Passer au contenu
Début du contenu

FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 085 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 janvier 2018

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bonjour. Soyez les bienvenus à cette première réunion du Comité permanent de la condition féminine en 2018.
    Aujourd'hui, nous recevons un groupe très spécial, qui nous revient avec de nouveaux renseignements. Pour commencer, j'aimerais faire une ou deux annonces en matière de fonctionnement.
    Tout d'abord, je souhaite la bienvenue à la nouvelle greffière du Comité, Mme Kenza Gamassi. Aussi, je vous signale l'arrivée au Comité de Mme Stephanie Kusie du Parti conservateur. Comme vous pouvez le voir, elle est très accueillante.
    Au cours de la prochaine heure, nous entendrons des représentants de Service correctionnel Canada, de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, et du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
    Mme Anne Kelly, sous-commissaire principale à Service correctionnel Canada, a demandé cinq minutes pour commencer. Ensuite, nous reprendrons la discussion là où nous l'avons laissée en 2017.
    Anne, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Madame la présidente, je vous salue de nouveau.
    Je m'appelle Anne Kelly et j'occupe le poste de sous-commissaire principale de Service correctionnel du Canada, ou SCC, poste qui a aussi la responsabilité des services correctionnels pour Autochtones. J'ai le plaisir d'être accompagnée par Mme Kelley Blanchette, sous-commissaire pour les femmes, qui est responsable de l’élaboration et de la surveillance des programmes pour toutes les délinquantes purgeant une peine de ressort fédéral.
    Je tiens à vous remercier, vous et vos honorables membres du Comité, de me donner cette occasion de m'adresser de nouveau à vous afin de poursuivre la discussion que nous avons entamée le 28 novembre 2017 dans le cadre de votre étude sur les femmes autochtones dans le système de justice. Comme j'ai déjà présenté mes observations en novembre, j'aimerais aujourd'hui prendre quelques minutes pour vous communiquer certains points saillants récemment dégagés de l'examen de rendement semestriel du SCC pour 2017-2018.

[Français]

     Comme je l'ai souligné lors de la rencontre de novembre, les délinquantes autochtones représentent une proportion importante et croissante de la population carcérale, soit 39 % de toutes les délinquantes incarcérées.
    Je souhaite aussi répéter que le nombre de Canadiens et de Canadiennes autochtones qui se voient imposer des peines relevant du fédéral échappe à notre contrôle, mais que le travail et les interventions du Service peuvent, ultimement, avoir une incidence sur la durée de leur incarcération, leur cote de sécurité et le moment où leur cas peut être présenté à la Commission des libérations conditionnelles du Canada aux fins de décision concernant leur mise en liberté dans la collectivité.

[Traduction]

    C'est d'ailleurs là la raison d'être du SCC, soit d'encourager et d'aider les délinquants et les délinquantes dans leur préparation à la mise en liberté, de façon à ce qu'ils puissent retourner dans la société en toute sécurité. À ce propos, je suis heureuse de souligner que, selon les résultats de mi-exercice du SCC, le nombre de délinquants autochtones et non autochtones pris en charge par la collectivité continue d'augmenter.
    Pour ce qui est des mises en liberté discrétionnaires — c'est-à-dire, les semi-libertés et les libérations conditionnelles totales — ce sont les délinquantes qui ont obtenu les meilleurs résultats, puisque dans leur cas, 81 % des mises en liberté accordées jusqu'à présent ont été discrétionnaires. De plus, on enregistre pour ce groupe un meilleur taux de réussite en réinsertion sociale puisqu'un nombre plus élevé que jamais de délinquantes autochtones finissent de purger leur peine dans la collectivité sans être réincarcérées. Ces résultats positifs sont le fruit des efforts concertés déployés par les délinquantes et l'équipe de gestion des cas pour veiller à ce que soient pris en compte les besoins et les facteurs de risque au moyen d'interventions appropriées, l'objectif étant une réinsertion sociale réussie effectuée en toute sécurité.

[Français]

    J'aimerais aussi attirer votre attention sur les résultats de deux études menées l'année dernière.
    La première visait à déterminer si les programmes correctionnels pour délinquantes autochtones atteignaient leur objectif. D'après les résultats, ces programmes parviennent à améliorer les compétences et les attitudes des femmes et à réduire considérablement leur taux de réincarcération.

[Traduction]

    La deuxième étude portait sur les délinquantes autochtones qui ont pris part à des mises en liberté aux termes de l’article 84, qui est une disposition législative s'appliquant aux délinquants qui manifestent un intérêt à l'égard de la participation d'une collectivité autochtone à la planification de leur mise en liberté. D'après les résultats de l'étude, au cours des 5 dernières années, 41 % des délinquantes ont participé à des mises en liberté conformes aux termes de l'article 84. L'étude a notamment permis de constater que les délinquantes ayant un plan de libération établi aux termes de l’article 84 étaient plus susceptibles de bénéficier d'une mise en liberté discrétionnaire et d'être classées à un niveau de sécurité minimal avant leur mise en liberté.

[Français]

    Malgré les progrès réalisés, le Service continue de combler les lacunes et de mettre en oeuvre des initiatives pour mieux répondre aux besoins des délinquants et des délinquantes et pour remplir son mandat consistant à assurer la sécurité des Canadiens et des Canadiennes.

  (1535)  

[Traduction]

     Je serai ravie de répondre à vos questions au sujet des divers aspects du travail de SCC et des progrès que nous avons réalisés.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Kelly. Vous avez été très brève.
    Nous allons commencer la série de questions à sept minutes par Pam Damoff.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leur présence.
     J'aimerais d'entrée de jeu vous informer que, la semaine dernière, j'ai passé deux jours à visiter des établissements correctionnels, à Edmonton. J'en ai visité cinq, dont l'Établissement d'Edmonton pour femmes et la Maison de ressourcement Buffalo Sage. En tant que comité, nous pourrions discuter de la valeur d'une telle démarche, et j'en suis pleinement consciente.
    Tout d'abord, je veux dire merci au SCC pour son excellent travail, ainsi qu'à toutes les personnes formidables qui travaillent dans ces établissements. J'ai été très impressionnée par le travail qui se fait là-bas, surtout à Buffalo Sage. Je ne crois pas que vous puissiez vous représenter ce qu'est un pavillon de ressourcement sans en avoir vu un de vos propres yeux.
     Nous nous sommes intégrées à un cercle avec une aînée nommée Claire et quatre femmes qui se trouvaient là. Certaines de mes questions porteront sur cette visite.
     Toutes les personnes que j'ai rencontrées m'ont répété la même chose: les compressions appliquées au service correctionnel ont été dévastatrices en ce qui a trait à la capacité des établissements de livrer la marchandise, quel que soit l'établissement. Vous n'avez peut-être pas ce chiffre avec vous, mais pouvez-vous nous dire à combien sont évaluées les compressions appliquées au budget de SCC de 2006 à 2015? Si vous ne le savez pas, ce n'est pas grave. Vous pourriez peut-être transmettre cette information au Comité ultérieurement.
    Oui, je peux assurément faire cela.
    Je ne sais pas si vous souhaitez parler de ce que vous avez fait pour composer avec les compressions budgétaires que vous avez subies, attendu qu'elles ont eu une incidence... De toute évidence, une division opérationnelle comme SCC dépend de son budget pour être en mesure d'offrir les programmes nécessaires dans les établissements, n'est-ce pas?
    Oui. Ce que nous avons fait, et nous l'avons fait pour les hommes... Lorsque j'ai comparu devant le Comité, j'ai parlé de ce que nous avons créé et que nous appelons les « Centres d'intervention pour Autochtones ». Essentiellement, il s'agit de centres d'évaluation initiale. Nous faisons l'évaluation des délinquants, mais nous amorçons aussi la programmation dès qu'ils viennent à nous, et nous comptons faire la même chose pour les femmes. En essence, disons que nous allons évaluer les femmes. Elles vont commencer leur programme dès qu'elles viendront à nous.
     Nous avons aussi quelque chose que nous appelons des « agents de développement auprès de la collectivité autochtone », et que nous comptons placer dans nos centres d'évaluation initiale ou dans nos centres d'intervention pour Autochtones, de manière à ce que la planification de la libération se fasse dès le début, surtout lorsque la personne démontre un intérêt quant à la perspective de revenir à une collectivité autochtone. Nous n'attendrons pas six mois, c'est-à-dire jusqu'à ce que le délinquant soit sur le point d'être libéré.
    Voilà une partie des approches novatrices que nous utilisons.
    On nous a dit beaucoup de bien de ces initiatives et du fait d'être en mesure d'accéder dès le début aux programmes destinés aux Autochtones, sans avoir à attendre.
     L'autre chose dont nous avons beaucoup entendu parler, c'est cette question des peines minimales obligatoires. Un certain nombre de femmes s'y sont fait prendre. C'est une question qui concerne peut-être davantage la Commission des libérations conditionnelles — non, c'est vraiment à vous que cela s'adresse. Le ministère de la Justice est-il le seul à décider si un Autochtone doit... Est-ce que quelqu'un peut nous dire un mot là-dessus?
     Ce que nous avons vu, c'est qu'il y a des femmes qui... L'une d'elles s'est retrouvée dans une relation violente et elle a attaqué son abuseur. Elle est en prison et elle a peur d'être attaquée, mais elle est sous le joug d'une peine minimale obligatoire et elle a été condamnée à... Une bonne partie des femmes à qui nous avons parlé semblent avoir été victimes de ce système.
     Est-ce que quelqu'un peut nous donner une idée du nombre de femmes qui ont été prises dans ce système? Devrais-je plutôt attendre de parler aux représentants du ministère de la Justice? D'accord.
    Un autre problème qui nous a été signalé concerne la Commission des libérations conditionnelles. On nous a dit qu'il était difficile d'avoir accès aux programmes en raison des confinements cellulaires pratiqués dans les pénitenciers. Dès qu'il y a confinement, les programmes sont stoppés. J'ai rencontré une femme qui aurait dû être admissible à une libération conditionnelle, mais pour qui l'accès aux programmes avait été bloqué en raison d'un certain nombre de confinements cellulaires. Avez-vous entendu parler de cette pratique? Est-ce quelque chose de très courant?
     Nous savons effectivement que la logistique au sein de ces établissements peut être fort complexe. De notre point de vue, du point de vue de la Commission, les membres doivent tenir compte d'une foule de renseignements au moment de prendre des décisions, et les programmes font partie de cela — c'est-à-dire la participation du délinquant à des programmes, son intérêt à cet égard —, mais il y a aussi d'autres facteurs.
     Nous travaillons en étroite collaboration avec SCC. Je sais que SCC a mis au point un certain nombre de programmes à l'intention des délinquants, alors je pense que c'est une question dont Anne pourrait nous entretenir.

  (1540)  

    Mon commentaire n'était pas une critique. Je comprends la logistique. Si un pénitencier est en mode de confinement cellulaire, il faut composer avec la situation, mais lorsque des femmes essaient d'avoir accès au programme de base qu'il leur faut pour se préparer à une audience de libération conditionnelle et qu'elles n'y parviennent pas en raison d'un certain nombre de confinements, c'est frustrant.
    Allez-y.
    Je n'ai qu'une observation à formuler.
    La participation à un programme n'est pas nécessairement une exigence pour obtenir une audience avec la Commission des libérations conditionnelles. Pour les délinquants, on cherchera en partie à savoir s'ils ont été en mesure d'être là pendant tout le programme ou de le terminer. C'est au délinquant à décider s'il veut renoncer à l'audience ou à l'examen. Cela dépendrait de sa détermination, l'examen servant de référence. C'est un élément que je tenais simplement à vous signaler.
    Je crois qu'ils se disaient que ça ne valait pas la peine de se présenter s'il n'avaient pas terminé le programme.
    Je m'excuse, j'ai perdu le fil de mes idées avec ces questions sur les audiences de libération conditionnelle.
    Un certain nombre de femmes apprennent à coudre. Je leur ai parlé de l'analyse comparative des carrières en fonction des sexes. Les hommes apprennent la menuiserie et le coffrage. La couture occupe une place énorme, mais cela ne les outille pas vraiment pour réussir dans la vie.
    Avons-nous fait une analyse comparative entre les sexes à propos de la formation professionnelle qui est offerte dans nos établissements correctionnels?
    Vous avez 20 secondes pour répondre.
    Kelley a peut-être quelque chose à dire là-dessus, mais en ce qui me concerne, je peux affirmer qu'avec CORCAN — qui est notre centre d'emploi, même au Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci —, les femmes ont tendance à ne plus se limiter à la couture et à se tourner davantage vers les métiers de la construction. Je sais par ailleurs que l'Établissement d'Edmonton pour femmes, l'EEF, offre aussi une formation pour un autre type de métier, mais je ne me souviens pas exactement de quoi il s'agit.
    Le temps est venu de passer à la prochaine intervenante.
    Pour sept minutes, la parole est à Stephanie Kusie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je suis ravie d'être ici. Je suis tellement fière de faire partie du Comité de la condition féminine au moment même où nous assistons à cette mise au jour du harcèlement, cette problématique qui frappe de plein fouet notre propre gouvernement et notre propre cabinet; je crois qu'il est très important pour moi d'être présente ici, maintenant. Il s'agit également des choix que font les femmes et du programme d'emplois d’été du Canada. Je crois que c'est un moment on ne peut plus névralgique pour siéger à ce comité, et je suis très fière d'être là. Je vous remercie donc de m'accepter parmi vous.
    Ma première question s'adresse à Mme Kelly.
    L'ancien gouvernement conservateur avait augmenté le financement des programmes de réinsertion pour les détenus, notamment pour des choses comme les pavillons de ressourcement. D'après ce que vous avez vu, ces programmes de réinsertion ont-ils profité aux détenus, et en particulier aux femmes autochtones?
    Oui.
    Nous avons un pavillon de ressourcement, le Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci, qui compte 60 lits...
    Les détenus y séjournent-ils?
    Oui.
    Il y a aussi la Maison de ressourcement Buffalo Sage. Nous venons tout juste d'en augmenter la capacité, la faisant passer de 12 à 28 lits. Assurément, le pavillon de ressourcement est un endroit de choix pour les femmes qui s'intéressent à leur propre culture, aux enseignements, aux cercles, aux cérémonies, etc.
    Je suis contente d'entendre ça.
    Diriez-vous qu'il y a des avantages à inclure les aînés autochtones et les membres de la communauté dans le processus de réadaptation?
    Absolument.
    Dans notre pavillon de ressourcement et dans nos établissements, nous retenons les services des aînés de la communauté, alors les délinquants apprennent à les connaître. Lorsque les délinquants regagnent leur communauté, les aînés peuvent continuer à travailler avec eux.
    Il est certes très important que nos aînés transmettent leur enseignement et leurs conseils, mais ils font aussi partie de la prestation du programme. Pour le programme destiné aux femmes, les aînées sont là en tout temps. Oui, leur présence est très bénéfique.
    Vous m'en voyez ravie.
    Au cours de la dernière décennie, quels investissements avez-vous faits pour améliorer les programmes destinés spécifiquement aux détenus autochtones? Vous parlez de ces résultats incroyables, comme ce taux de réinsertion de 81 %, et ce 39 % de...
    De façon plus précise, à quoi attribuez-vous ces résultats?

