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PACP Rapport du Comité

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CHAPITRE 3, LES SERVICES DE SANTÉ MENTALE POUR LES VÉTÉRANS

INTRODUCTION

La maladie mentale touche des Canadiens de tous âges, de tous niveaux de scolarité et de revenu et de toutes cultures. Les troubles de santé mentale se manifestent sous forme de divers troubles médicaux diagnostiqués comme des troubles anxieux, la dépression, l’état de stress post‑traumatique, l’alcoolisme ou la toxicomanie, et d’autres troubles qui peuvent perturber la vie quotidienne. Selon l’Association canadienne pour la santé mentale, 20 % des Canadiens seront personnellement touchés par la maladie mentale au cours de leur vie, et tous les Canadiens sont indirectement touchés par la maladie mentale, serait‑ce par un membre de la famille, un ami ou un collègue[1]. Les vétérans du Canada, de même que les membres des Forces armées canadiennes, ne font pas exception.

Conformément à leur régime provincial ou territorial d’assurance‑maladie, les Canadiens ont droit à des services de santé mentale. Dans le cas des vétérans des Forces armées canadiennes qui y ont droit, Anciens Combattants Canada (ACC) paie les services non couverts par le régime d’assurance‑maladie de leur province ou de leur territoire, comme les soins psychologiques spécialisés, les traitements en établissement et certains médicaments d’ordonnance.

Les vétérans peuvent bénéficier d’un soutien en santé mentale par l’entremise d’au moins six programmes d’ACC, parmi lesquels on compte le Programme de prestations d’invalidité et les Services de réadaptation et d’assistance professionnelle (le programme de réadaptation). Pour être admissibles au Programme de prestations d’invalidité, ils doivent avoir une blessure liée au stress opérationnel (BSO), c’est‑à‑dire, tout problème psychologique persistant et attribuable aux fonctions opérationnelles exercées pendant le service dans les Forces armées canadiennes. Le programme de réadaptation, qui vise à apporter un soutien provisoire, aide les vétérans à se réinsérer dans la vie civile une fois libérés[2].

Selon ACC, les vétérans ayant un trouble de santé mentale représentaient 12 % de la clientèle du Ministère en 2014, comparativement à moins de 2 % en 2002[3]. Au 31 mars 2014, environ 15 000 vétérans et militaires encore en service avaient droit aux services de soutien en santé mentale d’ACC par l’entremise du Programme de prestations d’invalidité. Mille autres vétérans bénéficiant du programme de réadaptation du Ministère avaient un trouble de santé mentale[4]. En 2012‑2013, ACC a estimé que ses dépenses en santé mentale totalisaient 508 millions de dollars[5].

Dans son rapport de l’automne 2014, le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a publié les résultats d’un audit qui visait à déterminer si ACC avait facilité l’accès en temps opportun aux services et aux prestations auxquels ont droit les vétérans aux prises avec une maladie mentale[6]. Le BVG a aussi examiné les initiatives conjointes et le transfert des dossiers militaires avec la Défense nationale et les Forces armées canadiennes, de même que l’information sur les révisions et les appels du Tribunal des anciens combattants (révision et appel)[7].

Le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (le Comité) a tenu des audiences sur cet audit le 25 février 2015[8]. Il a alors rencontré, du BVG, Jérôme Berthelette, vérificateur général adjoint, et Dawn Campbell, directrice. D’Anciens Combattants Canada, il a entendu Michel D. Doiron, sous‑ministre adjoint, Prestation des services, et Cyd Courchesne, directeur général des professionnels de la santé et directeur médical national. Le ministère de la Défense nationale était représenté par le Bgén Jean‑Robert Bernier, médecin‑chef et commandant du Groupe des services de santé des forces canadiennes.

FACILITER L’ACCÈS AUX SERVICES DE SANTÉ MENTALE

Le BVG a noté qu’ACC et d’autres ministères fédéraux avaient mis en place d’importants services de soutien en santé mentale. ACC finance neuf cliniques externes et une clinique pour patients hospitalisés, qui offrent des services d’évaluation, de consultation et de traitement aux vétérans et aux membres des Forces armées canadiennes admissibles. Les vétérans peuvent être orientés vers ces cliniques pour être évalués, même s’ils ne sont pas admissibles aux autres programmes, et des services de traitement y sont offerts une fois qu’ACC a confirmé leur admissibilité. Les gestionnaires de cas d’ACC aident les vétérans à accéder à divers mécanismes d’aide, y compris des services de santé mentale. Par ailleurs, Santé Canada assure le fonctionnement d’un service téléphonique sept jours par semaine, 24 heures sur 24, à l’intention de tous les vétérans et de leur famille pour leur permettre de communiquer avec un professionnel en santé mentale à n’importe quel moment. Enfin, ACC et le ministère de la Défense nationale financent conjointement le Programme Soutien social blessures de stress opérationnel (SSBSO), un programme de soutien par les pairs qui vient en aide aux vétérans et à leur famille[9].

