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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 054 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 20 mars 2023

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 54e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément à l’article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 30 janvier 2023, le Comité se réunit afin d'amorcer l’étude du système canadien de mise en liberté sous caution.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Conformément à l’ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022, les députés peuvent participer à la séance en personne ou à distance à l'aide de l’application Zoom.
    J'aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et députés.
    Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous faites partie des députés qui participent à la séance à l'aide de l'application Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main » pour intervenir. Le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour vous identifier et pour ajouter votre nom à la liste des intervenants. En ce qui concerne l’interprétation, ceux qui sont présents dans la salle peuvent choisir l'un des canaux suivants: le parquet, l'anglais ou le français. Ceux qui utilisent l'application Zoom peuvent cliquer sur l'icône au bas de leur écran et sélectionner l'une des options suivantes: le parquet, l'anglais ou le français. Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
    Veuillez noter que j'utilise des cartons aide-mémoire. Comme je n'aime pas vous interrompre lorsqu'il ne vous reste plus que 30 secondes, je lèverai le carton jaune. Lorsque votre temps de parole sera écoulé, je lèverai le carton rouge. Je vous demande de respecter les limites de temps.
    Au nom du Comité de la justice, je voudrais prendre un moment pour dire... J'aimerais exprimer mes plus sincères condoléances aux familles, aux amis et aux collègues des agents de police d'Edmonton Jordan et Ryan, qui ont perdu la vie dans l'exercice de leurs fonctions. Je sais que cela tient à cœur à tous. Nous devons nous souvenir d'eux, et j'ai pensé que je devais les mentionner au début de la réunion.
    Nous allons maintenant reprendre notre étude du système canadien de mise en liberté sous caution.
    Nous accueillons aujourd'hui Tom Stamatakis, président de la l'Association canadienne des policiers, et Boris Bytensky, trésorier de la Criminal Lawyers' Association.
    Je vous souhaite la bienvenue. On me dit que lorsque vous aurez tous deux terminé vos déclarations préliminaires, l'honorable Bronwyn Eyre, ministre de la Justice et procureure générale du gouvernement de la Saskatchewan, devrait se joindre à nous à l'aide de l'application Zoom. Je crois qu'elle participe actuellement à une séance de comité et qu'elle ne devrait pas tarder à quitter cette séance.
    Nous allons commencer par vous entendre, monsieur Stamatakis, pendant cinq minutes, après quoi nous amorcerons nos séries de questions.
    Monsieur le président, chers membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui au nom des quelque 60 000 membres de l'Association canadienne des policiers. Pour ceux d'entre vous qui ne le sauraient pas, l'ACP est la plus grande organisation de défense des intérêts des forces de l'ordre du Canada. Ses membres sont présents dans chacune de vos circonscriptions, et elle représente les associations policières locales des quatre coins du pays.
    Je tiens à vous remercier pour le travail que vous réalisez dans le cadre de cette importante étude, d'autant plus que je comparais aujourd'hui moins d'une semaine après l'horrible tragédie dont nous avons récemment été témoins à Edmonton, c'est‑à‑dire le meurtre de l'agent Brett Ryan et de l'agent Travis Jordan, tous deux membres du service de police d'Edmonton.
    Je commencerai ma déclaration en indiquant que j'approuve en général le témoignage que vous avez entendu précédemment de la part de notre ministre de la Justice, l'honorable David Lametti, lequel a exprimé sa confiance dans le système judiciaire du Canada. Les policiers de première ligne jouent un rôle crucial dans la protection du public et le maintien de l'ordre public. Nos membres ont un point de vue unique et éclairé au sujet des nombreux secteurs dans lesquels notre système judiciaire fonctionne, ainsi que de ses défaillances occasionnelles. De mon point de vue, il ne sert à personne de prétendre qu'il n'y a pas d'exceptions dans notre système actuel.
    Malheureusement, certaines de ces exceptions aboutissent à des circonstances tragiques, comme cela a été le cas en septembre de l'année dernière, quand un type dangereux a assassiné deux personnes, dont l'agent de police de Toronto Andrew Hong. L'agresseur avait un lourd passé criminel et continuait manifestement à représenter une menace sérieuse pour la sécurité publique, même s'il avait été remis en liberté à plusieurs reprises. Contrairement à ce que pensent certaines personnes, il ne s'agissait pas d'un incident isolé. En effet, trois mois plus tard, l'agent de la police provinciale de l'Ontario Greg Pierzchala a été abattu dans le comté de Haldimand par deux agresseurs qui avaient également un lourd passé criminel.
    Je ne soulève pas ces cas pour essayer d'examiner après coup les décisions passées, mais seulement pour souligner la nécessité pour tous les partenaires du système judiciaire de s'unir pour résoudre le problème très particulier que les récidivistes violents posent non seulement aux policiers, mais aussi à tous les Canadiens. Nous sommes conscients que la réforme de la mise en liberté sous caution est une question complexe, et nous ne prétendons pas connaître toutes les réponses. Nous nous engageons cependant à travailler avec le gouvernement, les intervenants du système judiciaire et les organisations communautaires pour trouver des solutions équitables, efficaces et non partisanes. Nous aimerions proposer quelques suggestions précises afin que vous les preniez en considération.
    Il faut établir une définition précise du délinquant violent prolifique ou récidiviste afin de donner aux procureurs de la Couronne, aux juges de paix et aux juges tout court un cadre ou un ensemble de lignes directrices à suivre dans le cadre de l'examen des demandes de mise en liberté sous caution, en particulier dans les situations où il existe déjà des dispositions d’inversion du fardeau de la preuve.
    Il faut mettre davantage l'accent sur les obligations des cautions et veiller à ce que les personnes qui se portent garantes subissent des conséquences, en particulier lorsqu'il est prouvé qu'elles sont au courant du non-respect des conditions.
    Il faut augmenter les ressources mises à la disposition du système judiciaire, afin de fournir des procureurs de la Couronne spécialement formés pour plaider ces cas particuliers et de permettre aux accusés détenus sans possibilité de libération conditionnelle d'avoir des procès beaucoup plus rapides; ainsi que les ressources mises à la disposition des services de police de l'ensemble du Canada afin qu'ils puissent cibler les délinquants qui ne respectent pas les conditions qui leur ont été imposées.
    Il faut accroître l'utilisation de la technologie, en particulier la surveillance électronique des délinquants libérés sous caution, afin de contribuer au maintien de la sécurité publique dans nos collectivités.
    Il faut améliorer la collecte de données afin de s'assurer que les politiques élaborées sont fondées sur des données probantes et que leur efficacité peut être évaluée, et afin de mieux comprendre la fréquence des manquements aux conditions de mise en liberté.
    Je tiens à indiquer clairement aujourd'hui que nous ne demandons pas une solution de répression de la criminalité. En tant que responsables de l'application de la loi, nous ne demandons pas une approche axée uniquement sur des mesures punitives. Nous demandons plutôt une approche plus équilibrée qui accorde la priorité à la prévention et à la réadaptation. Nous pensons que la réforme de la mise en liberté sous caution pourrait contribuer à cette approche en garantissant que les personnes qui présentent les risques les plus importants pour le public soient gardées en détention jusqu'à leur procès, tandis que celles qui ne présentent pas de tels risques bénéficient d'une mise en liberté sous caution assortie, le cas échéant, de conditions appropriées.
    Il n'en demeure pas moins que la liberté sous caution est un droit fondamental. La présomption d'innocence est une pierre angulaire de notre système judiciaire. Cependant, en tant que professionnels de l'application de la loi, nous espérons que le Comité et le gouvernement pourront travailler en collaboration afin de déterminer les changements législatifs et administratifs fondés sur des données probantes qui pourraient être apportés pour répondre aux préoccupations que de nombreux témoins qui ont comparu devant votre comité ont soulignées.
    Il y a très peu de questions au Canada qui font l'objet d'un consensus de la part de tous les premiers ministres élus, de tous les ministres provinciaux de la Justice et de la Sécurité publique, des policiers, des commissions de police et des cadres de la police. Cette question est certainement l'une d'entre elles.
    J'attends avec impatience les résultats de l'étude, et je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.
    Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
    Merci, monsieur le président.

  (1540)  

     Merci.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Bytensky pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les membres du Comité d'avoir invité la Criminal Lawyers' Association à témoigner et de m'avoir demandé de vous parler en son nom.
    Notre organisation représente près de 2 000 avocats criminalistes en Ontario et, en fait, dans l'ensemble du Canada. Un grand nombre de nos membres travaillent aux premières lignes des tribunaux des cautionnements chaque jour.
    En plus du travail qu'ils effectuent dans les tribunaux des cautionnements, les avocats criminalistes sont des membres typiques et ordinaires des communautés dans lesquelles nous vivons. Nous nous joignons à tous nos voisins pour rendre hommage aux agents et agentes de police qui mettent leur vie en danger pour aider notre pays à prospérer et pour assurer sa sécurité. Des tragédies, comme la mort de l'agent Grzegorz Pierzchala en décembre et, plus récemment, des agents Travis Jordan et Brett Ryan à Edmonton, nous rappellent à tous, y compris à tous les avocats de la défense, l'énorme engagement quotidien de tous les agents de police.
     Puisse l'un des legs de tous les policiers qui nous ont été enlevés trop tôt être qu'ils ont conduit nos responsables gouvernementaux, y compris votre comité, à réexaminer et à produire un système de libération sous caution plus juste et plus équitable, et pas seulement un système qui incarcère davantage de personnes présumées innocentes.
    Au cours des 20 dernières années, j'ai eu le privilège de plaider plusieurs affaires de premier plan en Ontario, au Manitoba et à la Cour suprême du Canada concernant la question des retards systémiques observés dans les tribunaux des cautionnements. Dans le cadre de certaines des observations que je formulerai aujourd'hui, je souhaite mettre l'accent sur cette question, car je crois que votre comité peut passer un certain temps à l'examiner.
    La position de la CLA peut être résumée en un certain nombre de points. D'autres ont parlé de la présomption d'innocence, du principe de l'échelle et du droit à un cautionnement raisonnable. Pour gagner du temps, nous ne répéterons pas ces principes, mais nous les reconnaissons bien sûr comme le fondement de notre système de cautionnement.
    Il n'est habituellement pas nécessaire d'apporter des modifications législatives au Code criminel pour assurer la sécurité publique ou contribuer à la protection du public. Tous les outils sont déjà en place pour permettre aux fonctionnaires judiciaires de prendre les décisions appropriées en matière de mise en liberté sous caution dans chaque cas, y compris la décision de garder en détention les personnes qui risquent de manière inacceptable de commettre d'autres crimes violents pendant leur mise en liberté.
    Nos juges sont nommés à l'issue d'un processus de sélection rigoureux et sont hautement qualifiés pour appliquer les principes juridiques codifiés par la loi et expliqués par la Cour suprême du Canada. Si certains juges de paix n'ont pas de formation juridique, nombre d'entre eux sont devenus des experts en matière de cautionnement et ont une grande expérience de l'application de la loi dans ce domaine.
    Malgré les compétences de nos juristes, de mauvais résultats peuvent toujours survenir. Ces résultats ne découlent pas de mauvaises lois, mais plutôt du simple fait qu'il est très difficile de prédire la violence future. La perfection ne peut jamais être atteinte et ne devrait pas être l'aune à laquelle on mesure si notre système de mise en liberté sous caution fonctionne ou non.
    Les tribunaux canadiens chargés de la mise en liberté sous caution ne sont pas cléments. J'encourage tout le monde à repenser aux observations de Mme Nicole Myers, qui a témoigné devant votre comité la dernière fois, et aux statistiques qu'elle a citées pour appuyer sa proposition. Il n'est pas « facile » d'obtenir une libération sous caution au Canada pour des infractions graves.
    L'idée d'augmenter le nombre d'infractions soumises à une disposition d'inversion du fardeau de la preuve, que certaines personnes ont suggérée, n'est pas, à notre avis, susceptible d'avoir des répercussions significatives sur les affaires futures et ne contribuera pas à mieux protéger le public. Contrairement à certaines personnes qui évoquent la présomption d'innocence, je m'appuie simplement sur les résultats réalistes obtenus de fait par les tribunaux des cautionnements, à savoir que toute personne aux prises avec ce type d'accusations — la possession d'armes de poing, par exemple — fait déjà face à une situation de fait d'inversion du fardeau de la preuve, même si la loi ne l'appelle pas de cette façon. Chaque avocat qui représente un client devant un tribunal des cautionnements pour ce type d'accusation se prépare à faire valoir les raisons pour lesquelles son client devrait être libéré, indépendamment de ce que dit le Code criminel en matière de fardeau de la preuve.
    Nous sommes d'accord pour dire que la confiscation des cautions devrait peut-être être plus fréquente qu'elle ne l'est aujourd'hui. Nous pensons que la plupart des personnes qui se portent garantes prennent leur rôle très au sérieux et font de leur mieux, mais ce n'est pas le cas de toutes les personnes, et le fait que les procédures de confiscation des cautions aient rarement été entreprises, du moins au cours de ma carrière professionnelle en Ontario, pourrait bien faire croire à certaines personnes que la mise en gage de leurs avoirs est une entreprise sans risque. Le Code criminel contient déjà des dispositions de confiscation. Cela dit, il est essentiel de veiller à ce que tout recours accru à ce pouvoir s'accompagne d'un engagement à n'imposer que des conditions réellement nécessaires et à éviter le recours abusif à des cautions, soit deux problèmes très réels de notre système actuel.
    Nous estimons respectueusement que la meilleure façon de protéger la sécurité publique dans l'ensemble est de libérer plus de personnes sous caution avec moins de conditions et de le faire plus efficacement et plus rapidement. Bien que cela puisse sembler paradoxal, pour les raisons expliquées par d'autres personnes qui ont témoigné devant votre comité, les études montrent clairement que les gains à court terme réalisés en gardant une personne en détention sans possibilité de libération sous caution ne compensent pas le risque accru pour la sécurité publique qui sera lié à cette même personne lorsqu'elle sera finalement libérée.

