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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 9 février 2000

• 1530

[Traduction]

Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Chers collègues, la séance est ouverte. Je suis heureux d'être de retour. Je crois savoir que tout s'est bien passé en mon absence. En tout cas, les téléphones n'ont pas cessé de sonner.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons nos audiences sur tous les aspects du processus de reconnaissance du statut de réfugié et les migrants clandestins.

Nos premiers témoins d'aujourd'hui représentent le Conseil canadien pour les réfugiés. J'aimerais vous demander d'accueillir Sharryn Aiken, qui nous présentera les personnes qui l'accompagnent.

Je vous demanderais de faire un exposé d'une dizaine de minutes, pour nous laisser le temps de vous poser des questions, tant sur votre exposé que sur votre mémoire. La plupart d'entre nous l'avons lu, et c'est pourquoi j'espère que vous pourrez le résumer pour nous laisser le temps de participer à une discussion portant sur votre expérience de la question.

Merci beaucoup d'avoir accepté de venir témoigner.

Mme Sharryn Aiken (présidente sortante, Conseil canadien pour les réfugiés): Merci et bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Je voudrais d'entrée de jeu vous présenter rapidement le Conseil canadien pour les réfugiés. Il s'agit d'un organisme national qui compte environ 140 membres d'un bout à l'autre du pays, depuis St-Jean à Terre-Neuve jusqu'à Victoria en Colombie- Britannique. Nos membres sont des organismes de service d'établissement de première ligne, des organismes confessionnels, des cliniques communautaires d'aide juridique et des instituts universitaires de recherche et de politique.

Je suis la présidente sortante du Conseil canadien pour les réfugiés. Je suis accompagnée cet après-midi de Mitchell Goldberg, avocat pour les réfugiés qui exerce depuis 10 ans et président de notre groupe de travail sur la protection des réfugiés. Il préside également Actions réfugiés Montréal, une organisation non gouvernementale basée à Montréal. Janet Dench, pour sa part, est la directrice générale du Conseil canadien pour les réfugiés.

Je vais commencer par de brèves remarques liminaires. Elles portent très précisément sur le deuxième aspect de l'ordre de renvoi du comité, à savoir la dissuasion des futurs revendicateurs et l'interdiction à l'étranger, notamment. Nous espérions, en guise d'introduction, présenter de façon plus concrète et peut-être plus humaine les préoccupations dont nous traitons plus en détail dans notre mémoire, que vous avez en main.

Le gouvernement canadien reconnaît qu'il intercepte activement ou interdit l'entrée à environ 6 000 personnes par an, ce qui empêche des personnes à destination du Canada d'atteindre nos frontières. J'aimerais vous citer un exemple très concret d'un cas précis d'interdiction de cette nature.

Cela s'est produit il y a deux ans, en février 1998, date où le gouvernement canadien a participé activement à l'interception d'un bateau chargé de 192 demandeurs d'asile tamouls. Notre gouvernement a financé l'affrètement d'un avion qui a ramené ces demandeurs d'asile chez eux, au Sri Lanka. Peu après l'arraisonnement de leur bateau au large des côtes sénégalaises, les Tamouls ont été obligés de signer des formulaires de consentement disant qu'ils retournaient de leur propre gré au Sri Lanka. En fait, ce n'était pas du tout le cas.

À leur retour, ces 192 demandeurs d'asile ont tous été arrêtés et détenus durant plusieurs semaines. Au moins l'un d'entre eux a été par la suite arrêté à nouveau et affreusement torturé. Dans la seule déclaration publique visant à admettre cette mesure d'interdiction, près d'un an plus tard, les porte-parole du gouvernement canadien se sont vantés d'avoir réussi à protéger le pays contre des «immigrants économiques clandestins».

Le comité sait certainement que le Sri Lanka est un pays où l'arrestation, la maltraitance et la torture des Tamouls par les forces de sécurité de l'État continuent de se produire en grand nombre. Le Sri Lanka est encore un important pays source de réfugié et de réfugiés de bonne foi qui ont été accueillis ici au Canada.

Les observations du gouvernement canadien dans ce cas précis ont été reprises dans un article paru dans le Global and Mail de janvier de l'an dernier. La véritable histoire, toutefois, a fait surface près de cinq mois plus tard dans deux bulletins d'Amnistie Internationale. J'ajoute pour la gouverne du comité que cette histoire précise va faire l'objet d'une émission télévisée au réseau TVOntario, dans un mois, soit le 1er mars.

• 1535

Voilà le visage humain de l'interdiction. Le Conseil canadien pour les réfugiés ne prétend pas que le Canada ne devrait pas participer aux initiatives internationales visant à résoudre les problèmes bien réels que posent la contrebande et le trafic de personnes notamment. Il faut toutefois s'assurer que nous ne le faisons pas au détriment de nos obligations internationales relatives aux droits de la personne et en renvoyant de vrais réfugiés dans les pays où ils sont persécutés.

Un certain nombre de témoins ont déjà rappelé nos obligations aux termes du droit international ainsi qu'en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Je tiens à signaler cet après- midi que la jurisprudence internationale stipule clairement que nos obligations, aux termes de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, exige que l'on ne renvoie pas les réfugiés dans des pays où ils sont persécutés. Dans la pratique, cela signifie que les personnes visées par une interdiction à l'étranger ou en haute mer doivent au moins avoir la possibilité de présenter une demande de statut de réfugié. Il faut pouvoir reconnaître les vrais réfugiés.

Les méthodes actuelles d'interdiction ont une portée beaucoup trop générale. Ce qui nous inquiète le plus, c'est le fait que les propositions du gouvernement, dans le Livre blanc et par la suite, visent à renforcer encore ces mesures d'interdiction qui sont déjà trop générales et trop radicales.

Comme je l'ai déjà dit, c'est un exemple d'une de nos préoccupations générales. J'aimerais maintenant donner la parole à M. Goldberg, qui abordera d'autres thèmes mentionnés dans notre mémoire.

M. Mitchell Goldberg (président, Groupe de travail sur la protection des réfugiés, Conseil canadien pour les réfugiés): Merci de nous avoir invités à comparaître.

J'aimerais également vous citer un exemple concret, qui illustre trois remarques que nous faisons dans notre mémoire. La première, c'est qu'il n'y a pas de lien automatique entre le fait d'arriver ici de façon illégale et les cas d'abus du processus de reconnaissance du statut de réfugié. Le deuxième point porte sur la méthode de nomination des membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Le troisième point concerne les appels en fonction du mérite du dossier.

Voici le cas d'un homme venu du Nigeria, que j'appellerai Tony. En 1989, il était étudiant et a participé à des manifestations pour la démocratie. Il a été arrêté et mis en prison, où il est resté pendant un an et demi, a été interrogé à neuf reprises et a subi des tortures extrêmement violentes.

Grâce à l'aide d'un soldat ami de son frère, il a réussi à s'échapper et a fini par se procurer un faux passeport britannique. Il importe de préciser qu'il lui était tout à fait impossible de se procurer un vrai passeport nigérian sans que les autorités du Nigeria sachent où il se trouve et l'arrêtent donc à nouveau pour le détenir et le torturer encore une fois.

Il lui était de la même façon impossible de se procurer un visa canadien. Pourquoi? Parce que s'il s'était adressé à l'ambassade du Canada, à supposer qu'il ait eu en sa possession un vrai passeport... Les agents sur place sont chargés d'établir s'il a la moindre chance de rester au Canada. Ils auraient voulu voir une preuve d'emploi. Bien sûr, étant donné que cet homme avait été détenu pendant 18 mois et s'était échappé, il lui était impossible de fournir une telle preuve.

Tony est donc arrivé au Canada, à l'aéroport de Dorval à Montréal; il a présenté sa demande de statut de réfugié et l'audience a eu lieu. Malgré les importantes preuves documentaires qu'il a fournies pour étayer sa revendication, les membres de la Commission ont malheureusement été incapables de faire la distinction entre ce qui constituait à mon avis des détails non pertinents et les symptômes d'une personne ayant subi un grave traumatisme, ce qui aurait pour le moins dû les porter à croire qu'il risquait d'avoir vraiment été torturé et que sa demande était donc justifiée.

Après avoir essuyé un refus, il a été obligé de vivre dans la clandestinité en 1993 pour éviter le renvoi. Au cours des six années suivantes, il a invoqué à neuf reprises des moyens de recours administratifs et juridiques. En dernier ressort, le Comité des Nations Unies contre la torture a donné l'ordre au Canada de ne pas l'expulser jusqu'à ce qu'un examen définitif de son dossier puisse avoir lieu. Le Canada a agréé à cette demande.

• 1540

Entre-temps, la décision à la suite de l'examen initial des motifs humanitaires a été renversée par la Cour fédérale qui a dit que l'on n'avait pas tenu compte de la preuve médicale de torture. En effet, deux médecins experts à Montréal avaient fait une entrevue détaillée avec lui et en étaient arrivés à la conclusion qu'il y avait des preuves physiques et psychologiques qui correspondaient à la situation d'une personne souffrant du syndrome de stress post-traumatique.

Avec toutes ces preuves, il a fallu six ans et neuf recours pour qu'on lui permette de rester au Canada. Il a finalement été accepté en 1998.

Donc, pour ce qui est des trois points que j'ai mentionnés précédemment, ce cas montre bien, comme je l'ai dit, l'absence d'un lien entre la façon dont Tony est arrivé au Canada, avec un faux passeport britannique, et la probabilité ou l'improbabilité qu'il soit un réfugié.

Je donnerais un autre exemple: combien de Juifs qui ont fui à l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale auraient pu entrer au Canada avec des documents authentiques?

Pour ce qui est d'un appel portant sur le bien-fondé, je crois que cela aurait fait épargner aux contribuables des dizaines de milliers de dollars s'il y avait eu un appel définitif sur le bien- fondé dans ce cas-ci. Cela lui aurait par ailleurs épargné six ans d'insécurité à vivre de façon clandestine, terrifié devant la possibilité d'être arrêté et renvoyé au Nigeria.

Cela montre également l'importance du fait que seuls les membres de la Commission les plus compétents devraient pouvoir prendre de telles décisions de vie et de mort.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Avant de passer aux questions, permettez-moi simplement de répondre à votre question, c'est-à-dire pourquoi le comité a choisi, comme vous le dites, de faire un lien entre les réfugiés et les migrants clandestins. Pour vous dire la vérité, je pense que vous avez donné certaines preuves quant à la raison pour laquelle notre comité a choisi de procéder de cette façon: afin de pouvoir mieux informer le public. Par conséquent, votre témoignage montrera qu'il existe une grande différence entre un réfugié authentique et un migrant clandestin. Le fait d'aborder ces deux questions ensemble nous permet de comprendre les différences entre les deux et d'en informer le grand public et de nous informer nous-mêmes, de sorte que lorsqu'il faudra rédiger un nouveau projet de loi ou un nouveau règlement, nous puissions comprendre clairement cette différence.

Alors que vous soulevez cette préoccupation, nous avons quand même parfois une certaine méthode qui consiste à aborder la question de façon globale afin d'être en mesure de faire la distinction entre les deux ou de prendre une décision. J'espère donc que cela répond d'une certaine façon à vos préoccupations, mais je suis certain que nous en reparlerons.

Nous allons maintenant passer aux questions. Le premier intervenant est M. Benoit.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est merveilleux d'être de retour après avoir passé un peu de temps dans nos circonscriptions.

Bienvenue à tous. Merci d'être venus.

Ma première question concerne les revendicateurs chinois du statut de réfugié qui sont arrivés pendant l'été. Vous en avez parlé dans un de vos mémoires. Vous dites qu'on met beaucoup trop l'accent sur ce qui représente environ 2 p. 100 de toutes les revendications chaque année. C'est un point valable, et je suis d'accord avec cela.

J'ai une question au sujet des revendicateurs du statut de réfugié. Certains de ceux qui ont été acceptés comme réfugiés—et il y en a très peu, naturellement—l'ont été en raison de la politique chinoise selon laquelle les couples ne peuvent avoir qu'un enfant. J'aimerais savoir si vous pensez qu'en fait cette raison devrait les rendre admissibles au statut de réfugié.

Mme Janet Dench (directrice générale, Conseil canadien pour les réfugiés): Nous sommes d'avis que les personnes qui sont considérées comme des réfugiés au sens de la Convention devraient se voir accorder le statut de réfugié, et nous ne sommes pas en faveur de la création de sous-catégories distinctes, notamment de dire que quiconque fuit une politique selon laquelle un couple n'a droit qu'à un enfant devrait se voir automatiquement accorder le statut de réfugié.

La façon dont fonctionne le système canadien, ou dont il est supposé fonctionner—et nous sommes entièrement d'accord avec cela—fait en sorte que chaque cas est examiné individuellement. Si une personne peut démontrer que sa peur de persécution est fondée—et il peut y avoir un rapport avec l'application de la politique de l'enfant unique—cette personne sera reconnue comme réfugié. Cela ne se fait pas de façon générale. Chaque cas est déterminé individuellement.

Vous constaterez que bon nombre de ceux qui revendiquent le statut de réfugié pour cette raison ne sont pas acceptés. Cela dépend parfois de la région de la Chine d'où ils viennent, car il y a différentes applications de la loi, différentes situations individuelles dans lesquelles ils se retrouvent.

M. Leon Benoit: À combien estimez-vous approximativement le nombre de gens qui revendiquent le statut de réfugié en raison de la politique de l'enfant unique qui pourraient être admissibles ou devraient l'être, je suppose, si on utilise les critères dont vous avez parlé? Du 1,2 milliard de Chinois, qui sont pour la plupart des adultes et qui sont tous touchés par cette politique de l'enfant unique, combien à votre avis seraient acceptés selon les règles actuelles du processus de détermination du statut de réfugié?

• 1545

Mme Sharryn Aiken: Je pense qu'il serait très difficile de répondre à cette question précisément parce que nous n'avons pas accès aux statistiques de la Commission du statut de réfugié qui nous donneraient une idée des raisons pour lesquelles les demandes sont actuellement acceptées.

M. Leon Benoit: Nous savons que certaines demandes ont été acceptées en raison de la politique de l'enfant unique. Au cours des derniers mois, la ministre a dit par ailleurs qu'elle avait tout à fait l'intention de faciliter le processus pour les Chinois qui veulent venir au Canada comme visiteurs. Je trouve que c'est un peu un problème, car si on a accordé le statut de réfugié à des gens en raison de la politique de l'enfant unique et qu'en même temps le ministère facilite le processus pour que les visiteurs puissent venir au Canada, on pourrait se retrouver dans une situation où l'on permettrait à des milliers et peut-être même à des millions de gens de revendiquer le statut de réfugié en raison de la politique de l'enfant unique lorsqu'ils arrivent au Canada comme visiteurs. La possibilité existe, et j'aimerais tout simplement savoir ce que vous en pensez.

Mme Janet Dench: Je pense que nous devons souligner que la protection des réfugiés est une question de droits de la personne. Nous parlons de gens qui fuient le non-respect des droits de la personne. Lorsque nous cherchons à éviter les problèmes des réfugiés, nous cherchons à éviter les violations des droits de la personne. Donc, s'il y a un certain nombre de gens en Chine dont les droits de la personne sont bafoués et qui cherchent par conséquent à obtenir le statut de réfugié au Canada pour se protéger contre ces violations des droits de la personne, alors notre position serait de ne pas empêcher ces gens de venir ici, mais de mettre fin aux violations des droits de la personne. Un objectif clé de la politique étrangère canadienne devrait être de lutter contre les abus des droits de la personne partout où ils se produisent dans le monde.