Le BVG a confirmé que 3 600 des 15 000 vétérans admissibles aux services de soutien en santé mentale du Programme de prestations d’invalidité avaient aussi bénéficié du programme de réadaptation. Le fait d’être admissible à un programme n’exclut pas d’avoir droit à l’autre.

Un représentant d’ACC a confirmé que les services de soutien en santé mentale proposés dans le cadre du programme de réadaptation peuvent être fournis pendant la période d’attente d’une décision relative à l’admissibilité au Programme de prestations d’invalidité, qui peut durer huit mois ou plus. Il a aussi confirmé que ces services de soutien en santé mentale suffisent à répondre aux besoins des vétérans pendant l’attente de la décision. Il a indiqué qu’il n’y a aucune raison pour qu’un vétéran qui a demandé des services de soutien en santé mentale attende aussi longtemps qu’un an.

Le BVG n’a pas trouvé de donnée contredisant l’affirmation selon laquelle la prestation en temps opportun de services de soutien en santé mentale, dans le cadre du programme de réadaptation, suffit à satisfaire les besoins des vétérans qui en font la demande.

A. Accès en temps opportun aux services de soutien du programme de réadaptation et du Programme de prestations d’invalidité

Étant donné qu’une décision relative à l’admissibilité est une exigence préalable à l’obtention de la plupart des prestations de soins en santé mentale du programme de réadaptation et du Programme de prestations d’invalidité d’ACC, le BVG a examiné les processus appliqués par le Ministère pour déterminer l’admissibilité à ces programmes[10]. L’accès en temps opportun est important pour le BVG parce qu’ACC a la responsabilité, aux termes de la loi, de faciliter l’accès aux soins spécialisés que requièrent les vétérans aux prises avec des troubles de santé mentale[11].

En ce qui a trait au programme de réadaptation, ACC n’a pas établi de norme relativement aux temps requis pour avoir accès au traitement et aux services. Cependant, le Ministère a établi comme norme de prendre 80 % des décisions relatives à l’admissibilité des vétérans dans les deux semaines qui suivent la confirmation que la demande est complète, et de préparer les plans d’intervention dans les 45 jours qui suivent une décision favorable quant à l’admissibilité[12]. Le BVG a constaté que, en 2013‑2014, ACC avait respecté ses normes sur la rapidité de l’accès aux services : il a pris 84 % des décisions relatives à l’admissibilité au programme de réadaptation (1 136 sur 1 349) dans le délai de deux semaines correspondant à la norme établie[13].

Dans le cas du Programme de prestations d’invalidité, ACC a pour cible de fournir à 80 % des demandeurs une décision relative à leur admissibilité dans un délai de 16 semaines à partir de la date où le Ministère juge que la demande est complète. Le BVG a observé que 75 % des décisions (2 160 sur 2 893) ont été prises dans un délai de 16 semaines en 2013‑2014; cela signifie que 733 vétérans n’ont pas reçu de décision dans le délai de 16 semaines[14]. Si ACC avait atteint sa cible de 80 %, il aurait traité 2 314 demandes, soit 154 de plus que ce qu’il a réalisé.

Par ailleurs, le BVG a indiqué que 10 528 des 11 701 premières décisions favorables d’ACC – soit 90 % de ces décisions – qui ont été examinées avaient été prises dans un délai de moins de 12 mois.

Le BVG a également précisé que 11 339 des 11 701 premières décisions favorables d’ACC – soit 97 % de ces décisions – qui ont été examinés avaient été prises dans un délai de moins de 24 mois.

