande le statut de réfugié, je renonce à tous les droits que peut me conférer la charte lorsque je me trouve au Canada.»

• 1535

Le président: Voilà qui est bel et bon, mais vous imaginez ce qu'un avocat pourrait faire d'une telle déclaration.

Croyez-moi, certains députés doivent signer pratiquement la même déclaration pour attester que ces visiteurs vont effectivement quitter le territoire et, s'ils ne le font pas, il est exclu que le ministre leur délivre d'autres permis ministériels ou leur apporte son aide dans d'autres dossiers. Nous sommes nous aussi pris entre deux feux.

M. Fred Peet: La charte, cependant, ne s'applique pas aux ambassades canadiennes situées à l'étranger. Je comprends bien vos réserves au sujet des recours que pourraient trouver les avocats, mais je ne pense pas que ça puisse être le cas en ce qui concerne la charte. Je considère que c'est l'une des principales causes de tous ces problèmes.

Je ne sais pas, il y a peut-être d'autres solutions. Voilà longtemps que je réfléchis à la question et c'est tout ce que j'ai pu trouver pour l'instant.

Le président: Vous avez encore deux semaines pour y réfléchir. Faites-nous parvenir éventuellement d'autres solutions par écrit, parce que nous en serons alors à l'étude article par article. Je pense que, comme l'ont fait tous les autres intervenants, vous avez soulevé là une question importante, Fred.

Je vous remercie de votre excellente contribution et de tout le travail que vous faites au sein de votre collectivité. Cela fait chaud au coeur de voir qu'il y a de si nombreuses personnes qui s'efforcent de bâtir des communautés où il fait bon vivre.

Chers collègues, dans deux minutes nous devrons passer à la dernière partie des témoignages. Vous savez qu'il nous faudra faire vite si nous voulons terminer à temps.

• 1537




• 1544

Le président: J'annonce à mes collègues et aux témoins que nous allons reprendre nos délibérations. Excusez-moi de ce retard, mais il est toujours difficile de faire en sorte d'entendre un maximum de personnes dans le moins de temps possible.

Il y a quelques groupes et un certain nombre de témoins qui souhaitent intervenir à titre personnel devant notre comité. Une fois de plus, je vais demander à chacun de s'en tenir à des interventions de cinq à sept minutes. Je serai obligé de vous couper la parole si vous dépassez ce délai. Veuillez m'excuser, mais nous manquons de temps. Nous avons des copies de vos mémoires.

Nous allons donner la parole à Noel Hermida, de la British Columbia Multicultural Health Services Society. Est-ce que Noel est ici? Non. Nous allons passer alors à la Coalition contre le trafic des femmes—Canada, dont la représentante est Gunilla Ekberg.

Mme Gunilla Ekberg (Coalition contre le trafic des femmes—Canada): La Coalition contre le trafic des femmes—Canada est heureuse de l'occasion qui lui est offerte de présenter ses commentaires sur le projet de loi C-11.

• 1545

Nous faisons partie d'une coalition internationale regroupant 500 ONG dans le monde qui luttent contre la violence faite aux femmes et cherche à éliminer l'exploitation sexuelle sous toutes ses formes, en particulier la prostitution et la traite des femmes et des enfants. Nous oeuvrons dans le domaine du droit, de l'élaboration des politiques, de l'éducation et de la formation, et nous participons à des congrès et à des négociations internationales portant sur ces questions.

Vous savez que le Canada a ratifié nombre de traités et d'accords dénonçant le trafic des femmes et des enfants à des fins de prostitution et d'exploitation sexuelle, qui est considéré comme une violation des droits de la personne et comme une violence faite aux femmes et aux enfants. J'en citerai quelques-uns: le plan d'action de Beijing, le document récapitulatif cinq ans après Beijing, la CEDEF et la Convention internationale relative aux droits de l'enfant. En signant ces documents, le Canada a accepté de mettre en oeuvre une législation nationale tenant compte de ces obligations.

Plus récemment, en décembre 2000, le Canada a signé une convention contre la criminalité transnationale organisée ainsi que deux protocoles supplémentaires visant d'une part à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et, d'autre part, à lutter contre le trafic illicite de migrants. Si vous voulez consulter ces protocoles, je les ai remis au greffier en français et en anglais. Le protocole s'appliquant au trafic fixe des normes minimums devant s'appliquer aux législations nationales et comprend une définition détaillée du terme de trafic. Il prévoit à la fois des mesures de prévention du trafic et de répression de ses auteurs, des dispositions visant à s'assurer que les victimes du trafic ne puissent plus en être à nouveau victimes par la suite.

La nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui est proposée est une loi cadre. Il s'ensuit que son application détaillée relève en grande partie de la réglementation. Il est important que le gouvernement consulte les ONG compétentes dans le domaine de la protection des réfugiés et du trafic des femmes et des enfants lorsqu'il se chargera d'élaborer cette réglementation.

L'article 96 du projet de loi C-11 donne la définition d'un réfugié au titre de la convention. Il faut que l'on y mentionne expressément le sexe de la personne en tant que motif de persécution pour tenir compte de la situation bien particulière dans laquelle se retrouvent nombre de femmes et de petites filles dans le monde, qui font face à l'oppression et à des actes de violence sévères sans être protégées par l'État ou par d'autres intervenants, et pour tenir compte aussi du fait que le Canada préconise depuis longtemps une politique d'égalité des sexes. Toutefois, nous sommes très inquiets de voir que l'infraction prévue à l'article 118 donne une définition du trafic qui n'est absolument pas conforme aux obligations acceptées par le Canada aux termes du protocole sur le trafic qui vient d'être adopté. La disposition sanctionnant l'infraction ne punit le trafic que lorsque celui-ci a été imposé de force ou dans des conditions s'apparentant à la force.

La définition proposée obligera la femme victime du trafic à prouver qu'elle n'a pas consenti à ce trafic. Les auteurs du trafic pourront alléguer le consentement de la femme comme moyen de défense, évitant ainsi pour la plupart d'être poursuivis et condamnés. Si l'on retient cette définition, la majorité des victimes du trafic sont laissées sans protection aux termes de la loi. Elle ne tient pas compte de la terrible réalité qui fait que la plupart des femmes et des enfants sont lancés dans la prostitution et l'exploitation sexuelle du fait des inégalités sociales, politiques et économiques. Cette omission ne profitera qu'à l'industrie de la prostitution au plan mondial en autorisant le trafic des femmes sur les marchés de la prostitution locaux dans la mesure où elles ont «consenti».

La définition du trafic devrait être modelée sur celle du protocole relatif au trafic, qui établit que le consentement de la victime n'est pas pertinent. Nombre de victimes du trafic à des fins de prostitution donnent au départ leur consentement parce qu'elles ne sont pas informées et n'ont aucune idée de ce qu'elles vont devoir subir lors du transport et lors de leur arrivée dans le pays hôte.

La définition de l'article 118 devrait par ailleurs criminaliser les agissements des trafiquants qui abusent de leur pouvoir et de la vulnérabilité de leur victime, quelle que soit la façon dont ces femmes et ces enfants sont amenés à se prostituer ou à être exploités sexuellement. Toutes les victimes du trafic sont gravement lésées sur le plan des droits de la personne et font l'objet d'abus sévère et de violence de la part des trafiquants, des proxénètes, des intermédiaires et des acheteurs, et il faut qu'elles soient protégées par la loi.

Cette définition doit aussi rendre compte du fait que le trafic a lieu en majorité à des fins de prostitution et d'exploitation sexuelle. Il convient par ailleurs de préciser le sexe de la personne à la partie 3 pour tenir compte du fait que ce sont les femmes et les enfants qui sont les plus vulnérables en cas de trafic, et notamment lorsque ce trafic est effectué à des fins de prostitution et d'exploitation sexuelle.

• 1550

Je tiens à mentionner une autre omission grave. Le projet de loi criminalise les trafiquants mais ne prévoit aucune disposition établissant des mécanismes de protection en faveur des victimes du trafic, contrairement à ce que font la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses deux protocoles supplémentaires. Il est indispensable que votre comité s'assure que les femmes et les enfants victimes de trafic bénéficient de la protection auquel ils ont droit dans le cadre du système, qu'ils témoignent ou non contre les trafiquants.

Nous avons bien peur que les femmes et les enfants victimes de trafic au Canada soient placés dans des centres de détention, comme cela s'est fait ici en Colombie-Britannique, soi-disant pour les protéger contre les trafiquants, qui peuvent user de représailles ou les transporter ailleurs sur d'autres marchés de prostitution au Canada ou aux États-Unis.

Nous adjurons le comité de faire en sorte que la nouvelle loi sur l'immigration se conforme au protocole sur le trafic, qui dispose expressément que les femmes et les enfants victimes de trafic doivent être considérés comme des victimes et non traités comme des criminels, et qu'il convient de les recueillir et de leur apporter l'aide nécessaire.

Il est indispensable que le gouvernement collabore avec les organisations de lutte contre la violence faite aux femmes et autres associations en faveur de l'égalité lorsqu'il mettra en oeuvre ces mesures. La Coalition contre le trafic des femmes adjure le comité de faire en sorte que les dispositions du projet de loi C-11 s'appliquant au trafic international des femmes et des enfants ne s'opposent pas au droit à l'immigration et à la liberté de se déplacer, notamment à la possibilité pour les femmes d'immigrer.

Il est important de reconnaître dans le projet de loi C-11 que les femmes et les enfants victimes de trafic à des fins de prostitution et d'exploitation sexuelle puissent être aussi des réfugiés, comme c'est le cas dans le protocole contre le trafic illicite de migrants. Il faut aussi que ce projet de loi contiennent des dispositions protégeant les droits de ces femmes en vertu du droit international, notamment au titre de la convention de 1951 et du protocole de 1967, y compris pour ce qui est de la protection contre le refoulement.

Il ne faut pas que ce projet de loi serve de manière détournée à considérer les femmes victimes de trafic comme des immigrantes illégales qui doivent automatiquement être expulsées du Canada. Les politiques d'immigration restrictives qui renforcent les contrôles aux frontières et qui servent à harceler les immigrants vulnérables ont souvent peu d'effet sur les trafiquants.

Lorsque les frontières sont fermées, les trafiquants deviennent les seuls à pouvoir faire immigrer les femmes et les enfants au plan international. Bien souvent, ces trafiquants font passer ces femmes et ces enfants par l'intermédiaire de réseaux de trafic internationaux qui alimentent la prostitution locale et les secteurs de main-d'oeuvre bon marché dans les pays hôtes.

En conclusion, nous adjurons le comité de faire en sorte que le projet de loi C-11 reprenne pleinement les dispositions de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses deux protocoles supplémentaires tout en se référant par ailleurs à la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et à la Convention relative aux droits de l'enfant.

Je vous remercie.

Le président: Merci, Gunilla.

Nous allons maintenant donner la parole à la Chambre des expéditions maritimes de la Colombie-Britannique. Ses représentants sont Ron Cartwright et Stephen Cutler.

Je me souviens, Ron, que vous avez comparu devant notre comité la semaine dernière ou celle d'avant et que nous vous avions demandé des précisions supplémentaires. Je pense que c'est ce que vous avez fait et vous pourriez peut-être nous donner rapidement cette information.

