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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 115 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

  (1215)  

[Traduction]

    Je veux souhaiter la bienvenue à nos témoins du Atlantic Council qui vont nous parler aujourd'hui de la situation qui perdure en Ukraine. Il est bien sûr important, autant pour le Canada que pour notre comité, que l'Ukraine se tire bien d'affaire. Je tiens à tous vous remercier de votre présence aujourd'hui.
    Je précise aux fins du compte rendu que nous accueillons M. Anders Aslund; M. Daniel Fried. ambassadeur; M. John Herbst, ambassadeur; et M. Adrian Karatnycky.
    Je crois que c'est M. Herbst qui va nous présenter un exposé préliminaire.
    Merci. C'est un honneur pour moi de comparaître aujourd'hui devant ce comité du Parlement canadien et de faire partie d'un groupe sélect qui comprend Anders, Dan et Adrian, tous des experts de renommée internationale.
    Au sein du Atlantic Council, nous faisons tous partie d'une équipe qui se consacre à appuyer l'Ukraine dans sa lutte contre l'agression russe et ses efforts de réforme, et, d'une manière plus générale, à encourager l'Occident à contrer les visées révisionnistes du Kremlin qui s'emploie à terrasser le régime de sécurité instauré en Europe et en Eurasie à la fin de la guerre froide. C'est de ces enjeux dont nous souhaitons discuter avec vous aujourd'hui.
    Le général Joseph Dunford, président de l'Instance collégiale des chefs d'état-major, avait raison de dire lors de son témoignage au Congrès à l'été 2015 que la plus grande menace à court terme pour la sécurité des États-Unis venait du Kremlin. Cette menace ne vise toutefois pas uniquement les États-Unis. Elle pèse également sur l'OTAN, l'Union européenne et, plus directement encore, sur les voisins de la Russie qui souhaitent échapper à la domination de Moscou.
    C'est une réalité que l'Occident a mis du temps à comprendre. Progressivement, et au fil de plusieurs années, les États-Unis, l'OTAN et même l'Union européenne en sont venus à se faire une idée plus réaliste des risques posés par les politiques du Kremlin, et ont fait le nécessaire pour atténuer ces risques. Malgré l'insistance plutôt étrange du président Trump à vouloir améliorer les relations avec M. Poutine, les positions américaines à l'encontre des agressions du Kremlin se sont vraiment durcies depuis un an et demi. Cette approche sera sans doute maintenue tant et aussi longtemps que le Kremlin ne renoncera pas à ses politiques de provocation.
    Ce que d'aucuns appellent la crise de l'Ukraine est en fait une crise attribuable aux agressions du Kremlin. La guerre menée par Moscou en Ukraine a tout lieu d'inquiéter au plus haut point non seulement Kiev, mais aussi l'Occident, car l'Ukraine est notre première ligne de défense contre les velléités du Kremlin.
    Moscou n'a jamais caché ses objectifs de déstabilisation. Le président Poutine a répété à maintes reprises qu'il fallait établir de nouvelles règles pour dicter l'ordre international sans quoi plus aucune règle ne s'appliquerait. Ces anciennes règles dont M. Poutine souhaite se débarrasser ont été établies par l'Acte final d'Helsinki et la Charte de Paris, deux conventions signées par Moscou. M. Poutine ne veut plus être assujetti aux principes fondamentaux que sont la souveraineté et l'intégrité territoriale de tous les États; le droit des nations de choisir leurs propres régimes politiques et économiques et leurs alliances avec l'étranger; et l'engagement à régler les conflits en ayant recours aux négociations et au droit international, plutôt qu'à la force militaire.
    Quant aux nouvelles règles qu'il voudrait voir appliquer, M. Poutine tient à une sphère d'influence qui s'étend aux régions qui faisaient auparavant partie de l'Union soviétique, quand ce n'est pas du Pacte de Varsovie dans son ensemble. Il revendique le droit d'intervenir pour protéger les « Russes de souche » et même les russophones lorsqu'ils sont menacés. Il a brandi comme un épouvantail cet argument pour justifier son agression contre l'Ukraine. Il pourrait se servir du même prétexte pour intervenir en Lettonie et en Estonie, des pays alliés de l'OTAN où l'on trouve d'importantes communautés russes.
    Moscou a notamment comme objectif d'affaiblir l'OTAN au sein de l'Union européenne. Le général Gerasimov, le plus haut gradé russe, a exposé une doctrine de guerre hybride dans son fameux article de 2013 où il fournit certaines indications sur les tactiques employées par Moscou. Il parle notamment de subterfuges, de désinformation, de cyberopérations difficiles à retracer, de subversion, d'opérations militaires secrètes et, lorsque cela est préférable, de frappes militaires conventionnelles.
    Nous avons vu tout cela se concrétiser depuis une dizaine d'années: la cyberattaque contre l'Estonie en 2007; la guerre en Géorgie en 2008; la guerre qui se poursuit en Ukraine grâce à une combinaison de toutes ces tactiques; l'ingérence dans les élections aux États-Unis, en France et en Allemagne notamment, ainsi que dans le vote britannique sur le Brexit; et les provocations à l'encontre des États baltes, comme l'enlèvement d'un responsable du renseignement de l'Estonie au dernier jour du sommet de l'OTAN de 2014.
    Les comportements répréhensibles du Kremlin ne se limitent pas aux seules tactiques de guerre hybride. Moscou enfreint depuis quatre ans le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. On s'en est pris à Sergei Skripal au Royaume-Uni, contrevenant ainsi à la Convention sur les armes chimiques. Des avions militaires russes ont volé dangereusement près de navires et d'avions de l'OTAN, y compris pas plus tard qu'hier dans la mer Noire. En février dernier, des mercenaires russes ont attaqué les militaires américains et leurs alliés locaux en Syrie.
    Tout cela pour vous dire que le plus grand danger qui guette l'Occident dans l'immédiat vient d'un Kremlin révisionniste. Nous devons prendre les mesures nécessaires pour nous défendre et protéger nos intérêts. Depuis deux ans, l'OTAN a pris des dispositions importantes. Lors du Sommet de Varsovie en 2016, l'alliance a décidé de renforcer sa capacité militaire dans les États baltes, en Pologne et en Roumanie.
    Tout cela nous ramène à la situation en Ukraine. Si Moscou n'a pas le dessus dans le Donbass, ses velléités de conquête dans les pays baltes et ailleurs s'estomperont. Un soutien accru pour l'Ukraine est donc une excellente façon de protéger les alliés de l'OTAN et la structure qui nous a procuré sécurité et prospérité depuis 25 ans à la suite de la guerre froide.
    L'Ukraine a étonné l'état-major russe en faisant combat égal dans le Donbass. Il y a bien sûr le fait que Moscou a choisi de livrer avec des moyens limités une guerre hybride et larvée visant à mobiliser les citoyens pour qu'ils luttent contre leur propre gouvernement. Cet effort ainsi que le plan plus général de création d'une nouvelle Russie agrandie se sont soldés par un échec. Le soutien local était loin d'être suffisant pour appuyer la réalisation d'un projet semblable en Ukraine, ce qui a obligé les officiers, et parfois même les membres de la force régulière russe, à prendre les choses en main sur le terrain.
    Même avec cette position avancée des forces russes, on ne déploie que des capacités limitées. On n'a pas eu recours à des frappes aériennes. La puissance maritime n'a pas été non plus mise à contribution. Si l'on agissait ainsi, on ferait tomber les masques de cette guerre larvée, et chacun verrait qu'il s'agit bel et bien d'une agression conventionnelle de la Russie. L'incapacité croissante de Moscou à camoufler sa guerre en Ukraine est toutefois liée à deux facteurs de vulnérabilité que nous devons exploiter. Il y a d'abord le fait que la population russe ne veut pas que ses soldats se battent en Ukraine. Il y a également la faiblesse de l'économie russe. Selon les sondages menés régulièrement par le Levada Centre de Moscou au cours des trois dernières années, les Russes demeurent totalement opposés à l'idée que les soldats de leurs forces régulières livrent bataille en Ukraine. C'est la raison pour laquelle M. Poutine cache ses victimes à sa propre population.
    L'Occident doit aider l'Ukraine à tirer profit de cette vulnérabilité en lui fournissant des armes qui vont rendre plus coûteuses les agressions constantes de Moscou. En décembre dernier, le président Trump a finalement décidé d'envoyer en Ukraine des missiles antichars. Cela représente un soutien crucial étant donné que ce sont des attaques massives de chars qui ont permis à Moscou de réaliser des gains dans le Donbass. Avec les missiles Javelin, ces chars deviennent des cibles, et les soldats russes à leur bord des proies faciles, ce qui rend le Kremlin d'autant plus vulnérable.
    L'aide offerte à l'Ukraine ne doit toutefois pas s'arrêter aux seuls Javelin. Depuis avril, nous constatons une forte intensification des activités russes dans la mer d'Azov. Des navires ukrainiens ont été arraisonnés, ce qui n'a pas manqué de perturber l'économie ukrainienne dans le Donbass. L'expédition de marchandises à partir de Mariupol et Berdyansk est menacée. En outre, les Russes ont été actifs près du littoral ukrainien de la mer d'Azov, ce qui fait planer le spectre de possibles opérations amphibies. Il serait tout à fait dans l'intérêt des Ukrainiens et de l'Occident dans son ensemble que l'on fournisse à l'Ukraine des armes comme des missiles antinavires qui mettraient en péril d'éventuelles opérations amphibies de la part de la Russie.
    Le plus grand stratège ukrainien, Volodymyr Horbulin, ne cesse de répéter à quel point l'Ukraine deviendrait vulnérable si les Russes avaient recours à leur puissance aérienne. Le transfert de missiles surface-air serait également très utile pour l'Ukraine et pour l'OTAN.
    L'Occident doit aussi soumettre la Russie à des sanctions économiques plus vigoureuses. La guerre larvée menée par la Russie en Ukraine ne vise pas seulement à cacher ses victimes. Les Russes veulent éviter les sanctions, ou tout au moins les minimiser. Il a fallu attendre que plusieurs mois s'écoulent après l'annexion de la Crimée par la Russie et que l'on abatte un avion malaisien au moyen d'un missile Buk pour que l'Union européenne se décide à imposer de sévères sanctions à la Russie.
    Il nous faut davantage de sanctions. Celles-ci ont jusqu'à maintenant été réactives. Elles visaient à punir les Russes pour leurs comportements répréhensibles. Nous devrions miser sur des mesures proactives en laissant savoir à l'avance à Moscou que si ses actions condamnables se poursuivent, les sanctions vont devenir de plus en plus lourdes. À titre d'exemple, l'Ukraine subit régulièrement des pertes de vie. Des fusillades ont été rapportées malgré le cessez-le-feu faisant suite au premier accord de Minsk. Au cours des derniers jours, un autre soldat ukrainien a perdu la vie pendant que quatre de ses frères d'armes étaient blessés.
    Il faut prendre des mesures prévoyant par exemple des sanctions supplémentaires dès qu'il y aura 10 nouvelles pertes de vie du côté ukrainien. Depuis l'application du cessez-le-feu prévu dans le premier accord de Minsk, le Kremlin s'est approprié quelque 1 000 kilomètres carrés supplémentaires à même le territoire ukrainien. On pourrait instaurer une nouvelle mesure prévoyant l'imposition de sanctions additionnelles dès que Moscou ajoutera 25 kilomètres carrés à la portion du territoire ukrainien qu'il a déjà annexée. Moscou saura ainsi à l'avance que la poursuite de ses comportements répréhensibles mènera à un resserrement des sanctions.
    Je vous proposerais en terminant une autre action qui m'apparaît tout à fait pertinente. Je vous ai déjà parlé des opérations du Kremlin dans la mer d'Azov. Plus de 150 navires ukrainiens ont été arraisonnés pendant que d'autres subissaient le même sort à proximité des ports de Berdyansk et de Mariupol. Nous devrions adopter une loi — aux États-Unis, au Canada et dans l'Union européenne — interdisant à tout navire russe partant de Rostov-sur-le-Don, le principal port russe de la mer d'Azov, d'accoster dans l'un de nos ports tant et aussi longtemps que l'on poursuivra les mesures de harcèlement à l'encontre des navires ukrainiens.

