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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 045 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 26 février 2015

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, bonjour.
    Bienvenue à la 45e séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. Nous poursuivons aujourd'hui l'étude intitulée « Exploration du potentiel de la finance sociale au Canada ».
    Nous accueillons avec plaisir un premier groupe de témoins, composé de François Vermette, directeur du développement de l'organisme Chantier de l'économie sociale, et, par vidéoconférence, David LePage, président du Conseil pour les entreprises sociales du Canada, qui se trouve à Vancouver. Messieurs, bienvenue au comité et merci d'avoir accepté d'y témoigner.
    Nous disposons de 50 minutes pour vos témoignages. Vous disposerez d'un maximum de 10 minutes chacun pour faire votre présentation.
    Pourquoi ne pas commencer par M. Vermette?

[Français]

     Bonjour. Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui.
    Nous sommes venus vous parler de ce que nous faisons au Chantier de l'économie sociale en finance sociale.
    Le Chantier de l'économie sociale est un regroupement de réseaux d'entreprises d'économie sociale. Pour nous, les entreprises d'économie sociale sont des entreprises collectives ayant une mission sociale qui se servent d'activités économiques pour arriver à leurs fins. Il y en a plusieurs milliers au Québec et encore plus à l'échelle du Canada.
     Après notre création en 1996, nous avons constaté assez rapidement la difficulté de trouver du financement pour ce type d'entreprises. Peu après, en 1997, nous avons donc créé un fonds qui s'appelle le Réseau de l'investissement social du Québec — le RISQ —, lequel est doté de 12 millions de dollars. Ce fonds accorde des prêts à risque à des entreprises d'économie sociale, un peu comme son acronyme l'indique, c'est-à-dire des investissements sans aucune forme de garantie. Au départ, ce fonds a été constitué par des dons d'entreprises privées et par un prêt du gouvernement du Québec. Ce prêt a été renouvelé une fois depuis, mais il nous a permis de constituer un capital et de financer des entreprises dont la mission est sociale.
    Les divers prêts que le RISQ accorde sont relativement petits. Il y a des prêts de prédémarrage qui commencent à 5 000 $, et qui peuvent aller jusqu'à 200 000 $. Ce sont des prêts que les institutions financières, les banques et les caisses populaires ont de la difficulté à consentir, car même s'ils sont petits, ils requièrent une analyse presque aussi grande qu'un prêt plus important. Donc, la rentabilité de ces prêts est difficile pour les banques normales.
    Nous nous sommes rapidement rendu compte que la limite de 200 000 $ n'était pas assez élevée. Nous avons alors créé un autre outil d'investissement qui s'appelle la Fiducie du Chantier de l'économie sociale. Dans ce cas-ci, il s'agit d'une fiducie qui peut consentir des prêts jusqu'à 3,5 millions de dollars. La fiducie a été capitalisée en partie grâce au gouvernement fédéral par l'entremise d'un programme qui n'existe plus, mais qui nous avait permis de capitaliser une partie. Quant au reste, ce sont des contributions des fonds de travailleurs, donc des fonds des syndicats au Québec, dont les plus grands sont le Fonds des travailleurs de la FTQ et le Fonds d'action de la CSN. Les deux ensemble ont mis 20 millions de dollars dans le fonds.
    La fiducie finance le même type d'entreprises, soit celles ayant d'abord une mission sociale, mais elle a ceci de particulier: elle accorde des prêts en capital patient. Autrement dit, les entreprises n'ont pas à rembourser de capital pour les 15 premières années. De plus, elles ne remboursent qu'une partie de l'intérêt, et à la 15e année, elles doivent rembourser le prêt au complet, habituellement en trouvant du financement sur le marché normal. Comme cela ne fait pas 15 ans que la fiducie existe, cela n'est pas encore arrivé. Les entreprises remboursent leurs prêts au fil du temps.
    Il y a un fait intéressant à noter. Ceux qui ont contribué au fonds par un investissement, entre autres les fonds de travailleurs et le gouvernement du Québec, ont accepté de ne recevoir leurs intérêts et leur capital qu'après 15 ans. Pour les fonds de travailleurs surtout, c'est une forme d'investissement dans leur portefeuille. Nous comprenons qu'ils ne pourraient pas investir tout leur argent de cette façon, mais cela nous permet quand même de soutenir des entreprises. Le fait que ce soit du capital patient dégage plus de liquidités dans les entreprises pendant la période cruciale des premières années.
    Nous avons créé tous ces outils. Nous continuons à être à l'écoute des besoins des entreprises. Nous travaillons à développer d'autres fonds pour essayer de répondre à d'autres besoins, quand ils nous sont exprimés. Évidemment, nous avons pu le faire grâce au soutien gouvernemental, lequel nous a permis de donner le premier élan.

