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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 15 février 2000

• 1714

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Bonsoir, mesdames et messieurs. La séance est ouverte. Nous recevons des témoins dans le cadre de notre examen du projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

La première chose à faire, c'est de présenter nos excuses à nos témoins qui nous ont attendus pendant que nous allions et venions pour voter. C'est la vie, ici.

Passons immédiatement à l'ordre du jour. Il faut savoir que nous avions convenu d'accorder le même temps à nos témoins, mais que nous commençons vers 17 h 15. On peut peut-être prévoir de lever la séance à 19 heures, pour ne pas trop retarder les gens. Je ne veux surtout pas demander aux témoins de payer pour le fait qu'on ne peut les entendre à une autre occasion.

• 1715

Nos témoins sont Cécile Toutant et Kathryn Gregory, toutes deux membres du conseil d'administration de l'Association canadienne de justice pénale, ainsi que Dave Farthing et Cathy Ann Kelly, de la Youth Canada Association.

Je vais d'abord donner la parole à l'Association canadienne de justice pénale. Comme vous avez déjà comparu au comité, vous connaissez la procédure: les témoins ont une dizaine de minutes pour leur exposé. Après les exposés des deux groupes de témoins, nous passerons aux questions.

Madame Toutant.

Mme Cécile Toutant (membre du conseil d'administration, Association canadienne de justice pénale): Merci. Je crois que je vais m'exprimer en anglais, même si ce n'est pas ma langue maternelle, puisque je m'adresse surtout à des anglophones.

Je vous ai apporté des renseignements. Il s'agit d'une petite liasse de documents, soit des lettres et quelques tableaux de statistiques. Je vous les remettrai personnellement puisque ces documents ne sont pas dans les deux langues. Certains sont en français seulement et d'autres, en anglais seulement. Je crois que le personnel du comité ne peut pas vous les remettre mais nous, oui. Gaston St-Jean, le directeur de l'Association, vous donnera ces documents afin que vous puissiez à votre guise lire les lettres.

Je vais essayer d'être aussi rapide que possible.

L'Association canadienne de justice pénale estime, comme elle l'a exprimé en novembre 1998, au sujet de la stratégie pour le renouvellement de la justice pour les jeunes, que les problèmes actuels de la Loi sur les jeunes contrevenants sont des problèmes de mise en oeuvre, de perception et de ressources. Prenons un exemple. Je crois que le public est très souvent abasourdi d'entendre les peines qui sont imposées à des jeunes contrevenants pour des crimes graves, mais il faut se rappeler que ce sont les juges qui décident de ces peines et que très souvent, les juges n'imposent pas la peine maximale. En se plaignant de la peine, on se plaint parfois de la loi, du fait que la loi ne prévoit pas une peine assez lourde alors qu'en fait, la loi en permet, mais que les juges en décident autrement. Depuis la création de la peine maximale de cinq ans, on y a très peu eu recours, et celles de sept et 10 ans ne sont jamais imposées. Quand on dit que la loi n'est pas suffisamment sévère ou qu'elle ne nous permet pas de faire ce que nous estimons devoir faire, le problème vient très souvent de l'application de la loi, plutôt que de la loi elle-même.

Il y a aussi le problème de la perception. Vous savez comme moi que des crimes très violents sont surmédiatisés, de sorte que les gens exagèrent la gravité du problème. Quand on interroge les Canadiens pour leur demander s'ils pensent que la criminalité juvénile a baissé, ils disent que non. Même si on leur montre les statistiques, ils ne le croient pas, parce qu'ils perçoivent les choses différemment.

Je parlerai des ressources dans quelques instants. Il faut traiter les jeunes contrevenants de manière à augmenter leur capacité de devenir des citoyens respectueux. Les mesures destinées aux adultes ne le permettent nullement. Il faut plutôt avoir des ressources appropriées. Il faut de l'argent et la volonté de mettre sur pied des infrastructures qui ne suivront pas le modèle du système pour adultes, qui a des effets désastreux sur les jeunes.

• 1720

Le projet sur la détermination de la peine mis sur pied aux États-Unis a souligné le fait suivant: quand on poursuit et qu'on punit les enfants comme s'ils étaient des adultes, on cause un tort à ces enfants et on met le public en danger. D'abord, on nuit aux enfants. Si on compare les jeunes mis sous garde dans un centre de détention juvénile et ceux qui sont dans des prisons pour adultes, on constate que ces derniers sont sept fois plus susceptibles de se suicider, cinq fois plus à risque d'être agressés sexuellement, deux fois plus à risque d'être battus par le personnel et 50 p. 100 plus susceptibles d'être attaqués par une personne armée. Dans ces établissements, il n'y a pas de services répondant à leurs besoins, notamment en matière d'enseignement. Ces faits sont encore plus vrais pour les filles que pour les garçons, puisque les filles sont moins nombreuses.

Les enfants traités comme des adultes sont plus susceptibles de récidiver. Je vais résumer rapidement deux études américaines. Une étude effectuée en Floride a comparé les taux de récidive de jeunes contrevenants semblables, pour constater que les adolescents qui sortaient du système pour adultes étaient plus susceptibles de récidiver, le faisaient plus tôt et commettaient par après davantage d'infractions, et des infractions plus graves que les adolescents qui étaient restés dans des établissements pour jeunes. Une étude portant sur 500 adolescents accusés en Pennsylvanie a conclu que les jeunes ayant fait l'objet d'un renvoi au tribunal pour adultes sont plus susceptibles d'être condamnés et incarcérés, et que leur taux de récidive est supérieur à celui des adolescents qui sont traduits devant des tribunaux pour la jeunesse.

Tout cela sert à dire que les besoins particuliers des jeunes doivent être pris en compte, à notre avis, si l'on tient vraiment à protéger le public. Nous devrions être préoccupés par le fait que les adolescents sont si nombreux dans nos prisons et pénitenciers.

Vous trouverez dans les documents que nous avons remis une lettre d'un juge néo-zélandais qui estime qu'en choisissant cette voie, son pays s'est créé de graves problèmes. Vous trouverez aussi un article en français sur la situation des prisons anglaises, où on estime compter trop d'adolescents dans les établissements pour adultes. Il y a aussi une lettre écrite par un enquêteur correctionnel canadien qui pose exactement cette question au gouvernement, ou aux Canadiens, en affirmant qu'il y a trop d'adolescents dans les établissements pour adultes.

Oui, la mise sous garde doit être un dernier recours, quand aucune autre mesure ne peut être utilisée de manière appropriée. Nous savons que cette loi veut faire appliquer ce principe, mais nous savons aussi que c'est ce qu'on dit du système pour les adultes, depuis 30 ans, sans pourtant que rien ait changé. Pourquoi? Nous pensons que c'est parce qu'il n'y a ni la volonté, ni l'attitude, ni la formation, ni les ressources nécessaires. Aucune loi ne peut obtenir tout cela. Nous devons trouver une façon de créer une tradition de la réinsertion sociale au Canada, et cela, partout au Canada.

Si vous voulez bien regarder l'un des tableaux que je vous ai remis, il s'agit du tableau 3.2. On y voit que la province de Québec a un très faible taux d'inculpation. Vous le saviez sans doute, mais je me disais que cela ne vous était peut-être pas tombé sous les yeux récemment et je vous ai apporté ce tableau. Je voulais simplement vous rappeler que la philosophie et les infrastructures de réinsertion ont été mises en place au Québec dans les années 50, à l'époque où on a construit Boscoville. On a mis sur pied un programme de formation qui est devenu un programme universitaire, d'où ont été issus bon nombre d'éducateurs. On a ainsi non seulement instauré une philosophie dans la province, on a en plus fait des efforts pour former des personnes capables de traiter avec les adolescents.

• 1725

Je vous ai apporté ce tableau pour parler de l'opportunité de ce nouveau projet de loi. Certains diront en effet que la nouvelle loi nous donnera une autre occasion de recourir aux mesures de rechange ou aux mesures extrajudiciaires. J'aimerais de tout coeur qu'une loi puisse faire cela, mais je doute qu'une loi seule puisse y arriver. Je pense qu'il faut encourager les provinces à penser autrement au sujet des problèmes des adolescents.