  (1545)  

    Si nous nous fondons sur des données probantes et pas seulement sur une réaction à des messages de 280 caractères publiés sur des médias sociaux pour procéder à la réforme de notre système de mise en liberté sous caution, nous accorderons la priorité aux gains à long terme pour la sécurité publique plutôt qu'à une vision à court terme.
    Les retards dans la mise en liberté sous caution et le phénomène des affaires non conclues continuent de nuire aux tribunaux des cautionnements de l'ensemble du Canada. Ils sont directement responsables des préjudices considérables causés à de nombreuses personnes, qui comprennent non seulement les accusés, mais aussi les membres de leur famille et les personnes qui seraient prêtes à se porter garantes. Ils ont également une incidence disproportionnée sur les communautés racisées et en particulier sur les communautés autochtones.
    J'invite tout le monde à lire la décision du juge Martin de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba — comme elle était appelée à l'époque — dans l'affaire Balfour contre Young, qui est citée dans les observations écrites que j'ai fournies dans le cadre de mon exposé. Nous encourageons tous les membres du Comité à prendre note de ce qui s'est passé dans ces affaires et des conséquences concrètes qui en découlent.
    Nous avons une approche très prudente de la mise en liberté sous caution. Une procédure plus efficace et plus rapide permettra aux décideurs judiciaires de disposer de plus de temps pour traiter les cas graves de manière plus appropriée et plus équitable en se fondant sur de meilleures informations.
    En fin de compte, les conséquences des affaires non conclues sont très graves et ont un effet considérable sur toutes les affaires, y compris les affaires sérieuses qui seront plaidées tôt ou tard.

  (1550)  

    Monsieur Bytensky, je vais devoir vous arrêter là, et j'en suis désolé.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis désolé à ce sujet.
    Je répondrai volontiers à vos questions.
    Nous allons maintenant amorcer la première série d'interventions de six minutes.
    J'ai été informé que la ministre Eyre ne pourra pas se joindre à nous maintenant, mais nous allons essayer de l'entendre à 16 h 30 pendant la prochaine partie de la réunion.
    Nous allons commencer par donner la parole à M. Moore pendant six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie aussi les témoins qui ont pu se joindre à nous aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de votre témoignage et du temps que vous prenez pour nous rencontrer.
     Monsieur Stamatakis, nous avons vu et entendu cela à maintes reprises, et nous avons écouté les appels des procureurs généraux et des premiers ministres provinciaux qui réclament unanimement une réforme du système de cautionnement. Vous avez soulevé un point intéressant lorsque vous avez dit qu'il ne fallait pas se contenter d'une approche générale et répressive à l'égard de la criminalité, mais qu'il fallait adopter une approche ciblée.
     Je pense que ce qui préoccupe tout le monde — ou devrait préoccuper tout le monde —, ce sont les criminels récidivistes et violents qui utilisent des armes à feu et qui ont pu rapidement, et à maintes reprises, obtenir un cautionnement. Malheureusement, et c'est ce qui est tragique, ils ont commis des crimes pendant qu'ils étaient en liberté sous caution.
     Pouvez-vous nous dire à quoi ressemblerait une approche plus ciblée?
     La police de Toronto nous a parlé de statistiques alarmantes concernant des individus qui ont été libérés sous caution pour une infraction commise à l'aide d'une arme à feu et qui, pendant qu'ils étaient en liberté, ont commis une autre infraction à l'aide d'une arme à feu, et ils ont été libérés sous caution à nouveau pour cette infraction. À un moment donné, nous devons fixer une limite pour les récidivistes violents qui commettent des délits avec des armes à feu.
     À quoi ressemblerait, selon vous, une approche ciblée? Si possible, j'aimerais que vous nous disiez quels sont les domaines sur lesquels vous souhaiteriez que nous nous concentrions si nous adoptions une approche ciblée?
    Je vous remercie de la question.
    C'est la raison pour laquelle l'une de nos recommandations consiste à définir d'une manière ou d'une autre ce qu'est un récidiviste violent et à créer un cadre dans lequel les juges présidant aux audiences sur le cautionnement peuvent agir, de sorte que nous répondons à cette préoccupation précise.
     Je tiens à souligner que nous parlons de récidivistes violents. Nous ne voulons pas suggérer que nous devrions adopter une approche générale à l'égard de toute personne accusée d'une infraction dans le cadre d'une procédure de libération sous caution.
     Je suis d'accord avec mon ami pour dire qu'à la base de tout cela... Vous verrez dans mes observations que je me garde bien d'utiliser l'expression « réforme du cautionnement » ou d'indiquer un changement précis qui résoudrait le problème. Je pense qu'il y a, à la base de tout cela, un problème de ressources dans les tribunaux, et un problème de ressources dans les services de police quand vient le temps de suivre les individus qui sont libérés sous caution avec des conditions et qui contreviennent à ces conditions. La police n'a pas la capacité de suivre ces individus pour s'assurer que les conditions qui leur sont imposées sont respectées au sein de la communauté.
     Je pense qu'il faut définir ce qu'est un récidiviste violent. Je pense qu'il faut créer un cadre autour de cette définition, afin de pouvoir donner des directives aux juges de paix ou aux juges qui président aux audiences sur le cautionnement. Il faut fournir les ressources nécessaires pour que la Couronne puisse se préparer correctement à ces affaires, afin de mieux utiliser les dispositions existantes et de ne pas libérer des personnes comme celles dont vous avez parlé.
    Tous les services de police dans la plupart des grandes villes du pays peuvent vous donner le même genre d'exemples. Mon service d'origine se trouve à Vancouver. J'ai eu des discussions avant de venir témoigner. Le service de Vancouver peut également vous fournir une liste d'exemples similaires où des personnes ont été libérées sous caution, ont commis une infraction, se sont retrouvées à nouveau devant un juge, ont été libérées à nouveau sous caution, et ont commis une nouvelle infraction. C'est ce à quoi nous voulons remédier.

  (1555)  

    Je vous remercie.
    Je voudrais approfondir un point que vous avez mentionné. Il s'agit de l'idée de... Les gens qui lisent le journal voient parfois que la personne a été libérée sous caution avec toute une série de conditions à respecter. Ils se sentent rassurés par les conditions énoncées dans la libération, mais ces conditions ne sont valables que si nous avons la capacité de les faire respecter.
     Pourriez-vous nous parler un peu de votre expérience, ou de celle des membres de votre association, en ce qui concerne les ressources nécessaires pour assurer le suivi de certaines des conditions de libération sous caution qui sont imposées?
     D'après ce que nous avons vu et entendu dans le témoignage d'autres personnes, trop souvent, les ressources nécessaires pour faire respecter ces conditions n'existent pas.
    Il manque de ressources. À l'heure actuelle, aucun service de police n'a la capacité de suivre, de manière significative, un délinquant violent libéré sous caution pour s'assurer qu'il respecte les conditions qui lui sont imposées. Pour y arriver, il faut allouer des ressources importantes, et cela se répercute considérablement sur les budgets. Il faut allouer des ressources que l'on ne peut plus utiliser pour d'autres services importants fournis à la communauté, ou pour d'autres demandes parce que les ressources ont été réaffectées ailleurs.
     Il arrive parfois que des équipes de surveillance soient chargées de suivre un délinquant particulier lorsqu'il y a un risque important pour la communauté, mais cela a de lourdes conséquences.
    Je suis tout à fait d'accord.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur Moore.
    Nous passons maintenant à Mme Dhillon pendant six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les deux d'être avec nous aujourd'hui pour témoigner. J'aimerais commencer par M. Bytensky.
    Ma première question porte sur votre témoignage. Vous avez dit que les tribunaux ne sont pas cléments au Canada.
    Pourriez-vous nous en donner quelques exemples, s'il vous plaît?
    Je m'appuie simplement sur le fait qu'en Ontario, près de 77 % — si ma mémoire est bonne — des personnes qui se trouvent dans nos prisons provinciales n'ont pas encore été reconnues coupables d'un quelconque crime. Il s'agit de personnes qui attendent des audiences sur le cautionnement ou qui se sont vu refuser la liberté sous caution.
     Dans l'ensemble du Canada, ce chiffre est un peu plus bas, mais il avoisine tout de même les 70 %. Je peux vous dire à partir de mes années d'expérience sur le terrain... Je comprends certaines des statistiques qui ont été citées par les forces de police qui sont venues témoigner au Comité et qui semblent donner un autre son de cloche, mais ce n'est pas mon expérience et ce n'est pas l'expérience de la plupart de nos membres.
     Les personnes accusées d'avoir contrevenu aux conditions de leur mise en liberté sous caution pour un délit grave et d'avoir commis un autre délit grave pendant qu'elles étaient en liberté sous caution doivent surmonter beaucoup d'obstacles pour obtenir une libération sous caution. Nous avons tendance à leur imposer plus de conditions que moins. Nous imposons en moyenne huit conditions à un individu lorsqu'il est libéré sous caution. Nous utilisons de manière excessive les cautions, bien que ce ne soit pas le cas en Saskatchewan. Vous pouvez demander à la procureure générale qui témoignera après moi comment ils réussissent si bien à éviter cela.
     D'une manière générale, nous faisons en sorte qu'il soit très difficile pour une personne d'obtenir une libération sous caution, contrairement à ce qu'on entend parfois dire dans la sphère publique à ce sujet.
    Cela revient à ce que vous venez de dire.
    Beaucoup de témoins nous ont parlé des récidivistes ou des délinquants violents. Selon vous, est‑ce que beaucoup de gens qui sont incarcérés ou détenus de manière préventive — qui n'obtiennent pas de libération sous caution — sont des délinquants qui en sont à leur première infraction ou s'il s'agit principalement de récidivistes?
    Il peut s'agir des deux. Bien entendu, certaines personnes qui sont accusées d'un crime très grave ne bénéficient pas de la liberté sous caution, même si elles n'ont pas d'antécédents judiciaires. On peut penser à des personnes accusées de meurtre ou d'autres crimes très graves qui peuvent se voir refuser la mise en liberté sous caution, même sans casier judiciaire.
     Cependant, la réalité est que les personnes accusées d'un crime et qui ont un casier judiciaire ou des ordonnances de cautionnement pendantes... Le Code criminel prévoit que la libération sous caution est accordée, sauf s'il existe une forte probabilité de récidive. Certaines personnes sont, sans aucun doute, fortement à risque de récidiver. Elles sont le plus souvent, et devraient certainement être, maintenues en détention sans possibilité de cautionnement. Je ne pense pas qu'un avocat criminaliste suggère que tout le monde devrait être libéré sous caution.
     Les normes figurent déjà dans le Code criminel. Elles n'ont pas besoin d'être révisées. Il s'agit d'une application au cas par cas. Lorsque la liberté d'une personne est en jeu, nous devons faire confiance à nos juristes pour appliquer la loi de manière équitable.
    Vous avez parlé de la détention ou de la surincarcération des Canadiens racisés. Sont-ils surincarcérés à l'étape du cautionnement ou après avoir été condamnés? Est‑ce que même les délinquants primaires sont encore incarcérés pour des accusations mineures?

  (1600)  

    D'après ce que j'ai compris, ce sont les deux. Il y a des chiffres qui... Encore une fois, je crois que Mme Myers, qui a témoigné, avait des chiffres à vous communiquer à cet égard. Il est certain que, d'après mon expérience et les affaires que j'ai traitées...
    L'affaire Balfour et Young est une affaire que j'ai plaidée dans le Nord du Manitoba. Elle concernait surtout des accusés autochtones et a été une expérience très choquante et révélatrice en ce qui concerne les défis relatifs à la libération sous caution. L'affaire portait expressément sur le cautionnement. Je dois dire qu'il s'agissait d'une situation où tout le monde dans le système faisait de son mieux, travaillait très dur et en toute bonne foi. Cependant, le manque de ressources était tel que les conséquences de l'incapacité à obtenir une justice rapide, principalement pour les accusés autochtones, étaient ressenties dans toute la communauté de manière très disproportionnée.
    À la lumière de votre expérience et de ce que vous avez vu dans votre pratique, que pensez-vous du fait de limiter le pouvoir discrétionnaire des juges à imposer des conditions de cautionnement au cas par cas?
    Chaque accusé est différent et chaque crime est différent. Il n'y a pas vraiment de... Il n'est pas facile de proposer une justice qui s'applique à tous de la même façon.
     Nous avons défini des principes directeurs, à savoir la probabilité ou la confiance qu'une personne se présentera au tribunal pour son audience, l'absence de risque substantiel de récidive et un critère de confiance du public en général, que les juges peuvent appliquer en fonction des faits d'une affaire précise, qu'il s'agisse ou non d'un dossier solide de la Couronne, qu'il y ait ou non des allégations sérieuses, des preuves solides et toute une série d'autres facteurs connexes. Les juges et les juges de paix appliquent quotidiennement ces critères et sont formés pour le faire.
    Je vous remercie de votre réponse.
    Pouvez-vous nous parler des conséquences qu'a pour le système de justice le fait qu'une personne qui peut être innocente est néanmoins accusée et détenue sans possibilité de libération sous caution? Pourriez-vous nous en parler, s'il vous plaît?
    Oui, bien sûr. Lorsqu'une personne est placée en détention, elle risque souvent de perdre son emploi, sa relation, ses enfants — s'il y a une procédure judiciaire en cours en matière de droit de la famille — et son logement.
    Il suffit de lire la décision Balfour et Young, qui évoque certaines de ces terribles conséquences. Dans cette affaire, il y avait deux accusés. Les accusations ont été suspendues contre l'un d'eux, et l'autre a été acquitté. Il s'agissait d'une procédure postérieure au procès, qui n'était qu'une demande de « frais contre la Couronne ». Il s'agissait en fait d'une enquête publique sur le système de cautionnement dans le Nord du Manitoba, après que les procès des deux accusés ont pris fin. Ni l'un ni l'autre n'était coupable. Tous deux ont dû faire face à des conséquences terribles, comme c'est le cas pour beaucoup d'autres personnes lorsqu'on leur refuse la liberté sous caution et que les accusations sont finalement retirées ou qu'ils sont déclarés non coupables.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je pense que mon temps est écoulé.
    Je vous remercie, madame Dhillon.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Vous avez terminé juste à temps.
    Nous passons maintenant à Mme Normandin.
    Je vous souhaite la bienvenue au Comité, madame Normandin.