  (1540)  

     Cela a permis de lever des capitaux privés de manière assez importante dans un créneau qui, habituellement, est assez négligé par les grandes institutions.
    La fiducie va bientôt avoir investi tout son argent. Il faudra soit recapitaliser ou attendre la 15e année pour retoucher de l'argent. Quelque cinquante millions de dollars ont été investis dans des entreprises et cela fonctionne très bien. Nous pouvons parler d'une réussite. Cela pourrait être reproduit ailleurs.
    Voilà qui termine ma présentation. Je suis disposé à répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur.
    Passons maintenant à M. LePage, à Vancouver, par vidéoconférence.
    Allez-y.
    Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie.
    Je vous sais gré de me donner l'occasion de m'exprimer à propos de ce dossier opportun et de première importance, la finance sociale et l'entrepreneuriat social.
    Nous tous ici présents convenons de l'existence d'un enjeu majeur dont a fait état le gouvernement fédéral dans le budget de 2014: l'État ne saurait résoudre à lui seul les problèmes sociaux et économiques actuels. À notre avis, cependant, la finance sociale et l'entrepreneuriat social sont deux outils susceptibles de nous aider à régler les problèmes sociaux complexes qui s'aggravent, à nous adapter à l'évolution démographique et à composer avec des budgets gouvernementaux en baisse.
    D'entrée de jeu, je me dois de vous féliciter. En quelques années seulement, les gouvernements de partout au pays, toutes allégeances confondues, ont trouvé des moyens concrets de faire passer le Canada du rôle d'observateur à celui de partenaire et de facilitateur à l'égard du nouveau secteur international de la finance sociale et de l'entrepreneuriat social. En 2013, le Conseil pour les entreprises sociales du Canada, ou CESC, a eu le plaisir de tenir conjointement, avec le gouvernement, le Forum mondial des entreprises sociales, à Calgary. À cette occasion, Jason Kenney, alors ministre de l'Emploi et du Développement social du Canada, a exprimé l'appui du gouvernement pour la finance sociale et l'entrepreneuriat social, ce qui nous a ravis. Votre rôle structurant et l'excellent travail des loyaux fonctionnaires ont des résultats et des retombées manifestes.
    Je consacre maintenant quelques minutes à vous fournir un peu de contexte avant de formuler cinq suggestions pour l'avenir.
    Une entreprise d'économie sociale, c'est une entreprise communautaire qui accorde la priorité à l'accomplissement d'une mission sociale plutôt qu'au rendement des investissements des actionnaires. Les profits sont réinvestis intégralement dans l'élargissement de la mission sociale. Les entreprises d'économie sociale visent à optimiser la valeur intégrée du rendement de l’investissement, un rendement à la fois social et financier. Elles sont exploitées par des organismes à but non lucratif ou de bienfaisance, par des sociétés hybrides ou même par des coopératives sans but lucratif. On en retrouve dans tous les secteurs commerciaux, de la fabrication à la vente de détail en passant par les services de nettoyage, les soins de santé, les arts et le recyclage. Leurs missions sociales ciblent tout un éventail d'enjeux, comme l'intégration sociale, la formation professionnelle, la réduction de la pauvreté, les jeunes à risque, l'itinérance ou l'accès à l'emploi des personnes qui se heurtent à divers obstacles, notamment en raison d'une incapacité.
    Voici quelques exemples. À Vancouver, l'Association de la déficience développementale exploite Starworks Packaging, qui compte parmi sa clientèle des sociétés telles que Finning International, Caterpillar et BC Hydro. Tout en offrant des services commerciaux de qualité dans les domaines de l'industrie légère et de l'assemblage, Starworks Packaging fait travailler 45 personnes ayant un trouble du développement.
    Pour sa part, BUILD est une entreprise d'économie sociale de Winnipeg qui évolue dans le domaine de la construction et qui vise la formation et l'emploi des jeunes à risque. La majorité des participants sont de jeunes Autochtones. Logement Manitoba est l'un de ses plus gros clients. Selon le chef de police local, BUILD est un modèle efficace d'intervention à l'égard des problèmes que vivent concrètement les jeunes à risque. Alors que les tribunaux et les forces de l'ordre ne peuvent qu'incarcérer de nouveau les jeunes qui ont déjà un casier judiciaire, BUILD leur donne l'occasion de suivre une formation et d'éventuellement exercer un métier manuel.
    Le Toronto Enterprise Fund soutient pour sa part 15 entreprises d'économie sociale axées sur les besoins en matière de formation et d'emploi qu'éprouvent les jeunes, les adultes et les nouveaux arrivants menacés par l'itinérance.
    Comme toujours lorsqu'il est question d'innovation, il importe de mesurer concrètement les retombées qu'elle engendre. Grâce au financement du CESC, Peter Hall, de l'Université Simon-Fraser, et Peter Elson, de l'Université de Victoria, ont pu sonder des entreprises de partout au pays. Leur dernier sondage a montré que les 757 entreprises sociales réparties dans six provinces et trois territoires en cause faisaient travailler pas moins de 20 000 personnes, dont 75 %, soit 15 000 personnes, avaient été ciblées en fonction de la mission de l'organisme à but non lucratif. Les entreprises d'économie sociale qui ont répondu au sondage avaient tiré 480 millions de dollars, soit 75 % de leurs revenus, de la vente de biens ou de services.
    J'entends maintenant porter cinq stratégies possibles à l'attention du comité.