  (1220)  

    Toutes ces mesures augmenteraient les coûts de l'agression du Kremlin en Ukraine.
    Il est important de souligner que les gens qui s'opposent aux sanctions affirment que les sanctions ne fonctionnent pas en utilisant l'argument simpliste selon lequel les sanctions que nous imposons à la Russie depuis quatre ans ne l'ont pas empêchée de poursuivre son intervention en Ukraine. Cet argument ne tient pas compte de la façon dont les sanctions fonctionnent. En effet, les sanctions n'ont jamais eu pour objectif d'entraîner le retrait immédiat de la Russie. Ce serait merveilleux si elles pouvaient accomplir cela, mais ce n'était pas l'objectif.
    Les sanctions fonctionnent en imposant un coût à l'économie russe en raison de sa mauvaise conduite persistante en Ukraine. Selon le FMI et les hauts fonctionnaires chargés des questions économiques en Russie, en 2016, les sanctions ont coûté à la Russie de 1 à 1,25 % de son PNB. Ce coût continue de s'appliquer aujourd'hui, et c'est la raison pour laquelle le Kremlin a tenté de faire lever les sanctions.
    Les élites financières de la Russie comprennent le coût qu'entraîne, sur leur économie, l'agression persistante de Moscou. Elles forment un groupe d'intérêt, à Moscou, qui s'oppose à la guerre en Ukraine.
    Avec le temps, cela contribuera à mener à la bonne décision, c'est-à-dire au retrait de la Russie. Mais même avant cela, affaiblir l'économie d'un pays qui possède des armes nucléaires, qui a la deuxième plus grande armée du monde et qui est la plus grande puissance militaire du monde affaiblit aussi sa capacité de faire la guerre à long terme, et c'est dans notre intérêt. Il ne faudrait pas l'oublier.
    J'aborderai donc mon dernier point. Je voulais me concentrer sur les éléments de la sécurité nationale qui sont en jeu, car ils vont au-delà des problèmes existentiels de l'Ukraine relativement à l'agression du Kremlin. En effet, la réforme en Ukraine est aussi un enjeu crucial et j'aimerais faire valoir quelques points à cet égard.
    Malgré les gros titres en Occident et même dans les médias ukrainiens, qui ont tendance à se concentrer sur les éléments négatifs, la réforme des quatre dernières années et demie en Ukraine est, dans l'ensemble, un enjeu positif. Adrian et moi-même sommes souvent en communication — et Anders encore plus — avec les intervenants des institutions financières internationales qui travaillent sur les progrès de la réforme du système en Ukraine. L'un d'entre eux a dit à Adrian et à moi-même, il y a 18 mois, que s'il avait pu prévoir, dès 2014, toutes les choses qui se sont produites au cours des deux ou trois années suivantes, il aurait été très heureux.
    Parmi les choses qui se sont produites, il y a les changements dans le secteur gazier, qui ont éliminé 7 milliards de dollars du déficit budgétaire de l'Ukraine et mis fin à la dépendance de l'Ukraine au gaz naturel de la Russie, ce qui a aussi permis d'éliminer la plus grande source de corruption de l'Ukraine. Cette réforme l'a fait disparaître. Il y a aussi le système d'approvisionnement du gouvernement ProZorro, qui a éliminé beaucoup de corruption dans l'attribution des contrats gouvernementaux. Il y a également eu le nettoyage des banques de l'Ukraine, qui servaient de tirelires aux gens riches et privilégiés.
    Ce sont des progrès importants. Différentes étapes ont été nécessaires, mais je n'ai pas assez de temps pour les décrire.
    La corruption continue de poser des problèmes, surtout dans les tribunaux et au sein des autorités responsables des poursuites judiciaires. On s'attaque à ces problèmes, quoiqu'un peu trop lentement pour la plupart d'entre nous, mais nous ne devrions pas laisser notre désir de perfection nous empêcher de constater que le bilan est tout de même assez satisfaisant.
    Tout cela revient à la sécurité nationale, car la réussite de l'Ukraine sera, au bout du compte, garantie par les interventions effectuées par le pays dans le cadre de ses réformes. L'Occident — les États-Unis, le Canada et l'Union européenne — et les institutions financières internationales ont adéquatement fait preuve de « fermeté affectueuse » en favorisant la réforme avec de l'aide et des conseils, et parfois une petite tape lorsque les choses progressaient trop lentement. C'est un volet important de notre politique et il devrait se poursuivre.
    L'Ukraine réussira grâce à ses réformes, peut-être un peu trop lentement pour la plupart d'entre nous, mais le pays garantit — et je n'utilise pas le mot « garantit » à la légère — que lorsqu'il réussira, les choses progresseront dans la bonne direction à l'échelon national chez son voisin du Nord. Le mode de gouvernance de Poutine, fondé sur la corruption, l'autoritarisme et les agressions externes, ne pourra pas durer si l'Ukraine réussit et développe une économie de marché dans un pays et une démocratie prospères. Cet exemple fera s'écrouler les remparts du système de Poutine.
    Merci.

