Je vous remercie, monsieur le greffier, d'avoir effectué tous les tests d'appareils technologiques.
Je remercie d'avance les témoins de leur patience.
Chers collègues, je vois que nous commençons la réunion environ 35 minutes en retard. Je propose que nous siégions au moins jusqu'à 18 heures, à moins qu'il n'y ait des objections farouches. Nous recevons aujourd'hui des témoins extraordinaires, notamment MM. Kolga et Hampson.
Je vous remercie tous les deux de votre présence et des observations que vous nous ferez.
Sur ce, j'invite M. Hampson à faire un exposé de cinq minutes, après quoi nous entendrons l'exposé de M. Kolga, qui aura également cinq minutes, et nous passerons ensuite à la période des questions.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais me lancer dans le vif du sujet.
Permettez-moi de commencer par quelques dures vérités.
Aujourd'hui, les forces armées du Canada connaissent leur plus faible déploiement à l'étranger depuis la guerre de Corée. Il y a quatre ans, le gouvernement Trudeau a annoncé qu'il s'engageait à augmenter les dépenses militaires de 62,3 milliards de dollars au cours des 20 prochaines années, ce qui comprenait l'engagement d'augmenter les dépenses de 6,5 ou 6,6 milliards de dollars au cours des 5 prochaines années. Pourtant, les documents budgétaires ont montré que le gouvernement a manqué de plus de 2 milliards de dollars par année pour les nouvelles dépenses en équipement militaire en raison de retards dans les projets, bien que certains projets n'aient pas dépassé le budget établi.
À pleine puissance, l'armée canadienne devrait compter plus de 100 000 soldats, membres des forces régulières et réservistes, mais aujourd'hui, elle fait face à un manque de 12 000 soldats, et la situation semble s'aggraver.
Aujourd'hui, le monde est un endroit beaucoup plus dangereux. Il n'y a pas de dividendes de la paix et certainement pas de congés de l'histoire. Le système international devient très concurrentiel et instable, en raison de la montée en puissance de la Chine et de la résurgence de la Russie. Ces deux pays menacent leurs voisins et aspirent à une influence mondiale. Il y a aussi des acteurs régionaux — l'Iran et la Corée du Nord — qui menacent leurs voisins par de nouvelles provocations, sans compter l'instabilité dans de nombreuses autres régions du monde, y compris dans notre propre hémisphère.
Avec le retour de la concurrence et de la rivalité géostratégiques, les Forces armées canadiennes doivent relever les défis liés à ce que l'on pourrait appeler une dissuasion double ou à deux fronts: comment faire face à la menace militaire croissante que représentent la Russie et la Chine? La Russie et la Chine sont maintenant unies par la hanche avec leur nouveau pacte d'amitié sans limites qui remet en question l'ordre politique et militaire actuel.
Je pense que nous pouvons convenir que les actions de la Russie contre l'Ukraine s'inscrivent dans le contexte d'une série d'interventions dans des pays avoisinants: la Géorgie, la Biélorussie et le Kazakhstan.
Les dépenses de la Russie au titre de la défense sont axées sur le déploiement de nouveaux armements, notamment des systèmes non stratégiques équipés pour transporter des ogives nucléaires ou classiques, de nouvelles armes antisatellites, des armes à énergie dirigée et des capacités perfectionnées en matière de cyberguerre qui permettront d'exploiter des capacités asymétriques contre des adversaires plus puissants.
Le comportement de la Chine sous la présidence de Xi Jinping et son propre renforcement militaire présentent un schéma d'agression similaire et inquiétant. Entre 2010 et 2020, les dépenses militaires de la Chine ont augmenté de 76 %, et les capacités de combat de l'Armée populaire de libération se sont considérablement améliorées. D'ici 2030, la marine chinoise sera plus moderne et plus grande que celle des États‑Unis. À l'instar de la Russie, la Chine investit massivement dans la modernisation de son armée: missiles balistiques et de croisière hypersoniques, armes antisatellites, capacités de cyberguerre, et j'en passe.
Le rythme tranquille de la modernisation de nos forces armées pour faire face aux nouvelles réalités géostratégiques contraste fortement avec celui de nos cousins australiens, qui ont mis le pied sur l'accélérateur. Bien qu'elle fasse les deux tiers de la taille du Canada en matière de population et de PIB, le budget militaire de l'Australie représente 2,2 % du PIB, soit 26,9 milliards de dollars américains, contre 1,4 % pour le Canada, soit 21 milliards de dollars américains. C'est 28 % de plus que le Canada. L'Australie s'est engagée à augmenter considérablement ses propres dépenses militaires au cours des quatre prochaines années, en renforçant ses capacités aériennes et navales afin de se préparer à ce que le premier ministre australien, Scott Morrison, appelle un voisinage « plus pauvre, plus dangereux et plus désordonné », et un monde dans lequel « nous n'avons pas vu autant d'incertitudes mondiales, économiques et stratégiques » depuis les années 1930.
Aucun avertissement de ce genre n'a été lancé par les dirigeants du Canada.
Compte tenu de l'importance de la région indopacifique pour l'avenir économique du Canada et de la nouvelle stratégie indopacifique du gouvernement, le Canada est directement concerné par la sécurité et la stabilité de la région. Pour nos partenaires économiques de la région, l'économie et la sécurité sont les deux faces d'une même médaille. Ils nous ont dit à maintes reprises que, si le Canada veut renforcer ses liens commerciaux et économiques dans la région, il doit être un partenaire beaucoup plus engagé et fiable en matière de sécurité.
Dans son évaluation du Canada en tant que partenaire de sécurité, l'ancien secrétaire général de l'ANASE, le Thaïlandais Surin Pitsuwan, n'y est pas allé de main morte. En effet, en 2012, il a affirmé que le Canada savait qu'il avait été plutôt absent de la région, et j'oserais dire que peu de choses ont changé depuis.
En fait, nous avons été pris de court par le pacte de sécurité entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie. L'Australie est considérée comme un partenaire sérieux en matière de défense et de sécurité dans la région indopacifique. Le Canada ne fait manifestement pas partie de ce premier groupe. L'Australie a été mentionnée à sept reprises dans la stratégie indopacifique des États-Unis qui vient d'être publiée. Le Canada, pas une fois. On ne nous a pas mentionnés du tout.
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Monsieur le président, distingués membres du Comité, merci de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui de la menace que représentent pour notre sécurité et notre démocratie les opérations d'influence et de désinformation en provenance de l'étranger.
En plus d'être chercheur principal à l'Institut Macdonald-Laurier et à l'Institut de la Conférence des associations de la défense, je suis le directeur de DisinfoWatch, une plateforme qui se consacre à la surveillance et à la dénonciation de la guerre de l'information menée à partir de l'étranger à l'endroit du Canada et de nos alliés, et qui aide les Canadiens à développer les ressources cognitives qui leur permettront de reconnaître et de rejeter les activités de désinformation et d'influence.
Comme l'ont souligné à maintes reprises le milieu canadien du renseignement et le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, la menace de la guerre de l'information et des opérations d'influence menées depuis l'étranger — connue sous le nom plus général de « guerre cognitive » — est persistante et elle va en augmentant. Le Canada est une cible importante pour les acteurs chinois, russes et iraniens qui cherchent à manipuler nos médias, nos élus, notre société civile, nos forces armées, nos communautés ethniques et les intérêts canadiens au moyen d'opérations de désinformation.
