Bienvenue à la 16e réunion du Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes. La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021. Les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 24 mars 2021, le Comité entreprend son étude sur les programmes de soins de santé mentale d'Anciens combattants Canada.
Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins qui ont pris le temps de se joindre à nous aujourd'hui. Je vais d'abord présenter tous les témoins, puis nous passerons aux déclarations préliminaires.
Aujourd'hui, nous accueillons le capitaine à la retraite Sean Bruyea, qui est chroniqueur et défenseur des droits. Nous accueillons aussi Mme Tina Fitzpatrick, qui comparaît à titre personnel. Nous entendrons aussi M. Allan Hunter, agent national des services des Anciens combattants de l’armée, de la marine et des forces aériennes au Canada, ou ANAVETS, et directeur de la Veterans Association Food Bank.
Chaque témoin disposera de cinq minutes pour nous présenter son exposé, puis nous passerons aux séries de questions. Je vous ferai signe lorsqu'il vous restera une minute. Je vous invite donc à me surveiller à l'écran. Ne vous en faites pas, une minute, c'est assez long, et je pourrais vous donner un peu plus de temps. Lorsque vous verrez mon signal, veuillez essayer de conclure.
Nous commençons par M. Bruyea.
Vous avez cinq minutes.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie sincèrement de m'avoir invité à nouveau.
Il est bien documenté que le a répandu des faussetés à mon sujet en guise de représailles à ce que j'ai écrit au sujet de la promesse électorale vedette du gouvernement aux anciens combattants, la pension à vie. Le lendemain de la publication des propos diffamatoires du ministre, Anciens Combattants Canada a envoyé, sans préavis, sans consultation, sans note au client et sans justification, une lettre indiquant que les soins pour notre fils de six ans étaient annulés.
Les blessures que j'ai subies pendant ma carrière militaire ont eu des répercussions sur ma santé physique et mentale. Fonder une famille m'était presque impossible. J'avais 47 ans lorsque notre fils est né; c'est une bénédiction. Puisqu'il vit avec un père qui est malade chronique, il est extrêmement sensible à ma santé physique et mentale. Il n'est pas seulement inquiet pour son père, il est terrifié. Chaque symptôme représente un chemin inévitable vers ma mort. Il est terrorisé à l'idée qu'on m'ordonne bientôt de retourner au combat.
Il n'existe pas de programme public pour répondre adéquatement à ses besoins en matière de sécurité et de santé. Nous comptons faire l'école à la maison lorsque j'aurai terminé ma réhabilitation. D'ici là, nous avons trouvé un milieu bienveillant, une école qui prend en compte les problèmes d'empathie de mon fils et qui m'autorise aussi à l'accompagner en classe et dans les couloirs. On nous laisse faire notre rituel matinal, qui consiste en une série de 10 à 30 câlins, jusqu'à ce qu'il se sente en sécurité de s'éloigner de son père.
Lorsque j'ai eu un dangereux épisode d'arythmie cardiaque et que je me suis effondré, ma femme, qui garde d'habitude la tête froide, a figé. La succession sans fin de symptômes, c'est trop pour elle. C'est mon fils qui m'a sauvé. Il a trouvé mes médicaments et me les a apportés. Il a essayé d'ouvrir le contenant à l'épreuve des enfants. Il a gardé son calme et me l'a donné. Il s'est assis à côté de moi, les larmes aux yeux. Le contenu s'est déversé. Il a regardé ma poitrine, couverte de pilules, qui se soulevait et s'abaissait à 240 battements par minute. Après que j'ai pris mon médicament, il m'a dit, d'une voix tremblante: « Dada, est-ce que je peux ramasser les pilules pour toi? »
Lorsque le ministère des Anciens Combattants a annulé les soins auxquels notre fils avait accès depuis cinq ans, j'ai demandé l'aide du sous-ministre adjoint Bernard Butler. C'est lui qui est devenu ma personne-ressource à ACC à la suite du scandale de protection de la vie privée, en 2010. Je suis le seul client de ma gestionnaire de cas, et elle faisait directement affaire avec lui. M. Butler s'est adressé à la directrice générale Faith McIntyre, dont la division était responsable du programme de pension à vie. Sans justification, Bernard Butler et Faith McIntyre ont tous les deux décidé que les soins de mon fils ne satisfaisaient pas aux objectifs du programme. Bernard Butler ne m'a jamais indiqué qu'il représentait aussi ACC dans ma poursuite en diffamation contre .
J'ai proposé des solutions pour rétablir les soins pour notre fils. Même si ma gestionnaire de cas et d'autres personnes ont accepté de nommer un agent de résolution des demandes de renseignements, M. Bernard Butler et, plus tard, le sous-ministre adjoint Michel Doiron sont intervenus tous les deux pour empêcher cette nomination.
J'ai régulièrement demandé au sous-ministre Walter Natynczyk, à M. Doiron et à M. Butler, de fournir des preuves que les enfants d'âge scolaire devraient être privés de soins privés non fournis par le système public. Ils ont ignoré mes questions et m'ont plutôt dirigé vers ma gestionnaire de cas, à plusieurs reprises, ignorant ainsi les défaillances d'ACC et affirmant qu'il s'agissait de manifestations pathologiques de ma santé mentale.
Ma santé s'est détériorée. M. Allan Hunter a proposé de me défendre. Allan Hunter, Perry Gray et moi avons écrit plus de 50 courriels et lettres à MM. Bernard Butler, Michel Doiron, Steven Harris et Walter Natynczyk. Nous avons proposé des solutions. Nous les avons informés de la détérioration de mon état de santé. Nous avons demandé des preuves appuyant l'incompréhensible interprétation de la politique par le ministère. Pendant ce temps, je devais aller à l'urgence une fois par mois. J'avais cinq à huit rendez-vous médicaux par semaine, et ils visaient tous à réparer le préjudice causé par ACC.
Ces hauts fonctionnaires n'ont répondu à aucune question, pas même une fois. Ni eux ni ma gestionnaire de cas n'ont reconnu la détérioration de mon état de santé, et encore moins exprimé des inquiétudes à ce sujet. Le et le ministère ont également ignoré l'enquête et les recommandations d'un ombudsman concernant les soins de notre fils.
Jusqu'à maintenant, ACC a payé plus de 75 000 $ pour réparer les conséquences du refus de payer les soins de notre fils, qui sont de moins de 75 $ par jour. Les coûts pour le système de soins de santé provincial sont comparables.
Pourquoi ACC chercherait-il à exercer des représailles? Il règne au ministère une culture d'animosité à l'égard de tout ancien combattant qui ose le critiquer. Lorsque le a publié son article, un fonctionnaire d'ACC, Tim Brown, a écrit ce qui suit: « J'attends depuis des années qu'un ministre riposte et passe à l'offensive. »
Entretemps, selon les renseignements obtenus suite à une demande d’accès à l’information, il n'y a aucune trace documentaire de la correspondance — plus de 50 courriels et lettres — demandant des décisions à MM. Walter Natynczyk, Bernard Butler, Michel Doiron et Steven Harris. Ces gens font fi de l'exigence, au Canada, d'un gouvernement responsable et transparent dans ses décisions. Ils évoluent dans le monde obscur et tout à fait contraire à l'éthique d'un gouvernement qui fonctionne sans dossiers ou de vive voix.