[Français]

     Je remercie les deux témoins de leur présence.
    Monsieur Bytensky, j'aimerais entendre vos commentaires sur la proposition de M. Stamatakis de créer une définition de « récidiviste ». Cela aurait-il vraiment un avantage, étant donné que les juges ont déjà, dans le cadre de chaque enquête sur le cautionnement, la liste des antécédents de la personne et des affaires en cours? C'est aussi le seul contexte dans lequel on peut présenter une preuve de réputation.

[Traduction]

    Je ne sais pas si cela changera quoi que ce soit, simplement parce que le fardeau de la preuve est inversé dans le cas, disons, d'une affaire liée aux armes à feu. Le résultat ne changera pas vraiment. Nous devrons nous préparer de la même façon, et les juges appliqueront plus ou moins les mêmes principes.
    Qu'une personne réponde ou non à la définition établie, le juge ou le juge de paix saura toujours que cette personne a un long passé de délinquance. Quelle que soit la définition retenue, elle prévoira probablement un certain degré de récidivisme violent.
     Si une audience sur le cautionnement concerne un individu de ce genre, la plupart des juges prendront très au sérieux le risque de récidive et vous aurez du mal à obtenir une libération sous caution pour cette personne, à moins que vous n'ayez mis en place un excellent plan et que vous puissiez convaincre le tribunal que l'individu n'est pas susceptible de récidiver. Honnêtement, que le fardeau de la preuve repose sur la Couronne ou qu'il y ait inversion du fardeau de la preuve, mon travail en tant qu'avocat de la défense et les arguments que je présenterai seront exactement les mêmes.
     Je ne pense pas qu'une définition résoudra quoi que ce soit, même si elle peut aider le public à comprendre un peu mieux comment les juges font leur travail. Cela présente un avantage pour sensibiliser la population, mais je ne suis pas sûr que cela en présente un du point de vue de la sécurité publique.

  (1605)  

[Français]

     Vous avez parlé des délais relatifs aux enquêtes sur le cautionnement. Présentement, quel est ce délai en Ontario et ailleurs?

[Traduction]

    Malheureusement, l'un des vrais problèmes que nous rencontrons dans tout le Canada est la collecte de données fiables. Les données, et c'est bien connu, sont insuffisantes. Je peux vous parler seulement des affaires que j'ai plaidées, et de certaines des affaires dont nous sommes au courant. Nous avons deux affaires en Ontario. J'en ai plaidé une, et il s'agissait d'un délai de 24 jours. Nous avons la décision Simonelli, où les accusations contre une organisation criminelle ont été suspendues pour à peu près la même durée. Je pense qu'il a fallu environ 23 jours avant d'obtenir les audiences sur le cautionnement.
    Dans une autre affaire que j'ai plaidée, le délai a été de huit jours pour obtenir les audiences sur le cautionnement, et pour que les choses soient claires, il ne s'agit pas de personnes qui ajournent leur affaire parce qu'elles ne sont pas prêtes. Il s'agit de personnes qui se présentent au tribunal prêtes à procéder et à qui le tribunal dit: « Désolé, nous n'avons pas le temps ». Dans les affaires manitobaines, comme Balfour et Young, il y a eu des délais de l'ordre de six semaines dans certains cas, ce qui n'est pas rare.
     Il est tout à fait typique de ne pas pouvoir procéder le jour où l'on veut le faire. Je ne parle pas des affaires graves liées aux armes à feu. Je parle d'une affaire ordinaire, courante. Dans la plupart des juridictions de l'Ontario que je connais, il est très difficile d'obtenir une audience sur le cautionnement le jour même si vous êtes prêt à procéder. On vous dit souvent de revenir le lendemain, et même un 24 heures de détention pour ces personnes est un prix très élevé à payer, c'est pourquoi l'une des suggestions que nous avons faites, et que vous pourriez envisager, c'est d'avoir une forme de disposition provisoire de mise en liberté sous caution, ce qui sort totalement des sentiers battus, mais qui contribuerait à égaliser les chances si elle était un jour adoptée.

[Français]

    En lien avec cela, j'imagine qu'il y a une augmentation des requêtes d'habeas corpus, vu l'augmentation systématique des délais relatifs à l'obtention d'une enquête sur le cautionnement.
    Grâce à l'ancien projet de loi C‑75, les policiers ont plus de latitude en ce qui a trait à la remise en liberté. Est-ce un outil qui est bien utilisé? La professeure Myers recommandait justement de donner plus de ressources aux policiers, afin qu'ils puissent mieux utiliser cet outil. Cela permettrait aussi de diminuer la pression exercée sur le système judiciaire.
    J'aimerais connaître votre opinion à cet égard.

[Traduction]

    De mon point de vue, les agents de police utilisent cet outil. Nous exerçons ces pouvoirs plus fréquemment qu'auparavant, mais nous parlons d'un type de délinquant différent de celui dont j'ai parlé. J'accepte les arguments de mon ami en ce qui concerne la nécessité de veiller à ne pas créer des situations dans lesquelles des personnes perdent leur emploi ou qui ont des répercussions importantes, mais ce n'est pas de cela que je parle ici. Nous parlons de délinquants violents récidivistes qui ont démontré à maintes reprises qu'ils n'ont aucun égard pour la sécurité publique, qu'il s'agisse des agents de police ou des Canadiens, et qui sont relâchés. Nous devons agir différemment.
     Je ne vais pas dire que j'ai toutes les réponses, mais si nous trouvions une définition, nous pourrions peut-être régler la question soulevée par le projet de loi C‑75, par exemple, où il n'y a pas de dossier d'infractions contre l'administration de la justice. Un juge, en fait, qui s'occupe d'une personne qui enfreint les conditions de manière répétée, peut ne pas savoir que cette personne a fait cela à répétition. Je n'en sais rien.
     Tout ce que je dis, c'est qu'il vaut mieux guider les personnes qui s'occupent de ces cas difficiles afin de cibler les bonnes personnes, les récidivistes violents, et non les personnes qui ont commis une erreur ou qui n'ont pas fait preuve d'un mépris total à l'égard de la sécurité publique ou de l'État de droit dans ce pays. Voilà ce que je voulais dire.
     Pouvons-nous proposer quelque chose, par exemple, qui permettrait à un juge d'être informé des conséquences pour les victimes et ce genre de choses? Je peux donner de nombreux exemples. Nous avons parlé des policiers qui ont été tués au cours des derniers mois, mais qu'en est‑il des policiers qui se sont fait tirer dessus? Qu'en est‑il de leurs collègues qui sont affectés, du répartiteur ou du préposé aux communications qui ne reviendra jamais au travail en raison de son sentiment de culpabilité, et de toutes les autres ramifications liées à la gestion de ces questions?
     Il ne s'agit pas seulement des agents de police. Qu'en est‑il des personnes qui assurent la répartition lorsque des citoyens sont tués ou gravement blessés? Les conséquences sont énormes, et nous devons prendre les devants d'une manière ou d'une autre.
    Je vous remercie.
    Nous allons passer à notre série de six minutes et à M. Garrison.
    Vous avez six minutes.

  (1610)  

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos deux témoins de leur présence.
    Je vais commencer par M. Stamatakis.
    Je dois le dire: vous êtes le président de votre association qui est resté le plus longtemps en poste de toute l'histoire de cette dernière. Je ne sais pas si c'est exact, mais je vous remercie de toute manière de tout le temps que vous avez consacré à la défense des enjeux de sécurité publique.
    Je trouve très intéressante votre proposition d'instaurer des lignes directrices. Je me demande comment vous l'envisagez, étant donné qu'habituellement, les lignes directrices ne font pas partie des lois. Qui s'en chargerait? Nous retrouverions-nous avec 13 séries de lignes directrices différentes? Comment voyez-vous cela?
    Je ne dis pas que ce serait facile. Je sais que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer, et les provinces aussi. De façon générale, c'est l'une des difficultés de ce pays. Mon ami ici présent y a fait allusion lorsqu'il a parlé de la collecte de données, ces données qui nous aideront à mieux comprendre l'étendue de la question et à cerner les problèmes.
    Nous le constatons dans l'ensemble du milieu de la justice pénale, mais aussi dans le milieu de la police. Il y a des questions sur nos façons de recueillir les données à l'échelle nationale, ces données qui nous aident à mieux nous guider dans ce que nous faisons — que ce soit dans le contexte de la police ou dans le contexte du système de justice pénale. Nous nous questionnons aussi sur notre façon de mener et de gérer les audiences de mise en liberté sous caution, par exemple.
    Je ne pense pas que ce sera facile, mais je pense que nous pouvons nous réunir et trouver un moyen de combler ce que je considère comme une lacune, un manque, pour un type de délinquant très précis. Je ne parle pas d'une mesure générale qui s'appliquerait à tous. Je parle de personnes qui font des ravages dans nos collectivités et dont les agissements ont un coût réel.
    Pensez-vous que les ministres fédéraux et provinciaux pourraient s'asseoir ensemble pour rédiger une norme ou une définition modèle qui pourrait ensuite être appliquée dans chaque province et territoire?
    Cela pourrait assurément être mis au point lors des réunions de nos ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux. Ils se réunissent régulièrement. Des orientations stratégiques sont proposées à l'issue de ces réunions. Des personnes plus intelligentes que moi pourraient proposer une sorte de modification législative.
    C'est quelque chose que nous pouvons faire. Qu'il s'agisse de ce que j'ai proposé — la création d'une définition — ou d'utiliser les dispositions actuelles au sujet des cautions tout en veillant à ce qu'il y ait une conséquence afin que ce ne soit pas un passe-droit, en particulier lorsqu'ils savent que ces violations ont lieu... Je pense qu'il s'agit d'une combinaison de choses. Il n'y a pas de solution simple et universelle à ce problème.
    Une fois de plus, vous avez soulevé la question des conditions de contrôle des personnes en liberté sous caution. Je souscris à votre argument concernant les ressources. En tant qu'ancien membre d'une commission de police, je sais que la police n'a jamais les ressources nécessaires pour assurer ce contrôle.
    Y a‑t‑il d'autres solutions que nous pourrions et que nous devrions utiliser pour surveiller les personnes dont la liberté sous caution est assortie de conditions? Ces solutions sont-elles assez facilement accessibles?
    Absolument. La surveillance électronique est un domaine que nous pourrions exploiter mieux. La surveillance électronique est utilisée différemment selon les provinces, avec plus ou moins de succès. Il existe maintenant de nombreuses technologies que nous pourrions mettre à profit pour suivre les personnes libérées sous caution et pour garantir qu'elles observent les conditions de leur mise en liberté. C'est assurément l'une des solutions disponibles.
    Nous pouvons faire beaucoup de sensibilisation, par exemple, autour de... et je ne fais que lancer des idées parce que vous m'avez posé la question. Nous disposons d'Échec au crime dans tout le pays. Nous pourrions mettre l'accent sur la sensibilisation afin d'améliorer le signalement des personnes libérées sous caution qui ne respectent pas une condition.
    Il y a un certain nombre de choses qui peuvent être faites pour mieux éduquer le public, ce que mon ami a aussi proposé. Toutes ces choses auraient une incidence positive pour ce qui est d'assurer que les personnes qui devraient être libérées sous caution le sont, et que celles qui ne devraient pas l'être ne le sont pas.
    Je vais m'adresser à M. Bytensky sur le même sujet.
    En Ontario, il y a des programmes communautaires de supervision de la mise en liberté sous caution. Quelle est votre expérience en la matière? Ces programmes permettent-ils d'obtenir la libération d'un plus grand nombre de personnes?
    Ces programmes sont remarquables, mais le nombre d'endroits où ils sont proposés et le nombre de personnes qu'ils peuvent superviser sont limités. En raison des budgets qui perdent des plumes, ces programmes admettent de moins en moins de personnes. Les critères d'admissibilité sont de plus en plus difficiles à satisfaire.
    Il reste que ces programmes connaissent un formidable succès. Leur feuille de route est éloquente. Ils seraient très utiles. D'un point de vue économique, si je peux me le permettre, je dirais qu'il faudrait se pencher sur la façon dont nous finançons les ressources. Je reconnais que les ressources sont un problème majeur.
    En Ontario, il y a à l'heure actuelle environ 7 500 personnes qui sont en détention en attente du prononcé de leur peine. Si nous réduisions ce nombre de 25 %, nous pourrions économiser environ 150 millions de dollars par an. Cet argent pourrait être réaffecté à des programmes communautaires qui aideraient les gens à ne pas sombrer dans la criminalité en premier lieu ou, en supposant que l'on choisisse d'ignorer cet aspect de la question, il pourrait être consacré à l'augmentation des budgets de la police pour la surveillance des mises en liberté sous caution ou pour toutes sortes d'autres choses.
    Nous pouvons placer les gens dans la collectivité pour beaucoup moins que ce que cela coûte de les mettre en prison. L'argent que nous économiserions en contribuant à la décarcération dans nos centres de détention provisoire pourrait être utilisé soit pour améliorer la collectivité, soit pour superviser les personnes libérées sous caution, soit les deux. Quel que soit le scénario, nous nous en tirerions toujours avec plusieurs millions de dollars d'avance.