Lors des élections fédérales de 2021, DisinfoWatch a d'abord alerté les Canadiens d'une campagne d'influence coordonnée et alignée sur le gouvernement chinois, qui comprenait de la désinformation sur les plateformes médiatiques d'État chinoises. Le DFRLab — le laboratoire de recherche médico-légale numérique du Conseil de l'Atlantique — et des chercheurs de l'Université McGill ont ensuite publié des conclusions similaires.
Depuis le début de 2020, nous observons que les médias d'État russes et leurs mandataires tentent de diviser notre société en faisant la promotion en sol canadien de récits qui misent sur les sentiments de peur, de colère et de confusion qui ont grandi au sein du public durant la pandémie de COVID‑19.
Je tiens à souligner que le Kremlin n'a aucune idéologie ni aucune valeur en commun avec les principaux partis politiques canadiens. La seule idéologie de Vladimir Poutine est la corruption et le pouvoir. À ce titre, nos valeurs démocratiques représentent une menace existentielle pour son régime, et c'est pour cette raison qu'il nous prend pour cible. Vladimir Poutine ne peut rivaliser qu'avec des nations démocratiques qui sont divisées et dont les alliances de défense, comme l'OTAN, sont rompues.
Pour y parvenir, les acteurs étatiques russes qui opèrent dans l'ombre des extrêmes politiques de gauche et de droite cherchent à diviser notre société en érodant les liens sur lesquels elle repose. Aux États-Unis, nous avons vu des acteurs étatiques exploiter les troubles civils, les problèmes environnementaux et d'autres questions politiques névralgiques. Au Canada, nous avons récemment vu les médias d'État russes exploiter les manifestations entourant la COVID en faisant la promotion de voix radicales qui cherchent à renverser ce gouvernement démocratiquement élu qui est le nôtre.
Nos forces armées en Lettonie et en Ukraine ont également été la cible de la guerre de l'information orchestrée par les Russes. Dans le but de subvertir la confiance des russophones de Lettonie à l'égard de la mission et des troupes canadiennes de l'OTAN, les médias d'État russes ont publié en 2017 un reportage outrageusement faux à leur propos. Le reportage présentait des photos d'un ancien officier canadien et tueur condamné, Russell Williams, portant des sous-vêtements féminins, et affirmait faussement que ce dernier dirigeait une armée canadienne gay qui avait pour mission de convertir les Lettons à l'homosexualité.
Pour rester au pouvoir, Vladimir Poutine a besoin que son peuple croie que la Russie est dans un état constant de conflit et de crise avec des ennemis qui sont tout autour d'elle, et que lui seul peut protéger son peuple contre cette menace. C'est une raison importante pour laquelle il a créé la crise actuelle aux frontières de l'Ukraine et de l'OTAN. Vladimir Poutine cherche à faire croire aux Ukrainiens, aux Canadiens et au monde occidental que l'OTAN et nos amis en Ukraine ont provoqué la crise qu'il a lui-même fabriquée.
Il veut faire croire à tous que l'OTAN a encerclé la Russie et que des pays comme l'Ukraine, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie et, oui, même le Canada, constituent une menace pour la souveraineté de son pays. Le gouvernement russe veut également nous faire croire que l'Ukraine ne vaut pas la peine d'être défendue. C'est pourquoi les médias d'État russes colportent cette fausse information selon laquelle le gouvernement ukrainien serait contrôlé par des néonazis alors qu'en réalité, il est dirigé par un gouvernement démocratiquement élu dont le président est un membre de la communauté juive de l'Ukraine.
Un rapport de 2019 des médias d'État russes a même accusé la communauté ukraino-canadienne de contrôler notre politique étrangère. Il s'agit d'un récit de théorie du complot qui vise directement à délégitimer la voix de cette communauté et à la discriminer. Nous avons déjà vu cette tactique utilisée à l'endroit d'autres communautés minoritaires.
La guerre cognitive, la désinformation et les opérations d'influence, ainsi que la cybernétique, constituent le champ de bataille principal de la guerre au XXIe siècle. Notre gouvernement et nos forces armées doivent être dotés des ressources nécessaires pour se défendre contre cette menace croissante qui pèse sur notre sécurité et notre démocratie. Le Canada devrait prendre des mesures immédiates en imposant des sanctions économiques aux diffuseurs d'État russes et chinois afin de limiter leur capacité de polluer notre environnement informationnel et d'en tirer profit.
Enfin, la compréhension de la guerre cognitive par le gouvernement canadien doit aller au‑delà de celle qui se focalise principalement sur les élections et les médias sociaux. Comme beaucoup d'entre nous l'ont répété à plusieurs reprises au cours des dernières années — dont notre communauté du renseignement —, cette menace est persistante et elle va croissant. Nous devons commencer à prendre la guerre cognitive au sérieux. À cette fin, nous devrions d'entrée de jeu mettre sur pied un groupe de travail pour apprendre de nos alliés, et nous doter des capacités et des ressources nécessaires pour défendre notre démocratie contre les menaces de cette guerre.
Merci, monsieur le président. J'ai hâte de répondre à vos questions.
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Pour l'instant, je vais focaliser ma réponse sur la Russie.
Nous savons qu'au cours des deux dernières années, pendant la pandémie, le gouvernement russe a concentré ses efforts de désinformation sur l'exploitation de la pandémie et de la COVID. En fait, l'Union européenne nous avait déjà prévenus en mars 2020 que le gouvernement russe allait agir de la sorte. Nous savions dès le début qu'il allait chercher à amplifier les effets de la COVID et à utiliser la pandémie pour nous diviser et pour éroder les liens de confiance au sein de nos sociétés.
Plus tard cet été‑là, en août 2020, nous avons assisté à Berlin à des manifestations d'envergure contre la vaccination et le confinement, manifestations qui ont été couvertes en direct par la télévision russe et assurément promues par elle. Cela a eu pour effet de légitimer ces protestations.
Encore une fois, il se peut que ces protestations soient légitimes. Les gens ressentent ces émotions. Ils ont peur. Il y a confusion au sujet de la COVID. Une bonne partie des gens qui protestent sont de bonne foi. Le fait est que la Russie profite de ces peurs et de ces émotions pour promouvoir chez ces gens un discours anti-gouvernement. C'est ce que nous avons vu se dessiner au cours des dernières semaines à Ottawa. Je ne crois pas que la Russie ait joué un rôle dans la mise en œuvre de ce qui s'est produit à Ottawa, mais cela alimente certainement les éléments extrémistes liés à ce mouvement. C'est l'un des moyens que les Russes utilisent pour tenter de saper notre démocratie et d'éroder la confiance des Canadiens à l'égard des médias, de leur gouvernement élu et, en fin de compte, de leurs concitoyens.
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Dans le contexte de la COVID?
M. Darren Fisher: Oui, dans le contexte de la COVID.
M. Marcus Kolga: Elle a été persistante. Elle est là depuis le début. Nous avons vu la transformation de ces protestations et l'intégration des discours anti-gouvernement. Nous avons vu cela se produire dès l'automne 2020, lorsque les premières manifestations ont eu lieu au Canada. Je crois que la première s'est déroulée à Montréal. Ces discours anti-gouvernement n'ont jamais quitté ces manifestations. De toute évidence, les acteurs étatiques, les plateformes mandataires russes — dont l'une se trouve ici même au Canada, à Montréal, en fait — et les médias d'État russes ont utilisé ces discours. Ils les ont amplifiés. Ils les ont légitimés.
Ils s'en servent pour diviser les Canadiens et faire en sorte que ces mouvements anti-masque, ces mouvements anti-confinement et les discours anti-gouvernement qu'ils colportent se durcissent. À cause de cela, notre société devient de plus en plus divisée.