D'autres ne voient rien de répréhensible à s'immiscer dans ma vie privée. M. Christian Lachance, un fonctionnaire qui n'a aucun lien avec la direction d'ACC responsable des appels, a été informé du résultat de l'appel avant moi. Il a immédiatement informé la directrice générale des opérations en région, Mme Maryse Savoie, ainsi que M. Graham Williams, en écrivant que la décision d'appel serait défavorable et que cela pourrait entraîner une escalade de la situation. Mme Maryse Savoie a rapidement répondu qu'elle informerait le bureau de M. Michel Doiron. Le commissaire à la protection de la vie privée fait enquête sur cette affaire.
ACC a une longue histoire d'hostilité à mon égard. Lors du scandale de la protection de la vie privée, en 2010, il a été révélé que 20 000 pages de documents à mon sujet, notamment des états financiers falsifiés et un portrait erroné de ma personne et de mon état de santé mentale, ont circulé parmi plus de 850 fonctionnaires.
Cependant, une demande ultérieure visant 230 fonctionnaires qui surveillaient mes activités dans les médias a pris sept ans. Résultat: 2,1 millions de pages de documents.
Je suis aussi un ancien combattant qui doit composer au quotidien avec les séquelles psychologiques et physiques découlant de mon service militaire. Je suis marié à une femme extraordinaire qui a tant sacrifié, dans son pays d'origine, pour être avec moi. L'excès d'empathie de mon fils à l'égard de la souffrance des autres pèse lourdement sur lui.
Quand les fonctionnaires feront-ils la distinction entre ma vie personnelle et mon travail bénévole? Quand s'en tiendront-ils aux faits au lieu de verser dans l'obsession, d'épier mes faits et gestes et de m'attaquer? Quand arrêteront-ils de se cacher derrière les pratiques secrètes du gouvernement, de mépriser les organismes de surveillance tout en ciblant un enfant de six ans? La question se pose: les représailles contre les anciens combattants et leurs familles sont-elles la procédure normale, ou sommes-nous les malchanceux?
Ce qui est clair, c'est que les signes démontrent que les cadres supérieurs d'ACC entretiennent une culture toxique. S'ils se soucient peu des travailleurs de première ligne, ils n'ont que du mépris à l'égard des anciens combattants. Les hauts fonctionnaires d'ACC se cachent derrière des règles rigides et des interprétations sans fondement complètement déconnectées de la réalité des anciens combattants et de leurs familles. Ils privilégient la communication floue, la peur, la condescendance, la négligence, le secret, l'intimidation, la manipulation et l'humiliation.
Un ancien combattant qui dénonce cette culture et ces politiques fait alors l'objet d'une attaque généralisée; on utilise tout cet arsenal toxique contre lui, et on va parfois jusqu'à s'en prendre à son enfant. Ces agissements de fonctionnaires du gouvernement ne sont pas dignes des centaines de milliers de sacrifices consentis au nom du Canada.
Merci, monsieur le président.
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Bonjour, je m'appelle Tina Fitzpatrick. Mon mari s'appelle Rod. Il est un ancien combattant comptant 18 ans de service, et il a été déployé deux fois à l'étranger. Nous sommes ensemble depuis 30 ans; en juillet, cela fera 25 ans que nous sommes mariés.
Rod a toujours été un père très présent pour nos filles. Nous avons deux merveilleuses filles de 23 ans et 19 ans. Notre fille de 23 ans a participé à des compétitions de natation partout dans la province de Terre-Neuve pendant sept ans, et notre fille de 19 ans est ceinture noire, deuxième dan, en taekwondo et a participé à des compétitions au niveau national. Leur père n'a toutefois jamais eu l'occasion d'assister à leurs compétitions. Pendant la majeure partie de leurs très jeunes années, il était suicidaire et se réfugiait dans notre sous-sol.
En 1992, Rod a été déployé en Croatie. C'est là qu'il a été exposé au pire des traumatismes, à mon avis. À l'époque, je ne savais pas qu'à son retour, mon mari ne serait pas l'homme qu'il était auparavant. Faisons un saut jusqu'à 2002. La santé mentale de mon mari se détériorait lentement, jusqu'à ce qu'il en vienne à avoir des pensées suicidaires tous les jours. Les Forces canadiennes n'ont été d'aucune aide durant sa crise de santé mentale. On nous répondait d'aller dans un hôpital civil. Les Forces canadiennes ont renvoyé mon mari chez lui sans rien, pas même ses effets personnels qui étaient dans son casier sur la base. Comme il le dit lui-même, « vos services ne sont plus requis ».
Après une année à la maison, sans aucune information, ils l'ont libéré pour raisons médicales. Ensuite, nous sommes retournés à Terre-Neuve pour être près de la famille. Les 17 années suivantes ont été un véritable combat avec le ministère des Anciens Combattants, à commencer par l'absence totale d'aide professionnelle de psychologues et de psychiatres. Personnellement, ou culturellement, nous n'avions aucune idée de ce qu'était la maladie mentale. À ce moment-là, une intervention médicale était cruciale, car il continuait de s'enliser sous mes yeux.
Voici un aperçu du combat que j'ai livré au quotidien pendant 10 ans. J'appelais le ministère des Anciens Combattants presque tous les jours. J'avais toujours affaire à une personne différente, de sorte que je devais raconter mon histoire du début, chaque fois. Ces appels concernaient les ordonnances et les rendez-vous chez le médecin. Les évaluations se succédaient. Puis il y avait les convocations à Anciens Combattants Canada. Nous nous retrouvions assis à une grande table avec des médecins vêtus de sarraus blancs qui posaient des questions totalement absurdes. À la fin de chacun de ces rendez-vous, ce qui était extrêmement difficile pour Rod... Chaque recommandation du psychologue pour qu'il suive un traitement à l'hôpital s'accompagnait d'un processus d'approbation qui durait plusieurs mois. Il a été hospitalisé trois fois, pour une période allant jusqu'à six mois, toujours à l'extérieur de la province, loin de notre famille.
Pour s'y retrouver dans les programmes et les prestations, il fallait d'abord trouver soi-même l'aide disponible et déterminer s'il était admissible. Il n'y avait aucune liste des programmes offerts. Nous devions nous fier aux rumeurs pour trouver des programmes qui pouvaient nous aider. Il était extrêmement frustrant de naviguer là-dedans. Tout était un combat. La réponse définitive était toujours « non », même si je pleurais et que je les suppliais pour avoir de l'aide tandis que mon mari suicidaire était au sous-sol et que nos deux petites couraient autour de moi. Je les suppliais et les implorais de m'aider, mais non, ils ne m'aidaient pas.
Nous sommes maintenant en juillet 2018. J'ai appelé le ministère des Anciens Combattants pour voir si des bourses étaient offertes, parce que notre fille allait participer au championnat national. La fille qui a répondu au téléphone m'a demandé pourquoi Rod n'avait pas demandé son APR, son allocation pour perte de revenus. Je lui ai répondu qu'il n'y avait pas droit, parce qu'il avait déjà fait sa réadaptation. Elle m'a alors informé que cela ne fonctionnait pas ainsi, et elle m'a aidé à faire ma demande. Je n'avais pas vraiment d'attentes, mais environ six semaines plus tard, j'ai reçu une lettre indiquant que Rod était admissible et qu'il recevrait 1 000 $ de plus par mois. Quoi? Cette prestation a été instaurée en 2006. Cet argent nous aurait été utile en 2006.