  (1545)  

    Assurément, c'est en partie grâce à nos programmes.
    Récemment, le Bureau du vérificateur général nous a demandé de faire l'évaluation de nos programmes, ce que nous avons fait. Cet examen a montré que les programmes avaient permis d'améliorer les compétences, les attitudes et la motivation des femmes. Elles sont désormais mieux outillées pour obtenir une mise en liberté discrétionnaire, une libération conditionnelle totale.
    En ce qui concerne les programmes destinés aux femmes, nous avons ce que l'on appelle le « cercle de soins ». Il s'agit d'un programme à adhésion volontaire qui s'adresse à toutes. Il y a aussi un programme d'intensité élevée et un programme d’intensité modérée. Enfin, il y a ce que nous appelons le programme de maintien, qui s'adresse aux femmes des établissements et à celles qui sont dans la communauté.
     Merci beaucoup.

[Français]

     Ma prochaine question s'adresse à Mme Brisebois.

[Traduction]

    D'après votre expérience, la victime tire-t-elle un avantage à assister aux audiences de libération conditionnelle? Son engagement lui donne-t-elle un contrôle accru sur le processus?
    Je dirais que c'est le cas. Je pense que les victimes sont une partie intégrale du processus de justice criminelle et de la libération conditionnelle.
    En ce qui concerne la Commission proprement dite, les membres prennent en considération l'information que les victimes leur fournissent. Certaines victimes ont été présentes lors de nos audiences. Même avant la présentation de la Charte canadienne des droits des victimes, en 2015, la Commission avait permis aux victimes d'assister aux audiences. Elle en avait fait une politique. Cette présence permet aux victimes de cerner les inquiétudes qu'elles pourraient avoir quant à la libération conditionnelle du délinquant. Elles peuvent aussi mieux mesurer les effets que l'infraction a pu avoir sur eux et sur leur famille. Le cas échéant, cela peut les aider à décider si elles vont recommander à la Commission l'imposition de conditions particulières.
    Merci beaucoup. C'est très apprécié.
    En ce qui concerne la sécurité et la protection civile, dans beaucoup de communautés autochtones, l'accès au système judiciaire ou à la police est très limité. À cause de cela, il peut être difficile pour les victimes de porter des accusations contre des délinquants.
    De plus, quand les délinquants sont traînés en cour et reconnus coupables de ce qu'on leur reproche, les peines sont souvent courtes. Ensuite, le criminel revient dans sa communauté tout de suite après avoir purgé sa peine, et la victime de départ ne reçoit à peu près pas de protection. Ainsi se poursuit le cycle de la violence et des mauvais traitements dans ces communautés.
    Selon vous, comment pouvons-nous prévenir la victimisation de ces jeunes femmes et améliorer leur accès au système judiciaire?
    Dans de nombreuses collectivités autochtones, il y a une foule de problèmes de sécurité qui ne concernent pas uniquement les femmes, ou uniquement les hommes. Les collectivités doivent faire une analyse de leurs problèmes. Sécurité publique ne leur dit pas « voici ce que nous allons faire pour vous aider ». Au lieu de cela, nous avons un processus de planification de la sécurité communautaire dans le cadre duquel nous les aidons à former un conseil. Nous leur fournissons les services d'un facilitateur qui les aide à examiner attentivement leur collectivité, les risques pour les victimes, et les risques que certains membres tombent dans la criminalité. Elles déterminent ensuite ce qu'elles peuvent faire pour remédier à ces problèmes et les autres formes de soutien dont elles ont besoin de la part des gouvernements fédéral, provincial et municipal pour bien protéger leur collectivité.
    Une fois que leur plan est établi, nous travaillons avec elles pour mobiliser d’autres partenaires au sein du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux ou territoriaux et des villes pour le mettre en oeuvre. À ce jour, nous avons travaillé avec plus de 100 collectivités pour mettre au point leur plan. Vingt-huit d’entre elles l'ont terminé, et nous avons des projets pilotes en cours avec trois pour les mettre en œuvre en collaboration avec les autres échelons de gouvernement.
    On part de l’idée que la sécurité d’une collectivité comporte de multiples facettes. Il n’y a pas que les services de police — et comme vous le savez sans doute, nous avons augmenté les fonds destinés aux programmes des services de police des Premières Nations, ce qui va aider —, il y a aussi le fait d'avoir des centres de jeunesse, des programmes de lutte contre les toxicomanies, des écoles, des garderies et des programmes de travail. Les collectivités sont donc en mesure de déterminer ce dont elles ont besoin pour créer un environnement sécuritaire et tenir leurs membres loin du système de justice criminelle.
    Nous venons en outre tout juste de lancer une autre initiative appelée Initiative sur les services correctionnels communautaires destinés aux Autochtones pour faciliter la réinsertion des délinquants. Kelly vous a parlé des programmes de l’article 84. Les collectivités ont besoin en fait d’avoir des mesures en place pour pouvoir travailler avec les délinquants lorsqu’ils retournent dans la collectivité, y compris pour gérer les interactions entre les victimes et les...

  (1550)  

    Je suis désolée, mais il faut conclure.
    Je vais m'arrêter ici.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Sheila Malcolmson. Vous avez sept minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci aux témoins de leur présence.
    Mes questions s'adressent aux représentantes des Services aux Autochtones.
    L’été dernier, nous avons reçu un rapport très peu encourageant. Il s’agit du Rapport annuel du Bureau de l'enquêteur correctionnel, dans lequel l'enquêteur souligne les problèmes touchant la santé mentale. Étant donné que nos prisons comptent un grand nombre de femmes autochtones, je crois que c'est un sujet qui s'inscrit parfaitement dans notre étude. Il a souligné le manque de capacités, de ressources et d'infrastructure pour gérer les problèmes de santé mentale graves.
    Il mentionne:
Cette question est particulièrement problématique dans les établissements pour femmes, puisqu’il n’existe aucun établissement spécialisé et indépendant de traitement pour les détenues sous responsabilité fédérale.
    Il parle notamment de la région du Pacifique, où j'ai été élue:
... les femmes qui ont besoin de soins... d’urgence sont... transférées... dans une unité de l’établissement psychiatrique régional, normalement réservé aux hommes... sont maintenues dans des conditions semblables à l’isolement... Cette pratique mène à une discrimination systématique contre les femmes atteintes de problèmes de santé mentale, et elle est totalement inacceptable et contraire aux normes internationales en matière de droits de la personne...
    Les Services aux Autochtones ayant la responsabilité de s’assurer d’une approche pangouvernementale et de veiller à ce que les soins offerts aux femmes autochtones ne le soient pas en vase clos, pouvez-vous nous dire l'importance qu'accorde la ministre à cette question, et ce que vous comptez faire pour améliorer les services offerts aux femmes autochtones?
    Nous pouvons vous parler de la santé mentale, mais pour ce qui touche au système correctionnel, cela relèverait de Service correctionnel Canada. Ma collègue Mary Kapelus vous parlera de la santé mentale.
    Avant que la personne quitte la collectivité, nous avons divers programmes qui sont offerts dans la réserve, et nous avons mis en place un cadre de continuum du mieux-être mental des Premières Nations. De plus, comme vous l’avez vu, les budgets ont été bonifiés au cours des dernières années pour contrer les vagues de suicides, et des équipes de gestion de crise du mieux-être mental ont été mises sur pied un peu partout au pays.
    Nous avons un réseau d’environ 45 centres de désintoxication dans les collectivités, de même que des services de prévention de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Nous avons aussi notre programme de soutien en santé pour remédier aux répercussions intergénérationnelles des pensionnats indiens. Encore une fois, comme ma collègue l'a mentionné, la plupart de nos programmes communautaires, qui sont adaptés à la culture, répondent aux besoins tant des hommes que des femmes qui vivent dans nos collectivités. Ils visent la population des réserves, mais pas nécessairement les membres qui se retrouvent dans un établissement correctionnel.
    Nous collaborons toutefois avec nos collègues du Service correctionnel et avec d’autres partenaires afin que des programmes bien adaptés soient en place pour favoriser la réinsertion des délinquants qui reviennent dans leur collectivité. D’autres programmes sont aussi offerts dans le cadre du Programme des services de santé non assurés des Premières nations, dont des services de counselling.
    Comme je l’ai mentionné, les programmes qu'offre Services aux Autochtones sont principalement destinés aux personnes qui se trouvent dans la collectivité.
    Pour poursuivre sur cette question, que constatez-vous au sujet de l'interruption des soins communautaires lorsqu’une femme autochtone quitte sa collectivité, sa réserve, et se retrouve parfois dans une région tout à fait différente du pays, et qu’elle revient dans sa collectivité après sa libération, sans avoir eu un accès constant à des soins de santé mentale adaptés à sa culture et, comme l'a constaté l’enquêteur, à un soutien en santé mentale approprié?
    Cela dépend, comme vous y avez fait allusion, de la région du pays où elle se trouve. Je ne peux pas vous dire ce qui se passe lorsqu'elles sont en détention, ou vous parlez des types de programmes auxquels elles ont accès, car nous n’avons pas cette information habituellement.
     Comme je l’ai mentionné, ce que nous pouvons faire à leur retour, c’est travailler avec les membres de la famille et les aînés pour les réintégrer dans la collectivité. On a parlé un peu plus tôt des pavillons de ressourcement, entre autres. Selon l’expérience que nous avons à la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, ces méthodes de guérison culturelles ont assurément une influence positive sur les personnes qui y ont accès.
    Nous constatons de plus en plus que les modèles de soins utilisés sont acceptés dans les provinces. Le mandat de notre direction est de faire en sorte d’intégrer notre système à ceux notamment des provinces, afin que les services soient le plus harmonisés et harmonieux possible, malgré les problèmes de compétence qui surgissent, bien sûr. Ils existent, mais encore une fois, je ne peux pas parler de la situation dans les centres de détention, et je m’en excuse.

  (1555)  

    Eh bien, j’insisterais pour… C’est probablement la raison de notre étude: le Comité doit tenter de trouver, conformément à la promesse du gouvernement de mettre en place une approche pangouvernementale de services aux Autochtones, des façons d’améliorer la prestation des services aux femmes pour qu’il n’y ait pas de cassure entre l'établissement carcéral fédéral et leur retour à la maison.
     Nous serons très heureux d'intégrer dans notre rapport final les recommandations que les témoins ont sur la façon de mieux imbriquer le tout, je l'espère.
    Nous avons encore 30 secondes.
    Nous avons 30 secondes. J’aimerais aussi avoir votre opinion sur la recommandation provisoire de l’enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées de mettre sur pied un comité spécial, une escouade policière. Vous n'aurez pas tous la chance de répondre, mais je sème la graine, et si j’ai une autre minute, je vais vous demander de répondre. Merci.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup. Nous passons maintenant à Sean Fraser. Vous avez sept minutes.
    Je remercie tous nos témoins de leur présence. J’ai quelques questions que j’espère avoir le temps de poser, même si je suis certain du contraire. Je vous serais reconnaissant d'être aussi concis que possible dans vos réponses.
    La première question s’adresse à Sécurité publique. Je crois savoir qu’il y a deux types d’ententes dans le Programme des services de police des Premières Nations: une communautaire et l'autre autogérée. J'aimerais savoir tout d'abord s’il y a des différences entre elles pour ce qui est de la sécurité ou du taux d'incarcération.
    Je vais devoir vous revenir avec l'information.
    D’accord. Je vous en saurais gré. Ce serait sans doute plus simple que vous fassiez parvenir le tout à la greffière.
    Ensuite, au sujet des programmes de formation, je pense que le mieux serait de poser la question à SCC. Ma collègue Mme Damoff terminait ses questions lorsque vous avez parlé d'un exemple de programmes de formation dans le secteur de la construction. Elle a vu à quelques reprises des femmes faire les ongles, ce qui mène habituellement à des emplois mal payés, des petits boulots. Est-ce qu’on s’efforce de faire en sorte que les programmes de formation correspondent aux besoins du marché, soit dans la région d’origine de la personne, ou encore là où elle est incarcérée?
    Nous avons certaines initiatives locales, mais ça dépend des endroits. À la suite du rapport du vérificateur général sur la réinsertion des délinquantes, nous nous sommes engagés à mieux les outiller pour gagner un salaire suffisant à leur libération. Cela se fera dans le cadre des initiatives de CORCAN et, encore une fois, des initiatives locales.
    Pour poursuivre sur le sujet, un témoin nous a dit au début de notre étude, si ma mémoire est bonne, que les compétences des femmes se dégradent pendant leur séjour dans un établissement à sécurité maximale. Y a-t-il une différence entre les programmes de formation, de développement des compétences et de réinsertion qui sont offerts dans les établissements à sécurité minimale et maximale?
    Nos établissements sont tous à niveaux de sécurité multiples, soit à sécurité minimale, moyenne et maximale. Cela étant dit, dans le cas de la sécurité maximale, l'environnement dans le périmètre de l’établissement est un peu différent. Il y a des différences dans les possibilités d’emploi, notamment les placements à l'extérieur. Celles qui sont dans les unités à niveau de sécurité inférieur ont plus de chances d'y avoir accès. Celles qui sont dans des unités à sécurité maximale n'y auront pas accès, mais elles peuvent travailler dans l'établissement.