M. Leon Benoit: Naturellement, je suis entièrement d'accord avec cela, mais cela ne résout pas le problème. D'une part, la ministre a dit que nous voulions faire en sorte qu'il soit plus facile pour les Chinois de venir en visite au Canada. D'autre part, son ministère accorde le statut de réfugié en raison de la politique de l'enfant unique. Je pense que nous avons une situation impossible qui se développe ici, et j'aimerais savoir quelles sont vos recommandations quant à la façon dont nous devrions faire face à la situation.

Je suis certainement d'accord pour dire qu'il faut tenter de régler le problème. Je crois que la situation est grave. L'Australie, par exemple, a dit qu'elle n'accepterait pas de réfugiés qui demandent le statut en raison de la politique de l'enfant unique. À votre avis, qu'est-ce que le Canada devrait faire?

M. Mitchell Goldberg: Je pense qu'il serait irresponsable de notre part de dire qu'un revendicateur d'un pays donné devrait se voir refuser le statut de réfugié. Je ne pense pas que vous vouliez dire que nous devrions cibler particulièrement les revendicateurs chinois et leur refuser ou leur restreindre l'accès plus qu'à d'autres peuples.

De toute évidence, le gouvernement canadien doit tenir compte de diverses préoccupations en matière de politique. Il y a entre autres nos intérêts commerciaux avec la Chine. Comme Mme Dench l'a souligné, il y a de graves problèmes de droits de la personne qu'il faut peut-être aborder également.

Mais pour ce qui est des revendicateurs du statut de réfugié qui arrivent ici au Canada, je pense que cela irait à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés et du simple bon sens si nous décidions que les gens venant d'un certain pays ou qu'un certain groupe de gens de ce pays devraient se voir refuser l'accès au système.

Je comprends votre préoccupation. Vous craignez qu'il y ait des dizaines de milliers de gens qui arrivent. Cela n'a pas été le cas, à mon avis. En fait, le Canada a accueilli un nombre très stable de revendicateurs du statut de réfugié au cours des dernières années. Nous n'avons reçu qu'une infime fraction de ce que les pays européens, les États-Unis et les autres pays du monde en développement ont reçu en particulier.

Comme nous sommes l'un des plus riches pays au monde et comme notre population est en fait susceptible de diminuer à moins que nous augmentions l'immigration, je ne vois pas l'urgence de la situation hypothétique que vous soulevez ici aujourd'hui.

M. Leon Benoit: Bien sûr, elle n'est pas hypothétique si la ministre facilite nettement l'obtention des visas de visiteurs. En passant, je suis entièrement partisan d'un accès plus libre, pour des raisons commerciales et autres. Je pense que cette question doit être abordée dans le cadre même du système de détermination du statut de réfugié. Nous devons transmettre le message approprié pour permettre cette liberté d'accès.

Je passerai à une autre question. Vous avez indiqué que les migrants chinois arrivant par bateau ont été détenus beaucoup trop longtemps. Je suis tout à fait d'accord avec vous à ce sujet. Il y a six mois que le premier groupe est arrivé et certains sont toujours en détention. De toute évidence, il faut nettement accélérer le processus.

• 1550

Nous avons indiqué comment, à notre avis, cela devrait se faire. J'aimerais que vous nous expliquiez rapidement comment vous proposez d'accélérer le processus pour éviter que des gens soient détenus pendant six mois, voire un an et un an et demi dans bien des cas.

Mme Janet Dench: Avec plaisir. Auparavant, j'aimerais simplement faire remarquer qu'en ce qui concerne les Chinois qui sont en détention, même après que des gens se voient refuser le statut de réfugié, ils restent en détention et continuent de passer des mois en détention parce qu'il n'existe pas d'entente avec le gouvernement chinois. Je pense que cela nous ramène aux problèmes que nous avons avec le gouvernement chinois et à la mesure dans laquelle les droits de la personne sont respectés ou non en Chine. Donc vous pouvez vraiment accélérer le processus et refuser leurs demandes, mais s'ils doivent encore passer six mois en détention, vous n'avez pas vraiment remédié à leur situation.

M. Leon Benoit: Je crois comprendre que ce n'est pas ce qui se passe dans les faits. Nous savons que certaines personnes arrivées par bateau ont été expulsées du Canada. Je crois comprendre qu'en fait la Chine fournit l'information demandée dans un délai assez raisonnable et reprendra ses ressortissants. C'est ce que le ministère même a fait clairement comprendre. Donc je me demande si vos préoccupations sont justifiées.

Mme Janet Dench: Il faudra peut-être examiner la situation de plus près car d'après ce que j'ai cru comprendre, les seules personnes qui sont retournées sont celles qui n'ont pas revendiqué le statut de réfugié.

Quoi qu'il en soit, en réponse à votre question au sujet du système de détermination du statut de réfugié, nous aimerions que tout d'abord, la première étape du processus, l'étape de l'admissibilité, qui peut prendre des mois et ne sert qu'à exclure un nombre infime de gens, soit abolie ou transférée. Toutes les questions pertinentes d'admissibilité devraient être traitées par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Ce serait un moyen d'accélérer le processus.

Deuxièmement, nous aimerions que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié utilise le plus possible son processus accéléré, qui est un moyen plus rapide de déterminer le bien-fondé des demandes.

Troisièmement, nous aimerions que l'évaluation du risque, qui à l'heure actuelle est un processus distinct dirigé par le ministère de l'Immigration après la détermination du statut de réfugié, et ce qui constitue maintenant la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada, soient confiés à la Commission du statut de réfugié et de l'immigration. Les membres de la Commission qui entendent la demande de l'intéressé connaissent déjà les détails de l'affaire et il serait beaucoup plus efficace que ces mêmes personnes s'occupent de la détermination.

Ensuite, nous aimerions qu'un organisme d'appel soit instauré au sein de la Commission du statut de réfugié et de l'immigration afin que l'on puisse corriger les erreurs.

Voilà les principaux éléments du processus que nous préconisons pour raccourcir le processus et le rendre plus équitable.

M. Leon Benoit: Très bien. J'ai une brève question. En ce qui concerne le droit exigé pour l'établissement, nous avons préconisé—en fait nous avons présenté une motion à cet effet devant le comité, qui a été rejetée par le côté ministériel—d'éliminer le droit exigé pour l'établissement dans le cas des revendicateurs du statut de réfugié. Quelle est votre position à cet égard?

Mme Sharryn Aiken: Nous appuyons entièrement votre motion. Le Conseil canadien pour les réfugiés préconise depuis longtemps l'élimination du droit exigé pour l'établissement, depuis son entrée en vigueur, et nous avons été très déçus par la réticence du gouvernement actuel à revoir cette politique, surtout compte tenu des excédents budgétaires qu'il affiche aujourd'hui.

M. Leon Benoit: Je vous remercie.

Le président: Merci.

Monsieur Limoges.

M. Rick Limoges (Windsor—St. Clair, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Si vous me le permettez, simplement pour informer les députés...

M. Rick Limoges: Est-ce au sujet du vote?

Le président: Oui. Il doit avoir lieu dans 30 minutes. Il s'agit des questions au Feuilleton. Nous continuerons pendant 25 minutes, puis nous suspendrons la séance après quoi nous reviendrons.

Je vous remercie, monsieur Limoges.

M. Rick Limoges: Je vous remercie.

Nous avons entendu parler de cas précis, comme la politique de l'enfant unique en Chine par exemple, et j'ai entendu mes collègues d'en face exprimer leurs préoccupations à cet égard à cause de la population de la Chine, etc. Mais nous devons prendre garde à ne pas priver la Commission du statut de réfugié de ses pouvoirs discrétionnaires, car chacune de ces situations peut être très différente.

• 1555

Par exemple, la politique de l'enfant unique pourrait violer les droits de parents parce qu'ils ont plus d'un enfant ou qu'ils prévoient en avoir plus d'un. Comme j'ai voyagé en Chine et que j'y ai beaucoup d'amis, je sais qu'il existe certaines situations où, comme le gouvernement contrôle le lieu de résidence, l'emploi des gens et la quantité d'argent qu'ils font, et ainsi de suite, si ces gens violent cette politique, ils pourraient faire l'objet de discrimination systématique—par exemple on pourrait déménager une grande famille dans un appartement plus petit, on pourrait vous rétrograder ou vous refuser de l'avancement et ainsi de suite.

Je suppose que cela souligne simplement la nécessité, de la part de la Commission du statut de réfugié, d'exercer un certain pouvoir discrétionnaire et vous pourriez peut-être commenter cet aspect et aussi en particulier ce qui semble être la grande question de l'heure, même s'il s'agit d'un pourcentage relativement faible de revendicateurs du statut de réfugié qui arrivent au Canada: le sensationnalisme qui entoure l'arrivée de ces gens ici par bateau, à cause de leur grand nombre et ainsi de suite. Auriez- vous des commentaires à faire au sujet de ces questions qui permettraient d'éclaircir la situation ou nous aideraient à élaborer une politique pour faire face à ce genre de situation?

M. Mitchell Goldberg: Je suis heureux que vous ayez parlé de la nécessité de permettre à la Commission du statut de réfugié et de l'immigration d'exercer ses pouvoirs discrétionnaires, parce que le Conseil canadien pour les réfugiés préconise l'indépendance de la Commission. En fait, il est primordial que nous prenions d'autres mesures pour assurer son indépendance, parce qu'à l'heure actuelle, il faut avouer que lorsque vous avez un processus selon lequel dans deux ou trois ans, les membres de la Commission savent que leur contrat sera ou ne sera pas renouvelé—et le processus semble, du moins pour ceux qui l'observent de l'extérieur, plutôt arbitraire, d'après ce que nous entendons dire—on craint beaucoup, malheureusement, que certaines décisions soient moins indépendantes que d'autres. Nous estimons qu'il est tout à fait primordial que les membres de la Commission ayant la formation et les compétences voulues puissent exercer leurs pouvoirs discrétionnaires de façon indépendante.

En ce qui concerne le deuxième point que vous avez soulevé, c'est-à-dire le sensationnalisme qui entoure l'arrivée des gens dans ce pays, bien entendu, nous considérons qu'une politique ne doit pas être élaborée en fonction du sensationnalisme entretenu par les médias. L'arrivée de quelques centaines de gens par bateau peut sembler impressionnante et laisser croire que nous allons être envahis par des millions de gens. Mais si on replace les choses dans leur contexte, on constate rapidement qu'il est loin de s'agir d'une situation d'urgence.

Il est crucial de considérer de façon très lucide les événements et de tout bien peser car, très franchement, nous craignons beaucoup que tout nouveau projet de loi éventuel soit extrêmement influencé par ce sensationnalisme de la presse alors qu'un même projet de loi il y a six mois ou peut-être dans six mois pourrait être très différent et peut-être beaucoup plus libéral une fois que d'autres questions seraient devenues d'actualité.

Nous vous supplions donc de résister à cette tentation dirigée par les médias et nous vous souhaitons bon courage.

Le président: Rick.

M. Rick Limoges: J'ai aussi entendu dire par exemple que le gouvernement chinois, afin de mettre fin à ce problème de demandes de statut de réfugié, etc., a en fait adopté comme politique d'emprisonner pendant deux ans ceux qui sont renvoyés. Une de mes relations chinoises m'a donné ce chiffre de deux ans. Je ne sais pas si c'est vrai mais, si c'est le cas, il faut considérer l'autre problème que rencontreront ceux qui ne sont pas considérés comme réfugiés car, tout d'un coup, les conséquences pourraient être importantes.

Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet aussi?

Mme Sharryn Aiken: Il est évident que pour ce qui est des gens qui n'étaient pas forcément des réfugiés lorsqu'ils ont quitté leur pays mais qui le sont devenus par la suite, la définition de réfugié tient précisément compte de cela. Des gens peuvent devenir des réfugiés dans ce que l'on appelle une demande de statut de réfugié sur place, ce qui signifie que—justement pour la raison que vous donniez en exemple—bien qu'il n'y ait pas forcément eu des raisons précises de quitter leur pays qui correspondent à la définition de réfugié, suite à certains événements survenus après leur départ, ils sont en fait devenus des réfugiés. Dans le cas où quelqu'un pourrait être frappé de sanctions sévères à son retour, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié examinerait la question dans son évaluation de la demande afin de voir si l'intéressé est couvert par la définition.

• 1600

Il y a beaucoup d'autres exemples de risque après coup. Notamment des gens qui sont au Canada avec un visa de visiteur ou d'étudiant. Comme dans le cas de l'incident de la place Tianianmen, il y a plus de dix ans, des étudiants étaient venus au Canada sans intention de demander le statut de réfugié mais la situation ayant changé dans leur pays, ils ont dû demander ce statut et leur demande a été acceptée.

Mme Janet Dench: Pour ce qui est des renvois en Chine, un groupe qui nous préoccupe particulièrement est celui des mineurs non accompagnés. Vous savez peut-être qu'un groupe de mineurs chinois non accompagnés est actuellement incarcéré à Montréal depuis cinq mois et n'a jusqu'à cette semaine suivi aucun cours. Que va-t-il leur arriver? Nous nous préoccupons beaucoup du fait qu'il n'existe pas d'institut, d'agence ou d'organisme gouvernemental qui prenne vraiment au sérieux le fait que s'ils sont renvoyés en Chine, on ne sait pas ce qui leur arrivera ni qui va s'assurer de leur bien-être.

M. Rick Limoges: C'est en effet important.

M. Goldberg a parlé tout à l'heure des situations qui font qu'il est pratiquement impossible pour quelqu'un de venir par des moyens plus légitimes ou reconnus parce qu'on est obligé de mentir du fait de sa situation. Avez-vous des recommandations à nous faire sur la façon d'éviter de forcer en fait les gens à utiliser des moyens détournés ou d'autres pour venir ici et à devoir mentir au sujet de leur situation jusqu'à leur arrivée?

Mme Janet Dench: Une des voies que nous avons suggérée au gouvernement canadien est de jouer un rôle plus actif en ayant dans tous les pays une catégorie pays source. Pour le moment, nous avons une catégorie qui nous permet de sélectionner des gens de certains pays s'ils risquent la persécution. Ce sont comme des réfugiés sauf qu'ils sont toujours dans leur pays d'origine. Mais cela ne fonctionne actuellement que dans un très petit nombre de pays. Par exemple, cela ne s'applique pas au Nigeria ni à la Chine. Dans la grande majorité des pays du monde, on peut se présenter à l'ambassade du Canada et exposer sa situation, déclarer que l'on risque d'être emprisonné et torturé et les agents des visas ne disposent d'aucun mécanisme pour protéger ces gens-là en leur permettant d'aller s'installer au Canada. C'est une option à laquelle nous aimerions que l'on ait bien davantage recours.

Nous pensons que le gouvernement canadien peut jouer un rôle clé pour la sécurité de ces gens-là. Cela s'est déjà fait, en particulier au Salvador et au Guatemala. Il y a beaucoup de monde, notamment la présidente du Conseil canadien pour les réfugiés, qui ont pu ainsi déménager au Canada et cela a permis d'épargner beaucoup de vies.

[Français]

Le président: Monsieur Bigras.

M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): Merci, monsieur le président. Je vous souhaite d'abord la bienvenue, d'autant plus que vous êtes à deux pas de ma circonscription électorale.

Tout d'abord, revenons à la base. Vous avez dit, dans votre énoncé, que vous ne compreniez pas que le comité étudie la question du processus de détermination du statut de réfugié et des immigrants illégaux. J'aimerais qu'on aille plus loin là-dessus parce que ça va peut-être nous permettre de comprendre votre vision des choses. En principe, la convention de 1951 des Nations Unies permet de définir un réfugié sur la base d'un droit d'asile aux réfugiés politiques. Vous me corrigerez si j'ai tort, mais c'est la base de la définition d'un réfugié au sens de la convention.