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C'est incroyable. Merci beaucoup pour cette réponse.
J'aimerais revenir quelques années en arrière. La dernière fois que j'ai siégé au comité de la défense nationale, c'était de 2016 à 2020. Je ne me souviens pas exactement du moment où cela s'est produit, mais un jour, je consultais Facebook et j'ai vu... Vous êtes un spécialiste des communications et des stratégies médiatiques, et votre présence parmi nous est tout à fait à propos, car je souhaite poser cette question à quelqu'un depuis longtemps.
N'importe qui peut être une source médiatique aujourd'hui. Dans un bulletin d'informations fort professionnel, d'origine russe, je crois, on affirmait qu'un navire américain avait tiré sur des Russes en Méditerranée ou quelque chose du genre. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais quand j'ai regardé les partages dans le coin inférieur, j'ai vu que cette vidéo avait été partagée 25 000 fois. C'était sans contredit une vidéo de désinformation sur Facebook. Si des Américains attaquent des Russes, ou que des Russes s'en prennent à des Américains, il ne fait aucun doute que les médias traditionnels vont en parler.
Vous souvenez-vous de cela? C'était tellement léché, tellement bien réalisé, que je peux tout à fait comprendre pourquoi c'était crédible aux yeux de la population, qui l'a partagé comme si c'était un fait.
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Rapidement, j'ai deux réponses à vous donner.
La Russie est devenue une spécialiste des fausses informations. Dans le passé, elle a utilisé des scènes tirées de jeux vidéo dans des reportages télévisés qu'elle disait véridiques.
L'autre chose, c'est que les médias d'État russes ne se limitent pas à Russia Today, ou RT. Ce n'est pas la seule plateforme au service du pouvoir. Il s'appuie sur les plateformes en ligne, que ce soit YouTube ou son propre site Web, et beaucoup du contenu qui y est affiché est partagé, comme vous le dites, à très grande échelle sur des plateformes comme Facebook, malheureusement, et Twitter.
Le pouvoir se fie non seulement à la télévision, mais aussi aux médias en ligne. Le problème, c'est que les informations sur ces plateformes sont partagées à très grande échelle.
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Il faut faire des choix difficiles. Comme M. Kolga vient de le dire, il y a des cyberattaques et de la cyberinfluence dans les médias sociaux au Canada. La question est de savoir qui devrait s'en occuper. Dans le cas de certains points soulevés par M. Kolga, ils relèvent du Centre de la sécurité et des télécommunications, ou CST. Ce n'est pas vraiment au ministère de la Défense d'intervenir, bien qu'il doive évaluer la situation.
Au‑delà de l'infiltration dans les médias sociaux, les attaques ou le piratage visant notre propriété intellectuelle constituent un aspect auquel il faut prêter beaucoup plus attention. Il est important de rappeler au Comité que Huawei est l'une des plus grandes sociétés de télécommunications au monde aujourd'hui, sinon la plus grande, parce qu'elle a excellé dans ses efforts pour voler la propriété intellectuelle de Nortel, que l'on retrouve aujourd'hui dans son équipement.
Toutefois, quand on en vient à nos forces armées, l'acquisition de nouveaux navires de combat de surface est une progression dans la bonne direction. Ces navires vont jouer un rôle extrêmement important. En même temps, ils seront très vulnérables aux missiles de croisière hypersoniques et autres armes du genre. C'est aussi vrai pour nos alliés. Nous avons absolument besoin de ces 88 nouveaux chasseurs à réaction. Nous aurions dû les acquérir il y a longtemps déjà.
Notre problème ne se trouve pas tant dans la direction que nous prenons que dans l'extrême lenteur et l'incroyable inefficacité qui caractérisent notre progression. Chaque fois que le gouvernement change, des programmes sont annulés et des projets sont mis en veilleuse, pour ensuite faire l'objet d'une décision quatre ans plus tard. Prenons l'exemple des hélicoptères de M. Chrétien, tiens.
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Merci, monsieur Hampson.
Quant au rôle que le ministère de la Défense nationale doit jouer, je me demandais justement si certaines opérations étaient effectivement de son ressort. Dans le cas des opérations de propagande militaire, cependant, je ne peux pas croire qu'elles ne relèvent pas directement du ministère de la Défense nationale.
Dans ce contexte, on comprend que les opérations psychologiques sont souvent réservées à la Force de réserve. C'est elle qui s'en occupe, plutôt que la Force régulière. Toutefois, il y a une perte d'expertise, étant donné qu'il y a un grand roulement de personnel au sein de la Force de réserve.
Devrait-on, de façon prioritaire, s'assurer de maintenir cette expertise au sein de la Force régulière?
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Je vais vous répondre très rapidement.
Je crois qu'il est extrêmement important que nos forces soient équipées pour gérer la guerre cognitive. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, c'est le champ de bataille du XXIe siècle, et nos forces sont couramment la cible d'attaques du genre, surtout à des endroits comme la Lettonie et l'Ukraine. Nous devons nous assurer que nos forces disposent des ressources nécessaires pour se protéger.
Pour revenir à votre question précédente sur la répartition de nos ressources, nous avons besoin d'agents de dissuasion à l'OTAN et nous devons appuyer notre mission en Lettonie en y consacrant plus de ressources, peut-être aussi travailler au sein de l'OTAN pour qu'il y ait une mission permanente dans les pays baltes pour freiner les ardeurs de Vladimir Poutine. C'est une avenue à explorer, car les agents de dissuasion représentent le type de pouvoir qui empêchera Vladimir Poutine d'agir comme il le fait actuellement en Ukraine.
Enfin, je vous citerais l'Arctique, comme je l'ai précisé plus tôt. Vladimir Poutine procède à une mobilisation massive en Arctique. Nous devons être mieux préparés aux activités russes et à certaines activités chinoises dans cette région. Actuellement, notre manque de préparation est déplorable.
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Je ne peux pas vraiment parler du mode de financement de ces mouvements, surtout ceux à Ottawa en ce moment. Je peux toutefois me prononcer sur la première partie de votre question, soit les plateformes de substitution.
Il y a tout un écosystème de désinformation créé par le gouvernement russe. Nous parlons ici de RT, le média d'État, mais aussi de ces plateformes de substitution qui sont en quelque sorte... On ne peut pas dire qu'elles sont manifestement financées ou contrôlées par le média d'État ou le gouvernement russe, mais elles s'alignent indéniablement sur le Kremlin, partagent ses valeurs et participent à la promotion de son discours.
La plateforme montréalaise que j'ai citée plus tôt a été débusquée par le Global Engagement Center du département d'État américain il y a un an et demi environ. Il s'agit de Global Research, une plateforme qui, durant la pandémie, publiait régulièrement des théories du complot extravagantes, certaines parmi les plus folles que vous puissiez imaginer, le genre de théories du complot que propose QAnon. Par exemple, une théorie veut que les grandes pharmaceutiques injectent aux Canadiens, entre autres, des vaccins contre la COVID qui débordent de graphène et de diverses substances qui permettent à ces grandes pharmaceutiques et aux principaux gouvernements occidentaux de suivre les gens à la trace.
Certaines des théories publiées sur Global Research sont reprises dans d'autres sites Web, y compris celui du média d'État russe, en plus d'être partagées à très grande échelle à partir de Global Research. Cette plateforme donne également au gouvernement russe un moyen de diffuser son discours de façon plus acceptable, puisqu'elle lui sert d'intermédiaire. Les personnes qui pourraient être mal à l'aise de partager le discours qui figure sur des plateformes d'État peuvent être moins scrupuleuses quand cette plateforme a un vernis d'indépendance.