  (1600)  

    Les femmes qui sont dans une unité à sécurité maximale ont accès à un programme d'intervention modulaire et peuvent, à tout le moins, avoir accès à des programmes également.
    S'efforce-t-on de faire en sorte que les programmes auxquels elles ont accès dans les établissements à sécurité maximale soient le reflet des occasions d’emploi qui existent à leur libération?
    Eh bien, il s’agit d’un continuum de programmes, et j’aimerais corriger quelque chose que j’ai dit.
    J’ai dit que 100 % des programmes étaient dispensés avec la participation des aînés. Pour rectifier les faits, c'est le cas pour les programmes d'engagement, c’est-à-dire le premier programme pour motiver les femmes, mais pour le programme en tant que tel, c'est 80 %. Il s'agit toutefois d’un continuum. Nous avons donc d'abord le programme pour motiver les femmes, puis nous avons les programmes d’intensité modérée et élevée, et nous avons ensuite ce qu'on appelle le maintien des acquis. Le maintien des acquis est offert tant au sein de l’établissement que dans la collectivité, si bien que les compétences acquises pendant leur incarcération peuvent leur servir dans la collectivité.
    Toujours sur le même sujet, mais ma question s’adresse cette fois-ci aux Services autochtones. Nous avons entendu parler de programmes très intéressants. J'aimerais savoir si certains s'adressent précisément aux délinquants qui ne sont plus incarcérés ou libérés sur parole mais qui sont dans la collectivité. Nous savons que les gens qui ont été incarcérés n’ont pas les mêmes perspectives sociales que la population en général. J'aimerais savoir s’il existe des programmes particuliers pour les femmes qui ont été incarcérées afin qu’elles ne se trouvent pas livrées à elles-mêmes après avoir fait leur temps en prison.
    Les femmes des Premières Nations dans les réserves ont accès à toute une gamme de programmes éducatifs et sociaux. Ces programmes ne sont pas destinés uniquement aux femmes qui ont été incarcérées. Il y a des programmes sur la prévention de la violence familiale et toute une série de programmes éducatifs qui sont destinés, entre autres, aux femmes autochtones. Au cours des deux dernières années, un très gros budget a été consacré aux programmes éducatifs dans les réserves, que ce soit pour la petite enfance, la formation secondaire ou postsecondaire. Il y a aussi des programmes d'aide financière, des garderies...
    Bien sûr, mais si vous le permettez, je suis tout à fait d’accord avec vous que la hausse du financement pour ces programmes est extraordinaire. C'est une bonne chose qu'ils existent. J'aimerais simplement savoir si on s’efforce, ou devrait s’efforcer, de cibler les gens qui sont à haut risque de récidive, afin d'améliorer les perspectives sociales de ceux qui sont les plus à risque de retomber dans la délinquance. Pourrait-on faire quelque chose en ce sens?
    C’est un très bon point. Un bon nombre de nos programmes reposent sur des propositions, comme celui pour les Autochtones vivant en milieu urbain. D'autres qui portent sur le développement des compétences ciblent expressément les hommes et les femmes qui ont été incarcérés. Il en va de même de nos autres programmes. Quand on nous propose des projets pour prévenir la violence familiale, ils peuvent cibler les femmes qui ont été incarcérées.
    C'est excellent.
    Il me reste 40 secondes.
    On nous a parlé de deux initiatives très intéressantes, les mises en liberté de l'article 84 et les pavillons de ressourcement, qui améliorent tous deux les perspectives sociales. Peut-on élargir la portée de ces initiatives pour que plus de femmes autochtones incarcérées puissent profiter de ces éléments de notre système de justice?
    Il y a une procédure à suivre pour les collectivités qui veulent se prévaloir d'une entente au titre de l'article 81, mais nous sommes toujours ouverts à l'idée.
    Comme je l’ai mentionné au début, nous pouvons accueillir plus de personnes à la Maison de ressourcement Buffalo Sage, donc oui. Nous étudions actuellement une proposition pour la création d’un nouveau pavillon de ressourcement.
    Merci beaucoup.
    C'est excellent. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions qui seront de cinq minutes, et nous commençons par Stephanie Kusie.

[Français]

     Je vous remercie, madame la présidente.
    J'aimerais commencer par remercier Mme Connidis de sa réponse. Avant d'être députée, j'étais agente consulaire. C'est pourquoi j'aime beaucoup les plans.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup.
    Madame Kapelus, pourquoi de nombreuses femmes autochtones qui sont victimes de violence ont-elles de la difficulté à avoir accès au système de justice? Quelles mesures ont été prises pour éliminer les obstacles qu'elles rencontrent, s'il vous plaît?

  (1605)  

    Je suis désolée, mais comme je travaille à la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, je ne suis pas en mesure...
    Je peux vous parler un peu de nos programmes de prévention de la violence familiale.
    Nous avons de nombreux programmes de prévention de la violence familiale, et nous avons aussi des fonds pour la construction et le fonctionnement de refuges dans les réserves. Comme je le mentionnais un peu plus tôt, les programmes de prévention de la violence familiale sont fondés sur des propositions. Nous finançons environ 300 projets par année partout au pays pour un montant d’environ 38 millions de dollars. Nous finançons aussi le fonctionnement de 41 refuges, de même que la construction de cinq autres. Les femmes et les enfants qui ont été victimes de violence ont aussi accès à des programmes de prévention, d'évaluation et de counselling, et à toute une gamme d'autres services vers lesquels les refuges peuvent les orienter.
    Merci beaucoup.
    Madame Kelly, ma prochaine question est purement égoïste. Je cherche toujours à connaître les raisons derrière les statistiques. Dans votre déclaration, vous avez dit que les femmes avaient obtenu les meilleurs résultats. En tant que femme, je trouve cela très intéressant. À quoi attribuez-vous ce taux de réussite? Comment expliquez-vous cela? Je trouve cela exceptionnel.
    Je pourrais peut-être prendre quelques instants pour vous parler des résultats...
    D'accord.
    ... parce que j'en suis très fière.
    Très brièvement, en ce qui a trait aux programmes éducatifs, le taux de participation est passé de 71 % en 2015-2016 à 84,3 % à la fin de décembre. Pour ce qui est du temps écoulé entre l'admission et la participation au premier programme, on parle de 32 jours, et pour les femmes non autochtones, de 31,5 jours, alors c'est très semblable. L'année 2016-2017 a été l'année où il y a eu le plus grand nombre de femmes en semi-liberté et en libération conditionnelle totale, ainsi que le plus grand nombre de femmes qui ont fini de purger leur peine avec succès. Grosso modo, le pourcentage médian du temps purgé à partir de l'admission jusqu'à la première mise en liberté est passé de 43 à 36 %, ce qui est une bonne chose.
    Par ailleurs, le pourcentage de délinquantes ayant obtenu la semi-liberté ou la libération conditionnelle totale est passé de 65 % en 2016-2017 à 75 % à la fin d'octobre. Pour ce qui est des délinquantes qui ont atteint la date d'expiration de leur mandat — c'est-à-dire qui ont terminé de purger leur peine sans être réincarcérées —, nous avons encore une fois constaté une augmentation.
    Je dirais que c'est une combinaison de plusieurs facteurs. Tant du côté des hommes que du côté des femmes, nous observons un nombre plus élevé de délinquants qui purgent leur peine sous surveillance au sein de la collectivité. Selon moi, cette situation est également attribuable aux programmes que nous offrons.
    Je pense que vous avez été témoins du travail exceptionnel qu'accomplit notre personnel auprès des délinquants, et si vous visitiez nos établissements ou nos bureaux de libération conditionnelle, vous verriez que notre personnel est très dévoué. Ils ont leur travail à coeur. Ils croient en notre mandat, qui consiste à aider les délinquants et à les encourager.
    Nous voulons qu'ils repartent en étant de meilleures personnes qu'ils ne l'étaient à leur arrivée. C'est pourquoi nous les aidons à cheminer. Nous leur offrons des programmes, et nous avons des aînés et des aumôniers au sein de nos établissements. En outre, nous examinons les possibilités d'emploi des délinquants afin qu'ils puissent obtenir un emploi et toucher un salaire décent à leur sortie pour être en mesure de subvenir à leurs besoins. C'est donc une combinaison de facteurs.
    Très bien.
    J'aimerais savoir...
    Excellent. Nous vous aimons bien, mais votre temps est écoulé.
    Je vais maintenant céder la parole à Eva.
    Eva, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Je vous remercie, madame la présidente.
    Le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada a déclaré, dans le cadre d'une étude antérieure, que la prévalence des lésions cérébrales traumatiques chez les femmes détenues était souvent due à la violence familiale. Il a aussi déclaré que ces lésions étaient largement non diagnostiquées ou que ces femmes étaient simplement laissées sans surveillance, ce qui compliquait leur prise en charge et leur traitement pendant leur incarcération. Cela peut être un facteur contributif dans le cas des personnes récidivistes qui réintègrent le système.
    Comme il y a plus d'un an que nous avons entendu ces propos, je n'ai plus ces statistiques et je ne me souviens pas des chiffres, mais je me demande si vous pourriez émettre des commentaires à ce sujet. Je me souviens que le chiffre était vraiment choquant.

  (1610)  

     Je crois que vous parlez ici du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale. La prévalence est d'environ 17 %. Elle est de 10 % chez les hommes et de 17 % chez les femmes.

[Traduction]

    Je suis désolée, mais je ne parle pas de ces troubles. Je parle des traumatismes cérébraux.
    D'accord.
    Nous n'avons pas de données précises sur les traumatismes cérébraux. Au moment de leur admission, nous procédons à une évaluation initiale afin d'identifier les hommes ou les femmes qui ont un trouble cognitif. Après une première sélection, nous réalisons des évaluations de suivi pour déterminer les causes et les mesures à prendre, mais nous n'avons pas de données précises sur le nombre de personnes qui souffrent d'un traumatisme cérébral.
    Cela dit, nous venons tout juste d'instaurer un nouveau système de dossiers médicaux électroniques, alors il y a de fortes chances qu'à l'avenir, nous soyons mieux en mesure de recueillir ces données. Ce système a été mis en place l'an dernier.

[Français]

    Merci. Je pense que vous avez répondu à quelques-unes de mes questions.
    Je me demandais s'il y avait, dans le système, des mécanismes ou des programmes spéciaux, surtout culturellement adaptés aux femmes détenues, destinés à faciliter la réinsertion communautaire et sociale de ces femmes.
     Parmi nos programmes correctionnels pour les femmes, il y en a un qui est justement adapté à cela. Il s'appelle The adapted Correctional Program Model ou, en français, Modèle de programme correctionnel intégré.

[Traduction]

    Ce programme s'adresse aux délinquantes ayant une déficience cognitive.

[Français]

    Ces programmes existent en prison, mais y a-t-il d'autres programmes qui aident ces femmes après leur sortie de prison?

[Traduction]

    Aussi longtemps que les délinquantes purgent leur peine, oui, nous offrons un programme de maintien des acquis dans la collectivité. Cependant, lorsqu'elles ont atteint la date d'expiration de leur mandat, je vais devoir demander à ma collègue de vous parler des programmes qui sont offerts au sein de la collectivité.

[Français]

     Comme je l'ai mentionné plus tôt, il s'agit d'un programme communautaire qui offre du soutien à tous les membres de la famille, incluant les femmes et les enfants, qui aide les parents à bien jouer leur rôle, et qui leur permet de développer certaines compétences. Cela apporte une aide à la réinsertion des femmes après leur sortie de prison.
    Je vous remercie.
    À quelle fréquence se fait le dépistage des lésions cérébrales ou du syndrome d'alcoolisation foetale?

[Traduction]

    Pourriez-vous nous dire si nous dépistons ces types de maladies dans les prisons pour femmes?
    En ce qui concerne l'ETCAF, nous savons que certaines femmes en souffrent. Comme Kelley l'a expliqué, normalement, nous effectuons une évaluation initiale puis, évidemment, si nous trouvons quelque chose, nous assurons un suivi. Grâce à nos dossiers médicaux électroniques, nous serons mieux en mesure de surveiller ces troubles.
    Je vais céder le reste de mon temps à mon amie.
    Vous n'aviez que cinq minutes. Je suis désolée — la prochaine fois.
    Stephanie Kusie, vous êtes la prochaine intervenante. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci.
    Je vais poser la même question à Mme Brisebois que j'ai posée à Mme Kelly.
    Quels investissements avez-vous fait au cours des 10 dernières années pour améliorer les résultats des programmes destinés aux détenus autochtones? Avez-vous constaté une amélioration?