  (1225)  

    Nous vous remercions de ces paroles importantes, monsieur l'ambassadeur.
    Notre temps est très serré; si vous me voyez faire ce geste, cela signifie que j'aimerais que vous terminiez votre réponse ou votre question en 30 secondes, afin que je puisse respecter le temps de chaque intervenant et donner à chacun la chance de parler.
    Mme Dzerowicz a les sept premières minutes.
    Merci beaucoup. Je suis désolée, car j'ai manqué les trois premiers exposés, mais je suis sûre qu'ils étaient aussi excellents que le dernier.
    Y avait-il seulement un exposé? En bien, il était excellent.
    J'ai des racines ukrainiennes, car la famille de mon père vient d'Ukraine. Elle venait de Lviv. Le sujet de l'Ukraine est très émotionnel pour moi et les membres de ma famille. En effet, ils n'auraient jamais quitté l'Ukraine si la Deuxième Guerre mondiale n'était pas arrivée. Au début, ils étaient des Canadiens réticents, même s'ils sont très fiers de l'être aujourd'hui.
    C'est donc mon point de départ. J'ai visité l'Ukraine. Je sais que c'est un pays qui souhaite ardemment adopter une économie de marché et devenir une démocratie et qui ne ménage pas les efforts pour y parvenir. De plus, ses habitants souhaitent réellement vivre en paix.
    Tout d'abord, je sais qu'on a demandé au Canada d'appuyer l'Ukraine en lui fournissant des armes défensives. J'aimerais connaître votre avis. Selon vous, cela nous aiderait-il à progresser vers la paix et la stabilité dans cette région?

  (1230)  

    C'est absolument essentiel pour mettre fin à la guerre dans le Donbass plus rapidement. À la fin de 2014, les personnes assises à cette table étaient parmi les leaders qui tentaient de convaincre les États-Unis et d'autres pays de fournir des armes, surtout des roquettes antichars Javelin.
    Au bout du compte, le président Trump a pris cette décision en décembre dernier. Ceux qui s'opposaient à nous ont déclaré que la Russie intensifierait ses efforts. Ils avaient tort. La Russie n'a pas intensifié ses efforts.
    Ce dont l'Ukraine a besoin maintenant, c'est d'armes qui l'aideraient, encore une fois, à se défendre en cas d'attaques amphibies ou aériennes. Le pays aurait aussi besoin de soutien dans les domaines de l'échange de renseignements, de l'équipement de communications et de la formation. Le Canada est un chef de file en matière de formation et il devrait poursuivre le programme de formation, qui doit être renouvelé en mars, je crois, mais si vous pouviez fournir d'autres armes, en consultation avec les Ukrainiens, et peut-être les États-Unis, ce serait merveilleux.
    D'accord. Merci.
    L'autre chose que nous faisons et dont vous n'avez pas parlé, c'est que le Canada maintient actuellement une présence en Lettonie, afin de tenter de mettre fin à l'agression de la Russie dans cette région. Selon vous, nos efforts sont-ils efficaces?
    Le Canada a également consacré beaucoup de temps et de ressources à l'édification et au renforcement de la démocratie en Ukraine, et pour soutenir ses institutions et l'égalité entre les sexes. Comment nous en tirons-nous à cet égard et pourrions-nous faire autre chose dans ce domaine?
    Le leadership du Canada dans le bataillon déployé sur base avancée de l'OTAN en Lettonie est louable. C'est une bonne initiative et une bonne idée. Le fait que l'OTAN a maintenant déployé des forces dans sa partie Est est très important. En effet, cela inverse essentiellement 30 ans de réduction, après la guerre froide, des forces américaines et nord-américaines, ainsi que des forces de l'Europe occidentale, dans l'OTAN. Cette inversion a été causée par l'agression de la Russie en Ukraine. C'est un message ferme et cela a accru la stabilité.
    Tout d'abord, je félicite le Canada pour son initiative et son leadership à cet égard. Deuxièmement, je souligne l'importance de la relation militaire entre le Canada et l'Ukraine. En effet, M. Poutine calcule la résistance à laquelle son agression doit faire face. C'est très simple: s'il n'observe aucune résistance, il enfoncera la baïonnette — pour paraphraser Lénine —, mais s'il sent une résistance, il aura tendance à se retenir. Je pense donc que c'est une bonne chose.
    Il y a d'autres domaines dans lesquels le Canada peut collaborer avec l'Occident pour résister à l'agression de la Russie. Mon dernier emploi au gouvernement était celui de coordinateur des sanctions au département d'État, et j'ai eu le plaisir de travailler avec le gouvernement du Canada pendant l'administration Obama, après l'attaque de la Russie contre l'Ukraine. Je dois dire que les efforts du Canada en matière de sanctions ont été exemplaires. C'était un excellent partenaire.
    Merci.
    Pourrais-je obtenir une réponse à la question sur la démocratie?
    J'ai également une dernière question à poser.
    À titre de transition, j'aimerais préciser que la position franche qu'a assumée l'OTAN en renforçant le déploiement de ses troupes a contribué à convaincre les Ukrainiens que l'OTAN est un allié important.
    Pendant des décennies, la population se méfiait de l'OTAN en raison des restes de la propagande datant de l'époque soviétique. Aujourd'hui, si un référendum était organisé en Ukraine au sujet de l'adhésion à l'OTAN, 62 % de la population l'appuieraient et seulement 26 % s'y opposeraient. Cette idée profite donc d'un grand soutien.
    Je crois qu'il est extrêmement important de collaborer avec la société civile et les institutions démocratiques, car si l'on se fie aux données des sondages menés en Ukraine, on ne sait toujours pas qui sera le prochain président ou quelle sera la composition du prochain parlement. Il est donc très important d'aider à structurer la société civile afin de lui donner une voix qui lui permet de continuer de progresser dans le programme de réforme, peu importe qui est au pouvoir.
    La bonne nouvelle, c'est que peu importe les candidats élus, une cinquième colonne de la Russie sera en opération, mais elle n'aura pas la capacité d'avoir accès au pouvoir ou de prendre le pouvoir. La population de l'Ukraine est orientée vers l'Occident, et collaborer avec cette population... S'il y a un président populiste pour les convaincre de suivre le programme de réforme, s'il y a un président réformateur réticent pour les convaincre de rester dans le programme ou s'il y a un président réformateur, il existe une occasion de continuer d'aider la société civile.
    Il y a cependant une mise en garde, c'est-à-dire que la dénonciation et la condamnation sont extrêmement importantes. Il existe un grand nombre de bons groupes de société civile qui luttent contre la corruption, etc., mais ils se concentrent exclusivement sur la dénonciation des échecs. Il est extrêmement important que les efforts d'aide soulignent également les réussites, afin que la population soit convaincue que les réformateurs réussissent, peut-être pas aussi vite qu'on le souhaite, mais qu'ils réussissent tout de même.

