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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 058 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 26 février 2015

[Enregistrement électronique]

  (1310)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. C'est la 58e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous faisons une étude sur la situation des droits de la personne en Iran.
    Nous avons aujourd'hui trois invités.
    Messieurs, avant d'entendre vos témoignages, nous devons examiner deux motions. Nous allons également effectuer certains autres travaux.
    Je crois savoir que M. Hsu veut présenter une motion.
    Merci, monsieur le président.
    Je voulais simplement présenter la motion de M. Cotler du lundi 23 février au sujet des femmes birmanes qui travaillent pour des organismes communautaires.
    Tous les membres du comité ont le texte de cette motion et nous en avons déjà parlé.
    (La motion est adoptée.)
    Le vice-président (M. Wayne Marston): Monsieur Benskin.
    Tout le monde a également le texte de cette motion. Brièvement, c'est une motion qui propose de réaliser une étude sommaire sur la situation des droits de la personne au Vietnam, en raison des changements qui sont survenus dans ce pays récemment.
    Tout le monde a le texte de cette motion. Y a-t-il un consensus à ce sujet?
    Une voix: Voulez-vous dire un consensus sur la révision de la seconde...
    Le vice-président (M. Wayne Marston): Oui, la révision a été effectuée sur chaque exemplaire.
    Une voix: Parfait.
    Le vice-président (M. Wayne Marston): Je vous remercie.
    (La motion est adoptée.)
    Le vice-président (M. Wayne Marston): Nous pouvons maintenant passer aux témoignages de nos invités.
    Allons-nous présenter le budget?
    Avons-nous une question budgétaire? Non.
    Merci, monsieur Sweet.
    Nous avons des invités aujourd'hui.
    Je vous demande, comme j'en ai parlé il y a un instant avec M. Matas, d'être assez brefs dans vos remarques, ce qui donnera davantage de temps aux membres du comité pour poser des questions pertinentes. Vous voulez peut-être vous présenter vous-même. Qui va prendre la parole en premier?
    Monsieur Mostyn, je vous donne la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les honorables membres du comité.
    Je m'appelle Michael Mostyn et je suis le directeur général de B'nai Brith Canada, une organisation qui oeuvre dans ce pays et défend depuis 140 ans les droits de la personne dans les communautés juives ainsi que dans les autres collectivités canadiennes.
    La fête de Pourim approche, ce qui nous rappelle le livre d'Esther qui parle d'un roi perse nommé Assuérus dont le nouveau ministre en chef, Haman, avait fait le projet de tuer non seulement Mardochée, un juif tombé en disgrâce, mais toute la population juive. Haman obtint secrètement la permission d'Assuérus de mettre à exécution son plan ainsi que l'octroi de fonds publics. Ce n'est que grâce au courage d'une juive héroïque nommée Esther et de son oncle Mardochée que le sombre complot de Haman de détruire la population juive échoua.
    Tout comme à l'époque de Mardochée et d'Esther, un chef persan est apparu qui demande régulièrement l'annihilation de l'État juif et a lancé ses sbires pour qu'ils assassinent des juifs innocents dans le monde entier, commettant ainsi des actes de terreur prémédités.
    L'ayatollah, le chef ultime de l'Iran et l'équivalent moderne de Haman, est à la barre de l'État qui occupe le premier rang au monde en matière d'appui au terrorisme et d'un régime qui viole régulièrement les droits de la personne les plus fondamentaux.
    Mes collègues David Matas et Yehuda Azoulay vont maintenant décrire en détail l'antisémitisme et l'antisionisme précédents et actuels qui sont au coeur du régime des mollahs en Iran.
    Je m'appelle Yehuda Azoulay, et je suis le fondateur du Sephardic Legacy Institute.
    Je remercie les honorables membres du sous-comité. C'est un honneur pour moi de comparaître devant vous pour vous parler de l'histoire des juifs en Iran et de l'expérience régionale des réfugiés juifs et pour également partager avec vous mes connaissances dans ce domaine.
    Les juifs iraniens sont un des peuples les plus anciens de ce pays. Les débuts de l'histoire des juifs en Iran remontent à la fin des temps bibliques. Les livres de la Bible, Isaïe, Daniel, Ezra et Néhémie, font référence à la vie et au vécu des juifs en Perse. Les juifs perses vivent dans ces territoires depuis plus de 2 700 ans.
     Martin Gilbert, le fameux historien, mentionne ce qui suit dans son livre intitulé In Ishmael's House: A History of Jews in Muslim Lands:

    Lorsque le roi de Perse, Cyrus le Grand, a défait les Babyloniens en 539 AVJ, il a libéré les juifs de Jérusalem. Certains « esclaves libérés », — qui n'étaient plus obligés d'adorer des idoles — ont commencé à reconstruire leur temple, qui avait été détruit 42 ans après la prédiction du prophète Jérémie. D'autres se sont dirigés vers l'Est pour s'établir en Perse. Parmi leurs descendants, il y a eu 100 ans plus tard, Esther et son cousin Mardochée, qui ont fait échouer la tentative du Grand Vizier, Haman, d'exterminer toute la communauté juive perse.