Le capitaine Ron Cartwright (président, Chambre des expéditions maritimes de la Colombie-Britannique): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Je serai bref. Je vais tout d'abord vous présenter le capitaine Stephen Cutler, qui m'aidera par ailleurs à répondre aux questions.

Monsieur le président, vous nous avez demandé la semaine dernière de vous donner brièvement quelques précisions au sujet de notre défense de la cause du transport maritime en haute mer. Vous vouliez que nous abordions trois domaines: la distinction qu'il faut faire entre les navires qu'utilisent les entreprises de notre secteur et ceux qu'emploient les trafiquants; en second lieu, les mesures prises par les entreprises de transport maritime pour éviter de transporter des passagers clandestins; enfin, les sanctions et les obligations actuelles imposées dans ce secteur lorsqu'il y a des passagers clandestins.

Je dirai dès le départ que si l'on veut essayer de mettre fin au trafic des personnes, il faut avant tout pouvoir adopter avec succès des mesures bilatérales avec les pays d'origine. Les mesures préventives prises par les entreprises de transport maritime, même si elles sont très poussées, ne peuvent pas en soi mettre fin au trafic tant que des mesures complémentaires ne seront pas adoptées par les autorités compétentes.

• 1555

Nous recommandons à nouveau que l'alinéa l48(1)a) soit amendé. Il s'agit par là de reconnaître que les articles 117 et 118 du projet de loi C-11 s'opposaient d'ores et déjà clairement au trafic clandestin.

Souvenez-vous de notre discussion de la semaine dernière, lorsqu'il s'agissait de savoir si un transporteur commercial transportait en toute connaissance de cause des immigrants illégaux. Nous avons proposé que l'on indique au début de l'alinéa 143(1)a) qu'une société de transport a l'obligation de s'assurer que toute personne qu'elle transporte sciemment au Canada possède des documents prescrits. Nous aurions supprimé «ou ne possède pas les documents prescrits» plus loin dans le texte. On soulignerait ainsi que le transport doit se faire en toute connaissance de cause.

J'en viens maintenant aux trois questions que vous nous avez posées. Il s'agit tout d'abord de faire la distinction entre les navires de notre industrie et ceux qu'utilisent les trafiquants clandestins. Disons que cette différence est très grande. Notre industrie fait usage d'équipement onéreux. Un porte-conteneurs coûte en moyenne 80 millions de dollars et ses frais d'exploitation sont d'environ 25 000 $ U.S. par jour—plus que ça en fait. La concurrence est grande et le temps compte beaucoup.

Par contre, le transport d'immigrants illégaux par des moyens autres que ceux du marché normal n'obéit à aucune de ces contraintes et dispose apparemment de fonds illimités pour tourner les mesures préventives qui peuvent être prises. Vous les trouverez ici encore, classées dans l'ordre, à la partie 2. Nombre d'entreprises de transport par conteneur ont déjà passé un protocole d'accord avec Immigration Canada et elles sont tenues de prendre un certain nombre de précautions. Vous en trouverez la liste dans ce document. De plus, qu'il y ait ou non un protocole d'accord, les assureurs maritimes exigent eux aussi un certain nombre de précautions.

Là encore, nous dressons la liste de toutes sortes de mesures qui relèvent de la compétence du navire et que celui-ci est tenu de mettre en oeuvre.

Enfin, la partie 3 dresse la liste des sanctions prévues par la loi actuelle. Je vous renvoie là encore au montant de 15 000 $ d'amende qui est prévu actuellement pour chaque passager clandestin. Ce montant a été doublé lors des derniers événements de Vancouver. Je crois que la compagnie qui a eu le malheur de transporter ces gens a fait face à une amende de plus de 1 million de dollars canadiens.

J'invite les membres du comité à poser des questions au sujet de ce document. Je pense que c'est tout, à moins que vous vouliez d'autres précisions.

Le président: Merci, Ron. Je pense que vous avez fait connaître au comité ce qu'il voulait savoir au sujet des obligations qui sont les vôtres à l'heure actuelle et des ententes bilatérales passées entre la Fédération maritime et Immigration Canada, ainsi qu'avec vos assureurs, par exemple. Cette information devrait nous être très précieuse. Merci, Ron.

Nous allons donner la parole au Centre des femmes des Philippines. Ses représentantes sont Luningning et Mme Farrales. Soyez les bienvenues.

Mme Luningning Alcuitas-Imperial (présidente, Centre des femmes des Philippines): Bonjour. Je remercie le comité de nous donner l'occasion de faire connaître le point de vue de la communauté philippine, notamment des femmes des Philippines.

Je vais vous donner les grandes lignes de notre mémoire et Sheila Farrales, qui participe activement à l'organisation des infirmières philippines qui accomplissent des tâches domestiques, pourra répondre à vos questions.

Je vais tout d'abord vous présenter notre organisation. Nous nous sommes constitués en 1986 pour traiter collectivement des questions liées aux femmes philippines au Canada et nous avons aussi un réseau dans tout le Canada, qui comprend notamment le Centre des femmes philippines de l'Ontario, qui vient d'être créé.

• 1600

En analysant le projet de loi C-11, nous sommes partis avant tout du principe qu'il fallait promouvoir les droits et l'égalité des femmes philippines. Il ressort toutefois de cette analyse du projet de loi C-11 que rien ne va véritablement changer pour notre communauté, qui reste en marge, confinée à certains emplois et déqualifiée. Les objectifs exprimés par le projet de loi C-11 ne sont pas nécessairement adaptés à notre situation. Nous tenons à exposer cette situation dans quatre secteurs différents de notre communauté.

Pour vous donner une idée de la communauté philippine, nous sommes aujourd'hui plus de 240 000. Nous sommes l'un des principaux pays d'immigration au Canada. En fait, les Philippines sont le principal pays d'immigration dans le monde, puisque 10 p. 100 de sa population travaille à l'étranger. Notre population est très instruite mais déqualifiée, et cela s'explique en partie par la mise en place du programme concernant les aides familiaux résidants au sein de notre collectivité. Les femmes représentent 65 p. 100 de la population philippine au Canada. Dans sa majorité, le personnel de maison qui arrive au Canada vient des Philippines et les enfants qui arrivent actuellement chez nous sont ceux du personnel de maison.

Le programme concernant les aides familiaux résidants n'est pas mentionné dans la loi, vous le savez, mais nous supposons qu'il va être maintenu dans la réglementation. Notre association est l'une des nombreuses organisations de femmes et de personnel de maison ayant milité pour que l'on mette fin au PAFR parce que nous considérons qu'il s'agit d'un esclavage de l'ère moderne pour nos femmes. Il est à l'origine de nombre de difficultés économiques et sociales de nos communautés. Nous voudrions d'abord que l'on supprime l'obligation de vivre au domicile de l'employeur et le fait que ces femmes arrivent ici avec un statut temporaire.

Nous nous intéressons aussi à d'autres restrictions figurant dans ce programme, notamment le fait que ces femmes ne sont pas autorisées à poursuivre leurs études lorsqu'elles relèvent du PAFR. Nous recommandons que si l'on maintient ce programme, la Convention des Nations Unies sur les droits des travailleurs migrants soit incorporée à la loi par voie de référence; que le personnel de maison soit exonéré du paiement de la capitation ou du droit d'établissement; que l'on mette fin à la pratique liant les demandes de résident permanent présentées par les femmes à celles de leur famille; enfin, que l'on incorpore plus précisément, par voie de référence, la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant lorsqu'on considère les enfants du personnel de maison. Nous connaissons tous de nombreux cas—certains d'entre eux ont été mentionnés précédemment par DARE et par la Vancouver Association of Chinese Canadians—de femmes travaillant dans le cadre du PAFR qui risquent une expulsion, leurs enfants perdant eux aussi leur statut et leurs prestations médicales ici au Canada.

Nous demandons aussi que l'on tienne compte des considérations humanitaires lorsque le personnel de maison a donné de faux renseignements—nombre d'agences d'emploi étant en fait à l'origine de ces faux renseignements—et que le personnel de maison ait accès à des services spécialisés de réinstallation des immigrants.

Il y a une chose que nous aimerions souligner. Nous savons, d'après les commentaires qu'a fait la ministre à votre comité, que le programme concernant les aides familiaux résidants est en fait le modèle d'expansion du programme des travailleurs étrangers temporaires. Compte tenu de notre expérience et des abus constatés au sujet du PAFR, nous demandons à votre comité d'accorder une attention toute particulière au programme des travailleurs étrangers temporaires.

Nous avons fait aussi de nombreuses recherches et un gros travail pour défendre la cause des femmes philippines que l'on marie par correspondance. Nous renvoyons dans notre rapport à une étude qui vient d'être terminée et qui se trouve sur le site Internet de Condition féminine Canada. Quarante femmes ont été interrogées dans cette étude. On voit que ces femmes sont de plus en plus nombreuses, et cela fait partie de l'intensification du trafic des femmes dans le monde, notamment en provenance du tiers monde, qu'a évoquée ma collègue, Mme Ekberg.

Pour ce qui est de nos recommandations touchant la réglementation s'appliquant aux mariages par correspondance des femmes, nous estimons que l'on ne va pas assez loin en ramenant les exigences de parrainage à trois ans pour éviter les abus et la relation de dépendance qui résultent de la vulnérabilité des femmes mariées par correspondance. Par ailleurs, l'interdiction du parrainage en cas de condamnation pour violence domestique ne suffit pas à empêcher les abus concernant ces femmes et à éviter les parrainages en série, qui ont fait les manchettes des journaux en Australie en ce qui concerne les mariages par correspondance de femmes philippines.

• 1605

Quant aux infirmières philippines qui accomplissent des tâches domestiques, nous savons que votre comité a entendu de nombreuses interventions touchant la question de l'accréditation des migrants et des immigrants, mais nous soutenons que la situation de ces infirmières philippines est bien particulière étant donné qu'une partie des obstacles à l'accréditation découle directement de leur statut dans le cadre du programme concernant les aides familiaux résidants. Nous soutenons que le gouvernement fédéral devrait véritablement faire preuve d'initiative pour écarter ce qui fait obstacle à ces femmes auprès desquelles nous avons oeuvré, qui réunissent tous les critères d'accréditation mais qui ne sont pas en mesure d'exercer leur profession d'infirmière en raison de leur statut dans le cadre du PAFR. Nous tolérons cette situation, vous le savez, alors que dans notre pays la pénurie d'infirmières est grande.

Au sujet de la situation des infirmières philippines, nous tenons aussi à souligner le fait que nombre de ces femmes viennent nous dire qu'elles sont exploitées parce qu'elles travaillent 24 heures sur 24 pour aider à domicile les personnes âgées, les handicapés ou les malades, et qu'elles ne sont pas suffisamment protégées. Elles sont mal payées. Pourtant, certaines de ces femmes risquent l'expulsion parce qu'elles ne répondent pas aux exigences de 24 mois d'emploi alors que nous prétendons que lorsqu'on tient compte de la situation réelle, puisqu'elles travaillent 24 heures par jour, elles réunissent en fait largement les conditions requises.