  (1615)  

    Dans votre exposé, vous avez parlé des avantages à long terme pour la sécurité publique d'avoir plus de personnes libérées plus tôt et avec moins de conditions. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Bien sûr. La prison est hautement criminogène. Passez une journée en prison et vous en ressortirez plus mal en point que la veille de votre entrée. Vous allez vous « endurcir », pour utiliser un mot qui ne convient pas à tout le monde.
    Quiconque passe six mois en prison sans caution ne commettra pas de crime pendant ces six mois, mais il en sortira plus dangereux qu'il ne l'était à l'entrée. Par conséquent, en tant que société, nous ne devons pas mesurer la sécurité publique uniquement pour la période de six mois pendant laquelle une personne est emprisonnée pour une série d'accusations. Lorsque l'expérience ou le parcours de cette personne dans le système de justice pénale se termine, c'est le parcours de quelqu'un d'autre qui commence.
    Globalement, pour ce qui est d'assurer la sécurité publique et de protéger des vies, nous serons plus efficaces si nous offrons à plus de personnes des plans de libération dans la collectivité qu'en les incarcérant et en les rendant d'entrée de jeu plus dangereuses... que tous les gains réalisés en gardant cette personne derrière les barreaux pendant six mois.
    Merci, monsieur Garrison.
    Nous allons maintenant passer à notre prochaine série de questions de cinq minutes, en commençant par M. Caputo.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Stamatakis, de votre service et de votre présence parmi nous aujourd'hui.
    Merci, monsieur Bytensky. En tant qu'ancien avocat de la défense, je sais que ce n'est pas toujours le rôle le plus populaire. Vous êtes probablement l'objet de nombreux commentaires. Je vous suis reconnaissant d'être disposé à prendre le temps de nous faire part de votre position et de votre point de vue.
    Monsieur Bytensky, je voudrais aborder un sujet dont nous n'avons pas du tout parlé en comité. Il s'agit du principe de l'examen de la mise en liberté sous caution. Si vous voulez vous pencher sur l'affaire de l'agent Pierzchala, j'ai cru comprendre qu'il s'agissait en fait d'un examen de la mise en liberté sous caution, bien que je n'y aie pas fait référence.
    Je vais résumer, et vous pourrez me dire si j'ai raison. Lorsque quelqu'un est placé en détention et que le ministère public demande la mise en détention de cette personne, il y a d'abord une audience sur la libération sous caution. À moins de circonstances particulières, c'est ce que prévoit la loi. Cette audience est censée avoir lieu dans les 24 heures. Est‑ce exact?
    C'est l'un des principaux domaines dont j'ai parlé. Oui, vous avez raison. Cela n'arrive pas aussi souvent qu'il le faudrait.
    Légalement, c'est ce qui devrait se passer. Parfois, il peut y avoir une détention provisoire aux fins de divulgation. En Colombie-Britannique, c'est ce qui s'est passé dans l'affaire dont vous parliez, une affaire au sujet de laquelle tout le monde s'entend pour dire qu'elle était insatisfaisante, une affaire qui n'a pas été traitée correctement parce qu'elle n'a pas eu suffisamment de temps devant le tribunal. Vous avez 20 affaires sur le rôle. Douze sont entendues et huit sont reportées au lendemain. Ce sont des choses qui arrivent, car je suppose qu'en Ontario, les ajournements sont intégrés dans l'estimation. Comprenez-vous ce que je veux dire? Nous présumons que les affaires vont s'effondrer.
    Je pense en fait que les ajournements se produisent parce qu'en Ontario, nous avons une culture de l'ajournement. Les gens se rabattent d'office sur l'ajournement pour toutes sortes de raisons. C'est une question complexe, mais en fin de compte, c'est l'incapacité de l'État à fournir les ressources nécessaires pour que les personnes qui le souhaitent puissent bénéficier d'une audience de mise en liberté sous caution dans les délais prescrits.
    Le système dans son ensemble... Dans l'arrêt Jordan, nous avons entendu parler de cette culture de la complaisance, dont je crois que Jordan... L'affaire remonte à plusieurs années, mais d'après ce que vous dites, cela existe toujours.
    Disons que quelqu'un s'est vu refuser la liberté sous caution par un juge. Cela signifie que cette personne sera détenue dans l'attente de son procès. Une chose dont nous n'avons pas vraiment discuté ici, c'est le fonctionnement de l'article 525 du Code criminel. Corrigez-moi si je me trompe: une personne détenue pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire fait automatiquement l'objet d'un réexamen après 30 jours de détention. Une personne qui est présumée avoir commis un acte criminel fait l'objet d'un examen automatique après 90 jours. Le geôlier et l'État ont l'obligation positive de procéder à cet examen.
    Ai‑je bien compris?
    Oui, d'après mon expérience, cela ne se produit pas correctement dans le domaine des poursuites sommaires. Nous ne faisons pas un très bon travail pour respecter ces délais. Cela se produit bel et bien pour les infractions punissables par mise en accusation, et c'est vraiment une conséquence de l'arrêt Myers de la Cour suprême du Canada. Il est courant de convoquer, après 90 jours, des procédures de mise en liberté sous caution pour les personnes accusées d'actes criminels ou du moins de soumettre cela à un tribunal.

  (1620)  

    Myers a vraiment changé la donne, car auparavant, les gens devaient se donner beaucoup de mal pour que leur affaire soit inscrite au rôle. Du moins, c'est ce que j'ai pu constater. Le nombre de ces examens de mise en liberté sous caution en vertu de l'article 525 a probablement été multiplié par cinquante depuis l'arrêt Myers.
    Êtes-vous d'accord avec cela?
    Oui.
    Lorsque nous parlons de la mise en liberté sous caution et des questions qui s'y rapportent, je présume que l'audience de mise en liberté sous caution est vraiment la première étape. Ce que l'affaire Myers a fait ressortir — et cela fait déjà un certain temps que j'en ai lu les détails —, c'est que l'objectif de l'article 525 est d'éviter que les gens ne languissent en détention provisoire.
    Partagez-vous ce sentiment?
    C'est la philosophie derrière Myers, s'assurer que nous ne vous avons pas oublié pendant que vous êtes en prison et que votre dossier suit son cours dans le système. C'est l'épine dorsale du pouvoir conféré par l'article 525.
    C'est vrai, et tout avocat de la défense consciencieux obtiendra une transcription de l'audience initiale de mise en liberté sous caution et examinera les raisons de la détention. Une partie de votre travail consiste à défendre votre client, vous allez donc examiner cette transcription et dire: « Où sont les lacunes du plan de mise en liberté sous caution? » Est‑ce exact?
    Pour être tout à fait franc, s'il y a des lacunes dans la décision initiale, je n'ai pas besoin d'attendre une audience 525. Je peux demander mon propre examen de la mise en liberté sous caution et je n'attendrai pas la convocation d'une audience 525. Pour être tout à fait franc, les audiences 525 ne sont pas utilisées sur une base régulière pour examiner et modifier les décisions de mise en liberté sous caution.
    Lorsque j'ai parlé de « lacunes », je voulais dire des lacunes dans la demande, par exemple dans le cas où l'accusé n'aurait pas eu de traitement qui... Souvent, lorsque quelqu'un passe à l'audience 525, son plan de mise en liberté sous caution est beaucoup plus étoffé. Est‑ce exact?
    Non, parce que presque partout au Canada, les audiences aux termes de l'article 525 ne sont pas correctement financées par l'aide juridique et que, dans la plupart des cas, les avocats ou les personnes détenues n'ont pas les ressources nécessaires pour élaborer des plans qui tiennent la route. Les meilleurs plans à cet égard concernent les examens de mise en liberté sous caution demandés par la défense aux termes de l'article 520, des examens que celle‑ci peut demander à tout moment. Je pense que c'est dans ces cas‑là que les meilleurs plans se concrétisent. Cela ne se voit pas autant avec les révisions demandées aux termes de l'article 525.
    C'est intéressant. Afin de clarifier...
    Ai‑je dépassé le temps imparti? Je suis désolé.
    Merci, monsieur Caputo.
    Nous passons maintenant à M. Naqvi, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous deux. C'est une discussion très importante et il est fascinant d'avoir vos points de vue respectifs à ce sujet.
    Je commencerai par vous, monsieur Bytensky. Je suppose que vous exercez ici en Ontario, et que votre point de vue sera donc évidemment fondé sur votre expérience dans cette province.
    Avez-vous l'impression que le système de mise en liberté sous caution est, disons‑le simplement, laxiste ou bancal? Comment définiriez-vous ou qualifieriez-vous le système actuel de mise en liberté sous caution?
    Je pense que beaucoup de choses pourraient être faites pour améliorer le système. J'essaie de trouver les mots justes pour le dire poliment. À bien des égards, le système de mise en liberté sous caution est défectueux, mais pas pour les raisons qu'évoque la majorité du public. Il n'est pas défectueux parce que les criminels dangereux continuent à être libérés sous caution. Les gens ont peut-être le droit légitime de s'en plaindre, mais, à mon humble avis, le système de mise en liberté sous caution est défectueux parce qu'il ne permet pas à la plupart des personnes qui le souhaitent d'obtenir une audience de mise en liberté sous caution dans les délais prescrits. Ils attendent en prison le jour de leur comparution devant le tribunal, mais ne l'obtiennent pas parce que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour le leur permettre. À mon sens, c'est une tare importante du système de mise en liberté sous caution.
    Pouvons-nous être plus indulgents? Oui. Devrions-nous libérer les personnes sans caution plus souvent, du moins en Ontario? Oui. Nous pouvons faire beaucoup mieux à certains égards, mais les délais entourant les procédures de mise en liberté sous caution sont, à mon avis, un aspect négatif de taille. Ce n'est pas un problème qui ne concerne que l'Ontario. C'est un problème dans tout le pays, qu'il s'agisse des audiences de 24 heures qui ont fait l'objet d'un commentaire de la Cour suprême à la fin des années 1990 à Terre-Neuve‑et‑Labrador. Le même problème persiste en Alberta et comme on l'a vu plus récemment, au Manitoba et en Ontario. Je ne peux pas parler pour toutes les provinces et tous les territoires, mais, à ma connaissance, le problème n'a été résolu nulle part.
    Le problème que vous soulignez — et je pense que vous l'avez déjà dit — est un problème de ressources, et cela concerne l'administration de la justice, qui est un domaine provincial plutôt qu'une responsabilité fédérale. J'ai l'impression que le problème tient davantage à la rapidité avec laquelle une audience sur le cautionnement peut avoir lieu qu'à la décision réelle qui en découle.
    Oui. Mais il y a un lien entre les deux parce que, dans l'état actuel des choses — et c'est presque toujours le cas pour les infractions où le fardeau de la preuve repose sur la Couronne —, les procureurs indiquent aux accusés, en l'absence totale d'un équilibre des pouvoirs, les conditions dans lesquelles ils accepteront la mise en liberté sous caution. Ils demandent ensuite une série de conditions que l'accusé doit accepter pour être libéré le jour même. L'accusé a le choix de rester en détention jusqu'à l'audience sur le cautionnement, au cours de laquelle il pourra demander des conditions de libération plus appropriées ou plus clémentes, ou accepter ce qui lui est proposé et offert en guise de « consentement ».
    Lorsque le système est déséquilibré, nous obtenons de mauvais résultats en matière de mise en liberté sous caution, même pour les questions de consentement, parce qu'il n'y a pas de véritable égalité de pouvoir de négociation dans pareilles circonstances.

  (1625)  

    Parlons maintenant de l'Ontario. Dans les lignes directrices en matière de poursuites, l'arrêt Antic et l'approche de l'échelle ont été codifiés. Le mot « codifiés » est peut-être fort, mais la Cour a souligné que la Couronne devait suivre cette approche. Est‑ce bien ce que vous observez dans la pratique?
    Cela ne se produit pas aussi souvent qu'il le faudrait. Cette approche est codifiée dans les protocoles de mise en liberté sous caution que l'Ontario a rédigés à la suite de la pandémie de COVID‑19, mais qui sont toujours en vigueur aujourd'hui. Ils tiennent compte précisément du principe de l'échelle, à l'instar de l'arrêt Antic, bien entendu, et du Code criminel.
    La pratique dans les tribunaux des cautionnements est fondée sur ce qu'ils ont toujours fait dans le passé. La première règle de ces tribunaux est de procéder comme nous l'avons toujours fait. Ce n'est pas tant ce que dit la loi ou ce que dit une décision particulière. C'est l'inertie totale. Nous ne changeons pas les procédures que nous avons toujours suivies parce que c'est ainsi que nous avons toujours procédé. Hélas, c'est ce que nous obtenons comme résultat. Le principe de l'échelle n'est pas appliqué aussi uniformément qu'il devrait l'être. Je ne dispose malheureusement pas de statistiques, mais c'est ce que j'ai observé, d'après mon expérience de travail auprès des tribunaux des cautionnements depuis près de 30 ans.
    Je vous remercie.
    Monsieur Stamatakis, on a soulevé un autre problème il y a quelque temps, à savoir le peu de communication entre les policiers chargés de porter des accusations et la Couronne pour savoir si les accusations appropriées étaient portées et si les éléments de preuve étaient suffisants ou non.
    On a mené un projet pilote à Ottawa, dans le cadre duquel un avocat de service a été affecté au poste de police de la rue Elgin afin d'assurer une communication plus directe et de veiller à ce qu'on porte les accusations appropriées, ce qui faciliterait tout le processus, y compris la mise en liberté sous caution. Avez-vous des observations à faire sur ce genre de processus en amont, et savez-vous si cela a eu une incidence positive sur la prise de décisions par la police et par les procureurs de la Couronne?
    Je ne suis pas au courant de la situation que vous décrivez à Ottawa, mais dans notre propre service, à Vancouver, nous avions un procureur au sein de notre équipe dans ce but précis. D'après mon expérience, cela s'est avéré très utile. La communication a permis d'obtenir de meilleurs résultats.
    Je sais que la province de la Colombie-Britannique vient d'annoncer la création d'équipes composées d'agents de police, de procureurs de la Couronne et d'agents de probation afin de mieux gérer ces questions, et c'est un pas dans la bonne direction. Nous obtenons une meilleure collaboration et une plus grande continuité dans le traitement de ces cas lorsque nous avons des procureurs, des policiers et des agents de probation dédiés à la gestion de ces questions importantes.
    Merci...
    Excusez-moi, monsieur le président.
    Très rapidement, monsieur Bytensky, je vous ai vu hocher la tête en signe d'approbation. J'en déduis que vous êtes du même avis.
    Oui, je...
    Je vous remercie.
    Cela me va. Une réponse par oui ou par non me suffit.
    Je suis avocat. Je ne peux pas répondre par oui ou par non.
    Des voix: Ah, ah!
    Merci.
    Au nom du comité de la justice, je tiens à vous remercier de vos témoignages et du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui. Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes. Nous allons faire vérifier le son de nos prochains témoins et les inviter à se joindre à nous.
    Nous accueillerons également la témoin que nous n'avons pas pu entendre avec le premier groupe.