Je sais que mon temps est probablement écoulé, et je vais donc terminer simplement en vous rappelant que les enfants ne sont pas nos ennemis. Ils agissent parfois comme s'ils l'étaient, ils ont parfois une cuirasse qui nous laisse croire qu'ils sont très endurcis, mais sous la cuirasse, il y a des enfants qui ont divers types de problèmes. Ils ont chacun une pathologie particulière qui doit faire l'objet d'un traitement, et une bonne loi pour les adolescents doit toujours tenir compte du fait que l'infraction seule ne peut pas être la seule variable qui guide l'intervention. Elle déclenche l'intervention, certes, mais après le début de l'intervention, il faut tenir compte de la personnalité de l'adolescent.

Puis-je demander à ma collègue de l'Alberta de dire quelques mots, avant que nous ne passions aux autres témoins?

Le président: Certainement.

Mme Cécile Toutant: Merci.

Mme Kathryn Gregory (membre du conseil d'administration, Association canadienne de justice pénale): Merci. Je serai brève.

Je voulais simplement résumer rapidement la position de l'ACJP. À notre avis, le projet de loi au fond est inutile, puisque la loi actuelle peut être mise en oeuvre de manière graduelle et est tout à fait utilisable. Il est coûteux d'envisager une nouvelle loi. Nous estimons que l'argent qui est consacré à ce projet de loi devrait servir à la mise en oeuvre de programmes et probablement, aussi, à la sensibilisation du public aux questions juridiques. Le fait que le projet de loi assimile de plus en plus les jeunes contrevenants à des adultes nous préoccupe.

Merci.

Le président: Nous passons maintenant à nos autres témoins.

M. Dave Farthing (Youth Canada Association): Bon après-midi. Je m'appelle Dave Farthing et je suis de YouCan. Nous vous expliquerons ce qu'est cet organisme dans un instant, puis nous passerons à notre mémoire.

Je suis accompagné par Cathy Ann Kelly. Elle fait partie de notre conseil d'administration national. Elle est de Terre-Neuve et étudie ici à Ottawa, à l'université Carleton.

Je vais commencer par remercier du fond du coeur tous ceux ici qui nous donnent la chance de parler de cette question. C'est la première occasion que nous avons de nous exprimer et nous sommes ici pour représenter notre conseil d'administration national, composé de neuf jeunes de tous les coins du Canada, âgés de 18 à 24 ans, ainsi qu'un réseau d'environ 2 000 jeunes de tout le Canada qui s'intéressent de près à la prévention de la violence et au règlement des conflits.

Au cours de l'année écoulée, YouCan, qui est géré par les jeunes pour les jeunes, a pu tenir des séances de formation sur le règlement des conflits. Nous avons organisé des conférences nationales, nous avons mis sur pied des forums communautaires, nous avons créé des documents pouvant servir de guide et nous avons fait toutes sortes de choses pour aider les jeunes à prendre des initiatives et à assumer leurs responsabilités pour contribuer à la prévention de la violence et au règlement des conflits. Avec le temps, nous avons cristallisé une vision. Cette vision est celle d'une culture de la paix ici au Canada et ailleurs dans le monde.

Bien qu'il y ait eu des lacunes dans la Loi sur les jeunes contrevenants, la LJC, nous estimons qu'il fallait dire aujourd'hui que deux choses ont découlé de ces lacunes. Il s'agit de la sensibilisation du public, du moins, à notre avis, et du financement adéquat de ce qu'on appelle maintenant les mesures extrajudiciaires.

Nous essayerons de vous faire parvenir notre mémoire d'ici la fin de la semaine. Je crois que vous avez reçu le résumé de ce mémoire. Le mémoire vient d'être envoyé à la traduction, mais malheureusement, on ne pouvait nous le faire parvenir à temps pour notre comparution.

Dans notre mémoire, nous parlons de l'importance de communiquer avec les jeunes par l'intermédiaire des jeunes, de leurs pairs. Il faudra que les jeunes sentent que cette nouvelle loi les représente bien si l'on veut qu'elle soit couronnée de succès, qu'elle soit efficace et importante pour les jeunes, en termes de réduction de la violence et de la criminalité chez les jeunes, et pas seulement cela, mais aussi de la perception qu'on a de la violence et de la criminalité chez les jeunes. Selon de nombreuses études, la plupart des Canadiens voudraient se sentir plus en sécurité dans leurs communautés et considèrent parfois que les jeunes jouent un rôle important dans leur sentiment d'insécurité. Nous voulons que les jeunes comprennent bien cette question.

• 1730

Il y a une chose que certains organismes de jeunes, au Canada, ont assez bien fait: ils ont suscité chez les jeunes un engagement envers certaines questions particulières. Ils ont pu agir dans le cadre de forums, d'événements divers, mais on leur a aussi donné des ressources, donné le pouvoir de prendre des décisions, on les a fait participer à des processus décisionnels et on les a mis à la même table que les décideurs.

Il y a beaucoup d'excellentes personnes chez les jeunes du Canada et dans le cadre de nos initiatives de formation, nous avons notamment constaté qu'au sujet de la violence, bien souvent, il faut une bonne formation pour contrôler la colère et briser le cycle de la violence. Cette formation n'est pas souvent offerte et d'ailleurs, dans bien des collectivités canadiennes, ce qu'on nous dit et qu'on nous répète, c'est qu'on a réduit le financement nécessaire au maintien de ces programmes. Quand on financera des mesures extrajudiciaires, nous aimerions qu'elles soient bien financées et bien mises en oeuvre en donnant voix au chapitre aux jeunes et en les faisant participer au processus décisionnel associé à ces projets.

Il y a encore quelques petites choses que je voudrais dire, mais je crois que je vais donner la parole à Cathy Ann.

Mme Cathy Ann Kelly (trésorière, membre du conseil d'administration, Youth Canada Association): Bonsoir aux membres du comité et aux autres témoins.

Je suis ravie de vous parler aujourd'hui, au nom de Youth Canada, du projet de loi C-3, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Plutôt que de faire une analyse de chaque article du projet de loi, nous avons choisi de nous concentrer sur certaines questions que nous souhaitons soumettre au comité.

Notre analyse est fondée sur le fait qu'un système de justice distinct pour les adolescents nous tient à coeur. À notre avis, la loi a de nombreuses dispositions positives pour les jeunes, comme le soin accordé à une procédure équitable et à des peines avec sursis, mais nous croyons qu'il y a une tendance punitive accrue au sein du système judiciaire canadien et un recours excessif à l'incarcération.

Je me concentrerai sur quatre éléments clés de la loi qui sont à notre avis contraires aux principes de la réintégration et de la réinsertion dans les collectivités.

Bien que les principes de la détermination de la peine soient justes et se concentrent sur la réinsertion, nous nous opposons à ce qu'on compare des jeunes aux adultes lorsqu'il s'agit de décider d'une peine pour un adolescent, quand les circonstances de l'infraction s'apparentent à celles d'une infraction commise par un adulte.

Nous avons une opinion bien arrêtée au sujet des infractions désignées et des renvois à des peines pour adultes. Nous sommes contre l'abaissement de 16 à 14 ans pour l'admissibilité d'un adolescent à une peine pour adultes. Nous estimons qu'un adolescent ne devrait en aucun cas être traité comme un adulte. En outre, nous sommes contre les renvois présomptifs pour les adolescents de 16 et 17 ans. Nous estimons que le procureur doit demander une audience pour une peine pour adultes et doit donner avis de cette intention avant le procès. Les renvois présomptifs sont à notre avis contraires à tous les principes appliqués par ailleurs en vertu de la loi.

Actuellement, on incarcère au Canada quatre fois plus de jeunes contrevenants que de contrevenants adultes. Le Canada incarcère deux fois plus de jeunes contrevenants que les États-Unis et 10 à 15 p. 100 de plus que l'Australie ou l'Europe. Ces chiffres sont nettement trop élevés et montrent un recours abusif à l'incarcération au Canada.

