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CIMM Rapport du Comité

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Rapport complémentaire du Nouveau Parti démocratique :

Étude de la réunification des familles du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration

Dans le cadre de son étude du programme de réunification des familles, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes a entendu 55 témoins au cours de 13 réunions. La liste des témoins était diversifiée, tant du point de vue de leur représentation géographique que de leur expérience en matière de réunification des familles. Le Comité a ainsi entendu des avocats spécialisés en droit de l’immigration, des chercheurs universitaires, des fournisseurs de services de réinstallation et des personnes ayant fait une demande de parrainage. Manifestement, la plupart des personnes entendues critiquaient sévèrement la situation actuelle de la réunification des familles au Canada. Elles comprenaient bien les impacts des programmes sur les citoyens et sur l’économie canadienne, et leurs recommandations visaient de façon ambitieuse à transformer pour le mieux les programmes de réunification.

Pour la plupart des députés, les dossiers que doivent traiter les bureaux de circonscription portent en majeure partie sur l’immigration. Compte tenu de la difficulté de respecter les normes établies pour se qualifier en vue de la réunification familiale; du processus de demande qui porte souvent à confusion; des longs délais de traitement dévastateurs qui découlent en grande partie des importants arriérés de demandes à traiter; des cibles d’immigration relativement peu élevées des plans annuels des niveaux d’immigration, si on les compare à l’immigration de la catégorie économique, de nombreux députés se trouvent à passer énormément de temps à aider des électeurs à surmonter les difficultés du processus de réunification. C’est dans cet esprit, et étant donné les impacts négatifs très réels liés au fait d’être séparé de sa famille pendant des périodes de temps inacceptables, que les néo-démocrates présentent ces recommandations complémentaires.

Bien que le rapport principal contienne un certain nombre de recommandations que nous appuyons, il est décevant de constater qu’il omet de mettre de l’avant certaines des recommandations les plus importantes qui contribueraient grandement à un changement pour les Canadiens qui espèrent être réunis avec leurs proches.

L’un des points les plus importants à retenir de cette étude, c’est la fréquence à laquelle les témoins ont souligné que ce n’est pas parce qu’une personne est admise au Canada dans un volet de la catégorie du regroupement familial qu’elle aura une incidence défavorable sur l’économie canadienne. En fait, on a souligné que c’est plutôt l’inverse qui se produit.

Avvy Go, directrice de la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, a fourni au Comité des chiffres importants tirés d’une analyse récente du programme de réunification des familles produite par le gouvernement :

« Selon cette étude, 15 % des répondants disent que leurs parents et grands‑parents contribuent au revenu du ménage. Également, 21 % disent qu’ils y contribuent à l’occasion. Quarante-huit pour cent déclarent que la présence au Canada de leurs parents les a aidés à travailler plus et donc à gagner un revenu plus important[i] ».

Les témoins ont clairement démontré que les personnes à charge réunies avec leurs familles intègrent le marché du travail du Canada une fois adultes, que les époux réunis entrent souvent sur le marché du travail ou qu’ils assument d’autres responsabilités qui contribuent à l’économie, et que, comme les gens vivent plus longtemps, les parents et grands-parents désirent rester actifs d’une façon ou d’une autre, que ce soit en travaillant ou en contribuant aux activités du ménage. Les immigrants de la catégorie du regroupement familial sont des immigrants de la catégorie économique, mais avec l’avantage d’un réseau déjà bien établi au Canada. C’est précisément ce qu’a expliqué Avvy Go au sujet des parents et des grands-parents :   

« En réalité, des études ont démontré que la présence, au Canada, de réseaux familiaux incluant des parents et grands-parents, facilite le processus d’établissement et d’intégration. Les recherches confirment aussi le rôle crucial que les parents et grands-parents jouent pour soutenir le développement harmonieux de nos jeunes. Les familles sont particulièrement importantes pour préserver le bien-être des communautés racialisées, des personnes handicapées et des femmes[ii]. »

Parents et grands-parents

De nombreux témoins ont voulu briser le stéréotype selon lequel les parents et grands‑parents qui arrivent au Canada ont une incidence négative sur l’économie. On a mentionné que les familles de nouveaux pays sources d’immigration au Canada sont généralement plus jeunes que les familles nées au Canada et que les parents et grands-parents peuvent encore être en âge de travailler et en santé. Comme l’économie de ces pays sources s’améliore, même les retraités sont désormais plus susceptibles de disposer de ressources pour subvenir à leurs besoins et contribuer à l’économie grâce aux pensions de retraite et aux investissements qu’ils apportent au pays.