  (1615)  

    Ce sont les commissaires de la Commission des libérations conditionnelles du Canada qui prennent les décisions relatives à la mise en liberté sous condition. La mise en oeuvre des programmes s'adressant aux délinquants relève du Service correctionnel du Canada, mais ma collègue, Michelle Van De Bogart, qui est l'administratrice en chef des opérations par intérim au sein de la Commission, pourrait sans doute vous parler de la tenue des audiences avec l'aide d'un aîné et des diverses mesures qui sont prises pour tenir compte des aspects culturels dans le cadre de la prise de décisions.
    Bien sûr. Je pensais simplement que la commission des libérations conditionnelles jouait un rôle dans l'évaluation des résultats et de l'impact des programmes. Cela dit, j'aurais pensé que vous auriez un point de vue unique par rapport aux résultats obtenus et à ce qui fonctionne.
    Peut-être que je me trompe, mais c'est...
    De façon générale, lorsqu'il s'agit des programmes et de leur efficacité, cela relève du Service correctionnel du Canada, étant donné que ce sont eux qui mettent en oeuvre les programmes, les autorisent puis évaluent leur pertinence et leur efficacité.
    Dans le cas de la Commission, les commissaires vont tenir compte de tous les renseignements qui figurent dans le dossier de cas du délinquant, y compris les divers programmes auxquels il a participé, que ce soit au sein de l'établissement ou de la collectivité. Ce sont donc des facteurs que les commissaires évalueront au cas par cas.
    D'accord.
    La Commission ne va donc pas nécessairement évaluer l'intégrité des programmes du service correctionnel.
    Mais vous devez quand même savoir ce qui donne de bons résultats. Si j'étais une agente de libération conditionnelle, par exemple, il me semble que je serais en mesure de dégager certaines tendances et de constater que tel programme obtient un meilleur taux de réussite et ainsi de suite. Il faudrait se pencher sur ce qui mène à ces résultats plus positifs. Je pensais que vous pourriez me répondre là-dessus.
    Encore une fois, sachez que la Commission estime que les programmes sont très importants. Nous sommes conscients qu'ils font partie intégrante du succès et de la réinsertion des délinquants.
    Encore une fois, nous travaillons de concert avec le Service correctionnel du Canada, de façon à ce que les commissaires soient au courant des divers programmes offerts aux délinquants. Ainsi, lorsqu'ils rencontrent un détenu lors d'une audience, ils sont en mesure de déterminer si celui-ci peut suivre ou non un programme d'intensité modérée et ainsi de suite. Par contre, le risque que présente un délinquant et la pertinence de sa participation à un programme varient et sont évalués au cas par cas.
    Certainement, et d'ailleurs, je ne voudrais pas que vous empiétiez sur la compétence de Mme Kelly. Je voulais simplement connaître votre point de vue là-dessus.
    Nous estimons qu'ils sont très importants.
    Oui, merci. C'est effectivement un bon point de vue.
    Madame Van De Bogart, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Madame Kelly a parlé de la participation des collectivités autochtones au processus de mise en liberté en vertu de l'article 84. Nous sommes d'avis que les audiences sont adaptées à la culture des délinquants autochtones. Des aînés peuvent y participer. Lors de notre dernière comparution, j'en avais parlé brièvement. On y retrouve un aspect cérémonial ainsi qu'une partie consacrée à l'évaluation des risques. Souvent, les femmes qui ont un plan de libération prévu à l'article 84 seront plus à l'aise de participer à ce type d'audience, en présence d'aînés ou de membres de leur collectivité. C'est donc un aspect positif qui contribue à la libération, du point de vue du tribunal administratif, si cela peut répondre à votre question.
    Certainement. Merci beaucoup. C'est exactement le type d'information que je recherche.
    Je vais maintenant revenir à Mme Connidis au sujet des investissements qui ont été réalisés au cours de la dernière décennie et qui ont permis d'améliorer les programmes.
    La planification des mesures de sécurité dans les collectivités s'est avérée très utile. Une évaluation réalisée il y a quelques années a révélé que cette pratique a aidé les collectivités à mieux comprendre les problèmes de sécurité avec lesquels ils sont aux prises.
    On a mis en place des programmes de prévention du crime. Près de 48 % de ces programmes ont fait intervenir des collectivités autochtones, mais comprenez que nous évaluons les programmes par rapport à leur efficacité, et ce ne sont pas des programmes à long terme.

  (1620)  

    Merci beaucoup. Nous allons devoir passer au prochain intervenant. En fait, il nous reste deux intervenantes.
    Je vais tout d'abord céder la parole à Bernadette Jordan, pour cinq minutes, puis à Sheila Malcolmson, pour cinq minutes également.
    Bernadette, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui. Je vais poser une question rapidement, puis je vais céder le reste de mon temps à Pam.
    Lorsque vous avez comparu la dernière fois, nous avons parlé des pavillons de ressourcement. J'en avais beaucoup appris sur le sujet, et j'avais fait mes petites recherches par la suite. Je comprends qu'il n'y a rien de tout cela sur la côte Est.
    Y a-t-il des programmes semblables qui sont offerts aux femmes incarcérées sur la côte Est? Y a-t-il moyen d'offrir dans le Canada atlantique les types de programmes qui se sont révélés efficaces ailleurs au Canada?
    Absolument. En raison du petit nombre de femmes autochtones sur la côte Est et au Québec, il n'y a pas de pavillon de ressourcement. Toutefois, je vous signale qu'il y a aussi les initiatives des Sentiers autochtones, dont je n'ai pas parlé aujourd'hui, qui sont mises en place à l'échelle du pays. Ce sont des maisons ou des unités situées dans des établissements pour femmes où l'on offre un environnement de guérison traditionnel aux délinquantes désireuses de suivre un cheminement de guérison autochtone. Ces initiatives reposent sur la culture, les cérémonies, les enseignements et les cercles autochtones. Les initiatives des Sentiers autochtones sont en place dans l'ensemble du pays.
    Nous offrons également toutes sortes de programmes, dont un qu'on appelle « cercle de soins », qui est destiné aux Autochtones et qu'on trouve partout au pays.
    Pam, est-ce que vous souhaitez utiliser le reste de mon temps?
    Oui, s'il vous plaît.
    J'aimerais revenir à l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale, l'ETCAF. Selon ce qu'on nous a dit, de nombreux cas ne sont pas diagnostiqués. On nous a répété à maintes reprises à quel point un ETCAF non diagnostiqué pouvait poser problème, et puisqu'il s'agit de troubles uniques, les services adéquats en matière de santé mentale offerts...
    Bref, a-t-on prévu un plan ou devrait-on allouer plus de financement pour être en mesure de poser ce diagnostic spécialisé? L'enquêteur correctionnel a également soulevé cette question.
    Je sais qu'en ce qui a trait à l'ETCAF, nous procédons à une évaluation initiale. Lors de ma dernière comparution, je sais que le SCC avait fait des évaluations. Si je ne me trompe pas, pour ce qui est des délinquants souffrant de troubles causés par l'alcoolisation foetale, on a réalisé sept évaluations complètes. Cela dit, dans un premier temps, on effectue une première évaluation, puis selon ce que l'on découvre, on assure un suivi par la suite.
    Kelley aurait peut-être quelque chose à ajouter.
    Nous voulons des recommandations. Selon vous, peut-on améliorer la situation des personnes atteintes de l'ETCAF en milieu correctionnel?
    Je vais vous donner matière à réflexion.
    Anne a parlé de l'évaluation initiale que nous effectuons. Au fond, le but de cette première évaluation est de dépister, dès le départ, tout trouble cognitif chez les délinquants. On procède ensuite à une évaluation plus en profondeur. Ce n'est pas nécessairement un diagnostic, même si par le passé, nous avons financé des organismes externes qui avaient l'expertise pour poser un diagnostic lorsque nous soupçonnions la présence de l'ETCAF.
    Cela dit, en ce qui concerne notre capacité d'offrir des programmes, etc., au sein de l'établissement, dès que nous réalisons qu'un délinquant est atteint d'un trouble cognitif, nous procédons à une évaluation fonctionnelle pour déterminer comment nous pouvons répondre à ses besoins. Par conséquent, au bout du compte, ce n'est pas tant le diagnostic qui compte, mais plutôt la façon dont nous pouvons nous adapter aux besoins du délinquant.
    Anne a donné un exemple du Modèle de programme correctionnel intégré adapté.
    L'autre chose, c'est l'accessibilité en tout temps à des services médicaux. À l'établissement d'Edmonton pour femmes, les services médicaux sont offerts de 9 heures à 17 heures. Par conséquent, si une personne est malade ou éprouve des problèmes de santé mentale en dehors de ces heures, il est très coûteux et complexe de lui fournir des soins, d'où les compressions budgétaires.
    Serait-il avantageux d'offrir en tout temps des services de santé mentale et des soins médicaux généraux au sein des établissements?
    Tout à fait. À l'heure actuelle, s'il y a un besoin urgent après les heures de bureau, on peut faire appel à un médecin de garde. Nous avons également conclu des partenariats avec les hôpitaux locaux, mais évidemment, il serait utile d'avoir une personne sur place.

  (1625)  

    Nous avons beaucoup entendu parler des postes à doter au sein de la commission des libérations conditionnelles.
    Il vous reste 10 secondes.
    D'accord. Je n'aurai sans doute pas le temps de formuler ma question. Devrait-on pourvoir ces postes le plus rapidement possible?
    Ces postes sont en cours de dotation. Un certain nombre de commissaires ont récemment été nommés, et le gouvernement, plus précisément le BCP, est sur le point de procéder à d'autres nominations...
    Excellent. Merci beaucoup.
    Je vais maintenant céder la parole à Sheila pour les trois dernières minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais maintenant m'adresser à la représentante du ministère de la Sécurité publique. Nous n'avons toujours pas de réponse concernant la recommandation de la commission d'enquête de créer une escouade policière nationale afin d'enquêter sur les meurtres et les disparitions non résolus de femmes autochtones.
    Je vais céder la parole à Margaret Buist, qui est la personne chargée de la réponse du gouvernement au rapport provisoire.
    Je suis la personne responsable du dossier, sous la direction de la ministre Bennett, au sein du ministère des Relations Couronne-Autochtones
    Le gouvernement s'est penché sur les recommandations qui ont été formulées. Ce sont des recommandations provisoires très utiles et exhaustives, alors nous les examinons très attentivement, en particulier celle portant sur la création d'une escouade policière nationale. Nous envisageons diverses options, et le gouvernement espère très bientôt donner suite à ces recommandations.
    Je crois savoir que la commission d'enquête a l'intention de tenir des audiences institutionnelles, y compris interroger le gouvernement sur certains points, dont les services de police. Nous participerons à ce processus également.
    Merci beaucoup.
    Je m'adresse maintenant aux représentants du Service correctionnel du Canada. Le rapport annuel dont j'ai parlé plus tôt recommande que le SCC cesse le transfèrement de femmes atteintes de troubles mentaux vers le Centre régional de traitement réservé aux hommes dans la région du Pacifique. A-t-on donné suite à cette recommandation? Et sinon, pourquoi?
    J'étais la sous-commissaire régionale dans la région du Pacifique, et c'est arrivé occasionnellement. C'est seulement dans une situation d'urgence et seulement pendant de courtes périodes.
    La raison pour laquelle nous le faisons, c'est qu'à ce moment-là, la femme est suivie par un psychologue ou un psychiatre qu'elle connaît bien. Elle a son équipe de gestion de cas, son agent de libération conditionnelle et probablement sa famille, alors un transfert dans un Centre psychiatrique régional dans les Prairies ou à l'Institut Pinel au Québec est très perturbateur.
    Ce que nous avons fait cependant, c'est que dans la politique, le placement sera seulement...
    Puis-je simplement signaler que la recommandation consistait également à ce que le transfert puisse être dans un hôpital psychiatrique local externe ou communautaire, au besoin? L'enquêteur n'a pas recommandé d'envoyer des gens dans une autre région du pays.
    Oui, et nous explorons certainement les options de partenariats pour pouvoir envoyer les femmes dans des centres psychiatriques dans la communauté.
    Donc, la pratique n'a pas été interdite depuis la recommandation présentée en juin?
    Mme Anne Kelly: Oui.
    Mme Sheila Malcolmson: C'est exact?
    Je ne crois pas que nous ayons des droits en ce moment.
    Non, la pratique n'a pas été interdite. Cela dit, comme Anne l'a déclaré, je sais que notre commissaire adjoint des services de santé travaille activement à essayer d'exclure ces partenariats avec des hôpitaux psychiatriques provinciaux, y compris sur la côte Ouest.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Cette série de questions a été incroyable, et nous avons reçu beaucoup de précieux renseignements. Je tiens vraiment à remercier le Service correctionnel du Canada, la Commission des libérations conditionnelles du Canada, le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
    Si je devais tous vous nommer, nous serions ici pour une autre heure, mais merci infiniment.
    Nous allons suspendre nos travaux pour deux minutes et reprendre la séance avec notre prochain groupe de témoins.