Je vais maintenant parler de la mise sous garde des jeunes contrevenants. YouCan s'oppose fermement, quelles que soient les circonstances, à l'incarcération des adolescents avec des détenus adultes. Nous appuyons tout à fait les principes de la séparation et nous estimons que les gouvernements fédéral et provinciaux doivent appliquer une disposition précisant qu'il faut des établissements distincts pour les adultes et les jeunes contrevenants. En outre, nous nous opposons au transfert des adolescents de moins de 20 ans dans un établissement pour adultes. Nous estimons que les adolescents sont à une étape de leur développement où ils sont très vulnérables et qu'un transfert dans un établissement pour adultes aurait un effet négatif sur eux. Nous recommandons que les adolescents restent dans le système correctionnel pour adolescents au moins jusqu'à l'âge de 20 ans.

Au sujet de la publication des dossiers, en vertu de la loi, les informations nominatives pourront être publiées dans certaines circonstances, ce à quoi nous nous opposons tout à fait. En permettant la publication de noms, on affaiblit de beaucoup les principes de la réintégration et du système de justice pénale distinct pour les jeunes. Nous estimons que les adolescents doivent pouvoir revenir dans la société sans être stigmatisés.

• 1735

En conclusion, nous craignons que cette loi et toute modification qu'on y apportera ne serviront à rien si le public n'est pas bien informé des problèmes que posent la criminalité chez les jeunes et le système de justice pour les jeunes. Nous croyons fermement que ce sont les appels du public au durcissement des peines et l'ignorance du système de justice pénale qui ont mené à la réforme du droit criminel.

Comme on le voit dans la plupart des domaines de la vie, des changements spectaculaires et instantanés donnent à croire qu'on a opéré les changements les plus efficaces qui soient. Nous sommes d'avis que ce n'est pas vrai. Un vrai changement s'opère lorsque des gens réfléchis prennent des décisions et mettent en oeuvre des politiques qui ont des effets positifs à long terme sur la société. YouCan croit qu'il ne peut s'opérer de vrai changement avec une justice pour les jeunes s'adressant aux délinquants non violents et une justice pour les adultes s'adressant aux délinquants violents. Merci.

Le président: Merci beaucoup. Nous allons maintenant permettre à nos collègues de poser des questions et d'engager le dialogue. Pour commencer, M. Cadman aura sept minutes.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Merci, monsieur le président. Toutes nos excuses pour ces retards.

Madame Toutant, vous avez dit que le public, de manière générale, est troublé par certaines sentences, particulièrement lorsqu'il s'agit d'infractions très graves avec violence où les sentences ne sont pas assez longues. Vous avez dit que c'est la faute des juges parce qu'ils n'appliquent pas bien la loi et qu'ils n'imposent pas les peines maximales. Eh bien, si les juges n'imposent pas les peines maximales et que les cours d'appel leur donnent raison, et que les gens s'adressent à leurs députés fédéraux ou autres politiciens et leur disent qu'ils ne sont pas heureux de cette situation, que devons-nous faire?

Mme Cécile Toutant: Permettez-moi d'abord d'apporter une nuance. J'espère que je n'ai pas eu l'air de dire que c'était de la faute des juges.

M. Chuck Cadman: Non, mais vous disiez que les juges peuvent appliquer...

Mme Cécile Toutant: Il s'agit d'une décision du juge.

M. Chuck Cadman: Oui, bien sûr.

Mme Cécile Toutant: Les juges ont en main tous les faits, ils connaissent aussi les antécédents de la jeune personne et les programmes de réinsertion qu'il a suivis ou n'a pas suivis auparavant. Donc, la décision du juge prend en compte plusieurs variables, et pas seulement l'infraction elle-même. C'est dans ce contexte qu'il rend sa sentence, mais la loi lui permet d'être plus sévère. C'est tout ce que je dis.

Je constate que les gens disent parfois: «Ce n'est pas beaucoup pour un meurtre», ou «Ce n'est pas beaucoup pour ce genre d'infraction». Très souvent, on impose la probation pour des agressions sexuelles. Mais l'agression sexuelle est un terme au sens très large dans notre Code criminel. Il peut s'agir d'agressions très sadiques ou d'agressions qui sont beaucoup moins graves. Quand on regarde la sentence, on peut se dire qu'on a été très indulgent, mais le juge aura pris en compte plusieurs autres facteurs.

Je ne pense pas que vous laissiez entendre, par votre question, qu'il faut dire au juge quelle peine il doit imposer. Chose certaine, j'espère que cette loi ou toute loi que nous aurons pour les jeunes donnera toujours au juge la possibilité de réfléchir et de soupeser tous les facteurs autres que l'infraction elle-même.

Je l'ai dit auparavant, et je le redirai aujourd'hui. Il y a des jeunes qui commettent des crimes très graves, qui n'avaient aucun antécédent judiciaire, et qui présentent un très bon pronostic. Il y en a d'autres qui ont un long passé criminel dont le pronostic n'est pas aussi bon. Mais quand on les laisse dans le système pour les jeunes, le pronostic, si l'on pense à la récidive en matière d'infractions avec violence, est très faible.

M. Chuck Cadman: Dans le mémoire que vous nous avez remis, au bas de la page 5, vous dites:

    Si C-3 était adopté, on pourrait s'attendre à ce qu'un nombre encore plus grand de jeunes soient incarcérés du fait qu'ils seraient étiquetés comme violents, qu'ils se verraient imposer des peines pour adultes, ou qu'ils refuseraient de se plier aux ordonnances du tribunal.

À partir de quel moment doit-on recourir à l'incarcération, s'il s'agit de quelqu'un qui a seulement refusé de se plier à des ordonnances du tribunal fois après fois, qu'il s'agisse de la probation ou des conditions relatives à la libération sous caution? À partir de quel moment dit-on: C'est fini, ça suffit?

• 1740

Mme Cécile Toutant: Je ne veux pas répondre pour toutes les provinces, mais je peux vous dire que dans la province de Québec—et l'on m'a déjà posé cette question—il semble qu'en dépit de notre tradition de réinsertion, nous dirigeons plusieurs jeunes vers les tribunaux pour adultes. Nous sommes l'une des provinces qui renvoient les jeunes devant les tribunaux pour adultes. Je n'ai pas tous les chiffres ici, province par province, mais j'aurais aimé les avoir pour vous montrer qu'en effet, nous dirigeons les jeunes vers les tribunaux pour adultes, mais il s'agit de jeunes pour lesquels on a essayé de faire quelque chose auparavant.

Prenons le cas, comme je l'ai dit plus tôt, d'un jeune qui a commis une infraction avec violence, et nous pensons que nous ne pouvons rien pour lui parce qu'il souffre du syndrome d'alcoolisme foetal, présente des problèmes neurologiques et est très impulsif. Nous pensons au début pouvoir l'aider, et nous essayons, mais après quelques essais, nous estimons que nous ne pouvons plus rien pour ce jeune dans le système de justice pour les jeunes, et alors nous le disons—la loi permet cela maintenant. Le renvoi devant les tribunaux pour adultes est possible pour n'importe quel genre d'infraction.

Il faudrait faire plus de recherche. Il y a plus de 10 ans, nous avons commandé une recherche à un criminologue du Québec qui a étudié tous ces jeunes qui avaient été dirigés vers les tribunaux pour adultes. Il a été très surpris de constater que bon nombre d'entre eux y avaient été envoyés parce qu'ils devaient l'être. On avait estimé à partir d'un certain moment, qu'ils avaient récidivé tant de fois que dans les tribunaux pour les jeunes, ils auraient eu le maximum, et quand on a le maximum au Tribunal de la jeunesse, on reste en prison du premier jour au dernier. On estimait que si on les dirigeait vers les tribunaux pour adultes, eh bien, on considérerait qu'il s'agit de jeunes gens, de pauvres petits enfants, d'une certaine manière, et que le juge serait plus indulgent. Dans ce contexte, on demandait aux avocats de dire qu'ils voulaient que le jeune soit renvoyé devant un tribunal pour adultes.

M. Chuck Cadman: Si l'on me permet d'en poser encore une...?

Le président: Oui.

M. Chuck Cadman: Oublions les infractions avec violence. Parlons maintenant des infractions contre les biens. Qu'en est-il du jeune délinquant qui vole voiture après voiture après voiture, et qui ne reçoit qu'une probation après probation? À partir de quel moment doit-on incarcérer un voleur de voitures?

Mme Cécile Toutant: Voulez-vous savoir à quel moment on l'envoie devant le tribunal pour adultes?