La dernière situation dont nous tenons à vous faire part et qui concerne un autre groupe au sein de notre communauté—est celle des médecins philippins qui ne peuvent pas pratiquer ici. Nous tenons simplement à dire à votre comité qu'il est urgent de régler cette question parce qu'à notre avis c'est un terrible gaspillage de ressources humaines. Certains médecins qui s'adressent à notre centre travaillent en qualité d'aides soignants, de techniciens de laboratoire ou d'assistants de recherche. L'un d'entre eux nous a dit que les conditions de son arrivée au Canada confinent à la violence psychologique étant donné qu'il est dans l'impossibilité de pratiquer son métier, d'assurer la stabilité financière de sa famille et de se prévaloir des droits de la personne et de l'égalité qu'il considère comme étant l'objectif de votre comité et de ce projet de loi.

Je vous remercie.

Le président: Nous allons maintenant passer à Steve Kaufmann.

M. Steve Kaufmann (témoignage à titre personnel): Je vous remercie.

C'est la première fois que je me présente devant vous. J'ai pris une journée de congé pour venir ici. C'est une belle expérience.

[Français]

Je préviens les traducteurs que je vais me permettre quelques mots en français pour reconnaître le caractère bilingue de notre pays.

[Traduction]

Je ne représente aucun groupement d'intérêt particulier. Je suis un simple citoyen. Je pense que je représente l'intérêt public.

Il y a évidemment des milliards d'habitants dans le monde. Chaque individu mérite tout à fait notre sympathie. Il y a toutes sortes de situations qui justifient qu'une personne, ses parents ou alliés, ou encore ses amis, puissent être admis à entrer au Canada. Nous sommes toutefois obligés de faire preuve d'arbitraire pour protéger les intérêts nationaux bien compris du Canada et pour que notre politique d'immigration ait l'appui de la majorité de la population.

Je pense que la clé d'une bonne politique d'immigration est l'intégration. L'intégration doit s'appuyer sur une société non raciale ou multiraciale mais qui a cependant une certaine unité—tous ayant le sentiment qu'il y a une identité et des valeurs communes.

Je suis né pour ma part en Suède et j'avais cinq ans lorsque je suis arrivé ici. Le père de ma femme est chinois, sa mère vient du Costa Rica et par conséquent nos enfants sont drôlement métissés. Il n'ont qu'une seule identité—l'identité canadienne. Il n'est pas possible de les rattacher à leurs ancêtres, et cela ne les intéresse pas vraiment.

L'intégration est la clé et c'est elle qui amène la population à appuyer l'immigration. C'est elle aussi qui permet d'éviter que bien des immigrants qui arrivent ici soient déçus. J'ai rencontré de nombreux immigrants qui s'attendaient à trouver du travail chez nous et qui n'y parviennent pas en réalité, ou qui n'ont pas les compétences linguistiques, alors qu'on ne leur a pas dit très clairement à quel point il leur serait difficile de s'en sortir en l'absence de ces compétences.

Donc, dans la mesure où nous nous donnerons davantage la possibilité de sélectionner les immigrants potentiels en fonction de leurs possibilités de succès au Canada, de leur capacité d'intégration, le projet de loi C-11 sera une bonne chose—une bonne chose pour les immigrants et pour l'appui donné par la population dans son ensemble à l'immigration au Canada.

Si l'on étend la catégorie du regroupement familial au-delà de l'âge de 18 ans, âge à partir duquel la plupart des gens considèrent que l'on n'est plus une personne à charge, ou si l'on fait quoi que ce soit pour augmenter le nombre de gens qui ne sont pas admis en fonction de leur propre mérite, je pense que les résultats seront négatifs.

Je considère qu'il y a bien des mythes en ce qui concerne l'immigration. On a laissé entendre—et j'ai lu l'article publié dans le journal de Toronto qu'a mentionné M. McCallum—que nous avions besoin d'une quantité x d'immigrants. Nous n'avons pas besoin d'une quantité x d'immigrants et je pense que très peu de gens sont favorables au principe d'accueillir nécessairement un 1 p. 100, 2 p. 100, 0,5 p. 100 ou 100 millions de personnes. L'argumentation qui était présentée dans ce journal, selon laquelle la bande inférieure du Canada s'apparentait aux Pays-Bas est de toute évidence tout à fait dérisoire. Bien sûr, on peut faire comme en Hollande et commercer avec le reste du monde si l'on se trouve quelque part en Saskatchewan à quelques pas de la frontière avec l'Iowa, par exemple. Bien évidemment, on ne peut avoir la même densité de population partout ailleurs. Il ne s'agit pas de savoir ce dont nous avons besoin mais ce que nous voulons.

• 1610

Je ne pense pas que les Canadiens veuillent à tout prix faire partie du G7. Je ne pense pas que les gens veuillent que nous ayons une population de 50 millions d'habitants pour pouvoir être membre du G7. Ce qui intéresse les gens, c'est la qualité de la vie dans notre pays.

Il y a aussi la question du coup de pouce apporté à notre démographie. Je suis allé consulter le site Internet de ce professeur de l'université Western Ontario. Les immigrants ont en moyenne deux à trois ans de moins que l'ensemble de la population canadienne. Si, par conséquent, l'âge moyen de la population canadienne est de 36 ans, elle est de 33 ou de 34 ans pour les immigrants. Si l'on fait venir 30 millions d'immigrants, l'âge moyen de notre population va baisser d'un an. Des études ont été faites aux États-Unis qui démontrent que dans des pays comme ceux de l'Europe, par exemple, si l'on veut agir sur la démographie, il faut augmenter la population en la quadruplant tous les 25 ans. C'est un simple calcul mathématique. Je pense donc que la population va cesser d'appuyer l'immigration si elle leur est représentée sous de faux arguments.

L'immigration doit être justifiée par une image positive qui met au premier plan des personnes qualifiées, qui contribuent à la société, qui veulent s'intégrer au Canada et qui souhaitent s'identifier à ce pays. Voilà les gens que nous voulons faire venir chez nous.

La plupart des gens auxquels je parle—et je sais que mes opinions ne correspondent pas à celles des intervenants qui sont venus témoigner devant vous aujourd'hui—estiment que l'on fait la promotion d'un régime d'immigration ancré dans une industrie multiculturelle qui encourage les gens à conserver leur identité et leur patrimoine ancestral et les dissuade d'adopter une nouvelle identité canadienne. Je pense que cela va porter préjudice à l'avenir à l'immigration et aux succès futurs d'une société multiraciale intégrée.

[Français]

Je vais parler un peu en français parce que c'est un peu l'exemple du Québec, le Québec francophone. La société francophone au Québec a le même problème, celui d'intégrer des nouveaux venus dans une société francophone qui doit quand même avoir quelques valeurs communes, une identité commune. Je regarde de temps en temps la télévision en français et je vois des gens qui ont des noms grecs ou des gens qui sont évidemment d'origine haïtienne, mais qui s'identifient à la société québécoise.

Nous avons le même besoin au Canada anglais, celui d'intégrer tout le monde dans une identité canadienne multiraciale, comme dans ma famille d'ailleurs, mais qui n'encourage pas les gens à maintenir toute cette appartenance à une identité raciale, une identité de leurs ancêtres.

[Traduction]

Je considère donc que l'intégration est un élément très important d'une bonne politique d'immigration. Je ferai donc rapidement une ou deux propositions pour ne pas dépasser le temps qui m'est imparti.

Tout d'abord, je sympathise évidemment avec les difficultés rencontrées par les immigrants qui ne réussissent pas à faire accréditer leur diplôme. Je considère bien sûr que toute la politique d'immigration devrait être axée sur l'intégration. Les obstacles à l'intégration devraient être écartés. Je pense qu'il est extrêmement important de se pencher sur les obstacles qui empêchent les gens de réussir à trouver un emploi chez nous. L'accréditation est l'un d'entre eux. À mon avis, toute personne—quel que soit son pays d'origine—qui réussit à venir chez nous en ayant un visa de travail et qui réussit à trouver de l'emploi doit pouvoir bénéficier d'une procédure accélérée. À l'heure actuelle, les gens—après avoir suivi, disons, une longue procédure—finissent par entrer et s'aperçoivent qu'ils ne peuvent pas trouver de travail. Ils sont terriblement déçus et bien souvent ils retournent chez eux.

Ne serait-il pas possible d'avoir un système plus souple permettant aux immigrants de venir chez nous avec un visa de travail? S'ils ne réussissent pas à trouver du travail, tant pis pour eux. Ils rentrent chez eux et on n'en parle plus. S'ils réussissent à trouver du travail, dans les trois mois ils obtiendraient le statut d'immigrants. De la même manière, on devrait accorder des facilités aux personnes qui sont venues étudier chez nous. Elles devraient bénéficier d'une procédure spéciale. Étant donné qu'elles sont déjà familiarisées avec le Canada, elles ne seront pas déçues. Elles savent à quoi s'attendre. Si elles réussissent à trouver du travail, on pourra accélérer leur dossier. Ce serait la première chose en ce qui a trait à l'immigration.

En second lieu, l'un des gros obstacles à l'intégration à l'heure actuelle vient du fait que la population d'un petit nombre de pays se concentre dans un petit nombre de municipalités d'accueil. Je m'occupe d'une scierie dans le nord de l'Alberta. Je suis sûr que je pourrais me rendre dans une des localités de cette région et demander à la population de parrainer quelques familles, de leur trouver des emplois qu'elles pourraient occuper pendant deux ans. Elles pourraient repartir au bout de deux ans, mais au moins on inciterait les gens à voir le reste du pays. Ils pourraient finalement émigrer à nouveau pour retourner dans le pays où ils ont leur famille, mais il me semble que tout ce qui peut encourager les gens à se disperser va accélérer l'intégration. Nous connaissons tous l'histoire des Ukrainiens qui se sont établis dans une collectivité ukrainienne et qui ne se sont pas véritablement intégrés alors que celui qui allait directement s'installer dans le Nord s'est complètement intégré et est très heureux de l'avoir fait.

• 1615

Par conséquent, une certaine forme de politique de dispersion volontaire... il semble qu'on force un peu la main aux gens en les obligeant à se déplacer. Toutefois, si c'est volontaire, je pense que ça pourrait réussir. Même les immigrants, lorsqu'ils présentent leur demande, devraient recevoir des points supplémentaires—et peut-être que le système existe déjà—spécialement prévus au cas où ils seraient prêts à passer un certain nombre d'années loin des concentrations existantes d'immigrants.

Je terminerai en disant que vous faites preuve d'injustice lorsque vous tombez à bras raccourcis sur un témoin qui, à l'image de Dan Murray ce matin, avance un argument qui n'est pas majoritaire. C'est l'impression que j'en ai retiré. Il s'est contenté de dire que lui-même et son groupe estimaient qu'il y avait trop d'immigrants. Il n'y a rien de scandaleux à avancer un tel point de vue.

Je considère qu'il vous faut ouvrir la discussion à toutes les opinions parce qu'à l'heure actuelle, malheureusement, 90 p. 100 des intervenants font partie du groupe de pression pro-immigrants ou encore sont des avocats ou d'autres personnes de ce type. Je trouve formidable que l'on offre une tribune à ce segment de la population dans notre pays. Il ne nous faut pas toutefois laisser de côté ou décourager les opinions contraires.