Ensuite, en septembre 2018, j'étais à Signal Hill pour assister à un événement au cours duquel le ministre des Anciens Combattants de l'époque, , et le haut dirigeant du ministère ont annoncé, en dansant sur la scène, que la rétroactivité était de nouveau offerte. C'était un « oui » du ministère. J'ai ensuite rencontré M. Seamus O'Regan dans son bureau. Je lui ai parlé du traitement qui m'a été réservé à ACC, et il m'a répondu qu'une personne s'occuperait immédiatement du dossier de Rod.
C'était en 2018. Je viens de recevoir une réponse de son bureau, en février 2021, après des centaines d'appels téléphoniques. On m'a informé que l'APR n'est pas rétroactive, mais ils voulaient essayer de trouver une solution de rechange pour compenser. En avril 2021, c'est devenu une affaire de parole contre parole, et ma meilleure option est de poursuivre le gouvernement, ce même gouvernement que Rod a servi et protégé.
La bureaucratie mise en place par les bâtisseurs d'empire au sein du gouvernement canadien crée une atmosphère telle que les gens d'Anciens Combattants Canada pourraient aussi bien parler une autre langue. Il est presque impossible d'accéder aux services et aux avantages en raison des difficultés à s'y retrouver dans les multiples niveaux de la bureaucratie.
Je me suis battue pendant six ans pour que mon mari, qui a été libéré pour raisons médicales, reçoive une pleine pension plutôt que seulement 30 % de sa pension. À mon humble avis, l'institution même qui a été créée pour prendre soin de nos anciens combattants est en train de les anéantir.
Je vous remercie de votre temps.
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Bonjour à tous les participants et à tous les Canadiens qui pourront regarder ces délibérations d'un bout à l'autre du pays.
Bienvenue à mes frères et sœurs qui ont décidé de regarder d'un bout à l'autre du pays, car il est question de vous. Vous avez servi notre pays.
Quand viendra l'heure du crépuscule et celle de l'aurore nous nous souviendrons d'eux.
Nous nous souvenons d'Andrew, caporal Cathy; Carr, sergent Brian; Chan, Kenneth; Desmond, Lionel; Gunn, Robbie; Hutchison, Kenneth; Mogus, Mike; Oliver, Jason; Ouellet, Jérémie; Tabor, Richard. Ces 10 Canadiens sont tombés au combat, pas lors de batailles distantes dans des pays lointains, sauf un, mais ici à la maison avec leur famille, des amis et des êtres chers, qui ne pouvaient peut-être pas voir les blessures invisibles ou, s'ils le pouvaient, qui n'avaient pas les compétences nécessaires pour donner des premiers soins en santé mentale et prévenir le dénouement le plus tragique qui soit: le suicide.
En tant qu'agent de service, j'échange tous les jours avec nos anciens combattants et leurs familles, et en tant que directeur de la Veterans Association Food Bank dans la région de Calgary, je dois composer avec un autre problème de santé mentale qui fait en sorte que nos anciens combattants perdent leur famille et leurs amis dans leur chute jusqu'à l'itinérance. En effet, le sentiment de désespoir les mène parfois à la toxicomanie et à des tentatives vaines pour étouffer les images et les sons de la guerre, du combat, des conflits et de la perte de compagnons d'armes, de frères et de sœurs qui ont fait l'ultime sacrifice en servant leur pays.
Ma mission aujourd'hui est de parler des mesures, des compétences, des programmes et des services, et peut-être des faiblesses du ministère des Anciens Combattants et des Forces armées canadiennes, et d'aider à proposer des suggestions constructives pour sauver la vie de nos anciens combattants et des membres de leur famille. En tant que défenseur d'un des participants aujourd'hui, le capitaine à la retraite Sean Bruyea, j'aimerais aussi parler de certaines démarches que j'ai faites avec sa famille et lui, ainsi que des problèmes de santé mentale et des combats qu'ils ont dû mener dans un système qui est censé être compatissant, bienveillant et à leur service. Dans bien des cas, c'est ce qui nuit le plus à la santé mentale et physique de nos anciens combattants.
Le cas de Lionel Desmond était la conséquence tragique de l'énormité des échecs essuyés à bien des égards, comme l'a prouvé l'enquête. Jérémie Ouellet s'est enlevé la vie en Afghanistan. Je travaille actuellement avec un de ses compagnons d'armes. Sa mort l'a gravement touché.
Le cas de Jason Oliver est peut-être celui qui m'a personnellement le plus touché après plus de 10 années de travail en tant que défenseur. J'ai assisté à ses funérailles et j'ai regardé six de ses sept enfants porter son cercueil vers le corbillard qui attendait pendant que sa veuve tenait la main du plus jeune en sanglotant et en pleurant... Je m'excuse, monsieur le président. Au mois de janvier dernier, cette image a freiné mon élan. Je peux vous dire que j'ai été dévasté émotionnellement pendant un certain temps. Avec l'aide de l'association des anciens combattants de Calgary, nous soutenons sa veuve et ses enfants alors qu'ils tentent de poursuivre leur vie sans mari, sans père et sans héros.
J'ai le devoir de mettre mon expérience à votre disposition et de répondre aux questions que le Comité juge pertinentes dans le cadre des délibérations.
Dernièrement, à vrai dire aujourd'hui, des anciennes combattantes qui ont servi notre pays d'un océan à l'autre ont communiqué avec moi pour parler de la décision récente de démanteler le comité sur les agressions sexuelles. Ces femmes croyaient que le mouvement #MoiAussi avait finalement atteint le Canada, mais elles ont maintenant constaté qu'il est mort compte tenu des mesures prises par le gouvernement. Je suis absolument estomaqué par le nombre de femmes de partout au pays qui ont communiqué avec moi. On m'a dit que 99 % des femmes qui ont servi dans l'armée ont subi une forme de harcèlement sexuel, et ces mesures nous feront régresser considérablement dans le traitement des problèmes de santé mentale.
Je vous mets tous au défi. Mettez vos partis de côté, et occupons-nous des gens, des hommes et des femmes, qui ont risqué leur vie. Cessons de les perdre à cause du suicide.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins de leur participation aujourd'hui.
Il est impossible que nous puissions couvrir toutes les questions des membres du Comité pendant l'heure et les 10 minutes — ou plus — que nous avons à notre disposition, et je vous encourage donc à faire parvenir au Comité toutes les idées qui pourraient vous venir après coup pour améliorer le système. C'est vraiment la raison pour laquelle nous sommes ici.
Monsieur Bruyea, vous avez témoigné devant nous lorsque nous discutions de la prestation pour proches aidants. Vous avez parlé de certains des nombreux défis à relever pour aider les anciens combattants. C'est la raison pour laquelle le Comité vous a réinvité. Je sais que votre expérience est bien documentée dans votre article publié par la CBC. Il a été écrit par Murray Brewster, et je ne veux donc pas mettre l'accent là-dessus. Je veux me concentrer sur la façon de résoudre la situation.
En tant que membre du Comité, je peux vous dire que nous voulons tous régler le problème. Je commence souvent mes discussions avec des anciens combattants, leurs familles et des défenseurs comme vous, monsieur Bruyea, en laissant entendre que c'est un problème générationnel. C'était déjà problématique lorsque les conservateurs formaient le gouvernement, et je le reconnais. Ce n'est pas juste le problème du gouvernement libéral actuel. Notre intention ici est seulement de trouver une solution.
Monsieur Bruyea, madame Fitzpatrick, monsieur Hunter, proposez-nous des solutions qui pourraient résoudre un grand nombre des problèmes que vous avez soulignés.
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Merci beaucoup, monsieur Brassard.