Ceci dit, le BVG a aussi remarqué que, selon le point de vue du vétéran, c’est‑à‑dire à partir du moment où le vétéran communique pour la première fois avec ACC, il faut attendre deux fois plus longtemps, soit environ 32 semaines, pour obtenir une décision sur l’admissibilité au Programme de prestations d’invalidité. Cela s’explique par les divers obstacles que les vétérans doivent surmonter pour compléter le processus de demande[15]. Jérôme Berthelette, vérificateur général adjoint au BVG, a dit au Comité que, selon la perspective des vétérans, environ 20 % d’entre eux avaient dû attendre plus de huit mois, à partir du premier contact, pour que le Ministère confirme leur admissibilité à des services spécialisés en santé mentale payés par le Ministère[16]. M. Berthelette a expliqué que les retards pouvaient être attribuables à des facteurs sur lesquels ACC n’exerce aucun contrôle. Par exemple, il se peut que le vétéran n’ait pas de médecin de famille et qu’il lui faille plus de temps pour obtenir l’information requise par l’évaluation[17]. Le BVG a recommandé qu’ACC analyse le processus de demande de prestations d’invalidité, quantifie et documente les obstacles qui ralentissent ce processus et prenne des mesures correctives[18].

Michel Doiron, sous‑ministre adjoint à ACC, a indiqué au Comité que le Ministère essaie d’être plus sensible aux besoins des vétérans et qu’il change sa façon de traiter les demandes. Il a dit que le Ministère essaie de se concentrer davantage sur les vétérans et que plutôt que simplement rejeter une demande, il communique maintenant avec le vétéran pour lui demander si celui‑ci peut fournir d’autres renseignements pour appuyer la demande. C’est une manière d’accorder le bénéfice du doute au vétéran[19]. Grâce à cette façon de faire, le taux d’approbation est passé de 71 à 79 %[20].

M. Doiron a signalé que, en novembre 2014, ACC avait publié le Plan d’action sur les services de santé mentale à l’intention des vétérans, qui prévoit de faire passer de 8 à 20 le nombre de séances de counselling psychologique offertes aux vétérans et à leurs familles et d’établir un programme de premiers soins en santé mentale qui aidera les vétérans et leurs familles à reconnaître les problèmes de santé mentale et à composer avec eux. Le plan d’action permettra aussi d’investir dans le réseau de cliniques pour BSO, notamment dans une clinique qui ouvrira à Halifax en 2015 et dans les cliniques situées dans les bureaux satellites, et de renforcer le Programme SSBSO en le dotant de 15 autres coordonnateurs du soutien par les pairs[21]. M. Doiron a ajouté qu’ACC fournit des services aux vétérans qui attendent une décision sur l’admissibilité : « Nous avons notre service en cas de crise qui leur permet d’avoir 20 séances avec un psychologue. Vous pouvez appeler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Vous pourrez alors avoir rendez‑vous avec un psychologue. Il existe aussi des réseaux entre pairs, tels que le SSBSO, où les anciens combattants peuvent s’entretenir avec un autre qui a été dans leur situation. Les services existent[22]. »

Afin de déterminer si les vétérans recevaient des soins en santé mentale pendant qu’ils attendaient une décision relative à leur admissibilité au Programme de prestations d’invalidité, le BVG a choisi un échantillon aléatoire de 47 vétérans jugés admissibles à des services de soutien en santé mentale. Il a constaté que 17 d’entre eux, soit 36 %, avaient effectivement reçu des soins. Pour 11 autres, le BVG n’a trouvé aucun élément probant indiquant s’ils avaient reçu de tels soins ou non. Les 19 derniers vétérans de l’échantillon étaient toujours en service, et c’est donc la Défense nationale qui était chargée de leur fournir des soins[23].

M. Berthelette a indiqué qu’ACC devait en faire davantage pour éliminer les obstacles qui ralentissent la prise de décisions relatives à l’admissibilité : « Ces obstacles sont : la complexité du processus de demande, les retards de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes quant à l’obtention de dossiers médicaux et de dossiers sur les états de service, ainsi que les longues périodes d’attente avant de pouvoir consulter un professionnel en soins de santé mentale dans les cliniques financées par le gouvernement et traitant les traumatismes liés au stress opérationnel[24]. »

B. Processus de demande

Le BVG a effectué une enquête auprès des officiers d’entraide de la Légion royale canadienne qui représentent les vétérans et remplissent les demandes en leur nom. L’enquête a révélé que les vétérans trouvent le processus de demande complexe et long[25]. Par ailleurs, selon le BVG, les vétérans qui soumettent une demande de prestations d’invalidité doivent fournir des données qui devraient déjà se trouver dans les états de service qu’ACC reçoit du ministère de la Défense nationale[26]. Le BVG a recommandé qu’ACC aide les vétérans qui auraient besoin d’assistance supplémentaire pour compléter le processus de demande[27].