M. Chuck Cadman: Non. À partir de quel moment doit-on l'incarcérer, même dans le système pour jeunes? J'ai...

Mme Cécile Toutant: Ah, vous parlez de la mise sous garde dans le système pour les jeunes?

M. Chuck Cadman: Oui, parce que je me demandais seulement quel...

Mme Cécile Toutant: Quand un jeune ne fonctionne pas dans un programme communautaire, il est inutile de l'y laisser. Je peux vous donner de très bons exemples de jeunes qu'on a essayé de mettre dans des programmes communautaires. Ils ne se lèvent pas le matin, ils ne participent pas aux programmes communautaires, et ils ne font pas les travaux communautaires qu'ils sont censés faire. Quand ils n'obéissent pas, la cour nous demande de trouver un autre moyen de les traiter. Alors, on les boucle.

Voyez les données que nous avons dans les statistiques. Bon nombre de jeunes qui sont mis sous garde sont ceux qui ne se plient pas aux ordonnances judiciaires. Ce sont beaucoup plus ces jeunes-là que ceux qui sont violents; ceux que l'on finit par boucler sont ceux qui ne se plient pas aux ordonnances judiciaires. On n'arrive à rien avec eux à l'extérieur. Ils refusent de participer.

M. Chuck Cadman: Vous ne vous opposez donc pas à ce qu'on mette une personne sous garde...?

Mme Cécile Toutant: Pas du tout.

M. Chuck Cadman: J'ai entendu parler de gens qui s'opposent vigoureusement à l'incarcération d'une personne pour manquement aux conditions de la probation.

Mme Cécile Toutant: Je m'oppose beaucoup plus au fait qu'on envoie des enfants dans le système pour adultes. C'est une autre chose. Mais arrêter un enfant ou un adolescent et lui dire: tu es censé travailler dans un foyer de personnes âgées tous les jours pour 60 ou 100 heures, et tu ne t'es présenté qu'une seule fois, alors on va faire autre chose, on va modifier le contrat, alors, ou bien tu changes d'attitude, ou alors on va essayer autre chose...

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cadman.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je ne sais pas si je pourrai ajouter beaucoup à cette discussion. La situation est telle que, dans une large mesure, surtout avec moi, vous prêchez à un converti.

• 1745

Mais la situation est telle en Ontario que la Loi sur les jeunes contrevenants n'a plus aucun crédit, auprès des médias, de la police et des contribuables. Nous avons un gouvernement provincial qui va exactement dans le sens contraire de ce que vous recommandez et de ce que nous devrions faire, à mon avis. Notre problème tient au fait que si nous adoptons une nouvelle loi qui présente la moindre ressemblance avec la Loi sur les jeunes contrevenants, nous n'aurons pas avancé d'un pouce. Ce que nous devons faire, c'est contribuer—je ne sais pas si vous pouvez nous aider ici—à modifier les mentalités.

Je dis aux gens que nous incarcérons plus de jeunes qu'aux États-Unis, et ils me répondent bêtement qu'ils ne me croient pas. Telle est la perception que nous avons. Comment modifier cette perception? Cela m'irrite énormément. Je pense que votre conseil est bon—il se peut que je ne sois pas d'accord avec certains détails—mais comment diable allons-nous renverser la situation? Je ne peux parler que de l'Ontario parce que c'est la seule province que je connais. Je suis vivement impressionné par les chiffres qu'on me donne sur le Québec. On dirait que vous avez là-bas une situation entièrement différente.

Plus tôt aujourd'hui, j'ai demandé à un témoin s'il avait des lettres à la rédaction exigeant le durcissement de la Loi sur les jeunes contrevenants, s'il avait des éditoriaux qui disaient tous les jours qu'il faut durcir la Loi sur les jeunes contrevenants, que les politiciens n'ont aucune épine dorsale. Il m'a répondu que non, il n'avait rien de tout cela; au contraire, il reçoit des encouragements.

Nous n'avons rien de tout cela en Ontario, et tant que ce ne sera pas le cas, on pourra adopter toutes les lois qu'on veut, rien ne va changer. Avez-vous des conseils à nous donner sur la façon de propager ce message? En notre qualité d'élus, nous avons de toute évidence échoué lamentablement en ce sens jusqu'à présent. Comment allons-nous renverser la situation?

Mme Cécile Toutant: J'ai parlé plus tôt d'une infrastructure de réinsertion, et je dirais qu'on n'a pas changé les choses du jour au lendemain. Il a fallu plusieurs années avant d'avoir des éducateurs, des établissements, des mesures sociales, et des gens qui seraient en mesure d'intervenir.

Je ne sais pas qui vous a dit qu'il n'y a pas de lettres à la rédaction dans nos journaux. Je peux vous dire que nous en avons parfois.

J'ai participé à plusieurs lignes ouvertes à la radio. Le lendemain du meurtre d'un pasteur et de sa femme à Montréal, on m'a invitée. J'ai beaucoup hésité à y aller parce qu'il s'agissait d'un crime horrible, il s'agissait de jeunes gens, et on sent alors le poids d'une lourde responsabilité. J'ai répondu que j'irais et que je verrais sur place. C'était une ligne ouverte.

Je peux vous dire entre autres choses que ce fut une des plus belles expériences de ma vie. Seul un très petit pourcentage de gens ont téléphoné pour dire qu'il fallait boucler ces jeunes et jeter la clé. Il y a eu très peu d'appels de ce genre. Certaines personnes ont téléphoné pour me demander ce qui n'allait pas avec ceux qui sont censés éduquer dans la province, les parents, la société, les écoles. Ils demandaient: comment se fait-il que personne ne pouvait voir que quelque chose n'allait pas?

Je dois vous dire que, finalement, je répondais... Je n'ose pas dire qu'il y a une manière latine de voir les choses; je n'ose pas dire cela, mais c'est une question que je me pose quand même. Savez-vous pourquoi je dis cela? J'ai récemment rencontré une trentaine de personnes de la France, de la Belgique. Lorsqu'elles parlent des jeunes, leurs yeux brillent, parce que ces jeunes sont toute leur vie. Les jeunes ne sont pas des monstres pour eux. Les jeunes ne sont pas des ennemis—et elles parlent pourtant de jeunes qui ne sont pas nécessairement faciles.

Je parlais à un responsable de l'Office pour les droits de l'enfant en Belgique, et il me disait que chez lui, il était impossible de garder un jeune trois ans comme on le fait à Pinel. Il était dans mon service. Il a dit: «Vous gardez des jeunes pendant trois ans?» J'ai dit oui, mais seulement ceux qui commettent des crimes très graves. Il a dit qu'une telle chose était impossible en Belgique.

Je ne dis pas que nous devrions copier la Belgique. Je dis seulement qu'ils ont une autre manière de voir les enfants, d'assumer la responsabilité de leur éducation, d'assumer la responsabilité de leur mûrissement.

• 1750

Je ne peux pas voir votre nom très bien, mais j'aimerais connaître le secret—peut-être que Kathryn connaît le secret—qui permettrait à l'Ontario de changer d'attitude.

Le président: C'est Ivan Grose, je le mentionne seulement pour le compte rendu.

Mme Cécile Toutant: D'accord. Je ne voyais pas son nom.

Mme Kathryn Gregory: Monsieur Grose, j'ai...

M. Ivan Grose: Si l'on me permet d'intervenir un instant au sujet de ce que vous avez dit à propos de la ligne ouverte, vous auriez entendu tout à fait le contraire en Ontario. J'ai été étonné de vous entendre dire qu'il y avait même des gens qui vous demandaient: «Qu'est-ce qui ne va pas avec le système?», parce qu'ici on aurait dit: «Bouclez-les et jetez la clé», tout le monde aurait dit ça. L'attitude est totalement différente.

Je ne connais pas la réponse, mais je pense que vous venez peut-être de constater la différence dans ce qui caractérise les gens.

Je dois dire que je suis horrifié. Il y a des nuits où je n'arrive pas à dormir parce que cela m'inquiète. Comment allons- nous un jour régler cela, dans le sens que nous voulons?

J'ai aimé ce que vous avez dit au sujet de la France et de la Belgique, parce que de toute évidence, ce qu'ils font là-bas marche. Si ça ne marchait pas, ils feraient autre chose.

Mme Cécile Toutant: Je dirais qu'il s'agit essentiellement d'éducation.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Ça ne marche pas en Ontario, et pourtant, ils continuent.