J'ai présenté à cette fin un rapport de 40 pages qui comprend 53 recommandations très concrètes. Pourquoi? Nous nous penchons sur le problème... En tant que défenseur, j'ai constaté que peu de choses ont changé depuis 20 ans dans la façon dont le ministère s'occupe des anciens combattants qui ont subi des blessures psychologiques. Oui, on a fait progresser la réadaptation professionnelle. Oui, on aide des anciens combattants ayant subi des blessures légères et ayant des handicaps mineurs, mais on ne peut toujours pas se faire à l'idée et s'engager à leur offrir des soins toute leur vie, ce qui est nécessaire pour les anciens combattants atteints d'une déficience psychologique, qui ont fondamentalement des besoins complexes.
Un parfait exemple de cela est la politique sur les soins de santé mentale PDC no 12. Elle dit que tous les anciens combattants qui sont atteints de problèmes de santé mentale et qui ont des besoins complexes recevront des services de gestion de cas. Seul le quart des anciens combattants ayant des problèmes de santé mentale reçoivent ces services.
Cela va plus loin. Il faut tenir compte du paradigme sur lequel repose le ministère des Anciens Combattants. L'ancien combattant demande comment sa famille et lui peuvent gérer la situation. Le ministère demande ensuite ce qu'il peut faire. C'est un écart important que le ministère ne sait pas comment combler. Nous devons partir d'en haut et d'en bas, et nous devons essentiellement repenser le fonctionnement du ministère.
À l'heure actuelle, le ministère est structuré de manière à ce que ses outils organisationnels soient récupérés pour favoriser l'avancement égoïste de la carrière des hauts cadres. Leurs intentions sont peut-être bonnes, mais elles ratent de 20 degrés la réalité vécue par les anciens combattants et leurs familles. Nous devons vraiment entièrement repenser le ministère.
Tout d'abord, il faut le sortir de Charlottetown. C'est le seul ministère fédéral à l'extérieur d'Ottawa. Il est loin des organismes de surveillance, de la culture des anciens combattants et de leurs familles, et on lui a permis d'avoir pendant 40 ans une culture qui consiste essentiellement à se déconnecter non seulement des anciens combattants et de leur famille, mais aussi des Canadiens en général. C'est un ministère hyper sensible à la critique.
Nous devons commencer le travail. Je proposerais un certain nombre de choses possibles. Nous avons besoin d'un organisme de surveillance du ministère, un ombudsman prévu par la loi, qui a le pouvoir de choisir son propre programme d'enquêtes.
De plus, nous avons besoin d'organismes de nomination de groupes consultatifs totalement indépendants, qui ne sont pas remplis de bureaucrates du ministère des Anciens Combattants. Le conseil d'administration pourrait rendre des comptes au Comité, au Parlement, et il serait composé d'un large éventail de Canadiens qui examineraient indépendamment les mesures prises par les hauts dirigeants.
Pour accomplir le travail auprès des anciens combattants, nous avons besoin d'un programme de gestion de soins concertés prodigués par des praticiens indépendants, pour que chaque ancien combattant ayant subi une blessure psychologique soit confié à un médecin de soins primaires indépendant et contractuel. L'équipe serait composée d'un médecin, d'un gestionnaire de cas indépendant et d'un ergothérapeute.
Le ministère des Anciens Combattants existerait pour tout simplement mettre en place l'ensemble des soins et des traitements recommandés par l'équipe. Il n'existerait pas pour examiner les demandes, mais pour former les hauts fonctionnaires sur les besoins des anciens combattants.
À cette fin, les hauts fonctionnaires devraient travailler en première ligne au moins une fois par année. C'est ce qu'on a fait à Service Canada en 2000, et cela a incroyablement bien fonctionné. Malheureusement, le reste de la bureaucratie n'aimait pas l'idée de servir directement les Canadiens à titre de hauts fonctionnaires en première ligne, mais nous pouvons reprendre l'idée à Anciens Combattants.
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Merci, monsieur le président.
Le travail des personnes qui répondent au téléphone et qui reçoivent les questions est notamment difficile parce qu'elles ne savent pas ce que vit la personne à l'autre bout du fil. Les défenseurs finissent habituellement par faire ces appels et répondre à certaines de ces questions.
Selon ce que j'ai vu, l'une des plus grandes difficultés auxquelles font face les anciens combattants d'un bout à l'autre du pays, lorsqu'ils traversent une crise et que leurs facultés mentales ou physiques sont affaiblies, consiste à ne pas se perdre dans la multitude de questions et de cases à cocher, si je puis dire, pour passer à l'autre étape — il faut déterminer s'ils ont droit aux services, ce qu'on leur a donné jusqu'à maintenant, si cela fonctionne et ainsi de suite. Dans bien des cas, les anciens combattants raccrochent parce qu'ils se disent qu'Anciens Combattants Canada ne va pas les aider. On répète partout au pays que le système est conçu pour retarder le processus et refuser le soutien jusqu'à la mort.
Je veux rendre hommage à toutes les personnes dans des services d'Anciens Combattants partout au pays qui m'ont personnellement aidé à sauver la vie d'anciens combattants d'un océan à l'autre. Nous ne pouvons pas le nier, mais ces personnes doivent composer avec un système qui est aussi complexe pour elles que pour les utilisateurs finaux, c'est-à-dire les anciens combattants à l'autre bout du fil.
Si la famille de l'ancien combattant intervient, comme l'a mentionné Mme Fitzpatrick, pour tenter d'obtenir de l'aide, lorsqu'elle doit poursuivre le gouvernement, il est très évident que le programme est conçu pour permettre à la bureaucratie de réussir, pas à l'utilisateur final. Le problème est là. Ce qu'il faut retenir en ce qui a trait à la santé mentale, c'est que nous perdons constamment des anciens combattants qui se suicident après avoir baissé les bras. Notre pays ne devrait pas abandonner ses militaires et ses anciens combattants. Ce sont les difficultés auxquelles ils font face, qu'ils exercent encore ou non leurs fonctions militaires.
La première question vise à savoir à quel endroit l'ancien combattant a été en service, et on peut décider qu'il n'a malheureusement pas droit au soutien offert. Le prochain travailleur qui répond peut décider qu'il y a droit, mais qu'il faut une pile de paperasse digne d'un bottin téléphonique avant de pouvoir passer à l'autre étape. Lorsqu'on vit dans sa voiture, cela n'augure pas très bien.
Merci, monsieur le président.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis encore ébranlé par les témoignages très poignants et très troublants que j'ai entendus.
Monsieur Hunter, vous avez dit que le système devenait en quelque sorte l'ennemi des vétérans. J'ai écrit cette phrase et je vais la garder en tête, car je trouve qu'elle représente bien ce que nous entendons.
Je veux que tous les témoins sachent que nous sommes à la recherche de solutions et de façons d'améliorer ce système, qui a de nombreuses lacunes.
À ce comité, nous avons eu l'occasion de parler des problèmes liés à l'itinérance vécue par beaucoup d'anciens combattants. Nous en avons beaucoup parlé, mais pas suffisamment à mon avis. En tenant pour acquis que la cause première de l'itinérance chez les vétérans et les vétéranes est souvent liée à un problème de santé mentale, il me semble que nous pouvons nous demander, à juste titre, si le gouvernement agit à la source pour contrer ce problème.
Pensez-vous que les différents programmes de soins en santé mentale qui sont offerts par le gouvernement sont efficaces pour prévenir l'itinérance?