La façon dont vous avez traité M. Murray ce matin ne peut que décourager d'autres personnes qui, comme lui et moi, doivent prendre une journée de congé pour venir ici. Il est possible que cela fasse partie du travail de certains de ces autres intervenants, mais ce n'est pas notre cas. Vous vous êtes montrés injustes envers ce témoin, à mon avis. Si vous voulez que la politique d'immigration ait du succès, il vous faut compter sur l'appui de tous, y compris de Dan Murray.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Kaufmann. Ce fut un plaisir de vous inviter parmi nous.

N'ayant pas la possibilité de venir parler devant un comité, bien des gens écrivent en fait à tous les députés—nous recevons des milliers de lettres—pour leur dire ce qu'ils pensent de tel ou tel projet de loi. Nous avons invité les Canadiens à le faire et, par conséquent, les simples citoyens, qui n'appartiennent à aucun groupe, ont eux aussi la possibilité de prendre part à l'opération.

Nous ne vous en remercions pas moins de votre intervention et des idées que vous avez exprimées cet après-midi.

Eh bien, monsieur Campbell, vous êtes un spécialiste de l'immigration. Parlez-nous un peu de vous.

M. Charles M. Campbell (témoignage à titre personnel): Disons que c'est l'étiquette qui m'a été donnée. Je n'ai rien à y voir.

Le président: Très bien.

M. Charles Campbell: J'ai simplement travaillé pendant dix ans à la Cour d'appel de l'immigration, dont huit ans en qualité de vice-président, et ce que j'ai vu m'a fortement inquiété.

Il y a deux ans, quand j'ai pris ma retraite—je l'ai prise à 70 ans; comme vous le savez, c'est la règle dans ce genre de poste—j'ai pris du recul par rapport à toutes ces questions législatives, mais je m'y suis intéressé à nouveau par la suite. Je me suis senti une obligation. Comme vous pouvez le voir, j'ai alors rassemblé toute cette information—tous les documents officiels ainsi que les rapports tant officiels qu'officieux—afin de rédiger l'ouvrage que vous avez devant vous. C'est sur lui que se base essentiellement mon intervention devant votre comité.

Je tiens à préciser cependant que cet ouvrage rend compte de tous les événements qui se sont produits au cours des 15 ou 18 dernières années. Ce n'est pas un compte rendu d'opinion—les miennes ou celles de quelqu'un d'autre. C'est un compte rendu précis de la situation. Je n'ai pas le temps de tout évoquer, mais j'ai préparé un bref résumé que je devrais pouvoir vous lire ici en un peu plus de cinq minutes.

Pour commencer, je vous souhaite à tous la bienvenue à Vancouver et je tiens à vous dire à quel point j'apprécie l'occasion qui m'est offerte de témoigner devant votre comité.

L'essentiel est de reconnaître que la mise à plat de la loi grâce au projet de loi C-11 nous donne la possibilité de revoir toutes les dispositions de nos lois sur l'immigration et sur le statut de réfugié pour s'assurer qu'elles répondent aux besoins du Canada. On n'a pas saisi cette occasion lorsqu'on a conçu le projet de loi C-11, ce qui fait que l'on pas hésité à exempter les familles parrainées des critères d'admission, à imposer une lourde charge aux services sociaux et de santé et à autoriser l'entrée de jeunes gens et de jeunes femmes de 21 ans sans même leur demander s'ils parlaient notre langue ou comment ils comptaient gagner leur vie.

Avec la loi de 1978—il y a 25 ou 30 ans—et la mise en place du regroupement familial, des parents aidés, de la catégorie des entrepreneurs et, plus tard, en 1989, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la qualité des nouveaux arrivants a commencé à baisser régulièrement. L'information qui devrait permettre de reformuler la loi existe dans les dossiers du gouvernement et dans des études de grande valeur, indépendantes, émanant des institutions et des universités. Toute l'information est disponible.

• 1620

La fuite, en 1994, de rapports très critiques, organisée par des hauts fonctionnaires d'Ottawa et, en 1995, par un groupe d'agents de l'immigration de la Colombie-Britannique et du Yukon, chacun de ces rapports ayant été gardé secret par le ministre, montre bien que l'administration est disposée à collaborer.

Les abus et les lacunes ayant suivi l'adoption de la loi de 1978 ont été signalés très tôt par le vérificateur général dans son rapport de 1982. Il a constaté que les immigrants relevant de la catégorie du regroupement familial étaient mal préparés à travailler sur notre marché et à s'adapter à la vie canadienne. Il y avait bien d'autres critiques, mais ce rapport détaillé de 33 pages a été complètement laissé de côté par les politiciens et passé sous silence par les médias. Ses conclusions sont toujours valables aujourd'hui.

En 1988, les immigrants indépendants arrivés en 1985 gagnaient en moyenne 45 000 $ par an, contre 14 000 $ seulement pour les immigrants de la catégorie du regroupement familial. Une étude du recensement faite en 1990 par l'université Simon Fraser a relevé que les immigrants arrivés après 1980 dans la région de Victoria-Vancouver—c'est ici—ne touchaient que 58 p. 100 du revenu des immigrants arrivés avant 1981 et des citoyens nés au Canada. On a retenu cette année-là parce que c'est en 1981 qu'a eu lieu le recensement. Une étude faite ultérieurement par l'Université de Toronto a fixé ce chiffre à 60 p. 100 pour le Canada, soulignant les dangers d'une augmentation de la pauvreté chez les immigrants. Il y a bien sûr un certain nombre d'immigrants qui ont apporté une très grande contribution à notre pays et l'on peut donc se demander combien il a fallu de personnes ayant de faibles revenus pour faire tomber la moyenne de 40 p. 100.

Les conséquences inévitables ont été exposées dans un document ministériel ayant fait l'objet d'une fuite en 1994, qui fait état d'une charge annuelle de 700 millions de dollars au titre de l'aide sociale versée aux immigrants relevant de la catégorie du regroupement familial ayant des parrains qui n'ont pas rempli leurs engagements financiers. Sept ans plus tard, étant donné les arrivées de plus en plus nombreuses, la facture pourrait bien se monter à 1 milliard de dollars et l'on a la preuve qu'il en va de même pour les réfugiés. L'état de pauvreté croissante de chaque nouvelle vague d'immigrants est donc désormais bien établi.

Le problème n'est pas différent pour les parents aidés, dont les gains se trouvent au même niveau que les immigrants de la catégorie du regroupement familial. Le fait qu'ils soient inclus dans les statistiques relevant de la catégorie des immigrants répondant à des critères économiques semble s'expliquer par la volonté d'enjoliver les statistiques. Les entrepreneurs ont été suivis en 1986 par la catégorie des investisseurs et, en 1991, une grande étude du Conseil économique concluait que le Canada avait déjà trop de capitaux de risque et des entrepreneurs en quantité. Ces faits ont été confirmés sept ans plus tard par le comité consultatif du ministère.

Un an plus tard, Rosalyn Kunin, de Vancouver, qui était membre de ce comité, a déclaré que les immigrants de la catégorie des affaires étaient «peu instruits, incapables de se débrouiller en anglais ou en français et enclins le plus souvent à être des investisseurs passifs qui ne lançaient pas nécessairement une entreprise». Mme Kunin a été à une époque employée du ministère fédéral de l'Immigration. Elle a fait partie de son personnel. À son avis «l'impression favorable qu'a l'opinion publique des immigrants du secteur des affaires était bien éloignée de la réalité».

Il faut voir que ce point de vue s'appuie sur des réalités. Entre 1994 et 1998, David Webber, économiste auprès de la Banque mondiale, a été engagé par le gouvernement pour examiner les résultats du programme des investisseurs. Il a constaté que le succès du programme dont faisait état Immigration Canada était grossièrement exagéré et que les Canadiens avaient concédé un véritable privilège, un visa ou un passeport, en contrepartie de pas grand-chose.

Assumant ses responsabilités vis-à-vis du public, M. Webber a tenu une conférence de presse pour faire connaître ces conclusions à la population canadienne. C'était bien sûr nécessaire. Sur l'invitation du gouvernement, il avait travaillé la question entre 1994 et 1998. Ses rapports ont dû arriver régulièrement sur la table du ministre, mais ils n'ont jamais été divulgués publiquement. On n'en a jamais tenu compte.

Par surcroît, il y a les réfugiés qui font quotidiennement les manchettes. Je vais moi aussi vous en parler. Le nombre de dossiers en retard en instance d'audience devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié était à la fin de l'année de 30 000. Ce sont donc 30 000 étrangers libres d'aller et de venir dans notre pays en jouissant de tous ses avantages et de tous ses privilèges. Ce sont là des coûts d'entretien annuels de 10 000 $ par personne, ce qui fait 300 millions de dollars par an pour ce groupe.

• 1625

Les coûts se multiplient. Les coûts réels portent sur l'administration, l'expansion des infrastructures, l'assistance sociale, les soins médicaux, la lutte contre la criminalité, l'aide juridique et les services devant les tribunaux ainsi que les coûts d'ALS de base pour les élèves et les parents. Cela pourrait se monter à plus de 4 milliards de dollars par an, empêchant ainsi de nombreux Canadiens véritablement dans le besoin de bénéficier des services nécessaires.

Vous allez me demander, comment le savez-vous? Je ne le sais pas précisément, mais il est évident que lorsqu'on voit tout ce qui se passe, c'est tout à fait possible. Je pense que votre comité a l'obligation d'aller voir ce qui se passe en réalité. C'est à cela que servent les comités.

J'ai rassemblé tous ces éléments pour justifier mon opinion et faire état de mes préoccupations touchant le programme d'immigration. Pour finir, je vous remercie de m'avoir écouté et je tiens à vous dire que vous avez la chance insigne de relever ce grand défi et de servir le Canada. Je vous souhaite bonne chance.

Le président: Nous allons maintenant inviter un témoin qui nous rend souvent visite, Martin, à prendre la parole devant le comité. Il a réussi à se présenter à plusieurs reprises devant notre comité lorsque nous avons étudié, par exemple, le système de détermination du statut de réfugié. Nous tenons à souhaiter à nouveau la bienvenue à Martin Collacott, ex-ambassadeur du Canada. Martin, vous êtes le bienvenu.

M. Martin Collacott (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président, et je remercie les membres du comité de me recevoir.

Je crois que je suis le dernier témoin à comparaître cet après-midi, n'est-ce pas? Cela signifie que je dispose de tout le temps qui reste ou qu'il va falloir vous dépêcher pour ne pas manquer votre avion.

Le président: Vous avez en partie raison sur les deux points.

M. Martin Collacott: Très bien.

Le président: Pour commencer, M. Wong vient immédiatement après...

M. Martin Collacott: Oh, c'est parfait. Excusez-moi.

Le président: ...de sorte que nous sommes tous limités par le temps.

M. Martin Collacott: Très bien. J'ai remis un mémoire de 14 pages—excusez-moi, mais je suis quelque peu enroué—et je vais essayer de dire le maximum, de souligner les différents points en cinq minutes. Je pourrai aborder lors de la période des questions les points que j'aurai éventuellement laissés de côté. Je tiens à aborder à la fois la question de l'immigration et celle des réfugiés.