Quant à la question des immigrants illégaux, il ne faut pas se cacher que certains d'entre eux ne sont pas ici simplement pour des raisons politiques mais pour des raisons économiques. Ça, vous le reconnaissez, je pense, dans votre mémoire de décembre dernier, que j'ai pu lire hier soir. Vous y dites qu'on ne peut nier que les raisons profondes de l'immigration clandestine tiennent en grande partie aux inégalités économiques flagrantes dans le monde.

Est-ce que je dois comprendre que vous souhaitez un élargissement de la définition du réfugié politique, allant jusqu'à inclure des paramètres économiques? Est-ce que vous souhaitez foncièrement cela?

Mme Janet Dench: Ce n'est pas notre position.

• 1605

Lorsqu'on parle des immigrants illégaux—et on n'aimerait pas tellement qu'on joigne cette notion à celle de réfugiés—il faut prendre en compte qu'il y a des personnes qui sont au Canada sans documents et qui ne sont pas nécessairement des revendicateurs du statut de réfugié. Par exemple, ça peut être des visiteurs qui ne repartent pas. Mais quand on parle de l'immigration illégale, on parle presque toujours aussitôt des réfugiés, ce qui est très dangereux pour les réfugiés, parce qu'ils n'ont souvent pas d'autre choix que d'arriver par des voies illégales. Il est reconnu dans la convention que, pour des réfugiés, c'est souvent la seule façon de fuir la persécution.

Au Conseil canadien pour les réfugiés, on est très conscients du fait que cela nuit aux intérêts des réfugiés que de toujours les associer aux immigrants illégaux. Cela a un impact dans leur vie quotidienne parce que ce sont des gens qui ont dû emprunter des voies illégales pour venir au Canada afin de sauver leur vie. Et voilà qu'on les traite d'illégaux.

M. Bernard Bigras: J'ai une question au sujet de la CISR de Montréal. Vous savez que les avocats en droit de l'immigration ont recours à des moyens de pression, s'ils ne sont pas en grève, pour deux raisons. D'une part, certains d'entre eux ont des agendas difficiles à gérer, et d'autre part, on dénonce les interventions de fonctionnaires auprès des revendicateurs pour le choix de certains avocats qui seraient, paraît-il, sur des listes noires. La nouvelle structure avait trois objectifs: d'abord, la rapidité, ensuite, l'efficacité et, enfin, l'équité. Croyez-vous qu'on est en train d'accroître la rapidité du traitement des réfugiés au détriment de l'efficacité et de l'équité?

M. Mitchell Goldberg: Étant un avocat de Montréal, je peux répondre à cela.

M. Bernard Bigras: Oui...

M. Mitchell Goldberg: Hier, nous avons envoyé notre position à la presse par rapport à tout cela. On n'est ni pour ni contre la grève, mais nous croyons qu'il est très important de maintenir l'équité tout en accélérant les choses. Je pense qu'il y a beaucoup de revendicateurs qui veulent accélérer le processus. La défi consiste à trouver un équilibre.

Certains craignaient que la CISR veuille réduire le délai à 30 jours après l'arrivée du revendicateur. Cela pose un problème pour certains revendicateurs qui arrivent sans leurs documents et qui veulent les faire venir. Parfois, cela prend une couple de mois avant que les documents arrivent. Bien sûr, s'ils vont à leur audition sans documents, il ont de bonnes chances d'être refusés. Je pense qu'il y a moyen de trouver un bon équilibre dans cela.

M. Bernard Bigras: Est-ce que vous confirmez la position de votre association selon laquelle on aurait approché certains revendicateurs pour leur dire de ne pas aller voir tel avocat sous prétexte qu'il avait trop de dossiers en cours et qu'il ne serait donc pas en mesure de traiter correctement un dossier supplémentaire?

Mme Janet Dench: Je pense qu'on peut difficilement commenter ces faits parce qu'on n'en connaît pas les détails. Pour nous, il est important que le revendicateur ait le choix de son avocat. Cependant, on reconnaît qu'il n'est pas raisonnable de recommander un avocat qui ne sera pas prêt à procéder avant un an parce qu'il est débordé de travail. C'est plus raisonnable de demander au revendicateur de trouver un autre avocat.

M. Bernard Bigras: Est-ce que j'ai...

[Traduction]

Le président: Monsieur Anders.

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Désolé, monsieur Bigras. Je m'en remets au président.

Je parlais à l'un de mes collègues libéraux avant de venir au comité et...

Le président: Félicitations.

M. Rob Anders: ...il avait une suggestion qui me semblait très intéressante. J'aimerais savoir ce qu'en pensent nos témoins.

• 1610

Il proposait d'interdire à ceux qui ont été condamnés pour trafic de drogue de faire une demande de statut de réfugié. J'aimerais savoir ce qu'en pensent nos témoins, s'ils jugent que les trafiquants de drogue devraient pouvoir présenter une demande de statut de réfugié.

Mme Sharryn Aiken: Certainement. En fait, une décision très récente de la Cour suprême du Canada portait justement sur la question de savoir si le trafic de drogue était ou non un crime suffisamment grave pour constituer un motif d'exclusion d'un réfugié. La Cour a jugé que non et sa décision est très claire dans le cas de Pushpanathan.

C'est une cause à propos de laquelle le Conseil canadien pour les réfugiés est intervenu. Nous avons estimé que même si comme toute la population canadienne, il y avait là un problème—nous ne voulons pas encourager le crime au Canada—les réfugiés qui risquent d'être persécutés s'ils retournent dans leur pays d'origine méritent d'être protégés.

La définition reconnaît un équilibre intrinsèque. Dans le processus suivi par la Commission du statut de réfugié, les motifs, et notamment le trafic de drogue et d'autres types de crimes, sont considérés en fonction de leur gravité et du fait que celle-ci justifie ou non de leur retirer notre protection. La Commission prend ces décisions au cas par cas, en fonction des différentes circonstances—des raisons pour lesquelles la personne s'est enfuie et du risque qu'elle court si elle est renvoyée dans son pays ainsi que de la nature de l'infraction elle-même. Certes, le Conseil canadien pour les réfugiés ne voudrait pas que l'on adopte une politique qui va à l'encontre de la décision de la Cour suprême du Canada ou...

M. Rob Anders: Madame Aiken...

Mme Sharryn Aiken: ...qu'une étiquette générale puisse suffire à refuser le statut de réfugié à quelqu'un.

M. Rob Anders: ...je veux bien qu'une cour ou qu'un juge ait pris position à ce sujet. Vous avez dit que vous êtes intervenus. Ce que j'aimerais savoir, c'est votre position. Je suis sûr que je pourrais interroger moi-même les juges et qu'ils pourraient me répondre au sujet de leur décision. Je ne vous demande pas quelle a été leur décision. Je vous demande votre position.

Mme Sharryn Aiken: D'accord. J'énonçais en fait notre position. Nous préconisons une interprétation large et libérale de la Convention de Genève parce que nous croyons que les violations des droits de l'homme qui poussent les gens à fuir leur pays doivent être prises très sérieusement en considération. La perspective de renvoyer même un criminel à une situation où il risque d'être torturé, par exemple, va complètement à l'encontre des obligations internationales du Canada en matière de défense des droits de la personne.

En particulier à cet égard, je dirais que la Convention contre la torture, que le Canada a signée et ratifiée, crée essentiellement un obstacle absolu au renvoi des gens à la torture, qu'ils soient criminels ou autres. Nous avons une justice criminelle pour lutter contre le crime. Notre système de détermination du statut de réfugié n'est pas le moyen à utiliser.

M. Rob Anders: J'aimerais pousser un peu plus loin la question. Vous avez déjà déclaré que si quelqu'un est condamné pour trafic de drogue avant d'arriver au Canada, du fait d'une interprétation large et libérale de la Convention, comme vous l'avez dit, et je ne suis pas forcément d'accord, on devrait considérer sa demande... Qu'en est-il de quelqu'un qui se rend coupable de trafic de drogue ici au Canada? Est-ce que votre interprétation souple de la Convention permet aussi que des gens qui sont accusés et condamnés pour trafic de drogue ici au Canada puissent demander le statut de réfugié? Cela s'applique-t-il aussi? Est-ce que ce n'est pas une bonne raison ou un bon motif pour les renvoyer?

Mme Sharryn Aiken: Je vais répondre plus généralement à votre question concernant les crimes commis au Canada.

Ils peuvent ne pas servir de motif au refus du statut de réfugié selon l'application actuelle de la définition du réfugié au Canada, mais tout crime commis au Canada expose son auteur à une éventuelle procédure d'expulsion. Cela arrive actuellement. Une personne qui a commis au Canada des crimes pour lesquels elle a été condamnée peut, malgré son statut de réfugié, faire l'objet d'un refoulement, c'est-à-dire être renvoyée dans son pays d'origine si, selon la définition de réfugié, la nature de la menace qu'elle représente constitue un grave danger public ou une grave menace à la sécurité du pays. La définition de réfugié comporte intrinsèquement cette exception.

J'ajouterais cependant que lorsqu'on est fondé de croire qu'une personne risque d'être torturée, aucune circonstance ne peut justifier son renvoi.

Le président: Merci.

Mme Sharryn Aiken: Il n'y a pas de raison de séparer le trafic de drogue de l'ensemble des autres infractions criminelles.

Le président: Monsieur Martin.

• 1615

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.

Je remercie le Conseil de ce mémoire et de cet exposé, que j'ai trouvé très intéressants. Je tiens à remercier M. Goldberg d'avoir sensibilisé le comité à certaines questions évoquées dans l'exemple du Nigeria. L'affaire a duré six ans. Tout le monde reconnaîtra ici que quels que soient les chiffres considérés, c'est inacceptable.

J'ai remarqué avec intérêt dans votre mémoire que comme je le fais moi-même, vous contestez la façon dont l'étude de ce comité a été organisée, en liant l'étude de la détermination du statut de réfugié et la question de l'immigration illégale, car cette forme de caractérisation négative est préjudiciable aux véritables réfugiés. Le simple fait de débattre de ces deux sujets dans le même contexte suscite une connotation injuste pour les véritables réfugiés. J'aimerais que vous nous en parliez un instant.

Par ailleurs, je m'intéresse à un argument formulé dans un autre...

Le président: Pat, excusez-moi. Vous devriez demander à nos témoins de répondre à votre question, car il ne nous reste qu'environ six minutes avant le vote. Ils pourraient peut-être répondre à la première; ensuite, nous suspendrons la séance et quand nous reviendrons, vous pourrez reprendre vos questions.

M. Pat Martin: C'est très bien.

Pouvez-vous donc nous dire brièvement ce que vous pensez de l'effet négatif sur les véritables réfugiés de l'étude de ces deux sujets dans un même contexte?

M. Mitchell Goldberg: Nous nous préoccupons effectivement de la thématique dont il est question ici aujourd'hui, et la conception même de son titre nous dérange. Le problème—et cela nous ramène à une question posée précédemment—c'est le contexte dans lequel ces délibérations s'insèrent.

À mon avis, si le débat s'était déroulé il y a huit mois lorsque les Kosovars arrivaient au Canada, on aurait sans doute procédé différemment pour l'organiser. Dans quelques mois, il y aura peut-être un autre événement important qui infléchira notre opinion.

Je le répète, il faut veiller à éviter de préjuger des requérants du statut de réfugié en les forçant à faire certaines choses. Reconnaissons-le, le Canada pratique une politique qui empêche les requérants d'arriver dans notre pays, ce qui les force à trouver d'autres solutions. Si l'on consacrait plus de ressources à la sélection des candidats à l'étranger, si notre système était plus juste de ce point de vue, les arrivées en situation irrégulière seraient peut-être moins nombreuses.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons suspendre la séance. Nous devrions être de retour d'ici 10 à 15 minutes. Je vous remercie de votre patience.

• 1618




• 1648

Le président: Chers collègues, pouvons-nous reprendre nos travaux?

Je vois que Pat arrive. Il lui reste environ deux minutes et demie, et nous allons donc commencer par lui.

Monsieur Martin, qui est encore un peu essoufflé.

M. Pat Martin: Vous présentez dans votre mémoire un argument intéressant, que d'autres évoquent également, à savoir... En fait, je ne suis pas certain que cela figure dans votre mémoire, mais j'aimerais avoir votre avis. Certains disent qu'il faudrait légiférer pour fixer des délais à la procédure décisionnelle de la Commission. Évidemment, six ans, c'est trop long, et trop nombreux sont ceux qui languissent dans les limbes.

Avez-vous formulé des recommandations, ou est-ce que le CCR a pris officiellement position pour dire qu'après un certain temps, si le gouvernement n'a pas réussi à prouver qu'il est fondé de refuser le statut de réfugié à telle ou telle personne, il faudrait adopter une position de repli en lui accordant le statut?

• 1650

Mme Janet Dench: Nous n'avons pas pris position à ce sujet. Nous hésitons à opter pour des délais fermes, car nous savons que chaque cas est particulier et que certains sont plus longs à étudier que d'autres. Dans la mesure du possible, nous souhaitons que chaque dossier soit traité le plus rapidement et le plus équitablement possible, sans que l'on fasse pour autant pression sur ceux qui auraient besoin, par exemple, d'un mois de plus pour obtenir des documents à présenter à l'appui de leur demande. Il faudrait leur accorder ce temps supplémentaire. D'autres sont prêts très rapidement; il ne faudrait pas les faire attendre.

Nous n'avons donc pas pris position concernant ceux qui restent dans les limbes pendant longtemps et auxquels le statut devrait être accordé automatiquement, mais nous sommes prêts à étudier la question.

J'en profite pour insister sur un autre argument de notre mémoire, à savoir qu'on parle beaucoup de la nécessité d'accélérer la procédure de détermination. Nous sommes de cet avis, dans la mesure où le système est équitable, mais nous déplorons certaines procédures qui sont interminables. Il faudrait veiller davantage à les accélérer.

L'un de nos sujets de prédilection, par exemple, est la réunification des familles. Ceux qui ont obtenu le statut de réfugié attendent malgré tout plusieurs années avant de retrouver leur conjoint et leurs enfants. C'est inacceptable, et nous considérons que le comité devrait s'en préoccuper.

Le président: Merci.

M. Pat Martin: Est-ce qu'il me reste du temps?

Le président: Oui.

M. Pat Martin: Un bref commentaire: je reconnais avec vous qu'il ne faut pas, comme on dit, régler son allure sur les feux d'un bateau en mouvement. Autrement dit, ce qui s'est produit sur la côte ouest de la Colombie-Britannique est une situation anormale et on aurait tort d'arrêter une politique ou d'adopter une mesure législative en fonction de cette situation anormale. Vous avez dit que si l'opinion de la population canadienne avait été infléchie par l'afflux de réfugiés du Kosovo, les délibérations de ce comité se seraient sans doute déroulées dans une ambiance tout à fait différente. On aurait donc tort de s'en remettre à ces sursauts de l'opinion publique.

J'aimerais vous entendre encore sur ce sujet, que vous évoquiez au moment où nous avons été interrompus. Si nous voulons adopter une loi qui nous sera utile pendant longtemps et qui soit bien conforme à l'opinion de la plupart des Canadiens, nous devons éviter de nous laisser influencer par le lobby anti-émigration, qui a voulu tirer parti des opinions racistes exprimées au grand jour à l'occasion de la tragédie de ces 600 immigrants désespérés qui ont échoué sur les côtes de la Colombie-Britannique.

Qu'en pensez-vous?