Ces plateformes, pas uniquement Global Research, mais nombre d'entre elles, sont essentielles à la diffusion de ce discours, qui est partagé par énormément d'extrémistes anti-gouvernement, et nous le voyons bien, comme je l'ai dit, depuis deux ans, voire depuis plus longtemps encore. Il faut que le gouvernement canadien examine la question de plus près et travaille avec ses alliés pour veiller à ce que les Canadiens disposent des ressources cognitives nécessaires pour cerner ce type de discours et le rejeter quand ils le croisent.
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Je présume que cette question m'est adressée.
Tout à fait, il y a un risque. Il y a un risque chaque fois que l'on fournit du matériel militaire à un autre État, même aux États dits puissants, car il pourrait être mal utilisé par les autorités ou se retrouver dans de mauvaises mains si l'État s'effondre.
Je crois que l'on peut affirmer que l'Ukraine dispose d'une armée professionnelle et bien dirigée. Le Canada a investi massivement dans sa formation, tout comme d'autres pays, mais en cas d'invasion massive de l'Ukraine et de l'effondrement de l'État, j'oserais dire que les armes peuvent se retrouver dans de mauvaises mains de toutes sortes. C'est le risque que vous courez, mais si vous ne fournissez pas d'armes à l'État ukrainien, malgré ce que beaucoup de gens ont vivement conseillé afin de le rendre en quelque sorte dur à avaler pour la Russie, alors vous courez le risque d'une invasion qui semblera assez facile pour... Je ne dis pas que c'est facile, mais une Ukraine faible sera beaucoup plus facile à attaquer qu'une Ukraine forte.
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Je vous remercie, monsieur le président, et je suis très heureux de pouvoir m'adresser à vous.
Je crois que le traitement des menaces [difficultés techniques] et je veux commencer ma déclaration en proposant un certain nombre d'éléments à prendre en considération qui, je l'espère, aideront votre travail dans l'analyse des menaces.
Tout d'abord, à mon avis, un bon examen des menaces doit comporter deux parties distinctes. La première, relativement objective, porte sur l'intention, la capacité et la probabilité d'actions contre le Canada. La deuxième, subjective cette fois, concerne la façon dont un gouvernement, un ministre, un groupe ou une personne choisit de voir ces actions potentiellement dirigées contre le Canada. Par exemple, un gouvernement peut considérer que l'activité russe dans les pays baltes constitue une menace pour le Canada qui nécessite une intervention de sa part, alors qu'un autre gouvernement peut ne pas être de cet avis.
De toute évidence, la partie subjective évolue avec le temps, notamment parce que les gouvernements changent. Toutefois, la perception des menaces est importante pour les Forces canadiennes parce qu'elles doivent être prêtes à agir efficacement à la demande du gouvernement. Bien qu'il soit important que les gouvernements aient la possibilité de réviser leurs points de vue, je suis d'avis qu'il n'y a pas de consensus national sur ces questions. Cela a des conséquences sur toutes sortes de décisions prises par les gouvernements et, en fin de compte, par les Forces canadiennes, au sujet des priorités.
Mon deuxième point concerne la nature de la guerre actuelle et future à laquelle les gouvernements et les Forces canadiennes doivent se préparer. Il faut éviter consciemment le danger que les directives du gouvernement, la doctrine et la préparation opérationnelle soient orientées vers les menaces passées. Par exemple, il semble peu probable que le Canada et l'OTAN voient des chars russes traverser les plaines d'Europe centrale, ce qui était l'une des principales craintes pendant la guerre froide, mais c'est pourtant une possibilité réelle. Qu'est‑ce que cela signifie? Devrions-nous consciemment renforcer nos armes antichars aériennes et terrestres? La décision et le coût ne sont pas sans importance. Cela a des répercussions majeures pour la doctrine et l'approvisionnement. Je dirais que le Canada est plus susceptible de faire face à des menaces nécessitant une intervention dans le cyberespace et par des forces spéciales et limitées. Cela ne veut pas dire que des forces et une planification plus traditionnelles ne sont pas nécessaires, mais que nous devons repenser cet équilibre.
Un troisième point est la mesure dans laquelle nous, le Canada et les Forces canadiennes, pouvons répartir nos capacités opérationnelles en procédant à un partage avec les alliés. Ce n'est pas une chose facile à faire, mais ce n'est pas impossible. Par exemple, nous dépendons souvent d'un soutien précis des États-Unis. Si nous renonçons à avoir, par exemple, une capacité de défense aérienne et que nous passons un accord avec un autre pays, quelles sont les conséquences sur l'efficacité et la préparation opérationnelle dans ce domaine?
Ce dernier point est étroitement lié à ce que je crois être un fait accepté. Il est peu probable que le Canada affronte seul une menace extérieure de quelque importance. C'est soit par l'entremise de nos alliances établies, NORAD et l'OTAN, soit par une alliance ponctuelle que nous allons faire face à cette menace. Dans la pratique, cela signifie également que les deux éléments de menace dont j'ai parlé précédemment sont très probablement le fruit d'un consensus. La question que je me pose est de savoir dans quelle mesure le Canada peut raisonnablement définir seul les menaces qui proviennent de l'extérieur de ses frontières? Je ne pense pas qu'il soit possible de le faire de manière générale. Nous devons tenir compte des idées de nos proches alliés.
Un autre point lié à la partie subjective d'une menace a trait au fait que les gouvernements sont généralement conscients des capacités des Forces canadiennes et qu'il est peu probable qu'ils leur demandent de faire quelque chose qu'elles ne peuvent pas faire efficacement. Ainsi, dans ces circonstances, les Forces canadiennes sont perçues comme étant prêtes sur le plan opérationnel. Il s'agit d'une situation relativement dangereuse, car elle ne tient pas compte de la partie objective des menaces dont j'ai parlé il y a un instant.
Permettez-moi de parler pendant quelques minutes des domaines dans lesquels je pense qu'il y a des lacunes dans la préparation opérationnelle des Forces canadiennes. Le premier, et je pense que les personnes qui ont comparu avant moi l'ont mentionné, est la cybercapacité, tant offensive que défensive. J'ajouterais également qu'à mon avis, il y a matière à discussion ici quant à la partie du cyberenvironnement dont l'armée devrait s'occuper, par opposition au Centre de la sécurité des télécommunications, par opposition à d'autres organismes du gouvernement. Cela ne coûte pas très cher par rapport à d'autres secteurs de la défense, mais les chevauchements ne sont jamais utiles.
Ensuite, il y a notre capacité dans l'Arctique. Nous n'avons pas de bases. Nous avons des communications limitées. Nous exerçons une surveillance limitée et avons probablement un entraînement loin d'être suffisant dans une zone très difficile.
Troisièmement, je pense que nous manquons globalement d'une capacité de surveillance significative contre les menaces russes, chinoises et nord-coréennes. Cela est en grande partie lié à nos activités avec NORAD.
Quatrièmement, je pense que nous devons avoir un certain degré d'accord à l'échelle nationale sur la nature et l'étendue des menaces. Je le mentionne parce que je ne pense pas que cela existe, et aucun gouvernement ne voudra dépenser des milliards de dollars supplémentaires pour les Forces canadiennes à moins qu'il n'y ait un certain consensus national sur les menaces auxquelles nous devons faire face. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle.