Je commencerai en disant que, comme tout le monde, je considère que l'immigration a bien servi le Canada, ne serait-ce qu'en l'enrichissant en accroissant la diversité au sein de notre société. Ma propre famille en est témoin. Mes parents ont immigré d'Angleterre et ma femme d'Asie et, pour bien me situer, je préciserai que mon beau-père vient pratiquement de la province de Fujian. Il est originaire de la zone frontalière de la province de Guangdong, Chao Zhou, de sorte que la cause des immigrants me tient à coeur.

Par la même occasion, j'ai examiné les effets réels et potentiels de nos politiques concernant l'immigration et les réfugiés. Je constate qu'à bien des égards ils sont très différents des intérêts du Canada et que ceux qui pourraient avoir le plus à en souffrir si nous ne faisons pas bien les choses, ce sont les immigrants eux-mêmes, de sorte qu'il me faut maintenant aborder un certain nombre de points précis.

La première question est celle qu'a traitée M. McCallum au sujet de son article du Star, à savoir quel est le nombre d'immigrants dont nous avons besoin. Je pense que l'année dernière nous en avons reçu environ 226 000 alors que la ministre, comme l'indique le livre rouge, vise 300 000, soit 1 p. 100 de la population.

L'étude la plus exhaustive de cette question a été faite il y a 10 ans par le Conseil économique du Canada, une organisation financée par le gouvernement. La plupart des études sur lesquelles j'appuie mes conclusions émanent soit du gouvernement, soit d'organismes financés par le gouvernement. Le Conseil économique du Canada a été surpris de constater que l'immigration présentait très peu d'intérêt économique pour le Canada. On parlait à une certaine époque d'économies d'échelle: plus le marché intérieur était important, plus on pouvait produire de choses dans l'économie. Avec la mondialisation et l'ALENA, ce n'est plus le cas. On a toujours besoin de médecins et d'infirmières dans certains secteurs, mais on a été assez surpris de constater que les avantages économiques globaux étaient limités. Les études ultérieures ont révélé la même chose.

Sur le plan démographique, c'est quelque peu différent. Notre population va diminuer. Les dernières prévisions de Statistique Canada rendues publiques le mois dernier nous indiquent qu'en l'absence d'un solde migratoire positif, elle va plafonner en 2018. Le taux de fécondité pourra varier, bien entendu, mais selon ces prévisions, nous reviendrons à notre niveau actuel dans 25 ans. Après cette date, évidemment, il nous faudra pouvoir compter sur l'immigration si nous ne voulons pas que notre population baisse.

• 1630

Voilà pour ce qui est de la démographie, mais l'immigration ne va pas nous aider pour ce qui est du vieillissement de la population. Toutes les recherches nous indiquent que la population immigrante va être aussi vieille que celle des Canadiens d'origine. Je pense que d'autres personnes ont évoqué la question. Elle ne contribuera pas non plus à régler notre problème concernant les actifs. Notre population active sera de moins en moins nombreuse. Nous avons à l'heure actuelle 18 retraités pour 100 personnes qui travaillent. Ce chiffre va passer à 35 et c'est un problème qu'il nous faudra régler.

Si l'on considère les effets de l'immigration, on peut s'attendre dans la région de Vancouver, par exemple, à une augmentation de 47 p. 100 de la population au cours des 25 prochaines années. De nombreux habitants de Vancouver se demandent pourquoi nous avons besoin d'une telle augmentation. Un spécialiste de l'immigration de l'université Simon Fraser, Don DeVoretz, a déclaré l'année dernière:

    [le Canada] devrait tout simplement stabiliser sa population. «Je ne vois pas pourquoi on veut davantage de gens» [...] «Contrairement aux naissances, [l'immigration] peut entièrement être contrôlée par le gouvernement» [...]

Cette auteur commentait une statistique figurant dans un rapport récemment divulgué par Statistique Canada, selon laquelle 60 p. 100 de la croissance de notre population provenait de l'immigration.

Vous vous êtes aussi demandés, monsieur McCallum, pour quelle raison on ne peuplait pas nos grands espaces vides. L'une des difficultés, à l'heure actuelle, c'est que 93 p. 100 des immigrants, selon Statistique Canada, s'établissent dans les grandes régions métropolitaines, que d'aucuns estiment déjà très encombrées—40 p. 100 à Toronto, 20 p. 100 à Vancouver. Si l'on atteint votre chiffre de 100 millions d'habitants sans qu'ils soient répartis dans nos grands espaces vides, votre ville devra accueillir 28 millions de personnes et la mienne 14 millions. J'imagine que ce n'est pas le scénario que vous avez à l'esprit. Pourtant, ils ne vont pas s'établir dans les grands espaces laissés vides, et ce n'est pas non plus le cas de nombreux Canadiens. Ils vont s'établir là où leurs communautés sont déjà installées. J'y reviendrai plus tard.

Il y a aussi des enjeux écologiques. Je ne veux pas trop entrer dans les détails, mais nombre d'écologistes affirment que le Canada a d'ores et déjà besoin de protéger ses espaces verts pour lutter contre la pollution et protéger l'écologie mondiale. Les dégâts écologiques de chacun des habitants du Canada sont de 20 à 100 fois supérieurs à ce qu'ils sont dans un pays en développement. Si nous faisons venir des millions de personnes chez nous, elles vont épuiser bien davantage les ressources de l'écologie mondiale qu'elles ne le feraient chez elles.

Bien des gens à Vancouver s'inquiètent de l'augmentation de la population du point de vue des embouteillages, de la pollution et du fardeau accru qui est imposé aux services de santé et d'enseignement. Lorsqu'ils évoquent la question, toutefois, on les accuse souvent d'être racistes parce que notre immigration est avant tout le fait des minorités visibles. Généralement, le débat est rapidement étouffé. Les sondages nous révèlent que bien des gens sont très inquiets, mais on ne les entend pas beaucoup parler parce que les tenants de l'immigration occupent le devant de la scène. C'est une préoccupation que je comprends très bien. Je me suis opposé toute ma vie au racisme, et ma femme fait partie des minorités visibles.

Il y a des signes qui devraient nous inquiéter. Très peu d'études ont été faites sur la question. Il y en a une cependant, que j'ai ici quelque part, qui a été rendue publique il y a deux ans par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, et qui montre que la population de Vancouver est de plus en plus opposée à l'immigration. Les responsables de la recherche ont déclaré que le chiffre n'était pas très élevé—il faudrait étudier davantage la question—mais qu'à leur avis le seuil d'immigration annuel devait se situer entre 0,5 et 1 p. 100 de la population. Les pourcentages étaient à l'époque de plus de 2 p. 100 à Vancouver comme à Toronto. À Vancouver, ils sont depuis lors tombés légèrement au-dessous de 2 p. 100; ils sont restés supérieurs à 2 p. 100 à Toronto.

Évoquons très rapidement la question du racisme. C'est toujours un problème au Canada. Il y a encore du racisme mais, dans l'ensemble, je pense que l'on peut dire aussi que l'on a fait de grands progrès. Lorsque j'étais jeune, notre société était très raciste. Je pense que nous donnons l'exemple pour l'instant dans le monde en nous débarrassant du racisme et en créant une société multiraciale, tolérante, qui accepte les autres. J'en suis très fier. Toutefois, je ne crois pas que nous ayons suffisamment cherché à savoir quelle était la quantité d'immigrants que nous pouvions absorber et à quelle vitesse, et il faut que nous le fassions.

Un ancien sous-ministre de l'Immigration, Tom Kent, qui a aussi été l'un des principaux conseillers de Lester Pearson, a déclaré l'année dernière:

    «Il faut que les politiciens fédéraux fassent preuve d'un véritable angélisme» [...] «pour penser que l'on peut continuer à appliquer une politique d'immigration aussi confuse sans remettre en cause, tôt ou tard, le consensus tranquille et l'esprit de tolérance du Canada.

Je considère que l'on rend un très mauvais service à nos immigrants et à nos minorités visibles en ne suivant pas de près cette question. Il est politiquement incorrect de le faire, mais je ne crois pas qu'on leur rende service en ne faisant pas de contrôles plus sérieux. Il n'y a pas seulement le nombre d'immigrants qui m'intéresse, il y a aussi la question, que d'autres ont soulevé, de savoir qui on doit faire venir. Nous répétons avec insistance que nous voulons les meilleurs et les plus brillants.

• 1635

Toutefois, depuis l'adoption de la dernière loi en 1978, il est clair que l'on a donné la priorité aux parrainages dans le cadre du regroupement familial. La nouvelle loi se propose d'étendre encore cette mesure. Il n'y a rien de mal à vouloir faire venir toute sa famille. Il est arrivé à Citoyenneté et Immigration de me dire que je parrainais simultanément 28 membres de ma belle-famille, et je sais donc de quoi je parle. C'est l'une des plus belles choses que j'ai faites dans ma vie. Par contre, je pense aussi qu'il nous faut considérer l'immigration d'un oeil critique pour s'assurer que tout marche bien.

La catégorie du regroupement familial pose un véritable problème. Il a été répertorié dès 1982 par le vérificateur général, qui a relevé qu'elle faisait baisser le niveau général de l'immigration. Personne ne peut refuser à un immigrant de faire venir son conjoint et ses enfants non mariés. Doit-il cependant pouvoir faire venir toute sa parenté, sans qu'elle ait à respecter des exigences précises en matière de qualification et de compétence linguistique? Je pense que nous commençons à en voir les effets notables.

Les gains des immigrants, comme on l'a mentionné précédemment, ont véritablement chuté et se situent désormais, depuis que la loi a été modifiée en 1978, à 60 p. 100 environ de ceux des immigrants antérieurs. La pauvreté dans les villes a terriblement augmenté. Le pourcentage était le même pour les Canadiens et pour les immigrants arrivés avant 1980—aux environs de 19 p. 100. Les pourcentages canadiens sont restés les mêmes, mais ils sont passés à 35 p. 100 pour les immigrants arrivés entre 1986 et 1990. Ils s'élèvent maintenant à 52 p. 100 pour les immigrants arrivés depuis 1990. La pauvreté augmente terriblement et cela est dû, pas entièrement, mais en grande partie, à la catégorie relative au regroupement familial.

Certes, il est admirable qu'on puisse faire venir des parents éloignés mais, contrairement à ce qui se passe pour les programmes s'appliquant aux réfugiés, qui répondent à des critères humanitaires, nous devons examiner la chose d'un oeil critique et nous demander ici si ces immigrés aident vraiment le Canada sur le plan économique.

Je dois dire que le regroupement familial a ceci de paradoxal qu'il diminue la diversité. Cela peut paraître étrange. Ce faisant, on privilégie les communautés qui sont déjà sur place en leur permettant de faire venir la parenté. Les bons immigrants qui viennent par exemple du Brésil, de l'Indonésie, de la Thaïlande ou de l'Égypte sont indépendants. Ils n'ont personne ici pour les parrainer. Par conséquent, les grosses communautés prennent encore plus d'ampleur. On voit se constituer des masses critiques de gens qui ne parlent pas anglais et qui n'ont pas de compétences exploitables. Elles ont moins de chance de s'intégrer à l'économie et à notre société. Notre politique du regroupement familial va à l'encontre de la diversification.