  (1545)  

    Alors que certaines de ces idées ne coûteraient rien à l'État, d'autres nécessiteraient la prolongation ou l'élargissement de programmes actuels ou encore la définition ou la redéfinition de priorités. Quelques cas, enfin, impliqueraient potentiellement de nouveaux investissements.
    Primo, bon nombre d'organismes sans but lucratif et d'adeptes potentiels de l'épargne solidaire ont l'habitude d'évoluer dans leur propre sphère axée strictement sur le service social ou le commerce, mais dans un contexte commercial à valeur intégrée — l'entrepreneuriat social et la finance sociale —, il faut aiguiser le sens des affaires du secteur sans but lucratif et mieux sensibiliser les investisseurs traditionnels aux retombées sociales. Autrement dit, il faut créer des programmes qui accroîtront les compétences en affaires des travailleurs sociaux et qui élargiront les perspectives des investisseurs potentiels sur la valeur sociale des projets.
    Nous avons en effet découvert qu'une bonne partie des programmes fédéraux qui appuient actuellement les activités des PME n'excluent pas les entreprises sans but lucratif, que ce soit aux termes d'une loi ou d'un règlement; simplement, leurs responsables ne sont pas préparés à interagir avec le secteur social ou n'ont pas reçu de directives à cet effet. Il faut absolument maintenir et élargir les initiatives gouvernementales actuelles de manière à reconnaître l'entrepreneuriat social et la propriété sans but lucratif en tant que modèles commerciaux. L'octroi d'une enveloppe budgétaire modeste pour soutenir durablement le Réseau Entreprises Canada d'Industrie Canada et d'autres programmes gouvernementaux générerait des retombées considérables.
    Secundo, les entreprises d'économie sociale sont axées sur l'approvisionnement et la valeur sociale. Or, elles doivent pouvoir accéder aux marchés, à la demande, car l'élargissement de leur clientèle leur permet de prendre de l'expansion et, ce faisant, d'accroître leurs retombées sociales. Nous recommandons l'adoption et la mise en oeuvre des politiques d'approvisionnement à vocation sociale qui figurent dans le document de recherche sur ce type d'approvisionnement qu'a commandé l'an dernier le CESC. Grâce aux programmes d'achat à vocation sociale, les gouvernements peuvent susciter des retombées sociales majeures sans coût additionnel ni perte de qualité, tout en générant une valeur réelle et des profits pour le contribuable canadien.
    Tertio, au fur et à mesure que les entreprises sociales se multiplient, croissent et prennent de l'expansion, elles doivent pouvoir accéder à un financement adéquat, au moment voulu. Il faut donc élaborer d'autres modèles à l'égard des subventions, de l'endettement et des garanties.
    Quarto, pour soutenir le marché et la finance sociale tout en favorisant la mobilisation des entreprises d'économie sociale, il faut harmoniser les politiques et les programmes gouvernementaux pertinents des divers ministères. L'ARC et sa Division des organismes de bienfaisance doivent projeter une image de soutien et d'encouragement et non limiter le recours approprié des organismes sans but lucratif et de bienfaisance aux entreprises d'économie sociale.
    Enfin, le gouvernement occupe une position de choix pour ce qui est de favoriser et d'initier un engagement intersectoriel et d'agir comme partenaire à cet égard. La participation et la collaboration de l'État et des secteurs privé et communautaire est essentielle au succès des efforts en ce sens.
    Merci beaucoup de m'avoir consacré du temps. Je serai heureux de répondre à vos questions et de continuer à collaborer avec l'État dans ce dossier de première importance.

  (1550)  

    Merci beaucoup de votre témoignage.
    Passons maintenant aux séries de questions de cinq minutes.
    Madame Morin.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais remercier les témoins, dont les exposés étaient très intéressants.
    Quel genre de programmes sociaux profiterait le plus à la finance sociale? Le Chantier de l'économie sociale touche les entreprises d'économie sociale, mais aussi beaucoup les organismes communautaires. J'aimerais vous entendre davantage à ce sujet.
    Monsieur Vermette, vous pouvez commencer, puis ce sera au tour de M. LePage de répondre.
     De plus en plus d'organismes communautaires réalisent des activités d'économie sociale, ce qui ne change pas leur nature pour autant. Ils offrent des services, qui peuvent être de toutes sortes, contre rémunération. Par exemple, un centre communautaire peut décider de rentabiliser les espaces dont il dispose en les louant à des fins autres que sociales. Ces revenus lui permettent alors de mieux remplir sa mission. C'est une situation fréquente. Les entreprises que décrit M. LePage sont également tout à fait courantes. J'aurais pu faire sa présentation. En effet, je pense que nous sommes à 100 % sur la même longueur d'ondes.
     Beaucoup d'entreprises au Canada, par exemple des entreprises adaptées, offrent du travail à des personnes handicapées. Des entreprises dites d'insertion embauchent des gens qui sont très loin du marché du travail et leur dispensent une formation dans le cadre de travaux qui, bien que minimaux dans bien des cas, aident ces personnes à s'insérer dans le marché du travail. Cela donne d'excellents résultats.
    Comme le disait M. LePage, il est certain que si on parle de l'ouverture des marchés de l'approvisionnement gouvernemental, il s'agit de sommes très importantes. En effet, les gouvernements — et pas seulement le gouvernement fédéral, mais aussi les villes et les provinces — dépensent des montants très importants pour l'achat de biens et de services, dont plusieurs sont déjà offerts par des entreprises d'économie sociale.
    Les appels d'offres sont conçus de façon telle que ces entreprises ne peuvent pas y accéder. En revanche, certains efforts rendraient la chose possible, et ce, à un coût égal voire inférieur. Cela permettrait du même coup à ces organismes de répondre à leurs objectifs sociaux.
    D'accord. Je vous remercie.
    Monsieur LePage, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