  (1625)  


  (1630)  

    Nous reprenons la réunion et poursuivons, au cours de cette deuxième heure, notre étude sur le système canadien de mise en liberté sous caution.
    Nous accueillons Mme Jillian Rogin, professeure adjointe à la Faculté de droit de l'Université de Windsor, par vidéoconférence; Me Marie-Pier Boulet, de l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense, également par vidéoconférence; et Mme Catherine Latimer, de la Société John Howard du Canada. Et nous accueillons également l'honorable Bronwyn Eyre, ministre de la Justice et procureure générale.
    Je suis ravi de vous accueillir pour la prochaine heure.
    Nous allons commencer par Mme Rogin, qui dispose de cinq minutes.

  (1635)  

    Merci beaucoup de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui.
    En plus d'être professeure adjointe et d'écrire sur le système de mise en liberté sous caution au Canada, je suis également avocate criminaliste. J'ai travaillé pendant plusieurs années comme avocate de service dans les cours criminelles du centre-ville de Toronto.
    Si les mesures restrictives de mise en liberté sous caution, la détention préalable au procès — ou détention provisoire —, les peines d'emprisonnement et la police pouvaient améliorer la criminalité, notre société serait exempte de toute forme de criminalité. En réalité, toutes ces mesures engendrent la criminalité au lieu de l'atténuer.
    Depuis 40 ans, nous accumulons des données, des rapports et de la jurisprudence qui montrent que les Noirs et les Autochtones de ce pays subissent de manière disproportionnée le poids de dispositions pénales sévères et punitives, y compris celles qui concernent la mise en liberté sous caution. Le durcissement des dispositions relatives à la mise en liberté sous caution ne fera qu'ancrer davantage le racisme systémique dans le système de mise en liberté sous caution et ne fera qu'aggraver la crise de la détention provisoire de masse que nous connaissons actuellement au Canada.
    La détention provisoire elle-même engendre des préjudices et de la violence. En fait, elle est si dangereuse qu'elle est littéralement une question de vie ou de mort. Depuis 2010, 280 personnes sont mortes en détention provisoire. Imaginez à quoi ressembleraient nos dispositions sur la mise en liberté sous caution si, chaque fois qu'une de ces personnes mourait, le Parlement chargeait un comité de discuter de la réforme de la mise en liberté sous caution.
    Entre 2000 et 2022, l'usage de la force par la police a entraîné la mort de 711 personnes, soit plus de 30 décès par an en moyenne. Nous devons nous demander pourquoi ce comité envisage une réforme de la mise en liberté sous caution aujourd'hui. Quelles sont les vies qui comptent, et quelles sont nos priorités?
    Il en coûte environ 259 $ par jour pour détenir une personne dans une prison provinciale ou territoriale. Cela représente environ 94 000 $ par an, alors que le montant versé à un bénéficiaire du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées est d'un peu plus de 1 000 $ par mois, soit environ 13 000 $ par an. Encore une fois, quelles sont nos priorités et quelles sont les vies qui comptent? Les victimes de la criminalité devraient être indignées par les sommes énormes que nous investissons dans les prisons et les lois restrictives sur la mise en liberté sous caution, alors que ces mesures ne contribuent en rien à réduire la criminalité ou la violence, et qu'elles en sont plutôt la cause.
    Des dispositions restrictives en matière de mise en liberté sous caution se traduiront par un plus grand nombre de prisons et des investissements accrus dans les prisons et le maintien de l'ordre. Les populations autochtones, noires et racisées, les personnes souffrant de problèmes de santé mentale et de toxicomanie seront touchées de manière disproportionnée par toute modification des dispositions relatives à la mise en liberté sous caution.
    Nous le savons, comme mon collègue, M. Jones, l'a déjà expliqué devant ce comité. En fait, le traitement qui lui a été réservé à cette occasion illustre parfaitement le fonctionnement du système de mise en liberté sous caution. Il traite les Autochtones et les Noirs comme des personnes présumées suspectes, qui ne sont ni dignes de confiance ni crédibles.
    Je vous implore de fonder toute décision que vous pourriez prendre sur la multitude de rapports et de données et la vaste jurisprudence dont nous disposons, qui indiquent que les dispositions restrictives en matière de mise en liberté sous caution sont préjudiciables. L'enquête sur la justice au Manitoba, la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario, le rapport de l'Association canadienne des libertés civiles, les rapports de la Société John Howard, le rapport Ouimet, le rapport Wyant et le rapport intitulé « Lacunes relatives à la mise en liberté sous caution au Canada » — toutes des enquêtes et des études réalisées par des experts dans leur domaine — démontrent que les mesures restrictives en matière de mise en liberté sous caution causent des préjudices.
    Nous avons une abondance de preuves de racisme dans le système de justice pénale, ce qui comprend le système de mise en liberté sous caution. Les Noirs, les personnes racisées et les Autochtones font l'objet de profilage racial, sont inculpés à outrance et sont plus susceptibles que leurs concitoyens blancs de se voir refuser la mise en liberté sous caution et d'être soumis à des conditions de mise en liberté sévères. Toute réforme de la mise en liberté sous caution visant à rendre les lois sur la mise en liberté sous caution plus restrictives ne fera que pérenniser le racisme existant. Nous le savons.
    Comme l'a indiqué M. Bytensky, il est possible d'apporter au système de mise en liberté sous caution des modifications qui atténueront la violence. Les investissements dans des logements abordables et adéquats, dans les soins de santé, dans la mise en place de salaires décents, dans l'augmentation des prestations sociales... Les investissements dans l'infrastructure sociale vont améliorer notre sécurité.
    Parmi les personnes actuellement en détention provisoire, 70,5 % n'ont été reconnues coupables d'aucun crime. Selon la loi, elles ont droit à la présomption d'innocence. À bien des égards, j'estime que la réforme du système de mise en liberté sous caution envisagée par ce comité parlementaire en réaction à une horrible tragédie constitue un affront au droit à la présomption d'innocence garanti par la Constitution, alors qu'aucun procès n'a eu lieu, qu'aucune condamnation n'a été prononcée et que les circonstances qui ont conduit à la mort tragique de l'agent Pierzchala n'ont pas été élucidées.
    Notre présence ici aujourd'hui en dit long sur les problèmes qui affectent le système de mise en liberté sous caution.
    Je vous remercie. Je vais m'arrêter là.

  (1640)  

    Merci, madame Rogin.
    Nous allons maintenant écouter Me Boulet, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

     Chers membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, je vous remercie de votre invitation dans le cadre de cette étude que vous menez sur le système canadien de mise en liberté sous caution.
    En tant que présidente de l'AQAAD, l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense, je souhaite vous entretenir sur l'expérience judiciaire que détiennent, partout au Québec, les membres de l'AQAAD qui pratiquent le droit criminel au Québec.
    En effet, cette expérience judiciaire nous dicte que nous avons atteint un équilibre en matière de cautionnement. Les tribunaux supérieurs, notamment la Cour suprême, révisent à un rythme régulier, presque tous les deux ans, l'effet de l'application des critères prévus dans le Code criminel. Il n'y a qu'à penser entre autres aux arrêts Zora, St‑Cloud et Antic. Il s'agit presque d'un abonnement pour voir si les décisions judiciaires rendues en première instance ont l'effet escompté. Mes commentaires jusqu'ici portent sur le point de vue décisionnel. Le point de vue procédural est autre chose et j'y reviendrai plus tard.
    En prenant connaissance d'un mémoire qui vous a été soumis par Families For Justice, je constate que les drames qui y sont rapportés ne traduisent pas les problèmes liés au système de mise en liberté provisoire. Ces drames ne doivent pas avoir pour effet de culpabiliser les acteurs du système ni de créer des généralités. Il faut voir les chiffres réels. D'ailleurs, j'aime particulièrement l'intervention qu'a faite précédemment ma consœur Me Rogin, et le fait que mon confrère Me Bytensky renvoie toujours à ces chiffres.
    Aujourd'hui, je ne veux pas vous entretenir de ces chiffres, puisque c'est vraiment au sujet de la réalité sur le terrain que l'AQAAD veut vous transmettre ses connaissances. Par ailleurs, nous doutons fortement que ces chiffres témoignent du fait que les personnes en liberté provisoire commettent davantage de crimes, notamment des crimes aussi graves que ceux décrits dans le mémoire. L'AQAAD en doute et souligne également l'à-propos des données rapportées dans le mémoire de la professeure Myers, qui révèlent ce fléau qu'est l'incarcération provisoire excessive.
    Il est manifeste que la société veut voir incarcérer les criminels, c'est-à-dire des personnes reconnues coupables d'un crime. D'un autre côté, cette même société ne doit pas vouloir envoyer des innocents en prison.
     Dans l'arrêt St‑Cloud, le juge en chef actuel de la Cour suprême du Canada a rappelé les propos que les tribunaux supérieurs tiennent depuis 1990:
S'agissant tout d'abord de la perception du public, comme on le sait, face aux criminels ou aux criminels en puissance, une large partie du public canadien adopte souvent une attitude négative et parfois passionnée. Elle veut se voir protég[ée], voir les criminels en prison et les voir châti[és] durement. Se débarrasser du criminel, c'est se débarrasser du crime. [Est-ce une réelle équation?] Elle perçoit alors indûment le système judiciaire et celui de l'administration de la justice en général comme trop indulgent, trop mou, trop bon pour le criminel. Cette perception, presque viscérale, face au crime n'est sûrement pas celle sur laquelle le juge doit se fonder pour décider de la remise en liberté. Dans cette hypothèse, en effet, les personnes accusées de certains types d'infraction ne seraient jamais remises en liberté [par rapport à d'autres]. C'est donc à un autre niveau qu'il faut se placer, soit celui d'un public raisonnablement informé de notre système de droit pénal et capable de juger et de percevoir sans passion que l'application de la présomption d'innocence, même au niveau de la liberté provisoire [expression qu'il faut sans cesse répéter], a pour effet qu'effectivement des gens qui, plus tard, seront trouvés coupables, même de crimes sérieux, auront cependant retrouvé leur liberté entre le moment de leur arrestation et celui de leur procès. En d'autres termes, le critère de la perception du public ne doit pas s'exercer à partir du plus petit dénominateur commun.
    Cette portion de la société n'a donc pas de nouvelles réflexions ou de nouveaux réflexes en cette matière. Le système doit résister aux attaques directes contre la présomption d'innocence, principe qui engendre rien de moins que des erreurs judiciaires s'il est relativisé. Il est question ici, pour une personne qui finira par être déclarée non coupable, d'avoir passé du temps en prison pour rien.
    Selon nous et l'expérience judiciaire, la voie utile à emprunter dans le cadre d'une réflexion sur la question de la sécurité du public est la vérification, ou plutôt la surveillance, des conditions qui assortissent une mise en liberté provisoire. Il est manifeste pour nous que cette surveillance est souvent inadéquate, voire totalement absente, par rapport à celle qui accompagnerait un emprisonnement avec sursis, par exemple.

  (1645)  

     Ainsi, lorsque la cour émet des conditions de remise en liberté, celles-ci perdent littéralement tout effet pour protéger le public si, pour en assurer le respect, les forces de l'ordre ne font pas de réelles vérifications et n'ont pas...

[Traduction]

    Maître Boulet, je vais vous demander de conclure rapidement.

[Français]

    Il en va de même pour le suivi auprès des plaignants, dont il a été question plus tôt.
     C'est ce dont je voulais vous entretenir et je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