M. Ivan Grose: C'est vrai.

Le président: Monsieur Farthing.

M. Dave Farthing: J'aimerais parler de l'Ontario, monsieur Grose, parce que le siège social de notre organisation se trouve ici en Ontario. Une partie de nos fonds de démarrage provient de la Fondation Trillium, et nous essayons de poursuivre des projets.

Ici, en Ontario, nous avons eu beaucoup de difficultés avec le gouvernement provincial. J'ai eu en fait l'occasion de donner des cours sur la résolution de conflits à des agents qui étaient responsables du premier camp de type militaire qu'on y a ouvert. Je peux vous dire, pour l'avoir vécu de près, que j'ai été un peu choqué de voir qui on avait engagé, dans certains cas, pour travailler avec ces jeunes. Ils n'étaient pas nécessairement ce que je croyais être des travailleurs auprès des jeunes.

Depuis ce moment—c'était vers 1997 ou 1998—nous avons essayé d'aller de l'avant et de promouvoir la justice réparatrice et la résolution de conflits. Nous avons eu beaucoup de chance dans la mesure où nous avons reçu des fonds fédéraux pour lancer ce genre de programmes parce qu'au niveau provincial, c'était difficile.

Donc, on a beaucoup parlé de faire participer les jeunes. C'est intéressant parce que dans certaines régions de l'Ontario, on peut en fait former un jeune à l'écoute, au respect, à la maîtrise de la colère, à la résolution de conflits. Puis quand on demande aux gens, d'accord, qu'allons-nous faire des jeunes contrevenants, on nous répond qu'il faut les boucler.

Et puis quand on s'adresse aux jeunes, si on leur demande vraiment ce qu'ils veulent faire de leur vie, eh bien, oui, ils préfèrent résoudre leurs conflits plutôt que d'être traduits devant les tribunaux et d'aboutir en prison. Vous voyez ce que je veux dire?

En réalité, donc, les gens croient dans les principes dont nous faisons la promotion, la justice réparatrice, mais leur première réaction, c'est parfois de souhaiter que les jeunes soient bouclés, parce que c'est surtout de cela qu'ils entendent parler, et c'est la solution dont les médias font la promotion. Et c'est ce que le public...

Nous avons accordé beaucoup d'attention à cela dernièrement. Nous avons tenu une conférence nationale à Toronto. On nous a demandé de préparer certaines choses pour septembre prochain, pour le compte de l'Association du Barreau canadien. Elle a une section de la justice réparatrice. Mais après avoir parlé avec des services policiers et des avocats, il est évident que très peu de gens font la promotion de la justice réparatrice. Nous, les jeunes, sommes encore moins nombreux, et l'on ne nous permet pas d'essayer d'influencer peut-être le gouvernement de l'Ontario et d'autres groupes.

Je crois donc que nous partageons votre irritation. J'aimerais être un expert et pouvoir dire ce qui peut se faire, mais je sais que s'il y a une chose que nous faisons très bien, c'est que nous considérons la culture des jeunes comme une culture authentique, et nous nous inspirons d'organisations comme l'UNESCO, qui parle de cette notion de culture de la paix, qui dit que c'est la décennie internationale de la culture de la paix, toutes ces diverses choses.

Si vous voulez influencer une culture, il vous faut au préalable la comprendre, et pour ce qui est de la culture des jeunes, nous envisageons de faire participer MuchMusic à l'éducation publique: obtenir des autocollants; faire enregistrer des disques; ou faire participer davantage d'artistes, qu'il s'agisse de Maestro ou de certains groupes hip-hop à la mode dans la région de Toronto ou autre chose.

J'ignore si l'on peut appliquer cela à la culture adulte. J'imagine que oui. Mais nous nous réunissons en colloque, et l'on parle d'éducation et de tout le reste. Je sais que le Centre national de la prévention du crime dispose d'un petit budget. Quand on compare ce que l'on dépense pour la prévention du crime à ce que l'on dépense pour les établissements correctionnels, nos services policiers et tout le reste, c'est effrayant.

Par exemple, le nombre de jeunes incarcérés me dérange beaucoup, mais allez voir ce que fait le Centre national de prévention du crime, et vous allez voir qu'il a du mal à joindre les deux bouts. Alors comment allons-nous éduquer la population? Le Centre pourrait dépenser tous ses 32 millions de dollars—eh bien, je crois que c'est 32 millions de dollars—sans rien donner aux groupes communautaires et investir simplement ce montant dans l'éducation publique, et l'on ne ferait qu'égratigner la surface, probablement, pour ce qui est d'amener les Canadiens à traiter nos jeunes avec respect.

• 1755

L'une des choses que nous faisons parfois, c'est réunir des adultes et des jeunes dans une salle, et on commencer à parler de respect. Prenez les enfants en 5e, 4e et 3e années—tout le monde sait ce que c'est que le respect, mais comment le montrer? Comment allez-vous apprendre aux gens à témoigner du respect aux autres? Comment allez-vous trouver de l'argent pour faire ce genre de choses? C'est le genre de problèmes avec lesquels nous nous débattons aussi.

Le président: Madame Gregory, vous avez peut-être une perspective albertaine.

Mme Kathryn Gregory: Je dois dire que je suis de Calgary, et qu'il y a maintenant à peu près 11 ans que je suis active dans le domaine de la vulgarisation juridique auprès des jeunes et des adultes.

Monsieur Grose, j'aimerais répondre à vos préoccupations étant donné que nous les partageons en Alberta. L'Ontario vit quelque chose que nous vivons depuis que la première Loi sur les jeunes contrevenants a été mise en oeuvre. La loi a été critiquée de toutes parts. Elle a toujours été mal comprise. Je pense que c'est également vrai probablement à l'échelle fédérale.

L'un des problèmes qui se posait dans notre culture, dans l'Ouest, c'est une mentalité de plus en plus conservatrice qui se conjuguait avec la désinformation, et j'irais même jusqu'à dire à M. Grose, que les médias fabriquaient des mythes exprès.

Par exemple, lorsque le Juristat rapporte que la criminalité chez les jeunes diminue dans toutes les catégories, c'est une nouvelle qui est enterrée quelque part à la page 65, dans un tout petit entrefilet, ce qui fait que lorsque vous dites des choses aux Albertains et qu'ils vous répondent que ce n'est pas vrai, c'est parce qu'ils ne sont pas au courant du tout. Je crois donc qu'il serait utile que le gouvernement fédéral lance une bonne campagne où l'on diffuserait de vraies informations et de vraies statistiques.

Cela dit, cependant, je crois que ce que vous dites est vrai. Je rejoindrai même ce que Dave Farthing a dit, à savoir que c'est un problème d'attitude. Je crois que les gens doivent reconnaître les limites de toute loi à cet égard.

Nous pourrions offrir des programmes basés sur le cursus, ce que nous faisons maintenant, du moins à Calgary. La plupart des cours de droit sont facultatifs ou sont même considérés comme des compléments aux cours commerciaux au niveau supérieur, à l'école secondaire. Personne, parmi les responsables du programme d'études au secondaire, les éducateurs de l'Alberta, ou le grand public ne s'engage à diffuser ce genre de savoir, pour que les gens puissent par conséquent porter un jugement équilibré ou à tout le moins informé.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Grose.

Nous allons maintenant passer à M. Saada, s'il vous plaît.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Madame Toutant, j'ai à vous poser une question qui est assez compliquée. Tout d'abord, je remercie tout le monde d'être ici.

[Traduction]

Merci d'avoir été si patients. J'ai la certitude que vous vous êtes amusés beaucoup plus ici que nous là-bas, à voter.

[Français]

Madame Toutant, j'ai une question assez délicate à vous poser. C'est vrai qu'au Québec, depuis très longtemps, il y a une philosophie de la jeunesse qui a entraîné une intégration de plus en plus serrée du domaine social, du domaine scolaire, de la DPJ, du système judiciaire et ainsi de suite. Il y a toute une philosophie qui s'est développée, même s'il y a encore des lacunes, bien sûr. Ce n'est pas forcément le cas partout ailleurs, et la raison pour laquelle ce n'est pas partout le cas ailleurs, c'est peut-être que la décision politique a été différente selon les provinces du pays.