    Je ne crois pas que nous ayons atteint la limite du rôle que peuvent assumer les entreprises d'économie sociale pour répondre aux besoins de la population. À Vancouver, le secteur de l'économie sociale est très dynamique et il répond aux besoins du très difficile marché de l'emploi du Downtown Eastside, l'un des quartiers les plus pauvres du Canada. Il existe des groupes comme EMBERS, une entreprise qui fournit des journaliers et qui fait ainsi travailler chaque jour une bonne centaine de personnes qui se heurtent à des obstacles. Il y a des entreprises comme The Cleaning Solution, dont 70 % du personnel se compose de personnes qui ont des problèmes permanents de santé mentale.
    Dans les secteurs ruraux, comme Haida Gwaii, on trouve des choses comme la Haida Gwaii Higher Education Society, une microentreprise qui offre des programmes universitaires nord-américains dans une communauté très rurale. Les étudiants vont y étudier, ce qui permet de favoriser le développement économique de leur communauté tout fournissant un emploi aux sages et aux dirigeants culturels de la communauté.
    On voit la même chose dans le développement économique des collectivités rurales. On voit la même chose dans le domaine de l'emploi. On voit aussi la même chose dans les arts et la culture. Quand on constate comment les entreprises d'économie sociale rassemblent les communautés d'immigrants et les communautés d'expression française hors Québec, on constate que leur objectif n'est pas de faire des profits, mais bien de définir un modèle d'affaires qui permet de résoudre un problème ou d'ouvrir des débouchés. Je ne crois pas que nous ayons atteint la limite des types d'entreprises possibles ni des types de problèmes qu'elles peuvent contribuer à résoudre.

  (1555)  

[Français]

    D'accord. Je vous remercie beaucoup.
    Est-ce qu'il me reste du temps?

[Traduction]

    Il vous reste 15 secondes.
    Je vais faire très vite.

[Français]

    Est-ce que chacun d'entre vous pourrait me dire quelle devrait être la grande priorité du gouvernement fédéral en vue de favoriser la finance sociale au Canada?
    Beaucoup de programmes existent déjà...

[Traduction]

    Je suis d'accord avec François...
    Le président: En fait, messieurs, je dois vous interrompre...
    M. David LePage: ... pour moi, la grande priorité, ce serait que le gouvernement modifie son mode d'approvisionnement.
    Merci.
    Je dois vous interrompre, car le temps est écoulé. J'aurais peut-être dû intervenir avant que la députée pose sa question, mais j'ai décidé de faire preuve de courtoisie à son égard.
    Monsieur Armstrong, vous disposez de cinq minutes.
    Je remercie les deux témoins d'être ici cet après-midi.
    Je commence par une question à laquelle vous pourriez répondre tous les deux. Prenez un programme que vous connaissez très bien et parlez-moi des différents rôles qu'il faut remplir pour lui permettre de concrétiser sa mission. Par exemple, quel est le rôle de l'État? Quel est le rôle de l'entreprise? Quel est le rôle du client? Choisissez chacun un projet précis que vous connaissez bien de manière à ce que nous puissions bien comprendre ce dont il est question aujourd'hui.
    On peut commencer par vous, monsieur LePage.
    Je peux donner un exemple d'excellent potentiel. Le gouvernement fédéral vient de conclure un marché avec une unique entreprise pour l'entretien et le nettoyage de tous ses immeubles au pays. Il s'agit d'une grande multinationale qui devra sous-traiter les tâches de nettoyage et d'entretien en tant que tel.
    Or, si le contrat était soumis à des politiques sociales, cette multinationale chercherait à sous-traiter le travail auprès d'entreprises d'économie sociale qui ouvriraient ainsi des débouchés d'un bout à l'autre du Canada, car les possibilités de partenariat sont innombrables lorsqu'il est question d'entretenir la multitude d'immeubles du gouvernement, aussi bien à Yellowknife qu'à Québec et à Toronto. En examinant les clauses sociales qui figurent dans un contrat conclu avec l'État, l'entrepreneur privé pourrait dégrouper ses services et faire appel à des entreprises d'économie sociale pour en assurer la prestation, ce qui permettrait à des gens de recevoir de la formation. Cette démarche deviendrait alors un partenariat entre les secteurs public, privé et communautaire. On recourrait aux entreprises d'économie sociale pour répondre aux besoins de tout le monde.
    Monsieur Vermette.