M. Mitchell Goldberg: Je pense qu'il est important de considérer l'histoire de la détermination du statut de réfugié au Canada avant toute décision. À mon avis, dans tout l'éventail des tendances politiques canadiennes, tout le monde est d'accord sur un sujet, qui préoccupe l'ensemble des Canadiens, c'est la façon dont les membres de la Commission du statut de réfugié sont choisis. C'est un sujet très préoccupant.

Quand je parle à des gens ordinaires, qu'ils soient familiers ou non avec la détermination du statut de réfugié—que ce soit des gens que je rencontre, des amis, des membres de la famille—ils trouvent incroyable qu'il y ait autant de personnes non qualifiées à la Commission, qui prennent des décisions sur des questions de vie ou de mort. On les paie 90 000 $ par an. À un tel salaire, on devrait pouvoir trouver les personnes les plus qualifiées au Canada. C'est inexcusable.

Le mois dernier, au Québec, l'arrêt d'une cour supérieure a annulé tout un tribunal administratif. C'est le plus gros tribunal administratif au Québec. La cour a jugé qu'il était inconstitutionnel. Et pourquoi? Parce qu'elle ne le trouvait pas suffisamment indépendant. Elle le trouvait trop partial. Pourquoi? Notamment à cause du processus de nomination; ses membres sont évalués au bout de cinq ans, plutôt qu'au bout de trois ans comme dans notre cas, et les renouvellements de mandat font l'objet de nombreuses tractations politiques.

Je voudrais donc vous dire que si vous n'intervenez pas, la justice devra intervenir tôt ou tard. Je considère que les Canadiens, les contribuables et les réfugiés méritent que seules les personnes les plus qualifiées soient admises à siéger à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

Je ne sais pas si cela répond exactement à votre question, mais je pense que c'est l'un des problèmes qu'il faut régler.

• 1655

Le président: Merci.

Madame Leung, puis monsieur Price.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai quelques questions à poser à nos témoins.

En ce qui concerne les immigrants illégaux, nous savons que ce sont en réalité des gens sans éducation dont on abuse, auxquels on fait miroiter la perspective d'un avenir meilleur en Amérique du Nord. D'un certain point de vue, nous estimons qu'il s'agit de personnes exploitées et que dans leur intérêt et pour leur sécurité, il faut les protéger et respecter leurs droits individuels en mettant un terme à ce genre d'activités criminelles. Je veux dire qu'à mon avis, il est important de bien comprendre qu'ils ne viennent pas ici en tant que réfugiés. Ce ne sont pas des réfugiés, car ils viennent ici dans le but d'améliorer leur situation financière et de garantir leur avenir.

J'aimerais avoir votre avis à ce sujet, car les points de vue sont très divergents. Par compassion, nous devrions mettre un terme aux agissements dont ces personnes sont victimes.

Mme Sharryn Aiken: Dans ma déclaration d'ouverture, j'ai cité l'exemple des 192 Tamouls du Sri Lanka qui réclament le statut de réfugié pour faire ressortir qu'il est essentiel de bien comprendre que la seule façon, pour les requérants de bonne foi, de garantir leur sécurité est bien souvent de recourir à des moyens illégaux, et de s'en remettre, par exemple, à des trafiquants d'émigrants.

On s'engage sur une pente savonneuse lorsqu'on généralise en affirmant que la loi devrait tout simplement interdire nos côtes aux étrangers. Le Conseil canadien pour les réfugiés considère depuis longtemps que la détermination du statut de réfugié doit être un processus décisionnel individualisé, axé sur les faits de chaque situation individuelle. Même dans un bateau rempli de réfugiés dits économiques, de gens qui cherchent à améliorer leur sort, il peut y avoir de véritables réfugiés. Il est important de ne pas l'oublier.

Les bateaux ne sont pas tous pleins d'immigrants illégaux. Il arrivent sur nos côtes des bateaux où se trouvent de véritables réfugiés. Nous tenons à insister sur ce point.

Mme Sophia Leung: Je voudrais dire qu'en ce qui concerne la taxe d'établissement, dont l'un de mes collègues a parlé, le Parti libéral s'est saisi de la question et on a demandé d'éliminer cette taxe, et pas uniquement pour les réfugiés. Si l'on considère qu'il s'agit d'un fardeau financier pour tous les nouveaux immigrants, il faudra la supprimer pour tous les nouveaux venus. Je tenais à le préciser à votre intention.

Mme Sharryn Aiken: Nous sommes favorables à une telle démarche.

Le président: Parfait. Pour une fois, tout le monde est d'accord.

Mme Sophia Leung: Oui, et je tenais à le dire.

Le président: Pour reprendre l'intervention de Sophia, elle voulait dire qu'il existe un phénomène qu'on appelle le trafic d'êtres humains et que certaines personnes sont prêtes à se soumettre à l'esclavage pour améliorer leur sort.

J'ai bien compris votre réponse, mais la question, c'est peut-être que certaines personnes sont victimes d'individus qui cherchent à les exploiter dans le cadre du trafic d'êtres humains. Comment se fait-il que certains vont devoir payer 15 000 $, 20 000 $ ou 50 000 $ jusqu'à la fin de leurs jours en travaillant pour un de ces escrocs parce qu'ils ont voulu venir ici ou aux États-Unis?

Mme Sharryn Aiken: Comme je l'ai dit, nous nous préoccupons de la contrebande et du trafic d'êtres humains comme tous les membres de la société canadienne. Nous estimons que le Canada devrait appuyer les initiatives internationales de lutte contre le trafic d'êtres humains, de façon à aider ceux qui sont victimes de cette tragédie. Mais ces efforts ne doivent pas être entrepris au détriment des réfugiés. Voilà sur quoi nous voulons insister. Il faut trouver un mécanisme subtil qui permette de faire la distinction entre les deux. Lorsque des gens fuient leur pays parce qu'ils risquent la persécution, il faut leur réserver un système différent.

Mme Sophia Leung: Monsieur le président, puis-je faire un commentaire?

Vous savez sans doute que le gouvernement a procédé à de vastes consultations et que nous parlons maintenant des immigrants illégaux. La Chine et le Canada ont entrepris, au niveau ministériel... En septembre dernier, trois d'entre nous sommes allés évoquer ce sujet auprès du gouvernement chinois. Nous voulons précisément nous opposer à ce genre d'activité criminelle. Dans l'intervalle, évidemment, s'il y a des réfugiés, nous tenons à les protéger.

• 1700

J'aimerais que vous n'ayez aucun doute quant à notre conception du statut de réfugié. Il faut absolument faire preuve d'équité dans ce domaine.

Mme Janet Dench: Je voudrais dire également qu'il s'agit là d'une question très complexe. À bien des égards, c'est une question de droits de la personne. Nous nous inquiétons des conséquences des tractations entre les gouvernements canadien et chinois. De quelle façon le gouvernement chinois entend-il lutter contre la contrebande d'êtres humains?

On parle de personnes qui sont emprisonnées. Qui sont ces personnes? Est-ce qu'elles sont emprisonnées à l'issue d'un procès équitable pour des crimes qu'elles ont commis, ou s'agit-il de détention préventive? Nous ne voulons pas que le gouvernement canadien soit mêlé à des atteintes aux droits de la personne en Chine.

Le président: Merci.

Monsieur Price.

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie d'être des nôtre aujourd'hui. Nous avons beaucoup appris et nous devrions pouvoir améliorer la situation.

Je voudrais revenir aux propos de M. Goldberg concernant le processus de nomination à la CISR. Récemment, l'Association du Barreau canadien déplorait le caractère partisan de ces nominations. Bien souvent, les commissaires ne sont pas avocats, et pourtant, on leur fait pratiquer le droit. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.

Vous avez vous-même critiqué cette procédure. Vous préféreriez la formule de nomination proposée par M. François Crépeau. J'aimerais connaître cette formule.

M. Mitchell Goldberg: Je peux répondre sur la première partie de la question, et ma collègue pourra parler de M. Crépeau.

En ce qui concerne les avocats, vous voudriez savoir si la CISR devrait être composée d'avocats. Je crois que la connaissance du droit des réfugiés constitue l'un des critères, mais ce n'est pas le seul. Je connais des membres de la Commission qui sont avocats et qui font un travail déplorable, tandis que d'autres, qui ne sont pas avocats, font un excellent travail. Ce n'est donc pas un critère d'exclusion.

En plus de la connaissance du droit des réfugiés, je pense que les membres de la Commission devraient avoir une certaine expérience de la recherche et de l'analyse concernant les droits de la personne, de ce qui se fait à l'étranger, des questions culturelles, des questions de santé mentale et des tribunaux administratifs. Qu'ils soient avocats ou non ne me semble pas essentiel.

Mme Janet Dench: Le modèle de François Crépeau est très structuré et énumère un certain nombre de critères ainsi qu'un certain nombre d'acteurs qui devraient, selon lui, avoir un rôle à jouer dans le processus de sélection. Nous aimons ce modèle notamment parce qu'il accorde beaucoup d'importance au type d'expérience que devraient avoir les candidats et qui leur aurait permis d'acquérir la sensibilité voulue pour entendre un réfugié raconter les actes de torture auxquels il a été soumis et être en mesure d'en saisir la signification. Il faudrait aussi que la structure soit très transparente pour que l'on puisse avoir confiance que les candidats choisis sont ceux qui ont fait la preuve qu'ils ont les compétences voulues.

François Crépeau a d'ailleurs témoigné devant votre comité, ou devant une version précédente de votre comité, et nous serions heureux de vous présenter à nouveau son document si cela pouvait vous être utile.

M. David Price: Cela me serait sans doute utile à moi. Je suis nouveau au comité. Je n'ai pas déjà entendu le témoignage en question.

Si vous me permettez de changer un peu de sujet, nous savons que nous nous dirigeons vers une nouvelle Loi sur l'immigration. Plusieurs études ont été réalisées qui ont abouti à diverses propositions de modifications qui pourraient se retrouver dans le projet de loi. Vous avez sûrement, comme tout le monde, examiné ces propositions.

Vous avez souligné à juste titre que nous réagissons à l'heure actuelle à toute la couverture médiatique accordée aux modifications qui sont en cours. Cela nous inquiète un petit peu que le projet de loi qui devait être présenté en octobre n'ait toujours pas été rendu public.

Faut-il donc conclure qu'on est toujours en train d'y apporter des rajustements? Je sais que vous dites qu'il y a certains éléments des propositions que vous aimez bien, et qu'il y en a d'autres que vous trouvez peu acceptables. Abstraction faite de ces propositions, y a-t-il trois ou quatre éléments que vous aimeriez retrouver dans le projet de loi et que vous aimeriez nous proposer.

• 1705

Mme Sharryn Aiken: Il y a un élément auquel nous avons déjà fait allusion, à savoir qu'il n'y a pas de mécanisme d'appel pour les demandeurs du statut de réfugié dont la demande est rejetée en première instance par la Commission. C'est un fait bien connu ici que le citoyen canadien a plus de droits quand il s'agit d'en appeler d'une contravention pour stationnement illégal que n'en a le demandeur du statut de réfugié d'en appeler du rejet de sa demande. C'est là un grave problème. C'est là une injustice qui doit être corrigée à notre avis, et les signaux que nous avons reçus jusqu'à maintenant sont très contradictoires pour ce qui est de savoir si la ministre serait même disposée à envisager de mettre en place un mécanisme d'appel à la Commission du statut de réfugié.

Pour les raisons que nous avons déjà énoncées ici cet après-midi, nous estimons que le fait de prévoir un mécanisme d'appel dans la structure de la Commission permettrait en fait d'accélérer le processus.

M. David Price: Ainsi, nous n'aurions pas besoin de recourir finalement...

Mme Sharryn Aiken: À six ans de solutions de rechange; tout à fait.

Le président: Merci. Je tiens à remercier les témoins, mais avant que vous ne partiez—nous devons effectivement passer aux témoins suivants, mais M. Mahoney n'est malheureusement pas là—, pourrais-je obtenir un éclaircissement? Je pense vous avoir entendu dire dans votre exposé préliminaire que 6 000 personnes avaient été interceptées l'an dernier.

Croyez-vous que l'interception se pratique peut-être... Vous avez indiqué que le filet était peut-être trop grand. Êtes-vous d'avis que cette façon de faire n'est peut-être pas celle qui convient pour essayer de réaliser certains des objectifs dont nous parlons depuis une heure ou une heure et demie, pour s'attaquer au problème au point d'origine, pour déterminer si certains demandeurs sont vraiment des réfugiés ou s'ils sont exploités ou encore s'ils cherchent à entrer chez nous illégalement, tout en sachant très bien, tout comme vous l'avez dit, que le réfugié n'a peut-être pas d'autre choix que de recourir à tous les moyens possibles... J'essaie de déterminer s'il y a contradiction entre la pratique de l'interception et les objectifs que nous poursuivons dans nos efforts pour régler certains des problèmes dont nous avons parlé aujourd'hui.

Mme Sharryn Aiken: Chose certaine, nous essayons de bien faire comprendre que, s'il tient absolument à poursuivre ses activités d'interception, le gouvernement doit mettre en place un mécanisme pour éviter que des réfugiés authentiques soient ainsi refoulés. Il n'existe pas de mécanisme de ce genre à l'heure actuelle. À l'heure actuelle, ceux qui sont interceptés à un poste frontière dans un troisième ou un quatrième pays et qui ne sont pas munis des documents voulus d'un représentant canadien sont renvoyés, sans possibilité d'appel. C'est là un grave problème.

Mme Janet Dench: Je voudrais simplement ajouter que les activités d'interception sont principalement assurées par les transporteurs, que vous aurez aussi l'occasion d'entendre aujourd'hui. Aussi, dans certains cas, les réfugiés se voient refuser la permission de monter dans l'avion, non pas par un représentant du gouvernement canadien mais par un représentant de la ligne aérienne, si bien qu'ils peuvent être emprisonnés dans le pays en question ou renvoyés dans leur pays d'origine.

Le président: C'est pourquoi j'ai posé la question, car elle conduit logiquement à la discussion que nous aurons maintenant avec l'ATAC et la Fédération maritime au sujet de leurs responsabilités présumées ou réelles.

Steve, j'allais justement clore la discussion, à moins que vous ayez une question à...

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): En fait, beaucoup des questions que je voulais poser ont déjà été posées, alors ça va.

Le président: D'accord. Merci pour votre collaboration.

Merci beaucoup d'être venus nous faire profiter de votre sagesse et de votre expérience. Je suis sûr que votre témoignage nous aidera énormément pour l'examen des politiques et des règlements que nous devons faire. Merci beaucoup.

Chers collègues, nous allons procéder rapidement, car nous voulons terminer au plus tard à 18 heures—je vous l'ai promis—et inviter l'Association du transport aérien du Canada ainsi que la Fédération maritime du Canada à prendre place à la table pour nous présenter leurs vues sur la question dont nous sommes saisis.

Nous allons tout simplement attendre que nos invités s'installent.

Je remercie l'Association du transport aérien du Canada et la Fédération maritime du Canada. J'ai eu l'honneur de rencontrer certains d'entre vous quand je siégeais à un autre comité, celui des transports, et je suis heureux de vous rencontrer ici en ma nouvelle capacité.

• 1710

Je tiens à souhaiter la bienvenue à Warren Everson et à Gilles Bélanger. Vous pouvez peut-être nous présenter vos invités. Je crois que vous allez chacun présenter un exposé. Nous pourrons ensuite vous poser des questions. Merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui et merci de bien vouloir prendre le temps de nous faire profiter, vous aussi, de votre expérience et de votre sagesse. Bienvenue.

[Français]

M. Warren Everson (vice-président, Politiques et planification stratégique, Association du transport aérien du Canada): Monsieur le président et distingués membres du comité, permettez-moi de me présenter. Je m'appelle Warren Everson et je suis vice-président, politiques et planification stratégique, de l'Association du transport aérien du Canada.