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Oui, monsieur. On dépense beaucoup d'argent. C'est ce qu'on fait, mais en tant que défenseur des anciens combattants et agent des services, j'estime que ces importantes sommes d'argent servent à montrer à la population canadienne que le gouvernement s'attaque au problème. Si on ne s'attarde pas à la façon dont cet argent est dépensé...
Je le répète, la Veterans Association Food Bank de Calgary a présenté une demande au Fonds pour le bien-être des vétérans et de leur famille afin de financer un projet de logements, car les collectivités Homes for Heroes leur permettent d'obtenir un toit et une stabilité, mais les loyers étant très chers, lorsqu'ils quittent ces collectivités, ils ne peuvent pas trouver un logement abordable. Ils se retrouvent donc à nouveau dans la rue parce qu'ils ne parviennent pas à améliorer leur sort.
On nous fait part des sommes qui ont été dépensées, mais on ne fait aucun suivi quant aux résultats. On ne se penche pas sur les réussites. Les 10 personnes dont j'ai parlé qui se sont enlevé la vie sont celles dont j'ai pu trouvé le nom à quelques jours d'avis. Je peux vous dire qu'il y en a des centaines. Rappelez-vous que chaque ancien combattant qui s'enlève la vie laisse derrière lui une famille qui doit composer avec cet événement. Quel suivi faisons-nous à cet égard? Est-ce qu'on s'informe au sujet de cette famille et de ce qui lui arrive?
Il y a des membres de ma propre famille et plusieurs générations d'une même famille qui servent notre pays. J'ai des amis qui ont quitté l'armée et qui sont aux prises avec un trouble de stress post-traumatique et des problèmes de santé mentale, dont les enfants sont aussi dans l'armée et se demandent ce qui leur arrivera le jour où ils quitteront l'armée eux aussi.
Pour répondre à votre question, je dirais qu'on dépense beaucoup d'argent, mais qu'il ne sert pas à accomplir ce que nous devrions accomplir, à savoir aider les anciens combattants à se remettre sur pied et leur donner le droit de mener une belle vie.
M. Bruyea est un bon exemple. Comment peut-on penser qu'il est approprié de reprendre des fonds destinés à un garçon de six ans? C'est du jamais vu, d'autant plus que le meurtrier d'un policier a reçu de l'argent parce que son père était un ancien combattant. C'est totalement absurde, surtout dans un pays comme le nôtre.
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Je vous remercie beaucoup, madame Blaney.
Ce qui s'est passé, c'est que Craig Dalton— contrairement à l'ombudsman précédent, Guy Parent — a pensé que ce serait une excellente idée, et je suis d'accord avec lui, d'accélérer les choses pour ce qui est de donner suite aux recommandations.
À l'époque de Guy Parent, le ministère disposait de plusieurs années pour donner suite aux recommandations formulées par le bureau de l'ombudsman. M. Dalton a présenté des recommandations au relativement à quatre dossiers, en avril et en mai 2020. Avant cela, il avait donné trois mois au ministère pour répondre aux préoccupations. Le ministère a complètement fait fi des préoccupations de l'ombudsman dans le cas des quatre dossiers. Cela témoigne réellement d'un problème fondamental de culture au sein de la haute direction, qui pense pouvoir faire un pied de nez à un organisme de surveillance comme le bureau de l'ombudsman.
Au bout de trois mois, l'ombudsman a décidé d'envoyer les quatre dossiers au . Vu que le ministère ne s'occupait pas de ces dossiers, il incombait alors au ministre de s'en occuper. Les quatre dossiers ont donc été transmis au ministre. Ils sont restés sur le bureau du ministre jusqu'à ce qu'Allan Hunter écrive au ministre et à Walter Natynczyk pour leur faire savoir que Sean Bruyea allait subir une chirurgie cardiaque au début du mois de décembre 2020. Soudainement, la panique s'est emparée du bureau du ministre, et trois dossiers ont été rapidement traités au cours des quatre semaines suivantes. On a presque totalement fait fi des recommandations de l'ombudsman concernant ces trois dossiers. Le quatrième dossier venait tout juste d'être divulgué, près d'un an après que le ministre l'a reçu, et il s'agissait d'une décision favorable.
Cela fait réfléchir. Le ministère accumule les retards en raison de processus excessivement bureaucratiques, et le a laissé dormir ces dossiers, alors qu'il aurait pu les régler personnellement au moyen d'une signature en l'espace de quelques semaines. Ce n'est pas ce qu'il a fait. C'est très décevant et désespérant pour les anciens combattants en général et leurs familles.
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais remercier tout particulièrement les témoins qui comparaissent aujourd'hui. Ces histoires sont difficiles à raconter. Elles sont chargées d'émotion, et je pense que nous ressentons tous le fardeau que vous portez lorsque vous les racontez. Il est important que les Canadiens comprennent la situation désespérée dans laquelle se trouvent de nombreuses familles d'anciens combattants.
J'ai été particulièrement frappé par les commentaires sur les réactions négatives à l'égard de la bureaucratie — ce sentiment d'opposition qu'on exprime. J'aimerais tenter d'explorer cette question sous un angle différent avec vous. Souvent, les grandes institutions — qui ne sont pas représentées par un seul individu, mais qui sont un ensemble d'individus, de règles et de processus — fonctionnent mieux si on leur donne de la rétroaction positive sur ce qui fonctionne, car cela permet de cerner ce qui ne fonctionne pas.
J'aimerais passer en revue une liste de certains des services de santé mentale fournis par le ministère des Anciens Combattants, du moins au cours du présent exercice et de l'exercice 2019-2020, où 84 millions de dollars ont été investis de la façon suivante. Si nos trois témoins pouvaient nous indiquer les choses qui fonctionnent bien, je pense que cela nous serait utile.
Je vois ici qu'il y a du financement pour 11 cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel à l'échelle du pays, dont 10 cliniques de consultations externes et une clinique de consultation interne. Il y a aussi des services de soutien social aux victimes de traumatismes liés au stress opérationnel. Il y a la ligne téléphonique sans frais du service d'aide d'Anciens Combattants Canada. Il y a les premiers soins de santé mentale propres aux anciens combattants. Il y a deux applications mobiles, à savoir Connexion TSO et Coach ESPT Canada. Il y a la Direction des politiques en matière de santé mentale au sein du ministère — nous avons déjà entendu quelques commentaires à ce sujet. Il y a la Ressource au sujet des blessures liées au stress opérationnel pour les aidants naturels. Il y a le tutoriel en ligne sur les anciens combattants et la santé mentale. Les anciens combattants libérés pour des raisons médicales et leurs familles ont accès à 32 centres de ressources familiales à l'échelle du pays, ainsi qu'à la ligne d’information pour les familles et au site Web connexionfac.ca.
Chaque témoin pourrait-il formuler de brefs commentaires — ou des commentaires détaillés, selon son choix — sur ce qui fonctionne bien?
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Monsieur Amos, je vous suis très reconnaissant de votre question.
Je voulais simplement souligner le paradigme selon lequel nous devons complimenter la bureaucratie pour qu'elle baisse sa garde et fasse ce qu'il faut. D'après mon expérience, qui s'échelonne sur plus de 20 ans, lorsqu'on les complimente, les bureaucrates se disent immédiatement qu'ils font du bon travail et qu'ils n'ont donc pas besoin de changer quoi que ce soit.
Le problème, c'est que dans le cas du financement pour les services de santé mentale, il faut d'abord comprendre les utilisateurs. Ainsi, il ne s'agit pas de comprendre la bureaucratie, mais de comprendre d'abord les utilisateurs, les familles et les anciens combattants. En effet, lorsqu'une personne souffre d'une maladie mentale, elle souffre 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Elle souffre toute l'année et cela affecte tout son entourage.