[Français]

     J'aime beaucoup l'exemple qu'a utilisé M. LePage, mais on pourrait le voir de différentes façons.
    De plus en plus, il existe ce qu'on appelle des « clauses sociales » dans d'autres pays, en Europe et aux États-Unis. Il s'agit donc d'un contrat comme celui dont M. LePage parlait, c'est-à-dire faire le ménage dans tous les immeubles fédéraux, par exemple. On comprend qu'il y avait des charges, et qu'on disait ce qu'on voulait comme ménage, mais on pourrait aussi ajouter qu'on veut intégrer en emploi des personnes qui sont loin du marché du travail ou des personnes handicapées. L'entreprise privée peut le faire elle-même, ce qui serait un atout pour la société mais, dans beaucoup de cas en Europe, elle a engagé des sous-traitants, des entreprises d'économie sociale dont c'était la mission de faire cela. Que ce soit l'un ou l'autre, je pense que la société est gagnante. Ce marché reste ouvert pour tous.
    C'était un exemple, mais on pourrait aussi dire, quand on fait un contrat pour tout le Canada, qu'on est à peu près sûr que seules des multinationales vont être capables d'y répondre et que le nombre d'entreprises qui vont pouvoir soumissionner est limité. Souvent, si on fractionne le contrat et le limite à une ville, ou parfois même à un immeuble, on n'aura pas de moins bons prix et cela va permettre à des entreprises locales ou des entreprises d'économie sociale de soumissionner, ce qu'elles ne peuvent pas faire pour des contrats qui sont trop gros. On doit toujours avoir cela en tête quand on fait les appels d'offres. La façon même dont on définit notre appel d'offres a un impact.

  (1600)  

[Traduction]

    Mme Morin vous a demandé à tous les deux de nommer une manière dont l'État pourrait favoriser l'entrepreneuriat social. M. LePage a répondu à la question, mais vous, monsieur Vermette, n'en avez pas eu l'occasion. Voulez-vous le faire maintenant?

[Français]

    L'intégration de clauses sociales dans les appels d'offres ou l'ouverture des programmes de recherche-développement, par exemple, qui se font en ce moment souvent par l'entremise des crédits d'impôt et qui ne sont pas ouverts aux entreprises sans but lucratif. Ce sont deux façons relativement simples, si on veut, de favoriser ce secteur.

[Traduction]

    Il vous reste une trentaine de secondes.
    Très rapidement, dans votre présentation, vous avez dit que, après 15 ans, et les fonds de travailleurs — je pense que vous avez parlé d'un investissement de 20 millions de dollars — et l'État lui-même toucheraient un bon rendement sur le capital investi. Croyez-vous qu'il s'agira de profits importants? Croyez-vous que les activités que vous avez financées sont assez profitables pour générer un retour sur investissement?

[Français]

    Notre ratio de pertes est très faible. En fait, il est plus faible que pour des fonds à risque semblables qui s'adressent à des entreprises privées. Nous sommes très confiants et contents jusqu'ici. On l'a vu dans le cas d'autres portefeuilles d'Investissement Québec, une société d'investissement du gouvernement du Québec.
     Quand on investit dans des entreprises d'économie sociale, le ratio de pertes est plus faible que pour les entreprises privées parce que ces entreprises sont ancrées dans leur milieu. Elles sont soutenues par leur communauté et, leur finalité n'étant pas le profit — bien qu'elles doivent dégager des surplus sinon elles meurent —, leur taux moyen de survie est meilleur que celui des entreprises privées.
    On s'attend donc à de bons résultats.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Voilà qui conclut cette série de questions.
    Monsieur Cuzner, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins.
    Monsieur Vermette, depuis combien de temps votre organisme existe-t-il?

[Français]

     Nous existons depuis 1996. Notre organisme a été fondé il y a presque 20 ans.

[Traduction]

    Dix-neuf ans? D'accord. Donc, on s'attend à un remboursement après 15 ans. Avez-vous accepté des demandes de prêt au cours des quatre premières années? Commencez-vous à toucher en rendement sur ces investissements?

[Français]

    Ce fonds a été créé en 2007, soit il y a huit ans seulement. C'est donc dire que le capital investi n'a pas encore commencé à produire de rendement.

[Traduction]