M. Doiron a fait savoir au Comité qu’ACC prend des mesures pour simplifier le processus de demande :

Nous avions un formulaire de 18 pages — et je sais que 18 pages semblent incroyables. Cela ne fait qu’un an que je suis ici et j’examine tous les formulaires, qui sont complexes. Nous sommes passés à 11 pages, et vous direz que ce n’est pas beaucoup mieux, mais le formulaire en soi n’est que de quatre pages et comprend une section sur la qualité de vie. Le reste du document, ce sont des renseignements. Ce changement a été mis en œuvre en octobre. C’est fait. Nous effectuons maintenant un examen secondaire pour voir si nous pouvons encore plus le simplifier[28].

C. Obtention des dossiers militaires

Afin de prendre une décision relative à l’admissibilité, ACC a besoin des dossiers de service produits par le ministère de la Défense nationale. Le BVG a constaté que, grâce aux efforts conjoints d’ACC et du ministère de la Défense nationale, le temps requis pour transférer les dossiers s’était amélioré, passant de 18 mois à environ 16 semaines[29]. Mais le BVG a estimé que le délai de 16 semaines est encore trop long; il a donc recommandé que le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes prennent d’autres mesures pour accélérer le transfert des dossiers de service à ACC[30].

M. Doiron a avancé quelques‑unes des raisons expliquant le temps nécessaire pour transférer les dossiers, par exemple, le besoin de supprimer les renseignements sur les tiers, conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels, et le temps requis pour transmettre les documents imprimés de bases situées dans différentes régions du Canada à un bureau central à Ottawa. Le Bgén Jean‑Robert Bernier, médecin‑chef et commandant du Groupe des services de santé des forces canadiennes, a dit au Comité que le délai de transfert des dossiers avait été réduit à cinq semaines[31]. La numérisation des dossiers facilitera aussi leur envoi du ministère de la Défense nationale à ACC. Le Bgén Bernier a cependant précisé que ce projet n’était pas terminé, et que le ministère de la Défense nationale gardera des dossiers papier pour ceux qui ont servi avant 2011[32].

D. Temps d’attente pour obtenir une évaluation

Pour être admissible au Programme des prestations d’invalidité, le vétéran doit soumettre un diagnostic médical émis par un professionnel de la santé autorisé. Il est possible d’obtenir un diagnostic dans une clinique pour BSO d’ACC. Même s’il n’a pas fait de suivi des temps d’attente pour les évaluations réalisées dans ces cliniques ou présenté de rapport sur le sujet, le Ministère a informé au BVG que le temps d’attente moyen suite à une demande de consultation est d’environ trois mois[33]. Le BVG a donc recommandé qu’ACC collabore avec les cliniques pour assurer un accès en temps opportun aux évaluations psychologiques et psychiatriques[34].

M. Doiron a indiqué au Comité qu’ACC investissait dans le réseau de cliniques pour BSO, notamment dans l’établissement d’une nouvelle clinique à Halifax, afin d’accélérer l’accès aux services de santé mentale[35].

Les vétérans peuvent aussi recevoir des services dans les centres de soins pour trauma et stress opérationnels (CSTSO) de la Défense nationale. Le BVG a toutefois remarqué que le temps d’attente dépassait 50 jours dans trois des sept centres[36]. Pour cette raison, le BVG a recommandé que le ministère de la Défense nationale travaille avec les CSTSO pour donner un accès en temps opportun aux évaluations psychologiques et psychiatriques[37].

Le Bgén Bernier a dit au Comité que la situation s’était améliorée dans les CSTSO :

En 2014, quatre des sept CSTSO ont affiché un délai moyen d’attente annuel quant au troisième rendez‑vous disponible qui était au‑deçà de cette cible. Les autres ont affiché des délais d’attente plus longs, 49 jours en moyenne, qui sont attribuables principalement aux absences de personnel, notamment aux congés de maladie prolongés et aux congés parentaux. En janvier 2015, un seul centre avait dépassé la cible, et ce, de deux jours seulement[38].

