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HESA Rapport du Comité

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RAPPORT COMPLÉMENTAIRE DU NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE DU CANADA

Venir à bout de la crise des effectifs du secteur de la santé au Canada

Le 9 février 2022, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes (HESA) a adopté une motion pour entreprendre une étude sur la crise qui touche les effectifs du secteur de la santé au Canada. Cette étude s’est déroulée dans le contexte unique d’une pandémie mondiale qui a exercé une pression sans précédent sur le système de soins de santé du pays et sur tous ceux et celles qui mettent leurs compétences, leurs talents et leur dévouement au service de son fonctionnement.

Le Nouveau Parti démocratique du Canada remercie tous ceux et celles qui ont participé à l’étude. Il tient également à exprimer sa profonde gratitude aux travailleurs et travailleuses de la santé de tout le pays, qui font de grands sacrifices pour prendre soin de nous lorsque nous en avons le plus besoin.

Nous pensons qu’il est essentiel de souligner que si la crise de la COVID-19 a mis en évidence les nombreuses faiblesses de notre système de santé, dans de nombreux cas, elle n’en est pas la cause. Il ne fait aucun doute que la pandémie de COVID-19 a créé des conditions extrêmes qui poussent les effectifs du secteur de la santé à se surmener et à quitter leur profession à un rythme jamais vu. Cependant, la plupart des problèmes qui ont contribué à cette crise sont apparus il y a des décennies.

Une conclusion s’impose : si nous n’agissons pas maintenant, nous courons le risque de voir le système de santé s’effondrer.

Le Nouveau Parti démocratique du Canada approuve le rapport du Comité et les vingt recommandations qu’il contient. Il croit toutefois qu’il est possible de les améliorer. Nous présentons donc les renseignements et les recommandations supplémentaires suivantes afin de résoudre la crise touchant les effectifs du secteur de la santé au Canada.

  • A. Responsabilité du gouvernement fédéral en matière de soins de santé

Le Nouveau Parti démocratique estime qu’il est d’une importance capitale de veiller à ce que tous les ordres de gouvernement fassent leur part pour assurer la prestation de soins de santé de qualité au Canada. À notre avis, nous ne parviendrons pas à résoudre les graves problèmes qui affligent le système de santé, notamment la crise des ressources humaines, si les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ne collaborent pas pleinement.

Il faut reconnaître que la Constitution du Canada n’accorde pas expressément la compétence en matière de soins de santé exclusivement au Parlement fédéral ou aux assemblées législatives provinciales/territoriales. En effet, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que la santé « n’est pas l’objet d’une attribution constitutionnelle spécifique, mais constitue plutôt un sujet indéterminé que les lois fédérales ou provinciales valides peuvent aborder selon la nature ou la portée du problème de santé en cause dans chaque cas[1] ».

Bien que les provinces soient responsables de la prestation directe de la plupart des services médicaux, de l’établissement des hôpitaux et de la réglementation des professions, le gouvernement fédéral utilise son pouvoir de dépenser, qui trouve son fondement dans les articles 91 et 106 de la Constitution, pour établir les conditions et les critères des transferts fédéraux en santé. Il exerce également sa compétence en santé grâce à son pouvoir en matière de droit criminel (qu’il exerce, par exemple, pour réglementer les médicaments sur ordonnance) et, indirectement, à son pouvoir à l’égard de la paix, de l’ordre et du bon gouvernement.

Sur le plan législatif, le gouvernement fédéral exerce sa compétence le plus souvent par l’entremise de la Loi canadienne sur la santé et de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Il convient de noter que le pouvoir fédéral de dépenser dépasse le champ de compétence fédérale en matière législative et que le Parlement est habilité, lorsque les circonstances le justifient (comme les urgences), à affecter des fonds dans des domaines qui relèvent de la compétence des provinces.

Cela signifie que les deux principaux ordres de gouvernement au Canada – fédéral et provincial/territorial – ont des rôles essentiels à jouer pour garantir l’accès de tous les Canadiens à des soins de santé de qualité, qui sont fournis en temps opportun et de manière équitable.

  • B. Dépenses du gouvernement fédéral en santé

Bien que la pandémie de COVID-19 ait indéniablement exercé une énorme pression sur le système de santé, la crise qui y sévit trouve son origine dans des décennies de mauvais choix politiques faits par tous les ordres de gouvernement et dans la diminution constante du financement fédéral par les gouvernements successifs.

À sa création, le système public de soins de santé du Canada reposait sur un partenariat de partage des coûts à parts égales entre le gouvernement fédéral et les provinces. Cependant, au fil des ans, la contribution fédérale est passée à seulement 22 %. Bien que le gouvernement fédéral conteste parfois ce chiffre, il ne nie jamais que sa part a chuté à moins de 50 %.

Cette situation a profondément déplacé le fardeau financier de la prestation des soins de santé et exacerbe les pressions causées par le vieillissement de la population, les avancées technologiques et l’augmentation du coût des traitements et des médicaments.

Les conséquences crèvent les yeux sur la ligne de front des soins.

Auparavant, le Canada comptait 6,9 lits d’hôpitaux pour 1 000 habitants, alors qu’il n’en compte plus que 2,5. Des millions de Canadiens sont incapables d’avoir accès à un médecin de famille, la principale porte d’entrée dans le système de santé. Et le Canada se classe maintenant parmi les derniers pays de l’OCDE pour le nombre de médecins par habitant et le temps d’attente pour l’obtention de soins essentiels.