Pour conclure, je soutiens que nous devons établir des priorités. Un certain nombre de questions posées par les membres de votre comité l'ont souligné, et je ne pense pas que nous soyons parvenus à le faire. Nous ne pouvons pas effectivement dire que nous allons ignorer l'Europe ou la Chine, mais à l'heure actuelle, nous ne disposons pas d'assez de ressources pour intervenir.
Pour conclure réellement, les FC manquent vraiment de personnel, à la fois parce qu'elles ont des problèmes de recrutement et de maintien de leurs effectifs militaires, et parce que leur plafond des effectifs est probablement trop bas. Je laisse à d'autres le soin de discuter de la question de savoir si les forces possèdent la bonne combinaison de compétences pour le genre de travail auquel nous sommes susceptibles de faire face, mais je ne suis pas convaincu que la preuve en a été faite.
De même — et je précise que d'autres personnes peuvent faire valoir l'argument suivant mieux que moi —, les décisions et les politiques en matière de budgétisation et d'approvisionnement ont souvent un effet négatif sur l'efficacité opérationnelle, car elles rendent l'acquisition d'équipements nouveaux ou de remplacement trop lente, trop compliquée et trop coûteuse.
Je vais m'arrêter là, monsieur le président, mais c'est avec plaisir que j'essaierai de répondre à vos questions.
Je témoigne devant vous en ma qualité d'universitaire et de citoyen privé profondément préoccupé par l'approche adoptée à l'égard des activités du Parti communiste chinois. Selon moi, le livre publié en 1999 et intitulé La guerre hors limites est une référence importante. Je crois — et un certain nombre de mes autres collègues le croient aussi fermement — que nous évoluons dans cet environnement depuis 2000.
Les auteurs, les colonels Qiao Liang et Wang Xiangsui, qui sont tous deux colonels de l'Armée populaire de libération, ont eu l'idée d'adopter une approche multidimensionnelle dans la conduite de la guerre cinétique et non cinétique. Les auteurs ont étudié l'ensemble du spectre de la guerre non cinétique mais ciblée, afin d'englober la diplomatie, les finances, le commerce, la biochimie, la réglementation, la contrebande, la drogue, les médias et l'idéologie, entre autres choses. Cette typologie serait combinée à d'autres formes de guerre plus connues, comme la guerre nucléaire, la guerre conventionnelle, la guérilla et le terrorisme, en tant qu'éventuelle stratégie de guerre de l'APL.
Certains membres de la communauté universitaire et du milieu du renseignement ont fait valoir que la plus grande menace pour la sécurité nationale du Canada et son bien-être économique, c'est l'omniprésence croissante de l'espionnage économique et du renseignement organisés par le Parti communiste chinois. Il ne s'agit pas d'une révélation nouvelle, car les diplomates et les dirigeants des services de renseignement canadiens, comme l'ancien ambassadeur du Canada en Chine, M. Mulroney, M. Fadden et l'actuel directeur, M. Vigneault, ont exprimé clairement et ouvertement leurs préoccupations au sujet des activités croissantes et problématiques du PCC. De plus, des spécialistes sur la Chine, comme M. Burton, ont renforcé ces craintes relatives à l'éventail des activités néfastes exercées par la Chine au Canada et chez nos alliés.
Nos alliés américains ont également fait part de leur malaise — de manière plus agressive, d'ailleurs — face à l'étendue des activités du PCC à l'échelle nationale et internationale. En 2020, à l'Institut Hudson, le directeur du FBI Christopher Wray a affirmé que le FBI ouvrait un nouveau dossier de contre-espionnage lié à la Chine à peu près toutes les 10 heures. De plus, il a déclaré que près de la moitié des quelque 5 000 affaires de contre-espionnage du FBI qui sont actuellement en cours aux États-Unis sont liées à la Chine.
Pour bien comprendre la menace stratégique que le PCC fait peser sur le Canada et ses alliés, il faut savoir que le président Xi considère que le PCC mène une lutte générationnelle en matière de leadership stratégique, économique et technique en vue de remplacer les États-Unis et de dominer le patrimoine mondial. Le plan du président Xi intègre une approche stratégique de l'ensemble de l'État pour permettre à la Chine de devenir non seulement un concurrent économique international, mais aussi la seule superpuissance mondiale.
Du point de vue du renseignement, le spectre des techniques et des méthodologies employées par la bureaucratie et l'appareil de renseignement du gouvernement chinois peut être subtil, diversifié et perfectionné. Le Canada et nos [difficultés techniques] des intrusions au vol de données sur le personnel, l'organisation et ses finances en passant par les aspects plus traditionnels comme la corruption d'individus, l'utilisation du sexe, de l'ethnicité et de la cupidité dans la recherche de renseignements, d'accès ou de documents à caractère confidentiel.
Les Chinois...
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Les dirigeants communistes chinois sont pleinement conscients que pour éclipser l'Occident, ils doivent réaliser des avancées spectaculaires dans tous les domaines de l'innovation et de l'application technologiques. La recherche de la propriété intellectuelle, ainsi que l'infiltration des entreprises, des universités et d'autres centres de recherche et de développement en vue de s'approprier ou de voler la recherche et le développement semblent être une méthodologie cohérente et efficace.
Voici un exemple américain de ce que j'ai décrit précédemment. Le scientifique chinois Hongjin Tan, un résident permanent légitime des États‑Unis, a volé plus d'un milliard de dollars de secrets commerciaux à son employeur, une compagnie pétrolière établie en Oklahoma. Il a ensuite été arrêté, reconnu coupable et envoyé en prison. Certains analystes et observateurs ont affirmé que depuis 2012 et l'arrivée au pouvoir du président Xi Jinping, nous avons assisté à une augmentation spectaculaire des activités de renseignement du Parti communiste chinois au sein des nations occidentales.
Un certain nombre de personnalités du renseignement, de journalistes et d'analystes du PCC affirme que leurs activités de renseignement auraient infiltré divers ordres de gouvernement, qu'ils soient locaux, provinciaux ou fédéraux. Cela a permis aux diplomates, aux administrateurs et au personnel du renseignement du PCC d'avoir accès à ces gouvernements en vue d'influencer les politiques publiques et l'opinion publique canadiennes.
Un certain nombre de citoyens canadiens ont courageusement signalé leurs expériences avec les influenceurs du PCC, et certains politiciens ont constaté une manipulation de la communauté sino-canadienne, comme l'a récemment fait le membre du Parti conservateur, M. Kenny Chiu. En fait, deux chercheurs de l'Université McGill et une étude menée par le Conseil atlantique auraient remarqué que des articles anonymes circulaient sur des applications et des sites Web en langue chinoise, des articles qui dénaturaient un projet de loi d'initiative parlementaire que M. Chiu avait déposé et qui auraient nui à sa campagne électorale de 2021. Cet incident, en soi, doit faire l'objet d'une enquête et d'un examen approfondi.
Dix ans plus tôt, en 2011, CTV News a révélé qu'un député conservateur aurait flirté avec Shi Rong, une journaliste séduisante au service de Xinhua, le média d'État du PCC. Étrangement, ce reportage avait été soupçonné d'avoir des liens avec l'appareil de renseignement chinois.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos collègues de leur présence.
En fait, messieurs Taillon et Fadden, vous m'avez privé d'une grande partie de ce que j'allais dire. Pendant un certain temps, au début des années 2000, j'ai travaillé sur un certain nombre de projets de sécurité interorganismes. Dans le cadre de mon travail, j'ai été choqué de constater combien de fois par jour des acteurs étrangers tentaient de compromettre nos systèmes, que ce soit à l'aide de cybermenaces, de perturbations économiques, etc. Dans le cadre de nos travaux, nous avons examiné les menaces potentielles, qu'elles soient cinétiques ou non, comme l'a mentionné M. Taillon, les craintes biologiques, ainsi que les menaces économiques.