Le Bgén Bernier a insisté sur le fait que les membres des Forces armées canadiennes peuvent recevoir des services de santé mentale pendant qu’ils attendent l’évaluation approfondie d’un CSTSO : « [I]ls peuvent consulter des conseillers en toxicomanie, des infirmières en santé mentale, des médecins en soins primaires, en plus de parfois voir des psychiatres ou des psychologues en santé mentale générale[39] ».

En ce qui concerne la dotation, le Bgén Bernier a indiqué que du personnel supplémentaire avait été embauché : « En 2014, les [Forces armées canadiennes] ont reçu l’autorisation d’embaucher 54 professionnels en santé mentale, dont 21 destinés aux cliniques ayant un CSTSO. À la mi‑janvier 2015, 94 % des 455 postes autorisés en santé mentale dont nous disposons étaient occupés, et nous poursuivons nos efforts afin de pourvoir les postes vacants qui restent[40]. » En outre, le nombre d’employés par personne est le plus élevé parmi les membres de l’OTAN, et il est près de deux fois supérieur à ceux observés ailleurs au Canada[41]. Le Bgén Bernier a ajouté que les besoins en personnel reposaient sur une étude de 2002, et que le nombre d’employés a été augmenté au fil du temps. La taille des effectifs sera examinée à la lumière des résultats de l’Enquête sur la santé mentale dans les Forces armées canadiennes de 2013[42].

E. Appel des décisions relatives à l’admissibilité

Sur les 15 385 vétérans qui ont fait une demande de prestations d’invalidité pour troubles de santé mentale entre avril 2006 et juin 2014, 3 684 (soit 24 %) se sont vu refuser les prestations. Parmi ceux‑ci, 1 297 ont contesté la décision d’ACC, et 65 % d’entre eux ont obtenu gain de cause[43]. Sur les 843 vétérans qui ont contesté avec succès une décision, 695 ont dû attendre entre 6 mois et 3 ans pour obtenir une décision favorable, et 128 ont dû attendre de 3 à plus de 7 ans[44]. Comme ACC n’avait pas analysé les types d’information qui ont conduit à une décision favorable d’appel, le BVG a recommandé que le Ministère collabore avec le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) afin de déterminer si les raisons qui ont conduit le Tribunal à rendre des décisions favorables au terme du processus de révision indiquent qu’il est nécessaire de modifier le processus de demande[45].

M. Doiron a parlé de l’une des raisons qui expliquent le nombre d’appels ayant obtenu gain de cause : pour avoir droit aux prestations, le vétéran doit prouver le lien entre son invalidité et le service; or, les dossiers des vétérans ne renferment pas toujours assez d’information pour établir ce lien au moment de la demande[46]. Il a aussi fait remarquer qu’ACC travaillera avec le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) afin de mieux comprendre pourquoi ce dernier infirme certaines décisions relatives aux prestations d’invalidité. Le Ministère pourra ainsi améliorer ses politiques et ses processus de décision[47].

ACTIVITÉS DE SENSIBILISATION EN MATIÈRE DE SANTÉ MENTALE

ACC mène des activités de sensibilisation afin d’informer les vétérans et d’autres intervenants au sujet des mesures de soutien offertes pour répondre aux besoins en santé des vétérans. Le BVG a observé que la stratégie de sensibilisation d’ACC est centrée sur les vétérans et les militaires sur le point d’être libérés[48]. Selon lui, ACC devrait en faire plus pour sensibiliser les familles et les médecins de famille à l’importance d’inciter les vétérans à demander de l’aide lorsqu’ils en ont besoin[49]. Le BVG a donc recommandé qu’ACC mette à jour sa stratégie de sensibilisation pour y inclure les médecins de famille et qu’il adopte une stratégie qui répond aux besoins de tous les publics cibles[50].

Selon le plan d’action qu’il a produit à la suite de la vérification du BVG, ACC veillera à ce que ses activités de sensibilisation soient exhaustives et ajoutera des publics cibles à son plan de sensibilisation annuel, notamment les membres de la Force de réserve, les familles et les médecins de famille. Le Ministère participera aussi à des activités des Forces armées canadiennes auxquelles prennent part des vétérans et leurs familles, il apportera des améliorations à « Mon dossier ACC » et lancera un projet pilote sur les Centres de ressources pour les familles de militaires afin de fournir du soutien communautaire aux vétérans (et à leurs familles) ayant quitté le service pour des raisons médicales, et ce, pendant deux ans à compter de leur libération[51].