  (1625)  


  (1630)  

    Nous reprenons nos travaux avec notre prochain groupe de témoins.
    Aujourd'hui, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Donald Meikle, du Saskatoon Downtown Youth Centre Inc., à Lisa Lalande et à Joanne Cave, du Mowat Centre, et à Adam Jagelewski, du MaRS Discovery District.
    Merci beaucoup d'être ici. Nous allons d'abord entendre les exposés de sept minutes de chaque organisme. Nous allons commencer avec le Saskatoon Downtown Youth Centre.
    Comme vous, j'ai aussi de nombreuses questions sur les investissements pour les femmes autochtones dans nos établissements correctionnels, et sur la pauvreté dans son ensemble.
    Le gouvernement n'hésite jamais à investir dans les autoroutes, les infrastructures, les soins de santé ou les services sociaux, mais personne ne veut vraiment parler d'investir pour venir en aide à notre population la plus vulnérable. Nous dépensons des milliards de dollars à essayer d'éliminer un problème comme l'itinérance, mais personne ne veut discuter de la façon dont nous traitons les jeunes et les préparons à devenir autonomes.
    Une récente étude a révélé que 60 % des sans-abri recevaient des services destinés aux enfants et aux familles, mais ils ne représentent que 3 % de la population. Cela me rappelle souvent l'histoire de deux personnes qui sortaient des cadavres d'une rivière. Ils sortaient des cadavres jour après jour jusqu'à ce qu'une personne âgée leur demande ce qu'ils faisaient. Ils ont expliqué ce qu'ils faisaient et à quel point ils travaillaient fort. La personne âgée leur a ensuite demandé, « Quelqu'un est-il allé en amont pour découvrir pourquoi tous ces cadavres se retrouvaient dans la rivière? » Lorsque nous examinons les problèmes des femmes autochtones, nous continuons de regarder en aval.
    Je travaille auprès de cette population depuis 25 ans. Lorsque j'ai commencé, nous avions des enfants aussi jeunes que sept ans qui travaillaient dans le commerce du sexe. Personne n'a essayé d'aider les familles jusqu'à ce que l'histoire fasse les manchettes. Le ministère des Services sociaux est alors intervenu, a retiré l'enfant et l'a placé dans un établissement jusqu'à ses 16 ans. Nous sommes maintenant en 2018, et certaines choses ont changé, mais la façon de procéder du gouvernement et la façon dont il traite cette population n'ont pas changé.
    Dans notre société, les peuples autochtones ont traversé et continuent de traverser des périodes très éprouvantes. Il y a eu les pensionnats indiens et la rafle des années 1960, et nous continuons de placer nos enfants dans des établissements de services de protection, de leur retirer leurs libertés, de les punir d'être des victimes de situations indépendantes de leur volonté. En Saskatchewan, ils ont remis sur pied des orphelinats en plaçant des bébés et des nourrissons dans des foyers de groupe de 14 enfants. Nous élevons encore une fois une autre génération d'enfants qui souffriront de problèmes d'abandon, qui grandiront sans avoir la capacité de nouer des relations et qui ne sauront pas comment créer des liens d'attachement.
    Ces pratiques actuelles sont dispendieuses et dommageables pour les enfants et leur famille. Ces pratiques mènent à une vie dysfonctionnelle qui donnera lieu à de la pauvreté et à des soins en établissement, tels que des établissements correctionnels. La triste vérité, c'est que le fait de les aider à devenir des citoyens productifs de la société est moins coûteux et a une incidence plus positive pour briser le cycle vicieux à long terme.
    J'ai quelques théories dont je veux vous faire part et je vous demanderais de vous faire votre propre opinion sur ces théories.
    Les personnes autochtones et pauvres sont une énorme industrie. Les emplois dans les services de soutien et les services correctionnels créent un marché du travail de la classe moyenne important qui est censé servir et protéger cette population. Au cours de mes 25 années d'expérience, j'ai rencontré de nombreuses personnes dévouées au sein du gouvernement qui veulent bâtir une vie meilleure pour les plus démunis, mais je secoue souvent la tête. Les Autochtones ont l'impression que le gouvernement fait sans cesse les mêmes démarches même si elles ne fonctionnent pas. Ils éprouvent ainsi un sentiment encore plus grand de méfiance et de désespoir.
    Les gens qui oeuvrent dans le système actuel ont l'impression que s'ils travaillaient à trouver une solution pour éradiquer le problème, ils pourraient le faire disparaître, et ce serait leur travail. Cela peut-il vous aider à comprendre comment les plus démunis ont l'impression que rien n'est fait ou qu'aucune mesure n'est mise en place pour changer le cycle vicieux des pauvres?
    Lorsqu'ils desservent cette population, les organismes communautaires et leurs clients sont censés atteindre les résultats escomptés dans une période donnée. Les traumatismes, les mauvais traitements antérieurs, la toxicomanie et les problèmes de santé mentale prolongent souvent l'incapacité de la personne d'atteindre le résultat escompté.
    J'aimerais brièvement inverser les rôles et demander aux fonctionnaires pourquoi ils ne communiquent pas leurs résultats et les répercussions possibles si ces résultats ne sont pas atteints. Comment la raison d'être de la fonction publique est-elle devenue moins importante que le fait d'essayer de ne pas mettre dans l'embarras le gouvernement en place?
    En tant que politiciens, posez-vous les bonnes questions aux personnes responsables de formuler des recommandations et de les présenter au gouvernement? Puis-je suggérer quelques questions à poser?
    Que disent les communautés? Que disent les familles? Quels sont les résultats que vous essayez d'atteindre? Ces résultats sont-ils réalistes et atteignables? Comment pouvons-nous appuyer les initiatives en tant que gouvernement?
    Je suis ici pour vous faire part de notre expérience en tant que première organisation au Canada à avoir adopté une obligation à impact social. Cette obligation investissait pour maintenir les femmes et leurs enfants réunis et en dehors du système de protection de l'enfance.

  (1635)  

    L'obligation était simple, le calcul était facile, les résultats étaient atteignables, et nous avons eu l'occasion de montrer qu'avec ce soutien et des conseils, les mères qui ont des enfants peuvent changer et vouloir une vie meilleure pour leurs enfants et elles.
    L'idée de ce projet de l'obligation à impact social n'est pas venue du gouvernement. Elle a commencé un an plus tôt avec Carolyn Schur, qui a effectué une étude sur les troubles du sommeil à l'école secondaire. Après avoir terminé ses recherches, elle en est venue à la conclusion que les jeunes ne souffraient pas de troubles du sommeil; ils n'avaient tout simplement nulle part où dormir. Cette dame a commencé par investir 50 000 $ de son propre argent pour trouver une solution. Nous avons créé un petit groupe qui travaille à trouver des solutions. Ce qui a commencé par une intervention communautaire est devenu ce que nous avons aujourd'hui.
    Nos premiers investisseurs s'intéressaient à l'initiative pas pour faire de l'argent, mais parce qu'ils pouvaient voir la différence qu'un investissement peut faire et pouvaient voir où leur argent était dépensé.
    La ministre des Services sociaux de l'époque, June Draude, a proposé l'obligation comme moyen d'investir dans notre population vulnérable. Nous avons travaillé fort pour produire des résultats qui, au final, sont avantageux pour les personnes que nous servons. Nous fournissons un continuum de soins important qui permet aux mères et à leur famille de rester ensemble. Nous aidons les jeunes mères à s'instruire et à trouver un emploi. Nous favorisons l'autonomie et l'autosuffisance chez les jeunes femmes et leurs enfants.
    L'obligation a renforcé les partenariats intégrés au sein de la communauté, de même qu'avec Connexus Credit Union, les Mah, les donateurs, tant les particuliers que les entreprises, le gouvernement de la Saskatchewan et le gouvernement du Canada.
    Avec l'obligation, on s'attendait à ce qu'en l'espace de cinq ans, nous aurions 22 enfants qui quitteraient le programme et qui n'auraient pas besoin de soins pendant au moins six mois. Si ces résultats pouvaient être atteints, l'obligation se repaierait d'elle-même.
    Depuis le 1er juin 2013, Sweet Dreams a soutenu 39 mères à risque élevé et 54 enfants; 33 de ces mères ont toujours la garde de leurs enfants à ce jour.
    Cinq mères et neuf enfants résident actuellement à la maison d'accueil Sweet Dreams, et deux des mères fréquentent l'Université de la Saskatchewan.
    Je sais que je n'aurai pas le temps de raconter certaines des histoires des enfants qui participent au programme et leurs histoires de réussite, alors j'ai fait quelques copies si cela vous intéresse.
    De plus, nous avons aménagé quatre chambres à coucher additionnelles et une garderie de 18 places adjacente à Sweet Dreams. Les Mah, qui sont parmi nos investisseurs initiaux, donnent leur demi-million de dollars plus les intérêts pour que nous puissions en faire plus pour les mères et les enfants dans le besoin.
    Pour terminer, j'aimerais dire une chose ou deux.
    Les investissements pour les femmes autochtones donnent de l'espoir et contribuent grandement à maintenir les femmes en dehors de nos établissements. Nous devons créer des programmes de prévention qui commencent dès la naissance et travailler fort pour garder les unités familiales ensemble.
    Les programmes destinés aux enfants et aux familles doivent refléter une industrie fondée sur l'avenir des gens et sur une vie après avoir été pris en charge. Nous devons demander à ces femmes ce dont elles ont besoin et comment le gouvernement et les collectivités dans lesquelles elles vivent peuvent faire la différence.
    La tâche semble être décourageante, mais il en va de même avec le fait de toujours faire les mêmes démarches, car elles ne fonctionnent pas. Commençons par nous attaquer au problème à la source.
    Merci.

  (1640)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre Lisa et Joanne, du Mowat Centre.
    Des mesures intéressantes sont adoptées dans votre province. Merci de nous en avoir fait part.
    Bon après-midi, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je suis Lisa Lalande. Je suis la chef de direction du pôle de recherche à but non lucratif du Mowat Centre. Je suis accompagnée de ma collègue Joanne Cave, associée principale en politiques.
    Mowat NFP est une division de recherche du Mowat Centre, qui est un centre d'études et de recherches d'ordre public indépendant situé à l'École de politiques publiques et de gouvernance à l'Université de Toronto.
    Mowat NFP se concentre sur des politiques en recherche appliquée relatives à des problèmes systémiques auxquels est confronté le secteur caritatif et sans but lucratif, en Ontario et au Canada. Notre programme de recherche examine comment ce secteur peut être efficace pour bâtir des communautés vivantes et améliorer le mieux-être des Canadiens. Nous nous penchons sur des questions telles que la réforme du travail dans le secteur privé, les finances et le financement, les données, les lois et les règlements selon une optique systémique, et nous examinons comment les problèmes sont interreliés et ont une incidence les uns sur les autres. Plus récemment, des recherches ont été menées pour mesurer les résultats et les répercussions afin de voir ce qu'il faut pour mieux comprendre et évaluer les interventions qui sont efficaces et celles qui ne le sont pas.
    De nombreuses personnes participent à des programmes ou à des services qui n'ont pas de répercussions importantes ou durables, car ces programmes ne s'attaquent pas aux causes fondamentales: la violence, les traumatismes, la faim, la maladie et la pauvreté. Ces causes fondamentales sont historiques et compliquées et ne peuvent pas être isolées et examinées individuellement. En appliquant une perspective systémique au concept de l'incidence, on reconnaît que les enjeux sociaux et environnementaux que le secteur tente de régler sont étroitement interreliés.
    Nous savons qu'une obligation à impact social est un outil envisagé pour réduire la proportion de femmes autochtones qui se trouvent dans le système de justice pénale canadien. Même si nous ne pouvons pas parler de l'expérience des femmes autochtones dans le système de justice pénale, nous nous concentrerons sur le défi de comprendre l'incidence et la façon dont le financement du gouvernement peut être utilisé pour contribuer à produire les meilleurs résultats possible.
    La sélection et la mesure des résultats constituent souvent l'aspect le plus difficile d'un contrat d'obligations à impact social. Par conséquent, dans notre exposé, nous proposons deux recommandations clés: l'établissement d'un What Works Centre canadien, un centre unique axé sur les données probantes qui s'est avéré un succès au Royaume-Uni et aux États-Unis, et la création d'un fonds de résultats nationaux, un outil qui pourrait fournir des capitaux pour investir dans des interventions éprouvées et pour explorer des approches novatrices. Notre mémoire complète cet exposé en mettant en relief plusieurs principaux points à considérer pour mettre en oeuvre une obligation à impact social.
    Pourquoi bâtir une base de données probantes? Les gouvernements sont de plus en plus surveillés quant à la façon dont ils dépensent l'argent, aux résultats qu'ils atteignent avec ces fonds et à la façon dont les données probantes éclairent le processus d'élaboration de politiques. Une base de données probantes solide est un aspect important pour les accords de financement axés sur les résultats. C'est particulièrement important pour les obligations à impact social, qui comptent sur des interventions et des programmes éprouvés et étayés pour attirer des investisseurs. Des données probantes de haute qualité sont nécessaires pour évaluer les besoins de la communauté, sélectionner les interventions appropriées, définir les résultats et clarifier comment ils seront mesurés.
    Les établissements axés sur des données probantes sont des organismes qui possèdent des compétences techniques pour examiner et produire des recherches sur les politiques en tant que ressources pour la population et les décideurs. Même si le Canada possède déjà une expertise en matière de recherche, nous avons très peu d'établissements axés sur des données probantes qui se concentrent précisément sur les enjeux liés aux Autochtones dans le système de justice pénale.
    Les What Works Centres au Royaume-Uni sont un type d'établissement axé sur les données probantes qui pourraient être adoptés au Canada. Les What Works Centres sont habituellement indépendants du gouvernement. Ils sont différents d'autres établissements axés sur les données probantes, car ils cherchent à faire participer les utilisateurs finaux des données probantes — le personnel de première ligne ou les bénéficiaires, par exemple. Les What Works Centres placent les utilisateurs finaux au coeur du processus et déterminent souvent comment les données sont recueillies, interprétées et utilisées.
    Par exemple, le What Works Centre for Crime Reduction du Royaume-Uni met l'accent sur la façon dont les policiers de première ligne comprennent les nouvelles données probantes sur le maintien de l'ordre et changent leurs comportements à la lumière de ces données. Un autre What Works Centre au Royaume-Uni, le Centre for Ageing Better, donne préséance aux perspectives des aînés lorsqu'il élabore son programme de recherche. Ce faisant, les centres utilisent les opinions des citoyens pour s'assurer que les programmes et les services règlent les enjeux qui sont importants pour eux. Les gouvernements et les bailleurs de fonds réalisent ainsi des économies, car les ressources sont allouées plus efficacement.
    Nos recherches révèlent qu'un What Works Centre, codirigé avec des organismes autochtones et des centres de recherche existants, a le potentiel d'avoir une incidence déterminante sur des enjeux comme celui-ci. À l'aide de ce modèle, les intervenants autochtones pourraient codiriger le modèle de gouvernance de l'organisme, élaborer conjointement le programme de recherche et définir les résultats et les répercussions possibles.