    Merci, maître Boulet.
    C'est maintenant au tour de Mme Latimer, qui dispose de cinq minutes.
    Je suis ravie d'avoir l'occasion de présenter le point de vue de la Société John Howard sur les questions relatives à la mise en liberté sous caution dans notre pays. Nous déplorons la mort tragique du policier aux mains d'une personne qui avait été mise en liberté sous caution et qui n'en respectait pas les conditions.
    Toutefois, trop souvent, une réforme du droit pénal motivée par une seule tragédie ne s'attaque pas au véritable problème. À notre avis, une autre disposition qui vise à renverser le fardeau de la preuve ne corrigera pas notre système défectueux. Nous espérons que ce décès sera l'élément déclencheur d'une réforme globale du système dysfonctionnel de mise en liberté et de détention avant le procès au Canada.
    Ce que nous espérons, c'est que les réformes soient fondées sur des données empiriques et qu'elles respectent la présomption d'innocence et le droit à une caution raisonnable, tout en protégeant le public à court et à long terme. Il semble que notre système actuel échoue sur les deux fronts.
    La présomption d'innocence est un principe de notre système de justice pénale depuis la Magna Carta. La plupart des systèmes judiciaires des pays industrialisés incluent cette présomption et le droit de ne pas être puni avant d'être reconnu coupable d'un crime.
    Des taux élevés de détention provisoire font craindre aux organismes internationaux de défense des droits de la personne et à d'autres instances que les droits ne soient pas respectés dans le système judiciaire d'un pays. Par rapport à d'autres pays, la proportion de personnes en détention provisoire par rapport au nombre total de détenus est scandaleusement élevée au Canada. En Angleterre et au Pays de Galles, elle est de 11,7 % et aux États-Unis de 22 %, alors que les personnes en détention provisoire au Canada représentent 38,7 % de la population carcérale totale, selon les données de 2017‑2018. Par rapport à d'autres pays développés, cette proportion compromet la réputation du Canada en tant que pays qui prend au sérieux la présomption d'innocence et le droit à une mise en liberté sous caution raisonnable.
    Il est à espérer que cette étude sur la mise en liberté sous caution permettra d'expliquer les raisons pour lesquelles les dispositions législatives conduisent à des taux de détention provisoire aussi élevés. Les retards et l'inefficacité du système pourraient entraîner des périodes de détention plus longues que dans d'autres pays développés. Il s'agit là d'une grave privation de liberté. Les retards dans le système pourraient également faire en sorte que les personnes libérées sous caution soient soumises à des conditions limitant leurs libertés pendant des périodes plus longues que nécessaire.
    Les procès sont peut-être trop longs au Canada. Les tribunaux sont embourbés dans les délits de faible gravité, y compris les infractions contre l'administration de la justice. Des solutions de rechange plus efficaces à la criminalisation de la toxicomanie, de la maladie mentale, de l'itinérance et de la pauvreté rendraient le système de justice pénale plus efficace et lui permettraient de se concentrer sur les infractions les plus graves.
    En 2018‑2019, sur les 310 000 affaires traitées par les tribunaux pour adultes dans l'ensemble du Canada, environ 119 000 ont donné lieu à un verdict de non-culpabilité. Combien de ces personnes ont été soumises à une détention provisoire ou ont vu leurs libertés restreintes à cause de leurs conditions de mise en liberté sous caution? Alors que, pour les personnes détenues et condamnées, les jours de détention provisoire sont généralement déduits de la peine proportionnelle, il n'y a pas de compensation pour la perte de liberté des personnes trouvées innocentes, avant l'abandon des poursuites ou le verdict de non-culpabilité.
    Est‑ce que le nombre d'affaires qui encombrent le système et qui aboutissent à des acquittements ou à des abandons de poursuites diminuerait si c'étaient les procureurs de la Couronne plutôt que la police qui portaient les accusations? Il semble que l'enjeu ne soit pas de placer davantage de personnes en détention provisoire, mais de concentrer la détention sur les personnes qui présentent un risque de fuite ou un risque immédiat pour la sécurité publique.
    La Société John Howard s'oppose au principe de l'inversion du fardeau de la preuve. Si une personne doit être privée de liberté, c'est l'État qui doit persuader le juge que c'est nécessaire. Le risque de criminalité future est très difficile à prédire avec précision, et bien que la conduite passée soit l'un des meilleurs indicateurs du comportement futur, des études montrent que le risque associé à une personne qui a un casier judiciaire et qui n'a pas commis de crime pendant cinq ans après avoir purgé sa peine correspond à peu près au risque associé à une personne qui n'a jamais commis d'infraction.
    Les personnes qui sont engagées dans un cycle actif de criminalité violente présentent incontestablement un risque. Il faudrait réaliser une étude sur la personne — mentionnée par votre témoin Robert Davis — qui n'a pas respecté les conditions de sa mise en liberté sous caution, qui était en possession d'une arme de poing et qui a néanmoins été remise en liberté sous caution, afin de comprendre les circonstances. La Couronne n'a‑t‑elle pas réussi à convaincre le tribunal de placer la personne en détention? Quelles preuves ont été présentées? Est‑ce qu'il y avait lieu d'inverser le fardeau de la preuve?
    D'un autre côté, combien de personnes se retrouvent en détention provisoire parce qu'elles sont sans abri, souffrent de maladie mentale ou de toxicomanie, n'ont pas accès à un avocat, ne peuvent fournir de caution et ne bénéficient pas d'une surveillance de la liberté sous caution ou d'autres programmes dans la collectivité ? Les tribunaux s'enlisent dans les délits de faible gravité, les infractions contre l'administration de la justice et les délits liés à la maladie mentale et à la toxicomanie.

  (1650)  

    Les solutions communautaires seraient plus efficaces, et nous savons que les programmes communautaires de supervision et de vérification des mises en liberté sous caution fonctionnent bien, qu'ils sont moins coûteux que la détention et qu'ils contrecarrent la discrimination systémique à l'encontre des personnes marginalisées dans le système de justice pénale. Il faudrait investir davantage dans ces programmes.
    Les études montrent clairement que le temps passé en détention provisoire augmente le risque de criminalité future. Même de courtes périodes compromettent la stabilité de l'emploi, du logement, des régimes de santé et de traitement, des responsabilités liées à la garde des enfants, de l'éducation, des réseaux sociaux et des familles. La détention dans les prisons provinciales, avant le procès, expose les personnes à la violence, les empêche d'accéder à des programmes de réadaptation et limite souvent leur accès aux traitements médicaux. C'est une expérience difficile. Trop de personnes meurent en détention provisoire.
    En conclusion, la Société John Howard espère que notre système de mise en liberté sous caution fera l'objet d'une réforme globale.
    Je vous remercie.
    Merci, madame Latimer.
    Pour terminer, nous allons écouter l'honorable Bronwyn Eyre, ministre de la Justice et procureure générale, par vidéoconférence.
    Nous sommes ravis de vous retrouver. La parole est à vous pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci beaucoup d'avoir bien voulu m'accueillir cet après-midi.
    Tout d'abord, j'aimerais dire que j'ai été très heureuse de participer au nom de la Saskatchewan, avec ma collègue, la ministre Tell, à la réunion fédérale-provinciale-territoriale sur la réforme du système de mise en liberté sous caution, qui s'est tenue, il y a 10 jours, sous la présidence des ministres Lametti et Mendicino.
    En tant que représentantes de la Saskatchewan, nous avons été ravies d'entendre le ministre fédéral de la Justice, M. Lametti, annoncer qu'il s'engageait à procéder rapidement à des réformes ciblées du Code pénal concernant la mise en liberté sous caution. Nous trouvons également réjouissant qu'il ait dit que son engagement était le résultat d'une collaboration de bonne foi entre tous les ordres de gouvernement afin de répondre aux besoins liés aux récidivistes violents.
    Nous sommes tout à fait d'accord. Le système de mise en liberté sous caution, en particulier pour les récidivistes violents — soyons très clairs à ce sujet —, a besoin d'être réformé. Comme nous le savons, les objectifs premiers de la mise en liberté sous caution sont de garantir la sécurité et la confiance du public, et ces objectifs risquent d'être compromis. Seulement un tiers des Canadiens font aujourd'hui confiance à nos cours pénales. Les chefs de police de tout le pays réclament une réforme. Des shérifs sont déployés dans les centres-villes. Les provinces doivent affecter et déployer des ressources supplémentaires pour la sécurité des collectivités. Les situations d'urgence sont de plus en plus fréquentes dans les réserves du Canada.
    Il ne fait aucun doute que les troubles de l'ordre social et la criminalité sont en hausse. Bien sûr, nous avons assisté à des décès tragiques au cours des derniers mois, dont celui de l'agent de la police provinciale de l'Ontario, M. Pierzchala, que plusieurs ont mentionné. Dans cette affaire, comme nous le savons, le juge avait de sérieuses réserves quant à la remise en liberté, et on a pu lire que même un cœur sensible pourrait devenir de pierre, au vu de certaines des infractions que ce délinquant avait déjà commises.
    Le processus selon lequel une personne est arrêtée puis mise en liberté sous caution fait partie d'un problème plus vaste. Les chiffres le montrent. En 2021, en Saskatchewan, selon les données de Statistique Canada, il y a eu 15 274 cas de violation des conditions de mise en liberté sous caution. Il s'agit d'une augmentation de 9 % par rapport au nombre de cas en 2020, qui était de 14 000, et d'une augmentation de 30 % par rapport au nombre de cas en 2018.
    La Saskatchewan a fait part de ses préoccupations concernant le projet de loi fédéral C‑75 adopté en 2019, qui établissait le principe de retenue favorisant la mise en liberté sous caution « à la première occasion raisonnable et aux conditions les moins sévères possible dans les circonstances ».
    Lors de la réunion fédérale-provinciale-territoriale tenue il y a 10 jours, j'ai remis en question ces dispositions du projet de loi C‑75 et j'ai proposé de possibles modifications au Code criminel qui permettraient de responsabiliser les récidivistes violents, d'améliorer la sécurité publique et de rétablir la confiance des Canadiens dans le système de justice.
    En outre, avant la dernière réunion des ministres, la Saskatchewan, de concert avec le Manitoba, a demandé au gouvernement fédéral d'élargir la portée des dispositions relatives à l'inversion du fardeau de la preuve dans le cadre de la mise en liberté sous caution pour les crimes commis à l'aide de couteaux et de répulsif à ours. De même, tous les premiers ministres canadiens, y compris celui de la Saskatchewan, ont demandé l'inversion du fardeau de la preuve pour les personnes accusées de crimes violents commis avec une arme à feu, ainsi qu'un examen approfondi et une réforme du système de mise en liberté sous caution. Il ne fait aucun doute que les ministres provinciaux étaient unanimes sur la nécessité de rétablir l'équilibre quand ils sont arrivés à la dernière réunion.
    Comme je l'ai signalé, la Saskatchewan a proposé un certain nombre de changements particuliers, notamment l'inversion du fardeau de la preuve pour la mise en liberté sous caution des récidivistes violents, le raffermissement du libellé concernant l'importance de la sécurité communautaire et l'obligation pour les juges de fournir un avis écrit concernant les répercussions sur la sécurité publique lorsqu'ils mettent en liberté sous caution des délinquants violents.
    Nos propositions particulières, qui ont également été communiquées au ministre Lametti lors de la réunion fédérale-provinciale-territoriale, portent notamment sur le projet de loi C‑75 et l'article 493.1 du Code criminel.
    Nous avons proposé de modifier le libellé comme suit. Après « Dans toute décision prise au titre de la présente partie », nous ajouterions « compte tenu en premier lieu de la nécessité d'assurer la sécurité publique », puis nous poursuivrions avec « l’agent de la paix, le juge de paix ou le juge cherchent à », sans « en premier lieu ». Le libellé resterait le même après « mettre en liberté le prévenu ».
    Nous avons également proposé de modifier le paragraphe 515(10) afin qu'on y fasse expressément référence à « l'utilisation d'armes et la récidive avec violence, avec ou sans arme » comme motifs justifiant la détention.

  (1655)  

    Enfin, en ce qui concerne l'inversion du fardeau de la preuve, nous avons proposé, premièrement, de créer de nouveaux recours à l'inversion du fardeau de la preuve pour les infractions liées aux armes et pour les délinquants violents qui ont déjà été condamnés pour une infraction violente, avec ou sans arme. Deuxièmement, nous avons proposé que le troisième motif soit modifié, au sous-alinéa 515(10)c)(iii), afin d'inclure l'utilisation de « toute arme » comme motif justifiant la détention. Troisièmement, nous avons proposé de codifier la définition d'une « ordonnance d'interdiction » d'armes afin d'inclure une clause dans une ordonnance de mise en liberté.
    Quatrièmement, enfin, nous avons proposé d'exiger des juges, lorsqu'ils mettent en liberté une personne accusée de violence ou d'usage d'armes, qu'ils rédigent un énoncé sur les répercussions sur la sécurité de la communauté et sur les facteurs à prendre en compte dans l'intérêt des victimes.
    Je vais m'arrêter là, monsieur le président.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions, à commencer par M. Caputo, qui dispose de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins de leur présence, soit sur place, soit virtuellement. Je sais qu'ils consacrent beaucoup de temps à un sujet très important.
    Madame la ministre de la Justice, je dois avouer que j'ai étudié à l'Université de la Saskatchewan. C'est là que j'ai rencontré ma femme et que j'ai obtenu mon diplôme en droit. J'espère donc que la région vous plaît autant qu'elle m'a plu. Mes questions vont s'adresser à vous.
    Madame la ministre, le fait est que les premiers ministres des 10 provinces et des 3 territoires ont, tous ensemble, unilatéralement demandé une réforme du système de mise en liberté sous caution. Est‑ce exact?
    Oui.
    Ces gouvernements couvrent tout le spectre politique. Ce que j'entends par là, c'est qu'il y a un gouvernement néo-démocrate en Colombie-Britannique qui demande une réforme du système de mise en liberté sous caution. Il y a des gouvernements conservateurs en Ontario et en Alberta qui demandent cette réforme. Cette demande des provinces ne semble donc pas de nature partisane.
    Êtes-vous d'accord?
    Oui, je suis tout à fait d'accord.
    Je crois que le message était on ne peut plus unanime, pas uniquement de la part des premiers ministres provinciaux et territoriaux dans leur lettre au premier ministre, mais aussi de la part de tous les ministres de la Justice au pays il y a 10 jours. Là encore, c'est une position généralisée au sein des gouvernements. Les affiliations politiques représentées à la réunion étaient certes variées, mais tous étaient fermement unis derrière un même message. Il est tout à fait juste de dire que c'était là le message envoyé.
    Ce message me semble avoir été reçu de très bonne grâce par le ministre Lametti et le ministre Mendicino. On a confirmé que des efforts collaboratifs suivraient et qu'ils incluraient tous les ordres de gouvernement. Comme l'a exprimé le ministre Lametti, il est très important d'y jeter rapidement un coup d'œil. Nous ne devons pas perdre de vue le message sous-jacent que les deux groupes, soit les premiers ministres et les ministres de la Justice, ont manifestement essayé de transmettre à leurs homologues fédéraux en matière de récidivistes violents. C'est principalement ce qui sous-tend la démarche.