Je pense que c'est M. Fadden qui a déclaré qu'il n'y a pas de consensus général sur la menace réelle qui existe.
Pourriez-vous nous indiquer le nombre de fois par jour où des acteurs étrangers tentent de compromettre nos systèmes?
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Je pense que nous devons reconnaître que la rencontre entre la RPC et la Fédération de Russie, si je peux l'appeler ainsi, est de nature tactique. Je crois que les différences en matière de puissance et d'influence sur la planète qui existent en ce moment entre la Russie et la Chine sont telles que ces deux pays n'ont pas et n'auront pas une relation stratégique du genre de celle que nous aurions pu observer entre deux pays ayant des bases plus équilibrées. En revanche, j'estime qu'à court terme, leur capacité à créer des méfaits dans la région indopacifique et en Europe s'en trouve accrue. Je pense que leur incidence sera assez significative, en particulier, s'ils commencent à se soutenir mutuellement dans le domaine de la cybernétique.
Pour ma part, je ne crois pas — et je fais peut-être partie d'une minorité — que la Russie envahira l'Ukraine de la même manière que les nazis ont envahi la Pologne pendant la Seconde Guerre mondiale. Je pense qu'ils vont plutôt continuer d'utiliser toute une série d'instruments. Il est probable que ce sera aussi le cas pour la Chine. Ils ne veulent pas s'emparer des autres pays. Ils veulent accroître leur contrôle indirect et leur influence bien au‑delà de leur état actuel.
À mon avis, le problème, c'est que l'Occident n'a pas encore tout à fait compris ce qui est en jeu. Je veux dire, qu'est‑ce qui constitue une guerre, et qu'est‑ce qui n'en est pas une, lorsque vous pouvez utiliser des cyberattaques pour détruire l'infrastructure d'un pays, ce qui entraînerait immédiatement une déclaration de guerre, si c'était fait de manière cinétique?
Je pense qu'à court terme, l'alliance entre la Russie et la Chine est acceptable. Elles collaboreront, mais je ne crois pas que cette relation se poursuivra à long terme.
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Je ne voulais pas dire que nous devrions dépendre plus d'eux. Je pense que nous devrions dépendre davantage les uns des autres. Je pense qu'aujourd'hui, aucun pays, même les États-Unis, ne peut fonctionner seul et faire face à la Chine, à la Russie et à un certain nombre d'autres États qui causent beaucoup de difficultés.
Le Canada pourrait, dans un premier temps, reconnaître cette nécessité et, dans un deuxième temps, payer les pots cassés. Notre pays n'a pas beaucoup investi dans le domaine militaire au cours... Il ne s'agit pas d'un commentaire partisan. Nous ne l'avons jamais fait; nous ne le faisons tout simplement pas. Nous ne l'avons pas fait depuis la Seconde Guerre mondiale, en partie, je pense, parce que nous ne percevons pas de menace.
J'estime que nous devons commencer à contribuer davantage à l'OTAN. Nous devrions selon moi développer une vision de ce que nous allons faire dans la région indo-pacifique, et je pense que l'Australie et le Japon sont deux pays avec lesquels nous pourrions commencer à traiter beaucoup plus que nous ne l'avons fait dans le passé.
L'une des choses qui m'ont frappé lorsque je travaillais encore et que je visitais ces régions du monde est que tout le monde était ravi de me voir, mais qu'après nos réunions officielles, nous prenions un café ou une bière, et ils me disaient: « Vous savez, nous sommes heureux que vous soyez là, mais cela fait huit ans que nous n'avons pas vu un ministre fédéral, et nous n'avons pas vu de navire de guerre depuis 1953 ». Nous devons faire preuve de constance dans le temps et tous les intervenants doivent fournir des efforts soutenus, du chef du gouvernement aux officiers subalternes responsables, au sein de l'armée, du ministère de la Défense et d'Affaires mondiales.
Tant que nous ne le ferons pas, il sera difficile pour les autres pays de nous prendre au sérieux. Je ne dis pas que nous papillonnons, car je ne pense pas que ce soit le cas, mais nous ne sommes pas très cohérents lorsque nous décidons de faire quelque chose.
Je pense que le Japon, qui est une puissance moyenne importante qui souhaite vivement travailler davantage avec le Canada, est un très bon exemple. Nous pourrions faire beaucoup plus.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai envie de pousser plus loin plusieurs questions déjà posées par mes collègues, mais j'aimerais d'abord revenir sur des éléments que Mme Lambropoulos vient de soulever, notamment la perception de la population en général.
Les deux témoins ont parlé, entre autres, d'espionnage industriel et de propriété intellectuelle, ce qui peut sembler relever davantage du milieu civil que du milieu de la défense nationale.
Je voudrais entendre vos commentaires sur la pertinence de bien s'assurer que la population comprend que cela peut représenter des menaces à la sécurité nationale.
J'aimerais aussi que vous me disiez qui devrait réellement assumer le rôle en matière de protection. On peut avoir l'impression que, dans certains cas, cela relève du Service canadien du renseignement de sécurité et que, dans certains autres cas, cela relève davantage du ministère de la Défense nationale.
Est-il possible que l'un et l'autre se renvoient la balle? Autrement dit, quand c'est le travail de tout le monde, ultimement, ce n'est le travail de personne.
J'aimerais entendre vos commentaires à tous les deux sur cet aspect.
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D'accord, je vais essayer de répondre à votre question.
Vous posez une excellente question.
Je pense que la sécurité nationale doit être définie d'une façon relativement large, aujourd'hui. Ce n'est pas le même contexte que dans les années 1950, où le seul risque réel était une invasion russe. On peut porter atteinte à la souveraineté d'un pays au moyen d'une ingérence militaire, mais aussi en lui faisant perdre le contrôle de son économie. Je pense que c'est effectivement ce qui se passe en ce moment. Le vol de la propriété intellectuelle au Canada est abominable. Cela se passe non seulement au Canada, mais partout en Occident.
L'élément clé repose sur une définition relativement plus large de la sécurité nationale. Je ne parle pas d'une définition à ce point large qu'elle ne veut plus rien dire, comme ce que vous suggérez. Néanmoins, ce n'est pas la même situation que durant les années 1950 et 1960.
Qui devrait s'occuper de la protection? C'est une excellente question. Cela relève de l'appareil gouvernemental, qui est de la responsabilité principale du premier ministre.
Je pense qu'on ne devrait pas donner aux Forces canadiennes la responsabilité de protéger le secteur privé. C'est plutôt le Centre de la sécurité des télécommunications qui doit assumer cette responsabilité, avec l'aide du Service canadien du renseignement de sécurité. Il doit effectivement y avoir une collaboration entre les organismes. Comme je l'ai suggéré à l'un de vos collègues, je pense qu'une approche pangouvernementale est cruciale, ici. Nous n'avons pas suffisamment de ressources pour que l'un et l'autre commencent à jouer au fou; j'exagère, mais c'est une image pour appuyer mes propos.
Essentiellement, les militaires devraient se préoccuper de ce qui se passe à l'extérieur du pays, tout en restant très bien informés de ce qui se passe ici, et il devrait revenir au CST de protéger le secteur privé, avec l'aide d'un ministère ou d'un autre organisme. À cet égard, nous devrions donner au CST un mandat beaucoup plus public et beaucoup plus clair.