Nous avons donc besoin d'un système global qui s'occupera de tout cela. Les anciens combattants doivent savoir qu'ils peuvent obtenir ces soins. Comme l'a dit Mme Fitzpatrick, ils peuvent téléphoner à un gestionnaire de cas, mais ce n'est qu'une demi-mesure. Tous les programmes de santé mentale offerts par Anciens Combattants Canada sont des demi-mesures. Ils ne fonctionnent que pour ceux qui sont persévérants, ceux qui s'expriment aisément et ceux qui peuvent se battre. Les anciens combattants qui souffrent d'une maladie mentale ont besoin d'une personne — ou d'une équipe — qui sera là en tout temps, tous les jours. Ce n'est qu'avec ce filet de sécurité qu'ils peuvent prendre les mesures nécessaires pour améliorer leur vie.
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Je tiens à préciser que l'expression « continuum de soins » est une expression utilisée dans le milieu médical. Il est essentiel, du début à la fin du processus, de veiller à ce que ce continuum de soins existe. Tous les programmes que vous avez mentionnés — et auxquels nous avons consacré 84 millions de dollars — sont formidables au début, car dès la première communication, une personne a l'impression qu'elle peut avoir accès à certains services qui pourraient l'aider à s'en sortir. Mais ensuite, on vérifie son dossier et on lui demande si elle a rempli un tel formulaire ou un autre et on lui dit qu'il manque l'avis de consentement de la personne aidante, même si cet avis a été envoyé, etc.
Comme M. Bruyea l'a dit, les programmes ne reconnaissent pas que la personne qui reçoit ce continuum de soins ne s'exprime peut-être pas aisément et qu'elle ne comprend peut-être pas bien le fonctionnement des systèmes. La principale caractéristique de toute excellente organisation, en particulier l'armée, c'est le leadership. Les dirigeants doivent reconnaître qu'ils ont affaire à des enjeux liés au multiculturalisme et à l'éducation. En effet, un grand nombre de gens s'engagent dans l'armée parce que la vie est difficile dans leur famille. Ils s'enrôlent et reçoivent une formation axée sur un métier. Ils en sortent sans avoir reçu une bonne formation générale, et on les pousse à l'extérieur en leur donnant une certaine somme d'argent. Ils dépensent tout, mais n'ont pas résolu leurs problèmes et ils finissent donc par revenir. C'est un processus très cyclique.
Encore une fois, selon mon expérience à titre d'agent des services, je peux vous dire que certains de ces programmes ont effectivement sauvé des vies dans certains cas. Cependant, dans d'autres cas, comme je l'ai mentionné, les gens ne s'en sont pas sortis. Ils ne sont plus parmi nous et leurs familles doivent vivre en se demandant ce qu'elles auraient pu faire différemment.
J'aimerais dire à tous les membres du Comité que si vous croyez que les femmes ne sont pas des citoyennes de deuxième classe dans ce système, surtout les anciennes combattantes, agissez maintenant. Ne vous contentez pas d'en parler au sein du Comité. Affirmez haut et fort que vous n'accepterez pas que votre gouvernement vous dise de continuer à faire de belles promesses tout en ne faisant rien pour délivrer ces anciens combattants des difficultés auxquelles ils font face chez eux.
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Je vous remercie, madame Blaney.
Je vais vous raconter une autre brève anecdote sur ce qui s'est passé avec mon fils lorsque j'ai subi une intervention cardiaque à l'hôpital. Mon fils ne peut pas être loin de moi. À 4 h 30 du matin, lorsque j'étais allongé dans mon lit d'hôpital, j'ai reçu un appel. C'était mon fils, en larmes, qui n'arrivait pas à dormir. Il n'avait pas dormi de la nuit, et il était 4 h 30. Il avait besoin d'entendre ma voix avant d'aller se coucher. Pour un enfant de 6, 7 ou 8 ans, c'est un fardeau tout simplement trop lourd à porter.
Lorsque je suggère au ministère des Anciens Combattants d'apporter des changements dans les soins concertés, je veux dire que le programme de continuum de soins, qui est indépendant, ainsi que l'équipe de soins, doit inclure les membres de la famille et les anciens combattants, et les membres de la famille et les anciens combattants doivent pouvoir choisir la façon de régler le problème. Ce n'est pas le ministère des Anciens Combattants qui décide comment le problème sera traité. C'est la famille qui décide, ce qui lui permet de participer activement au processus. Même les enfants peuvent y participer activement.
C'est ce que j'essaie de faire avec mon fils, c'est-à-dire que j'essaie de lui donner l'occasion de participer activement, mais j'aimerais pouvoir recevoir de l'aide supplémentaire pour m'assurer qu'il sera en sécurité lorsque je ne serai pas avec lui. C'est la raison pour laquelle nous profitions de ce programme de soins, et c'est la raison pour laquelle la perte de l'accès à ces soins a eu un effet aussi dévastateur.
J'aimerais également remercier M. Hunter, Mme Fitzpatrick et M. Bruyea.
Je suis un nouveau membre du Comité. Je vous remercie de me donner le temps de prendre la parole aujourd'hui.
Madame Fitzpatrick, la bonne nouvelle, c'est que j'ai obtenu le rapport du vérificateur général sur les centres d'appels, et c'est un rapport accablant. En effet, on indique ce qui suit: « De plus, aucun des centres d’appels ne disposait de normes de service sur la probabilité que les appelants puissent parler à un agent ou sur l’exactitude de l’information qui leur serait transmise. » Et cela vise notamment Anciens Combattants Canada. En outre, il n'y avait aucune norme de service. En 2019, Anciens Combattants a reçu 208 000 appels, et 43 000 de ces appels ont été interrompus abruptement ou n'ont reçu aucune réponse. Ce centre est censé servir les Canadiens, et ce n'est manifestement pas ce qui se passe. C'est ce qu'indique le rapport du vérificateur général.
À titre de nouveau député, il est très frustrant d'entendre vos témoignages, car je me demande souvent où sont envoyés tous ces rapports, car absolument rien n'est fait à cet égard. Il doit y avoir une énorme pile de rapports quelque part, mais rien n'est fait.
Quoi qu'il en soit, je vais maintenant poser mes questions.
Des anciens combattants ont communiqué avec moi. En fait, j'ai communiqué avec quelques anciens combattants. À titre d'information, une Mère de la Croix d'argent fait partie de mon personnel. Son fils, Brian Collier, a été tué par un dispositif explosif de circonstance en Afghanistan, en 2010; il a fait le sacrifice ultime. J'aimerais donc dire à M. Bruyea, à M. Hunter et à Mme Fitzpatrick que chaque mois — et même chaque semaine —, elle s'effondre pendant que nous sommes au bureau, elle et moi, mais il n'y a absolument aucun service pour elle. J'aimerais donc que l'un d'entre vous nous parle de cet enjeu, car je sais que le temps presse dans ce cas-ci.
J'ai aussi une question sur le fait que les anciens combattants qui reçoivent des prestations d'invalidité d'Anciens Combattants Canada peuvent maintenant gagner jusqu'à 25 000 $ sans que cela ait une incidence sur leur capacité de gain réduite. Cependant, les anciens combattants qui reçoivent des prestations d'invalidité de Manulife n'ont apparemment pas le droit de gagner quoi que ce soit. J'aime savoir si vous avez des commentaires à formuler à ce sujet, car certains anciens combattants de ma circonscription, c'est-à-dire York—Simcoe, se posent beaucoup de questions à ce sujet.