Je voudrais vous présenter mes collègues: Mme Bridget Siwik, chef de la facilitation à Air Canada, et George Petsikas, directeur des affaires gouvernementales et de l'industrie à Air Transat. Mes collègues représentent les transporteurs aériens réguliers et le secteur des vols nolisés internationaux de l'industrie du transport aérien du Canada.

À la suite de mon bref exposé, ces personnes seront en mesure de répondre à vos questions d'une façon plus détaillée.

[Traduction]

Je tiens à vous signaler, monsieur le président, que je suis en poste depuis cinq jours seulement. Vous comprendrez donc à quel point il est important que mes collègues soient là pour la discussion d'aujourd'hui.

[Français]

Permettez-moi d'abord de vous dire que nous sommes très heureux que le comité ait invité l'industrie du transport aérien à participer à son étude. Un grand nombre d'immigrants illégaux au Canada y parviennent par la voie des airs. Ce phénomène a entraîné une longue histoire d'étroite collaboration entre les transporteurs aériens et les autorités de l'immigration canadiennes.

[Traduction]

Les transporteurs canadiens travaillent également de près avec les autorités chargées de l'immigration et du contrôle des frontières dans de nombreux pays, en particulier ceux préférés par les migrants clandestins et les organisations qui s'occupent du transport de ces derniers.

Comme vous le savez peut-être, les transporteurs aériens doivent assumer des responsabilités particulières en vertu des lois du Canada. Ils doivent filtrer les passagers et examiner de près leurs documents de voyage aux points d'embarquement outre-mer, ils sont tenus de renvoyer les passagers admis au Canada et ultérieurement jugés inadmissibles ou de s'occuper de leur renvoi et d'en acquitter le coût, et ils s'exposent à des sanctions financières lorsque des passagers arrivent sans pièces d'identité ou avec des documents jugés, par les autorités d'immigration, insuffisants. Les autorités d'immigration exigent également des transporteurs aériens qu'ils assurent le transport des personnes admises légalement au Canada, mais faisant l'objet d'une mesure de renvoi par la suite. Dans ces circonstances, les expulsions se font toutefois aux frais du contribuable, et il y a des considérations de sécurité du personnel navigant et des passagers, lorsque les personnes déportées sont des criminels ou doivent être supervisées d'une façon ou d'une autre.

Pour ces raisons, les transporteurs s'intéressent vivement aux travaux de votre comité et aux questions que vous étudiez. Nous savons que l'immigration est un dossier extrêmement délicat surtout du point de vue politique. Les transporteurs aériens n'ont pas de position sur la question plus générale de la politique d'immigration. Ironiquement, je dirais que nous n'avons pas du tout envie d'avoir une position sur la question de l'immigration elle- même, dans la mesure où c'est vous, les parlementaires, qui êtes grassement payés pour discuter de ces problèmes.

Le président: Pourriez-vous enlever le «grassement»?

M. Warren Everson: C'était histoire de parler, monsieur le président.

Une fois que vous aurez atteint vos conclusions sur la manière dont le système devrait fonctionner, nous aurons tout intérêt à ce qu'il soit respecté. Le secteur du transport aérien appuie totalement les trois objectifs visés par le comité permanent à savoir: accélérer le processus de détermination du statut de réfugié, décourager la venue d'autres migrants clandestins et hâter le renvoi d'individus n'ayant aucun droit de se trouver au Canada. Les recommandations que je vais formuler une à une aujourd'hui cadrent tout à fait avec ces objectifs.

J'aimerais traiter essentiellement des questions où le gouvernement peut aider les transporteurs aériens à satisfaire l'obligation qu'ils ont de veiller à ce que seuls les voyageurs de bonne foi et disposant de pièces d'identité suffisantes montent à bord d'avions à destination du Canada. Je mentionnerai un certain nombre de mesures particulières que l'ATAC recommande au gouvernement pour remédier aux situations dans lesquelles les autorités chargées de l'immigration au Canada sont obligées d'imposer aux transporteurs des sanctions alors que ces derniers n'ont aucun contrôle sur ces situations.

La première priorité que nous portons à votre attention est la nécessité urgente de remplacer l'IMM 1000. En vertu de l'article 89 de la partie V de la Loi sur l'immigration, les transporteurs aériens sont tenus de vérifier que les passagers détiennent les documents nécessaires à leur entrée au Canada. Citoyenneté et Immigration prévoit également des sanctions financières selon une formule liée au respect passé de la loi par le transporteur. Les transporteurs consacrent régulièrement des sommes importantes à la formation des agents responsables de la vérification des passagers et du personnel de sécurité supplémentaire nécessaire pour effectuer la vérification des documents, surtout aux points d'embarquement présentant des risques élevés à l'étranger.

• 1715

L'utilisation frauduleuse de cartes de résident permanent IMM 1000 authentiques par des migrants clandestins constitue un problème particulièrement frustrant et onéreux, qui s'aggrave de jour en jour. La facilité avec laquelle on peut utiliser à des fins frauduleuses ce type de carte est de notoriété publique. Ce document ne porte en fait aucune photo d'identité. Il ne fait appel à aucune des techniques modernes de validation. En fait, la carte IMM 1000 est une invitation à la fraude pour les trafiquants professionnels de migrants clandestins. Le personnel des compagnies aériennes se trouve dans l'impossibilité de détecter les cas d'utilisation frauduleuse d'une carte IMM 1000 authentique utilisée conjointement à un passeport étranger authentique. Le ministère assujettit néanmoins les transporteurs à des sanctions financières lorsqu'un passager utilise une carte IMM 1000 authentique à son arrivée et que cette personne est jugée par la suite inadmissible.

Depuis de nombreuses années, l'ATAC presse le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration de remplacer cette carte, mais en vain. Nous comprenons parfaitement que le ministère est conscient des risques. Nous savons aussi qu'ils ont réfléchi aux techniques qui pourraient être utilisées pour remplacer cette carte. Cependant, chaque année, le ministère nous dit ne pas avoir les fonds nécessaires pour mener à bien ce projet. Cette réponse ne nous satisfait vraiment pas dans la mesure où ce sont les compagnies aériennes qui doivent payer les amendes résultant de l'impossibilité de détecter l'utilisation frauduleuse d'un document authentique. Les compagnies aériennes doivent verser des amendes précisément à cause de la vulnérabilité d'une carte dont elles n'ont aucune responsabilité. Donc s'il y a une seule recommandation que selon nous votre comité devrait faire pour aider les compagnies aériennes à réduire l'utilisation frauduleuse de ce document canadien, ce serait en insistant sur le remplacement de cette carte par un document qui fait appel aux techniques actuellement disponibles.

Permettez-moi simplement de faire un commentaire que je referai probablement plusieurs fois aujourd'hui. Il est certainement beaucoup plus onéreux pour le Canada de traiter après coup le cas de migrants qui sont entrés illégalement et de les expulser que de veiller à ce qu'ils n'y entrent pas du tout pour commencer. Tant que ce problème, qui n'est pas celui des transporteurs aériens, ne sera pas résolu avec satisfaction, l'ATAC suggère à votre comité de recommander que les transporteurs aériens soient dispensés de toute sanction financière lorsqu'une carte IMM 1000 est utilisée de façon frauduleuse conjointement à un passeport étranger authentique.

Notre deuxième recommandation concerne le processus de détermination du statut de réfugié. Nous proposons une disposition de temporarisation concernant l'obligation faite aux transporteurs de renvoyer à leurs frais les passagers inadmissibles. Nous ne contestons pas l'obligation qui nous est faite de renvoyer les passagers jugés inadmissibles faute de documents satisfaisants ou faute de pièces d'identité. D'autres pays imposent des obligations analogues, mais le Canada se distingue de ces autres pays dans la mesure où la procédure peut prendre des années—parfois cinq ans, parfois plus—ce qui crée pour les transporteurs de lourdes charges et obligations financières. Ce sont eux qui assument littéralement cette responsabilité. À tel point que parfois nos membres ne desservent plus le pays vers lequel ils finissent par avoir l'obligation de renvoyer le passager.

Nous avons proposé au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration de fixer à deux ans maximum la période allant de la date d'arrivée du passager à la prise d'une mesure de renvoi, comme délai raisonnable d'exécution de cette obligation. Il faudrait pour cela que la Loi sur l'immigration soit modifiée. Le ministère n'a pas donné suite à notre demande bien qu'il ait présenté à plusieurs reprises des modifications à la loi.

Le président: Monsieur Everson, je sais que c'est la première fois que vous comparaissez devant notre comité, ou c'est peut-être la première fois que vous comparaissez devant un comité. Je vous rappelle que vos deux organisations ont 10 minutes pour faire leur exposé. Vous avez déjà utilisé six minutes et trente secondes, ce qui veut dire que vous commencez à prendre sur le temps de vos excellents collègues de la Fédération maritime. Nous avons lu votre mémoire. Je sais que vous essayez de présenter tous vos arguments, mais il est fort probable que les questions qui vous seront posées porteront sur ce que vous n'avez pas dit. Avec votre permission, j'aimerais donc donner la possibilité aux autres témoins d'intervenir.

M. Warren Everson: Certainement. Je me permettrai simplement de vous parler encore d'une ou deux petites choses et j'essaierai d'être très bref.

Nous faisons toute une série d'autres suggestions relativement pratiques. Il y en a une sur laquelle j'aimerais attirer votre attention et vraiment insister. Il s'agit du recours accru à l'étranger d'agents de contrôle de l'immigration. Ils apportent un concours précieux à nos compagnies pour remplir leurs obligations. Le coût de ce personnel supplémentaire est largement compensé par la réduction du nombre de dossiers de réfugiés et de migrants clandestins sur lesquels il faut statuer. C'est la même histoire. Il est beaucoup moins onéreux d'accroître les ressources en première ligne que d'avoir à régler les problèmes a posteriori. Dans la même veine, nous proposons que s'il est impossible à un agent d'immigration d'être sur place, un numéro de téléphone soit mis à la disposition de nos membres.

• 1720

J'aimerais conclure en disant que lorsqu'une compagnie aérienne commence à questionner des passagers sur leur admissibilité, sur la validité de leurs documents, il n'est pas rare qu'ils contestent amèrement notre droit de poser de telles questions. Nous n'avons aucun document du gouvernement du Canada qui décrit notre rôle et notre tâche non pas en tant qu'agent mais en tant qu'exécutant de la loi. Nous avons demandé au ministère de préparer un document multilingue que nous pourrions utiliser, avant tout pour réduire au minimum le degré de frustration et de mécontentement des passagers. Les passagers ainsi questionnés éprouvent un sentiment considérable d'embarras. Il n'est pas toujours possible de le faire en privé. Nous courons le risque d'être accusés de discrimination. Il nous semble que c'est une requête raisonnable à faire au ministère.

Je m'arrêterai là et je répondrai à vos questions lorsque mes collègues de la Fédération maritime auront terminé.

Le président: Monsieur Everson, nous vous remercions non seulement de votre exposé mais de vos excellentes suggestions aussi.

La greffière n'a eu de cesse de me rappeler fermement que chacun d'entre vous, chaque organisme, a dix minutes. J'oublie parfois à quel comité je me trouve et les règles ne sont pas toujours les mêmes. Je vous dois donc encore environ une minute ou 45 secondes au moment des réponses, et nous ne l'oublierons pas.

M. Warren Everson: Merci.

Le président: La parole est maintenant à vous, monsieur Bélanger.

M. Gilles Bélanger (président et chef de l'exécutif, Fédération maritime du Canada): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je m'appelle Gilles Bélanger et je suis président et directeur exécutif de la Fédération maritime du Canada. Je suis accompagné aujourd'hui par Mme Sonia Simard, la directrice des politiques et des affaires gouvernementales. Nous souhaitons remercier le comité de son invitation à venir présenter le point de vue de la Fédération sur les questions relatives au processus de détermination du statut de réfugié et des migrants clandestins.

[Français]

La Fédération maritime du Canada représente la presque totalité des transporteurs maritimes internationaux faisant affaire dans les ports de l'Atlantique, du Saint-Laurent et des Grands Lacs. Je dois mentionner que nous représentons aussi aujourd'hui la Chamber of Shipping of British Columbia, qui jusqu'à tout récemment n'avait pas encore été aux prises avec le problème dont je traiterai, celui des stowaways ou des passagers clandestins. Nous avons constaté récemment que ce problème était apparu sur la côte ouest. Je vous livrerai donc également leurs vues sur la situation à laquelle notre fédération et cette chambre font toutes deux face.

[Traduction]

Nos observations ne porteront pas non plus sur la politique de l'immigration, ce qui nous intéresse, c'est le processus, et en particulier un des aspects du problème, celui des passagers clandestins. Les déserteurs nous intéressent dans une certaine mesure, car il y a effectivement des équipages qui désertent leur navire pendant leur séjour au Canada, mais le principal problème est celui des passagers clandestins.

Comme je l'ai dit, traditionnellement, les passagers clandestins arrivaient dans l'est du Canada, mais ces derniers temps, c'est devenu un problème également dans l'Ouest. Leur passage est arrangé par des trafiquants ou des passeurs, mais la situation est critique car nous avons beau adopter des mesures de sécurité—et j'en parlerai tout à l'heure—dans le port de sortie, les passeurs trouvent toujours le moyen de les contourner au fur et à mesure que nous les mettons en place. Dans un certain nombre de ports européens, nous avons installé des détecteurs de bioxyde de carbone, nous avons des patrouilles spéciales, des patrouilles de sécurité, etc., et tout cela coûte très cher aux armateurs. Néanmoins, chaque fois qu'une nouvelle mesure de sécurité est mise en place, les passeurs trouvent moyen de la contourner.

C'est donc un problème auquel nous devons faire face car les passagers clandestins mettent leur propre vie en danger, mettent la vie de l'équipage en danger et constituent une menace pour le bateau lui-même. Les situations sont très diverses. Parfois les passagers clandestins sont cachés dans un conteneur à bord du navire. Vous savez, dans l'Atlantique nord, les tempêtes d'hiver peuvent être redoutables et il arrive souvent que des conteneurs arrimés sur le pont éclatent en morceaux sous la force des vagues ou soient précipités dans la mer. Si des passagers clandestins se trouvent à l'intérieur, vous comprenez ce qui se produit. Dans d'autres cas, les conteneurs se trouvent au fond des soutes et il n'y a aucun moyen d'y accéder; les passagers clandestins y restent pour toute la durée du voyage. Le plus souvent, personne ne sait qu'ils sont à bord, et ils sont exposés à toutes sortes de choses, hypothermie, intoxication, etc. C'est donc un très gros risque.

• 1725

Ce que nous recherchons aujourd'hui, c'est un moyen d'empêcher ce processus, un moyen de couper cette voie d'accès vers le Canada. Une des solutions possibles à notre problème est à notre avis... Il est très rare que les passagers clandestins arrivent directement de leur pays d'origine. S'ils viennent d'un pays où ils sont exposés à des problèmes, persécutions ou autres, ce n'est pas de là qu'ils s'embarquent. Ces derniers temps, la plupart des passagers clandestins qui arrivaient dans l'est du Canada venaient de Gênes et de Livourne en Italie.

De notre point de vue, les passagers clandestins viennent donc d'un pays sans risque; c'est dans un port d'un pays sans risque qu'il s'embarquent. Le Canada devrait conclure des accords avec ces pays sans risque pour pouvoir renvoyer ces passagers clandestins dans le pays où ils se sont embarqués; ce serait une mesure de dissuasion. Tous ces gens-là pourraient solliciter le statut de réfugié au Canada d'Italie, de tous ces pays sans risque où ils ont trouvé refuge.