    C'est du capital patient. Il faut faire preuve de beaucoup de patience.
    Le capital patient, c'est quelque chose dont beaucoup d'autres témoins nous ont aussi parlé.
    Quels sont vos mécanismes de vérification au fil du temps? S'agit-il d'une espèce de partenariat avec les organismes que vous financez dans le cadre duquel un représentant de votre organisme garde l'oeil sur le fonds, sur l'évolution du dossier? Est-ce ainsi que les choses se passent habituellement ou vous contentez-vous de signer un chèque et d'attendre 15 ans?
    Monsieur LePage, voulez-vous vous exprimer aussi sur ce point, après M. Vermette?
    À l'instar de toute banque qui consent un prêt, nous effectuons un suivi. Nous recevons des états financiers tous les ans.
    Chaque année, et c'est la norme dans l'industrie?
    Oui.
    Monsieur LePage, vous avez mentionné les travailleurs sociaux. Je trouve que de favoriser l'acquisition de compétences en affaires, c'est une bonne idée. Commence-t-on à offrir ce genre de formation dans certains établissements d'enseignement au pays, comme dans le programme de travail social de l'Université Dalhousie? Commence-t-on à adapter les programmes d'enseignement dans le but de reconnaître les débouchés, le potentiel, du financement social?
    Les collèges et les universités, surtout, commencent à faire de la recherche et du développement par rapport aux programmes. L'Université de Fredericton offre un programme de maîtrise en administration des affaires spécialisée en entrepreneuriat social. Les universités du Manitoba, de Winnipeg et de Toronto ont aussi greffé des programmes d'entrepreneuriat social à leurs écoles de commerce, alors les choses évoluent en enseignement supérieur. Le plus difficile, c'est d'amener le sujet dans les écoles primaires et secondaires, de manière à faire comprendre aux élèves, tout au long de leur parcours, qu'activité commerciale peut rimer avec collectivité et enjeux sociaux. La compartimentation persiste.
    Lorsqu'on forme des travailleurs sociaux et qu'on les interroge à propos de l'entrepreneuriat social, ils ne sont jamais... Ils sont passionnés et ils font de l'excellent travail, mais nous agissons par l'intermédiaire de programmes. Nous faisons équipe avec EDSC dans le but d'élargir le programme Enterprising Non-Profits pour l'offrir partout au pays. Ce programme aide des groupes sans but lucratif à acquérir des compétences en affaires pour planifier leurs activités et le développement de leurs compétences, mais il n'en est qu'à son tout début. C'est la même chose pour les investisseurs: ils cherchent à trouver le moyen d'appliquer un prisme social aux outils financiers traditionnels de manière à favoriser une valorisation intégrée.
    Je pense que c'est un apprentissage. Nous unissons tous nos forces. Les investisseurs cherchent à faire fonctionner le modèle. Les universitaires les aident. Nous n'en sommes qu'au tout début, mais nous avons déjà franchi des étapes cruciales.

  (1605)  

    Nous apprenons parfois de nos erreurs. Ce n'est pas toujours le cas des partisans des Maple Leafs de Toronto.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Rodger Cuzner: Cependant, messieurs, vous êtes dans le domaine depuis très longtemps. Est-il arrivé qu'un programme ou un investissement ait vraiment mal tourné? Peut-on en tirer des leçons pour améliorer les pratiques? Êtes-vous au courant de cela? Jusqu'à présent, la plupart des témoignages que nous avons entendus ont fait état d'investissements très fructueux et d'excellents résultats.
    Vous avez absolument raison. Il y a des gens qui tentent de démarrer une entreprise, mais qui ne tiennent pas compte de l'équilibre entre l'aspect entrepreneurial avec l'aspect social, si bien que l'entreprise est tellement concentrée sur sa vocation sociale qu'elle ne cible pas son marché, et sans marché, une entreprise ne peut réussir. Cela nous a appris notamment l'importance de se préparer et d'avoir un plan d'affaires. Bon nombre d'entreprises à vocation sociale se lancent en affaires sans avoir établi au préalable un bon plan d'affaires, et elles doivent fermer leurs portes après six mois ou deux ans.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer au prochain tour avec M. Butt.
    Je vous remercie tous les deux de votre présence, messieurs.
    Il y a quelques années, j'ai eu l'occasion de siéger au comité spécial que la Chambre des communes a mis sur pied pour étudier les coopératives au Canada. Parmi les principaux points soulignés par les témoins, notons le fait que bien des gens, ainsi que de nombreux ministères et organismes gouvernementaux, ne comprennent ni la nature ni le fonctionnement des coopératives. Je me demande si le même problème se pose à l'égard de l'entreprise à vocation sociale et de la finance sociale. Je me demande si vous avez des suggestions quant à ce que le gouvernement fédéral peut faire pour mieux sensibiliser les gens afin qu'ils sachent ce qu'est la finance sociale et ce que les entreprises à vocation sociale font au juste, pour faire en sorte que les organismes comme la Banque de développement du Canada, voire d'autres ministères et organismes, puissent mieux comprendre ce modèle et être davantage en mesure de trouver des façons d'appuyer la finance sociale au pays.
    Vous pourriez peut-être commencer, monsieur Vermette, et j'aimerais ensuite entendre l'avis de M. LePage.

[Français]

     Il est évident qu'investir dans des entreprises d'économie sociale n'est pas la même chose qu'investir dans des entreprises privées normales.
    Cela fait plus de 15 ans que nous investissons dans ce genre d'entreprises. Nous avons acquis une expertise au fil du temps. Nous avons même élaboré un guide spécialement pour analyser des projets d'économie sociale. Ce guide vient de notre expérience et nous le partageons avec d'autres institutions bancaires desquelles nous sommes proches, notamment une caisse du Mouvement Desjardins. Nous le partageons aussi avec des agents gouvernementaux qui ont à analyser des projets. Le guide existe déjà.
    Il est toujours possible de nous soutenir. Ce guide a été fait en fonction du contexte québécois. Il est possible de le remanier pour le contexte canadien, de le traduire dans les deux langues officielles et de le diffuser. Tout le monde y gagnerait. Nous sommes prêts à partager cette expérience. D'ailleurs, une partie du guide est en ligne sur notre site Web.
    Effectivement, c'est différent. Il est important que les gens qui ont à analyser ce genre de projets de coopératives et d'organismes sans but lucratif puissent comprendre la distinction entre les entreprises d'économie sociale et les autres entreprises. Qu'est-ce qui fait qu'un projet, s'il est porté par une entreprise privée, a peu de chances de marcher, alors que s'il l'est par une coopérative appuyée par des membres, il a des chances de passer? L'analyse qui en est faite doit être différente.