  (1645)  

    Mais qui paie pour cela... l'exploration de nouvelles approches et l'exploitation des approches éprouvées?
    Nous encourageons également le Comité à songer à la possibilité de créer un fonds national axé sur les résultats pour désigner et exploiter ce qui fonctionne à long terme.
    Le fonds national axé sur les résultats est un fonds spécial qui offre des contributions de contrepartie à d'autres ordres de gouvernement qui adoptent des modèles de financement fondés sur les résultats. Au Royaume-Uni, de nombreux fonds axés sur les résultats puisent leurs ressources à même les comptes bancaires inactifs plutôt que d'utiliser le budget fédéral. La Banque du Canada estime qu'il y a environ 678 millions de dollars d'actifs non réclamés dont pourrait se servir le gouvernement pour créer un fonds axé sur les résultats et pour le centre What Works.
    En Colombie-Britannique, cette approche permet d'affecter une partie des fonds non réclamés à la Vancouver Foundation à des fins philanthropiques.
    Un fonds national axé sur les résultats pourrait fournir les capitaux nécessaires aux accords de financement axés sur les résultats comme les obligations à impact social, en plus des subventions visant à mettre à l'essai et à évaluer les nouveaux programmes novateurs. Cette approche mixte à l'égard du risque nous permet d'utiliser les ressources de manière plus efficace, et d'innover.
    On pourrait jumeler un centre What Works canadien au fonds axé sur les résultats afin de définir la méthode de mesure, de s'entendre au sujet des indicateurs communs et d'éclairer les décisions liées aux affectations de fonds. On pourrait également aider les organisations à accroître leur capacité afin de mesurer leur propre incidence, de mieux cibler le fonds axé sur les résultats et de le rendre plus efficace au fil du temps.
    Nous saluons l'engagement du Comité à étudier cette importante question. Les obligations à impact social et les outils de financement social représentent une approche en vue de mobiliser les capitaux nécessaires pour atteindre des résultats positifs. Nous considérons la proposition relative au centre What Works et au fonds national axé sur les résultats à titre de condition préalable à un contrat d'obligations à impact social.
    De plus, nous encourageons le Comité à se centrer sur les solutions dirigées par les Autochtones et à investir dans les infrastructures à long terme nécessaires en vue d'opérer un changement social significatif. Le fonds axé sur les résultats et le centre What Works pourraient étudier les accords de financement fondés sur les résultats et la base de données existante, en plus de mettre à l'essai de nouveaux programmes et services.
    Je vous remercie de votre attention. Ma collègue et moi répondrons avec plaisir à vos questions.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Adam Jagelewski du MaRS Centre.
    Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité et membres du personnel.
    Je représente le MaRS Centre for Impact Investing du MaRS Discovery District de Toronto. Nous travaillons avec les gouvernements, les organismes à but non lucratif et les investisseurs en vue d'investir des capitaux pour régler des problèmes sociaux. Nous conseillons les gouvernements sur la façon d'améliorer les résultats pour les populations vulnérables du Canada.
    Nous ne pouvons pas parler de l'expérience des femmes autochtones dans le système judiciaire. J'écoutais les questions qui ont été posées pendant la séance précédente et je n'aurais pu répondre à aucune d'entre elles. Toutefois, nous pouvons vous parler de l'occasion d'aborder le problème d'une nouvelle façon.
    J'aimerais émettre deux hypothèses devant le Comité: une approche axée sur les résultats permettrait aux intervenants qui travaillent avec les femmes autochtones d'obtenir de meilleurs résultats; un nouvel outil, l'« obligation à impact social », peut faciliter la transition vers une approche axée sur les résultats.
    Permettez-moi de vous l'expliquer. Notre système de financement public et philanthropique consacre d'importantes sommes d'argent aux programmes conçus pour régler les problèmes sociaux. Les gouvernements paient les organismes à but non lucratif pour qu'ils offrent bon nombre de ces programmes. Comment le gouvernement paie-t-il pour ces programmes? Il dresse une liste des activités que peut réaliser l'organisme à but non lucratif, qui a une liste de dépenses admissibles.
    L'organisme à but non lucratif offre le programme, respecte les limites des activités approuvées et présente ses dépenses admissibles. Le gouvernement lui rembourse ces dépenses et demande un rapport sur le nombre de personnes qui ont participé au programme. On lui parlera peut-être des gens qui en ont bénéficié.
    Je vais vous donner un exemple: un refuge pour itinérants est financé en fonction de ses activités, à savoir le nombre de clients hébergés. Les refuges accueillent des personnes dans le besoin, mais n'ont pas les ressources nécessaires pour traiter les causes sous-jacentes de leur itinérance, comme la maladie ou la dépression chronique, par exemple. Puisque le système ne se centre pas sur l'amélioration de la condition de ces personnes, mais plutôt sur l'atteinte des quotas, le cycle de l'itinérance se poursuit.
    À la fin de ces projets, nous savons que l'organisme à but non lucratif a dépensé les fonds publics là où il avait promis de le faire. Il y a une reddition de comptes, mais on ne sait souvent pas ce que le projet a réellement donné aux personnes visées. On ne peut pas savoir quelle est la valeur du programme en ce qui a trait au rendement du capital investi par les contribuables.
    Cette histoire est bien trop simple, évidemment. Les organismes à but non lucratif font parfois rapport de leurs résultats et études, et les gouvernements étudient parfois les problèmes sociaux, mais la prestation de services sociaux au quotidien repose sur ce que les organismes à but non lucratif font, pas sur leurs réalisations. Cette approche gaspille le potentiel des collectivités, des organismes à but non lucratif et du gouvernement.
    De quelle autre façon le gouvernement peut-il payer pour régler un problème social? Il peut payer pour les programmes sociaux en fonction de leurs résultats. Il peut payer pour un programme dans la mesure où le programme atteint les résultats prévus. Permettez-moi de vous donner un exemple.
    Roca Inc., un organisme sans but lucratif américain, aide depuis de nombreuses années les jeunes hommes à éviter la prison. Roca offre maintenant certains de ses services en vertu de ce qu'il appelle les contrats de rémunération à la réussite, que vous connaissez peut-être sous le nom de contrat de rémunération au rendement. En vertu de ce contrat, le Massachusetts convient de payer Roca en fonction de ses réussites en vue de réduire le nombre de jours de prison des jeunes hommes qui ont des démêlés avec la justice. Contrairement à bon nombre d'autres organismes à but non lucratif qui offrent des programmes sociaux, Roca connaît son objectif précis: éloigner ses clients de la prison. À la fin du programme, Roca et le Massachusetts sauront comment atteindre cet objectif. C'est très semblable à ce que disait Don plus tôt.
    Je vais vous donner un autre exemple plus près de nous, mais qui vise un autre enjeu social: les maladies cardiaques et les AVC, qui tuent de nombreux Canadiens chaque année. L'hypertension artérielle place les gens en situation de risque, mais nous connaissons les comportements modifiables qui peuvent changer cette trajectoire négative. Dans deux semaines, la Fondation des maladies du coeur du Canada lancera un programme visant à stabiliser et à réduire la pression artérielle des gens qui risquent de souffrir d'hypertension. L'Agence de la santé publique du Canada a promis de payer pour le programme selon son taux de réussite en vue d'aider les gens à stabiliser et à réduire leur pression artérielle. À la fin du projet, l'Agence et la Fondation des maladies du coeur en sauront plus sur la façon de lutter contre l'hypertension artérielle au sein d'une société vieillissante.
    Roca et la Fondation des maladies du coeur font tous deux quelque chose d'inhabituel: ils demandent aux investisseurs — les fondations, les institutions financières, les sociétés et les particuliers — d'investir dans leurs programmes... pas de faire un don, mais bien d'investir.

  (1650)  

    Comme la plupart des organismes à but non lucratif, Roca et la Fondation des maladies du coeur ne peuvent pas prendre le risque financier de voir leurs programmes échouer. Ils ont besoin d'argent pour assumer les coûts de leurs programmes. Ils ne peuvent pas attendre un mois ou un an jusqu'à ce qu'ils fassent rapport des résultats; ils demandent donc à des investisseurs de fournir ces fonds initiaux.
    Les investisseurs — et non les organismes à but non lucratif — courent le risque que leurs programmes ne fonctionnent pas. S'ils fonctionnent, alors les gouvernements les paieront; s'ils ne fonctionnent pas, les investisseurs perdront leur argent. Cet accord s'appelle une obligation à impact social.
    Les obligations à impact social de façon particulière — et le paiement pour les résultats de façon générale — sont associées à certains problèmes. Le choix des résultats n'est pas facile. Le choix des mesures pour saisir les changements est difficile. Le suivi des causes et des effets entre un programme et ses résultats est une tâche nuancée. Ces étapes s'ajoutent au processus actuel de subventions et contributions et oui, lorsqu'un programme fonctionne, le gouvernement verse plus d'argent: le coût du programme et le remboursement des investisseurs.
    Est-ce que les avantages l'emportent sur les coûts? C'est ce que nous allons savoir. Les obligations à impact social sont un outil conçu pour changer la façon dont on aborde le financement pour s'attaquer aux problèmes sociaux. La vraie valeur ne réside pas dans l'investissement, mais bien dans les résultats. Si nous plaçons les résultats à l'avant-plan et que nous bâtissons notre intervention dans le but d'atteindre un objectif précis, n'allons-nous pas mieux servir les gens que nous voulons aider?
    Nous n'avons pas encore répondu à cette question, mais puisque trop de problèmes sociaux stagnent, nous croyons que cette question vaut la peine d'être examinée. Nous croyons qu'une approche axée sur les résultats peut aider les collectivités à mieux servir les femmes autochtones dans le système de justice.
    Merci.

  (1655)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant commencer nos séries de questions de sept minutes. Emmanuella Lambropoulos est notre première intervenante. Allez-y, madame.
    Je tiens tout d'abord à remercier tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui.
    Je vais commencer par M. Meikle. Je vous remercie d'avoir pris le temps de nous parler de la façon dont votre centre pour les jeunes fonctionne et des nombreux avantages qu'il offre aux enfants et à leur mère, qui peuvent rester ensemble.
    J'aimerais en savoir un peu plus à ce sujet. Pouvez-vous nous donner un exemple et nous dire pourquoi les enfants qui entrent dans le système sont retirés à leurs parents?
    Après 25 ans d'expérience, je crois sincèrement que les gouvernements font la même chose depuis des années avec les enjeux sociaux. Ce ne sont pas seulement les gouvernements provinciaux; le gouvernement fédéral aussi. Ils ont souvent peur de poser les questions difficiles. Comme on vient de le dire, ils ont peur de faire honte à leur ministre. Ils ne veulent mettre personne dans l'embarras. Souvent, ce sont les jeunes qui écopent.
    J'aimerais vous partager une histoire, rapidement. Une mère de famille qui a sollicité l'aide de Sweet Dreams était impliquée dans les gangs de rue; son enfant avait été pris en charge par un membre de sa famille. Elle était dépendante à la méthamphétamine et avait de graves problèmes d'anxiété. Aujourd'hui, elle est un membre fonctionnel de la collectivité; elle a terminé son traitement; elle va à l'école tous les jours; elle travaille avec des conseillers; elle participe à une thérapie par le jeu avec son fils selon une base régulière et est un mentor pour ses pairs. Depuis qu'elle a participé au programme, elle a obtenu son permis de conduire, s'est acheté une voiture et travaille avec diligence en vue d'établir la confiance de sa famille et de la collectivité, et de réparer leurs relations.
    Lorsque j'ai entendu la première déclaration, j'ai été renversé. Il nous faut cette motivation avec nos programmes et nos jeunes. Nous dépensons des milliards de dollars pour aider des gens qui ne veulent pas de notre aide, mais nous avons peur d'aider ceux qui ont besoin d'aide à régler leurs problèmes... ou nous ne voulons pas investir en eux. Ces gens veulent devenir des citoyens à part entière. On tourne souvent en rond.
    Le gouvernement nous a beaucoup critiqués parce que nous utilisons une approche axée sur la motivation plutôt que sur l'évaluation. C'est un de nos investisseurs, en fait, qui nous avait dit: « Vous ne pouvez pas utiliser ces évaluations. Elles sont irrespectueuses envers les femmes. » Tout était négatif et on se centrait sur les raisons pour lesquelles on leur avait enlevé leurs enfants.
    Pour revenir au premier exposé, c'était intéressant d'entendre parler des cours de tricot. J'ai des photos. Je suis désolé, je n'en ai fait que trois copies.
    L'investissement de départ dans l'obligation à impact social était de 1 million de dollars; aujourd'hui, l'investissement total est d'environ 3,5 millions de dollars, avec la garderie. J'ai un bel exemple à vous donner. Nous avons un programme d'aide à l'emploi pour les jeunes, qui offrent des services aux aînés. Il n'est aucunement financé par le gouvernement. Bon nombre de ces jeunes femmes sont venues nous aider à rénover la vieille partie de notre maison, parce que nous n'avions reçu aucun financement, à part celui d'entreprises communautaires comme Home Depot. Ces jeunes sont venues et elles ont arraché le vieux plancher; elles ont peint les murs. C'est ainsi qu'est formée notre pensée au sujet des femmes et des femmes autochtones, et je le vois souvent: nos attentes sont très faibles quant à leurs possibilités. Elles devraient avoir les mêmes possibilités que les hommes. Vous savez quoi? Parmi ces jeunes qui ont travaillé dans la maison pendant environ sept mois, deux se sont inscrites à une école de métiers. Elles voulaient devenir charpentières.
    Je ne sais pas si j'ai répondu à vos questions. Je m'égare parfois.