    L'histoire et la fête de Pourim qui est célébrée la semaine prochaine par les juifs du monde entier, sont une constante de l'histoire juive. Par la suite, les juifs perses sont ceux qui ont écrit le Talmud de Babylone, un recueil essentiel de droit et de théologie juive encore utilisé de nos jours. Les périodes de la présence juive en Iran sont les suivantes: l'exil assyrien du Royaume du Nord, les juifs persans sous Cyrus le Grand, la période du deuxième temple, la période parthe, la période sassanide, la première période islamique, le règne mongol et les dynasties séfévide et kadjar.
    Au milieu du XIXe siècle, J.J. Benjamin écrit ce qui suit au sujet de la vie des juifs persans.
... ils sont obligés de vivre dans un quartier à part de la ville...; ils sont en effet considérés comme des créatures impures...
    Pendant la dynastie Pahlavi, la relation étroite qui unissait le shah et l'État d'Israël a joué un rôle important dans l'amélioration de la situation économique des juifs. On trouvera des renseignements sur ces liens et sur la façon dont la situation des juifs iraniens s'est améliorée énormément en quelques années...
    Depuis la République islamique, depuis 1979... À l'époque de la création de l'État d'Israël, en 1948, il y avait environ 100 000 à 120 000 juifs en Iran, le centre historique des juifs perses. Ce chiffre approximatif est fourni par l'agence juive, qui possédait un bureau à Téhéran en 1948. Près de 95 % de ces personnes ont émigré depuis. La population juive actuelle en Iran compte environ 8 000 personnes.
La République islamique utilise les factions qui existent au sein de la communauté juive iranienne pour faire des gains dans le domaine des relations publiques avec le monde occidental, mais en privé, de nombreux juifs se plaignent à des journalistes étrangers d'être l'objet de discrimination... La position anti-Israël adoptée en public par les juifs iraniens...
    ne fait que refléter les pressions qu'exercent sur eux les autorités ainsi que leur désir de survivre.
    Les dirigeants iraniens affirment que la minorité juive est traitée de façon équitable, mais les experts, les rabbis ont des points de vue différents. D'après les chercheurs, « Il y a la peur ».
    Khomeini, l'ayatollah actuel, a très clairement décrit son objectif, à savoir l'annihilation d'Israël. Essentiellement, l'annihilation d'Israël est l'annihilation du peuple juif. En outre, il est bien établi que l'Iran appuie le Hamas et le Hezbollah et ces deux groupes affirment tout à fait à tort que seuls les Palestiniens ont le statut de réfugiés dans la région.
    Dans les années qui ont précédé la création de l'État d'Israël, et dans les années qui ont immédiatement suivi, de nombreux juifs iraniens ont été obligés de quitter leurs foyers. Je vais vous relater leur histoire qui est très mal connue.
    Les Nations unies ont approuvé la création de l'État d'Israël, mais la majorité des pays arabes voisins d'Israël n'ont jamais reconnu sa légitimité. L'histoire des conflits au Proche-Orient semble sans fin. Je crois que l'on peut dire que l'histoire des juifs iraniens et sépharades et des expériences traumatisantes qu'ils ont vécues au cours des années 1940 a été énormément négligée.
    Après la résolution de l'ONU de 1947, qui proposait de diviser la Palestine en deux pays, la Palestine et Israël, la situation a continué à se détériorer. Les Arabes ont refusé d'accepter la recommandation de l'ONU et lorsqu'Israël a déclaré la création de l'État d'Israël en 1948, sept armées venant de l'Égypte, de Jordanie, de l'Irak, du Liban, de la Syrie, de la Libye et de l'Arabie saoudite ont attaqué Israël. De plus, dans les pays musulmans, les juifs ont commencé à être persécutés. Les musulmans du monde entier ont dirigé l'hostilité qu'ils ressentaient envers l'État juif contre les communautés juives qui vivaient en leur sein. Dans certains endroits, les exécutions publiques se sont multipliées. À mesure que le conflit israélo-arabe a évolué, les gouvernements arabes s'en sont également pris à leur population juive. Ces gouvernements ont bien souvent adopté des mesures anti-juives très sévères comme la confiscation des passeports, le gel des comptes bancaires, les arrestations arbitraires et les exécutions sommaires, ce qui a rendu la vie intolérable pour les juifs locaux. Leurs maisons et leurs biens ont été très souvent confisqués. Lorsque ce n'était pas le cas, ils ont quand même été obligés de les abandonner puisque les juifs n'avaient pas souvent la permission de les vendre et lorsqu'ils y parvenaient, ils obtenaient des prix ridicules.

  (1315)  

    Cette fuite des juifs pour survivre en emportant leurs maigres possessions a également entraîné l'abandon d'anciennes synagogues, de centres communautaires, d'écoles, d'hôpitaux et d'entreprises autrefois florissantes. L'aspect le plus triste pour les juifs a peut-être été de devoir abandonner les cimetières où leurs ancêtres étaient enterrés depuis des milliers d'années et dont les pierres tombales ont été vandalisées et utilisées pour construire des maisons, des parcs, des hôtels et des transports publics.
    Ainsi, si de nombreux Arabes ont quitté la Palestine après la création de l'État juif, de nombreux juifs ont quitté leurs foyers en Afghanistan, en Algérie, à Boukhara, en Égypte, en Iran, en Irak, au Liban, en Libye, en Syrie, en Turquie, en Tunisie et au Yémen. Ces réfugiés ont perdu trois choses: leur identité, leur façon de vivre qui a tout simplement cessé d'exister et ainsi que leurs possessions matérielles. Des communautés qui remontaient à plus de 3 000 ans ont été détruites. Près d'un million de juifs ont perdu leurs maisons situées sur des terres arabes. Ces juifs sont tout autant des réfugiés que les Palestiniens.
    Les réfugiés juifs en provenance des terres arabes ont subi des pertes incroyables en une seule génération. Les pertes financières s'élèvent à des milliards, mais au-delà, c'est un dommage irréparable qui a été causé à une civilisation tout entière. Des communautés juives anciennes dont l'histoire remontait à plus de 3 000 ans ont disparu. La destruction de leur civilisation est une histoire qui n'a pas été vraiment racontée. Ce témoignage sur l'histoire des juifs en Iran et l'expérience régionale des réfugiés juifs comble en partie cette lacune.
    Merci.
    Monsieur Matas.
    Lorsque le sujet de la discussion est les violations des droits humains internationaux en Iran, il est regrettable de constater qu'il y a toute une gamme de sujets que nous ne pouvons aborder. Nous parlons principalement aujourd'hui de l'antisémitisme et de l'antisionisme iraniens, pas uniquement parce que nous représentons le B'nai Brith; nous le faisons parce que l'antisionisme et l'antisémitisme sont des aspects essentiels du régime des mollahs en Iran. Le régime se décrit lui-même comme étant islamique et chiite, mais il est plus exact de dire que c'est un régime antisioniste et antisémite.
    L'antisionisme et l'antisémitisme du régime se manifestent dans divers points de vue idéologiques, mais je n'en mentionnerai ici que cinq.
    Il y a tout d'abord la négation de l'holocauste. Pendant la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, l'holocauste a été nié avec véhémence. Il y a eu une conférence sur la négation de l'holocauste en décembre 2006 et une autre était prévue pour décembre 2013. Le nouveau président Hassan Rouhani a, dans un premier temps, annulé la conférence de 2013, mais il l'a ensuite rétablie et elle a eu lieu l'année dernière en octobre 2014.
    Deuxièmement, l'Iran rejette toute possibilité d'un accord de paix entre Palestiniens et Israéliens. Il part du principe qu'Israël ne devrait pas exister peu importe que les Palestiniens reconnaissent ou non son existence. Le président Rouhani a déclaré qu'Israël était une vieille plaie qu'il fallait exciser.
    Troisièmement, il y a les mauvais traitements infligés à sa propre population juive et l'expulsion des juifs, dont nous a parlé l'Yehuda Azoulay. En 1948, la population juive de l'Iran comprenait, d'après l'Agence juive, entre 100 000 et 120 000 personnes. En 2011, d'après le recensement iranien, cette communauté comptait moins de 9 000 personnes, chiffre qui sans doute a diminué depuis. En Iran, les juifs, y compris des chefs de la communauté juive, ont été arbitrairement exécutés, accusés et condamnés pour espionnage pour le compte d'Israël et leurs biens ont été confisqués. Ils ont été obligés de condamner publiquement Israël et de participer à des manifestations anti-israéliennes.
    Quatrièmement, il y a la création ou la fondation de l'Hezbollah, qui a commencé en Iran en 1982, au sein du Corps des gardiens de la révolution iranienne. Le régime iranien a envoyé des combattants iraniens au Liban à la fin de 1983. Ces combattants ont formé le noyau initial du Hezbollah. Je suis heureux de constater que le Canada a inscrit le Hezbollah, tout comme le Corps des gardiens de la révolution iranienne, sur la liste des organisations terroristes.
    Enfin, figure dans cette brève liste d'attentats commis par l'Iran contre des communautés juives dans le monde entier, non seulement contre Israël, mais contre la diaspora. Il y a eu, en 1992, un attentat contre l'ambassade d'Israël à Buenos Aires, et en 1994, un attentat contre une organisation communautaire juive de Buenos Aires, qui a fait 85 morts et plus de 200 blessés. Le procureur argentin chargé de ces meurtres, Alberto Nisman, a été assassiné à Buenos Aires le mois dernier.
    En juillet 2012, des agents du Hezbollah ont tué cinq touristes israéliens et en ont blessé 32 autres. Un des deux attaquants était un citoyen canadien, Hassan El Hajj Hassan.
    En réponse à ces cinq points et à une dérive générale antisémite du régime, je vais présenter six recommandations.
    La première consisterait à élargir les exceptions à la loi prévoyant l'immunité des États pour qu'il soit possible de poursuivre l'Iran pour les violations des droits humains internationaux. C'est maintenant un pays désigné selon la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme, de sorte qu'il est possible de poursuivre cet État pour les actes de terrorisme mais les violations internationales qu'il commet vont bien au-delà du terrorisme et j'estime qu'il faudrait élargir la portée de cette loi.
    Deuxièmement, je pense que nous devrions demander au Liban d'extrader l'auteur de l'attentat à la bombe bulgare, le kamikaze canadien Hassan El Hajj Hassan.
    Troisièmement, j'estime que nous devrions suivre de près les négociations en cours au sujet des armes nucléaires en Iran. Un régime qui souhaite ardemment détruire Israël et les juifs ne devrait pas avoir accès à des armes de destruction massive. J'appuie les recommandations qui ont été faites antérieurement au comité selon lesquelles, si un accord intervenait entre l'Iran et les autres États au sujet de la capacité de produire des armes nucléaires, celui-ci devrait comporter un volet droits de la personne, comme il y en avait dans l'accord d'Helsinki.

  (1320)  

    Quatrièmement, je suis heureux de constater que l'Union européenne a finalement inscrit l'aile militaire du Hezbollah à sa liste des entités terroristes, mais cette distinction entre l'aile militaire et l'aile civile n'a pas vraiment de raison d'être en pratique puisqu'il n'y a pas de séparation sur le plan du financement ou des responsabilités. J'inviterais le Canada à demander à l'Union européenne d'inscrire tous les membres de la Hezbollah comme terroristes.
    Cinquièmement, chaque année, l'Assemblée générale des Nations unies présente une résolution sur l'Iran dont le Canada est l'auteur principal et qui contient des termes condamnant le harcèlement et la persécution des juifs mais qui ne mentionne ni l'antisémitisme ni l'antisionisme. J'estime qu'il conviendrait d'élargir cette formulation.
    Sixièmement et dernièrement, je suis heureux de constater que le Comité permanent des affaires étrangères a recommandé que le gouvernement invite les négociateurs à tenir compte de toutes les populations de réfugiés si l'on veut en arriver à une résolution juste et globale des conflits israélo-palestiniens et israélo-arabes. Je suis favorable à cette recommandation, mais je dois formuler des réserves à l'égard de la réponse du gouvernement selon laquelle cette prise en compte se ferait uniquement au cours des dernières étapes des négociations et non pas au cours des négociations avec les Palestiniens.
    Nous pensons que le principe selon lequel il y a deux populations de réfugiés est un élément central de la première étape des négociations de paix. Nous ne pourrons jamais obtenir la paix sans briser les chaînes de l'antisionisme qui entravent les réfugiés palestiniens. Nous essayons, pour y parvenir, de dénoncer le mythe qui veut qu'il y ait une seule population de réfugiés alors qu'en réalité, il y a deux populations de réfugiés. Nous dénonçons le mythe selon lequel Israël est une entreprise occidentale, impériale et coloniale, un mythe que semblent affectionner tout particulièrement les mollahs d'Iran, alors qu'en réalité, Israël est en grande partie peuplé de juifs du Proche-Orient, y compris d'Iran. Tant que les Palestiniens n'accepteront pas la réalité de la double victimisation, une véritable paix sera impossible.
    Je vais m'arrêter ici et nous allons attendre les questions. Merci.

  (1325)  

    Merci, monsieur Matas.
    Nous avons le temps, à mon avis, pour faire des tours de sept minutes, ce qui nous laissera un peu de temps à la fin. Je crois savoir que M. Cotler souhaite présenter une motion à la fin de la séance.
    Nous allons donc commencer avec M. Sweet.
    Merci, monsieur le président, et bienvenue à tous nos témoins.
    Je tiens simplement à exprimer ma grande inquiétude à l'égard de ce qui s'est produit récemment à Montréal. Vous savez sans doute très bien que nous avons eu un débat exploratoire à la Chambre il y a deux jours au sujet de l'antisémitisme et un grand nombre de mes collègues à la Chambre ont exprimé ces inquiétudes. Je voulais simplement les exprimer encore une fois.
    J'espère également que le message du Pourim et de l'histoire de la Bible dont vous avez parlé dans votre témoignage est semblable aux paroles qu'a prononcées Mardochée à un moment comme celui-ci. Je crois que j'aimerais commencer par vous demander si vous estimez que la situation en Iran vis-à-vis des droits de la personne — et je dirais les droits de la personne pour quiconque se trouve en Iran: les Iraniens moyens, les juifs, les Bahaïs, les Chrétiens — s'est améliorée avec le président Rouhani.
    Je pense que non. Il y a eu, je crois, un changement dans le discours, mais pas dans le comportement.
    La Rochefoucauld a dit que « l'hypocrisie est le tribut que le vice paie à la vertu », et je crois que nous entendons maintenant un langage différent, mais que nous constatons que les violations des droits de la personne se maintiennent au même niveau et qu'il n'y a pas de diminution réelle. Je vous ai fourni quelques exemples qui illustrent cette hypocrisie. Rouhani a annulé la conférence sur la négation de l'holocauste organisée par Ahmadinejad et il en a tenu une autre, la sienne, un an après.
    On constate le même procédé dans les négociations de paix entre Palestiniens et Israéliens. Il a déclaré qu'il accepterait ce que les Palestiniens accepteraient, mais il a ensuite dit qu'Israël était une vieille plaie qu'il faudrait exciser. De sorte qu'au lieu de parler clairement, il dit beaucoup de choses et leur contraire. Si vous prenez le nombre des personnes emprisonnées, des personnes exécutées, tous les problèmes que l'Iran pose à son opposition, y compris à la communauté juive, je ne pense pas que les choses aient changé. Il y a ces mandats d'arrestation Interpol qui ont été lancés en Argentine. Je ne pense pas que l'Iran soit disposé à collaborer à l'exécution de ces mandats d'arrestation.
    Je pense que le problème demeure entier. L'hypocrisie pose au départ, je suppose, un problème, parce qu'on se demande s'il dit la vérité? Nous devons lui donner un peu de temps pour examiner la situation, mais je crois que le régime de Rouhani dure depuis suffisamment de temps pour que nous puissions procéder à cette évaluation et lui demander d'assumer la responsabilité à l'égard des actes commis par le régime plutôt qu'à l'égard des paroles qu'il a prononcées.
    Oui, je crois que nous avons été promenés suffisamment sur ce plan.
    Il y a une étude qui a été faite, je crois, par le comité des affaires étrangères, au sujet de la population juive qui a été expulsée des pays arabes. Vous avez cité un chiffre qui concernait uniquement l'Iran, mais je me demande si le nombre total n'est pas d'environ 800 000. Est-ce bien exact?
    Je pense qu'il y en a 800 000 qui ont quitté des pays arabes. L'Iran, qui est un pays musulman, mais pas arabe, vient s'ajouter à tout cela. Si vous additionnez tous les chiffres arabes, cela représente 100 000 de plus; nous nous approchons du million. Ce sont des chiffres énormes.
    En réalité, la première guerre, celle de 1948, a entraîné le déplacement d'un plus grand nombre de juifs des pays arabes et de l'Iran qu'il y a eu de réfugiés palestiniens. Lorsque nous réfléchissons à ces négociations de paix, il ne faut jamais oublier la façon dont ces deux groupes de réfugiés ont été traités.

  (1330)  

    Quel effet ont eu les sanctions contre l'Iran au sujet des préoccupations au sujet des droits de la personne?
    Si vous prenez les statistiques générales, l'effet n'est pas positif; quelques cas particuliers ont progressé et les sanctions...
    Malheureusement, comme je l'ai dit, il y a toute une série de points que l'on pourrait aborder lorsqu'on examine les violations des droits de la personne en Iran. Le sujet qui est devenu prioritaire, ce qui est peut-être tout à fait compréhensible, est le la capacité de l'Iran de fabriquer des armes nucléaires.
    Je crois que les sanctions ont eu pour effet d'amener l'Iran à la table de négociation, et peut-être à freiner sa capacité de fabriquer des armes nucléaires. Mais jusqu'à un certain point, il y a eu un compromis de la part de la communauté internationale entre les droits de la personne et les armes nucléaires. La priorité a été cette capacité de fabrication et c'est pourquoi les pays n'ont pas été disposés à aggraver les sanctions ou de les relier directement aux droits de la personne. Ils les ont reliées plus directement au développement de la capacité de produire des armes nucléaires.
    Je dirais que les sanctions ont été utiles. Je note que M. Cotler a présenté un projet de loi d'origine parlementaire qui traite précisément de préparer des rapports relatifs aux sanctions, sur lequel j'aimerais attirer votre attention. Les sanctions ont été utiles, mais elles ne représentent qu'une arme dans l'arsenal qui permet de lutter contre les violations des droits de la personne. Je ne pense pas que nous puissions uniquement nous en remettre à elles.
    En fait, on peut dire que, jusqu'à un certain point, le régime iranien a pu se cacher derrière l'attention qu'a suscitée son programme nucléaire et qu'il a en fait augmenté le nombre des exécutions dans ses prisons pendant que tout ceci se passait. Malheureusement, un des problèmes que nous connaissons est que les médias occidentaux ne s'intéressent pas beaucoup à ces choses.
    Bien sûr, c'est un problème qui perdure. Il y avait un journaliste canadien, Kazemi, qui a été tué là-bas. Il est très difficile pour les journalistes de prendre connaissance de ces violations lorsqu'ils risquent personnellement leur vie pour le faire. Il est beaucoup plus facile d'examiner la situation en Israël, là où les médias sont libres, que ce ne l'est en Iran.
    Dans ce genre de situation, il faut se fonder sur l'information quelle que soit la façon dont nous l'obtenons et non pas simplement s'en remettre aux médias.
    Monsieur Benskin, allez-y.
    Merci.
    Bienvenue et merci pour vos témoignages. C'est un problème très grave et qui perdure.
    Monsieur Azoulay, vous avez parlé brièvement et en quelques instants de plusieurs milliers d'années d'histoire, un sujet qui est encore extrêmement émouvant de nos jours. Comme mon collègue, M. Sweet, l'a fait remarquer, nous avons eu, il y a deux jours, un débat exploratoire sur l'antisémitisme. Il est regrettable que dans ma ville d'origine, il y a eu un incident dans le secteur de Côte-Saint-Luc, le secteur de NDG; il s'agissait d'actes antisémites.
    C'est un problème dont les racines remontent très loin dans l'histoire et les problèmes de ce genre, comme nous avons pu le constater au cours de l'histoire, sont extrêmement difficiles à régler. En Iran, il y a encore une population d'environ 8 000 juifs.
    Tout d'abord, pour ma gouverne personnelle, ces personnes ont-elles décidé de demeurer en Iran parce qu'elles se sentent iraniennes et que leurs racines sont iraniennes ou parce qu'on les empêche de quitter le pays? Est-ce une interdiction de voyager qui les empêche de quitter le pays?
    Ils ne peuvent pas se rendre en Israël, parce qu'il y a des contrôles à la sortie de l'Iran et que les Iraniens ne les laisseraient pas partir. Ils pourraient se rendre dans un autre pays, et ensuite, de cet autre pays se rendre en Israël, mais ils doivent déguiser leur intention.
    La position officielle de l'Iran est qu'Israël n'existe pas. Le mot « Israël » n'est même pas utilisé. Les dirigeants parlent d'entité sioniste, même à l'ONU. J'ai assisté à un débat de l'ONU où les représentants iraniens parlaient constamment de l'entité sioniste et non pas d'Israël, et le président a dû leur rappeler qu'il fallait désigner ce pays par son nom exact. Pour eux, Israël n'existe pas et ils n'admettent pas les aspects qui pourraient entraîner la reconnaissance officielle d'Israël.
    Il reste même quelques juifs en Afghanistan. Les gens sont parfois tellement pris par... Bien sûr, nous avons vu la même chose avec l'holocauste, certains juifs restaient, même avec l'arrivée du nazisme. Certains juifs sont optimistes. Ils ont des liens communautaires, ils sont disposés à accepter certaines choses, mais il y a un prix à payer. Cela nous ramène à l'hypocrisie du régime. Si vous prenez la Constitution de l'Iran, vous verrez que les droits religieux des juifs sont protégés pour autant qu'ils soient disposés — et bien évidemment, la plus grande partie d'entre eux ne l'était pas — à dénoncer Israël, à rejeter le sionisme et alors, ils peuvent vivre tranquillement. C'est un choix qu'ils doivent faire dans un environnement coercitif. La plupart d'entre eux ont décidé de ne pas faire ce choix, mais une petite minorité d'entre eux sont restés là.
    Leur situation est difficile. Je me souviens, il y a quelques années encore, on en avait poursuivi quelques-uns parce qu'on les accusait d'espionner pour Israël. C'était de fausses accusations. On les poursuivait en fait parce qu'ils étaient favorables à Israël. J'ai essayé de me rendre en Iran pour assister au procès et j'ai demandé un visa au gouvernement iranien. Je n'ai jamais eu de réponse.
    La situation des juifs en Iran nous inquiète. Je pense que nous devons être inquiets au sujet d'Israël et de la diaspora. Nous devons également nous inquiéter du sort de ces 8 900 personnes qui sont dans une situation très difficile.

  (1335)  

    Merci.
    Nous avons parlé des sanctions et de leur efficacité éventuelle. Sur le plan diplomatique, il n'y a pas, à l'heure actuelle, de relations diplomatiques entre l'Iran et le Canada. Habituellement, lorsque nous avons des relations diplomatiques avec un pays, nous avons au moins accès à ce pays et accès à de l'information sur ce qui s'y passe. Comme vous l'avez dit et comme je l'ai entendu dire dans un témoignage précédent, ce qui se dit et ce qui se fait sont deux choses différentes.
    Par exemple, historiquement, nous avons le cas où il n'y avait pas de relations diplomatiques entre la Chine et les États-Unis pendant l'ère Nixon, mais il y avait des discussions secrètes entre Kissinger et diverses personnes pendant cette période.
    Pourriez-vous nous dire si vous pensez qu'il serait utile d'établir des réseaux diplomatiques avec l'Iran, pour au moins obtenir des renseignements plus exacts au sujet de tout ce qui se passe avec les minorités religieuses et ethniques en Iran?
    Premièrement, je demande au président de bien vouloir m'excuser. Je ne me suis pas correctement présenté au début, mais je suis un avocat d'immigration à Winnipeg. Je suis particulièrement sensible au fait qu'il n'y a pas d'ambassade à Téhéran, parce que cela veut dire qu'il n'y a pas non plus de bureau des visas à Téhéran. Les réfugiés afghans qui se trouvaient en Iran — et il y en a beaucoup — doivent maintenant s'adresser au bureau des visas canadien d'Ankara en Turquie. Il y a également le fait que les réfugiés afghans en Iran ne peuvent se rendre en Turquie, ce qui leur pose un problème très concret.
    Lorsque vous parlez de sanctions ou de relations diplomatiques, ce sont là des choses qui ne concernent pas uniquement le Canada. Si le Canada imposait seul des sanctions, elles n'auraient pas beaucoup d'effet; et si le Canada était le seul pays à traiter avec l'Iran, cela n'aurait pas beaucoup d'effet non plus. Le Canada n'est pas à lui seul un acteur particulièrement important sur les plans politiques, économiques ou militaires, en ce qui concerne l'Iran. Nos initiatives doivent être axées sur la collaboration.
    L'Iran fait, à l'heure actuelle, l'objet de sanctions mondiales et c'est la raison pour laquelle ces sanctions ont un effet; elles ont des conséquences. Il n'y a pas que le Canada qui les impose. Je ne pense pas que le Canada devrait prendre des initiatives individuelles. Je pense que le Canada devrait collaborer avec les autres pays, tout comme pour la question des relations diplomatiques. La question des relations diplomatiques est quelque peu délicate, parce que c'est nous qui avons rompu les relations diplomatiques lorsque, selon la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme, nous avons inscrit l'Iran sur la liste des États terroristes et les gardiens de la révolution iranienne sur celle des entités terroristes.
    Une partie du discours sur l'Iran subit un effet miroir déformant. Nous les accusons de violations des droits de la personne; ils nous accusent de violations des droits de la personne. Bien évidemment, cela ne se compare absolument pas, mais avec leur discours faussé, c'est comme cela qu'ils voient les choses. Je crois que cette situation inquiète notre gouvernement. Si nous adoptons des lois qui permettent de les poursuivre au Canada, ils vont simplement saisir nos biens en Iran, en adoptant ce même genre de conduite perverse réciproque.
    Cela me paraît très logique. Je sais que nos agences militaires et de sécurité ont parfois des moyens de communication détournés avec des personnes avec lesquelles nous n'avons aucun contact officiel. En tant que personne de l'extérieur et de membre d'une ONG, je ne peux pas en dire beaucoup plus à ce sujet. Mais je dirais que la politique officielle du gouvernement, qui est axée sur des sanctions et une absence de relations diplomatiques, même si cela crée une situation très difficile, notamment pour certains de mes clients, me paraît quand même logique.

  (1340)  

    Merci, monsieur Matas.
    Madame Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins pour le témoignage qu'ils ont livré au sous-comité cet après-midi et pour leur engagement dans cette lutte contre l'injustice, les abus des droits de l'homme et l'antisémitisme.
    Dans une région du monde qui a un dossier troublant en matière de libertés publiques et de droits de la personne — en particulier pour les femmes, les filles et les minorités — l'Iran occupe une place particulièrement marquante. Selon un rapport récent préparé par Ahmed Shaheed, rapporteur spécial de l'ONU, il y a au moins 895 prisonniers de conscience et de prisonniers politiques en Iran. Cela comprend des militants politiques, des membres de minorités religieuses, des activistes civils, des étudiants, des journalistes et d'autres dirigeants de la société civile. Les prisonniers politiques subissent très fréquemment de mauvais traitements, tant physiques que mentaux. D'après certains groupes de défense des droits de la personne, les autorités iraniennes exécutent, en moyenne, plus de deux personnes par jour. Il est évident que le Canada doit continuer à s'opposer à ces violations.
    Vous avez déclaré, M. Matas, que Hassan Rouhani n'avait eu aucun effet positif sur la situation et ne marquait pas un progrès par rapport à Ahmadinejad. Les répercussions de l'attitude de l'Iran face aux droits de la personne se font sentir au-delà de ses frontières. L'ISIL, Al-Qaïda, le Hezbollah et le Hamas font partie des groupes terroristes très dangereux et ils dépendent tous de l'appui de pays comme l'Iran.
    Il y a eu, je crois, certains désaccords entre l'Iran et le Hamas et le soutien que l'Iran lui accordait a été réduit. Cela dit, l'Iran a-t-il fourni un appui au Hamas dans sa récente guerre contre Israël, et si c'est le cas, quelle forme a-t-il pris?
    L'Iran se sert du Hamas pour son objectif anti-Israël. L'Iran est chiite et le Hamas est sunnite, de sorte que cela crée un fossé entre les deux.
    Le Hamas a souffert de la dernière guerre. Une bonne partie de l'infrastructure a été détruite. L'Iran lui fournit des armes et l'incite à agir. Israël intercepte de temps en temps des envois d'armes en provenance de l'Iran et destinées au Hamas.
    Le Hamas a quelque peu reculé récemment, parce qu'il ne veut pas déclencher à nouveau ce qu'il vient de subir, mais l'Iran n'est pas favorable à ce repli. L'Iran souhaite que le Hamas continue à attaquer Israël, de sorte qu'il y a un désaccord entre eux sur ce point.
    Ce genre de désaccord est loin de me donner un sentiment de satisfaction à l'égard de l'Iran, c'est tout le contraire. Cela en dit long au sujet de l'Iran. Si vous lisez la Charte du Hamas, vous verrez qu'il n'est pas possible d'imaginer un document qui soit davantage antijuif et anti-Israël, mais cela ne suffit pas à l'Iran. Il veut davantage. Je crois que cela vous donne une idée de l'ampleur du problème auquel nous faisons face avec l'Iran.

  (1345)  

    Je vois.
    Quelqu'un veut-il intervenir?
    Vous avez dit qu'il y avait environ deux personnes qui mourraient chaque jour en Iran. Si vous faites le calcul, cela veut dire qu'il y a 730 personnes qui meurent chaque année.
    J'ai un ami à Toronto qui a assisté à une de ces morts. Il est important que nous prenions ces mesures.
    En Iran, la discrimination qu'exerce le gouvernement contre les juifs est généralisée et crée une atmosphère menaçante pour les quelque 20 000 à 25 000 membres de la communauté juive de ce pays. Au cours des dernières années, des chefs religieux et politiques importants ont fait des déclarations publiques dans lesquelles ils niaient l'holocauste et demandaient la suppression de l'État d'Israël. L'antisémitisme s'est-il aggravé et pourquoi vise-t-on les juifs?
    Les chiffres ont lentement diminué au cours des années. En 1948, il y avait divers chiffres; nous n'avons pas de recensement officiel, mais le meilleur chiffre est probablement celui qui a été donné par l'Agence juive, qui avait un bureau à Téhéran à l'époque et qui disait qu'il y en avait entre 100 000 et 120 000. À un moment donné, ce chiffre est passé à 25 000, qui est celui que vous avez mentionné.
    Il y a eu un recensement en 2011 et je crois que le chiffre était 8 956, un chiffre très précis. Ce chiffre est peut-être inférieur à la réalité parce qu'il y a des gens qui ne veulent pas s'identifier comme étant Juif, mais c'est peut-être le meilleur chiffre dont nous disposions à l'heure actuelle, et cela remonte à quatre ans, il est donc sans doute un peu plus faible aujourd'hui.
    Il y a l'antisémitisme, mais celui-ci se fond dans l'antisionisme. Si vous êtes disposé à dénoncer Israël et le sionisme, alors on va sans doute vous laisser tranquille ou vous ferez peut-être l'objet de soupçons, mais cela n'ira pas plus loin.
    L'antisionisme s'est aggravé avec la création de l'État d'Israël. Il y avait quelques problèmes d'antisémitisme en Iran avant la création de l'État d'Israël, tout simplement à cause de l'influence générale de l'idéologie nazie, qui s'est répandue dans tous les pays, y compris au Proche-Orient. Il est simplement devenu plus virulent après l'avènement de l'État d'Israël. Il est passé par certaines étapes. Il y a eu un problème en 1948, et il y a eu le gouvernement Mossadegh qui était antisémite. Il a été remplacé par le Shah d'Iran dont le régime n'était pas antisémite. L'exode s'est à peu près arrêté à ce moment. Entre 1948 et l'arrivée au pouvoir du Shah, environ 70 000 personnes avaient quitté le pays avant son arrivée au pouvoir et après quoi, l'exode a cessé parce qu'il n'était pas anti-Israël; il traitait correctement la population juive et les gens sont restés, ce qui me paraît être également une indication de ce qui se passe dans ce pays.
    En 1979, il a disparu. Pendant son règne, il y avait environ 80 000 juifs. Après 1979, ce chiffre est passé de 80 000 à environ 9 000 actuellement, parce que ce régime — même le régime de Mossadegh était mauvais, mais certainement pas aussi mauvais que le régime actuel. L'antisémitisme et l'antisionisme ne sont pas un simple aspect du régime, je considère que ce sont là des points centraux de son idéologie de base. C'est la raison pour laquelle le régime est en place. C'est ce qu'il est. Il y a bien sûr d'autres aspects...
    Je suis désolé, mais je vais devoir intervenir sinon les autres n'auront pas la possibilité de poser des questions. Vous avez dépassé votre temps de parole de deux minutes encore une fois. Je suis désolé, mais si vous le souhaitez, vous pourrez peut-être revenir sur ce sujet avec la prochaine question.
    Monsieur Cotler, je crois savoir que vous aimeriez que nous examinions une motion. Pouvez-vous être très bref?

  (1350)  

    Oui. Avant de poser mes questions, j'aimerais parler maintenant de ma motion. J'aimerais faire une déclaration prévue à l'article 31 du Règlement et je ne pourrais peut-être même pas entendre les réponses à mes questions, parce qu'on vient de me dire que je devais me rendre à la Chambre.
    Vous avez une motion qui concerne le blogueur saoudien emprisonné, Raif Badawi. J'ai parlé aux représentants des partis. Je pense qu'ils sont tous d'accord.
    Je souscris à la recommandation que m'a transmise M. Sweet, à savoir de modifier le dernier paragraphe qui énonce « demande au gouvernement du Canada d'utiliser tous les moyens à sa disposition » pour le remplacer par « continue à utiliser tous les moyens ». Je n'ai pas de problème avec cela.
    Est-ce que tout le monde accepte cette modification?
     (L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal]).
    Le vice-président (M. Wayne Marston): Y a-t-il un consensus sur la motion présentée?
    (La motion telle que modifiée est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Le vice-président (M. Wayne Marston): Posez vos questions.
    Je comprends cela à cause de la situation urgente dans laquelle se trouve M. Badawi.
    Je vais maintenant poser mes questions. Je vous demande de m'excuser si je dois quitter la salle avant d'entendre les réponses parce que je dois prendre la parole devant la Chambre.
    Mon collègue, David Sweet, si je peux commencer ainsi, vient de faire allusion au débat de quatre heures qui a eu lieu devant la Chambre au sujet de l'antisémitisme. Je tiens à féliciter mes collègues de tous les partis qui ont participé à ce débat et je mentionnerai simplement qu'hier, la Chambre a adopté à l'unanimité une résolution qui condamne la montée inquiétante de l'antisémitisme et qui demande au gouvernement de faire de la lutte contre l'antisémitisme une priorité nationale et internationale. Cette résolution est, je crois, la première qui ait été adoptée par un Parlement et qui soit aussi claire et précise sur ce point. Le fait qu'elle ait été adoptée à l'unanimité appelle également réflexion.
     J'en viens à ma question, M. Matas, vous avez parlé de la formulation de la résolution présentée à l'Assemblée générale des Nations unies et vous avez dit qu'il faudrait la renforcer pour qu'elle fasse référence aux actes d'incitation de l'Iran. Comme vous le savez, le XXIe siècle a commencé avec le chef suprême Khomeini qui a affirmé que le conflit israélo-arabe ne pourra jamais être réglé si l'État juif n'était pas détruit. Plus récemment, ces discours ont continué à faire référence à la nécessité d'exciser Israël parce que c'est une « tumeur cancéreuse » au Proche-Orient. Ahmadinejad n'est plus là, mais ce genre de discours ne s'est pas nécessairement atténué.
    Voici ma première question — et j'en poserai une seconde à l'un d'entre vous et vous pourrez y répondre tous les deux — j'aimerais savoir s'il existe des recours juridiques pour sanctionner les dirigeants de l'Iran pour cette incitation, approuvée par l'État, à la haine et au génocide, ce qui, peut-on soutenir, constitue une violation de l'interdiction de l'incitation au génocide dans la convention sur ce sujet. C'est ma première question.
    Ma seconde question concerne le fait que demain est le jour d'action mondiale pour la campagne l'Éducation n'est pas un crime pour faire connaître une réalité douloureuse, à savoir que l'éducation est un crime pour la communauté bahaïe, dont les membres sont traités comme des non-citoyens en Iran et constituent aujourd'hui la minorité la plus importante et la plus persécutée en Iran. Je sais que c'est là un autre de vos sujets de préoccupation. Je voulais vous inviter à intervenir sur ce point, si vous le souhaitez, puisque c'est un autre symbole de la répression iranienne des droits de la personne et de la liberté religieuse.
    Pour ce qui est des recours juridiques, bien évidemment, il n'y a pas de recours juridiques en Iran. Pour ce qui est des recours internationaux devant la Cour internationale de justice ou la Cour pénale internationale, un recours pourrait être exercé devant la Cour internationale de justice en invoquant la convention sur le génocide si un État souhaitait traduire l'Iran devant la Cour internationale de justice aux termes de la convention sur le génocide.
    L'Iran n'est pas un État parti à la Cour pénale internationale.
    Pour ce qui est du Canada, il pourrait s'attribuer une compétence universelle, mais il faudrait adopter une loi en ce sens. À l'heure actuelle, nous avons des dispositions prévoyant une compétence universelle, comme je l'ai déjà mentionné, aux termes de la Loi visant à décourager les actes de terrorisme contre le Canada et les Canadiens, qui vise uniquement le terrorisme. Elle pourrait viser l'incitation au terrorisme, qui est une des infractions, et c'est un recours civil.
    Nous avons des recours internationaux associés à une compétence pénale universelle qui comprend le génocide et l'incitation au génocide. Il faut obtenir le consentement du procureur général et la présence d'une des parties. Il faut que quelqu'un soit effectivement au Canada ou qu'il y ait une victime canadienne. Je dirais qu'il existe des victimes canadiennes de cette incitation au terrorisme et nous pourrions donc demander au procureur général qu'il consente à intenter des poursuites pour incitation au terrorisme.
    Je pense qu'une chose qui serait utile consisterait simplement à... Il y a déjà assez de mandats d'arrestation internationaux qui ont été délivrés par l'intermédiaire d'Interpol pour un certain nombre de dirigeants iraniens à cause de l'attentat à la bombe contre l'AMIA. Nous devrions insister pour que ces personnes soient extradées et fassent l'objet de poursuites, non pas au Canada, mais en Argentine. Je pense qu'il serait utile que ces recours juridiques internationaux soient exercés.
    Pour ce qui est de votre seconde question au sujet des Bahaïs, il faut se demander pourquoi le régime est antisémite, pourquoi il est antisioniste. Dans une certaine mesure, il l'est pour les mêmes raisons qu'il est anti-Bahaï. Il se sert de cette haine pour obtenir le pouvoir et le conserver. Soulever la haine contre d'autres groupes est une façon d'obtenir des appuis.
    Je dirais que c'est une tactique totalitaire bien connue. Ces personnes ne pouvaient se faire élire, alors elles doivent justifier leur pouvoir d'une façon ou d'une autre et c'est la façon dont elles le font en disant nous sommes l'ennemi des juifs, nous sommes l'ennemi des Bahaïs, nous sommes les gardiens de la foi de l'islam ou du chiisme. Je vois là un lien idéologique.
    Il me paraît toujours utile, lorsqu'on étudie ces auteurs de violation des droits, d'examiner l'idéologie sur laquelle repose leur haine. En Iran, cette base idéologique relie leur/son orientation antibahaisme et antisémite.

  (1355)  

    Merci, monsieur Matas.
    Je vais demander au comité d'examiner mes notes, mais je dois partir.
    Merci, monsieur Cotler.
    Monsieur Hillyer.
    Avant de passer aux questions, M. Sweet et moi avons pensé qu'il serait peut-être bon de se demander ce qu'est exactement un prisonnier politique. Il y a beaucoup de prisonniers politiques et ce sont là simplement des mots. Il ne faut pas grand-chose pour devenir un prisonnier politique, n'est-ce pas? Quelles sont les personnes que l'on jette en prison parce que ce sont des prisonniers politiques?
    Je sais qu'Amnistie Internationale a défini l'expression « prisonnier d'opinion» qui est une personne détenue uniquement pour ses croyances et non pas pour des actes de violence. Je pense que cela est assez simple.
    Vous parlez de la définition de l'ONU. Que faut-il faire pour que ce régime vous en veuille suffisamment pour vous mettre en prison, non pas seulement pour vos pensées ou votre conscience?
    Encore une fois, c'est une notion que l'on retrouve dans la convention sur les réfugiés.
    Un prisonnier politique n'est pas une personne qui a une opinion politique. Il arrive qu'un prisonnier politique n'ait aucune opinion ou qu'il soit même favorable au régime. Mais si le régime pense ou estime qu'il est un ennemi, il le met en prison à cause de cela, peu importe qui il est, et il devient un prisonnier politique.
    Merci.
    Je me demande également si vous pourriez m'expliquer certains termes. Premièrement, pour les antisionistes, le « sionisme » ou le fait d'être un « sioniste » est une insulte ou un terme de mépris. En quoi le sionisme est-il différent du fait d'être juif ou en quoi l'antisionisme est différent de l'antisémitisme, et y a-t-il une différence entre être un sioniste et être favorable à Israël?
    Pourquoi ne pas demander à quelqu'un de commencer cette discussion?
    C'est un phénomène intéressant.
    L'antisémitisme dans le sens classique a vu son sens évoluer au cours des années. À l'époque de l'Allemagne nazie, les gens pouvaient crier dans la rue « Nous haïssons les juifs ». À l'époque moderne, cela ne se voit plus.
    Dans notre pays, sur les campus universitaires canadiens, dont un bon nombre sont hostiles aux étudiants juifs, l'idée est que, même s'il s'agit simplement d'une expression politique, cela constitue, bien évidemment, de la discrimination. L'immense majorité des juifs et tous les adeptes du judaïsme majoritaire se considèrent comme des sionistes. C'est un lien historique. C'est un lien religieux. Les juifs prient tous les jours pour Sion et Jérusalem. C'est une partie essentielle de leurs croyances. C'est ainsi que les choses ont quelque peu évolué. Il y a eu des résolutions sur le sionisme aux Nations unies. Mais c'est essentiellement ce qui s'est produit — un renversement — de sorte que c'est maintenant une attaque contre Israël. Ils disent « Eh bien, nous n'aimons pas la politique d'Israël », mais le mensonge derrière cette affirmation est que, lorsqu'ils disent « Eh bien, vous êtes juifs, donc vous êtes évidemment favorable à Israël, c'est pourquoi, je vais faire de la discrimination à votre endroit parce que je pense que vous avez ces opinions », cela est clair et c'est pourquoi c'est essentiellement la même chose. Il s'agit d'antisémitisme et de haine des juifs. C'est simplement une façon plus polie de le dire dans la société d'aujourd'hui.

  (1400)  

    Je pourrais peut-être fournir une distinction juridique.
    L'antisémitisme est un ensemble de violation des droits de la personne, une grande variété de types de discrimination contre la communauté juive. L'antisionisme est le rejet d'un droit juif particulier, le droit à l'autodétermination des peuples.
    Il y a une différence entre être antisionisme et anti-Israël. Disons que vous haïssiez la façon dont les chemins sont asphaltés en Israël, et que vous critiquiez Israël, ce n'est pas de l'antisionisme. L'antisionisme touche l'existence même de l'État d'Israël plutôt que son comportement.
    D'accord.
    La politique officielle du régime iranien n'est pas antisémite, mais antisioniste. Est-ce bien exact?
    Je dirais que l'antisionisme est une forme d'antisémitisme. C'est une forme très particulière.
    Je dirais — mais bien entendu ce qu'a dit Michael est vrai aussi — que, lorsque vous êtes juif, vous êtes soupçonné d'être sioniste de sorte que les antisionistes commettent toutes sortes de violations contre les juifs parce qu'ils les soupçonnent d'être antisionistes, ils sont perçus comme antisionistes complices des crimes du sionisme, que cela soit vrai ou pas.
    De plus, les actes commis par l'État iranien, par exemple, lorsqu'il fait assassiner des juifs à l'étranger par des terroristes télécommandés, sont également des actes contre l'entité sioniste. Ce sont des innocents. Que ce soit des juifs ou des non-juifs qui sont assassinés, c'est la mise en oeuvre du discours de ce régime.
    Merci, monsieur Hillyer.
    Pour poursuivre la séance, nous allons devoir obtenir la permission du comité. M. Benskin a le droit de poser une autre question puisque je préside la séance.
    Vous passez votre tour? Très bien.
    Voilà qui termine —oui?
    Juste une remarque qu'a essayé de faire M. Hillyer. J'aimerais beaucoup que vous m'accordiez une minute.
    Il y a une question qui a quelque peu dérapé.
    Je voulais que figure au compte rendu, messieurs, qu'il n'est pas nécessaire... vous devez énormément limiter vos activités en Iran, si vous ne voulez pas aller en prison.
    Le seul fait d'être un Bahaï, d'aimer les gens et de dire aux gens que vous êtes Bahaï peut vous faire jeter en prison en Iran. Le seul fait d'être juif peut vous faire envoyer en prison en Iran. Le seul fait de faire une inscription dans un blogue qui ne correspond pas tout à fait à ce que croit ce régime... J'essaie de dire en fait que nous en parlons toujours comme des prisonniers politiques, mais les personnes qui sont emprisonnées et torturées en Iran n'ont bien souvent pas fait grand-chose. Le pasteur Abedini, par exemple, que je défends depuis des années, était simplement un pasteur qui prêchait dans des maisons privées et il est en prison depuis 2012.
    C'est ce qu'ils voulaient faire remarquer et je me demande si vous souscrivez à cette analyse?
    Oui, tout à fait. Jusqu'à un certain point, cela touche un commentaire qui vient d'être fait. Lorsque nous parlons de prisonniers politiques, ils ne sont pas politiques dans le vrai sens du mot; ils sont simplement considérés comme des politiques par le régime.
    Pour faire un dernier commentaire, je dirais simplement que je suis heureux que le comité nous ait donné cette possibilité et que l'Iran ait été placé à l'ordre du jour, mais j'encouragerais le comité à préparer également un rapport sur ce sujet. La situation en Iran soulève un certain nombre de questions factuelles et de politiques juridiques et je pense qu'il serait bon pour nous tous d'avoir les sages recommandations de votre comité sur cette question.
    Nous sommes sur le point de lever la séance et je remercie ces messieurs d'être venus.
    Je constate que le nom Mostyn est très proche du nom « Marston » lorsqu'on le prononce.
    Des voix: Oh, oh!
    Le vice-président (M. Wayne Marston): Je vais être obligé d'examiner mon propre historique très rapidement.
    Quoi qu'il en soit, je vous remercie pour vos témoignages.
    J'ai vu du coin de l'oeil que notre analyste avait pris note de votre demande à la fin de la réunion, de sorte que je suis sûr que nous allons en parler.
    La séance est levée.
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