  (1610)  

[Traduction]

    Monsieur LePage.
    Monsieur Butt, je crois que vous avez souligné un point très important, et cela explique en partie pourquoi notre cinquième recommandation parle du rôle que le gouvernement peut assumer pour faciliter et orienter cette discussion intersectorielle. Si j'invitais des entreprises à participer à une discussion, j'obtiendrais peut-être une réaction, mais si l'invitation venait du gouvernement, la réaction serait énorme. Je crois que c'est ce que nous avons constaté à la suite des commentaires faits par le ministre Kenney à Calgary, en 2013.
    Le ministre de l'Emploi et du Développement a fortement encouragé les fonctionnaires qui travaillent dans ce domaine en faisant preuve de leadership et en affirmant son soutien publiquement. Je crois que vous avez entendu Siobhan Harty la semaine dernière. En accordant à la fonction publique la latitude nécessaire pour collaborer avec le secteur communautaire, je crois que le gouvernement joue un rôle... Le réseautage, les conférences et les activités d'apprentissage ne sont pas des initiatives très coûteuses, mais elles ne sont pas attrayantes. Comment peut-on aider le gouvernement à continuer d'être un chef de file dans la collaboration intersectorielle? Dans d'autres pays, nous avons vu le secteur privé, les entreprises à vocation sociale et le milieu de la finance sociale se concerter, mais ils doivent viser un objectif commun.
    Merci, messieurs.
    Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions avec M. Ravignat.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord vous féliciter tous les deux de faire la promotion des entreprises à vocation sociale au pays. Il y en a plusieurs dans ma circonscription et dans la région de l'Outaouais qui sont très novatrices et qui font un travail très impressionnant. Je crois qu'elles feront certainement partie des solutions d'avenir pour assurer la stabilité sociale au pays, et j'ai donc hâte qu'elles prennent leur essor.
    J'aimerais en savoir un peu plus sur les marchés publics. En tant que porte-parole de l'opposition officielle en ce qui concerne le Conseil du Trésor, je me pose cette question depuis un certain temps. J'imagine que les entreprises sociales doivent relever bien des défis semblables à ceux auxquels les petites et moyennes entreprises doivent faire face. Ai-je raison de dire que la plupart des entreprises à vocation sociale sont de petites et moyennes entreprises? La définition que le gouvernement du Canada emploie pour désigner les petites et moyennes entreprises fait sans doute partie du problème, tout comme le degré de diversité des entreprises qui ont accès aux marchés publics.
    Qu'est-ce que le Conseil du Trésor peut faire exactement à l'égard des marchés publics et des règles connexes afin que les entreprises à vocation sociale bénéficient d'un accès plus équitable au financement fédéral?

[Français]

     Comme je le disais plus tôt, il est vrai que, dans bien des cas, les petites et moyennes entreprises vont faire face à des défis semblables à ceux des entreprises d'économie sociale qui sont, la plupart du temps, des petites entreprises. Cela peut donc être dans les règles que vous définissez. On pourrait permettre aux fonctionnaires, quand ils font des appels d'offres, d'avoir une certaine souplesse, c'est-à-dire de faire des appels d'offres plus petits ou d'insérer des clauses sociales.
    Dans certaines provinces, on peut inclure des clauses environnementales, mais je ne connais pas d'exemple de clause sociale au Canada. Toutefois, cela existe dans d'autres pays.
     Ce sont donc des choses que vous pouvez faire en ce qui a trait aux règles générales. Cela peut permettre aux fonctionnaires qui font les appels d'offres d'avoir de la souplesse et de faire des appels d'offres pour lesquels d'autres entreprises, des entreprises plus petites et des entreprises d'économie sociale en particulier, pourront soumissionner.
     Monsieur LePage, qu'en dites-vous?

[Traduction]

    Je crois qu'il y a trois ou quatre aspects essentiels dont M. Vermette a parlé, y compris le fractionnement des marchés et les clauses sociales.
    Ce qu'il y a de fascinant dans notre travail à l'étranger, c'est que nous constatons que l'ajout de clauses sociales ne va pas du tout à l'encontre des accords commerciaux conclus par le gouvernement fédéral, que ce soit l'ALENA ou d'autres accords plus récents, à condition que les clauses sociales soient claires, transparentes et ouvertes à tous.
    Il y a donc le fractionnement des clauses sociales et, encore une fois, la collaboration. Comme M. Butt l'a souligné, lorsque les gens comprennent la valeur... Les gouvernements consacrent 685 milliards de dollars à l'achat de biens et services. Nous devons tirer parti de cela afin d'obtenir de meilleurs résultats pour les citoyens canadiens. Nous pouvons faire cela en commençant à prendre en compte les valeurs sociales. Je peux envoyer à la greffière de votre comité une copie du rapport que nous avons produit l'année dernière pour le ministère de l'Emploi et du Développement social, puisqu'on y parle expressément de la dimension sociale des marchés.
    Nous apprenons de ce qui se fait dans d'autres pays, mais également de ce qu'on fait au Canada, que ce soit ce qui a été fait à Vancouver pour les Jeux olympiques, ou ce que l'on fait maintenant pour les Jeux panaméricains. Comment tirer parti des marchés actuels pour créer une valeur sociale?