La deuxième mesure de dissuasion que nous recommandons pour accélérer le processus... Jusqu'à maintenant, tout le monde a parlé de la nécessité d'accélérer le processus. Tous ces gens-là viennent ici à un coût énorme. Pour vous donner un exemple, d'après les informations que nous avons sur l'arrivée récente de 14 passagers clandestins à Seattle en provenance d'Asie, 14 personnes se trouvaient dans un conteneur et le coût était de 100 000 $US par personne. Évidemment, aucun d'entre eux ne possède autant d'argent, et ils sont donc condamnés à des décennies d'esclavage pour rembourser cette dette.

Si nous accélérons le processus, et s'il est possible de déterminer le statut de réfugié plus rapidement, ce sera déjà un facteur de dissuasion. Personne n'acceptera de payer 100 000 $ pour passer un mois, deux mois ou six mois ici. Pour l'instant, tous ces gens-là savent qu'ils ont de bonnes chances de rester ici cinq, six, et même dix, douze ou quatorze ans à cause de la longueur du processus.

Il y a un autre aspect qui doit être amélioré, c'est le processus d'expulsion, ou du moins la faiblesse du système en ce qui concerne le processus d'expulsion. À la fin du processus, lorsqu'une demande d'asile est rejetée, on envoie à l'intéressé une lettre lui demandant de se présenter aux agents d'immigration pour être déporté. Que se produit-il à votre avis? Évidemment, l'intéressé ne se présente pas, ou du moins très rarement, et nous ne le recherchons pas. C'est seulement 10 ans plus tard, lorsque quelqu'un brûle un feu rouge et qu'un policier se trouve là par hasard qu'on le retrouve. Autrement dit, c'est des années plus tard, accidentellement, à cause d'une infraction, qu'on retrouve les gens.

Pour ces gens-là, cela équivaut à une véritable invitation. Ils savent qu'ils pourront rester ici pendant 10, 12 ans, ou bien huit ans, et cela leur suffit pour courir le risque.

La dernière recommandation est un peu différente. Comme dans le cas des compagnies aériennes, nous avons une obligation financière envers les passagers clandestins. Lorsqu'un passager clandestin est découvert, l'armateur doit déposer 15 000 $ pour chaque passager clandestin trouvé à bord. Sur cette somme, 3 200 $ couvrent les frais administratifs et le reste est conservé pour les frais futurs éventuels. Cela dit, comme il faut parfois attendre 10 ou 12 ans pour que ces gens-là soient déportés, et parfois à très grands frais, il arrive que l'agent qui représentait l'armateur au départ reçoive une facture 10 ans plus tard. Récemment, on a vu une facture de 72 000, 73 000 ou 74 000 $ pour déporter une personne quelque part en Asie.

• 1730

Nous savons comment fonctionnent les transports maritimes. Le plus souvent, l'agent remplit cet office pour un bateau pour un seul voyage, et parfois le bateau ne revient plus jamais ici. L'agent n'a pas de contrat, pas de relation, aucun lien avec l'armateur. D'après notre législation, le responsable est la personne qui se trouve au Canada, c'est-à-dire l'agent, et il se trouve dans l'impossibilité de faire rembourser ces coûts par l'armateur.

Bref, on peut forcer l'armateur à payer les premiers 15 000 $ car le bateau se trouve encore dans le port et si l'armateur ne veut pas payer, le bateau est saisi. Toutefois, 10 ans plus tard, plus personne ne peut... et dans le cas de cette facture de 70 000 $, l'agent ne réussit pas à retrouver l'armateur. C'est donc une obligation financière qui crée un problème. Nous avons fait des démarches auprès du ministère pour essayer de mettre sur pied un système d'assurance, une sorte de garantie dont les coûts seraient payés par l'armateur qui est le véritable responsable. Nous espérons que cela donnera des résultats.

J'en resterai là pour l'instant. Je ne sais pas si j'ai bien respecté les 10 minutes.

Le président: Précisément.

M. Gilles Bélanger: Merci.

Le président: Merci, monsieur Bélanger.

Avant de passer aux questions, je précise à l'intention de M. Everson qui nous a fait part de sa frustration en ce qui concerne l'IMM 1000: peut-être l'ignoriez-vous, mais vous ne pouviez pas savoir que vous pourriez peut-être déjà gagner du terrain. En fait, nous avons lancé ce projet pilote à Toronto et à Montréal avec l'IMM 1000 pour pouvoir retourner cette carte et commencer quelque chose de concret. Cela n'ira peut-être pas sans mal, mais enfin, les choses ont commencé.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président, et bienvenue à tous.

J'ai regardé vos recommandations, et je trouve que dans tous les cas, il s'agit tout simplement de recommandations d'ordre pratique. Quand je les regarde, je me demande pourquoi elles n'ont pas déjà été appliquées. Je comprends que dans certains cas ce sont des choses que vous réclamez depuis des années. Par exemple, vous n'aimez pas qu'on vous force à assumer la responsabilité de personnes pour une période indéterminée, des gens qui dans l'intervalle auront disparu, et vous ne trouvez pas normal que lorsque ces gens-là réapparaissent soudainement vous soyez responsables de les renvoyer dans leur pays d'origine. Je comprends bien votre frustration.

J'aimerais vous poser à tous deux la question suivante: les expéditeurs aériens proposent que la responsabilité cesse d'exister deux ans après la date d'arrivée du passager en question. Je n'ai pas remarqué de délai particulier dans l'intervention de la Fédération maritime, mais j'aimerais savoir quel délai vous avez proposé au gouvernement. À votre avis, quelle devrait être la durée de votre responsabilité? C'est une question que je pose aux deux groupes.

Mme Bridget Siwik (gérante, Facilitation, Air Canada, Association du transport aérien du Canada): Merci, c'est une question raisonnable.

Personnellement, je ne peux pas vous citer un délai exact, mais je peux vous dire que je m'occupe depuis six ans maintenant du secteur de la facilitation à Air Canada. Or, quand je suis arrivée dans ce secteur, c'était déjà une très vieille histoire.

M. Leon Benoit: Bien.

M. Gilles Bélanger: Je pense que les interventions à ce sujet ont commencé en 1996. Contrairement à l'ATAC, nous n'avons pas déterminé de période précise, mais nous avons examiné la question en partant du principe que le délai était beaucoup trop long et créait toutes sortes de problèmes.

• 1735

M. Leon Benoit: Je ne suis pas étonné que cela remonte à un certain temps, car je sais que notre groupe est présent depuis 1993 et que nous avons recommandé qu'on modifie les cartes IMM 1000 pour qu'elles deviennent des outils d'identification beaucoup plus efficaces. Nous avons recommandé une rationalisation du système pour que les cas qui dépassent deux ans deviennent très rares. En fait, il faudrait les régler à peu près tous dans les premiers mois. Au lieu de cela, ils ont tendance à traîner très longtemps.

Nous avons demandé qu'on mette en place des ressources accrues au niveau de la phase initiale, par exemple plus d'agents de contrôle de l'immigration, plus d'agents dans les bureaux à l'étranger, plus d'agents aux points d'entrée, des gens mieux formés et plus expérimentés. Cela fait longtemps que nous demandons tout cela. Je suis frustré de constater que ces demandes n'ont toujours pas abouti. Vous devez avoir le même genre de frustration, et je le comprends très bien.

Le président: C'est votre question?

M. Leon Benoit: Je ne pense pas que ce soit une question, et je ne crois pas que ce soit nécessaire.

Plus précisément, je voudrais vous demander ce que vous souhaiteriez voir dans une carte IMM 1000. Par exemple y a-t-il un modèle de carte utilisée au Canada, que ce soit le permis de conduire ou la carte d'OHIP de l'Alberta, dont on pourrait s'inspirer, ou peut-être même une carte utilisée pour ce genre de chose dans un autre pays?

M. Warren Everson: Monsieur Benoit, nous avons déjà discuté un peu de cela cet après-midi. Nous nous sommes finalement dit que nous n'avions pas fait d'étude complète et que si nous présentions une proposition, nous donnerions au ministère une occasion de critiquer cette proposition. Nous préférerions qu'il s'occupe de cela lui-même. C'est au ministère qu'il incombe d'établir le document de protection et de validation, et il est parfaitement qualifié pour cela.

M. Leon Benoit: Vous dites qu'il faudrait des identificateurs biométriques, ce qui ne semble pas difficile à réaliser.

M. Warren Everson: Encore une fois, je crois que ce serait une erreur de notre part de nous prononcer sur la facilité ou la difficulté ou le coût de réalisation de ce genre de choses. Vous devriez plutôt poser la question aux fonctionnaires du ministère lorsqu'ils comparaîtront devant le comité.

M. Leon Benoit: Bon.

Si le ministère proposait de mettre en place un dispositif de contrôle électronique qui permettrait de passer facilement les documents au scanner quand les passagers se présentent pour monter dans l'avion, par exemple, et ensuite de faire le recoupement de l'information à l'arrivée, pensez-vous que les compagnies aériennes ou le secteur aérien accepteraient de payer une partie de la facture, dans la mesure où cela leur permettrait de faire une économie?

M. George Petsikas (directeur, Affaires gouvernementales et de l'industrie; conseiller juridique, Air Transat, Association du transport aérien du Canada): Je crois que c'est une question assez vaste. Il faudrait manifestement que nous examinions les chiffres.

Pour l'instant, je crois qu'il faut souligner que nous investissons pour pouvoir interdire l'accès à des personnes qui n'ont pas les documents corrects. Ce que nous disons, c'est que nous avons effectivement besoin de toute l'aide technique que le ministère peut nous accorder.

Pour ce qui est de partager les coûts, nous sommes prêts à examiner cette possibilité. Je ne peux pas prendre d'engagements ici. Tout ce que je peux dire, au nom de notre compagnie aérienne, c'est qu'il faudrait qu'un tel arrangement soit rentable; il faut que notre investissement puisse vraiment servir à enrayer cet afflux. Nous ne pouvons pas vraiment prendre d'engagements maintenant, mais nous pouvons étudier cette possibilité.

M. Leon Benoit: Je trouve que votre remarque générale est tout à fait judicieuse, et que le gouvernement économiserait de l'argent si nous avions un système qui permettrait une meilleure identification. Je pense que cela permettrait aussi aux agents des douanes ou autres agents de ce genre de refouler et de renvoyer chez eux les voyageurs qui embarqueraient dans un avion avec ce document d'identité en règle et qui ne l'auraient plus au moment du débarquement.

Si quelqu'un monte dans l'avion avec les bons documents et ne les a plus quand il débarque, mais qu'on a la preuve que cette personne avait le document au moment de l'embarquement, je pense que cela permettrait de régler une bonne partie des problèmes du système, et pas seulement de votre point de vue.

Pour ce qui est du délai de deux ans, je trouve que vous faites preuve d'une générosité excessive en disant que c'est seulement au bout de deux ans que vous voudriez abdiquer votre responsabilité. C'est un délai très long. Il faudrait que le système fonctionne de façon beaucoup plus efficace. Je trouve que vous êtes très généreux.

• 1740

Pourquoi avez-vous choisi cette durée de deux ans?

M. Warren Everson: Ce n'est pas un choix scientifique. C'est une question...

Le président: C'est mieux que huit.

M. Warren Everson: Oui.

Nous espérions obtenir le plus de marge possible, mais nous savons bien que la détermination du statut de réfugié est un processus complexe qui implique du doigté; nous avons écouté les témoins précédents. Toutefois, si la procédure doit durer aussi longtemps, il ne nous semble pas normal qu'une entreprise privée qui joue le rôle de la police dans ce genre de situation soit obligée de payer.

M. Leon Benoit: Avez-vous essayé de déterminer le pourcentage de renvois que vous pourriez éviter si vous aviez une bien meilleure carte d'identification que la carte IMM 1000, par exemple? Vous avez une idée de ce pourcentage?

Mme Bridget Siwik: Je crois que la meilleure façon de répondre est de vous donner un exemple.

Il y a une catégorie particulière d'amendes encourues par les transporteurs dans le cas où un passager se présente avec un document authentique qu'il a obtenu de manière frauduleuse.

Je crois qu'au début nous avons entamé une démarche en vue d'avoir un protocole d'entente avec le ministère de l'Immigration il y a... cinq ans environ?

M. George Petsikas: Au moins cinq ans, ou six.

Mme Bridget Siwik: Une petite partie des documents frauduleux appartiendraient à cette catégorie.

À Air Canada, les infractions relevant de cette catégorie particulière sont passées de 8 p. 100 à plus de 20 p. 100 maintenant; c'est donc un domaine qui nous préoccupe de plus en plus.

Le président: Bien. Monsieur Mahoney.

M. Steve Mahoney: Merci, monsieur le président.

J'aimerais demander aux représentants des deux groupes s'ils peuvent nous dire combien cela leur a coûté collectivement de renvoyer chez eux des gens dans cette situation l'an dernier.

Mme Sonia Simard (directrice, Politiques et affaires gouvernementales, Fédération maritime du Canada): Il serait difficile de donner un chiffre absolu, mais du point de vue des transports maritimes, disons que nous avons eu environ 120 passagers clandestins l'an dernier. Je ne peux pas vous donner de chiffre absolu car, encore une fois, le nombre augmente constamment, mais si vous prenez le coût moyen d'une personne que l'on renvoie à son point origine, c'est-à-dire de 15 à 20 000 $, vous pouvez faire le calcul. Je parle du cas où la personne ne résiste pas à ce renvoi. Quand les gens résistent, la facture peut monter à 30 000 ou 40 000 $, et même dans certains cas particuliers à 70 000 $. Mais disons qu'en moyenne l'expulsion coûte 15 000, 20 000 ou 25 000 $.

M. Steve Mahoney: Et pour les transports aériens?

M. Warren Everson: C'est une question assez délicate car le ministère impose à nos membres des sanctions qui varient en fonction de leurs résultats particuliers. Donc, les amendes ne sont pas trop lourdes pour la compagnie qui fait bien son travail.

Toutefois, les dépenses pour les gros transporteurs sont de l'ordre de plusieurs millions de dollars et pour les affréteurs, ce n'est peut-être pas des millions mais en tout cas des centaines de milliers de dollars.

M. Steve Mahoney: Si vous comparez cela au coût des mesures de sécurité antiterroristes dans le monde... Dans notre profession, nous voyageons beaucoup. Peut-être pas forcément par bateau, même si cela nous arrive parfois, mais nous avons vu le dispositif de sécurité des transporteurs, des aéroports et de tout le secteur et j'imagine qu'ils en ont fait autant. Je sais que c'est le cas pour les navires de croisière. C'est très semblable au transport aérien.

On a donc consacré des millions de dollars à l'élimination du problème. Sauf quelques cas d'exception terribles, comme à Londres, cela a été un succès. Certes, on pourrait peut-être améliorer l'IMM 1000 et d'autres choses de ce genre, ce qui est mineur, j'en conviens, même si quoi qu'on fasse on peut sans doute toujours abuser de la technologie et je ne comprends pas pourquoi votre secteur ne veut pas attendre le gouvernement, pourquoi ne faites- vous pas ce que vous avez fait pour la sécurité pour vous occuper de ce problème.

Je pense aux conteneurs et je me demande pourquoi il n'y a pas de systèmes. Je sais qu'il y en a. Ce sont des systèmes à quatre pattes que l'on appelle des chiens qui sont capables de dénicher les passagers clandestins. Il y a aussi des capteurs de chaleur qui peuvent être installés dans un navire pour trouver les passagers clandestins.