GESTION DE LA STRATÉGIE EN MATIÈRE DE SANTÉ MENTALE

En 2009, ACC a élaboré une Stratégie en matière de santé mentale. Le BVG a vérifié si le Ministère disposait d’informations sur le rendement pour évaluer l’efficacité des mesures de soutien en santé mentale offertes aux vétérans[52].

La Stratégie en matière de santé mentale fait mention de plus de 30 programmes et services qui aident les vétérans à composer avec des problèmes de santé mentale, mais le BVG a constaté qu’ACC n’a toujours pas établi de mesures du rendement pour évaluer l’efficacité de sa stratégie[53]. Les mesures de rendement du Ministère ciblent le nombre de vétérans qui ont été servis et la rapidité des services, plutôt que la qualité des services et leur impact sur la vie des vétérans[54]. Par conséquent, le BVG a recommandé qu’ACC évalue l’efficacité de sa Stratégie en matière de santé mentale et fasse rapport à ce sujet, et qu’il établisse des mesures de rendement pour évaluer la réussite des activités de sensibilisation[55].

Dans son rapport, le BVG a signalé qu’ACC en est aux premières étapes de la mise en œuvre du Système de surveillance des résultats signalés par les clients (SSRSC) dans les cliniques pour BSO[56]. Le système permettra de recueillir, auprès des vétérans, des informations sur leur état de santé mentale et leur traitement, ce qui pourrait aider le Ministère à formuler en temps opportun des recommandations fondées sur les faits et susceptibles d’être appliquées à l’intention du vétéran concerné et du fournisseur de services de santé mentale[57]. Dawn Campbell, directrice au BVG, a indiqué au Comité que le « SSRSC est un projet pilote qui sera ensuite déployé à plus grande échelle. D’après nous, c’est une bonne initiative qui est prometteuse[58] ». Cyd Courchesne, directeur général à ACC, a ajouté : « Grâce à ce système, nous pourrons démontrer des taux de guérison améliorés, des délais de traitement plus courts et une diminution des rechutes. Nous sommes très emballés par le déploiement du système, ce qu'il nous apprendra afin de pouvoir améliorer nos programmes de traitement, et l'échange d'information avec nos collègues aux Forces armées canadiennes[59]. »

Dans son plan d’action, ACC s’engage à achever le renouvellement de sa Stratégie en matière de santé mentale, à élaborer des mesures du rendement additionnelles, à conclure un partenariat avec l’Hôpital Royal Ottawa pour créer un centre d’excellence en santé mentale pour les militaires et les anciens combattants, et à mettre en œuvre le SSRSC dans les cliniques pour BSO[60].

RAPPORT SUR LES PROGRÈS

ACC et le ministère de la Défense nationale se sont engagés à prendre diverses mesures en réponse aux conclusions et aux recommandations du BVG, et ils ont présenté des plans d’action exposant ces mesures de manière détaillée. Un certain nombre des mesures proposées par ACC devraient être mises en place d’ici la fin du dernier trimestre de l’exercice 2015‑2016. Pour surveiller les progrès réalisés à cet égard, le Comité formule la recommandation suivante :

RECOMMANDATION

Que, d’ici le 31 mars 2016, Anciens Combattants Canada et le ministère de la Défense nationale présentent au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes des rapports sur les progrès qu’ils auront réalisés dans l’application des recommandations contenues dans le chapitre 3 du rapport de l’automne 2014 du Bureau du vérificateur général du Canada.

CONCLUSION

Les vétérans des Forces armées canadiennes ont contribué grandement à la sécurité des Canadiens. Certains d’entre eux y ont sacrifié leur santé physique ou mentale. Afin de reconnaître leur contribution et de témoigner d’une sensibilisation accrue aux problèmes de santé mentale, le gouvernement fédéral offre différents programmes et services aux vétérans – y compris le programme de réadaptation et le Programme de prestations d’invalidité d’ACC – pour qu’ils puissent bénéficier d’un soutien continu en santé mentale. Il importe que ces programmes et services répondent efficacement aux besoins des vétérans.