Selon l’avocate en immigration et professeure de droit Jamie Liew :

« L’autre chose que l’on oublie souvent, c’est que ces gens ont des investissements. Ils ont un passé économique et ils l’amènent avec eux au Canada. En acceptant ces gens au pays […] souvent, ce ne sont pas seulement des personnes âgées ou malades; ils peuvent aussi contribuer à la société canadienne grâce à leurs investissements, à leurs dépenses et aux façons novatrices qu’ils ont de stimuler l’activité sociale, culturelle et économique. Beaucoup d’idées fausses circulent concernant les parents et grands-parents et leur contribution potentielle à notre société[iii]. »

Au cours de la présente étude, le gouvernement a annoncé des changements à ce volet, lesquels ont pris effet en 2017. Le principe du « premier arrivé, premier servi », qui donnait lieu à une course pour soumettre une demande avant l’atteinte du plafond, est désormais remplacé par un système de loterie, le tirage étant effectué après la soumission d’un nombre illimité de demandes, en janvier de chaque année. Le fait qu’une famille puisse être réunie ou non selon qu’elle a de la chance ou non au tirage est profondément troublant. Aucun autre volet d’immigration n’est fondé sur la chance. Au cours des élections de 2015, le premier ministre Trudeau a déclaré ceci :

[traduction] « Un gouvernement libéral mettra l’unification des familles au cœur de sa politique d’immigration. Faire en sorte qu’il soit plus facile pour les familles d’être réunies ici, au Canada, est plus qu’une simple question de bon sens économique. Lorsque les Canadiens bénéficient de soutien, par exemple de l’aide de leur famille pour la garde des enfants, cela favorise la productivité, stimule la croissance économique et attire les travailleurs qualifiés tant nécessaires[iv]. »

Les néo-démocrates sont d’avis que la tenue d’une loterie pour réunir les familles ne reflète pas du tout cette déclaration. Gardant cette déclaration à l’esprit, et en se fondant sur les recommandations de nombreux témoins, les néo-démocrates recommandent ce qui suit :

Première recommandation 

  • Qu’IRCC élimine le plafond établi pour les demandes des parents et grands‑parents et qu’il s’assure d’affecter suffisamment de ressources à ce programme, de manière à pouvoir traiter l’arriéré et réduire les délais de traitement à 12 mois.

Époux et personnes à charge

Les programmes de parrainage des époux et des personnes à charge du Canada visent la réunification de la famille « nucléaire ». Le fait d’être éloigné de sa famille pendant des années en raison des longs délais de traitement peut avoir un effet dévastateur, et peut même causer l’éclatement des familles. Le gouvernement a récemment annoncé deux modifications importantes au parrainage des époux : l’élimination de la disposition relative à la résidence permanente conditionnelle et la réduction des délais de traitement à 12 mois. Ces changements sont les bienvenus, mais nous devons faire encore bien plus pour éliminer les difficultés auxquelles sont confrontées les familles qui désirent être réunies.

Le plus important problème lié à la résidence permanente conditionnelle était qu’elle plaçait les époux parrainés, souvent des femmes, dans une position où ils craignaient de quitter une relation, même si elle était abusive, de crainte de perdre leur statut au Canada. Cette crainte mettait les femmes, et dans certains cas les enfants, en danger. Des témoins ont souligné que cette disposition était maintenant tellement ancrée au sein de la communauté que des efforts considérables vont devoir être déployés pour expliquer que la résidence permanente conditionnelle a été éliminée. L’avocat en droit de l’immigration Lobat Sadrehashemi a expliqué :

« Nous devons agir maintenant, avant même que les modifications réglementaires entrent en vigueur. Cette mesure existe depuis quatre ans. Nous savons que des femmes demeurent dans des relations de violence à cause de cette mesure. Si le gouvernement est déterminé à l’éliminer, il y a certaines choses qu’il peut faire dès maintenant[v]. »

Des recommandations claires et concises, que les néo-démocrates appuient, ont été formulées.

Deuxième recommandation 

  • Qu’IRCC agisse immédiatement en publiant un bulletin opérationnel qui ordonnera aux agents de ne pas faire appliquer la disposition relative à la résidence permanente conditionnelle qui sera bientôt abrogée. En outre, qu’IRCC envoie des lettres aux époux parrainés dès leur arrivée en leur expliquant qu’aucune mesure ne sera prise en cas de violation de l’exigence conditionnelle actuellement en place, et qu’IRCC mène des activités de sensibilisation auprès des époux touchés.