  • C. Prestation des soins de santé publics

Fait alarmant, la diminution de la part du gouvernement fédéral dans les dépenses globales en matière de santé a provoqué une augmentation de la prestation de services privés à but lucratif dans tout le pays, ou des appels en ce sens. Il en a découlé une atteinte au critère d’accessibilité prévu dans la Loi canadienne sur la santé, les patients recevant de plus en plus souvent indûment une facture pour des services de santé médicalement nécessaires qui leur sont fournis dans des cliniques privées.

En outre, certaines provinces permettent un accès plus rapide aux services de diagnostic essentiels, comme les IRM, à ceux qui peuvent les payer. Cette pratique entraîne des inégalités et un accès préférentiel aux soins en fonction de la richesse, car les résultats de ces diagnostics se traduisent souvent par un accès plus rapide à la chirurgie pour ces patients, ce qui facilite une forme de contournement de file d'attente.

Les cliniques privées du Canada exploitent également une faille de la Loi canadienne sur la santé pour offrir un accès à deux vitesses à des chirurgies non urgentes.

Cette faille découle de la définition que donne la Loi d’un service assuré: une chirurgie non urgente médicalement nécessaire n’est un service assuré que lorsqu’une personne se trouve dans sa province ou son territoire de résidence. En revanche, si elle se rend dans une autre province ou un autre territoire, la chirurgie non urgente n’est pas assurée et n’est donc pas assujettie aux conditions et aux critères de la Loi. Cela a conduit des cliniques privées à but lucratif à facturer des dizaines de milliers de dollars aux patients canadiens qui ont désespérément besoin de soins.

Certains gouvernements provinciaux ont récemment annoncé des plans afin d’élargir la prestation de services privés à but lucratif afin de remédier à l’engorgement des hôpitaux et aux longues listes d’attente inacceptables pour les chirurgies, les diagnostics et autres procédures. Cependant, les preuves recueillies au cours des décennies indiquent que cette approche ne fera qu’exacerber la crise actuelle.

Ce qui nous préoccupe dans le cadre de la présente étude, c’est le fait que des fournisseurs à but lucratif vont détourner les effectifs du système public et aggraver la pénurie de main‑d’œuvre qui le met déjà à rude épreuve. Il en résultera une augmentation de l’épuisement professionnel grave et généralisé qu’ont décrit les représentants de chaque profession de la santé ayant témoigné devant le comité HESA et une aggravation du problème du recrutement et de maintien en poste dans le système public. Les soins privés à but lucratif ont également pour conséquence de prolonger les temps d’attente, qui sont déjà inacceptables, pour les patients du système public.

Sur le plan économique, il a été démontré à maintes reprises que la prestation de services à but lucratif est inefficace, qu’elle fait augmenter les coûts, qu’elle donne de moins bons résultats et qu’elle rend les gouvernements vulnérables aux pressions des entreprises, les ressources étant transférées du secteur public au secteur privé. Nous craignons que les coûts supplémentaires des soins privés, s’ils sont élargis, n’exercent une pression supplémentaire sur le système public et ne réduisent ses ressources, exacerbant ainsi les problèmes qui sont au cœur de la crise actuelle des effectifs.

Les preuves les plus concluantes démontrent que les soins de santé publics sont plus efficaces, équitables et rentables que les soins privés à but lucratif. La solution à la crise des effectifs du secteur de la santé au Canada réside donc dans le renforcement des soins publics, plutôt que dans leur affaiblissement par la privatisation.

  • D. Personnel de soutien et professionnels paramédicaux

Le Nouveau Parti démocratique du Canada est conscient que le Comité n’a pas recueilli le témoignage du personnel de soutien dans le cadre de cette étude, ni de nombreuses professions paramédicales. C’est donc une lacune du présent rapport. Cependant, nous tenons à profiter de l’occasion pour souligner l’immense valeur de la contribution de ces effectifs au système de soins de santé et insister sur l’urgence de relever les défis auxquels ils sont confrontés partout au pays. Sans les compétences, les talents et la contribution de tous ceux et celles dont le travail physique et les connaissances en matière de santé rendent possible notre système public, les Canadiens ne recevraient pas les excellents soins qu’ils ont généralement le privilège de recevoir.

  • E. Liste de recommandations supplémentaires

Le Nouveau Parti démocratique du Canada recommande :

RECOMMANDATION 1

Que le gouvernement du Canada augmente sa part des dépenses globales en santé, dans le but de revenir à un partenariat de financement à parts égales avec les provinces et les territoires.

RECOMMANDATION 2

Que le gouvernement du Canada accorde d’autres transferts en santé aux provinces et aux territoires, sous réserve que les fonds publics soient affectés à la prestation de soins de santé publics.

RECOMMANDATION 3

Que le gouvernement du Canada renforce ses pouvoirs sous le régime de la Loi canadienne sur la santé et de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces afin de mieux protéger l’intégrité du système de santé public. Pour ce faire, qu’il élimine toutes les failles qui rendent possible le paiement privé des services et qu’il intègre les services de diagnostic à la couverture publique.

RECOMMANDATION 4

Que le gouvernement du Canada prévoie des fonds particuliers pour le recrutement, la formation et le maintien en poste du personnel de soutien en santé afin que l’on puisse disposer de plus de temps et de capacités pour offrir des soins directs aux patients.


[1] Schneider c. La Reine, 1982 CanLII 26 (CSC), [1982] 2 RCS 112.