  (1235)  

    Merci.
    Me reste-t-il 30 secondes?
    Il vous reste 20 secondes pour poser une question et entendre la réponse.
    D'accord.
    Quel est l'impact de l'annulation, par les États-Unis, du traité de défense — c'est-à-dire le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire — sur la stabilisation de la Russie et de l'Ukraine, ainsi que sur la crise?
    Je crois que même si nous avons troublé certains de nos alliés en faisant cela de façon unilatérale, et peut-être sans mener les consultations qui auraient été de mise, je dirais que cela peut être justifié par le fait que Moscou viole ce traité depuis quatre ans, et que cela démontre au Kremlin qu'il devra faire face aux conséquences s'il ne se comporte pas de façon appropriée.
    Il y a également un fait qui est très important pour les calculs de l'administration, c'est-à-dire que le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire était seulement entre l'Union soviétique — maintenant la Russie — et les États-Unis. Ce traité n'a jamais inclus la Chine. Nous avons tous observé le renforcement de la présence militaire de la Chine dans le Pacifique occidental, et cela enverra également un message aux Chinois.
    Merci.
    Nous entendrons maintenant M. Martel.

[Français]

     Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.

[Traduction]

    Je poserai ma question en français.
    Il reste un peu de temps pendant que nous installons des gens, et je vais donc donner la parole à M. Garrison. Je reviendrai ensuite.
    Monsieur Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je suis heureux de voir qu'on discute de la nécessité d'appuyer les réformes en Ukraine. Je crois que nous avons été très tristes d'apprendre le décès, hier, de Kateryna Handziuk, une militante contre la corruption qui avait été attaquée à l'acide. Nous sommes d'accord avec le président Poroshenko, qui a déclaré que les attaquants devaient être punis. Toutefois, je pense que ce sont des incidents comme celui-ci qui confirment le point qu'on vient tout juste de faire valoir, c'est-à-dire qu'on se concentre seulement sur les éléments négatifs et qu'on ne mentionne pas les éléments positifs.
    Pouvez-vous nous parler d'activités contre la corruption qui ont donné des résultats en Ukraine?
    À mon avis, ce qui a réellement fonctionné, c'est la transparence. En effet, l'Ukraine a instauré les déclarations électroniques pour tous les actifs de plus de 100 000 $. Les hauts fonctionnaires — donc tous les parlementaires, tous les ministres et tous les membres du cabinet ministériel — doivent déclarer leurs avoirs. Ils ont déclaré des montants colossaux. En effet, en moyenne, les avoirs en espèces des parlementaires ukrainiens au pays s'élevaient à 700 000 $ — en dollars, pas en devise ukrainienne.
    Cela a établi un fondement, et cela a permis de dénoncer et de condamner publiquement les parlementaires pour leurs avoirs. La même chose s'est produite dans le cas de beaucoup d'autres fonctionnaires. De plus, la propriété de la plupart des entreprises, par exemple, de toutes les banques, a été rachetée.
    La transparence fonctionne, et l'Ukraine tient absolument à poursuivre ses efforts en ce sens.
    L'application de la loi n'a toutefois pas connu le même succès. Dans ce cas-ci, c'est surtout le service de sécurité et le bureau du procureur général qui posent problème.
    Vous avez peut-être entendu, aujourd'hui, que le Parlement de l'Ukraine a demandé le congédiement du procureur général, qui a remis sa démission aujourd'hui, mais la majorité l'a réfutée. De plus, le ministre de l'Intérieur a été exposé dans ce cas particulier. Les médias sont très bons, mais tous ces cas finissent par être divulgués. Le conseil ne rend pas ses condamnations et ses jugements, et c'est ce qu'il faut réellement améliorer.

  (1240)  

    Merci.
    Mon parti voit avec scepticisme la demande visant à envoyer d'autres armes en Ukraine et il accorde plutôt la priorité aux moyens de renforcer la démocratie et les réformes dans ce pays. Manifestement, nous avons été déçus lorsque le gouvernement a refusé de lever l'obligation de visa pour les voyageurs de l'Ukraine au Canada comme le demandait notre comité dans son rapport.
    Je présume que je cherche des façons par lesquelles les alliés de l'Ukraine pourraient renforcer la société civile de façon plus efficace. Nous pensions certainement que l'accès sans visa représentait une façon simple de renforcer ces contacts, mais y a-t-il d'autres façons par lesquelles d'autres pays pourraient aider à renforcer les organismes de la société civile?
    L'éducation est une façon très efficace d'y arriver, et le Canada joue un rôle important à cet égard. Aujourd'hui, des dizaines de milliers d'Ukrainiens ont reçu une éducation occidentale, surtout en Pologne, et probablement en Allemagne, mais aussi au Canada et aux États-Unis.
    Je crois que c'est une contribution très importante. Lorsque les conditions le permettent, ces gens reviennent chez eux. Actuellement, probablement six millions d'Ukrainiens travaillent à l'étranger. Cela ressemble à ce qui s'est produit en Pologne. Lorsque les conditions le permettent, ces gens reviennent au pays.
    Monsieur Martel.

[Français]

     Monsieur Herbst, en l'espace de deux mois, 6 500 cyberattaques ont été lancées sur 36 cibles ukrainiennes. Les cyberattaques russes ont visé tous les aspects de la vie ukrainienne, allant de la destruction de son réseau électrique à son infiltration des médias, en passant par ses tentatives d'attaque par informatique d'une usine de distribution de plâtre.
    Comment pouvons-nous réduire les ingérences russes pendant les élections?