  (1700)  

    Merci, madame la ministre.
    Vous avez fait référence à une lettre des premiers ministres provinciaux et territoriaux au ministre de la Justice. Vous souvenez-vous de la date approximative de cette lettre?
    En fait, elle a été envoyée au premier ministre.
    C'était au premier ministre. Je suis désolé. Me suis‑je mal exprimé? Veuillez m'en excuser.
    Pas de souci.
    Oui, je crois que c'était en janvier, mais je ne connais pas la date exacte. C'est assez récent.
    Je ne pouvais pas m'en souvenir spontanément, comme ça.
    Cette lettre est l'aboutissement de ce que les premiers ministres demandent depuis un certain temps déjà. Êtes-vous d'accord?
    Oui.
    Dans ce cas, je crois que le premier ministre Ford a en quelque sorte été le fer de lance de la lettre, bien que, comme je l'ai dit, elle a été signée par tous les premiers ministres provinciaux et territoriaux. C'était dans la foulée du décès tragique d'un agent de la Police provinciale de l'Ontario auquel nous avons fait référence. Tout le monde a reconnu que ce décès était un symbole particulièrement tragique et qu'il illustrait la réalité de la mise en liberté sous caution au pays. Je crois que, dans cette lettre, mais aussi chez les ministres qui se sont rendus à Ottawa il y a 10 jours, on exprime que si le système n'est pas dysfonctionnel, il est tout près de l'être.
    Le projet de loi C‑75 de 2019, qui est assez récent, bien sûr, a trop radicalement renversé la situation. Des correctifs s'imposent. Évidemment, tout le monde comprend les bases de la présomption d'innocence, les raisons de la mise en liberté sous caution et les problèmes relatifs à la détention provisoire et à la surpopulation. Toutes ces choses sont primordiales et préoccupantes.
    Je crois que l'on peut dire que les ministres ont eu le sentiment, tout comme les premiers ministres quand ils ont rédigé leur lettre, surtout en ce qui a trait au projet de loi C‑75 et au libellé entourant le « principe de la retenue », qu'ils codifient... Le libellé énonce très clairement qu'il y a codification. Dans le cas tragique de l'agent de la Police provinciale de l'Ontario, certains de ces articles en particulier ont été soulevés dans le traitement préalable de la mise en liberté sous caution et ont dû être interprétés par le juge. Nous savons que, dans ce cas, le résultat a été tragique.
    J'ai deux autres questions pour vous, car je sais qu'il ne me reste qu'une minute environ.
    Cette question de la réforme du système de mise en liberté sous caution n'a pas été soulevée subitement le 27 décembre. Les circonstances l'ont vraiment mise en lumière, mais la question de la réforme de ce système était sur l'écran radar de la majorité des premiers ministres provinciaux et territoriaux depuis déjà 18 mois au moins. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
    Oui. Je crois que c'était un aboutissement, le résultat propulsé par les événements tragiques concernant l'agent Pierzchala, mais j'estime que c'était bel et bien sur l'écran radar. Dans ma déclaration liminaire, j'ai souligné certaines statistiques en Saskatchewan concernant la violation des conditions de la liberté sous caution, qui montrent une augmentation colossale. Je crois que l'on peut dire que, bien que les chiffres varient d'une province à l'autre, tout le monde reconnaît pleinement, surtout après 2019 et l'adoption du projet de loi C‑75, que les chiffres ont augmenté de manière exponentielle. J'estime que nous devons remédier à cela, donc...
    Merci.
    Je suis désolé. Je ne voulais pas vous couper la parole.
    Très brièvement, j'aimerais vous demander ceci: j'ai déposé le projet de loi C‑313. Vous avez parlé de l'article 493.1. Dans mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C‑313, il est question de ce que je qualifierais d'un renversement du fardeau de la preuve renforcé qui éliminerait le principe de la retenue dans le cas des délinquants commettant des actes criminels graves avec une arme à feu.
    Est‑ce quelque chose que vous pourriez soutenir?
    Oui. Comme je l'ai dit, je crois que tant les premiers ministres, dans leur lettre, que les ministres de la Justice dans leurs interactions avec leurs homologues fédéraux ont vraiment mis l'accent sur la question des récidivistes violents, des récidives violentes avec une arme et contre la personne, et plus particulièrement quand le délinquant a été mis en liberté sous caution. Ces cas sont probablement ceux qui monopolisent le plus notre attention. Je crois que c'est une représentation juste. C'était probablement la principale préoccupation qui a mené à la rédaction de la lettre et à ce qui a suivi.

  (1705)  

    Merci de votre temps.
    Merci, monsieur Caputo.
    Madame Diab, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bienvenue à tous nos témoins.
    Permettez-moi de commencer par vous, madame la ministre.
    D'abord, félicitations pour votre poste de ministre de la Justice et de procureure générale. C'est un rôle que j'ai déjà eu. Je vous souhaite bonne chance.
    Vous étiez présente à la rencontre fédérale-provinciale-territoriale d'il y a 10 jours, comme vous l'avez dit. Vous avez parlé de collaboration. J'ai une question pour vous sur les données. Vous aviez des données pour nous aujourd'hui. Pouvez-vous nous dire de quelle façon les données sont recueillies en Saskatchewan? Où pouvons-nous trouver cette information? Pouvez-vous nous la fournir?
    Oui, absolument. Les données auxquelles j'ai fait référence viennent de Statistique Canada et datent de 2021. J'ai ensuite cité les incidents où il y a eu violation des conditions de la liberté sous caution. Je serai tout à fait heureuse de vous fournir cela.
    C'est super. Nous vous en sommes reconnaissants. Ce serait utile au Comité, je crois.
    Pouvez-vous aussi nous dire les mesures prises par la Saskatchewan pour améliorer l'application des conditions de la liberté sous caution?
    Depuis la rencontre des ministres fédéraux et de leurs homologues des provinces et des territoires, il y a deux semaines, notre province a publié une politique actualisée sur la mise en liberté sous caution. Elle se fonde sur les pratiques actuelles. Elle se fonde aussi sur les politiques actuelles que les procureurs de la Couronne doivent, bien sûr, déjà prendre en considération — lorsqu'il y va de la sécurité publique, notamment les risques élevés d'infraction, les cas de violence contre un partenaire intime, un enfant, un adulte vulnérable et ainsi de suite — tout en respectant, bien sûr et surtout, le pouvoir discrétionnaire de poursuite. J'ai également demandé, et la Colombie-Britannique avait fait quelque chose de semblable, en novembre, que la nouvelle politique insiste explicitement pour que, s'il est satisfait à l'une des conditions pour refuser à un récidiviste violent sa libération sous caution, le procureur préconise sa détention, notamment s'il est en attente de procès. La question nous a servi de tremplin.
    Merci beaucoup.
    Je profiterai de la présence de Mme Latimer pour la questionner. Soyez la bienvenue.
    D'après votre expérience, y compris celle de votre organisation, pouvez-vous décrire la situation actuelle, sur le plan national, de la mise en liberté sous caution et de la détention provisoire ainsi que leurs tendances que vous avez été à même de constater au cours des décennies récentes?
    J'ai l'impression que la proportion de prisonniers en détention provisoire augmente au Canada. Ça reflète la probabilité plus grande, pour les Canadiens marginalisés, de se retrouver en détention. Il s'agit de sans-abri ou de personnes éprouvant des problèmes de santé mentale. Elles peuvent être toxicomanes. De solides appuis dans la collectivité et la famille leur font défaut. C'est celles qui sont difficilement mises en liberté surveillée sous caution dans la collectivité.
    Voici une question pour vous et peut-être pour d'autres témoins.
    Si vous étiez députée, que diriez-vous à vos électeurs qui estiment que les conditions de remise en liberté sont trop douces actuellement et qui s'inquiètent pour la sécurité publique?
    Je pense que nous reconnaîtrions tous que les accusés qui sont des criminels actifs doivent être mis hors d'état de nuire, pour protéger le public, mais le risque que présentent pour la communauté beaucoup de détenus — de la majorité d'entre eux — avant le procès, c'est‑à‑dire de s'enfuir ou de commettre une autre infraction, peut être géré grâce à des programmes réalisés avec la participation de la collectivité, dont les coûts sont beaucoup moins élevés et qui sont beaucoup plus efficaces, à long terme, pour protéger le public.
    Madame Rogin, puis‑je vous poser la même question?
    Pouvez-vous la répéter?
    Si vous étiez députée, que diriez-vous à vos électeurs que préoccupe l'indulgence excessive du système de mise en liberté sous caution de notre pays?

  (1710)  

    Je leur dirais que ce système cause effectivement des préjudices et de la violence. Ceux que préoccupe la criminalité violente doivent vraiment réfléchir à ce que nous devons faire pour la prévenir, et il n'existe simplement pas de preuves montrant que l'incarcération et l'entassement dans des conditions déplorables préviennent le mal. Ce n'est simplement fondé sur aucune recherche ni aucune donnée. Les données disent le contraire. La chose à faire est d'investir dans les solutions qui se sont révélées réduire au minimum les comportements violents.
    Pouvez-vous décrire ce que le projet de loi C‑75, d'après vous, a fait ainsi que ses conséquences sur le système de mise en liberté sous caution?
    Nous sommes encore dans l'inconnu. Je ne crois pas que nous ayons… Le projet de loi C‑75 est récent et nous n'en comprenons pas vraiment beaucoup les effets. Nous savons qu'on ne profite pas assez de certaines des possibilités qu'il offre. Par exemple, on utilise mal les comparutions pour manquement.
    Nous ne connaissons pas encore les effets de l'article 493.2. La jurisprudence continue d'évoluer. Il est trop tôt pour envisager une autre réforme du système de mise en liberté sous caution alors qu'une réforme massive a eu lieu, il n'y a pas si longtemps, sous l'effet du projet de loi C‑75.
    Merci beaucoup.
    C'est le signal...
    Merci, madame Diab.
    Madame Normandin, vous disposez de six minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie l'ensemble des témoins pour leur participation.
    Maître Boulet, c'est à vous que j'adresserai mes questions. Nous devons nous pencher sur la réforme du système de cautionnement et il y a deux angles sous lesquels nous pouvons l'analyser.
    Le premier est l'angle législatif. Il y a le risque de ce que j'appellerais en bon français une feel-good legislation, qui peut sembler rassurante, mais qui ne fonctionne pas. Vous sembliez insister sur le fait qu'on a peut-être déjà tous les outils législatifs requis pour un bon système de mise en liberté sous caution, mais qu'il manque des outils pour son application. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
    C'est exactement le cas, parce que lorsqu'on parle de l'alinéa 515(10)c) du Code criminel, l'intérêt du public y est spécifiquement mentionné. D'ailleurs, cet intérêt va évoluer dans le temps, ce qui permet aux tribunaux d'être bien à l'affût.
    Le problème que je soulevais en fin de discours, c'est que l'expérience pratique nous apprend que le respect des conditions de mise en liberté n'est pas vérifié. Prenons l'exemple concret d'un couvre-feu: c'est bien beau d'imposer un couvre-feu, mais si personne ne vérifie qu'il est respecté, nous manquons selon moi à notre devoir de détecter les délinquants ou les personnes accusées qui mineraient l'effet réel escompté d'une mise en liberté provisoire.
    Tout à l'heure, j'entendais des statistiques sur des cas de non-respect des conditions. Selon moi, le fait de tenir des statistiques sur le non-respect des conditions, c'est vraiment faire fausse route. Le non-respect d'une condition signifie avoir enfreint une condition de mise en liberté. Or, prenez l'exemple d'une personne qui a oublié d'informer le tribunal d'un changement d'adresse. Ce type de statistiques recoupe beaucoup d'infractions qui ne sont même pas des infractions commises avec violence. Cela peut souvent poser problème, entre autres pour les personnes qui seraient aux prises avec des difficultés de logement social.
     Merci beaucoup.
     Comme vous êtes une avocate praticienne, j'aimerais savoir quelle impression vos clients peuvent avoir du fait qu'ils ne se feront pas taper sur les doigts s'ils enfreignent les conditions qui leur sont imposées, puisque personne n'en vérifie le respect. Est‑ce que cela peut entraîner une indifférence à l'égard de ces conditions?
    Heureusement, ce message n'est pas répandu par nous, praticiens du droit. Je vous en fais part aujourd'hui, puisque vous vous intéressez à la question, mais les praticiens du droit ne vont pas répandre cette nouvelle auprès des justiciables. Sinon, si on informait la clientèle de ce fait, cela pourrait poser problème. Comme praticiens du droit, nous nous assurons de ne pas répandre la nouvelle même si, aujourd'hui, je suis en train de le faire indirectement.
    Merci beaucoup.
    À la fin de vos remarques liminaires, vous avez mentionné le fait qu'il semble y avoir une différence entre la surveillance dans un cas de mise en liberté sous condition et la surveillance dans un cas de peine avec sursis. Qu'est‑ce qui fonctionne dans un cas de peine avec sursis, mais qui ne fonctionne pas dans un cas de mise en liberté sous caution? Que pouvons-nous améliorer?

  (1715)  

    Dans les cas de peine avec sursis, la personne qui est détenue à la maison sera confiée à un agent de probation attitré et fera l'objet d'un plan concret de surveillance. L'agent de probation prendra en charge ce détenu, terme utilisé même si la personne purge sa peine à la maison.
    Au niveau de la police, cela fait écho à d'autres commentaires sur la question de la communication. Une fois que le détenu est remis en liberté, personne ne se voit attribuer le dossier à des fins de surveillance, pas même l'enquêteur chargé du dossier. Il n'y a donc pas de plan concret pour garantir le plein effet des conditions.
    J'aimerais entendre ce que vous avez à dire sur la réussite des plans de surveillance dans un cas de peine avec sursis. Y a‑t‑il autant de problèmes de non‑respect des conditions? Est-ce que ces plans sont plus efficaces dans les cas de peine avec sursis que dans les cas de mise en liberté sous caution?
    Effectivement, on en parlait tout à l'heure. Selon les statistiques, le nombre de cas où les conditions ne sont pas respectées est élevé dans les dossiers de mise en liberté sous caution. Par contre, dans les dossiers de peine avec sursis, on n'est pas du tout dans le même ordre de grandeur. Si un détenu condamné à une peine avec sursis enfreint les conditions qui lui sont imposées, les conséquences sont très directes puisqu'il perdra le privilège d'une détention à domicile et devra purger sa peine en prison.
    Si une personne mise en liberté sous caution ne respecte pas les conditions qui lui sont imposées, cela devrait avoir le même effet et cette personne devrait être emprisonnée. Le fardeau de la preuve serait alors inversé. Le système a trouvé cet équilibre, permettant que le fardeau soit inversé dans les situations où la personne doit prouver qu'elle ne pose aucun danger.
    Merci.
    J'aimerais vous poser la même question que j'ai posée à Me Bytensky plus tôt: quels sont les délais pour obtenir une enquête sur remise en liberté au Québec?
    C'est une autre boîte de Pandore. Si on l'ouvre, on voit que les délais sont longs. La loi prévoit un délai de trois jours, mais si l'enquête sur remise en liberté dure un certain temps, on dépasse ce délai.
     Là où on doit investir dans le système en ce moment, selon moi, c'est dans la surveillance et l'application de la loi.
    Il me reste seulement 20 secondes et vous n'aurez pas le temps de répondre à une autre question.
    Merci beaucoup, maître Boulet.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Garrison, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de s'être présentés.
    Madame Rogin, comme d'autres témoins ont évoqué le projet de loi C‑75, pouvez-vous en expliquer la nécessité à la lumière de l'arrêt de la Cour suprême sur la présomption d'innocence?
    Je pense que la présomption d'innocence, parmi de nombreuses autres questions constitutionnelles, y compris le droit même à une mise en liberté sous caution raisonnable, dans l'alinéa 11e) était en jeu.
    Antérieurement au projet de loi C‑75, les arrêts de la Cour suprême n'apportaient pas vraiment d'idées nouvelles. Ils confirmaient la terminologie codifiée et la jurisprudence. Le projet de loi était nécessaire en raison des problèmes qui persistent toujours après son adoption, comme les délais des séances de libération sous caution, la pénibilité des conditions et le recours excessif aux cautions. Tous ces problèmes continuent de nous tourmenter, dans notre système. Voilà pourquoi le projet de loi C‑75 a au moins essayé d'envoyer aux juges, aux juges de paix, aux procureurs de la Couronne et à nous tous un message fort, qui était que quelque chose devait changer.
    À de nombreux titres, on ne respecte pas la loi. On ne tient souvent aucun compte des lois codifiées régissant les cautions, d'après mon expérience des séances de libération sous caution. On les ignore ouvertement à bien des égards. La compréhension que j'en ai, d'après de nombreux collègues, est que ça n'a pas nécessairement changé, comme M. Bytensky l'a fait remarquer. Comme il l'a dit, je pense, la loi qui vient d'en haut ne se traduit pas nécessairement en nouveaux comportements quotidiens dans les séances de libération sous caution.
    Merci.
    Je veux m'adresser à Mme Latimer.
    Je sais que la Société John Howard possède une vaste expérience de l'application des programmes de mise en liberté sous caution supervisés par la collectivité. Que pouvez-vous dire de leurs effets sur les délinquants, les éventuels délinquants et les collectivités?
    Les programmes de supervision et de vérification des mises en liberté sous caution qu'administre la Société ont permis, avec beaucoup de succès, d'aider des personnes, y compris des détenus, à éviter de se retrouver dans le pétrin et à obtenir, dans les collectivités, l'aide alors nécessaire pour se présenter à leur procès et participer fructueusement au processus.
    Ce qui est très important, c'est que, en général, les personnes défavorisées du système actuel de libération sous caution sont marginalisées, soit du point de vue économique, soit parce qu'elles ont des problèmes de santé mentale ou, encore, sont victimes de discrimination raciale. Ces programmes sont utiles, parce qu'ils neutralisent en partie le privilège dont jouissent ceux qui peuvent se payer les services d'un bon avocat et ainsi de suite dans le processus de libération sous caution.
    Ils ont un effet égalisateur très efficace sur certains éléments les plus négatifs du système de libération sous caution, mais il n'y en a pas assez. Nous avons besoin de beaucoup plus d'autres programmes semblables.