J'ai dû pratiquement épuiser tout mon temps. J'avais tout un tas de choses à dire au sujet des réfugiés.

J'aimerais faire une observation au sujet de la détention des réfugiés de la mer chinois. Je dois reconnaître avec certains orateurs qui m'ont précédé que la détention de longue durée n'est pas une bonne chose. Nous avons dépensé plus de 60 millions de dollars. L'Australie a reçu un bateau de réfugiés en août. Elle a traité tous les dossiers et a renvoyé les intéressés en Chine en moins d'un mois. Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de tenants de la cause des réfugiés qui seraient d'accord, mais tous ces gens ont bénéficié d'une pleine audience. Ils ne sont pas restés détenus pendant deux ans et on n'a pas dépensé 60 millions de dollars. Je pense qu'il nous faut examiner d'un oeil critique les revendications manifestement non fondées.

Je signalerai simplement trois choses. Selon le correspondant du Globe and Mail, Jeffrey Simpson, la Charte des droits a plongé dans le chaos notre système de détermination du statut de réfugié. Nous allons accorder ce statut à tous ceux qui, dans le monde, veulent venir au Canada. Ils peuvent se réclamer de la Charte des droits. La justice, poussée à ses dernières extrémités, peut sembler très belle, mais ce n'est pas gérable car on n'a que des ressources limitées pour traiter les dossiers. C'est bien beau, et les avocats voudraient que l'on puisse faire appel à la justice à tous les stades, mais il y a des millions de personnes qui attendent d'entrer au Canada. Il est impossible de parvenir à un bon équilibre et d'accorder des possibilités d'appel devant la justice chaque fois que l'on veut. Si le monde était parfait, oui, mais pas dans la pratique.

Le vérificateur général nous a signalé l'année dernière que nous manquions terriblement de ressources. Il a déclaré que nous n'exercions aucun contrôle sur les admissions abusives à l'étranger et sur notre territoire. Il y a un grand nombre de malfaiteurs qui entrent chez nous. Nos missions en ont donné certaines preuves. À Moscou, la demande de visas est tellement forte qu'on ne peut pas vraiment vérifier s'il y a des malfaiteurs. Les avocats insistent tellement que dans bien des cas l'agent des visas préfère délivrer le visa plutôt que d'avoir à expliquer pour quelle raison il le refuse. Le système est faussé à la base.

La convention des Nations Unies, qui a 50 ans d'âge, pose de gros problèmes. Elle ne répond pas aux besoins. Des pays tiers comme l'Australie ou le Royaume-Uni veulent la faire réviser. Nous voulons pour notre part la respecter et nous prenons en considération la demande de tous ceux qui mettent le pied sur notre sol alors que nous sommes tout à fait disposés à les intercepter à l'étranger avant qu'ils montent dans l'avion. S'ils réussissent à venir chez nous avec de faux documents, nous leur faisons comprendre qu'ils ont réussi dans leur entreprise, qu'ils sont maintenant sur place. Ils ont réussi à entrer dans le système. Toutefois, nous n'hésitons pas à les refouler à l'étranger. Il y a là une contradiction.

• 1640

Les décisions de justice causent elles aussi des difficultés. Je sais bien que ça ne relève pas de la compétence de votre comité, mais c'est un gros problème étant donné que, même lorsque le ministère s'efforce d'expulser les gens, ces derniers sont très fréquemment autorisés à rester.

Je vais conclure en 30 secondes. Je répète que nous avons besoin d'un bon débat, ouvert, à l'échelle nationale et en toute connaissance de cause. C'est la première fois en 23 ans que nous allons adopter une législation exhaustive. Si elle reste en vigueur pendant 23 ans encore et si nous ne faisons pas les choses comme il faut, j'estime—et c'est là un grave avertissement de la part d'un ancien ambassadeur qui pèse ses mots—que nous allons vers une catastrophe nationale.

Si ce projet de loi est adopté en l'état, il aura d'importantes et de très graves répercussions sur l'avenir du Canada et sur nos excellents immigrants.

Je vous remercie.

Le président: Merci, Martin.

Pour finir, monsieur Wong.

M. Lawrence Wong (président, Lawrence Wong and Associates): Merci, monsieur le président. Je remercie les membres du comité d'avoir accepté de me placer sur une liste d'attente.

Avant de commencer, je dirai qu'à mon avis notre Loi sur l'immigration a 16 ans. Elle a été adoptée en 1985. Ce sont les règlements qui datent de 1978.

Ce que je voudrais dire, c'est que depuis l'adoption de la Loi sur l'immigration en 1985, de nombreuses modifications ont été apportées à la loi ainsi qu'aux règlements. Il y a une tendance qui vise à restreindre l'immigration.

Cette tendance peut être bonne ou mauvaise, mais le projet de loi C-11 l'officialise en ce sens qu'on fait comprendre aux immigrants qu'on les considère désormais différemment et qu'on élargit le fossé entre le traitement accordé aux citoyens et celui qui s'applique aux immigrants. De même qu'un bon parent aime tous ses enfants, qu'ils soient naturels ou adoptés, une bonne politique d'immigration s'efforcerait de combler le fossé qui existe entre les citoyens et les immigrants.

Nous accordons un traitement différent aux immigrants qui se trouvent à l'intérieur de notre système. C'est ainsi que les immigrants ne peuvent pas voter ni être élus. Ils font l'objet de certaines mesures d'expulsion s'ils commettent des délits. Ces différences existent déjà à l'intérieur de notre système et nous voyons donc qu'il y a un fossé en ce qui concerne la façon de traiter les immigrants et les citoyens.

Le nouveau projet de loi se propose d'élargir ce fossé. Nous devrions débattre pour savoir si nous voulons élargir ce fossé, si nous voulons traiter différemment, ou très différemment, nos enfants adoptés comparativement à nos enfants naturels. Si nous élargissons trop ce fossé, ces enfants adoptés vont devenir des enfants de l'assistance. Si nous laissons les choses en l'état, il nous faut nous demander ce que nous avons à perdre.

Puisque nous invitons ces personnes à venir chez nous, pourquoi le faire si nous n'avons pas l'intention de bien les traiter? Doit-on retourner la question et se dire que puisque ce sont de nouveaux arrivants dans notre pays, il leur incombe de mieux nous traiter?

D'après moi, selon le mode de pensée traditionnel au sujet de l'immigration, on se dit que puisque ces gens viennent au Canada, ils doivent apporter une contribution à notre pays. Ça a toujours été le cas, mais est-ce que cela donne vraiment des résultats? Est-ce que cela fonctionne vraiment comme dans le communisme où l'on vous dit que pour être un bon communiste il vous faut faire une, deux, trois, quatre ou cinq choses déterminées?

Sommes-nous en train de dire que pour être un bon immigrant, il faut faire une, deux, trois, quatre ou cinq choses précises; ce serait un donné et il n'y aurait pas d'évolution? Notre vie est faite d'évolution. Nous progressons, nous faisons des erreurs, nous changeons.

Pourtant, nous disons aux immigrants que c'est un donné. Il faut que tout soit fait dans les formes. S'ils font une erreur, c'est fini. Est-ce bien là le message que nous voulons envoyer? Est-ce bien là la façon dont nous voulons définir notre nouvelle politique d'immigration? S'il en est ainsi, c'est très bien. Toutefois, je considère que nous devrions en débattre davantage.

• 1645

Je suis avocat. Je vais adopter les arguments ou la thèse de l'Association du Barreau canadien concernant cette loi. Je ne vais pas entrer de nouveau dans tous les détails, mais on nous a donné beaucoup d'exemples de l'inefficacité de notre ministère de l'Immigration. Ce n'est pas ce que cherche à améliorer notre loi. Elle vise en fait à répondre aux préoccupations dont on nous a fait part, dans le public aussi, concernant l'admission dans notre pays d'immigrants non méritants. Je soutiens que les sujets de préoccupation évoqués par les communautés d'immigrants en ce qui a trait aux retards, aux lacunes et à l'absence de responsabilité sont tout aussi valables. Pourquoi ne répond-on pas à ces sujets de préoccupations dans ce nouveau projet de loi sur l'immigration?

Pourquoi ne tenons-nous compte que de certaines inquiétudes et non pas de la majorité d'entre elles? L'immigration, après tout, est censée faire venir des gens qualifiés en mesure d'aider le Canada, de lui apporter une valeur ajoutée. Ce n'est pas ce que nous faisons. Ce n'est pas ainsi que ça se passe si l'on en croit les tenants comme les adversaires de l'immigration. Ses adversaires nous dissent que nous faisons venir un certain nombre de gens sans nous préoccuper de la qualité. Les partisans de l'immigration nous disent de leur côté que nous ne faisons rien en raison des trop nombreux retards.

Pourquoi la loi n'oblige pas la ministre à régler ses propres problèmes, ses problèmes de gestion? Elle se contente plutôt de retirer certains droits ou certains pouvoirs que les immigrants ou que la population aurait pu exercer pour contrôler les activités du ministère de l'Immigration. Nous écartons le contrôle judiciaire.

Le ministère nous affirme que selon la loi en vigueur au Canada, la décision ne fait pas l'objet d'un contrôle judiciaire—il faut partir. C'est toutefois trompeur parce qu'en vertu de la loi actuelle, celui qui se trouve déjà sur le territoire canadien bénéficie de certains droits d'appel. Par contre, celui qui cherche à entrer dans notre pays se heurte à un véritable obstacle et, s'il doit partir, il a peu de chances de le surmonter même si l'immigration a pu commettre une grave erreur.

Le président: Je vais vous demander de conclure, monsieur Wong. Je vous remercie.

M. Lawrence Wong: Voilà pour l'essentiel mes arguments. À mon avis, il est temps de considérer l'immigration, non pas du point de vue des décideurs, mais du point de vue des communautés d'immigration. Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Wong. Bien, nous allons passer aux questions.

Inky.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier tous nos témoins d'être venus comparaître aujourd'hui. Ce fut une journée très intéressante. Nous avons entendu de nombreux commentaires variés. Je suis d'accord avec Martin pour dire qu'il y a bien des problèmes qui, comme l'a indiqué le vérificateur général dans son rapport, remontent à 10 ans. J'en conviens avec lui, nombre de ces problèmes administratifs peuvent être réglés. Toutefois, je ne crois pas que nous ayons besoin de faire appel à la loi pour le faire.

M. Kaufmann se demande ce que nous voulons. De toute évidence, nous voulons recevoir ici des gens qui créent de la richesse. Cela, nous le savons tous. Je crois que c'est ce que nous faisons. Je pense que les chiffres sont parlants. Vous savez, plus des deux tiers des immigrants qui viennent chez nous sont là pour des raisons économiques, que ce soit des investisseurs ou des personnes ayant une qualification dont elles font profiter notre pays.

Nous parlons du regroupement familial. L'année dernière, 31 p. 100 seulement des personnes venues dans notre pays appartenaient à la catégorie du regroupement familial. Donc, de manière générale, les deux tiers des immigrants qui viennent chez nous le font pour le plus grand profit de ceux qui s'y trouvent déjà.

Je tiens aussi à dire que l'histoire de notre pays est en fait celle de l'immigration, qui remonte à 300 ans, lorsque les premiers Européens sont arrivés. Tout provient de l'immigration. Nous semblons l'oublier. Je suis sûr que depuis 300 ans nous reprenons constamment ce débat pour savoir qui nous devons laisser entrer dans notre pays. Que vont faire ces gens pour notre pays, pour nous? Nos valeurs évoluent avec la société.

• 1650

Je pense que la grosse difficulté pour les gens, c'est de faire face au changement. Les problèmes évoqués au sujet de l'intégration et de l'accréditation sont universels. Tous les pays ont les mêmes problèmes. Pour ce qui est de l'accréditation, il y a plus d'obstacles entre les provinces qu'au plan international. Nous avons des médecins et des avocats qui ne peuvent pas pratiquer. On ne peut pas passer d'une province à l'autre.

Le Danemark a créé une commission, un institut, chargé d'étudier les questions d'accréditation parce qu'il a les mêmes problèmes avec les membres des professions libérales venues d'autres pays.

En notre qualité de députés, nous sommes constamment confrontés à ces problèmes. Les membres des professions libérales qui arrivent chez nous ne peuvent pas pratiquer et en sont réduits à conduire des taxis. Ils font des travaux ancillaires et nous sommes dépassés par le problème. Il y a là encore un défi à relever.

Tout est relatif, cependant, et je le dis très sérieusement, parce que lorsqu'on est originaire d'un village de 1 000 habitants, il est difficile d'accepter 500 personnes supplémentaires. C'est la même chose dans cette ville. Tout le monde sera d'accord dans ce pays pour dire que tous les immigrants ne devraient pas se retrouver dans les trois grandes villes. Je pense que nous convenons tous qu'ils devraient être répartis dans les régions qui en ont besoin. Je le répète, le Manitoba a probablement besoin d'immigrants plus que toute autre région, que toute autre province, mais comment les faire rester?

Là encore, lorsqu'on est originaire d'une grande ville européenne ou asiatique, qu'est-ce que quatre ou cinq millions d'habitants? Ce n'est rien, une goutte d'eau. Donc, tout est relatif selon l'expérience vécue, l'origine et la perception du monde de chacun. Malheureusement, les gens ont du mal à se faire au changement.

Je dirais, simplement pour terminer, monsieur le président, car je n'ai pas de question à poser, que ce débat, j'en suis certain, n'est pas nouveau et n'est pas prêt de se terminer. En réalité, cependant, le monde se rétrécie à mesure que la communauté internationale se resserre et nous avons besoin d'apprendre à vivre les uns avec les autres dans un meilleur état d'esprit pour ne pas répéter toutes les erreurs que nous avons commises par le passé, non seulement dans notre pays, mais dans d'autres pays aussi.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, Inky.

John McCallum.

M. John McCallum: Merci, monsieur le président. J'ai entendu mentionner mon nom à une ou deux reprises, pas toujours de manière très flatteuse.

J'ai une chose en commun avec M. Kaufmann et M. Collacott, c'est que nous avons tous des femmes chinoises.

J'aimerais cependant poser deux questions, notamment à M. Kaufmann. La première a trait au multiculturalisme et aux observations qu'il a faites à ce sujet, et la deuxième est de nature économique.

Il semble qu'il ait une opinion négative du multiculturalisme et qu'il estime que nous devons tous nous intégrer. Je viens de me faire élire à Markham alors que je ne suis pas de Markham; j'étais un candidat parachuté d'Oakville, l'une des circonscriptions les plus uniformément blanches, si vous me permettez d'employer le mot. À Markham, c'est tout le contraire, les élèves de l'une des écoles parlaient 65 langues différentes et j'ai passé beaucoup de temps dans les temples d'une dizaine de religions, ceux des Sikhs, etc.

J'ai trouvé l'expérience formidable et je n'ai donc rien contre le multiculturalisme. Les gens de Markham que j'ai rencontrés, tous de race, de couleur et de religion différente, étaient très fiers de conserver leur culture et leur religion ancestrales tout en s'estimant aussi canadiens que vous et moi. Donc, en ce qui me concerne, c'est comme marcher en mâchant de la gomme. Ces gens savent faire les deux choses en même temps.

Je ne sais pas ce que vous avez contre cela et pourquoi vous estimez qu'il nous faut homogénéiser notre société, comme cela semble ressortir de vos observations.

Sur la question économique, je n'entrerai pas dans un débat sur la démographie parce que je pense que nous ne serons pas d'accord, mais nous sommes en concurrence avec les États-Unis dans tous les domaines. L'un des gros avantages que nous avons sur les Américains c'est, comme vient de le dire Inky, que seulement 31 p. 100 de nos immigrants appartiennent à la catégorie du regroupement familial. Je pensais que c'était 40 p. 100, mais je vais lui laisser ce chiffre de 31 p. 100. Aux États-Unis, c'est de l'ordre de 90 p. 100. Notre système présente donc un gros avantage par rapport à celui des États-Unis en ce sens que nous réussissons bien mieux à attirer les meilleurs et les plus brillants des immigrants parce que leur système est axé à 90 p. 100 sur le regroupement familial. Je dirais que nous devrions être en mesure de tirer parti de cet avantage pour attirer les compétences, le capital humain, etc. dont nous avons besoin pour l'avenir de notre pays.

Ce sont là mes deux questions.

Le président: Nous laisserons à M. Kaufmann le soin de répondre à la première et Martin ou Charles pourront peut-être répondre à la deuxième.

M. John McCallum: Je pourrais aussi répondre aux deux.

• 1655

M. Steve Kaufmann: Pour ce qui est du multiculturalisme, je dis simplement que je ne regarde pas en arrière pour concevoir mon identité nationale. Je considère qu'étant donné le fait qu'il y a éventuellement 40 p. 100 de Canadiens dont l'ascendance est mixte, il y a de plus en plus de gens qui s'identifient exclusivement comme canadiens, ce qui est à mon avis une bonne chose.

Je m'intéresse à de nombreuses cultures, je parle de nombreuses langues et les autres cultures me fascinent, mais j'ai des difficultés à admettre que la politique officielle du gouvernement soit d'encourager les gens à s'identifier à la culture de leurs ancêtres. Je pense que le gouvernement ne devrait pas s'occuper de ce genre de chose. Ceux qui veulent s'identifier à la culture de leurs ancêtres sont évidemment libres de le faire, et ceux qui ne le veulent pas, ce pourra être la deuxième génération ou éventuellement des membres de la première génération qui sont là depuis 30 ou 40 ans...

Dans mon cas, mon père et mes parents ne fréquentaient que des gens de leur milieu lorsqu'ils habitaient à Montréal. Ils regardaient de haut les autres Canadiens jusqu'au jour où mon père, qui était déjà là depuis 30 ou 40 ans, s'est mis à fréquenter d'autres Canadiens et à s'assimiler.

Je ne force personne, mais je dis que ce n'est pas au gouvernement de déclarer que la diversité est une bonne chose, qu'il faut célébrer ses origines. Autrement dit, lorsqu'on a l'air chinois, est-ce qu'il faut parler chinois? Ce n'est pas mon avis. Je considère que cela va à l'encontre de l'intégration. Mon cheval de bataille, c'est l'intégration.

Très rapidement sur l'autre point, je considère que tout ce que l'on peut faire aux États-Unis... plus nous avons des gens qui réussissent à s'intégrer, plus notre politique d'immigration aura du succès. C'est ce que je voulais faire comprendre. Je ne crois pas qu'il faille comparer notre situation avec celle des États- Unis.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires sur la question économique?

M. Charles Campbell: J'aimerais faire une observation à ce sujet.

Je ne sais pas si le fait que les Américains ont 90 p. 100 de cela, contre 40 p. 100 en ce qui nous concerne, fasse une quelconque différence. Le fait est que si nous voulons réussir dans cette économie mondiale, et il y a des défis à relever dans le monde entier, le seul critère pour tous est celui de la qualité. Chaque fois que nous faisons quelque chose, c'est la qualité qui doit nous permettre de réussir.

L'argument des 19, des 30 ou des 40 p. 100 ne signifie rien. Le fait est que la productivité de ces gens, quels qu'ils soient, d'où qu'ils viennent... Et la situation est probablement tout aussi mauvaise en ce qui concerne les entrepreneurs et les hommes d'affaires qui viennent ici sous de faux prétextes et font venir toute leur parenté. Ils font venir plus de membres de leur famille que quiconque, mais cela n'entre pas dans le regroupement familial. Cela me fait dire que les statistiques s'appliquant à ces personnes sont totalement faussées.

En 1994, alors qu'il était le ministre, juste avant de procéder aux consultations au cours de l'été, Marchi a modifié toutes les catégories permettant de ventiler les différents groupes d'immigrants. Il a englobé, par exemple, dans le groupe des personnes immigrants pour des raisons économiques, les parents aidés, les personnes arrivant de manière indépendante et les femmes de maison. Il a en outre supprimé des statistiques leurs familles ainsi que la mention de la taille de ces familles et, par conséquent, a gonflé les statistiques correspondant au groupe des personnes indépendantes, qui ne représentent pas du tout celui des personnes qualifiées. Nous continuons à subir les conséquences de ce genre de chose.

Ces changements ont été délibérément apportés en 1994 par le ministre pour tromper les Canadiens...

Le président: Je n'irais pas jusqu'à dire que les ministres trompent les Canadiens. Vous avez droit à votre opinion. Je pense que vous avez exposé les faits, mais ne recommençons pas ce qui s'est passé ici à la Chambre des communes.

Je considère que tout s'est assez bien passé jusqu'à présent et, par conséquent, avant de commencer à parler de tromperies, de fausses déclarations et autres, et avant que tout le monde s'excite... Charles, tout allait très bien jusqu'à ce que vous vous mettiez à parler de tromperies et autres choses de ce genre.

Je vous remercie. Madeleine, c'est à vous.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je vous remercie, monsieur le président. Avant de poser mes questions, je vais faire un commentaire très rapide.

Le Canada est un pays riche. Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, on est très clairement un pays riche. Je pense effectivement que la population canadienne a le droit d'avoir des attentes à l'endroit des nouveaux arrivants qui veulent devenir des Canadiens, mais je crois également que la population canadienne a des responsabilités qui dépassent notre propre bien-être.

• 1700

Ma première question s'adresse à la dame qui a parlé des immigrants venant des Philippines. Vous avez fait allusion au fait que des gens, notamment des professionnels de la santé, se retrouvaient au Canada incapables d'occuper des fonctions relatives à leurs compétences. Alors, j'ai une question très simple. Avant de quitter les Philippines, est-ce que ces médecins et ces infirmières étaient au courant des difficultés réelles qu'ils auraient à obtenir un permis de travail comme médecin ou comme infirmière? Si, effectivement, l'information était suffisante et qu'ils sont venus, je pense qu'ils sont venus librement. Par ailleurs, si l'information était insuffisante, je pense que le Canada a une responsabilité d'informer de façon claire. C'est ma première question.

La deuxième, je l'adresse à M. Kaufmann, qui parle un excellent français. Votre allocution a démontré toute une façon de voir les choses. Je pense que quand on choisit un nouveau pays, l'objectif profond est de s'intégrer. Vous avez tenté de démontrer, peut-être avec un certain succès, que le multiculturalisme est un obstacle à l'intégration puisque, d'une certaine façon, il favorise la ghettoïsation. On le voit très bien dans les grandes villes où il y a beaucoup de communautés; les gens se regroupent, ce qui est normal.