[Traduction]

    Je suis content que vous ayez posé cette question. C'est un grand danger, et nous nous attendons à ce que le Kremlin intervienne massivement dans la période précédant les élections présidentielles en Ukraine.
    Nous avons mis sur pied, en collaboration avec la Commission transatlantique sur l'intégrité des élections et avec la Fondation Victor Pinchuk, un projet pour surveiller cette ingérence. Nous chercherons des signes de désinformation, de cyberopérations et d'opérations militaires de toutes sortes, de la guerre dans le Donbass aux activités sur la mer d'Azov, en passant par les assassinats. Nous signalerons tout cela.
    Nous aurons un site Web qui diffusera les dernières nouvelles chaque jour. Nous enverrons un bulletin d'information deux fois par semaine. Nous offrirons au gouvernement ukrainien des suggestions sur la façon de lutter contre ces menaces. Le gouvernement ukrainien a accepté de collaborer avec nous.
    Nous serons en communication avec les gouvernements de l'Europe de l'Ouest et des États-Unis, ainsi qu'avec Ottawa, nous l'espérons, afin de discuter de nos conclusions et faire en sorte que l'Ukraine soit en mesure de résister à une attaque. Ce sera important pour maintenir l'intégrité des élections en Ukraine. Cela expliquera également à nos pays ce que le Kremlin pourrait faire avec nos propres élections. Ce sera une occasion d'apprentissage pour nous.
    L'élément cybernétique aura beaucoup d'importance. Laura Galante, une ancienne haute fonctionnaire du département américain de la Défense et une experte reconnue dans le domaine cybernétique, dirigera notre équipe cybernétique. De plus, David Kramer, notre ancien secrétaire d'État adjoint, dirigera notre effort global en vue de surveiller et de repousser l'ingérence du Kremlin dans les élections en Ukraine, notamment dans le domaine cybernétique.
    Je tiens à apporter cette précision: Les Russes vont perfectionner leurs méthodes de cyberagression contre l'Ukraine et s'en serviront contre nous. Ils l'ont déjà fait.
    Si vous me permettez de tirer de l'histoire une analogie qui fera réfléchir, la guerre civile espagnole a servi de banc d'essai à de nouvelles méthodes d'agression qui ont ensuite été appliquées contre d'autres pays par des puissances belliqueuses.
    Dans l'Ouest, y compris aux États-Unis, beaucoup croient que l'agression russe contre l'Ukraine ne les concerne en rien. Ils ont maintenant constaté leur erreur.
    Nous avons tous été témoins des cyberattaques russes contre les États-Unis, les Européens de l'Ouest ainsi que les Baltes, les Estoniens, les Ukrainiens et les Polonais. Nous devons étudier les modes opératoires des Russes et préparer des mesures défensives et d'éventuelles sanctions qu'on appliquerait au nom d'une communauté de démocraties occidentales et examiner d'autres moyens pour empêcher les Russes d'agir impunément.

  (1245)  

[Français]

     Le Comité a appris que l'Ukraine faisait face à des menaces significatives posées par la présence de chars d'assaut et d'artillerie. Dans une situation économique précaire, l'Ukraine a demandé de l'aide à l'Occident sous forme d'équipement plus robuste. Selon vous, pendant combien de temps l'Ukraine peut-elle poursuivre ses tentatives de reconquête de son territoire sans les moyens nécessaires pour contrer efficacement l'offensive russe?

[Traduction]

    Dans les limites des possibilités militaires de Moscou, c'est match nul entre l'Ukraine et le Kremlin, c'est l'enlisement.
    Il est vrai que si Moscou lançait toutes ses forces conventionnelles contre l'Ukraine, il pourrait la vaincre dans une guerre. Plus précisément, le Kremlin pourrait s'emparer de tout territoire ukrainien qu'il convoite, mais, même s'il y parvenait, il lui serait difficile de l'occuper et de le conserver parce qu'il devrait affronter la guérilla.
    Je ne crois pas que le Kremlin intensifiera la guerre dans cette mesure. S'il le faisait, il aggraverait les sanctions qui lui sont imposées et, sur le plan géopolitique, ce serait un séisme. Non seulement les sanctions seraient-elles considérablement aggravées, mais il y aurait un plus grand déploiement de l'OTAN vers l'est, ce qui diminuerait la sécurité du Kremlin.
    D'après moi, Moscou attend les résultats de la présidentielle et des élections à la Rada, en Ukraine. Poutine espère l'arrivée au pouvoir de dirigeants plus dociles, qui feront les concessions que M. Poroshenko et la Rada actuelle ne feraient pas.
    Poutine sera déçu. Peu importe le vainqueur des élections, l'Ukraine a raffermi sa position d'ouverture à l'Ouest. Quand ça deviendra évident, le Kremlin devra conclure une paix conditionnelle au retour intégral du Donbass à l'Ukraine.
    Quand? Je n'en suis pas sûr. Dans trois ou dix ans, mais nous ne pourrons pas accélérer le processus sauf si nous aggravons les sanctions contre le Kremlin et donnons à l'Ukraine les armes qui coûteront beaucoup de sang au Kremlin s'il intensifiait la guerre.
    Permettez-moi d'ajouter une observation sur le plan économique. La Russie ne possède pas les moyens de son ambition. Ses dépenses militaires sont passées de 3,3 % à 5,3 % du PIB, de 2008 à 2016, d'après l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, qui offre les meilleures statistiques sur les dépenses militaires. Ça correspond à 2 % de plus par année du PIB qui sont consacrés à ses guerres.
    De plus, comme M. Herbst l'a dit dans sa déclaration préliminaire, le coût des sanctions financières, d'après le FMI, est de 1 à 1,5 % du PIB annuellement. Ça fait 3,5 % du PIB; ajoutez une fraction de pourcentage pour l'administration de la Crimée et du Donbass et on arrive à 3,5 % à 4 % de plus du PIB à cause de la guerre et des sanctions.
    Ça signifie que la Russie est condamnée à la stagnation tant qu'elle se conduit de cette façon. C'est la raison pour laquelle nous la voyons tellement appliquer, comme M. Herbst l'a dit, la doctrine Guerassimov de guerre hybride, moins coûteuse. L'assassinat, par exemple, c'est bon marché, tandis que les cyberattaques hybrides sont ce qu'il y a de moins cher.
    Nous assistons donc à une guerre différente, qui révèle aussi que la Russie ne possède pas la force économique pour lancer ses chars en Ukraine.

  (1250)  