  (1720)  

    Bien sûr, ce n'est pas à la Société John Howard de les offrir partout.
    Non. Nous sommes très chanceux quand les gouvernements se décident de le faire. Je pense qu'ils y trouvent un avantage économique, comme quelqu'un l'a fait remarquer, en ce qui concerne les coûts de détention d'une personne. Les programmes sont beaucoup moins coûteux.
    Pouvez-vous en dire un peu plus sur ce que vous savez des répercussions subies par les personnes maintenues en détention avant leur procès? Plusieurs témoins nous en ont parlé, mais je sais que votre société connaît de première main les répercussions des détentions trop longues sur les familles, dans la collectivité.
    Elles sont extrêmement perturbatrices.
    J'estime qu'elles causent, bien plus qu'avant, encore plus d'anxiété et de problèmes de santé mentale avant la déclaration de culpabilité, parce que les accusés ne savent pas vraiment ce qui se passe. Certains d'entre eux n'ont presque pas été en contact, avant, avec le système de justice pénale. Ils ignorent la conduite à tenir vis‑à‑vis des autres détenus d'établissements provinciaux.
    Ces établissements, que, dans leur jargon, des prisonniers appellent « boquettes », ont très mauvaise réputation. Aucun programme n'y est prévu. Le prisonnier toxicomane devra se priver de drogue sans beaucoup d'aide médicale. Ces endroits sont très stressants et très difficiles.
    Même si on y passe très rapidement, le logement, l'emploi, les relations avec la famille en souffriront. L'expérience se révèle très négative.
    Quand nous en parlons, je me dis parfois que, pour le public, il est paradoxal d'entendre qu'il sera davantage en sécurité si nous réduisons la détention. Pouvez-vous l'expliquer à ces gens?
    Il est difficile de les convaincre. C'est en effet paradoxal, mais c'est assez évident que la détention provisoire augmente la probabilité de vous exposer à la criminalité, de vous faire perdre confiance en vous et de voir, pour ces motifs, s'ériger devant vous un nombre suffisant d'obstacles sociaux qui vous prédispose désormais davantage à basculer dans la criminalité.
    Si on peut vous éviter la détention provisoire, on réduit ce risque de basculement. À long terme, la sécurité du public y gagne.
    Dans les dernières secondes qui me restent, voici ma question à la ministre de la Justice de la Saskatchewan.
    Beaucoup d'experts nous ont dit que les programmes de surveillance de la liberté sous caution réalisés avec la participation de la collectivité étaient très efficaces. Votre province en a‑t‑elle, et, sinon, envisagez-vous sérieusement d'en mettre en œuvre?
    Merci.
    Malheureusement, je dois probablement partir. Je dois être de retour à la Chambre d'ici quelques minutes. Alors, si, soudain, je disparais, vous comprendrez pourquoi. Vous me pardonnerez, j'espère, mes chuchotements. Ça me met mal à l'aise. Je n'avais pas désactivé le son.
    Avant de vous répondre sur les programmes, il y avait bien sûr l'affaire de la codification du projet de loi C‑75 devant la Cour suprême, et nous en avons discuté à la réunion des ministres fédéraux et de leurs homologues des provinces et territoires. Bien sûr, ce projet de loi était très général, de sorte que la crainte soulevée par les ministres d'un peu partout dans le pays concernait vraiment de façon précise le principe de retenue, puisque ça touche les récidivistes violents, les infractions à main armée et les agressions commises au hasard.
    L'article 493.1, en codifiant ce principe de retenue pour ces cas, a trop fait osciller le pendule. Comme je le dis, nous avons lu comment le juge s'est colleté avec cet article dans le cas de l'agent de la Police provinciale de l'Ontario, où il a bien vu que, d'après les récidives avec violence consignées dans le casier, c'était douteux, mais il était d'une certaine manière contraint, dans cette affaire également, par l'article en question.
    Pour ce qui concerne les programmes…

  (1725)  

    Madame la ministre, comme il ne me reste plus de temps, j'ai une question à laquelle on répond par oui ou non.
    Envisagez-vous sérieusement de réaliser des programmes de mise en liberté sous caution avec la participation de la collectivité?
    Oui, absolument. Beaucoup de nos programmes ont été couronnés de succès.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Van Popta, vous disposez de quatre minutes.
    Madame la ministre, j'espère que vous serez à moi pendant quelques minutes. Merci d'être ici.
    Dans votre témoignage, vous nous avez donné des détails sur les projets d'amendement de dispositions du Code criminel relatives à la mise en liberté sous caution. Je sais que votre province travaille également à actualiser sa politique à ce sujet.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus? Nous n'avons que quelques minutes.
    J'ai formulé quelques observations à ce sujet un peu avant. Je n'ai donc pas l'intention de me répéter. Dans notre politique, maintenant publiée, nous déclarons explicitement qu'il n'est pas seulement approprié, mais nécessaire que l'avocat de la Couronne, dans certaines circonstances, se montre plus rigoureux en matière de mise en liberté sous caution.
    Ainsi, « quand un récidiviste violent est accusé d'agression contre la personne ou d'agression armée, il doit demander sa mise en détention […] — un passage très semblable se trouve dans la loi de la Colombie-Britannique — à moins d'être convaincu, compte tenu de toutes les circonstances, de pouvoir réduire à un niveau acceptable le risque pour la sécurité publique posé par la mise en liberté de l'accusé en la soumettant à des conditions », et ainsi de suite.
    Il importe de signaler que ça s'inspire de ce qui est déjà envisagé pour la mise en liberté sous caution. La question, comme je l'ai dit un certain nombre de fois, concerne vraiment les circonstances de la récidive violente. C'est vraiment ce qui a été au centre d'une attention très particulière, ces derniers mois, si ce n'est des dernières années, relativement au projet de loi C‑75 et aux articles 493.1 et 493.2.
    Ça semble vraiment le sujet préoccupant. L'ensemble du pays était assez uni dans l'impression qu'on égrènerait une série de chiffres, mais, globalement, depuis ce temps, le nombre de violations des conditions de liberté sous caution a très sensiblement augmenté.
    D'après d'autres témoins, le problème perçu du fait d'un nombre si élevé de personnes en détention provisoire est l'absence de… Un témoin a parlé de culture de l'ajournement. Il a incriminé une pénurie de ressources dans le système judiciaire.
    Qu'en pensez-vous? Quelle est l'expérience vécue en Saskatchewan?
    La question est intéressante. Le point de vue fédéral, relativement au projet de loi C‑75… Ce projet de loi ratisse très large. Il aborde un certain nombre d'aspects du problème. En ce qui concerne les sujets de préoccupation et les aspects à privilégier que nous avons soulevés à la rencontre précitée des ministres, c'était — comme je l'ai répété un certain nombre de fois — davantage axé sur la question des récidivistes violents en ce qui concerne l'application de l'article 493.1 et le principe de retenue.
    Le projet de loi C‑75, comme les membres de votre comité le savent, faisait également… Son objet, en partie, était d'appliquer l'arrêt Jordan et le principe du même nom et, comme vous dites, de réagir aux ajournements répétés. Je le comprends. C'est également un facteur.
    De nombreux facteurs interviennent dans cette discussion, qu'il faut également soupeser, de nombreux aspects sont à prendre en considération. C'est certainement évident dans la question de la libération sous caution et de la prise en considération de cette libération.
    Ce sur quoi les provinces devaient principalement se focaliser, c'était les récidivistes violents, les infractions à main armée et les agressions faites au hasard, qui sont absolument en augmentation, et de s'y attaquer sous le prisme du projet de loi C‑75, une loi très récente, et des effets qu'il exerce dans ce domaine étroit.
    Merci, monsieur Van Popta.
    Madame Brière, vous disposez de quatre minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie et je salue tous les témoins présents cet après-midi.
    Maître Boulet, nous avons entendu lors de la première heure de cette réunion que tous les outils étaient déjà en place, que des changements législatifs n'étaient peut-être pas nécessaires, que nos juges étaient nommés au terme d'un processus rigoureux et étaient hautement qualifiés, et que les avocats de la défense étaient prêts à contester des mises en liberté provisoire liées à la présomption d'innocence dans le cas d'individus ayant commis des crimes graves.
    Partagez-vous cette opinion?

  (1730)  

    Parlez-vous de l'opinion voulant que nous soyons prêts à contester les remises en liberté pour les crimes graves?
    Je parle de l'opinion voulant que tous les outils soient en place et qu'on n'ait pas nécessairement besoin d'apporter de changements législatifs.
    Principalement en ce qui concerne l'article 515 du Code criminel, tout le raisonnement est effectivement en place pour que les juges puissent faire du cas par cas. Au bout du compte, ce sera toujours du cas par cas, même quand il n'y a pas de renversement du fardeau de la preuve ou que le fardeau incombe à la Couronne. Il est habituel qu'un plan de sortie — un plan de vie — soit quand même présenté au juge. Tout est en place pour juger par la suite du caractère efficient et suffisant de la démarche dans ce cadre. L'aspect législatif est couvert.
    Je reviens aux remises en liberté pour crimes graves. Quand nous disons que nous serons prêts à les contester, c'est que nous voulons toujours avoir accès à la possibilité d'une mise en liberté provisoire. Il est évident pour nous dans ces cas-là qu'il y a toute une côte à monter. La loi actuelle, qu'il faut bien connaître, prévoit déjà un renversement du fardeau de la preuve.
    Dans le cas de l'ancien projet de loi C‑75, nous n'avons pas du tout senti un vent de mises en liberté soudaines dans le cas de crimes graves. On a effectivement cessé de mener des enquêtes sur remise en liberté inutiles pour lesquelles il était évident que la personne pouvait être mise en liberté sous condition. On a fait le ménage qui s'imposait et ainsi libéré plus de temps pour traiter de cas plus sérieux, comme les crimes graves.
    Merci. Savez-vous ce qui est considéré pour établir qu'un accusé a droit à une mise en liberté? Comment évalue-t-on son état de dangerosité, par exemple?
    Les antécédents judiciaires vont traduire de façon très objective l'estimation de la dangerosité. Le passé criminel d'une personne sera un des éléments considérés, ainsi que la nature du crime, les circonstances entourant ce crime, le recours à une arme à feu et donc l'accès à des armes, ou encore les fréquentations de la personne. En fait, la liste des éléments peut être infinie, puisque le poursuivant pourrait faire preuve d'imagination et suggérer au juge des aspects à considérer dans l'estimation de la dangerosité de la personne.
    On a entendu Mme Latimer nous parler brièvement des conséquences qu'une détention, peu importe sa durée, si courte soit-elle, a sur la vie d'une personne. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
    Sur le plan pratique, l'impact d'une mise en liberté provisoire nous empêche littéralement de bien faire notre travail. Comme avocats de la défense, représenter une personne accusée équivaut pour nous et pour cette personne à faire un premier pas vers un verdict de culpabilité. Même le poursuivant aura une approche totalement différente avec nous, sachant qu'il a maintenant la liberté de cette personne entre les mains, ce qui nous rend vulnérables dans l'accomplissement de notre travail.
     À l'exclusion des catégories de crimes plus graves où il n'y a pas d'autres attentes que la détention préalable au procès, le découragement est ce qu'on constate maintenant chez les personnes concernées. Il est clair pour moi que certaines personnes plaident coupables même si elles ne le sont pas, en raison des conséquences psychologiques de la détention provisoire.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Brière, je vous remercie.
    Je remercie encore les témoins. Merci d’avoir pris le temps de contribuer à ce rapport sur le système de mise en liberté sous caution. Nous sommes déjà impatients de vous revoir pour d'autres études.
    Voilà qui met fin à notre journée. La séance est levée.
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