  (1700)  

    Très bien, merci.
    Monsieur Jagelewski, pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de l'obligation à impact social. Je commence à comprendre de quoi il s'agit. Je n'en avais jamais vraiment entendu parler avant, mais je suppose qu'on parle d'investisseurs ordinaires qui investissent pour régler un problème social. Pouvez-vous nous expliquer comment cela fonctionne?
    Bien sûr. Je vais tenter de le faire de manière concise.
    L'obligation à impact social consiste en un nouvel accord de partenariat entre le gouvernement et un organisme à but non lucratif. Cet accord se fonde sur le principe voulant que l'organisme produise le résultat que le gouvernement souhaite obtenir. C'est une façon d'orienter notre pensée vers les résultats plutôt que vers les activités ou les intrants et extrants d'une intervention sociale.
    Puisque les organismes à but non lucratif ne veulent pas prendre le risque d'échouer et qu'ils ne veulent pas prendre le risque opérationnel d'offrir le programme sans financement, ils cherchent des investisseurs qui offriront ce fonds de roulement. L'obligation à impact social est une manière unique de classer ce nouvel accord de partenariat par l'entremise duquel les investisseurs privés dégagent les fonds initiaux pour offrir un programme social qui vise à améliorer les résultats.
    Merci. Il me reste une minute.
    Ma dernière question est la suivante: selon vous, y a-t-il des circonstances où ce genre d'obligation à impact social, ce genre de nouveaux contrats que vous avez tous mentionnés, semble fonctionner beaucoup mieux que ce que nous avons fait par le passé?
    Il est trop trop pour tirer de telles conclusions. En tant que secteur, en tant que marché, nous devons tenter de comprendre tout cela. L'exemple dont nous a parlé Don à Saskatoon est l'un de ceux qui se retrouvent sous les projecteurs. Comme je l'ai souligné, la Fondation des maladies du coeur réalisera son intervention dans quelques semaines. Il y a très peu d'interventions du genre au Canada. À l'échelle mondiale, il y en a une centaine. Je ne dis pas qu'il faudrait tirer des conclusions à partir de 100 interventions, mais je crois qu'il faudrait faire plus d'essais pour déterminer si les résultats sont plus avantageux pour la société.
    Simple anecdote, je tiens à souligner que quelques-unes de ces interventions ont échoué. Dans ces cas, les programmes ont été interrompus plus tôt. L'argent des contribuables est resté dans les coffres publics; les fonds investis par des investisseurs ont été perdus.
    Merci beaucoup.
    Je ne fais qu'écouter. Les discussions sont excellentes.
    Madame Harder, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous les témoins d'avoir pris le temps de venir témoigner aujourd'hui.
    Je vais d'abord m'adresser à Don.
    J'aimerais d'abord vous remercier pour votre travail. De toute évidence, vous êtes sur le terrain et travaillez très fort pour très bien servir une population vulnérable. Vous semblez diriger une équipe dans le cadre d'une démarche faisant intervenir toute la communauté, et nous vous en sommes très reconnaissants. Merci.
    Votre organisation est vraiment la première à utiliser une obligation à impact social afin d'apporter des changements dans une communauté. De toute évidence, vous avez apporté des changements très importants pour ces femmes et leurs enfants en vous assurant qu'ils ont un avenir prometteur. Je vous félicite.
    Ceci dit, ma question est la suivante: selon vous, pourquoi le recours à une obligation à impact social a-t-il si bien fonctionné dans cette situation, étant donné les préoccupations sociales que nous avons?
    À mon avis, l'obligation à impact social était davantage qu'un simple investissement social. Il s'agissait d'un investissement dans les gens qui a permis de mobiliser notre communauté. Il a favorisé la collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux... Il a permis de réunir la communauté et continue de répondre au besoin dans son ensemble.
    Notre plus gros défi a été de combattre la bureaucratie. Nous gagnons tous nos vies grâce aux pauvres. Les chercheurs font leur recherche, puis s'en vont. Nous sommes dans la communauté et y restons.
    Si vous croyez vraiment... À mon avis, c'est la chose la plus simple que nous ayons faite, car nous croyons en nos parents et aux peuples autochtones. Nous croyons en leur potentiel. Aucune des mères ayant participé aux programmes depuis 2013 ne se retrouve dans un établissement. Elles prennent soin de leurs enfants, comme cela devrait être.
    Je crois que ce qui a fait et qui continue de faire la réussite de ce programme... Dans le cadre de réunions que j'ai eues avec des bureaucrates et ministres... les investisseurs ne sont pas de grandes entités qui cherchent seulement à faire de l'argent grâce aux pauvres. Ils souhaitent apporter des changements. J'ai eu de nombreuses conversations avec les Mah. Pour eux, il est question de démontrer que l'on peut apporter des changements.
    Je crois que ce qui se passe — et je l'ai constaté avec les gens de l'Ontario qui tentent d'utiliser une obligation à impact social —, c'est que les bureaucrates participent et ne font que surcharger le programme plutôt que d'examiner ce que vous souhaitez faire et quel sera l'impact. Toutes ces autres choses, comme l'université et l'emploi, sont des extras. Cela va au-delà des coûts de l'obligation. Sans vouloir manquer de respect envers quiconque, je ne me soucie guère des économies, car ce n'est pas la raison d'être de l'obligation. L'obligation, c'est un contrat, et toutes ces autres...
    On se demande s'il est trop tôt pour parler de réussite. Et comment que ce sont des réussites! J'aurais pu inviter 30 femmes à venir ici aujourd'hui pour vous montrer que ce sont des réussites. Ce n'est pas parce que quelqu'un étudie des données ou dit: « Il est peut-être trop tôt pour se prononcer... » Non. Nous avons fait en sorte que les mères et les enfants restent là où ils doivent être.
    Lorsque nous sommes à construire des foyers collectifs de 14 lits, des orphelinats pour nos enfants, simplement parce que les Autochtones arrivent à un rythme alarmant, c'est un problème auquel nous devons nous attarder et dont nous devons nous inquiéter.

  (1705)  

    Merci, Don. Vous semblez avoir connu un succès retentissant. Je suis certainement consciente de tout le travail que vous avez fait et des investissements qui ont été faits, tant par le gouvernement que par le secteur privé.
    Dans le cadre de votre exposé, vous avez dit que l'une des choses que les politiciens doivent faire, c'est poser des questions, notamment de s'interroger sur ce que disent les communautés et les familles afin que nous puissions leur répondre.
    En tant que politicienne, ici, maintenant, je vous demande de me dire ce que disent les familles et les communautés. De quoi devrions-nous tenir compte?
    Les communautés sont différentes. Peu importe où elles se trouvent, elles sont toutes différentes.
    Beaucoup disent « Nous sommes adaptés aux Autochtones » ou nous sommes adaptés à ce groupe-ci ou à ce groupe-là. Même au sein des communautés autochtones, les aînés ont des façons différentes de faire les choses. Tout le monde a une façon différente de faire les choses, même ceux qui profitent du service offert, mais nous devons interroger les jeunes ou les membres de ces communautés.
    Je travaille avec une jeune fille de 17 ans qui fait partie d'un gang, et j'essaie de l'aider à sortir de ce gang. On lui a même demandé de quitter le gang, car elle travaille avec un homme blanc au sein d'une organisation communautaire. Elle est donc davantage ciblée. Je lui ai demandé aujourd'hui ce qui pourrait l'aider à ne pas se retrouver dans un établissement. Je lui ai dit: « Je dois faire une présentation aujourd'hui devant des gens bien. Que devrais-je leur dire? Que devrais-je leur dire pour faire en sorte que tu ne te retrouves pas dans un établissement? »
    Elle m'a répondu: « Don, tu dois t'assurer que j'ai un bon endroit où vivre et que je suis en sécurité et que mes problèmes de santé mentale sont traités. Tu dois continuer de te battre pour que je puisse obtenir de bons services » — car elle a reçu un diagnostic de TSPT, d'anxiété et de dépression — « et tu dois croire en moi. Tu dois t'assurer que j'ai la chance de faire des études. »
    Lorsque nous interrogeons les gens... Pourquoi ne pas cesser de parler des comités et des établissements et interroger des femmes sur ce qu'elles ont besoin?
    Merci.
    Me reste-t-il encore du temps?
    Il vous reste 50 secondes.
    Don, vous parlez beaucoup de prévention. Malheureusement, à mon avis, jusqu'à maintenant, une grande partie de la discussion autour de cette table porte sur la façon de réagir une fois que les femmes ont été incarcérées.
    Pourquoi la prévention est-elle la clé?

  (1710)  

    C'est comme mon histoire de poisson que j'ai racontée à des gens il y a un certain temps. Utilisons les poissons; pas des corps morts.
    Ce que je veux dire, c'est que nous devons commencer à chercher la raison en amont. C'est comme dans toute autre chose. Si nous continuons à faire la même chose, nous aurons une répétition de la rafle des années 1960 et des pensionnats.
    C'est comme l'itinérance. Nous savons que 60 % des itinérants ont eu recours aux services à l'enfance et à la famille. Alors, quoi faire? Nous devons nous tourner vers la prévention. Nous ne pouvons pas continuer à faire...
    Ce que nous faisons est très dispendieux et les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous. Nous devons nous tourner vers la prévention. Nous ne pouvons pas continuer à faire la même chose.
    Merci beaucoup.
    Madame Malcolmson, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente. Merci à tous les témoins de nous rappeler l'importance d'investir dans les familles, plus particulièrement dans les femmes, et qu'il s'agit d'un investissement payant pour l'ensemble du pays. Merci pour le travail que vous faites.
    Monsieur Meikle, du Saskatoon Downtown Youth Centre, pourriez-vous nous dresser un portrait plus détaillé de ce qui se produit lorsque l'éducation des enfants est interrompue et que les familles sont brisées, et de la façon dont cela mène au problème à deux volets que nous étudions — non seulement le taux d'incarcération chez les femmes autochtones, mais également ce que bon nombre d'entre nous perçoivent comme un traitement injuste envers les femmes autochtones dans le système judiciaire?
    Des témoins nous ont parlé de l'accès à l'aide juridique et nous ont dit que les gens ont l'impression que la police n'est pas une option sécuritaire. Tous ces éléments peuvent mener des femmes autochtones à la prison, souvent sans qu'elles n'y soient pour rien. Pourriez-vous nous parler des familles brisées et de la façon dont cela mène davantage les femmes sur la mauvaise voie?
    Les femmes autochtones — et, je le répète, je travaille avec ce groupe depuis 25 ans — ont toujours été une sorte de point d'ancrage dans le foyer. Elles subviennent aux besoins de la famille. Elles s'assurent de maintenir l'unité familiale. Dans le cas des jeunes femmes, nous intervenons souvent dès le début en leur retirant leur enfant. Dès le début, nous tirons ces enfants de leur foyer. Dès la naissance, nous leur enlevons tout espoir d'avoir une meilleure vie.
    C'est un peu le monde à l'envers. Nous faisons des choses aux peuples autochtones que nous ne ferions jamais... Je vois tous les jours ce que vivent ces jeunes femmes et jamais les autorités ne traiteraient mes propres filles comme elles traitent ces femmes autochtones.
    Lorsque l'on parle aux femmes autochtones qui se trouvent dans des établissements — et, ma foi, j'en ai rencontré des centaines au cours des 25 ans de travail avec ce groupe —, on voit souvent ce sentiment de désespoir, ce traumatisme et cette maltraitance non résolus. Dès leur enfance, elles sont punies pour avoir été victimes d'abus et de notre système actuel.
    Tant que nous ne comprendrons pas cela et que nous ne respectons pas cela, rien ne changera. Elles se retrouvent dans ces établissements. Elles sont en colère et se sentent désespérées. Un cours de couture ne leur sera d'aucune aide lorsqu'elles quitteront l'établissement.
    Nous avons fait une proposition à Condition féminine. Nous voulons solliciter la participation des entreprises de notre communauté pour aider les jeunes femmes autochtones à créer et à développer leurs propres entreprises et à contribuer à la société. Nous avons tous cette mentalité qu'il suffit d'offrir un chèque d'aide sociale et que tout ira mieux. C'est faux.
    Ces enfants avec lesquels je travaille tous les jours ne sont pas différents de mes propres enfants. Lorsqu'ils se trouvent un emploi et commencent à gagner de l'argent, ils en veulent davantage. Ils veulent les mêmes choses que tous les enfants veulent, les mêmes choses que nous tous voulions lorsque nous étions jeunes. Tant que nous ne le réaliserons pas et que nous entretenons ces attentes... Je suis désolé, mais tant et aussi longtemps que nous continuerons d'offrir des cours de couture aux femmes autochtones, rien ne changera. Nous ne les préparons pas à la vie après incarcération. Les cours de couture sont inutiles; je suis désolé.