De plus, il faudrait insister sur le fait que, lorsque le secteur privé fait l'objet d'une invasion cybernétique, il faut toujours s'assurer d'en parler. L'une des difficultés que nous avons présentement, c'est que l'organisation visée ne veut jamais en parler, parce qu'elle risque de subir des conséquences financières. Il est vrai qu'on a l'obligation d'en faire rapport de temps à autre, mais lors de circonstances bien particulières. Aux États‑Unis, par contre, chaque fois qu'une invasion cybernétique a lieu, on doit en faire rapport au gouvernement fédéral. Je vous suggérerais de suivre la même règle; à mon avis, ce serait utile.
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Je me répète un peu, mais je pense qu'une des raisons est que nous n'avons pas senti qu'il s'agissait d'une menace très forte. Si le gouvernement ou le public en général ne ressent pas une menace, le Parlement ne va pas accorder les ressources nécessaires pour lancer ce genre d'initiative.
Je pense qu'il est important de se rappeler qu'aux États‑Unis, la National Security Agency, qui s'occupe de ces questions, est une organisation mixte, c'est-à-dire une organisation militaire et civile. Ces questions ne sont donc pas traitées uniquement d'un point de vue militaire. Je pense que la solution est vraiment de ce côté. Il faut impliquer les deux côtés de la médaille: le civil et le militaire.
Je pense qu'au Canada, on commence petit à petit à s'en préoccuper. Du moins, on s'en préoccupe beaucoup plus qu'on ne le faisait il y a quelques années. Néanmoins, on prend toujours du retard.
De façon générale, le problème, c'est qu'on ne sent pas la menace.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suppose que ceci pourrait en fait être un prolongement de ce à quoi Mme Normandin voulait en venir. Lundi, nous avons entendu, au sein de ce comité, que le Canada devait se concentrer, que nous n'avions pas la capacité de nous concentrer sur l'Europe et la Chine et de défendre nos propres frontières arctiques, et que nous devions nous concentrer davantage, choisir une voie et être réellement efficaces. Plus tôt aujourd'hui, nous avons entendu que nous devions investir davantage. Nous devons tout couvrir. Nous devons être conscients de la réalité de la menace que représentent la Chine et la Russie, et de ce que le monde attend de nous. Nous venons de tenir cette discussion.
Monsieur Fadden, vous avez dit que nous sommes très en retard et que nous n'avons jamais réellement pris conscience des menaces qui pèsent sur nous ou sur le monde, et que c'est peut-être parce que nous nous sommes si fortement appuyés sur les États-Unis. Peut-être pourriez-vous formuler des commentaires et donner votre opinion à ce sujet en fonction de ce qui nous a été dit lundi au sujet de cette concentration, nous expliquer pourquoi nous devrions ou non le faire, et nous éclairer un peu plus sur cette question.
Tout d'abord, je ne pense pas qu'il s'agisse d'un choix binaire. J'estime que le monde est aujourd'hui suffisamment intégré pour que nous ne puissions pas simplement dire que nous allons nous concentrer uniquement sur la région indo-pacifique ou sur l'Europe, ou que nous allons nous concentrer uniquement sur le terrorisme ou sur ceci ou sur cela. Nous devons répartir un peu notre attention et nos ressources. Je dirais que nous devons établir des priorités, ce qui ne revient pas à choisir l'un ou l'autre. Que nous le voulions ou non, nous sommes une nation occidentale et cela signifie que nous sommes liés, dans une large mesure, à l'Europe. Nous faisons beaucoup de commerce avec elle, et nos liens avec elle sont historiques. Nous ne pouvons pas ignorer l'Europe, ni la Russie, qui est notre voisine.
D'un autre côté, si nous voulons affronter efficacement le monde d'aujourd'hui, nous devons, de concert avec nos alliés, agir vis-à-vis de la Chine. Je crois savoir que le gouvernement élabore une politique indochinoise. Je pense qu'il s'agit d'une bonne chose, mais je ne comprends pas comment nous pouvons avoir une politique indochinoise en l'absence d'une politique étrangère plus large qui tente de répondre à ces questions de priorité.
Je pense que nous pourrions être un peu plus proactifs relativement à un certain nombre de dossiers, mais je pense aussi que nous avons besoin de plus de ressources. Je ne parle pas seulement des Forces canadiennes, mais également d'Affaires mondiales Canada, du Centre de la sécurité des télécommunications, du Service canadien du renseignement de sécurité, etc., pour montrer à nos alliés que nous prenons tous ces dossiers au sérieux. Je ne pense pas que les alliés nous ignorent. Nous apportons une contribution. Nous parlons de niveaux de contribution en ce moment, et pour un pays du G7, nous faisons moins que beaucoup de nos partenaires.
C'est une réponse inadéquate à votre question, mais je ne peux que soutenir que nous ne pouvons pas choisir seulement l'un ou l'autre. Nous devons établir des priorités. Comme j'essayais de le suggérer à Mme Normandin, nous devons nous montrer persistants et cohérents une fois que nous avons opté pour une voie particulière. Le fait de simplement s'y intéresser de façon ponctuelle, d'essayer de régler un problème et de le laisser tomber dans l'oubli... Je tiens à souligner à nouveau qu'il ne s'agit pas d'un commentaire partisan. C'est ce que nous faisons depuis des décennies. Nous devons faire preuve de persévérance et de cohérence dans le développement de nos relations avec nos alliés, bien plus que nous ne l'avons fait par le passé.
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À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, nous avions un million de personnes sous les armes. Nous étions la quatrième force armée du monde en importance. Nous avons essentiellement entretenu cette impression très positive auprès de nos alliés et de nos amis jusqu'aux années 1980. Nous avons ensuite commencé à échouer, non seulement en matière de défense et d'affaires étrangères, mais nous avons aussi commencé à nous replier sur nous-mêmes, à mon humble avis. Je pense qu'il est temps. Comme l'a dit M. Fadden, nous devons être présents sur le terrain et être vus. On parle beaucoup d'envoyer plus de soldats de la paix, mais il n'y a pas tant de paix que ça à maintenir. J'ai participé à environ cinq missions de maintien de la paix et j'ai été la cible de tirs lors de trois d'entre elles. Il n'y a pas tant de paix que cela.
L'autre aspect est que nous devons être très étroitement affiliés et liés à nos alliés les plus proches, les États-Unis, en particulier, pour des raisons économiques et commerciales évidentes. De plus, lorsque nous regardons la région du Pacifique, nous devons envisager l'AUKUS, qui a été signé. Tout récemment, les Australiens et les Japonais ont conclu un accord. Nous devons nous renforcer au sein de l'OTAN. Nous nous sommes retirés dans les années 1980. Nous voulions les dividendes de la paix, et nous avons payé le prix fort. Pour être franc, les forces armées sont dans un état lamentable.
C'est terrible à dire. Il y a eu du changement à cause de l'Afghanistan. Nous avons heureusement obtenu des fonds grâce à cela. Ce n'est pas une façon de faire. Si vous voulez une armée, elle doit être prête à se battre à tout moment, surtout dans le monde d'aujourd'hui.
Nous avons vu la panique au sein de l'UE et de l'OTAN causée par ce qui se passe en Ukraine, qui pose effectivement problème. S'il y a quelque chose à tirer de ceci, c'est que tout à coup, Poutine, aux yeux de son peuple, est considéré comme un véritable acteur, parce qu'absolument tout le monde au sein de l'Union européenne et de l'OTAN est allé lui faire des courbettes. Il a remporté une impressionnante victoire psychologique simplement en déployant des troupes.