De plus, si l'un d'entre vous pouvait parler de… Les anciens combattants doivent payer les coûts initiaux des médicaments dont ils ont besoin pour traiter des blessures reçues pendant leur service. Ils attendent plus d'un an, m'a-t-on dit, pour être remboursés, ce qui a des répercussions sur leur santé et sur leur situation financière. Selon moi, c'est une honte.
Malheureusement, je ne dispose que de cinq minutes. J'ai beaucoup d'autres questions, mais je vais commencer par celles-là.
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Oui, monsieur. Je vous remercie de la question.
De nombreuses organisations ont un bureau de service. C'est la deuxième organisation au sein de laquelle je travaille à titre d'agent de service. Ce qui se passe habituellement, c'est qu'un ancien combattant qui traverse une période difficile et qui essaie de s'y retrouver dans le système s'adresse à un agent de service et, si possible, commence le programme. Je suis un bénévole, et je fais ce travail dans mes temps libres.
Selon la charge de travail et le nombre de gens qui s'adressent à moi — je m'attends à ce que le nombre monte en flèche, compte tenu des dernières informations que nous avons entendues au sujet de nos anciennes combattantes —, j'aide habituellement les gens qui ont presque abandonné. M. Bruyea a mentionné — et il est un défenseur depuis très longtemps — qu'il a dû me contacter. Je reçois habituellement les cas où les gens ont presque abandonné. Ils disent qu'ils se sont battus avec les gens d'ACC, à qui ils ont posé des questions — comme Mme Fitzpatrick y a fait allusion —, et qu'ils ont passé des années à essayer d'obtenir des réponses.
Je peux vous dire que d'après ma propre expérience, ACC répond à de nombreux appels téléphoniques et à de nombreuses questions en deux minutes, mais la plupart du temps, la réponse est « non » ou « recommencez ». Encore une fois, le rôle de l'agent de service est d'essayer de faire en sorte que l'ancien combattant ne parte pas à la dérive, si l'on veut, et de veiller à ce qu'il ne se fasse pas de mal.
Il ne faut pas oublier qu'un ancien combattant qui se heurte constamment à des refus pourrait finir par tomber dans la toxicomanie et tout ce que cela comporte. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai parlé du suicide. Quand une personne s'enlève la vie, c'est le pire échec pour une nation et l'organisation qui a été créée pour elle. Encore une fois, je ne saurais trop insister sur le fait que je dois absolument remercier les nombreuses personnes, à ACC, qui m'ont aidé à garder ces personnes en vie, à leur permettre de tenir un jour de plus, de faire un autre appel. Comme l'a dit Mme Fitzpatrick, certaines personnes n'ont tout simplement pas cela.
Quand un homme de 47 ans s'enlève la vie et laisse sept enfants derrière, cela signifie que notre système a besoin de certaines choses qui n'ont pas été essayées auparavant. Nous en avons parlé. M. Bruyea est un agent de service depuis des décennies. Je le suis depuis plus d'une décennie. Nous parlons aujourd'hui des mêmes choses que lors de mon premier voyage à Ottawa. Un agent de service est la personne qui essaie de retenir cet individu, homme ou femme, pour lui dire « essayons encore une chose, essayons un jour de plus ».
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Je peux vous dire qu'il y a de nombreux agents de service. Je ne sais pas. Je vais communiquer avec Mme Fitzpatrick plus tard pour m'assurer que nous... Un agent de service et un service efficace, ce sont deux choses différentes. De nombreux organismes comptent des agents de service. Habituellement, ils informent l'ancien combattant de la réponse qui a été fournie par ACC et lui disent qu'ils sont désolés, qu'ils se sont renseignés et qu'il n'est pas admissible, ou différentes choses du genre.
Si l'agent de service est déterminé, il s'assurera — et je le dis à ACC depuis longtemps... Je suis la personne qui aidera un ancien combattant à obtenir un « oui ». Il y a de nombreuses années, M. Natynczyk m'a dit « je suis la personne qui vous aidera à obtenir une réponse positive ». J'ai répondu que je m'y accrocherais et que lorsque j'irais le voir, je ne lui ferais pas perdre son temps. J'ai dit que je ne demanderais pas des choses ridicules auxquelles je n'avais pas droit et que je lui présenterais les faits qui permettraient à lui et à son organisme d'obtenir facilement une réponse positive.
Dans le cas de M. Bruyea, j'ai présenté les faits. J'ai reçu une lettre non sollicitée de la part du ministre, dans laquelle il indiquait que tous les éléments avaient été examinés et que la réponse demeurerait « non », même s'il n'y avait rien pour appuyer ce refus, dans des notes ou des dossiers qui, malheureusement, n'étaient pas très bien tenus.
L'agent de service doit pouvoir faire preuve de compassion et comprendre suffisamment bien le système pour dire, par exemple, à Mme Fitzpatrick, « nous allons nous assurer de trouver une solution et nous allons fixer un échéancier ». Il lui dira que huit ans, c'est inacceptable, et que le fait qu'elle doive témoigner maintenant pour dire que le système est... Le système fonctionne pour la bureaucratie. Comme l'a dit M. Bruyea, les statistiques sont conservées, mais est-ce que nous gardons les anciens combattants en vie? Les aidons-nous à demeurer dans un état qui leur permet de rester à la maison?
J'aide présentement un ancien combattant qui m'a dit qu'il ne pouvait pas aller chez lui pour l'instant parce qu'il venait de recevoir une réponse d'Anciens Combattants Canada et qu'il craignait de rentrer à la maison et de passer ses nerfs sur sa famille.
Monsieur Hunter, quel fardeau vous portez. Je sais pourquoi vous le faites et je me réjouis que vous le fassiez.
Une chose qui me frustre en tant que député, c'est que souvent, comme dans le cas de Mme Fitzpatrick, le problème est porté à l'attention du bureau d'un député. Je me souviens d'une situation, juste après que Chris Garnier a reçu ses prestations, où un ancien combattant est venu dans mon bureau en menaçant de se suicider. J'ai envoyé un courriel rempli de gros mots au , à l'époque et, en 15 minutes, j'ai reçu un appel téléphonique et un courriel de son chef de cabinet.
À quelle fréquence êtes-vous témoin d'une situation dans laquelle le processus cause tellement de frustrations pour les gens qu'ils doivent demander de l'aide?
Je pense qu'aucune personne ne devrait jamais avoir à s'adresser à un député pour obtenir les prestations qu'elle a méritées en représentant son pays. Je suis curieux de savoir pourquoi M. Bruyea a dû s'adresser à vous, compte tenu du rôle très important qu'il joue en tant que défenseur des anciens combattants dans ce pays.
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Il y a deux ou trois choses à dire à ce sujet.
Cela arrive-t-il souvent? Je peux vous dire tout de suite que des anciennes combattantes de partout au pays ont communiqué avec moi à peine 15 minutes avant que la réunion ne commence. Elles m'ont contacté et m'ont dit « s'il vous plaît, faites quelque chose ».
Je demande maintenant à chacun d'entre vous, mesdames et messieurs les députés, quel que soit votre parti, de dire qu'il n'est pas tolérable que nous ayons rejeté les femmes militaires et leur demande d'être entendues. Il faut un « moi aussi », pas un « pas vous ».