Peut-on concevoir que ce projet de loi, du fait qu'il amène une formalisation et un élargissement de la batterie des mesures extrajudiciaires, du fait qu'il amène de nouveau le principe selon lequel la mise sous garde est un dernier recours, du fait qu'il amène toute la dimension des mesures alternatives, puisse pousser politiquement ceux qui n'ont pas encore découvert l'avantage de cette voie à le découvrir?

Si vous me le permettez, je vais vous dire pourquoi je vous pose la question. C'est très, très simple et je l'ai répété plusieurs fois. J'ai été frappé de voir qu'en vertu du même principe et en voulant atteindre les mêmes buts, à savoir la réhabilitation, la réintégration, l'aide et ainsi de suite, des gens représentant le ministère de la Justice de la Colombie-Britannique sont venus nous dire qu'ils appuyaient le projet de loi. Avec la même philosophie, avec la même volonté d'approche des choses, peu importe le degré, on est venu nous dire que le projet de loi allait aider à aller dans ce sens-là. Or, vous venez nous dire que le projet de loi va aider à aller dans le sens contraire. Expliquez-moi un peu.

• 1800

[Traduction]

Mme Cécile Toutant: Je pense que je vais repasser à l'anglais.

[Français]

M. Jacques Saada: [Note de la rédaction: Inaudible].

Mme Cécile Toutant: Oui.

[Traduction]

Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai le sentiment que ceux que je dois convaincre sont de langue anglaise.

Des voix: Ah, ah!

Mme Cécile Toutant: Je me trompe probablement; je me trompe certainement.

Le président: Elle ne connaît pas M. Grose.

[Français]

Mme Cécile Toutant: Je vais parler en français vu que vous m'avez posé la question en français.

Je trouve que beaucoup de questions se posent encore à nous. Si vous me demandez si je suis sûre que cette loi-là n'aidera pas à l'élaboration de mesures alternatives ou de mesures extrajudiciaires, je vous répondrai qu'elle va peut-être aider, parce qu'avec la loi, il y aura de l'argent pour renforcer l'élaboration de mesures extrajudiciaires.

Je vous dirais que sans cette nouvelle loi, mais avec l'argent qu'on aurait très bien pu avoir autrement, il aurait été tout à fait possible de pousser dans ce sens-là parce que dans la Loi sur les jeunes contrevenants, des mesures alternatives étaient déjà suggérées. Pourtant, certaines provinces n'en ont jamais élaboré.

Si vous voulez avoir plus d'information sur le sujet, consultez le jugement Sheldon de la Cour suprême. Vous en avez sûrement entendu parler. C'est le cas d'un jeune Ontarien qui s'estimait traité injustement parce que s'il avait été au Québec, il aurait pu profiter de mesures alternatives pour le délit qu'il avait commis, alors qu'en Ontario, il était condamné à la détention. Il s'est rendu jusqu'en Cour suprême. La Cour suprême a jugé que, malheureusement, il ne pouvait prétendre être traité injustement parce que, dans la province où le délit avait été commis et de laquelle il relevait, on ne prévoyait pas de mesures alternatives pour ce délit. C'était le tribunal le plus élevé.

Je me dis qu'une loi qui suggérait aux provinces de développer des mesures alternatives n'a pas fonctionné. Et même si on en développait, encore faudrait-il qu'elles durent. C'est ma crainte. Il faut qu'une province soit décidée à le faire.

M. Jacques Saada: Je m'excuse, mais je pense que vous n'avez pas vraiment répondu à ma question. Une loi ne peut pas tout régler, et on se comprend bien là-dessus. Une loi ne peut pas dicter, d'autant plus que toutes les mesures alternatives, la mise de fonds et ainsi de suite relèvent en grande partie du provincial. Je crois que la mise de fonds est moitié-moitié, 50-50?, n'est-ce pas?

[Traduction]

Je crois que c'est la contribution des provinces, mais peut-être que les experts peuvent nous éclairer.

Une voix: Oui, c'est ce que c'est.

M. Jacques Saada: D'accord.

Il se trouve, cependant, qu'en matière d'éducation, en matière de responsabilités sociales, en matière de droit de la famille et du reste, il s'agit d'une compétence provinciale. Donc nous pouvons aller aussi loin que nous voulons avec notre projet de loi, nous ne pourrons pas tout régler.

Je veux savoir si nous poussons les provinces dans la bonne direction avec ce projet de loi, comparativement à ce que nous avions auparavant? Je vous demande de ne pas limiter votre réflexion à une seule province. Je suis député fédéral, et je suis censé travailler pour le compte de tous les Canadiens. Cette mesure va-t-elle m'aider à faire le bien, qu'est-ce qui peut être bon à la fois pour la province de Québec et tout le reste du pays? Est-ce qu'on presse les gouvernements provinciaux à prendre en compte cette philosophie?

Mme Cécile Toutant: Si vous me posez la question à propos de tout le projet de loi, je dirais que non, parce qu'à mon avis, le ton de ce projet de loi est tel qu'on y assimile presque le système de justice pour les jeunes au système de justice pour les adultes. Si vous parlez que des mesures extrajudiciaires, je vous dirais que je ça ne me surprend pas que la Colombie-Britannique soit satisfaite, d'une certaine manière, parce que vous savez aussi bien que moi que ce projet de loi apportera de l'argent.

Il faut se rappeler que les seules provinces où l'âge maximum était de 18 ans pour les jeunes en 1984 et qui avaient les ressources voulues pour s'occuper des jeunes jusqu'à 18 ans étaient le Québec et le Manitoba. Deux provinces avaient fixé l'âge à 17 ans—la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick, si je ne m'abuse. Ailleurs au Canada, l'âge maximum était de 16 ans. Donc, ces autres provinces ou territoires avaient les ressources voulues pour s'occuper des jeunes. Elles n'avaient pas les ressources voulues pour les jeunes qui étaient traduits devant les tribunaux pour adultes.

• 1805

Je ne peux pas vous dire pourquoi la Colombie-Britannique serait satisfaite ce projet de loi maintenant, parce que je sais que la Colombie-Britannique et les gens que je connais là-bas se donnent beaucoup de mal pour mettre en oeuvre une loi de protection et une façon de traiter les jeunes délinquants analogue à ce qu'ils ont vu dans la province de Québec.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Saada.

[Traduction]

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Monsieur le président, j'aimerais seulement poser une question aux représentants de la Youth Canada Association.

Vous pourriez peut-être m'expliquer pourquoi, lorsque je vais parler aux jeunes dans les écoles et les groupes communautaires, ils me répondent qu'ils ne croient pas les statistiques, que d'après leur propre expérience—et je parle de leur propre expérience dans les écoles et les rues—il y a beaucoup plus de violence et de criminalité qu'on le dit.

Mme Cathy Ann Kelly: Nous croyons qu'ils réagissent à la peur qui les entoure et que propagent les médias. Les Canadiens ont énormément peur des jeunes, et ils réagissent à cela. C'est l'impression qu'ils reçoivent.

M. Chuck Cadman: Vous êtes donc en train de me dire qu'ils ne sont pas assez intelligents pour former leur propre opinion.

Mme Cathy Ann Kelly: Non...

M. Chuck Cadman: Ils me disent que c'est ce qu'ils vivent; ils ne me disent pas ce qu'ils ont entendu. Quand je leur demande combien ont été impliqués dans des incidents violents, combien ont été attaqués, la vaste majorité lève habituellement la main. Je me demande seulement pourquoi c'est comme ça, pourquoi cela semble contredire les statistiques.

Mme Cathy Ann Kelly: Je vous répondrai qu'il n'y a pas tellement de délits violents, et que le taux de criminalité est peut-être particulièrement élevé dans cette école ou dans cette région que vous mentionnez—je ne sais pas où elle se trouve. Cela dit, dans l'ensemble, au Canada, parmi les jeunes contrevenants le taux de violence n'est pas tellement élevé. Ce taux a augmenté au cours des années, mais c'est dû en grande partie aux voies de fait simples. Peut-être pourrions-nous les rassurer en allant dans les écoles et en leur montrant comment on résout les conflits, la médiation par les pairs, et comment réagir face à la violence et à la crainte.