Troisième recommandation 

  • Qu’IRCC adopte des stratégies de communication multilingues pour expliquer clairement que la disposition relative à la résidence permanente conditionnelle a été abrogée, afin de réduire le risque que des personnes demeurent dans des relations seulement parce qu’elles craignent de perdre leur statut au Canada.

Si l’on garde en tête la nécessité de réunir les proches, des mesures additionnelles peuvent être prises par IRCC pour atténuer les difficultés. Comme l’indique le rapport du gouvernement, l’Association du Barreau canadien (ABC) a mentionné que les motifs de refus de visas de résident temporaire ne sont pas bien expliqués, et qu’un tel refus peut être pénible pour les époux qui tentent d’être réunis pendant le traitement de leur demande de parrainage. L’Association canadienne des conseillers professionnels en immigration (ACCPI) a aussi mentionné que le fait de refuser un visa de résident temporaire parce qu’une demande de résidence permanente est en traitement était une décision contradictoire.

Quatrième recommandation

  • Qu’IRCC accorde des visas de résident temporaire aux époux parrainés dont la demande a été approuvée en principe, de manière à accélérer le processus de réunification et à atténuer les difficultés pour les familles. En outre, qu’IRCC examine la possibilité d’accorder un « statut implicite » après la délivrance du visa temporaire, de manière à éviter le long et coûteux processus de renouvellement de visas de résident temporaire.

En dernier lieu, dans le cas des époux plus précisément, on a indiqué à l’attention du Comité que des époux parrainés au Canada peuvent parfois être visés par une mesure de renvoi, malgré le fait que leur demande de parrainage est en traitement. L’ABC a expliqué au Comité que la politique veut que le renvoi soit reporté pendant une période de 60 jours dans une telle situation. Toutefois, ce délai de 60 jours est inadéquat compte tenu des délais de traitement, même si on respecte la promesse de réduire ces délais à 12 mois.

Cinquième recommandation 

  • Que l’ASFC reporte la mesure de renvoi pendant toute la durée du traitement d’une demande de parrainage.

Des enfants à charge sont souvent inclus dans les parrainages d’époux. À l’heure actuelle, pour être reconnu comme une personne à charge, un enfant doit être âgé de 19 ans ou moins. Compte tenu des réalités changeantes, tant au Canada qu’à l’étranger, et en particulier du temps que les jeunes adultes passent au sein du système d’éducation, des témoins ont expliqué que cette limite d’âge n’est pas réaliste. Anabela Nunes a déclaré : « L’âge limite de 18 ans fixé pour le parrainage devrait être éliminé et ramené à l’âge de 22 ans, comme c’était le cas il y a quelques années. Les enfants de 19 à 22 ans sont encore largement dépendants de leurs parents financièrement[vi]. »

Sixième recommandation 

  • Qu’IRCC rétablisse la disposition en place jusqu’en 2014, laquelle permettait que les étudiants à temps plein soient reconnus comme personnes à charge jusqu’à l’âge de 25 ans.

L’avocate en droit de l’immigration Chantal Desloges a également parlé au Comité d’un problème rare, mais grave concernant les enfants nés à l’étranger de résidents permanents canadiens.

« La réglementation actuelle prévoit que si vous êtes un résident permanent, vous ne pouvez pas parrainer qui que ce soit à moins de vivre au Canada. Si un résident permanent qui passe un certain temps à l’étranger, comme il en a le droit, mais remplit toujours les conditions de résidence, a un enfant pendant qu’il est à l’étranger, il doit laisser cet enfant dans l’autre pays et revenir au Canada pour le parrainer[vii] ».

Cette situation, qui serait dévastatrice pour de nouveaux parents, doit être réglée.

Septième recommandation 

  • Qu’IRCC accorde un statut temporaire aux enfants nés de résidents permanents à l’étranger, de sorte que l’enfant puisse entrer et demeurer au Canada pendant le processus de parrainage.

Définition de famille

Règle générale, la question de la portée étroite de la définition des membres de la famille admissibles à la réunification familiale a été soulevée par de nombreux témoins. On a par ailleurs souligné que ces impacts ne sont pas ressentis uniquement dans les volets de la réunification des familles, mais aussi par les personnes dont la demande d’asile est acceptée. À l’heure actuelle, seuls un époux, un enfant à charge âgé de 19 ans ou moins ou les parents/grands-parents peuvent être parrainés. Cette définition étroite de l’unité familiale ne correspond tout simplement pas à la définition de famille pour de nombreux nouveaux arrivants de pays sources, et elle constitue une source importante de difficultés pour ces familles, a expliqué Mme Desloges.

« Le concept de la famille nucléaire qui se limite à deux parents et des enfants est surtout propre à l’Europe de l’Ouest. Ce n’est pas la norme dans la plupart des pays du monde et surtout pas dans les régions d’où viennent la plupart des nouveaux arrivants au Canada. Néanmoins, nous avons fondé notre définition de la famille sur ce concept dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Peut-être est-il temps de la revoir[viii] ». 

Il est aussi important de mentionner qu’à une certaine période, le Canada autorisait le parrainage des frères et sœurs. Les frères et sœurs, oncles et tantes, nièces et neveux sont très susceptibles d’être des adultes en âge de travailler, ou de le devenir en peu de temps. Dans de nombreux cas, ces personnes correspondent étroitement à ce que le système actuel considère comme des immigrants économiques, seulement, comme nous l’avons mentionné en introduction, ils disposent des avantages additionnels associés au fait d’avoir un réseau familial déjà établi au Canada.   

Huitième recommandation 

  • Qu’IRCC élargisse la définition de famille pour le programme de réunification des familles et le programme de parrainage à l’intérieur du délai prescrit d’un an pour les demandeurs d’asile, de manière à inclure les frères et sœurs, cousins, oncles et tantes, neveux et nièces.

Normes de traitement

Malgré certaines améliorations apportées récemment aux délais de traitement et à l’arriéré, et malgré de nouvelles promesses concernant des améliorations futures, des témoins ont expliqué clairement que la longue période de temps pendant laquelle les familles sont contraintes d’être séparées peut avoir des effets dévastateurs. Si la déclaration du premier ministre doit être considérée comme un véritable principe directeur notre système, nous nous devons de faire plus.

Dans son mémoire présenté au Comité, le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) a proposé que de meilleurs renseignements soient fournis aux demandeurs, en particulier dans la catégorie des personnes à charge de demandeurs d’asile, car les renseignements fournis actuellement portent à confusion, le délai de traitement des demandes au Canada étant combiné à celui des demandes soumises à l’étranger pour donner un délai de traitement moyen, malgré les différences considérables observées entre les deux.

Neuvième recommandation 

  • Qu’IRCC rende publics ses délais de traitement par bureau des visas, y compris pour les catégories de demandeurs d’asile dont la demande est acceptée.

En dernier lieu, le CCR a également mentionné dans son mémoire une modification apportée en 2004 qui supprimait le traitement simultané des membres de la famille de personnes acceptées au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire. Selon le CCR, cette modification a donné lieu à d’importants délais dans le traitement des demandes de réunification des familles, et dans les cas d’enfants à charge qui atteignent l’âge limite pendant le traitement de leur demande et qui ne sont alors plus admissibles à la réunification en raison des longs délais de traitement.   

Dixième recommandation 

  • Qu’IRCC rétablisse le traitement simultané des membres de la famille de personnes acceptées au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire, annulant ainsi la modification apportée en 2004.

Conclusion

Les familles fortes aident à bâtir des communautés fortes, et les communautés fortes sont ce dont le Canada a besoin pour bâtir une économie forte et durable offrant un partage plus équitable des avantages d’un océan à l’autre. Le Comité a entendu de la part de nombreux témoins que la réunification des familles aide les nouveaux arrivants à s’intégrer plus facilement et plus rapidement à la société canadienne. En outre, la réunification des familles présente des avantages sociaux et culturels importants pour nos communautés, et elle a des impacts positifs sur l’économie. Pour ces raisons, les néo-démocrates exhortent le gouvernement à prendre des mesures pour suivre les recommandations du rapport présenté par le Comité et du présent rapport complémentaire. Les immigrants de la catégorie du regroupement familial au Canada ne doivent pas être considérés comme des immigrants de deuxième ordre. Les programmes qui leur sont destinés doivent plutôt être considérés et traités comme faisant partie intégrante du système. Cela signifie que nous devons augmenter les niveaux d’immigration dans ces volets et mieux cibler les ressources et les instruments stratégiques de manière à réduire les arriérés et les délais de traitement.


[i] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 octobre 2016, 16:11

[ii] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 octobre 2016, 15:33

[iii] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 20 octobre 2016, 16:21

[v] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 20 octobre 2016, 15:35

[vi] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 20 octobre 2016, 15:45

[vii] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 octobre 2016, 15:50

[viii] CIMM, Témoignages, 1re session, 42e législature, 27 octobre 2016, 15:36