D'après ce que j'ai entendu jusqu'à aujourd'hui, ce retrait est essentiellement un redéploiement le long de la frontière. C'est quelque chose qui doit être attendu et vu pour être confirmé.
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Je peux essayer de commencer de cette façon.
Je ne sais pas dans quelle mesure les Russes ont été impliqués dans ces difficultés. Je ne sais pas dans quelle mesure d'autres groupes, des groupes terroristes, ont pu insérer leurs points de vue dans cette affaire. Je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a un problème de respect de la loi, qu'il s'agisse de la loi antiterroriste ou des lois relatives à l'ingérence étrangère, ou de toute autre loi, et permettre aux autorités nationales chargées de l'application de la loi de régler le problème comme elles l'entendent.
Je ne veux pas me lancer dans un débat visant à déterminer si la Loi sur les mesures d'urgence est une bonne ou une mauvaise chose, mais il s'agissait d'un outil mis à la disposition du Parlement, du gouvernement au pouvoir, et ils ont choisi de l'utiliser. Pour ma part, et j'écoute les médias et je parle à des personnes, je ne pense pas qu'un argument convaincant ait été avancé pour prouver que cette manifestation a été dirigée par les Russes ou par des terroristes, pour utiliser un langage quelque peu exagéré. Je ne serais pas surpris que différentes personnes, par l'entremise des médias sociaux, tentent de rendre la situation pire qu'elle ne l'est réellement.
Je dirais que ce qu'il faut faire maintenant est laisser les forces de l'ordre faire leur travail, et ce, aussi efficacement que possible. Si je comprends bien, un certain nombre de blocages à l'extérieur d'Ottawa ont été résolus. En tant que résident d'Ottawa, j'espère profondément que nous pourrons très bientôt dire la même chose de notre ville.
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Monsieur le président, merci beaucoup.
Monsieur Fadden, c'est un plaisir de vous revoir parmi nous.
Monsieur Taillon, merci beaucoup de vos bons services, merci de nous faire profiter de votre expertise.
Monsieur Fadden, je m'adresserai d'abord à vous. Je n'ai pas beaucoup de temps, mais j'aimerais aborder l'idée d'une définition élargie de la sécurité.
Nous analysons actuellement les menaces ayant une incidence sur le Canada. Il y a actuellement 12 opérations de paix de l'ONU en cours sur la planète: au Sahara occidental; en République centrafricaine; au Mali, une opération à laquelle le Canada a grandement contribué et que ce comité a examinée d'ailleurs il y a quelques années; en République démocratique du Congo; sur le Plateau du Golan; à Chypre; au Liban; dans la région d'Abyei, au Soudan; au Kosovo; au Sud-Soudan; en Inde et au Pakistan; au Moyen‑Orient, avec l'ONUST.
Comment tenez-vous compte de ces opérations dans le contexte de ce dont nous parlons maintenant, c'est‑à‑dire de conflits véritablement probables avec ou entre de grandes puissances qui touchent très directement le Canada? Ces opérations de maintien de la paix sont très importantes, indirectement, mais elles sont importantes aussi pour défendre les valeurs que nous épousons de même que pour respecter les engagements que nous avons pris envers le système de l'ONU.
Lorsqu'on nous demande d'augmenter le financement de l'aide au développement international, qu'il s'agisse d'aide humanitaire, d'aide au développement ou de défense, comment tenons-nous compte de nos obligations multilatérales au sein des Nations unies?
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Wow! On pourrait prendre une heure rien que pour essayer de répondre à cette question. C'est une bonne question.
Pour commencer, j'insisterais sur le fait que la longue liste que vous avez dressée devrait être divisée entre les opérations qui sont légitimement des opérations de maintien de la paix et quelques autres, qui sont plutôt des opérations de rétablissement de la paix. Je pense qu'elles doivent être traitées quelque peu différemment. Tout dépend aussi du niveau de développement des pays concernés.
Prenons le Congo, par exemple, c'est une opération de rétablissement de la paix. Le pays est presque en faillite. Je ne pense pas que l'ONU ait reçu suffisamment de ressources — pour l'aide au développement international, la diplomatie et les activités militaires — pour s'attaquer à ce problème. C'est un exemple, mais nous avons souvent sérieusement envisagé de nous investir davantage au Congo. Or beaucoup de gens ont dit que cela n'en valait pas la peine, au fond, parce que nous n'avions pas une assez grande force de frappe pour faire une différence.
Je pense que nous devons être très sélectifs quand nous déterminons à quelles activités de maintien ou de rétablissement de la paix nous participerons et choisir celles auxquelles nous pouvons véritablement contribuer ou celles pour lesquelles l'ONU nous demande vraiment de l'aide.
Je voudrais aussi préciser, si vous me le permettez, que l'aide militaire ne se résume pas nécessairement à des soldats et des caporaux armés. Un officier très haut gradé de l'ONU qui était chargé du maintien de la paix m'a dit un jour que ce dont ils ont besoin, le plus souvent, ce sont d'officiers d'état-major capables d'organiser des choses. Nous avons de très bonnes fonctions d'état-major dans ce pays, ainsi qu'un bon soutien logistique, mais en petite politique, on veut voir des soldats avec des fusils. Je pense qu'il faut nous frayer un chemin à travers tout cela et être sélectifs.
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Ils cherchent des États vassaux qui peuvent leur fournir des ressources, un marché, sans problèmes. Ils n'aiment pas les relations bilatérales dans les négociations. Ils veulent écraser les individus économiquement, politiquement et, dans certains cas, socialement.
L'autre chose qui est vraiment préoccupante, c'est qu'il devient crucial de faire de l'éducation. Je pense que M. Fadden y a fait allusion. Il faut sensibiliser le public canadien aux menaces et aux vulnérabilités cybernétiques. La Chine s'active sur tous les fronts, essentiellement de manière non cinétique.
Comme je l'ai mentionné dans mes observations, la guerre des stupéfiants est l'un de ses grands problèmes ici. Entre janvier 2016 et mars 2021, 22 828 Canadiens sont morts des opioïdes. Cela a un coût énorme, et pas seulement en vies et en potentiel. Ce que je trouve vraiment inquiétant, c'est que si on veut détruire une nation, il faut la détruire de l'intérieur. Les États-Unis perdent plus de 100 000 personnes par an à cause des problèmes de drogue. Une grande partie des opioïdes viennent de la Chine.
Le simple coût.... Je discutais avec des policiers de la prise en charge d'une personne décédée dans la rue, et cela nous coûte entre 20 000 et 30 000 $, parce qu'il doit y avoir intervention des policiers, de personnel médical, puis la personne est transportée à l'hôpital. Compte tenu de toutes les personnes que nous avons perdues jusqu'ici, s'il nous en coûte 30 000 $ par personne, cela représente 684 840 000 $. S'il nous en coûte moins, soit 20 000 $ par personne, cela donne 486 560 000 $.
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Merci, madame O'Connell.
Au nom du Comité, je tiens à remercier nos deux témoins.
Je suis particulièrement reconnaissant, monsieur Taillon, du fait que quand vous avez participé à ces missions de paix, personne n'a su tirer sur vous avec assez de précision, de sorte que vous êtes ici pour faire profiter de votre sagesse.
Monsieur Fadden, c'était un plaisir de vous revoir. Comme toujours, vous êtes concis, brillant, perspicace.
Vos témoignages nous seront très utiles dans notre étude.
La séance est levée.