Le BVG a conclu qu’ACC n’en faisait pas assez pour faciliter l’accès en temps opportun aux services de santé mentale et aux prestations du Programme de prestations d’invalidité. Le Ministère a cependant facilité l’accès en temps opportun des vétérans aux services de santé mentale et aux prestations du programme de réadaptation. Le BVG a reconnu qu’ACC avait mis en place d’importantes mesures de soutien en santé mentale, comme les cliniques pour BSO, un service téléphonique accessible en tout temps et le Programme SSBSO[61]. Le BVG a aussi conclu que le Ministère pouvait consacrer plus d’efforts à la sensibilisation des médecins de famille et des familles des vétérans, et qu’il doit renforcer sa capacité de démontrer que ses services répondent efficacement aux besoins des vétérans en santé mentale[62].

ACC et le ministère de la Défense nationale ont expliqué au Comité qu’ils prenaient diverses mesures en réponse à la vérification. Par exemple, ils investissent dans les cliniques pour BSO, simplifient les formulaires de demande, accélèrent le transfert des documents, améliorent les activités de sensibilisation, réduisent les temps d’attente pour obtenir une évaluation, examinent les raisons pour lesquelles certains appels obtiennent gain de cause, et renouvellent la Stratégie en matière de santé mentale en y intégrant d’autres mesures de rendement. Le Comité s’attend à ce que les deux ministères continuent de faire tout en leur pouvoir pour que les vétérans aient accès en temps opportun aux services de santé mentale dont ils ont besoin.


[2]              Vérificateur général du Canada, « Chapitre 3 – Les services de santé mentale pour les vétérans », Automne 2014 – Rapport du vérificateur général du Canada, Ottawa, 2014, pièce 3.1.

[3]               Ibid., par. 3.6.

[4]              Ibid., par. 3.5.

[5]              Ibid., par. 3.6.

[6]              Ibid., par. 3.11.    

[7]              Ibid., par. 3.12.

[8]              Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 2e session, 41e législature, 25 février 2015, réunion no 48.

[9]              Vérificateur général du Canada, ch. 3, par. 3.19.

[10]           Ibid., par. 3.16.

[11]           Ibid., par. 3.18.

[12]           Ibid., par. 3.23.

[13]           Ibid., par. 3.24.

[14]           Ibid., par. 3.26.

[15] I         Ibid., par. 3.27.

[16]           Réunion no 48, 1540.

[17]           Ibid., 1715.

[18]           Vérificateur général du Canada, ch. 3, par. 3.33.

[19]           Réunion no 48, 1715.

[20]           Ibid.

[21]           Ibid., 1545.

[22]           Ibid., 1650.

[23]           Vérificateur général du Canada, ch. 3, par. 3.29.

[24]           Réunion no 48, 1540.

[25]           Vérificateur général du Canada, ch. 3, par. 3.32.

[26]           Ibid.

[27]           Ibid., par. 3.33.

[28]           Réunion no 48, 1630.

[29]           Vérificateur général du Canada, ch. 3, par. 3.35.

[30]           Ibid., par. 3.36.

[31]           Réunion no 48, 1635.

[32]           Ibid., 1705.

[33]           Vérificateur général du Canada, ch. 3, par. 3.39.

[34]           Ibid., par. 3.42.

[35]           Réunion no 48, 1545.

[36]           Vérificateur général du Canada, ch. 3, par. 3.40.

[37]           Ibid., par. 3.43.

[38]           Réunion no 48, 1555.

[39]           Ibid., 1610.

[40]           Ibid., 1555.

[41]           Ibid., 1610.

[42]           Ibid., 1605.

[43]           Vérificateur général du Canada, ch. 3, par. 3.44.

[44]           Ibid., par. 3.45.

[45]           Ibid., par. 3.47.

[46]           Réunion no 48, 1645.

[47]           Ibid., 1550.

[48]           Vérificateur général du Canada, ch. 3, par. 3.54.

[49]           Ibid.

[50]           Ibid., par. 3.58.

[51]           Anciens Combattants Canada, Services de santé mentale offerts aux vétérans : Plan d’action, novembre 2014.

[52]           Vérificateur général du Canada, ch. 3, par. 3.59.

[53]           Ibid., par. 3.63.

[54]           Ibid., par. 3.64.

[55]           Ibid., par. 3.67.

[56]           Ibid., par. 3.65.

[57]           Ibid.

[58]           Réunion no 48, 1640.

[59]           Ibid.

[60]           Anciens Combattants Canada, Services de santé mentale offerts aux vétérans : Plan d’action.

[61]           Réunion no 48, 1540.

[62]           Vérificateur général du Canada, ch. 3, par. 3.70 et 3.71.