  (1715)  

    Pourriez-vous nous donner des exemples des investissements qui sont faits pour garder les familles ensemble — soutenir les familles qui éprouvent des difficultés à la suite d'un traumatisme — et comment ces investissements dans des familles unies aident les femmes et leurs enfants à ne pas devenir des victimes ou des criminels?
    Encore une fois, grâce à l'obligation à impact social, nous avons créé des maisons d'hébergement externes de longue durée pour ces jeunes mères. Les garder ensemble et les aider à composer avec toutes ces conneries...
    J'ai une statistique qui me trotte dans la tête et je vais vous la révéler. Ensuite, je pourrai à nouveau me concentrer.
    Installer un nourrisson dans un foyer collectif coûte 600 $ par jour. Vous vous imaginez le soutien que nous pourrions offrir à ces jeunes femmes pour 600 $ par jour? Nous pourrions payer quelqu'un pour vivre avec elles et les soutenir 24 heures par jour.
    Les problèmes sont complexes, mais ce qu'il faut... Nous offrons à nos jeunes mères un soutien 24 heures par jour. Lorsqu'elles ont un problème et qu'elles appellent pour obtenir de l'aide, nous devons pouvoir les aider.
    Une entreprise de production de vidéos, HitPlay Productions, est venue nous voir. L'entreprise voulait abâtardir l'obligation à impact social, mais après une semaine, au moment de partir, la responsable m'a dit: « Vous savez quoi? Je comprends la raison d'être de cette obligation et pourquoi elle fonctionne si bien. » Je lui ai répondu: « Enfin, vous allez admettre que cela va fonctionner. » Elle m'a dit « Oui, car vous êtes encore là une fois que les caméras sont éteintes. »
    Après les problèmes, après les questions, une fois que le processus de guérison est amorcé, nous devons être présents une fois que les caméras sont éteintes, car il y a des défis à surmonter. Nous devons soutenir les femmes, car les problèmes qu'elles vivent sont énormes. Les femmes autochtones sont plus susceptibles d'être vendues dans la rue, au Canada, que toute autre membre d'un groupe ethnique. Elles sont vulnérables. Ce que nous devons faire, c'est investir plus de temps et de ressources dans la guérison. Elles ne veulent pas constamment rencontrer des conseillers; ce qu'elles souhaitent, c'est une meilleure vie. La capacité d'aller de l'avant est la meilleure guérison pour toutes les femmes — pour quiconque, d'ailleurs.
    Nous devons utiliser nos obligations ou peu importe l'option choisie. Nous devons solliciter la participation du secteur des affaires. Nous devons solliciter le secteur des affaires, car, si notre proposition est acceptée, le comité que nous avons mis sur pied attirera des entreprises et elles n'obtiendront rien. Leur investissement se fera en temps et en expertise. Nous devons donc investir.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Monsieur Serré, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente. Merci à tous les témoins pour le travail que vous faites pour les femmes autochtones.
    Donald, merci pour votre franchise, vos 25 ans d'effort et ce que vous avez partagé avec nous.
    Ma première question s'adresse à Adam et Donald. J'aimerais comprendre une chose lorsque vous parlez d'une obligation à impact social. D'un côté, je regarde ce programme et souhaiterais l'élargir à l'échelle du pays pour voir ce que l'on peut faire. D'un autre côté, certaines expériences menées au Royaume-Uni n'ont pas été très concluantes. Certains investisseurs qui ont participé à des obligations à impact social ont utilisé des sans-abri comme des commodités. L'expérience a été quelque peu négative. Donc, j'entretiens une certaine réserve.
    J'aimerais obtenir votre point de vue sur ce que nous pourrions faire différemment afin d'éviter le genre d'embûches qu'a connues le Royaume-Uni.
    Donald, y a-t-il une façon d'élargir ce programme à l'ensemble du Canada, au besoin? J'aimerais vous entendre tous les deux sur la question.
    Certainement. Je pense que le premier point que je dois soulever est qu'il ne faut pas considérer une obligation à impact social comme un instrument radical qui permettra de régler un problème social. Le principe fondamental d'une obligation à impact social est de créer un réseau d'aide et ainsi donner aux gens l'aide dont ils ont besoin pour améliorer leur vie ou pour progresser d'une façon ou d'une autre. À mon avis, on aurait affaire à une obligation ou une entente de partenariat mal conçue si cette obligation ne prenait pas en compte les conséquences inattendues ou pour chercher à modifier le système à l'avantage d'un investisseur.
    Je pense qu'il est important, d'entrée de jeu, que le recours à cet instrument s'appuie sur des motifs valables. Déterminer cela dès le début permet ensuite de réfléchir au problème social et à la meilleure solution pour le régler, puis de déterminer si une obligation à impact social est l'un des outils que nous voulons utiliser. Si elle ne l'est pas, j'estime que nous devrions être d'une grande franchise et ne pas insister dans cette voie.
    Comme Don l'a mentionné, je n'ai jamais rencontré un investisseur cherchant à utiliser les gens pour faire des profits. Don a indiqué que ces investisseurs cherchent d'abord à connaître l'impact social et à améliorer la vie des gens visés par un projet. J'espère qu'il en restera ainsi à mesure que cet instrument prendra de la maturité. Les conséquences inattendues liées à l'investissement pourraient se faire sentir si cela semblait plus profitable, mais j'espère que ce ne sera pas le cas.
    Je pense que tout part d'une conception adéquate de cet instrument.

  (1720)  

    Je pense que l'investissement social peut aussi être une très bonne chose, mais encore une fois, mon honnêteté à cet égard pourrait revenir me hanter. Il existe d'extraordinaires organismes communautaires, mais il y en a aussi de très mauvais, que nous appelons des coquilles vides. Ils publient des brochures dans lesquelles ils décrivent les formidables activités qui ont lieu dans la communauté, mais ils ne font rien pour les gens.
    Si vous êtes honnêtes quant aux avantages que vous recherchez dans une obligation, cela n'a rien d'effrayant. C'était l'une de mes principales questions: avais-je peur de ce mécanisme? Absolument pas. L'obligation et mes investisseurs m'ont été utiles pour régler les problèmes d'ordre administratif lorsqu'on a tenté de modifier le contrat à mi-parcours. Nous avions avec le sous-ministre une entente selon laquelle nous recevions un montant donné pour les mères, car aucun montant n'avait été prévu pour elles. À mi-parcours, cela a été retiré sans explication, mais nos investisseurs sont intervenus et ont demandé des explications. À l'époque, un de nos investisseurs avait indiqué au ministre que s'il modifiait un mot du contrat, il s'adresserait aux tribunaux.
    Lorsqu'on s'attarde toujours au pire, on peut toujours trouver une raison de ne rien faire. À mon avis, lorsque les gens investissent, lorsqu'ils investissent dans les gens, il convient de tenir compte des motifs et d'examiner les méthodes les plus faciles et les plus avantageuses.
    En fin de compte, l'idée n'est pas de faire de beaucoup d'argent, mais de gagner sa vie. Lorsque vous pensez à votre investissement, vous devez penser à ceux qui en bénéficient. Est-ce l'organisme communautaire, l'investisseur ou encore, dans notre cas, les mères et les enfants?
    Tout compte fait, toutes les activités supplémentaires qui ont lieu de Saskatoon, puisque nous avons une collectivité qui se soucie de ses résidants, l'emportent largement sur tous les risques liés à l'obligation.
    Selon notre expérience, l'on fait souvent un amalgame entre une intervention et le mécanisme financier d'une obligation à impact social, même s'ils sont très différents. Permettez-moi d'apporter des précisions sur certains propos de Donald.
    L'aspect le plus complexe d'une obligation à impact social est la définition des impacts, qui nécessite la capacité de faire un suivi et une évaluation des résultats. De notre point de vue, les meilleurs exemples de réussite à cet égard sont ceux où les bénéficiaires sont à même de définir eux-mêmes cet impact. En général, dans le secteur, la base de mesure, soit la capacité de faire un suivi des résultats et de l'impact, et d'en rendre compte, est extrêmement nouvelle. Peu d'organismes ont la capacité de le faire. Habituellement, les obligations à impact social s'appuient sur des données probantes existantes, c'est-à-dire sur la capacité en matière de suivi et de production de rapports.
    Si nous nous sommes concentrés sur les centres What Works et un fonds de rendement, c'est qu'ils favorisent notamment la mise en place des infrastructures nécessaires pour assurer la participation d'un nombre accru d'organismes, comme celui de Don. Cela permet en outre de recenser et de diffuser de nouvelles solutions. Il convient toutefois, au pays, d'aider le milieu à accroître sa compréhension des impacts et de la priorité accordée aux utilisateurs finaux, c'est-à-dire aux bénéficiaires.

  (1725)  

    Lorsqu'il a commencé, Donald... Vous n'aurez pas l'occasion de répondre. Il y a ensuite eu Adam, avec MaRS, puis Mowat... Nous sommes actuellement en crise: 52 % des jeunes Autochtones sont en famille d'accueil, tout à fait inacceptable. Donc, j'aimerais vraiment en apprendre davantage sur les diverses façons d'assurer la prestation des mesures que nous offrons actuellement. Je vous remercie de vos commentaires.
    Excellent. Il nous reste un peu de temps. Rachael, vous avez trois minutes et demie.
    Très brièvement, Donald, pourriez-vous nous dire comment votre organisme parvient à assurer une prestation des services plus souple et plus efficace que ce qu'on pourrait voir, dans le cas d'un programme gouvernemental?
    Nous n'avons pas peur d'embarrasser le gouvernement. Nous n'avons pas peur des conséquences. Notre organisation croit en nos jeunes. Lorsque nous avons lancé notre programme d'hébergement, nous avons commencé par une résidence, et elle était réservée aux jeunes femmes autochtones impliquées dans le commerce du sexe. Aujourd'hui, nous avons 15 résidences.
    C'était assez intéressant. Permettez-moi de vous raconter une anecdote. Le ministre de la Justice de l'époque, du gouvernement néo-démocrate, est venu inaugurer deux de nos résidences et en discuter. Il a demandé à quoi elles serviraient. J'ai répondu que je voulais que ces résidences soient réservées aux jeunes femmes qui avaient été impliquées dans le commerce du sexe et même pour des femmes de 17 à 23 ans en foyer d'accueil. Ce jour-là, il a annoncé la création de deux résidences pour jeunes femmes de 17 à 23 ans, avec unités structurées de vie autonome.
    J'ai ensuite été la cible des bureaucrates pendant des années, sous prétexte que nous ne sommes pas autorisés à le faire, sur le plan légal. Cela me porte à croire que c'est vous qui devriez faire une conférence de presse pour dire aux gens que vous et votre province ne voulez pas qu'on prenne soin de nos femmes autochtones ni de nos jeunes femmes. Nous avons fait certaines choses parce qu'il s'agissait simplement de la chose à faire.
    Souvent, les bureaucrates craignent de faire certaines choses parce qu'ils ont peur pour leur emploi. Je n'en dirais pas plus, mais j'ai fait de nombreuses présentations. Souvent, les politiciens semblent comprendre, mais le message semble se perdre en cours de route. Je le constate même lorsque je parle des obligations à impact social ou de citoyens actifs: les politiciens comprennent, mais pas les bureaucrates. Je ne sais pas si c'est parce qu'ils ne veulent pas comprendre; ils ne sont pas si stupides. Ils ont simplement peur de ce qui pourrait arriver s'ils prenaient la mauvaise décision.
    Adam, la Fondation des maladies du coeur fournit manifestement un bon exemple de l'innovation que permet cette approche. Pourriez-vous nous donner plus d'explications sur les raisons pour lesquelles une obligation à impact social favorise l'innovation?
    Le meilleur exemple de l'innovation que permet une obligation à impact social est que cela libère les fournisseurs de services sans but lucratif — comme Sweet Dreams — en permettant la prestation d'un programme sans avoir à présenter des rapports mensuels et annuels sur leurs activités. Dans une obligation à impact social, les résultats sont déterminés d'entrée de jeu et on laisse les gens comme Donald faire leur travail. C'est la principale innovation de ce modèle financier, à mon avis.
    Excellent. Nous avons accueilli un extraordinaire groupe de témoins. Je tiens à vous remercier tous les quatre d'être venus. Donald, Lisa, Joanne et Adam, merci.
    Avant de mettre fin à la séance, j'aimerais avoir votre accord pour quelque chose. Deux des organismes qui ont déjà comparu ont demandé... Ils ont raté la date d'échéance pour la présentation de leur mémoire. Il s'agit de l'Association des femmes autochtones du Canada et de Prisoners' Legal Services. Nous recevrons bientôt celui de l'Association des femmes autochtones du Canada, tandis que celui de Prisoners' Legal Services est déjà arrivé. Y a-t-il consensus pour accepter ces rapports?
    Des députés: D'accord.
    La présidente: Excellent. C'est ce que nous ferons.
    Veuillez noter que la prochaine réunion habituelle du Comité aura lieu jeudi, de 15 h 30 à 16 h 30, et que le sous-comité se réunira de 16 h 30 à 17 h 30. Je le précisais pour que vous l'inscriviez à votre horaire, ce qui nous permettra de discuter davantage.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU