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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 049 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 9 décembre 2014

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Français]

    Nous sommes le 9 décembre 2014. Je vous souhaite la bienvenue à la 49e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Traduction]

    Chers collègues, la séance d'aujourd'hui est télévisée, et nous poursuivons notre étude sur la situation des droits de la personne au Honduras.
    Aujourd'hui, nous recevons, à partir de Washington D.C., Alexander Main, qui est associé principal au Center for Economic and Policy Research.
    Monsieur Main, soyez le bienvenu au Sous-comité des droits de la personne. Vous pouvez commencer votre témoignage, si vous le voulez bien. Quand vous aurez terminé, nous passerons à la période des questions et réponses. La durée des interventions dépendra essentiellement du temps qu'il nous restera durant cette séance d'une heure.
    Cela dit, je vous invite à prendre la parole.

[Français]

    Je suis très heureux de me joindre à vous aujourd'hui.

[Traduction]

    Je vais continuer en anglais, et je serai bref.
    En ma qualité d’analyste au Center for Economic and Policy Research, je m’intéresse essentiellement à l’évolution politique, économique et sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes. Depuis cinq ans, je surveille de près l’évolution au Honduras et je suis fréquemment en communication avec des défenseurs des droits de la personne, des universitaires, des journalistes et des fonctionnaires de ce pays.
    Comme vous le savez bien, le 28 juin 2009, un coup d’État a chassé du pouvoir le président José Manuel Zelaya, qui avait été élu démocratiquement. Une vague de répression à grande échelle s’ensuit, les médias ferment ou sont censurés, et la crise politique s’installe. Les groupes d’opposition boycottent les élections organisées par le gouvernement de Roberto Micheletti mis en place après le coup, fin 2009, dont la légitimité n’est reconnue que par quelques-uns des pays de la région, notamment les États-Unis et le Canada.
    Le Honduras est en proie depuis longtemps aux fléaux que sont la pauvreté, une forte criminalité et des institutions civiles défaillantes. Le coup d’État de 2009 a considérablement aggravé ces problèmes et déclenché une répression sévère dans d’autres domaines. Après le coup, la légitimité démocratique du gouvernement du Honduras s’est vue gravement compromise. Les assassinats, les violences et les menaces contre des groupes ciblés se sont multipliés, l’impunité a atteint des niveaux records et l’application de la loi s’est militarisée.
    En novembre 2013, ont eu lieu de nouvelles élections. Cette fois, les partis d’opposition y ont également participé. L’Union européenne et l’Organisation des États américains ont envoyé des représentants pour surveiller les élections, et les groupes de défense des droits de la personne ont exprimé l’espoir que les élections permettent au pays de commencer à tourner la page sur le coup d’État et ses difficiles séquelles. Cet espoir s’est envolé devant les violences politiques et les rumeurs d’irrégularités et de fraudes.
    Je me concentrerai aujourd’hui sur les 12 mois écoulés depuis les élections. Je vous dirai si, à mon avis, la situation du pays au chapitre des droits de la personne et du respect de la démocratie a commencé à s’améliorer avec le gouvernement de Juan Orlando Hernández, dont la victoire aux élections de 2013 est contestée.
    Tout d'abord, j'aimerais parler de la question des groupes ciblés et des individus dont les droits de la personne ont été brimés. Comme vous le savez tous, depuis plusieurs années déjà, le Honduras est tristement célèbre pour son classement au palmarès mondial des meurtres, où il arrive premier. On prête moins attention aux victimes de ces assassinats, agressions et menaces, qui s'en prennent à des intérêts puissants. Même si la police et la justice sont promptes à conclure que ces incidents sont le fait de groupes armés et de truands, leur fréquence et les preuves anecdotiques et circonstancielles montrent que les victimes sont souvent ciblées en raison de leur travail: journalistes, défenseurs des droits de la personne, avocats et autres travailleurs du secteur judiciaire, groupes de défense des droits des paysans et opposants politiques.
    Au début de décembre 2014, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a annoncé que 46 journalistes avaient été assassinés entre 2009 et 2013 au Honduras contre 3 au cours des 6 années précédentes.
    Après une accalmie survenue en 2013, le nombre d’homicides de journalistes a malheureusement accéléré de façon considérable, puisqu’il y en a eu 8 au cours des 12 derniers mois, notamment ceux du principal correspondant d’une émission de nouvelles télévisée, d’un présentateur de télévision qui avait fait enquête sur la corruption locale et de l’animateur d’une émission radiophonique de satire politique. Plusieurs autres journalistes ont reçu des menaces de mort.
    La situation des défenseurs des droits de l’homme s’est également détériorée. L’ONG hondurienne de défense des droits de la personne, ACI-Participa, a signalé fin septembre qu’au moins cinq d’entre eux avaient été assassinés entre le 1er janvier et le 17 septembre. Les victimes appuyaient pour la plupart des collectivités opposées à de grands projets privés, comme des barrages hydroélectriques, des projets miniers, des projets d’exploitation forestière ou de grands projets agricoles qui menaçaient de déplacer ces communautés ou d’endommager leurs habitats.
    De nombreux défenseurs des droits de la personne ont été attaqués ces derniers mois. Par exemple, le 22 août, des hommes armés ont arrêté la voiture où se trouvaient Wilfredo Méndez, directeur du CIPRODEH, et ses collègues, et les ont menacés de leurs armes. De la même façon, un membre du personnel du COFADEH, un groupe de défense des droits de la personne, a été kidnappé le 4 juin et détenu pendant plusieurs heures, frappé au visage avec la crosse d’une carabine et poignardé à plusieurs reprises avec un crayon. De nombreux autres incidents du même ordre se sont produits au cours de 2014.
    Les violences contre des avocats et d'autres travailleurs du secteur de la justice se répètent à un rythme constant. Au début de l’année, l’Association des juges pour la démocratie a estimé que 67 avocats avaient été assassinés entre 2010 et 2013. Depuis le début de l’année, au moins huit autres ont été tués, dont un juge et un avocat lors d’incidents distincts le 14 mars, et un juge de la paix, à qui l’on a tendu une embuscade pour l’abattre sur sa moto le 23 juin.
    Parmi les autres groupes qui ont fait l’objet d’attaques de manière disproportionnée, mentionnons les groupes de défense des paysans, les dirigeants des communautés indigènes et afro-honduriennes, ainsi que les militants de partis politiques.
    Il convient de souligner deux aspects de ces attaques ciblées. Premièrement, dans la plupart des cas, les forces de sécurité de l'État sont soupçonnées d'avoir joué un rôle dans les attaques; deuxièmement, la vaste majorité des cas sont caractérisés par l'impunité. C'est sur ce deuxième point que j'aimerais m'attarder un peu.
    L’impunité entourant les violations des droits de la personne, qu’elles aient été commises par des organismes étatiques ou des intérêts privés, est étonnamment répandue; selon les estimations, le taux d'impunité se situe entre 95 et 98 %. Et rien n’indique que la situation se soit véritablement améliorée sous le gouvernement de Juan Orlando Hernandez.
    Depuis quelques années, de rares cas d’homicides emblématiques, notamment l’exécution de quatre membres de la communauté LGBTI et de deux journalistes, ont donné lieu à des poursuites, mais l’immense majorité des exécutions et des agressions de membres des groupes ciblés demeurent impunies.
    La question à se poser est de savoir si le gouvernement hondurien applique des mesures qui peuvent améliorer la situation. Les politiques gouvernementales vont-elles dans ce sens, ou dans le sens contraire? Examinons rapidement les mesures prises par le gouvernement au cours des 12 derniers mois.
    Le gouvernement prétend avoir accompli d'énormes progrès dans l’éradication de la corruption et du crime organisé dans les rangs de la police et de la justice, mais, dans les deux cas, des groupes indépendants ont exprimé leur consternation devant la nature arbitraire et superficielle de ces processus.
    Le 22 septembre, le chef de police Ramon Sabillon a déclaré qu'environ 1 400 agents de police avaient été limogés depuis 2012, apparemment pour avoir échoué aux tests de fiabilité. Or, l’Alliance pour la paix et la justice, une ONG hondurienne, a fait valoir que bien des agents limogés avaient réussi les tests en question et que peu de hauts gradés avaient été licenciés. D’autres organismes, comme le COFADEH, ont indiqué que les hauts gradés qui ont été licenciés ont été remplacés par des agents qui auraient participé à des violations des droits de la personne.
    Le nouveau conseil judiciaire a effectué une purge du même ordre puisqu’il a suspendu 66 juristes en juillet 2014. Mais l’Association des juges pour la démocratie, organe de surveillance du système judiciaire, a contesté bon nombre de ces licenciements pour des motifs juridiques et de procédure, et elle a qualifié la purge de non transparente et d'arbitraire.
    Le gouvernement prétend avoir... pardon, j'aimerais d'abord parler brièvement de la question des mesures de précaution.
    Depuis le coup d'État de 2009, la Commission interaméricaine des droits de l'homme réclame la mise en place d'un nombre toujours croissant de mesures de précaution pour les défenseurs des droits de la personne, les journalistes, les travailleurs du secteur de la justice, etc. Dans son dernier rapport sur le Honduras, la commission a noté de graves lacunes et un manque d'efficacité total ou partiel dans la mise en oeuvre de ces mesures par l'État.
    Je sais que le comité s'intéresse au processus électoral. Nombreux sont les Honduriens qui estiment que le système favorise le parti au pouvoir. De fait, le système électoral se caractérise par d’importantes failles, décrites par la National Lawyers Guild et d’autres groupes, failles qui contribuent pour le moins à un processus électoral faussé et gravement vicié.
    L'autorité électorale du pays, appelée Tribunal Supremo Electoral, ne peut être considérée comme impartiale. À preuve, la majorité de ses magistrats nommés sont des fonctionnaires élus ou des représentants de partis politiques. Par ailleurs, la pratique consistant à vendre des bulletins d’électeurs dans le cadre des élections est un autre grave problème, car cela peut faciliter la fraude électorale. On a également signalé l'achat indirect de votes. En effet, cette pratique a été utilisée de façon généralisée lors des dernières élections, sous forme de cartes de rabais distribuées aux électeurs situés à l’extérieur des centres de vote. Sachez aussi que, peu avant les élections, un nombre important de candidats et de militants de partis politiques ont été tués en toute impunité, ce qui a créé un climat de terreur qui a miné la campagne électorale et le vote.

  (1310)  

    Enfin, j'aimerais aborder la question de la militarisation.
    Le coup d’État de 2009 a marqué la fin de près de 20 ans de démilitarisation progressive des forces de police, après la transition qui a suivi la dictature militaire des années 1980. Or, sous le gouvernement de Porfirio Lobo, l'armée a commencé à remplir des fonctions policières permanentes.
    Juan Orlando Hernandez a renforcé cette remilitarisation quand, quelques mois avant les élections de novembre, il a imposé au Congrès un projet de loi prévoyant une force policière militaire et qu’il a bâti sa campagne présidentielle sur la promesse de poster un soldat à chaque coin de rue. Aujourd'hui, il appuie une réforme constitutionnelle qui intégrerait la police militaire dans la Constitution comme segment des forces armées nationales.
    La police militaire pour l'ordre public a déjà été accusée de graves crimes contre les droits de la personne. Par exemple, au printemps de l'an dernier, des membres de la police militaire ont attaqué José Guadalupe Ruelas, défenseur bien connu des droits des enfants qui travaille au sein de l'organisation Casa Alianza. Il a été battu au visage, sur la tête, dans les côtes et sur les jambes; il a ensuite été traîné à plat ventre et a reçu des coups de pied. Le 21 novembre, une jeune femme qui attendait l’autobus aurait été kidnappée par des agents de police militaire et violée par huit d'entre eux. Personne encore n’a été appréhendé pour ce crime, bien que la femme ait immédiatement alerté les médias et déposé un rapport auprès de la police régulière.
    Il est important de souligner que les forces militaires conventionnelles sont de plus en plus chargées de tâches qui relèvent de l’État et qui incombent normalement à des civils, comme les activités en matière d'éducation.
    En bref, la situation du Honduras sur le plan des droits de la personne demeure aussi précaire qu’avant et les attaques contre les membres de secteurs à risque, notamment les défenseurs des droits de la personne et les journalistes, se sont multipliées dernièrement. Et tout cela dans la plus totale impunité.
    La réponse du gouvernement depuis 12 mois est tout à fait lacunaire et, à certains égards, contraire à l’objectif. Les mécanismes par lesquels le gouvernement prétend cibler la corruption et la criminalité au sein des forces de sécurité et de l’organe judiciaire sont arbitraires et inefficaces. Une véritable réforme de la police semble être tombée aux oubliettes, après la dissolution de la commission des réformes dont les propositions ont été systématiquement boudées, malgré l’appui des défenseurs des droits de la personne.
    Les plans du gouvernement de militariser davantage les activités d’application de la loi, et de faire intervenir l’armée dans des secteurs traditionnellement civils, notamment les activités parascolaires parrainées par l’État, révèlent une tendance alarmante qui ne fera qu’éroder encore plus les droits de la personne et la démocratie au Honduras.
    Finalement, par son comportement depuis 12 mois, le gouvernement montre qu’il ne tient pas vraiment à s’attaquer à la crise des droits de la personne au Honduras.
    J'avais préparé une déclaration plus longue, mais je me suis rendu compte trop tard que je n'aurais pas le temps de la lire au complet. Je vous ai donc présenté une version très abrégée. Si possible, j'aimerais la consigner au compte rendu. Vous y trouverez également une liste de recommandations pour le gouvernement du Canada.
    Merci beaucoup.

  (1315)  

    Je vous remercie.
    En ce qui concerne votre mémoire, nous en avons un exemplaire ici. Cependant, selon les règles du comité, la greffière ne pourra pas le distribuer tant qu'on ne l'aura pas traduit en français. Une fois que ce sera fait, le document sera transmis à tous les membres du comité. Il sera alors consigné au compte rendu, et les députés pourraient s'y référer au moment de prendre leurs décisions.
    Il est maintenant 13 h 18. Nous avons assez de temps pour... J'allais proposer des interventions de six minutes, mais à vrai dire, nous avons quelques affaires internes à régler à huis clos, à la fin de la séance. Je propose donc cinq minutes et demie par intervention.
    Madame Grewal, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Main, d'avoir accepté de témoigner devant notre comité et de nous avoir fait part de vos connaissances et de vos réflexions sur la situation des droits de la personne au Honduras.
    D'après ce que j'ai cru comprendre, le nombre d'arrestations de mineurs non accompagnés le long de la frontière sud-ouest des États-Unis a commencé à grimper en 2012. Cette hausse est principalement attribuable à un afflux d'enfants qui viennent du Salvador, du Guatemala et, surtout, du Honduras.
    Le Honduras est le pays le plus pauvre en Amérique centrale et il affiche le taux d'homicide le plus élevé de la région. Ces facteurs poussent évidemment des familles à envoyer leurs enfants aux États-Unis dans l'espoir d'une vie meilleure et plus sûre.
    Que se passe-t-il à ces enfants une fois qu'ils sont appréhendés?
    À la frontière entre les États-Unis et le Mexique?

  (1320)  

    Oui.
    La situation est loin d'être claire, d'autant plus que ce n'est pas mon domaine de spécialité.
    Ce que je peux dire, c'est que les groupes de défense des droits de la personne au Honduras, particulièrement ceux qui s'occupent des droits des enfants, comme l'organisation Casa Alianza, ont signalé une recrudescence de la violence — en particulier, la violence qui touche les enfants et les adolescents. Dans bien des cas, cette violence semble mettre en évidence la participation des forces de sécurité à des exécutions extrajudiciaires. Il s'agit souvent d'assassinats de délinquants, mais aucun processus judiciaire n'est mis en branle pour enquêter adéquatement sur la question de savoir si les personnes tuées avaient commis des crimes. Bien entendu, ces exécutions extrajudiciaires dépassent de loin les limites des normes ordinaires en matière de droits de la personne.
    La violence a considérablement augmenté ces derniers mois. Encore une fois, Casa Alianza, un des principaux groupes de défense des droits de la personne, qui s'occupe plus précisément des droits des enfants, a indiqué que le taux de décès chez les enfants et les adolescents est beaucoup plus élevé cette année qu'il y a un an. À mon avis, cette situation contribue sans aucun doute au problème.
    Je regrette de ne pas pouvoir vous en dire plus sur ce qui se passe aux enfants à la frontière, une fois qu'ils sont appréhendés.
    Je vois.
    Selon les récentes données dont on nous a fait part, le nombre de mineurs non accompagnés qui viennent de l'Amérique centrale et qui se font appréhender le long de frontière sud-ouest a chuté considérablement, passant d'un sommet de presque 11 000 en juin à environ 2 500 en octobre.
    Pourriez-vous nous expliquer ce qui aurait pu entraîner une telle baisse, si vous en avez une idée?
    Je crois qu'il y a un certain nombre de facteurs.
    Entre autres, on observe des mesures de répression non seulement le long de la frontière avec le Mexique, mais surtout, à la frontière du Mexique avec le Guatemala. À cet égard, les autorités mexicaines, en collaboration avec les autorités frontalières américaines, ont joué un rôle beaucoup plus actif dans l'arrestation et le renvoi d'individus, en l'occurrence de migrants, vers leur pays d'origine, principalement le Honduras, le Salvador et le Guatemala. Bien entendu, le Honduras enregistre la plus forte hausse parmi ces migrants.
    Je crois que les agents honduriens à la frontière collaborent également dans une large mesure, et ils sont beaucoup plus restrictifs quant au passage de personnes, particulièrement de jeunes enfants, qui souhaitent traverser la frontière.
    Je tiens à souligner que cela pose d'importants problèmes pour les défenseurs des droits de la personne, qui estiment que, dans bien des cas, ces enfants se retrouvent dans des situations qui mettent leur vie en danger. Or, les autorités n'en tiennent pas compte. Comme vous le savez sans doute, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés considère que la plupart des enfants qui ont migré vers le Nord pourraient, en fait, se prévaloir du statut de réfugié, mais dans l'état actuel des choses, cette éventualité n'est pas envisagée de façon générale, ni par le gouvernement américain, ni par le gouvernement mexicain et ni même les gouvernements des pays voisins.
    Après sa rencontre avec les dirigeants du Honduras, du Guatemala et d'El Salvador en juillet dernier, le président Obama a annoncé que les États-Unis envisagent de mettre en place un programme pour les réfugiés en Amérique centrale afin de permettre aux jeunes de faire une demande pour entrer au pays sans devoir d'abord faire le périlleux trajet vers le nord.
    Est-ce une bonne idée, et des progrès ont-ils été réalisés pour mettre en oeuvre ce programme?
    Je pense que c'est une excellente idée. On ne sait pas trop si des progrès ont été réalisés en ce sens.
    C'est un programme qu'on a tout simplement mis en place. Le principal problème pour l'instant, c'est que les États-Unis ne semblent pas envisager de permettre à un nombre beaucoup plus élevé d'enfants de demander le statut de réfugié que par le passé. Ils peuvent apparemment le faire beaucoup plus facilement grâce au système, mais on ne sait pas trop si les États-Unis permettront à un plus grand nombre d'enfants d'obtenir le statut de réfugié.
    Votre temps est malheureusement écoulé.
    Monsieur Marston, s'il vous plaît.
    Bienvenue, monsieur Main. Je vous remercie d'être des nôtres.
    Le gouvernement a récemment conclu un accord de libre-échange avec le Honduras. Lorsque nous avons convoqué des témoins, ou lorsque nous avons tenu des débats à la Chambre des communes sur cet accord particulier, certains ont notamment signalé qu'en ce qui concerne les droits de la personne, un accord de libre-échange favoriserait en principe la création d'emplois et améliorerait les conditions de vie des gens du Honduras.
    Des fonctionnaires canadiens ont même témoigné devant le comité et ont dit que bien que la situation soit terrible là-bas, le gouvernement semble être sur la bonne voie. Un témoin a parlé des lois qui ont été adoptées, semblables à celles qui sont entrées en vigueur au Mexique en 2012, pour protéger les défenseurs des droits de la personne et les journalistes. D'après ce que vous dites, le gouvernement hondurien a des lois en place, mais semble ne rien faire pour les appliquer.
    J'aimerais entendre ce que vous pensez du libre-échange.
    Merci de votre question.
    Il y a un aspect de la loi qui vise la protection des défenseurs des droits de la personne. Aucune loi n'a été adoptée pour l'instant. Je crois qu'elle en est à la troisième étape du processus de débat au Congrès hondurien. Elle n'a pas encore été approuvée, et un certain nombre de groupes de la société civile, dont des organismes de défense des droits de la personne, ont critiqué le fait qu'ils n'ont pas été consultés au sujet de la dernière version de cette loi. On ne sait pas exactement quelles mesures elle prévoit pour l'instant. Jusqu'ici, aucun progrès n'a été réalisé sur le plan législatif à cet égard.
    Quant à savoir si l'accord de libre-échange pourrait améliorer la situation des droits de la personne au pays, je pense que le bilan a démontré que ces accords n'ont pas été particulièrement utiles au Honduras dans le passé. L'accord connu sous le nom de CAFTA-DR, l'Accord de libre-échange de l'Amérique centrale, n'a pas permis d'améliorer la situation des droits de la personne au Honduras. L'accord est en vigueur depuis maintenant près de 10 ans, période au cours de laquelle la situation des droits de la personne s'est considérablement détériorée. De surcroît, les normes du travail qui sont prévues dans les dispositions du CAFTA et qui doivent être respectées par le gouvernement hondurien ne l'ont manifestement pas été. Des plaintes ont été déposées, que le représentant américain au commerce est apparemment en train d'examiner. Sur le terrain, les organisations syndicales disent que leurs droits sont bafoués plus que jamais auparavant.
    Quant à savoir s'il y a une incidence positive sur les droits de la personne en général, c'est très difficile à déterminer lorsqu'on n'enregistre aucun progrès réel au niveau institutionnel au pays. Comme je l'ai mentionné dans mon témoignage, on a tenté de faire adopter une réforme efficace des services de police, qui a été écartée par le congrès et le gouvernement. Une commission de la réforme des services de police avait obtenu l'appui général des défenseurs des droits de la personne et a proposé une nouvelle loi organique pour la police nationale du Honduras, un nouveau programme de formation, de la formation communautaire et des ateliers sur les droits de la personne pour les services de police, notamment. Toutes ces propositions ont été complètement ignorées. Comme je l'ai mentionné, on a plutôt constaté une sorte d'absolution des forces, qui semble être très arbitraire et laisse de nombreux présumés coupables de violations des droits de la personne en poste dans les forces policières. Un processus semblable a été mis en place au sein de l'appareil judiciaire.
    On ne peut pas considérer ces mesures comme étant des changements positifs au pays, surtout lorsque l'on constate une hausse des attaques ciblées perpétrées contre certains de ces groupes à risque. Après une légère amélioration au cours des années précédentes, ces groupes, et c'est certainement le cas des journalistes et des défenseurs des droits de la personne, sont plus souvent la cible d'attaques cette année par rapport à l'an dernier, par exemple.

  (1325)  

    Pour examiner un peu plus à fond ce que vous avez dit au sujet de l'impunité, je remettrais en question les capacités policières pour enquêter sur des meurtres. D'après ce qu'on nous dit, elles ne sont pas très bonnes, et l'incapacité de la police de faire enquête donne lieu à une impunité systémique.
    Il ne fait aucun doute qu'il y a une impunité très systémique. La Commission interaméricaine des droits de l'homme vient de publier des données, et j'invite tous les membres du sous-comité à en prendre connaissance. Je pense que c'est un document très important. Il est en espagnol en ce moment, mais il comprend les constats préliminaires dégagés à la suite d'un voyage au Honduras au début du mois.
    La commission fait état que les groupes de la société civile qu'elle a consultés — et je pense qu'elle a consulté presque tous les principaux groupes qui oeuvrent dans le domaine des droits de la personne — indiquent que le degré d'impunité se situe entre 95 et 98 % dans leur pays. Malgré que des efforts soient déployés, les crimes sont pratiquement tous impunis, sauf dans certains cas — c'est généralement quelques cas seulement. Un groupe de travail spécial a été créé, et plus particulièrement pour se pencher sur des cas de meurtres visant des LGBT, et certaines personnes ont été poursuivies.
    Il est intéressant de constater qu'il est très rare de voir des forces de sécurité être appréhendées ou poursuivies. Le degré d'impunité semble être encore plus élevé lorsqu'il est question de crimes mettant en cause des forces de sécurité. Là encore, les groupes qui défendent les droits des enfants ont remarqué une hausse des exécutions extrajudiciaires qui impliquent des mineurs et qui ne font jamais l'objet d'enquête. Les autorités se justifient généralement en disant qu'il s'agissait de délinquants, mais aucune enquête n'a été menée pour corroborer si c'est vrai.

  (1330)  

    Merci.
    Le temps est malheureusement écoulé.
    Avant de passer au prochain intervenant, j'ai une question contextuelle. Vous avez parlé d'un taux d'impunité de 98 %. Qu'est-ce que cela mesure? S'agit-il du taux de poursuites fructueuses dans une certaine catégorie de crimes qui sont commis, ou est-ce un pourcentage des accusations qui sont portées? Pourriez-vous nous dire ce que ce taux mesure?
    Ce taux se rapporte aux crimes qui sont signalés à la police, pour lesquels des plaintes sont soumises. Dans bien des cas, on ne dépose pas de plaintes. La plupart des citoyens du Honduras hésitent beaucoup à faire appel aux forces de sécurité, compte tenu de leur bilan. De ces plaintes de nature criminelle, le taux d'impunité se situe entre 95 et 98 %, selon ces groupes de la société civile. Ce n'est pas tant le taux de poursuites que le traitement de ces plaintes par l'appareil judiciaire. Des poursuites ne sont pas intentées dans tous les cas.
    Très bien. Merci de cette précision.
    Nous allons maintenant entendre M. Schellenberger.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui pour discuter de cette question très importante.
    Monsieur, quelle est votre position sur l'intervention de l'Amérique du Nord en Amérique du Sud et en Amérique centrale?
    Quelle forme prendra cette intervention? Pouvez-vous nous expliquer?
    Le Canada et les États-Unis devraient-ils se mêler de la politique au Honduras en ce moment?
    De toute évidence, tous ceux qui sont au courant du protocole diplomatique estiment qu'il vaudrait peut-être mieux éviter toute forme d'intervention politique directe. Toutefois, lorsqu'il est question des droits de la personne, le Canada et les États-Unis ont beaucoup de poids dans le pays en raison du niveau élevé d'échanges commerciaux, de leurs investissements et des accords de coopération avec le Honduras.
    Je crois — et les groupes de défense des droits de la personne au Honduras ont fait des demandes similaires — que ces gouvernements devraient mieux connaître la situation des droits de la personne, offrir de l'aide, au besoin, et miser sur les relations commerciales pour que des progrès soient réalisés afin d'exercer de véritables pressions sur le gouvernement pour qu'il commence à apporter des améliorations et à démontrer une réelle volonté politique à redresser adéquatement la situation des droits de la personne.
    Quelle aide en matière de sécurité les États-Unis offrent-ils au Honduras à l'heure actuelle? Savez-vous ce qu'il en est de l'aide qu'offre le Canada en ce moment?
    Pour ce qui est des États-Unis, on ne sait pas trop car l'aide en matière de sécurité est offerte grâce à du financement bilatéral et multilatéral. Du côté bilatéral, à ma connaissance, plusieurs millions de dollars par année sont versés aux forces militaires et policières pour contribuer à financer la formation d'une partie de leur personnel, diverses formes d'aide, ainsi que l'infrastructure de la base de Palmerola au Honduras, où il y a une forte présence américaine.
    D'autres formes d'aide sont offertes par l'entremise de ce qu'on appelle l'ISRAC, l'Initiative de sécurité régionale en Amérique centrale. Malheureusement, comme il y a peu de transparence entourant l'ISRAC, bon nombre d'entre nous ne savent toujours pas combien d'argent les États-Unis versent aux forces de sécurité honduriennes par l'entremise de cette initiative multilatérale, mais on estime également que c'est de l'ordre de plusieurs millions de dollars.

  (1335)  

    D'accord...
    J'ignore malheureusement le type d'aide en matière de sécurité que le Canada offre.
    Merci.
    Vous avez mentionné tout à l'heure lorsque nous discutions du libre-échange que l'accord précédent qui est en vigueur depuis les 10 dernières années n'a pas fait grand-chose. En fait, la situation a empiré. Vous avez ensuite dit que le Canada et les États-Unis font beaucoup de commerce avec le Honduras, ce qui peut être un argument très solide à faire valoir dans le cadre de négociations. C'est ce que je disais au sujet de l'accord de libre-échange entre le Canada et le Honduras: mieux vaut travailler à l'interne et tenir des dialogues pour au moins soulever certains des problèmes épouvantables liés aux droits de la personne au Honduras.
    Je siège également au Comité des affaires étrangères. Nous parlions ce matin de la Syrie et de l'Irak, et nous discutions des communications et de toutes les parties touchées par cette terrible situation et de la façon dont nous pouvons les amener à dialoguer.
    Il y a eu quelques échanges concernant l'accord de libre-échange à tout le moins, n'est-ce pas?
    Il y a certainement eu un dialogue. Je ne suis pas certain si l'on s'est beaucoup penché sur la situation des droits de la personne, et c'est certes quelque chose que j'encourage. De plus, il est peut-être trop tard maintenant — vous êtes mieux placé que moi pour le savoir —, mais avant d'ouvrir la porte au libre-échange, avant d'aller plus loin avec un accord de libre-échange, vous devriez peut-être dialoguer davantage avec le gouvernement pour connaître les vraies mesures d'application de la loi qui seraient mises en place pour protéger ces groupes à risque et pour faire avancer la cause des droits de la personne au pays. Une fois que l'accord de libre-échange est en vigueur, je pense que vous avez beaucoup moins d'influence. C'est du moins ce que je pense.
    D'accord.
    Merci beaucoup, monsieur Schellenberger.
    Monsieur Cotler, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais également vous souhaiter la bienvenue à notre sous-comité, monsieur Main. J'ai trouvé votre témoignage très pertinent.
    Comme vous le savez sans doute, Henri-Paul Normandin, le directeur général du Bureau de l'Amérique centrale et des Caraïbes à notre ministère des Affaires extérieures, a témoigné devant nous le 6 novembre. Il a fait la déclaration suivante: « On continue de signaler que les défenseurs des droits de la personne, les journalistes et les travailleurs du secteur judiciaire continuent d'être la cible d'actes d'intimidation et de violence, notamment de meurtres. »
    Cette déclaration concorde avec votre témoignage d'aujourd'hui.
    Il a ajouté, et je cite, que « la situation politique au Honduras est plus stable qu'elle ne l'a été ces dernières années ». Il a également indiqué ceci: « La nouvelle administration a également adopté une série de mesures pour améliorer la sécurité, et elles semblent porter leurs fruits. »
    Il a relevé neuf réformes, mais je vais seulement parler de trois d'entre elles et vous demander de les commenter. Premièrement, pour lutter contre l'impunité, il a dit que des changements ont été apportés au code pénal pour faire passer la peine pour meurtre de membres des autorités judiciaires à l'emprisonnement à vie et celle pour menaces à l'endroit de fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions à 20 ans d'emprisonnement.
    Deuxièmement, on a adopté une politique nationale et un plan d'action en matière de droits de la personne et, troisièmement, le gouvernement s'est dit disposé à collaborer avec des organismes de défense des droits de la personne, notamment en invitant le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme à ouvrir un bureau dans la capitale du Honduras.
    Je me demande si vous pourriez commenter ces réformes qui ont été entreprises par le gouvernement Hernandez et nous dire si les résultats positifs que le directeur général a évoqués dans son témoignage se sont concrétisés, bien qu'il ait reconnu qu'il faudra du temps pour qu'ils se matérialisent réellement.
    Merci, monsieur.
    En ce qui concerne les réformes au code pénal, je pense que la communauté de défense des droits de la personne, certainement au Honduras, s'entend pour dire que les changements sont très rétrogrades. Des peines plus longues et plus sévères ne sont pas considérées comme étant la meilleure façon de lutter contre la criminalité. Dans ce cas-ci, imposer des peines plus sévères pourrait être perçu comme étant un moyen de dissuasion. Je ne vois pas comment c'est possible avec un taux d'impunité aussi élevé. Modifier le code pénal de cette façon n'aura aucune incidence sur l'impunité. On ne change pas les procédures et on n'offre pas d'incitatifs supplémentaires aux enquêteurs du ministère public du Honduras ou à la police pour appréhender et condamner les criminels. Je ne vois pas comment on peut vraiment changer les choses à cet égard.
    Pour ce qui est d'adopter un plan d'action, je pense que j'y ai répondu tout à l'heure. Cette mesure législative n'a pas encore été approuvée, mais elle pourrait bien l'être très bientôt. La communauté de défense des droits de la personne au Honduras s'inquiète énormément au sujet de la teneur de ce projet de loi puisque les membres du Congrès hondurien n'ont pas encore pris connaissance de la nouvelle version dont ils débattent actuellement. Ils n'ont pas été consultés, mais ils l'ont été très tôt dans le processus de rédaction.
    Enfin, pour ce qui est de lancer une invitation aux Nations Unies, je dirais que c'est certainement une mesure positive. Nous verrons si le gouvernement est prêt à donner suite à cette idée. Les groupes de défense des droits de la personne au Honduras demandent depuis plusieurs années d'avoir une présence multilatérale pour appuyer les efforts en vue d'une réforme des services de police et de l'appareil judiciaire et pour enquêter même sur les crimes associés à la corruption et au crime organisé en mettant sur pied une entité semblable à la CICIG au Guatemala, qui affiche un assez bon bilan. Même si l'impunité et le taux de crimes violents demeurent assez élevés au Guatemala, cette mesure est considérée comme étant un pas dans la bonne direction.
    Il faudra simplement attendre et voir si le gouvernement hondurien joindra le geste à la parole à cet égard.

  (1340)  

    Je sais que vous avez mentionné le projet de loi à l'étude. Vous avez indiqué qu'il en est à l'étape de la troisième lecture. M. Henri-Paul Normandin en a toutefois parlé comme une sorte de réforme distincte de celle dont il a également fait allusion, à savoir l'adoption d'une politique nationale en matière de droits de la personne et d'un plan d'action. C'est peut-être maintenant une seule et même chose, mais dans son témoignage, il en a parlé comme étant deux mesures distinctes.
    Je peux également consulter mes notes et vérifier auprès de mes relations. Je crois néanmoins que le plan d'action, dont on a discuté pour la première fois en 2012 sous l'administration précédente de Porfirio Lobo, je crois, est le seul document qui devait se transposer en loi. C'est peut-être un élément du plan d'action. J'ai peut-être mal compris. C'est possible. Je vais vérifier et je me ferai un plaisir de vous revenir avec une réponse.
    J'ai une dernière question: lorsqu'elle a témoigné devant le comité, Esther Major d'Amnistie internationale a dit qu'il était important que le président du Honduras condamne publiquement l'assassinat des défenseurs des droits de la personne — p. ex.  les journalistes, les avocats —, que vu sa position, sa déclaration aurait un effet salutaire.
    À votre connaissance, le président Hernandez a-t-il fait des déclarations dans lesquelles il condamnait le meurtre des défenseurs des droits de la personne, des travailleurs de la justice, des journalistes ou d'autres intervenants honduriens du secteur?
    Non, pas du tout. En fait, certains représentants du gouvernement ont fait des déclarations contraires, notamment au lendemain de la publication des conclusions préliminaires de la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Après leur visite début décembre, il y a eu au moins un militaire de haut rang qui a critiqué leur conclusions et balayé leurs préoccupations concernant la militarisation croissante qui s'opère au Honduras.
    Au-delà de la rhétorique ou de l'absence de rhétorique du gouvernement, il est inquiétant de voir que les mesures de précaution que la Commission a accordées à des personnes dont les droits ou la sécurité sont présumément menacés — et elle en a accordé un grand nombre depuis le coup d'État de 2009 — ne sont généralement pas appliquées. Les personnes à qui l'on a accordé ces mesures de protection ont livré divers témoignages dans lesquels elles disaient que la police nationale du Honduras n'était souvent pas au courant des mesures en question et ne savait pas quoi faire pour les protéger.
    En conséquence, ces mesures ne sont pas appliquées bien que les attaques à l'encontre des défenseurs des droits de la personne soient à la hausse.

  (1345)  

    Merci.
    Merci, monsieur Cotler.
    Est-ce au tour de M. Sweet? D'accord, allez-y.
    Je tiens à remercier le témoin de nous faire part de son expertise.
    Je veux revenir à ce que M. Cotler disait pour ce qui est de savoir si le gouvernement condamne ces violations. Je crois que vous avez dit « bien au contraire ».
    Je ne sais pas si condamner un rapport externe est le contraire, mais ce gouvernement a-t-il fait des déclarations publiques dans lesquelles il critiquait les crimes commis contre les défenseurs des droits de la personne, les journalistes ou même des membres des communautés à haut risque — les communautés LGBT?
    Encore une fois, à ma connaissance, le président Orlando Hernandez n'a pas fait de déclarations à ce sujet. S'il en a fait, elles n'ont pas été bien diffusées, et les groupes de défense des droits de la personne ne nous ont pas signalé, à moi ou à d'autres partenaires étatsuniens, une quelconque mesure positive que le gouvernement aurait prise.
    Encore une fois, je pense... bien au contraire. Pour donner un autre exemple, celle d'un colonel responsable des forces dans la région de Bajo Aguan, qui a proféré des menaces à l'endroit de journalistes et de défenseurs des droits de la personne. C'est arrivé en décembre dernier et cela s'est fait très publiquement — à la télévision. Il a accusé une activiste de l'organisation Rights Actions, qui aide les groupes campesino à présenter leurs revendications territoriales devant les tribunaux au Honduras. Elle a été accusée de déstabiliser la situation et aussi d'entretenir des liens avec al-Qaïda. Cette déclaration a été faite très publiquement dans une partie du Honduras où les assassinats de défenseurs des droits de la personne et autres sont fréquents. Alors ce comportement était très dangereux et cette activiste est retournée aux États-Unis relativement peu de temps après ces remarques. Bien entendu, les défenseurs des droits de la personne de partout au Honduras ont critiqué ces déclarations.
    Pour bien nous situer dans le temps, ces remarques précises ont été prononcées avant que le gouvernement Hernandez soit...
    C'est vrai. J'ai examiné les 12 derniers mois et ces remarques remontent à décembre l'an passé.
    D'accord.
    Vous avez mentionné que l'on fait de plus en plus appel à la police militaire pour assurer les services de police réguliers. Je m'interroge quant aux mouvements dont vous parlez. Savez-vous comment le gouvernement les justifie? Invoque-t-il le commerce de la drogue pour justifier la militarisation de la police face au grand public?
    Comment le grand public arrive-t-il à accepter cette situation depuis aussi longtemps?
    Je ne crois pas que le grand public trouve que cela soit acceptable. Pour ce qui est de la justification, une partie du public — et une bonne partie des électeurs conservateurs du Parti national du Honduras — a vu d'un bon oeil la création d'une nouvelle force de police militaire. Encore une fois, cela est devenu un thème central dans la campagne d'Orlando Hernandez dont il s'est servi, selon moi, pour mobiliser ses électeurs.
    Alors cette force policière a pris de l'expansion au cours des derniers mois. Quelque 1 000 personnes de plus en font maintenant partie, ce qui porte l'effectif à 2 000 policiers, je crois. La force finira par compter 5 000 membres si le gouvernement concrétise ses plans.
    La justification que l'on donne est que le taux de criminalité est élevé. La meilleure façon d'y répondre est par la force, en espagnol on dit mano dura, avoir la « main ferme ». Quoi de plus ferme qu'une force armée avec ses tactiques et ses armes militaires?

  (1350)  

    J'ai une dernière petite question à poser.
    En parlant de la police et du système judiciaire, vous avez mentionné que ceux qui avaient échoué aux examens de vérification de la fiabilité, faute de termes plus justes, étaient congédiés. Vous avez laissé entendre qu'en réalité, c'était tout le contraire, que ces agents d'application de la loi, ainsi que certains membres du système judiciaire, ont été congédiés parce qu'ils étaient honnêtes et qu'ils n'étaient pas d'accord avec ce que vous estimez être l'impunité gouvernementale.
    Est-ce que je vais trop loin? Est-ce ce que c'est ce que vous disiez?
    C'est correct.
    Il est clair que certaines personnes ont été congédiées pour avoir échoué aux examens de vérification de la fiabilité, mais il y en a aussi eu d'autres qui sont restées en poste. Encore une fois, les groupes de défense des droits de la personne ont rapporté que certains hauts fonctionnaires qui ont été démis de leurs fonctions à cause d'activités criminelles alléguées ont été remplacés par d'autres personnes à l'encontre desquelles des allégations d'activités criminelles et de violations des droits de la personne ont été formulées.
    Monsieur Benskin.
    Merci et bienvenue.
    Il est clair que votre témoignage est utile et instructif. Je vais rester dans la même veine que mes collègues.
    La juxtaposition de l'un des éléments apparemment instaurés par le gouvernement Hernandez, par exemple, a été la mise en place d'un organisme technique d'enquête sur la criminalité au sein du bureau du procureur pour enquêter sur les affaires très médiatisées et pour rehausser la surveillance du système judiciaire et de la police. On a dit que c'était l'un des mécanismes que l'on mettait en place.
    Dans votre témoignage, vous avez dit que la militarisation actuelle du pays... Il me semble qu'ils soient en conflit s'agissant de l'application et des poursuites civiles, de l'enquête sur les crimes et de l'approche à mano dura, comme vous l'avez appelée, de l'armée. Cela semble être une démarche qu'appuie le gouvernement.
    Pourriez-vous vous prononcer là-dessus?
    Encore une fois, cette mano dura, qui suppose une hausse des effectifs militaires dans les rues du Honduras, qui nécessite la création de ce nouveau type de force de police militaire hybride et qui donne lieu à un nombre croissant d'exécutions sommaires, est perçue comme un énorme pas en arrière.
    Il est clair que ces exécutions n'ont pas fait l'objet d'enquêtes. Sur le plan technique, on s'efforce peut-être d'améliorer les méthodes d'enquête, etc., mais on ne mène pas les enquêtes en tant que telles. C'est bien là le problème.
    Ce manque de volonté, qui est clairement institutionnel, se retrouve aussi au sein de la police et du système judiciaire. Il faut se demander s'il se retrouve aussi au niveau exécutif du gouvernement, compte tenu du manque de mesures concrètes que l'on prend pour régler ces problèmes.
    Cela m'amène à la question à 64 millions de dollars.
    Comme nous l'avons mentionné, nous avons conclu un accord de libre-échange avec le Honduras. Cependant, avec ces preuves — oui, elles sont circonstancielles à ce stade — et les témoignages que nous entendons à différents échelons, quelles mesures devraient prendre les États-Unis et le Canada pour faire pression sur le gouvernement Hernandez afin qu'il honore au moins les neuf réformes qui ont été présentées et mette un terme à l'impunité dans ce pays?

  (1355)  

    Je dirais que la première chose à faire est de regarder les résultats. Depuis le coup d'État de 2009, le respect des droits de la personne n'a été qu'une façade au Honduras.
    En 2010-2011, le Honduras a créé diverses institutions de défense des droits de la personne auxquelles il n'a pas fourni les ressources nécessaires pour composer avec la situation de crise au pays. C'est une chose de discuter des plans et d'annoncer leur mise en oeuvre et tout cela, mais c'en est une autre de voir des résultats concrets; nous n'avons pas vu le moindre résultat.
    C'est la même chose qui se répète, en fait. Le gouvernement de Porfirio Lobo a supposément déployé de grands efforts en 2010-2011 précisément à l'époque où ils espéraient réintégrer l'Organisation des États américains de laquelle ils avaient été suspendus après le coup d'État. Alors pour montrer leur bonne volonté, ils ont créé un certain nombre d'institutions; il n'a pas fallu attendre longtemps pour que, non seulement les observateurs indépendants sur le terrain parmi les groupes de défense des droits de la personne, mais aussi les responsables de la dotation dans ces institutions disent qu'ils n'avaient aucune ressource réelle et que la police, le système judiciaire, etc., ne coopéraient pas.
    Encore une fois, c'est très important de se pencher sur les résultats réels et d'obtenir des preuves concrètes que les choses avancent.
    Avant de terminer, j'aurais voulu enchaîner sur une question que M. Sweet a posée.
    Vous avez fait allusion aux allégations selon lesquelles les juges et les procureurs qui font efficacement leur travail et qui suivent les règles à la lettre — donc, qui se rapprochent ou s'apprêtent à se rapprocher des personnes qui commettent des actes illégaux ou même, dans certains cas, des meurtres qui ont été facilités par des représentants du gouvernement — sont démis de leurs fonctions.
    Je m'interroge quant à la source de ces allégations. Vous avez mentionné les organisations de défense des droits de la personne. Pourriez-vous être un peu plus précis et nous donner des détails sur ce que vous nous avez dit?
    Absolument. Je vais vérifier mes notes.
    Je pense que le principal organisme est l'association des juges pour la démocratie, groupe qui, je crois, existait avant le coup d'État et les très hauts niveaux de polarisation au plan politique.
    Il s'agit d'un organisme hondurien?
    C'est un organisme hondurien, oui. C'est cela.
    Oui.
    Simple petite précision, la Commission interaméricaine des droits de l’homme formule aussi des commentaires à cet égard, peut-être en fonction de renseignements provenant des conclusions préliminaires récentes de ce groupe.
    Merci.
    Si vous avez des références plus précises pour nous permettre de trouver ces informations et que vous aimeriez nous les envoyer, nous veillerons à ce qu'elles soient aussi remises à nos membres. Peut-être pourrez-vous nous guider vers des sources plus précises; nous vous en saurions gré.
    Eh bien, non, absolument. À ce stade, si vous voulez avoir la meilleure mise à jour possible sur la situation des droits de la personne, je pense que les conclusions préliminaires de la Commission interaméricaine sont vraiment cruciales. Je ne crois pas qu'il y ait quelque chose de semblable ailleurs.
    Sinon, je vous renverrais à de nombreux documents en espagnol qui ont été produits par des organismes de défense des droits de la personne au Honduras comme COFADEH; CIPRODEH; la Casa Alianza, dont j'ai parlé tout à l'heure; la commission pour les femmes et le Centro de Derechos de Mujeres pour ne nommer que ceux-là.
    Malheureusement, comme ils manquent de ressources, il leur a souvent été impossible de traduire ces documents, mais si certains d'entre eux pouvaient être traduits et remis aux membres du comité, je pense qu'ils vous seraient très utiles.

  (1400)  

    La question de la traduction n'est pas un obstacle. L'un de nos chercheurs est hispanophone, tout comme mon assistant, alors ce ne sont pas des problèmes insurmontables, loin de là.
    Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir témoigner aujourd'hui.
    Je vais maintenant donner son congé à notre témoin et demander à nos collègues de rester pendant que nous traitons d'autres questions à huis clos.
    Merci beaucoup.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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