Nous ne pensons pas qu'il soit possible de changer véritablement les choses en légiférant pour pouvoir prononcer des sentences plus dures. Nous ne pensons pas que cela permette de changer efficacement la situation. À notre avis, c'est une démarche plus réactive que proactive.

M. Chuck Cadman: Dois-je en déduire que vous êtes contre toute sentence pour adultes dans le cas des jeunes, quel que soit le délit?

Mme Cathy Ann Kelly: Nous sommes contre cette tendance à laquelle on assiste au Canada et qui veut rapprocher de plus en plus les jeunes contrevenants du système pour adultes. Nous pensons que la LJC contenait des dispositions et des sauvegardes suffisantes à l'intention des contrevenants violents et que les dispositions de transfert à un tribunal pour adultes étaient satisfaisantes. Nous ne pensons pas...

M. Chuck Cadman: Autrement dit, dans certains cas, une sentence pour adultes est justifiée?

Mme Cathy Ann Kelly: Dans un nombre de cas très limité.

M. Chuck Cadman: Par exemple?

Mme Cathy Ann Kelly: Par exemple... je peux vous répondre tout de suite, en cas de meurtre au premier degré, mais en même temps, cela dépendrait des caractéristiques du crime, du contrevenant, de l'ensemble de la situation. Je ne peux pas vous donner un exemple général... Dans notre mémoire, nous expliquons que nous ne sommes pas d'accord en ce qui concerne les infractions désignées. Nous ne sommes pas d'accord pour qu'on renvoie automatiquement les adolescents de 16 et 17 ans devant un tribunal pour adultes pour détermination de la sentence, comme c'est prévu dans la nouvelle loi. Voilà notre position.

Le président: Merci, monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Merci.

Le président: Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll: Monsieur le président, je sais que vous vous sentez coupable parce que vous ne m'avez pas laissée poser mes questions la dernière fois, mais en fait, je n'ai pas vraiment de questions à poser en dehors de ce qui se dit pendant la discussion.

Le président: Monsieur McKay.

• 1810

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): J'ai des questions à vous poser au sujet de ce que vous avez dit de l'alinéa 37(2)a). Vous dites que vous n'êtes pas d'accord avec cet alinéa et qu'on ne devrait pas comparer les adultes et les jeunes lorsqu'on détermine la peine.

L'alinéa 37(2)a) prévoit qu'un juge ne doit jamais, en aucune circonstance, imposer une peine supérieure à une peine qui se justifierait pour un adulte.

Or, d'après votre position, j'aurais cru que vous préféreriez quelque chose de ce genre puisque c'est une façon de fixer un maximum. Si on supprime cette disposition, ce que vous semblez réclamer dans votre exposé, il pourrait se produire une anomalie, on pourrait voir des juges des tribunaux pour adolescents imposer des peines plus sévères que celles qu'on impose aux adultes.

Mme Cathy Ann Kelly: Nous considérons que l'alinéa 37(2)a) permet, aux fins de la détermination de la peine, de comparer un adolescent et un adulte. Je le répète, à notre avis, plus on s'écartera du modèle de justice pour adultes, mieux cela vaudra pour les jeunes. Pour respecter les principes de la réinsertion qui se trouvent dans la loi, nous pensons que ce n'est pas une bonne idée de comparer le système pour les jeunes et le système pour les adultes.

M. John McKay: Mais vous comprenez mon argument: cela pourrait fort bien avoir des résultats contraires à ce que vous recherchez. Je sais bien que vous ne voulez pas voir les enfants comparés à des adultes au moment de la détermination de la peine. En effet, c'est votre principal argument.

Toutefois, sans cette disposition, vous aurez peut-être un résultat ironique, vous verrez peut-être un juge imposer à un enfant une peine plus sévère que celle qui aurait été imposée à un adultes pour un crime comparable. Est-ce que cet argument ne risque pas de vous faire du tort?

Mme Cathy Ann Kelly: Non, je ne le crois pas. Ce que je veux éviter, c'est qu'on compare les jeunes et les adultes coupables d'un même crime.

M. John McKay: D'accord. Ma deuxième question porte sur l'imposition d'une peine pour adultes. Plus loin dans votre mémoire, vous dites:

    Nous considérons que l'État devrait prendre l'initiative lorsqu'une audience de détermination de la peine pour adultes est jugée nécessaire et qu'un préavis devrait être donné avant le procès.

Est-ce que ce n'est pas exactement ce qui est prévu par la loi, c'est-à-dire que si l'État décide de réclamer une peine pour adultes, ils doivent donner un préavis du procès?

Mme Cathy Ann Kelly: Mais ce que nous n'aimons pas, c'est cette présomption de renvoi devant un tribunal pour adultes pour détermination de la peine dans le cas des adultes de 16 et 17 ans. Apparemment, la Couronne annonce son intention avant le procès, mais nous prétendons, nous, qu'il ne devrait pas y avoir de présomption de renvoi devant un tribunal pour adultes dans le cas d'adolescents de 16 ou de 17 ans qui ont été reconnus coupables d'une des infractions désignées qui figurent dans la loi.

M. John McKay: Je ne comprends pas votre argument. Vous voulez dire que cette présomption ne devrait pas exister aux fins de la détermination de la peine? Je croyais que le système prévu par la loi était très simple, c'est-à-dire que la Couronne devait justifier l'imposition d'une peine pour adultes lorsqu'il s'agit d'une des six catégories d'infractions.

Mme Cathy Ann Kelly: Oui.

M. John McKay: Dans ces conditions, je ne comprends pas votre argument.

Mme Cathy Ann Kelly: Je ne sais pas si je me suis bien expliquée.

M. John McKay: Il est 17 h 30, près de 18 heures, et nous commençons peut-être à nous croiser dans la nuit sans nous voir, mais je tiens à bien comprendre ce que vous nous dites.

• 1815

Mme Cathy Ann Kelly: Nous ne sommes pas d'accord avec les changements apportés avec le passage de la LJC à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Avec ces changements, les adolescents de 14 et 15 ans peuvent être transférés à des tribunaux pour adultes pour détermination de la peine.

M. John McKay: Il s'agit des adolescents de 14 et 15 ans.

Mme Cathy Ann Kelly: Oui, et également du fait qu'on continue, comme dans la LJC, à présumer qu'on peut renvoyer les jeunes de 16 et 17 ans devant un tribunal pour adultes pour détermination de la peine. Avec la loi actuelle, une fois établie la culpabilité d'un jeune, on le renvoie devant un tribunal pour adultes pour détermination de sa peine. Nous ne sommes pas d'accord. Nous voudrions que la Couronne soit tenue de justifier de renvoyer les adolescents de 16 et 17 ans...

M. John McKay: Je croyais que c'était justement le système prévu par la loi. Est-ce que...

Mme Cécile Toutant: Je crois comprendre; vous permettez?

M. John McKay: Oui, je vous en prie.

Mme Cécile Toutant: Ce qu'on essaie d'expliquer ici, c'est que la présomption est inutile. Il suffit de laisser cela à la Couronne. Si la Couronne juge nécessaire d'exiger qu'un adolescent de 16 ou de 17 ans soit renvoyé devant un tribunal pour adultes, elle peut le faire au début du procès, mais qu'il n'y ait pas d'infractions désignées dans la loi. Autrement dit, pas de renvoi automatique contre lequel on est alors forcé de lutter au cours du processus.

C'est ce que vous vouliez dire?

Mme Cathy Ann Kelly: Oui.

M. John McKay: Très bien, c'est plus clair.

Le président: Je crois que nous avons pratiquement fini à moins que nos témoins n'aient quelque chose à réitérer. Nous avons également d'autres questions à régler ce soir, mais encore faudrait-il que nous ayons le quorum. Cela dit, pour vous remercier de la patience que vous avez eue avec nous, je vous invite à nous donner un complément d'information maintenant, si certaines choses ont été oubliées.

Mme Cécile Toutant: Ce que j'aimerais dire, c'est que le processus se répète à l'infini, et vous avez eu l'occasion de l'entendre. Nous aimerions beaucoup que tout cet exercice n'ait pas toutes ces connotations politiques, et s'il était possible d'oublier tous les aspects politiques, nous vous dirions aujourd'hui que la meilleure solution est de ne pas avoir de loi, parce qu'alors nous ne serions pas forcés de l'appliquer. Si cela était possible, on pourrait utiliser l'argent ainsi économisé pour développer les ressources qui sont nécessaires, non seulement au début du processus, des mesures extrajudiciaires, mais également des traitements très spécialisés.

Nous avons des jeunes qui sont de plus en plus désorganisés. À une réunion que nous avons eue au ministère de la Justice pour les travailleurs dans le domaine de la santé mentale, nous avons tous reconnu que c'était un problème de ressources. L'autre jour, quelqu'un m'a dit d'oublier les ressources et de répondre à ses questions. Je ne veux pas oublier les ressources car il ne suffit pas de parler. Nous avons beau dire que les enfants devraient faire ceci et cela, devraient être meilleurs, mais si nous ne les évaluons pas suffisamment, si nous ne les traitons pas comme ils doivent l'être, si nous n'avons pas les ressources nécessaires pour le faire, cela ne marchera pas. Cette loi va se tailler une mauvaise réputation encore plus vite que la précédente, et si je travaille encore à ce moment-là, et si vous êtes encore députés au Parlement, je reviendrai vous dire: «Je vous l'avais bien dit».

Le président: Madame Toutant, votre position est très claire.

Est-ce que le représentant de Youth Canada a quelque chose à ajouter pour terminer?

M. Dave Farthing: Oui, merci de me donner la parole.

Une ou deux observations, si vous le voulez bien. À mon avis, l'éducation du public et les changements d'attitude auxquels nous avons fait allusion plus tôt vont jouer un rôle considérable. La présence d'une loi n'y changera rien. Quoi qu'il arrive, il importe d'éduquer le public dans toute la mesure du possible, il faut faire un énorme effort sur le plan de l'éducation. La recherche le confirme. Des provinces comme l'Ontario, l'Alberta dans une certaine mesure, n'avancent peut-être pas dans cette voie, mais nos objectifs pour l'avenir de la justice au Canada doivent absolument accorder une place importante à la justice réparatrice. Je suis certain que beaucoup de gens ne sont pas d'accord avec moi.

• 1820

Pour un organisme comme le nôtre, qui se consacre surtout à donner aux jeunes des moyens, à les intéresser, à défendre des causes, c'est tout à fait étonnant. J'aimerais avoir le temps de vous parler de choses étonnantes que certains jeunes ont accomplies, simplement après qu'on les ait rassemblés, qu'on leur ait donné un minimum de formation. Après cela, on leur donne des ressources pour les soutenir et on les laisse voler de leurs propres ailes. En même temps, je pourrais vous parler de toutes les difficultés que nous avons autour de tables comme celle-ci, des tables où des décisions sont prises au sujet des jeunes, mais pas avec eux.

Un des problèmes auxquels nous nous heurtons constamment à cause de cette loi ou de son application, c'est que des difficultés surgissent lorsque les jeunes ne sont pas mobilisés, si on ne les respecte pas suffisamment pour les faire participer au processus. Je répète que je ne suis pas un expert, mais chaque fois qu'on ne manifeste pas de respect envers une personne, cela devient un manque de respect. C'est souvent en respectant les gens qu'on se fait respecter, pas toujours, mais c'est un moyen qui a de meilleures chances de réussir.

Notre organisme ne réussit pas à obtenir le financement dont il a besoin, ne serait-ce que pour éduquer le public, une activité qui aide le gouvernement et qui aiderait beaucoup l'Ontario, par exemple. Nous devons rédiger des propositions, mais nous sommes en concurrence avec d'autres experts-conseils, avec d'autres groupes d'adultes, et nous ne réussissons pas à produire des propositions comparables. En effet, nous n'avons pas le contexte, la recherche dont nous avons besoin pour étayer notre travail. Nous savons que notre action donne des résultats, nous savons qu'elle est efficace, mais nous ne réussissons pas à nous faire aider.

C'est vraiment frustrant, parce que c'est justement ce dont vous avez besoin si vous voulez vraiment que notre système de justice évolue, si vous voulez éviter d'emprisonner les jeunes, les laisser participer, si vous voulez leur permettre de rechercher eux-mêmes une solution. Si tout cela était possible, vous assisteriez à des changements étonnants, je vous le garantis, je vous le dis avec la plus grande confiance.

En même temps, on ne nous demande pas toujours notre avis. Nous disposons de toute cette énergie, de toute cette passion, nous savons ce qu'il faut faire pour impliquer les jeunes, mais quels sont nos débouchés? Le plus souvent, nous nous tapons la tête contre les murs. Nous essayons d'organiser des réunions avec ces gens-là, mais le plus souvent, c'est impossible.

Je ne voudrais pas sembler trop négatif, ni critiquer qui que ce soit, mais lorsqu'on nous donne l'occasion de travailler ensemble, c'est justement ce que nous devrions faire. Quand vous considérez ce sur quoi tout le monde est d'accord, la plupart des Canadiens veulent avant tout se sentir en sécurité, ils tiennent à cette culture de la paix. En même temps, vous mentionnez la possibilité d'aller dans les écoles. Vous savez, si vous ne touchez pas les jeunes, c'est une source de conflit, et notre mode de justice ne résout pas forcément les problèmes.

L'année dernière, nous avons réuni des jeunes de tout le pays, nous avons organisé une grande conférence avec 400 jeunes qui sont venus de toutes les provinces et de tous les territoires. Les jeunes Autochtones étaient particulièrement nombreux. Cela a été tout à fait étonnant. Nous avons demandé aux jeunes comment ils voulaient appeler la conférence, et ils ont répondu: «Resolve It» (Solution). J'ai pensé «Solution» cela sonne bien, mais pendant la conférence ce mot a été retenu parce que les jeunes en ont assez de parler de problèmes. Ils en ont assez d'entendre les gens dire qu'il faut faire ceci ou cela. Le moment est venu de trouver des solutions. Essayons de nous mettre d'accord et d'agir. Il n'est pas nécessaire d'être un expert, il n'est pas nécessaire de trouver toutes les solutions, il suffit de commencer par en trouver quelques-unes. Si nous réussissions à faire cela, ce serait déjà très bien.

Une dernière observation, notre organisme est un organisme de jeunes, et même lorsque nous avons préparé ce mémoire, l'enthousiasme et l'énergie de Cathy Ann étaient étonnants. Elle mérite beaucoup de félicitations car ce n'était pas facile, même simplement de le lire.

Si vous voulez vraiment l'opinion des jeunes sur la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents avant qu'elle n'entre en vigueur, il y a un excellent exemple dont vous pouvez vous inspirer, et j'en ai apporté un exemplaire au cas où cela serait mentionné, il s'agit de la Convention relative aux droits de l'enfant. Cassandra, une des jeunes avec qui j'ai travaillé moi-même, a fait partie d'un groupe formidable de jeunes qui ont préparé une version de la Convention. Quelle que soit l'issue de cet exercice, si nous travaillons tous ensemble pour donner aux jeunes des moyens d'agir, je pense que le gouvernement devrait prendre ce texte et le rédiger dans un langage que les jeunes peuvent comprendre, parce que pour l'instant, il faudrait une véritable équipe d'avocats pour vraiment le comprendre. Cela permettrait au moins d'atteindre un premier objectif.

C'est la dernière chose que j'avais à dire.

Cathy Ann, vous avez quelque chose à ajouter?

Mme Cathy Ann Kelly: Non.

M. Dave Farthing: Merci beaucoup de nous avoir écoutés.

Le président: Merci beaucoup.

J'aimerais faire une observation: à deux reprises pendant votre dernière intervention, vous avez répété que vous n'étiez pas un expert. Or, du simple fait que vous êtes ici, vous êtes un expert, et la prochaine fois que vous demanderez des fonds au gouvernement, n'hésitez pas à dire que vous êtes un expert.

Merci beaucoup pour votre patience.

• 1825

Maintenant, nous avons encore du travail sur la planche. Nous allons commencer par deux questions qui n'exigent pas de motions en espérant que M. Cadman pourra en profiter pour trouver d'autres joueurs.

M. Chuck Cadman: Non, j'ai déjà essayé.

Le président: Dans ce cas, réglons les questions sur lesquelles nous n'avons pas besoin de motions.

Le greffier du comité: Voulez-vous que ce soit à huis clos?

Le président: Oui.

[La séance se poursuit à huis clos]