• 1745

Pourquoi, dans chacun de vos secteurs, ne fait-on pas plus d'efforts pour éliminer le problème, quelles que soient les initiatives du gouvernement du Canada ou d'autres pays. Vous semblez vouloir être non interventionnistes et ne pas prendre les choses en main; monsieur Everson, sans vouloir vous prêter des propos que vous n'avez pas tenus, vous avez dit tout à l'heure que vous préférez que ce soit leur problème à eux plutôt que le vôtre et ne pas avoir à trouver des solutions.

M. Warren Everson: J'allais gentiment laisser à Gilles le soin de répondre.

J'espère que ce n'est pas ce que j'ai dit. Nous sommes aux prises avec une situation unique. Nous sommes une entreprise privée que la loi oblige à appliquer la législation canadienne. Je vais demander à mes collègues de vous donner des cas et nous recommuniquerons avec le comité plus tard. Les sommes que les transporteurs aériens ont consacrées à la sécurité et en particulier à la sécurité reliée à l'immigration, sont considérables.

Je rappelle toutefois qu'il nous arrive constamment des cas où le transporteur a fait tout ce qu'il a pu. La marche à suivre a été suivie scrupuleusement. La personne avait toute la formation voulue. Elle a peut-être même consulté les fonctionnaires. L'individu qui est entré au pays est quand même jugé inadmissible et c'est l'entreprise qui est frappée d'une amende. Même la CIC reconnaît que nous avons fait un gros effort. Le ministère n'estime pas que nous avons commis une erreur. Mais l'amende s'applique quand même. C'est cela que nous trouvons exaspérant.

M. Steve Mahoney: Laissez-moi vous donner un exemple... c'est M. Benoit qui l'a cité, je crois, et je l'ai moi-même évoqué en comité il y a un an ou deux. C'est l'idée du scanner. J'ai travaillé il y a longtemps au niveau municipal et on s'inquiétait beaucoup du fait que des voyageurs arrivaient à Pearson et descendaient de l'avion sans pièce d'identité. De toute évidence, ils l'avaient jetée dans les toilettes ou l'avaient remise à un porteur, qu'ils avaient payé.

Pourquoi n'exigeriez-vous pas qu'il y ait un scanner au point d'embarquement pour vous assurer qu'à l'autre bout, s'ils descendent... Si je descends à Toronto en provenance de Chicago et que je n'ai ni passeport ni pièce d'identité, on va me demander où sont mes papiers.

M. Warren Everson: Je vais maintenant donner la parole à mes collègues qui connaissent mieux les aspects techniques de la question. Évidemment, tout le monde sait où sont les papiers, mais lorsque l'on finit par les découvrir, l'individu n'en a pas et il est en sol canadien et jouit de droits. Le transporteur est pénalisé, mais le messager qui a pris le passeport a déjà franchi le contrôle avec un visa valide et il s'est envolé. Vous avez maintenant sur le bras un sans-papier et dans 20 p. 100 des cas, le ministère de l'Immigration ne sait même pas quel transporteur aérien l'a mené au pays. C'est une vraie passoire.

On fait de gros efforts pour les stopper en amont, mais dès que l'on a atterri au pays, ils peuvent invoquer les lois canadiennes.

J'aimerais maintenant que mes collègues vous parlent de problèmes précis et des sommes consacrées à la sécurité.

Mme Bridget Siwik: J'aimerais revenir à ce qu'a dit M. Mahoney à propos du fait que le secteur ne prend pas d'initiatives.

L'aéroport n'est pas toujours le meilleur endroit qui soit pour brancher des machines électroniques. Parfois nous n'avons même pas les prises. Les autorités de l'aéroport limitent ce que nous pouvons installer.

Il ne fait pas de doute qu'il y a tout un éventail de choses qui pourraient être faites. Quant à ce que l'on peut prendre comme mesures au point de départ, le texte de la loi nous oblige à remettre aux voyageurs leurs documents. Cela signifie que même si nous scannons les documents et que les voyageurs arrivent sans papiers, et que nous pouvons prouver qu'ils avaient leurs papiers au moment de partir, ils arriveraient quand même sans papiers et nous ne serions pas dégagés de l'obligation qui figure actuellement dans la loi.

M. Gilles Bélanger: Monsieur le président, j'aimerais parler de cette question, mais allez-y.

M. George Petsikas: Je veux faire une observation à propos de l'initiative.

J'hésite un peu à faire une comparaison avec les sommes consacrées à la sécurité des voyageurs. Il est de toute évidence dans l'intérêt public de prendre des mesures pour que les voyageurs puissent se déplacer en toute sécurité. Le problème, c'est que la loi force les transporteurs à appliquer les lois canadiennes de l'immigration.

• 1750

Nous avons fait des investissements. Je le répète: nous avons consacré beaucoup d'argent aux mesures de sécurité relatives au contrôle à la porte d'embarquement—le contrôle des papiers—dans des circonstances qui sont loin d'être toujours favorables. Comme je l'ai déjà dit, les autorités aéroportuaires des autres pays ne sont pas toujours très disposées à écouter nos doléances à propos des lois canadiennes.

Dans certains pays que je ne nommerai pas, il y a un véritable problème. Les autorités n'ont aucun intérêt à vous aider à empêcher quelqu'un de monter à bord de votre avion pour quitter leur territoire car c'est une façon pour elles de se débarrasser d'un problème. C'est avec cela qu'il faut composer. Je pense que nous faisons l'effort qu'il faut.

En ce qui concerne le scanner, j'aimerais savoir ce que vous pensez que l'appareil pourrait faire. Comment est-ce que cela pourrait marcher. Est-ce que ce serait quelque chose...

Le président: Pour scanner l'oeil.

M. George Petsikas: Pourvu que ça ne rende pas aveugle, je veux bien.

M. Steve Mahoney: Non, ce n'est pas cela, monsieur le président.

M. George Petsikas: S'il s'agit de passer un passeport au scanner et qu'une lumière verte s'allume s'il est valide et rouge s'il est faux, c'est parfait. Je serais prêt à examiner cela tout de suite pour voir combien cela coûterait puis on parlera du partage des coûts, parce que cela représenterait un immense progrès par rapport à la situation actuelle.

Je voulais seulement faire cette observation.

Le président: Gilles.

M. Gilles Bélanger: Nous avons une question qui est apparentée à la dernière observation, parce que bien souvent... c'est très rare que les passagers clandestins embarquent dans leur pays d'origine. Quand ils sont passés de Roumanie en Italie, l'Italie meurt d'envie de s'en débarrasser et ne lèvera pas le petit doigt pour nous aider à les empêcher de s'embarquer.

Il est arrivé bien souvent que l'on trouve des passagers clandestins dans un conteneur sur le quai ou à bord du bateau avant son départ. On les fait sortir, on fait venir les agents de sécurité du port qui les reconduisent jusqu'à la barrière du port et les laissent là, et ils s'embarquent à bord du navire suivant. C'est un problème constant.

Pour ce qui est d'investir dans la sécurité, nos membres ont investi des millions et des millions dans la sécurité. Dans tous les ports importants d'Europe, on utilise des détecteurs de CO2. On utilise des chiens, on fait des patrouilles, on ne néglige rien. Mais les contrebandiers trouvent toujours moyen de contourner les mesures de sécurité.

Vous avez parlé de scanners et j'ignore si vous vouliez parler des appareils de ce type utilisés pour les conteneurs, mais cela existe également. Mais ils sont utilisés de façon sporadique ou aléatoire, parce que le balayage d'un conteneur prend de trois à quatre minutes et un navire peut charger jusqu'à 6 000 conteneurs. Si nous devons tout scanner ce qui entre au port et ensuite scanner encore une fois au moment de l'embarquement, si nous devons nous astreindre en tout temps à des règles de sécurité, alors le navire ne partira jamais et ce sera un problème logistique majeur. On pourra sans doute améliorer ces appareils et j'espère qu'ils le seront.

Récemment, l'arrivée de 14 réfugiés d'Asie à Seattle... On m'a dit que le conteneur, non pas ce conteneur-là en particulier, mais tous les conteneurs à bord de ce navire avaient fait l'objet d'une surveillance constante dès leur arrivée dans le port de Hong Kong. Les passagers clandestins étaient déjà dans le conteneur qui était scellé à son arrivée au port. Nous ne pouvons pas rompre les sceaux à moins d'avoir une bonne raison de le faire et à moins que les autorités ne concluent qu'il y a un motif valable de le faire.

Il y a collusion avec les expéditeurs. Il y a une foule de raisons et nous ne pouvons pas contrôler tout cela.

Le président: Merci.

M. Steve Mahoney: Je pense que leurs réponses montrent qu'ils sont confrontés à beaucoup de difficultés alors même qu'ils y travaillent professionnellement à plein temps, ce qui montre évidemment que nous sommes également aux prises avec des difficultés.

Le président: Merci.

Monsieur Bigras.

[Français]

M. Bernard Bigras: Merci, monsieur le président.

Mes questions vont s'adresser dans un premier temps aux représentants de la Fédération maritime du Canada. J'ai lu hier soir le mémoire qu'ils ont déposé et je tiens à leur dire qu'ils nous ont présenté un mémoire de qualité. Je prendrai très certainement acte d'un certain nombre de recommandations qu'ils ont formulées.

• 1755

À la lumière du débat que soulevait M. Mahoney tout à l'heure et à la lecture du troisième paragraphe de la page 8 de votre mémoire, il est clair que vous n'estimez pas que les mesures préventives et sécuritaires ont eu des résultats probants. Cela ressortait assez clairement lorsque vous disiez que, malgré les mesures préventives établies par des membres de la fédération, un nombre important de passagers clandestins réussissait quand même à ne pas se faire détecter. Selon vous, les mesures préventives et sécuritaires n'ont pas porté fruit. Vous nous recommandez plutôt d'agir au niveau du processus et de la loi afin qu'on puisse décourager un certain nombre de citoyens d'utiliser la voie de l'immigration clandestine.

Je vous félicite aussi pour la documentation que vous nous avez remise au sujet des passagers clandestins roumains. Il s'agit là d'une réalité. Vous connaissez probablement le cas du Montreal Senator, qui est arrivé dans le port de Montréal le 14 avril dernier portant à son bord trois passagers clandestins en provenance de la Roumanie qui sont décédés dans des conteneurs.

Il semble clair que les transporteurs avaient avisé Immigration Canada et Douanes Canada de la présence potentielle d'êtres humains dans ces conteneurs. Malgré ce fait, Immigration Canada et Douanes Canada ont plutôt décidé de ne pas se rendre sur place pour aller examiner les conteneurs, sous prétexte qu'il y avait très peu d'inspecteurs sur le terrain, que c'était le vendredi et que cela aurait coûté cher si des employés avaient dû faire des heures supplémentaires. Il y avait pourtant des preuves de la présence de ces passagers. Il y avait dans le conteneur un trou que des gens avaient percé pour pouvoir respirer.

Je voudrais savoir si ce cas-là est exceptionnel et si vos membres ont émis d'autres plaintes au sujet de la relation qui existe entre les transporteurs et Immigration Canada dans les ports de Montréal ou à l'extérieur du Québec.

M. Gilles Bélanger: Je vais inviter ma collègue à vous fournir des précisions. Je crois qu'il s'agit d'un cas relativement exceptionnel. Lorsque nous appelons les fonctionnaires du ministère de l'Immigration, ils nous offrent habituellement plus de services et font preuve de plus de diligence qu'ils ne l'ont fait dans ce cas précis. Je n'étais pas en poste à ce moment-là et je ne connais pas toutes les circonstances entourant ce cas. Nous ne les connaîtrons peut-être jamais. Il semble qu'il y ait eu des problèmes semblables à ceux que vous avez décrits. Comme de nombreuses personnes, j'en ai pris connaissance en lisant les journaux. Je vais inviter ma collègue à faire des commentaires.

Mme Sonia Simard: On fait actuellement enquête sur cet incident. J'aimerais profiter de cette occasion que nous offrez pour souligner l'importance d'une intervention en vue de régler ce problème. Ces décès dans les conteneurs ne sont pas un cas isolé. Il y a bien longtemps, soit depuis 1993, que notre fédération demande au gouvernement de régler cette situation et qu'elle le met en garde face au danger que des personnes perdent la vie dans ces conteneurs. Il va sans dire que lorsqu'un passager prend place dans un conteneur, il court un risque élevé. Un tel cas s'est produit en avril au Canada, et des personnes sont décédées dans des situations semblables à Londres et à d'autres endroits au cours des années précédentes. Cet incident particulier devrait nous pousser à faire face à cette réalité et à agir afin qu'on puisse éviter qu'un tel phénomène se produise à nouveau. Il est très important d'agir. Nous avons malheureusement eu la preuve, cet été, du danger que courent les passagers clandestins.

M. Bernard Bigras: Merci. J'ai pu constater un sentiment de grande frustration dans le mémoire qu'ont déposé les représentants de l'Association du transport aérien du Canada. Dans les trois premières pages de votre mémoire, j'ai relevé à six reprises les mots «sanctions» et «amendes». Je ne sais pas si cette répétition est voulue et si vous voulez attirer l'attention du comité à cet égard.

• 1800

L'inefficacité du système d'identification, le fait que vos agents n'aient pas reçu une formation en tant qu'agents d'immigration et le manque d'outils technologiques mis à votre disposition font-ils en sorte que vous êtes un peu des victimes contraintes d'assumer une certaine forme de responsabilité à l'égard de la problématique actuelle des immigrants clandestins?

[Traduction]

M. Warren Everson: Nous aimons à dire que notre relation avec la CIC en est une de partenariat. Elle a toujours été décrite ainsi du point de vue du ministère et nous acceptons notre responsabilité de jouer un rôle. C'est une obligation commune qui pèse sur tous les transporteurs, y compris ceux de l'étranger. On a tendance à s'attarder aux amendes parce que nous préférerions ne pas être mis à l'amende, pour des raisons évidentes, surtout quand les circonstances échappaient à notre volonté. Je pense que notre principal message est que dans un partenariat, nous aimerions que l'autre partenaire fasse tout son possible pour faire le travail que nous sommes obligés de faire.

Peut-être que mes collègues veulent ajouter quelque chose.

[Français]

M. George Petsikas: Monsieur Bigras, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que nous sommes victimes des obligations qui nous sont imposées par la loi. Comme l'indiquait mon collègue Everson, nous reconnaissons avoir des obligations et considérons que nous sommes un associé du ministère de l'Immigration en ce qui concerne l'application de la loi. Vous avez bien raison de dire qu'un sentiment de frustration se dégage de notre texte. Comme je le soulevais à plusieurs reprises, nous considérons avoir fait notre part quant aux moyens d'interdiction aux points d'embarquement à l'étranger et nous avons fait des investissements. C'est peut-être au chapitre des investissements qu'il y a des lacunes au ministère de l'Immigration. Ce ministère devrait faire les investissements nécessaires afin de s'assurer que nous disposons de meilleurs outils de haute technologie qui pourraient nous aider à mieux appliquer les dispositions de la loi. Il est arrivé à certaines reprises, bien que nous ayons fait preuve de bonne foi, de refuser l'embarquement à des passagers qui étaient munis de documents valides. Nous sommes tenus de vérifier des choses, mais nous ne sommes pas des agents d'immigration et nous devons parfois, en cas de doute, prendre des décisions en l'absence d'agents d'immigration.

Il est clair que nous aimerions disposer de tous les moyens nécessaires pour exercer ce contrôle, mais nous sommes incapables de le faire seuls. Notre industrie ne peut assumer les coûts liés au développement des technologies qui nous seraient nécessaires.

La mise en oeuvre des solutions que nous proposons, dont certaines sont d'ordre technologique, ne devrait pas être si coûteuse pour le ministère. Un engagement de la part du ministère de l'Immigration à cet égard contribuerait grandement à améliorer notre situation.