    Je rappelle aux membres du Comité que quand je montrerai ce morceau de papier, il vous restera 30 secondes pour conclure. Je le fais pour que chacun dispose d'assez de temps.
    La parole est à M. Spengemann.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être ici.
    Vous vous adressez à des politiciens. Ils adorent les tactiques, la stratégie, les opérations courtes, concentrées sur deux à quatre ans. Vous avez évoqué trois à dix ans.
    Monsieur Aslund, pour l'économie russe, quelles sont les perspectives d'une Russie prospère, pacifique, stable, sans rapprochement vers l'Europe ou l'autre entité dont nous n'avons pas discuté cet après-midi, la Chine?
    Je me demande si vous pourriez décrire votre vision de la stratégie à long terme. Quelle est son orientation, en supposant que nous sommes d'accord avec vous en ce qui concerne un horizon rapproché et des tactiques à l'avenant pour alourdir la facture des Russes?
    Je pense que l'économie ne va nulle part. Elle stagnera tant que la situation perdurera. Je ne crois pas que Poutine choisisse autre chose. La Russie n'a pas eu de véritable croissance économique depuis 2009. Son taux moyen a été de 0,5 % par année. C'est misérable. Vous pouvez voir que toutes les prévisions font miroiter une croissance, désormais, de 1,5 % par année. Je soupçonne que c'est exagéré. Aujourd'hui, à Moscou, on ne discute absolument pas de réforme. On croit pouvoir consacrer un peu d'argent supplémentaire aux investissements. Or, Moscou n'a pas cet argent, qui est immobilisé par les sanctions de l'Occident.
    Ces quatre dernières années, le revenu disponible réel de la population a chuté de 17 % en tout. Les investissements ont également chuté. Impossible de développer une économie dans ces conditions. Pendant combien de temps les Russes peuvent-ils l'accepter? Voilà la question.
    J'ai vécu à Moscou, de 1984 à 1987, alors que j'étais diplomate suédois, et, actuellement, l'atmosphère y ressemble beaucoup à celle de cette époque. Il s'y fait de belles choses, comme sur le plan culturel, mais personne ne songe à discuter de l'économie, parce que chacun croit que c'est peine perdue.
    Monsieur Aslund, avez-vous une observation à faire sur la Chine, sur les relations entre elle et la Russie? Ce facteur entre-t-il en ligne de compte?
    Un vieil ami, qui était sous-ministre des Affaires étrangères en Russie, a dit que la Russie, pour avoir refusé de devenir le second violon des États-Unis est devenue celui de la Chine. Elle supporte très mal la comparaison avec la Chine. Pensez-y. Aujourd'hui, l'économie russe pèse 1,5 mille milliards de dollars, beaucoup moins que l'économie canadienne. Elle arrive au douzième rang mondial. Les dirigeants russes ne comprennent pas que c'est le rang de la Russie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, je cède le reste de mon temps à mon collègue Wrzesnewskyj.
    Combien reste-t-il de temps?
    Une voix: Quatre minutes ou un peu moins.
    Je voudrais aborder trois sujets. Je vais les déballer d'un coup. Peut-être pourrez-vous décider de la façon d'y répondre.
    D'abord, vous avez parlé de la Russie qui s'emparait de territoires par infiltration et vous avez effleuré la question de la mer d'Azov. En fait, la Russie tente de s'approprier cette mer plutôt que la terre. Vous avez évoqué la possibilité de sanctions contre les navires provenant de Rostov-sur-le-Don. Pourriez-vous en dire davantage sur les types de sanctions que vous proposeriez si la Russie persiste dans son comportement en mer d'Azov ou à l'entrée de cette mer? Voilà pour la première question.
    Ensuite, à l'approche des élections, Kharkiv, Odessa, Marioupol et Zaporijjia sont toutes des villes auxquelles on s'intéresse particulièrement. Est-ce que l'un de vous voudrait faire des observations sur l'Ukraine subcarpatique et sur ce qui semble être un axe Kremlin-Orbán en action?
    Enfin, pendant la première guerre civile, j'ai voyagé en Géorgie et j'ai vu comment, dans les coulisses, la Russie a mis la table pour la guerre civile. Pas nécessaire d'envoyer des armées d'occupation. Il suffit de créer une déstabilisation puis de l'alimenter au point où l'État tombe en déconfiture. Pourriez-vous parler de cet éventuel scénario et de ce que nous pouvons faire pour aider l'Ukraine à en prévenir l'accomplissement?
    Merci.

  (1255)  

    Sur les sanctions, l'Ouest a généralement besoin de les appliquer graduellement, contre les nouvelles agressions russes dans la mer d'Azov ou ailleurs. Nous ignorons où ces agressions auront lieu.
    Nous avons une marge de manoeuvre pour ces sanctions graduelles. Il est possible de trouver des mesures de gradation qui feront assez mal aux Russes, mais pas trop, pour qu'on puisse effectivement les utiliser. On dispose d'une marge de manoeuvre.
    Ce qui vient compliquer les sanctions contre la Russie, c'est que, en 2014, 2015 et 2016, l'agression russe a été dirigée contre une région importante, l'Ukraine. Maintenant, la Russie en agresse d'autres, par exemple, le cyberespace et nos élections.
    Il est difficile de maintenir une certaine gradation des sanctions; néanmoins, nous ne devrions pas cesser de chercher des possibilités de gradation. Je discerne deux méthodes, deux modèles de base. L'un est d'augmenter graduellement nos sanctions contre des secteurs choisis de l'économie russe — les finances et le cyberespace et, dans une moindre mesure, le secteur énergétique. Le deuxième est de s'attaquer à la structure du pouvoir de Poutine, à ses copains et, de toute manière — et ça relève du domaine d'Anders Aslund — de chercher les canaux par lesquels l'argent de la corruption russe s'écoule dans nos pays et de les assécher.
    Merci.
    Les dernières minutes vont à M. Robillard, s'il tient à poursuivre. D'autres questions ont été posées, mais je vous cède la parole.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leurs excellentes présentations. Je vais leur poser mes questions en français.
    Pourriez-vous nous faire une mise à jour sur la situation actuelle dans la région du Donbass, qui est en conflit depuis 2014? Est-ce qu'il y a des éléments pertinents de ce conflit dont vous n'avez pas eu l'occasion de nous faire part lors de vos témoignages?

[Traduction]

    Essentiellement, c'est figé depuis bien plus d'un an. L'Ukraine a érigé de solides lignes de défense. Plusieurs, en fait. Si les Russes en perçaient une, ils ne seraient pas au bout de leurs peines.
    Malgré cet arrêt, de nombreux tirs surviennent tous les jours. D'après les agents de surveillance de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, les deux tiers sont attribuables aux Russes, et l'Ukraine déplore des morts tous les mois ainsi que de nombreux blessés. Nous savons que le Kremlin est dans la même situation, même si nous n'avons pas accès à ses renseignements comme à ceux des Ukrainiens.
    Je pense que ça signifie que nous devrions chercher des façons d'imposer des sanctions supplémentaires au Kremlin pour ces violations permanentes du cessez-le-feu, mais, honnêtement, il est difficile de convaincre les Européens. Ils aiment à croire qu'il ne se passe vraiment rien là-bas, quand, de fait, les tirs sont quotidiens.
    Puis-je parler de façon générale de la question des périphéries? La question de l'Ukraine subcarpatique a été soulevée. D'après moi, M. Orbán, qui est une espèce d'électron libre, ne coordonne pas ses opérations avec celles de la Russie. Il joue son propre jeu nationaliste interne. Seulement 10 % de la population subcarpatique est hongroise. De petites enclaves hongroises pourraient présenter un problème d'optique, mais la stabilité n'est pas en cause.
    Visiblement, les Russes essaient de maintenir des agents et une présence officielle dans les régions comme celles d'Odessa et les parties du Donbass contrôlées par l'Ukraine. Néanmoins, les services de sécurité sont très efficaces sur ce plan. Comme Anders l'a dit, un problème économique existe, mais les responsables du contre-espionnage sont à la hauteur de la tâche. De plus, les élites locales ne sont pas désireuses de jouer la carte russe, ayant vu le sort du Donbass. Les élites locales qui l'ont jouée, quand la Russie y fomentait l'agitation, avant son agression, ont été évincées du pouvoir et remplacées par des marionnettes du Kremlin et des étrangers à sa solde. Rien n'encourage les éventuels traîtres dans leur coeur à collaborer avec la Russie, parce que ça s'est mal terminé. La prospérité a été détruite, etc.
    Voilà pourquoi je ne crois pas en la capacité de la Russie de créer une instabilité violente et massive. Ce n'est pas à l'ordre du jour, et l'Ukraine possède beaucoup de résilience.