N'y aurait-il pas lieu de trouver des moyens de favoriser le goût ou l'envie de ces populations nouvellement arrivées d'aller voir ailleurs, un petit peu plus loin, pas à 1 000 kilomètres de leur communauté de souche, mais ailleurs? On a des exemples au Québec où, effectivement, l'intégration est de loin plus facile quand les gens apprennent à cohabiter avec ceux qui seront leurs voisins de demain et d'après-demain.

Ma troisième question est la suivante. J'avoue que j'ai été très troublée par le commentaire de M. Campbell. Vous avez une longue expérience dans le monde de l'immigration et des réfugiés. Compte tenu de votre compétence, j'avoue que je suis très, très inquiète quand je vous entends dire que plusieurs ne serviront pas les besoins du Canada. J'avoue honnêtement que cela me fait frémir. Alors, qu'est-ce qu'on fait des gens qui, selon vous, ne servent pas les besoins du Canada? Est-ce qu'on les renvoie au fleuve Saint-Laurent ou au Pacifique ou je ne sais où? Je suis très, très inquiète.

Voilà, vous avez cinq minutes pour répondre à tout ça.

[Traduction]

Le président: Charles, attendez une minute. Vous êtes le troisième sur la liste. Il y a tout d'abord Luningning sur la question des Philippines. Ce sera ensuite à M. Kaufmann, puis à vous. Allez-y, Luningning.

Mme Sheila Farrales (membre, Centre des femmes des Philippines): Bonjour. Je voudrais tout d'abord répondre à la question de savoir si les professionnels de la santé des Philippines savent ce qui les attend ici. De nombreuses infirmières quittent les Philippines en raison des difficultés économiques. Elles sont obligées d'émigrer. Elles émigrent pour trouver de meilleures conditions de vie pour elles-mêmes et pour leurs familles, dans l'intention de tirer pleinement parti de leur instruction et de leurs compétences.

Toutefois, le Canada les déqualifie. Pour commencer, elles ne peuvent pas émigrer au Canada en tant qu'infirmière. Dans la liste générale de classement par points des professions qu'utilise Immigration Canada, on accorde zéro point aux infirmières qui veulent venir travailler au Canada comme infirmières autorisées. Par conséquent, nombre d'infirmières des Philippines viennent exécuter des tâches domestiques et faire un travail d'aide à domicile 24 heures sur 24 dans le cadre du programme concernant les aides familiaux résidants. On ne leur fournit pas cette information. On leur laisse entendre qu'en tant qu'aides soignantes à domicile, elles vont exercer un travail d'infirmière privée. C'est même ce qui est préconisé lors de leur entrevue d'immigration. On ne leur indique pas qu'elles vont faire un travail de gardienne d'enfants, accomplir des tâches domestiques et servir d'aide ménagère.

• 1705

Par conséquent, le Canada entreprend activement de déqualifier les infirmières philippines alors que l'on a de toute évidence besoin de leurs compétences.

Le président: Je vous remercie de cette information.

Monsieur Kaufmann, avez-vous des commentaires à faire?

[Français]

M. Steve Kaufmann: Je vais répondre en français.

C'est un sujet très difficile. Au Canada, à mon avis, nous ne pouvons avoir que trois cultures officielles: anglophone, francophone et premières nations. Les gens qui viennent des autres pays sont, bien sûr, des individus qui, s'ils veulent garder leur culture d'origine, peuvent le faire. Personne ne va les en empêcher. Mais à la longue, si nous voulons avoir un pays uni, avec des valeurs communes, il faut qu'on continue à maintenir ces trois cultures.

Dans le cas de la culture anglophone, ça change toujours avec tous les immigrants qui arrivent. Il y a 100 ans, en Ontario, la moitié de la population appartenait au Orange Order, par exemple. Ce n'est plus le cas. À Toronto, par exemple, c'est tout à fait mélangé. Donc, ça a changé. Mais il faut qu'il y ait quand même une unité là-dedans, parce qu'on aura des moments de crise. Il va falloir avoir une solidarité face à ce genre de crise. Si on a des groupes religieux, fondamentalistes, par exemple, qui, éventuellement, vont demander des écoles dans leur langue d'origine, et que la politique du gouvernement les encourage à croire qu'en venant ici, non seulement la première génération—c'est inévitable qu'ils veuillent continuer à vivre comme là d'où ils viennent—mais les générations subséquentes seront encouragées à garder cette culture, je crois que c'est très nuisible pour l'avenir du Canada.

J'ai un exemple, celui des trois Canadiens qui sont allés dans l'Antarctique pour sauver le scientifique américain. L'un d'entre eux se nommait Norm Wong. Je me demande si cet individu est un héros uniquement pour les Sino-Canadiens. Est-ce que c'est surtout un héros pour les Sino-Canadiens ou est-ce que c'est un héros pour tous les Canadiens? À mon avis, c'est un héros pour tous les Canadiens. Le fait qu'il est d'origine chinoise n'a rien à voir dans l'affaire.

J'ai vécu à Montréal. Il y a 50 ans, si on avait un nom qui n'était ni français ni anglais, on était considérés comme des citoyens de deuxième classe. Aujourd'hui, ça n'existe plus, parce qu'on ne sait plus si le père d'un dénommé Gretzky, par exemple, est un Ukrainien ou un Hollandais. On n'en a aucune idée. Avec Paul Karya, ça devient un peu la même chose; on ne sait pas trop bien s'il est un Japonais.

Si on continue dans le sens de l'intégration, on ne va pas pouvoir dire, par exemple, si le fils de M. McCallum, dont le nom a une consonance un peu asiatique... Donc, voilà, l'intégration n'est pas le mauvais...

[Traduction]

Le président: J'apprécie énormément cette discussion, mais vous êtes ici devant le Comité de la citoyenneté et de l'immigration et non pas devant celui du multiculturalisme. Je ferai en sorte qu'il vienne ici parler à M. Kaufmann. Je vous remercie.

Monsieur Campbell, je pense qu'il y avait une question qui s'adressait à vous.

M. Charles Campbell: La question faisait état d'une certaine inquiétude, je pense, en voyant que je critiquais les immigrants qui n'arrivaient pas à subvenir à leurs besoins.

Je pourrais peut-être vous donner quelques précisions. Dès que la loi de 1978 est entrée en vigueur, la productivité de nos immigrants est tombée en flèche.

L'université Western Ontario a fait une étude pour le compte du ministère de l'Agriculture du Manitoba. Attendez, je me trompe. Celui qui a dirigé l'étude était du Manitoba, et c'était le ministre. Il a procédé à une étude de grande envergure sur trois ans. Les professeurs de l'université Western Ontario ont évalué les nouveaux groupes d'immigrants par rapport aux groupes d'immigrants traditionnels. Bien entendu, c'est un clivage auquel nous ne voulons pas penser, mais c'est ce que l'on a fait. Les groupes d'immigrants traditionnels ont maintenu leur niveau de productivité bien au-dessus de la moyenne nationale. Il était légèrement inférieur au début des années 40. La productivité des nouveaux groupes d'immigrants, qui ont été choisis avec soin, était légèrement supérieure à celle des personnes nées au Canada.

• 1710

Dès que les dispositions de la loi de 1970 sont entrées en vigueur, la productivité des nouveaux groupes d'immigrants, par rapport à celle des immigrants traditionnels, est tombée de quelque 60 p. 100—j'ai oublié le chiffre exact, mais il y a eu une chute. Toutefois, la statistique importante que je vous ai fournie, c'est que la productivité des immigrants, d'après les études faites aussi bien par l'université Simon Fraser que par l'Université de Toronto, ne s'élevait qu'à 68 p. 100 de celle des personnes nées au Canada.

L'une des difficultés de ce genre de chose, M. McCallum le sait, c'est que l'on parle de moyennes et que l'on ne sait pas, pour un chiffre comme celui-là, combien il y avait d'immigrants, combien d'entre eux étaient des immigrants traditionnels, combien il y avait d'immigrants antérieurs à 1981 et quelles étaient les personnes nées au Canada. Toutefois, nous savons bien ce qui s'est passé et nous connaissons aussi les statistiques antérieures que je vous ai données et qui montrent qu'après l'entrée en vigueur de la loi de 1978, alors que les groupes d'immigrants traditionnels représentaient 95 p. 100 des arrivées dans notre pays, contre 5 p. 100 pour les nouveaux groupes d'immigrants, la proportion a changé presque immédiatement avec 35 p. 100 dans la catégorie des immigrants traditionnels et 65 p. 100 dans la nouvelle catégorie d'immigrants. Le problème existe, c'est indéniable.

Il nous faut faire face à ce problème. Il nous faut réagir, en prendre acte et faire face.

Le président: Merci, monsieur Campbell.

M. Charles Campbell: Il est inutile de nier des faits comme ceux-là; il est inutile de les crier sur les toits. Tout simplement, un comité comme le vôtre a l'obligation d'en tenir compte et de faire des recommandations pour que la situation change. Ça pourrait se faire progressivement, mais il vous appartient de faire ce travail.

Le président: Très bien, merci beaucoup.

Il n'y a rien de tel qu'une discussion entre deux économistes pour faire oublier un échange d'arguments entre deux avocats.

C'est vous qui allez poser la dernière question, Anita.

Mme Anita Neville: C'est davantage un commentaire qu'une question, monsieur le président, étant donné que vous m'avez conseillé de rester brève.

Est-ce que l'association des femmes philippines sait que la province du Manitoba, dans le cadre du programme des candidatures provinciales, fait effectivement passer des entrevues et accrédite les infirmières des Philippines pour qu'elles puissent venir travailler au Manitoba?

Mme Luningning Alcuitas-Imperial: Oui, nous le savons, mais nous demandons par ailleurs que l'on accrédite les femmes qui sont déjà installées ici dans le cadre du programme concernant les aides familiaux résidants.

Mme Anita Neville: Oui, dans le cadre de ce programme.

Savez-vous qu'aux Philippines il y a actuellement un projet pilote visant à informer les femmes qui arrivent dans le cadre du programme concernant les aides familiaux résidants ainsi que celles qui veulent poursuivre leurs études une fois arrivées chez nous, de façon à ce que cela puisse se faire? C'est tout récent, mais c'est en cours.

Mme Luningning Alcuitas-Imperial: Nous avons demandé au ministère des précisions sur ses intentions touchant la poursuite des études, et nous n'avons reçu aucune information.

Le président: Je suis sûr qu'il serait heureux qu'on lui fasse de bonnes propositions. Je suis persuadé qu'il les accueillerait avec plaisir.

Je suis désolé, Anita, mais c'est tout pour aujourd'hui.

Merci, mesdames et messieurs, et je remercie la ville de Vancouver et la Colombie-Britannique de nous avoir reçus. L'autobus sera à la porte et prêt à partir dans dix minutes et je vous remercie donc tous de votre participation. Je sais que bien des choses que vous nous avez dites aujourd'hui seront reprises dans nos discussions des prochaines semaines.

La séance est levée.

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