Pourquoi M. Bruyea a-t-il communiqué avec moi? Je peux vous l'expliquer. C'est parce qu'en dépit de tous nos efforts pour examiner la politique et dire que les décisions prises par le ministère n'étaient pas appuyées par la politique, n'étaient soutenues par aucun élément... Ils le nieront, mais le lendemain que M. Bruyea a lancé sa poursuite, les fonds ont été supprimés pour un garçon de six ans. Vous avez parlé de M. Garnier, qui était un criminel, âgé d'une trentaine d'années, et qui a reçu des fonds de ce même fonds. Comment peut-on avoir un système qui dit « non » à un garçon de six ans, mais « oui » à un tueur de policiers?
Si nous ne pouvons pas corriger ces choses, tout cela ne servira à rien. C'est honteux qu'on mette dans cette situation un petit garçon qui craint pour la vie de son père, sans parler de sa propre sécurité, et qu'on dise « oui » à un tueur de policiers. C'est absolument absurde.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie vivement les témoins de leur présence, du temps qu'ils donnent si généreusement et de tout le travail de défense qu'ils ont fait jusqu'à maintenant. Je sais que vous accomplissez ce travail depuis très longtemps, et je vous en suis fort reconnaissant.
Monsieur Hunter, vous vous êtes fait le porte-parole des femmes ici aujourd'hui. Leur voix revêt une grande importance. Elles ont communiqué avec vous au sujet de l'étude sur les femmes victimes d'agressions sexuelles dans les forces armées. Il est primordial que toutes et tous comprennent, y compris les femmes ayant communiqué avec vous, que le gouvernement n'a pas mis un terme à cette étude: il l'a renvoyée à un groupe beaucoup mieux placé pour la réaliser, soit le comité de la condition féminine. Là, il ne fait aucun doute que les femmes pourront parler des expériences qu'elles ont vécues, et qu'elles n'auraient jamais dû avoir à vivre, dans un contexte sûr et adéquat. Nous ne voulons absolument pas priver d'espoir des gens qui en ont tant besoin alors qu'il n'est vraiment pas nécessaire de ce faire. L'étude se poursuivra, mais sous la direction du comité approprié. Je tenais à ce que ce soit bien compris.
Les temps d'attente ont aussi été soulevés; je ne suis pas certain par qui. Bien entendu, le Comité n'étudie pas les réussites; il étudie les points à améliorer. C'est la raison pour laquelle vous et nous sommes ici. Toutefois, je tiens à souligner que de 2020 à 2021, Anciens Combattants Canada a reçu 390 000 appels et il a été en mesure de répondre à 84 % de ces appels dans un délai de 2 minutes, conformément à ses normes de service. Nous ne sommes pas ici pour nous pencher sur le 84 % des cas dans lesquels les normes de service ont été respectées, mais plutôt sur le 16 % des cas dans lesquels elles ne l'ont pas été. Je vous remercie encore une fois d'avoir abordé ces sujets.
De plus, 93 % des gens ayant appelé ont reçu une réponse positive. Nous sommes ici pour nous pencher sur le 7 % des personnes non satisfaites de la réponse qu'elles ont reçue. Encore une fois, je vous remercie.
Toutefois, je trouve aussi important de souligner que le bilan s'améliore d'une année à l'autre.
Cependant, ce n'est pas le sujet de mes questions. Je vais changer de cap. Monsieur Hunter, vous travaillez avec la Veterans Association Food Bank en Alberta. Il va sans dire que l'accès à des aliments nutritifs a des conséquences directes sur la santé physique et mentale. Ignorer d'où viendra son prochain repas ou quelle en sera la qualité est une situation très difficile pour quiconque.
Pouvez-vous nous parler de l'effet que la banque d'alimentation a eu, d'après votre expérience, sur le bien-être physique, mental et émotionnel des anciens combattants de votre région?
J'aimerais préciser, monsieur, que les femmes militaires ne peuvent pas s'adresser au comité de la condition féminine, auquel l'étude a été confiée. Les membres actifs n'ont pas le droit de s'adresser à un groupe ne relevant pas des forces armées. Ce comité est peut-être adéquat pour la majorité des femmes, mais il ne l'est pas pour celles qui sont toujours en service.
D'après mon expérience auprès de la Veterans Association Food Bank, les Canadiens tiennent fondamentalement pour acquis le fait qu'ils sont en mesure de se nourrir au moins une fois par jour, et peut-être même plus. Certains peuvent manger plus que trois fois par jour.
Quand une personne n'est pas en mesure de se nourrir quotidiennement, sa situation engendre d'autres questions: comment en est-elle arrivée jusque-là? Que pouvons-nous faire pour éviter qu'elle se retrouve dans cette situation?
Normalement, l'itinérance et l'insécurité alimentaire sont le résultat de troubles de santé mentale n'ayant pas été traités dans le milieu social de la personne concernée. Les anciens combattants sont les derniers à demander de l'aide ou à dire qu'ils ont besoin d'aide parce qu'ils ont été formés pendant toute leur vie à aider les autres et à mettre leur vie en péril pour les autres. C'est très difficile pour les anciens combattants non seulement d'admettre qu'ils ont besoin d'aide, mais aussi de reconnaître qu'ils sont en train de perdre le contrôle de leur vie et tout ce que la majorité d'entre nous tient pour acquis. Lorsqu'ils touchent le fond, nombre d'entre eux ne sont même pas conscients de la chute qui les entraînés jusque-là, et la plupart ont des problèmes de toxicomanie.
Je travaille avec plusieurs anciens combattants qui ont été blessés au combat en Afghanistan et qui sont aux prises avec des lésions cérébrales permanentes. Ils ne peuvent pas travailler parce que leur cerveau ne fonctionne plus comme avant. Leur famille n'étant plus capable de faire face à leurs problèmes, elle s'est séparée. Ils ne bénéficient donc plus d'un soutien familial. Parfois, ils ont des accès de rage ou ils s'isolent complètement. Souvent, nous ignorons si les femmes et les hommes que nous appuyons sont morts ou vivants jusqu'à ce qu'ils fassent appel à nous.
C'est honteux qu'il existe au Canada une banque d'alimentation destinée aux anciens combattants. Je n'ai jamais entendu parler d'une banque d'alimentation destinée aux politiciens ou aux fonctionnaires. Lorsqu'on met sur pied une banque d'alimentation pour les anciens combattants et les premiers intervenants, car nous représentons aussi les premiers intervenants, les policiers...
Nous avons perdu un ancien combattant et policier de Calgary, Andy Harnett. Que son âme repose en paix. Des criminels lui ont enlevé la vie. Lui aussi a laissé derrière lui une famille. Sa femme était enceinte lorsqu'il a été tué. Maintenant, nous soutenons aussi la femme d'un ancien combattant et son nouveau-né qui n'avait même pas encore vu le jour quand il est décédé.
Nous tentons de faire en sorte que ce soit nous qui attrapons les personnes qui passent entre les mailles du filet de sécurité qu'Anciens Combattants Canada est censé fournir — et il le fait. Le ministère accomplit beaucoup de bon travail, mais les laissés-pour-compte sont nombreux. Sinon, nous n'existerions pas...
Nous sommes basés dans la région de Calgary, mais nous soutenons des gens d'un océan à l'autre. Nous avons des membres partout au pays qui souhaitent que notre organisme... Nous avons une banque d'alimentation à Edmonton, et l'on nous a demandé d'en mettre une sur pied à Saskatoon et ailleurs.
J'espère avoir répondu à votre question. Je serais ravi de poursuivre la discussion avec vous plus tard.