  (1300)  

    Je suis désolé: nous devons...
    Monsieur Bezan.
    Monsieur le président, nos témoins ont parcouru beaucoup de distance pour être ici. À l'origine, la séance devait se prolonger jusqu'à 14 heures. Nous devions d'abord rencontrer un nombre différent de témoins, puis un deuxième groupe avec nos amis du Conseil de l'Atlantique Nord.
    Je demande la prolongation de la séance pour que nous puissions continuer à interroger les témoins.
    D'accord. C'est une question légitime. J'ai besoin du consentement unanime des membres. Pour combien de temps?
    Une demi-heure, même.
    Ai-je le consentement unanime?
    Sous réserve que [Inaudible] je puisse conserver ma place. Je dois présider une réunion du caucus. Alors, s'il peut obtenir cette autorisation...
    Permettez-moi de suspendre les travaux une minute.

  (1300)  


  (1300)  

    Veuillez regagner vos places, s'il vous plaît.
    Pendant la suspension des travaux, nous avons convenu de poursuivre la séance. Je suis sensible au fait que vous avez une autre réunion à 13 h 30 et que vous devrez probablement vous déplacer pour y aller. Nous allons donc prolonger la séance d'encore 15 minutes, à peu près. Je tiens à vous remercier de votre patience.
    Je cède la parole à M. Bezan, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins de rester un peu plus longtemps et mes collègues d'avoir accepté de prolonger la séance.
    Monsieur Herbst, vous avez énuméré un certain nombre de mesures que nous devions appliquer pour renforcer la puissance militaire de l'Ukraine. Je suis absolument d'accord avec vous: la faiblesse provoque Poutine.
    Vous avez mentionné un certain nombre de choses sur les systèmes de missiles antichars, antimissiles, antiaériens et antinavires nécessaires. Vers le début de la semaine, j'ai remarqué que les militaires ukrainiens ont effectué le premier essai en 19 ans de leur système S-300, qui est un prédécesseur du système antimissile S-400. L'essai a été une réussite.
    Quelles autres armes devons-nous fournir à l'Ukraine? Je sais que le Canada vend maintenant des fusils pour tireurs d'élite. Vous avez parlé des missiles antichars Javelin, que les Américains leur ont donnés.
    L'Ukraine possède beaucoup de chars. Je sais qu'elle voudrait avoir des chars équipés de technologies plus avancées, qui seraient modernisés pour s'attaquer aux cibles convenables.
    Quoi d'autre, d'après vous, faudrait-il? J'invite les autres témoins à s'exprimer sur les systèmes d'armes dont l'Ukraine a besoin.

  (1305)  

    J'ai énuméré la plupart des moyens que je devais proposer.
    J'ai cependant omis de mentionner que nous devrions continuer de donner des radars de contrebatterie pour missiles. Comme je l'ai dit, l'administration Obama a pris la sage décision, il y a trois ans, de le faire, et c'est un article important, parce que la plupart des pertes ukrainiennes sont attribuables à des tirs de missiles russes. Ce système cible ces missiles, ce qui rend les tirs et le ciblage des missiles russes beaucoup moins précis. C'est une autre arme que, à mon avis, les États-Unis doivent fournir.
    Une bonne chose serait que les autorités militaires canadiennes et américaines s'efforcent sérieusement de rencontrer leurs homologues ukrainiens et s'entendent sur un train de mesures. On enverrait ainsi au Kremlin un message sans équivoque sur l'augmentation éventuelle des coûts de l'agression et ça remonterait le moral des Ukrainiens, même s'il est encore en assez bon état.
    Monsieur Fried, vous avez mentionné les sanctions proactives et progressives. Bien sûr, il y a diverses sanctions qui s'appliquent au Canada. Nous venons d'ajouter à la liste des sanctions de type Magnitsky, de même que des outils pour cibler les personnes directement liées à la guerre au Donbass, à l'occupation illégale de la Crimée et à son invasion.
    Devrions-nous envisager la prise de sanctions sectorielles contre la Russie? Nous en avons déjà pris quelques-unes mais nous n'allons pas assez loin, que nous ciblions les produits énergétiques, les institutions financières ou les produits financiers. Je sais que nous avons déjà appliqué des sanctions contre la Russie pour les armes défensives qu'elle fabrique, mais devrions-nous même cibler des choses comme le blé, les autres produits agricoles ou autres choses?
    De manière générale, il est bon que le Canada travaille de concert avec les États-Unis et l'Union européenne. Il vaudrait la peine d'emboîter le pas aux États-Unis et à l'Union européenne, qui imposent des sanctions à la Russie dans les secteurs financiers et énergétiques.
    L'administration Trump, dans mon pays, présente des difficultés de coordination particulières. Je le comprends, mais elle compte aussi des personnes solides qui travaillent au règlement de ces problèmes, et je suis persuadé que le Canada pourrait travailler avec eux.
    Monsieur Aslund.
    Si vous me permettez de continuer, des citoyens russes ont plus de 800 milliards de dollars cachés à l'étranger. Supposons que le tiers de ces richesses appartienne à Poutine et à ses amis. C'est peut-être même plus. L'argent est leur talon d'Achille.
    Le tout représente plus de la moitié du PIB de la Russie. À ce jour, nous ne savons pas où cet argent est caché. Nous pouvons affirmer, selon toute probabilité, que la vaste majorité se trouve dans deux pays, soit les États-Unis et le Royaume-Uni. Il y en a probablement aussi une partie au Canada, mais il est détenu par des entreprises anonymes, et il y a habituellement de 20 à 30 sociétés fictives l'une au-dessus de l'autre. C'est là où nous devons chercher.
    Comment pouvons-nous le trouver? Si nous savons déjà à peu près combien d'argent il y a et que nous savons qu'il se trouve dans des sociétés fictives, qu'est-ce qui nous empêche de sanctionner ces organisations et de nous attaquer directement aux portefeuilles de Poutine et de ses oligarques?
    L'Union européenne vient de décider, cet été, par sa cinquième directive contre le blanchiment d'argent, que toutes les sociétés anonymes devront être déclarées aux organismes d'application de la loi d'ici 2020. Le Parlement britannique a établi la même règle pour ses territoires d'outre-mer. Il reste les États-Unis et le Canada qui n'ont encore pris aucune mesure en ce sens. Je pense que c'est vraiment une façon dont vous pourriez agir.

  (1310)  

    Merci.
    Merci.
    Je vous remercie de votre intervention un peu plus tôt, monsieur Fisher.
    Monsieur Robillard, j'aimerais vous céder la parole pour les deux minutes qui restent de votre temps d'intervention.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Que pensez-vous de l'accord de contrôle frontalier conjoint signé l'an dernier entre l'Ukraine et la Moldavie, et comment cela a-t-il modifié la sécurité intérieure des deux pays selon vous?