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur Anders, suivi de M. Martin, et ce sera tout.

M. Rob Anders: Merci beaucoup, monsieur le président.

Ma question fait suite à celle de M. Mahoney au sujet du stockage des documents. Si je comprends bien, on confisque les documents des passagers à bord des bateaux de croisière pour avoir l'assurance que ces documents ne disparaîtront pas pendant le voyage. Ce que je me demande, c'est si vous êtes assujettis à des contraintes légales quelconques qui vous empêchent de détenir ces documents jusqu'à ce que l'avion ou le bateau arrive à bon port, de manière à empêcher leur disparition pendant le voyage?

M. George Petsikas: Absolument rien ne nous empêche de le faire, mais il y a des considérations d'ordre pratique. Je peux vous dire que ce n'est pas toujours facile de demander à un passager de remettre son passeport quand il monte à bord d'un avion. Je vous pose la question, aimeriez-vous que l'on vous demande de remettre vos documents comme cela à un agent quelconque au comptoir pour une raison quelconque?

• 1805

Cela dit, oui, nous pouvons prendre le document et nous pouvons le mettre dans une serviette et nous en charger. Nous pouvons faire descendre le passager de l'avion, nous pouvons sortir le document de la serviette. Nous pouvons aller trouver l'agent de CIC à l'aéroport et lui dire: Voici le document que telle personne avait en sa possession quand elle est montée à bord de l'avion à tel ou tel aéroport. Mais s'il se trouve que c'est un document frauduleux et que la personne en question demande le statut de réfugié, nous n'en sommes pas moins tenus responsables. Nous devons payer des frais administratifs. Soit dit en passant, il faut apporter cette rectification; ce ne sont pas des pénalités ou des amendes, mais bien des frais administratifs.

Nous pourrions le faire, mais en quoi cela endiguerait-il l'afflux? Cela ne change absolument rien pour ce qui est de notre responsabilité. Cela peut poser un problème parce que le client peut protester haut et fort et refuser de remettre le document s'il n'est pas absolument tenu de le faire. Mais rien ne nous empêche de le faire.

M. Rob Anders: Dans ce cas, j'ai une question. On semble le faire assez régulièrement à bord des bateaux de croisière et les clients ne semblent pas s'en offusquer. Je sais que mes parents sont fort occupés à dépenser mon héritage de cette façon et ils ne semblent pas avoir d'objection à ce qu'on prenne leurs passeports. J'aimerais bien parfois qu'ils soulèvent des objections, mais cela ne semble pas poser de problèmes. Pourtant, vous prétendez que... Enfin, passons.

Un représentant de la Fédération maritime pourrait-il répondre à cela?

M. Gilles Bélanger: Je ne peux pas répondre à la question. J'ignore comment cela fonctionne pour les paquebots, mais Sonia le sait peut-être.

Mme Sonia Simard: En fait, si je peux intervenir, monsieur, si l'on met de côté les bateaux de croisière, je crois comprendre que vous avez également fait allusion à nous, les expéditeurs. Je voudrais seulement apporter une précision. Pour ce qui est des navires porte-conteneurs, on parle de passagers clandestins qui se cachent dans les conteneurs. La question des documents de voyage ne serait d'aucune aide dans notre cas. Je voulais simplement m'assurer que l'on soulève cette question. Quand ils arrivent à bord, il n'y a pas de poste de contrôle où on leur demande de s'identifier, il n'y a aucun poste de sécurité. Ils se cachent simplement dans les conteneurs.

Pour ce qui est de votre question, monsieur, je ne crois pas que la question des passagers clandestins à bord des navires de croisière pose vraiment un problème en regard de notre présentation.

Le président: Leon, pourquoi ne posez-vous pas une ou deux questions?

M. Leon Benoit: Monsieur Bélanger, j'ai deux ou trois questions directes à vous poser. Premièrement, est-ce que des pénalités plus sévères aux compagnies de navigation les encourageraient à faire preuve d'une plus grande vigilance pour ce qui est d'intercepter les passagers clandestins?

M. Gilles Bélanger: Des pénalités plus sévères?

M. Leon Benoit: Oui, des pénalités plus sévères.

M. Gilles Bélanger: Cela ne ferait aucune différence. Les trafiquants réussissent à contourner toutes les mesures de sécurité que nous mettons en place. Ce ne sont pas les passagers clandestins eux-mêmes qui réussissent à contourner les mesures de sécurité, ce sont les trafiquants. Ils ont tous les moyens du monde et tout l'argent du monde pour trouver à s'infiltrer par tous les moyens. Nous avons vu des cas où ils ont réussi à entrer dans un conteneur sans briser le sceau. Avec des instruments spéciaux, ils coupent les boulons qui retiennent les pentures de la porte, ouvrent la porte, remplacent les boulons par des neufs, en prenant soin de remplacer la tête des boulons neufs par celles des vieux boulons, pour que rien ne paraisse. Personne, je dis bien personne ne peut déceler quoi que ce soit. Vous pouvez bien imposer toutes les pénalités du monde, cela ne changera rien à rien. On ne pourra pas empêcher cela.

Les mesures de sécurité ont eu un certain effet. Au début des années 90, il y avait environ 150 à 175 passagers clandestins par année dans l'est du Canada. Ce nombre a maintenant baissé et se situe entre 115 et 120. Il y a eu une amélioration, mais on ne réussira pas à amener cela à zéro. Impossible.

M. Leon Benoit: Les reportages des médias relatifs au California Jupiter nous apprennent que les passagers clandestins ont eu accès au pont pendant toute la traversée. On peut donc supposer que le capitaine et l'équipage savaient qu'ils étaient à bord. Selon certains, dans de telles circonstances, dans la mesure du possible, il faudrait saisir le navire et sa cargaison afin de faire clairement comprendre que ce genre de comportement ne sera pas toléré.

• 1810

Que pensez-vous de tels propos et d'une telle position?

M. Gilles Bélanger: Je vais d'abord m'en remettre à ma collègue pour répondre car je ne connais pas très bien cette situation précise, mais ensuite je répondrai partiellement.

Mme Sonia Simard: Pour ce qui est du California Jupiter, j'aimerais prendre cet exemple et le lier à ce qui a été fait dans l'est du Canada. Dans l'est, les membres de la Fédération, les transporteurs ont signé un protocole d'entente avec le ministère afin d'établir des procédures très strictes, comme la vérification des passerelles et faire la patrouille des ponts afin d'empêcher le genre de situation que vous venez d'évoquer.

Ainsi que le précisait mon collègue, ces mesures ont porté fruits. Pour citer quelques chiffres, en 1993, le nombre de passagers clandestins arrivés au Canada a atteint un sommet de 400. Nous sommes donc passés de 400 passagers clandestins à 100. Donc, effectivement, les mesures que nous avons mises en oeuvre, qu'il s'agisse du protocole visant le genre de situation semblable à celle du California Jupiter ou d'autres, donnent des résultats. Elles ne suffisent pas cependant, et nous mènent au même point, à savoir qu'il demeure attirant de venir au Canada, et que nous devons donc tenir compte de cette réalité.

M. Gilles Bélanger: Votre question recouvre un enjeu. J'ai peut-être mal compris ce que vous avez demandé, mais si les passagers clandestins manifestent leur présence—et ils le font souvent lorsque le navire est déjà trop loin du port pour faire demi-tour, alors la plupart des capitaines s'efforceront d'atténuer leurs difficultés pour des raisons humanitaires. Ils vont ainsi partager la nourriture de bord, sa quantité est limitée pour suffire à l'équipage, et ils les feront parfois travailler. Quoi qu'il en soit, ils ne les garderont pas enfermés dans le conteneur, pour des raisons humanitaires.

Dans certains cas, ils se manifestent effectivement. Parfois, cependant, ils ne peuvent pas sortir, du fait qu'ils sont à fond de cale, et qu'il n'y a pas d'espace entre les conteneurs pour circuler, et qu'on ne peut bouger ces immenses boîtes de 40 000 livres.

Le président: On leur demande peut-être 100 000 $. Il faut en effet payer tous ceux qui font partie de la filière pour mener à bien ce genre de projet. Il semble que chacun des intermédiaires dans cette chaîne reçoive une part de ces 100 000 $.

M. Leon Benoit: Que peut-il se passer si, au cours de la traversée, l'équipage découvre les passagers clandestins? Si on rapporte la situation aux autorités, le navire sera-t-il autorisé à entrer au port?

Mme Sonia Simard: Vous soulevez là un problème très grave. Au Canada, oui, ces navires seront autorisés à accoster. Dans d'autres pays, on ne permettra pas aux passagers clandestins de débarquer, de sorte que les navires devront poursuivre leur voyage avec ces derniers à bord.

Donc, tout cela dépend des circonstances, comme le fait que notre industrie des transports est internationale. Au Canada, si nous découvrons des passagers clandestins, nous aurons recours aux mêmes moyens. Les passagers clandestins vont venir ici et revendiquer le statut de réfugié, mais ils auront risqué leur vie et celle d'autres personnes.

Le président: J'ai une question supplémentaire à vous poser avant de vous remercier tous de vos excellents mémoires et de vos non moins excellentes propositions. Si vous souhaitez ajouter d'autres documents au procès-verbal, comme la proposition d'un paiement de caution ou d'autres mesures, cela nous serait fort utile.

Pour revenir à l'ATAC, puis-je vous poser une question au sujet de l'interception? Je crois savoir qu'il s'agit là d'un problème particulier. Évidemment, les passagers clandestins constituent un cas assez différent. En effet, face à la plupart des gens qui viennent au Canada pour y revendiquer le statut de réfugié, qu'ils prennent l'avion et atterrissent dans nos aéroports ou transitent par les États-Unis, on leur demande leurs papiers avant de les laisser monter à bord. Cela ne tient pas compte du fait que vous évoquiez cependant, à savoir que certains pays tiennent peut-être à se débarrasser de leurs problèmes et sont donc disposés à prendre tous les moyens pour le faire.

Combien de fois faudrait-il que vous fassiez appel à nos ambassades dans les cas d'interceptions? Si quelqu'un s'adresse à vous et que vous soupçonniez qu'il y a peut-être là une revendication en puissance, allez-vous l'envoyer à notre ambassade pour qu'il puisse se déclarer réfugié? Quelles sont vos responsabilités à cet égard?

Vous affirmez qu'Immigration Canada vous demande de faire toutes sortes de choses, comme agir à titre d'agent de police ou même de garder certaines choses. Combien de fois devez-vous recommander à certaines personnes de s'adresser à nos ambassades pour y revendiquer le statut de réfugié?

Mme Bridget Siwik: Je ne suis pas en mesure de vous communiquer de chiffres précis, mais si nous avons des doutes au sujet du document d'un passager, si nous l'estimons faux ou encore si nous pensons qu'il n'appartient pas à celui qui le présente, nous ne lui donnerons pas l'autorisation d'embarquer. Nous proposerons au détenteur des papiers de s'adresser au haut- commissariat le plus proche ou ailleurs pour les faire viser. Si, après coup, le haut-commissariat confirme la validité dudit document par téléphone, le titulaire sera mis à bord du vol suivant.

• 1815

M. George Petsikas: À mon avis, cela milite aussi pour la présence à l'étranger d'agents de contrôle de l'immigration. Ils nous sont d'une grande aide lorsqu'il s'agit d'appliquer les lois canadiennes en matière d'immigration.

Nous avons noté avec grande satisfaction qu'on est en train d'augmenter le nombre de ces agents à l'étranger. Nous devrions poursuivre sur cette lancée, parce qu'il devrait être possible de compter sur des effectifs disponibles dans les aérogares pour parer à ce genre d'éventualités. Si on a des questions, si on nourrit des doutes au sujet de l'authenticité des documents d'un passager, il est important de pouvoir s'adresser à quelqu'un sur place pour lui demander de nous dire ce qu'il en est.

Lorsqu'on jouit de tels appuis, on n'est pas nécessairement obligé de refuser l'embarquement, parce qu'on se rend compte que ces doutes ou ces préoccupations au sujet du document, bien qu'émis de bonne foi et fondés sur des motifs raisonnables, étaient erronés. Nous pourrions ainsi réduire le nombre d'incidents où des passagers détenteurs de documents authentiques se voient refuser l'embarquement, problème qui survient parfois, et que nous admettons. C'est d'ailleurs quelque chose qui nous met de temps à autre dans l'eau chaude, mais nous n'avons pas le choix. Nous devons parfois procéder ainsi.

Il ne fait aucun doute que la présence d'agents de contrôle de l'immigration est extrêmement précieuse. Je tenais d'ailleurs à le souligner. En conséquence, si on peut nous trouver de l'argent qui permettrait d'en augmenter le nombre à l'étranger... Je sais qu'à Londres, nous sommes passés d'un agent de contrôle à deux. Or Londres est un très important lieu d'embarquement pour les passagers à destination du Canada. Pour mémoire, il y a deux aéroports là-bas, celui de Heathrow et celui de Gatwick, et nous ne disposions que d'un agent qui devait travailler dans les deux endroits. Disons simplement que c'était assez difficile à faire.

Le président: Je vous remercie de cette réponse, elle me paraît très éclairante.

Conservez-vous des statistiques? Ainsi, par exemple, lorsque vous soupçonnez que les documents de quelqu'un sont faux et que son détenteur vous supplie de l'embarquer pour éviter d'être renvoyé chez lui ou elle parce qu'il affirme être en danger... Il ou elle essaie de fuir son pays, et vous êtes la première personne à représenter une occasion parce que vous allez l'envoyer à nos ambassades. Quelles que soient vos préoccupations au sujet des papiers de la personne, vous savez qu'elle vous affirme être un réfugié ou vouloir revendiquer le statut de réfugié.

M. George Petsikas: Je ne me souviens pas de cas particuliers. Si nous arrêtons une personne et lui disons soupçonner que ses documents ne sont pas en règle pour entrer au Canada et qu'on lui interdit donc l'embarquement, est-ce que vous voulez savoir si à ce moment précis, elle va nous dire qu'elle est un réfugié et qu'elle a besoin de notre aide?

Le président: C'est vous imposer trop de responsabilité. Vous devez certainement leur demander de s'adresser à l'ambassade, n'est-ce pas?

M. George Petsikas: Oui. Il ne fait aucun doute que nous allons les envoyer soit aux autorités locales, soit à l'ambassade. Je précise que nous ne sommes pas là pour demander à ces personnes pourquoi elles vont au Canada, ni ce qu'elles font, ni encore ce que sont leurs circonstances. Notre fonction est de vérifier si leurs documents sont authentiques et en règle. Les détenteurs de ces papiers devront certainement s'adresser aux autorités ou à l'ambassade, le cas échéant, mais il est très rare qu'ils le fassent.

Mme Bridget Siwik: Mon collègue a très bien expliqué qu'il n'y a ni agent de liaison ni agent de contrôle de l'immigration là où nous en avons besoin. Cette assistance téléphonique 24 heures sur 24 nous aiderait sans doute à déterminer s'il faudrait accepter tel passager ou non.

Le président: J'ai déjà vu cette proposition.

Je veux remercier tous nos témoins. Nous avons entendu deux excellentes présentations comportant des propositions qui contribueraient sans doute...

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): J'aurais une question. Quel est le profil des passagers clandestins? Quels sont leur âge, leur sexe? Pouvez-vous me donner le profil d'un passager clandestin typique?

Mme Sonia Simard: La plupart des passagers clandestins ces dernières années viennent de la Roumanie. Plus de 70 p. 100 de ces passagers sont des hommes de moins de 25 ans. Il existe donc un profil.

Le président: Encore une fois, merci.