[Traduction]

    Cela a été une mesure importante pour aider la Moldova à sécuriser sa frontière avec l'Ukraine. Jusqu'à ce que le Kremlin parte en guerre contre l'Ukraine, l'Ukraine n'osait pas irriter Moscou en travaillant avec le gouvernement de Chisinau à la frontière. Évidemment, depuis que la Russie est en guerre contre l'Ukraine, cette sensibilité s'est dissipée. Cela a permis à Chisinau d'exercer un certain contrôle sur la frontière entre la Transnistrie, qui ne relève pas d'elle, et l'Ukraine. Par ricochet, cela a facilité la conclusion d'un accord entre Chisinau et les autorités de Tiraspol, le chef-lieu de la région séparatiste de la Transnistrie. Ils ont réussi à régler quelques-uns de leurs différends. Il reste du travail à faire, mais c'est un pas dans la bonne direction.
    Permettez-moi de répondre d'abord à votre question précédente sur le Donbass.
    Le Donbass occupé, aujourd'hui, est un véritable enfer. La moitié de la population, qui comptait presque cinq millions de personnes, a fui: les deux tiers vers l'Ukraine et probablement le tiers vers la Russie. En gros, toute l'activité industrielle y stagne. À Donetsk, seule une industrie alimentaire de base et quelques boutiques restent en activité, presque rien de plus. Toutes les banques ont été pillées, et il y a maintenant quelques banques d'État russe qui y ont ouvert.
    Les coûts associés à cela sont gigantesques. J'ai produit un rapport pour l'Atlantic Council, un peu plus tôt cette année, et j'ai évalué le coût total de la perte d'actifs en Crimée et au Donbass à 100 milliards de dollars. Des sociétés privées ukrainiennes réclament actuellement en arbitrage 10 milliards de dollars de la Russie, principalement en arbitrage privé à La Haye. La première poursuite intentée, à hauteur de 189 millions de dollars, a été gagnée, et d'autres s'en viennent. La plus grande est celle de Naftogaz, qui représente 7 milliards de dollars. Les Russes sont très mauvais dans les arbitrages internationaux. Ils perdent toujours. Ce sera donc quelque chose de gros. Ils ont aussi besoin de l'aide du Canada pour ce genre de chose.
    Merci.
    Merci.
    Il semble que ce soit M. Fisher qui aura le plaisir de poser les dernières questions.
    Merci, monsieur le président.
    Mes questions sont assez courtes, mais je suppose que tout dépend en fait des réponses.
    J'essaie de me souvenir qui, mais l'un de vous a parlé de la différence entre une guerre larvée et une agression conventionnelle, puis quelqu'un a dit que la Russie pourrait facilement vaincre l'Ukraine dans une guerre. La Russie pourrait-elle tout de même vaincre l'Ukraine dans une guerre tout en prétendant que les troupes déployées ne sont pas les siennes? Peut-elle mener une guerre larvée contre l'Ukraine et tout de même gagner?
    N'importe lequel d'entre vous peut me répondre.
    En gros, non. C'est ce qu'elle a essayé de faire pendant la première moitié de 2014, mais elle a perdu. Les forces ukrainiennes étaient sur le point de reprendre tout le Donbass en août, quand l'Armée rouge russe régulière est entrée dans le pays pour vaincre l'Ukraine à Ilovaïsk, au début septembre. Le masque est donc tombé à Ilovaïsk, mais la Russie ne pouvait pas gagner une guerre larvée, et cela l'a surprise.
    D'accord.
    Vous avez tous mentionné la faiblesse de l'économie russe. Est-ce un problème de ressources, est-ce à cause des sanctions ou est-ce une combinaison des deux?
    C'est une combinaison des deux. La Russie a une économie à valeur extraite plutôt qu'à valeur ajoutée. L'absence de réforme, de droits fonciers et de primauté du droit maintient la Russie dans une cleptocratie en raison de ses activités de maximisation de la rente. Ce n'est pas le genre de conditions qui puisse générer une prospérité généralisée. Les sanctions n'améliorent la situation en rien et créent des pressions sur le système.
    Anders a bien raison de rappeler les années 1980. Je me rappelle le début des années 1980, l'époque de feu Brejnev, où les Russes murmuraient qu'ils ne pouvaient pas continuer ainsi et qu'ils ne savaient pas quoi faire. Ils se trouvent dans une impasse sur le plan du développement, et elle durera aussi longtemps que durera le règne de Poutine.

  (1315)  

    Poutine et ses amis touchent probablement de 15 à 25 milliards de dollars par année des sociétés d'État. C'est probablement le pire vol jamais vu de la part d'un tout petit groupe de personnes, et il se poursuit. Ils sont donc obnubilés par leur propre argent.
    C'est intéressant, merci.
    Il y a un problème démographique qu'il importe de souligner. La Russie n'a pas une bonne démographie. Seulement 20 % de la population russe est âgée de 21 à 40 ans, alors que c'est normalement le segment le plus dynamique qui ajoute le plus de valeur à une économie, puisqu'il se compose des travailleurs les plus motivés et vaillants, qui essaient d'accumuler de la richesse. En comparaison, ce segment représente environ 30 % de la population aux États-Unis.
    La Russie est marquée par la corruption et une quête guerrière outrancière, elle subventionne les territoires qu'elle occupe, mais ne fait rien pour régler son problème démographique.
    Encore une fois, vous avez tous mentionné que ce genre de réforme s'opère en Ukraine, mais qu'elle prend plus de temps qu'on le voudrait, plus de temps que la plupart le voudraient. Le pays est-il en train de reculer? Quand nous sommes allés en Ukraine, nous y avons rencontré un jeune policier qui affirmait travailler à expurger l'Ukraine de la corruption.
    Anders semble vouloir intervenir. Parlez-moi de ce qui se passe sur le terrain avec ces réformes.
    Il y a beaucoup de choses qui ont été faites. L'ambassadeur Herbst l'a dit au début. Les dépenses publiques ont été réduites de presque un dixième du PIB. Les charges sociales ont diminué de moitié pour atteindre 22 %, ce qui signifie que les gens sont beaucoup plus nombreux à déclarer leurs revenus. Il y a eu un grand ménage dans les subventions en matière d'énergie, de même que dans les marchés publics. Les grandes réformes en cours visent la décentralisation...
    Qu'en est-il des forces policières?
    Je ne crois pas que la réforme des services de police soit un grand succès, malheureusement. Le problème, c'est ce que les policiers de patrouille, qui recevaient aussi l'appui du Canada, étaient dirigés par le premier vice-ministre de l'Intérieur du pays. Cette réforme doit venir du ministre responsable, qui doit s'y investir corps et âme. Elle doit venir du plus haut palier hiérarchique de l'organisation.
    Les réformes policières ont-elles échoué?
    Pas tout à fait, mais elles ont pâli, elles ne sont pas ce qu'elles...
    M. Darren Fisher : C'est le retour à la moyenne...
    M. Anders Aslund : Oui, ce n'est pas un grand succès. Ce que nous constatons à l'heure actuelle...
    Je siège au conseil d'administration des Chemins de fer ukrainiens, une entreprise qui compte 260 000 employés. Nous sommes cinq étrangers sur sept personnes à faire partie du conseil de supervision de l'entreprise. Jusqu'à maintenant, cinq des grandes sociétés d'État se dont dotées de ce genre de conseil, et il y en a trois autres qui sont en train de le faire. Cela ajoute de la transparence dans le nouveau système. Il y a de formidables réformes qui s'opèrent dans le système de santé en ce moment. On peut dire qu'il s'agit de réformes de second niveau. C'est l'application de la loi et le système judiciaire qui demeurent les points faibles. C'est la raison pour laquelle nous en parlons autant.
    Merci, messieurs.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, je vous remercie beaucoup de votre comparution.
    Je remercie aussi les membres du Comité de leur souplesse.
    Comme vous le savez, le Comité a déposé un rapport, en décembre 2017, intitulé « L'aide du Canada à l'Ukraine en période de crise et de conflit armé ». Nous nous sommes réunis le 12 juin pour en discuter. Le gouvernement vient d'y répondre le 16 octobre 2018. Nous nous sommes rencontrés aujourd'hui et avons pris un peu de temps pour rencontrer les ambassadeurs de l'Ukraine, de la Moldova et de la Géorgie pour en parler d'un point de vue plus vaste, avec une perspective régionale. Nous comptons conclure cette étude par un rapport et une mise à jour à la Chambre dans un avenir rapproché.
    Nous comprenons que c'est très important pour vous, et c'est important pour nous aussi.
    Je vous remercie beaucoup d'être venus.
    La séance est levée.
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