  (1615)  

    C'est formidable.
    Vous avez absolument raison. C'est...
    Merci de votre contribution. J'aimerais seulement que l'on réponde brièvement à une autre question. J'imagine que, pour démarrer une entreprise à vocation sociale, l'investissement en capital peut être assez risqué. L'accès à du capital de risque est probablement essentiel. Croyez-vous que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour faciliter l'accès à ce genre de capital qui peut comporter des risques élevés, mais qui peut devenir rentable à l'avenir?

[Français]

    Oui, ce serait possible. On peut créer des organisations comme celle qu'on a au Québec, le Réseau d'investissement social du Québec.
     Il peut y en avoir d'autres. Le capital de prédémarrage est à très haut risque. C'est évident qu'il y a toujours certaines pertes et que, à long terme, le fonds finit par se décapitaliser, mais c'est très long. En effet, un bon nombre d'entre elles fonctionnent et sont capables de nous rembourser. Avec des investissements relativement minimes, on est capable de faire rouler cela pendant longtemps. Comme on dit, toute contribution, même modeste, sera la bienvenue.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Boughen, qui dispose de cinq minutes.
    Je crois que...
    Je suis désolé, monsieur LePage, mais nous n'avons plus de temps pour cette série de questions. J'essaie, dans les limites de ce qui est raisonnable, de faire en sorte que tout le monde s'en tienne à une période de cinq minutes. Je suis donc désolé, mais si je dois écourter la période de questions et réponses, je le ferai.
    Monsieur Boughen, je crois que vous avez cinq minutes.

  (1620)  

    Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les personnes-ressources de passer une partie de leur journée avec nous. Nous en sommes reconnaissants.
    Lorsque je songe à la question de la finance sociale, je me demande comment on peut amener les gens à collaborer et à vouloir faire partie de ce qu'on appelle le secteur de la finance sociale, alors qu'il y a une multitude d'autres secteurs où ils peuvent investir de l'argent, car il me semble que les gens s'attendent à ce que leur investissement leur rapporte quelque chose. Qu'est-ce qui motive les gens à s'engager dans le secteur de la finance sociale?
    Ma question s'adresse à tous.
    Je peux d'abord parler d'un type de philanthropie qui vise à fournir ce qu'on appelle du capital de risque à vocation sociale. Il est possible, d'une part, de faire un don de bienfaisance et d'obtenir un crédit d'impôt, et d'autre part, d'investir en vue d'obtenir un rendement financier maximal. Cependant, de plus en plus d'investisseurs cherchent une solution mixte. Ils se demandent comment investir leur capital autrement qu'en finançant un projet qui ne visent que la rentabilité ou en faisant un don ponctuel. Par conséquent, ils explorent des solutions mixtes qui offrent un rendement pour le capital investi. Ils veulent donc investir dans des sociétés, des entreprises à vocation sociale ou des projets financiers à vocation sociale qui leur offre un rendement pour le capital qu'ils investissent. Ils espèrent ainsi récupérer leur mise, réaliser des bénéfices, et obtenir le même crédit d'impôt qu'ils recevraient s'ils investissaient ailleurs, si le modèle d'affaires est légitime. Ils veulent un rendement mixte.
    Je crois que cela revient à la discussion sur les différentes options recherchées par les investisseurs.

[Français]

     Effectivement, ce genre d'investisseurs existe. Une personne peut, à la fois, vouloir absolument un rendement sur son investissement et souhaiter qu'il y ait une finalité sociale à laquelle elle croit et être prête à obtenir un rendement moindre, mais pas toujours. Ce capital existe et il est possible d'aller le chercher. Il peut s'agir d'individus ou de fonds plus grands qui se soucient de plus en plus de ce dans quoi ils investissent. S'il y a des retombées sociales, ils en sont encore plus contents.
    On peut observer cela dans des projets très locaux. Par exemple, pour sauver la dernière épicerie et station-service d'un village, les gens de la communauté investiront 100 $ ou 200 $ en part sociale dans l'entreprise pour qu'elle survive. Ils ne s'attendent pas toujours à obtenir un rendement. Ce rendement peut être très faible parce que ce n'est pas ce qu'ils recherchent. Ils recherchent plutôt l'utilité sociale et la solidarité.
    La même personne peut faire cela d'un côté, et de l'autre, investir pour son fonds de pension et essayer d'obtenir le meilleur rendement possible.

[Traduction]

    Monsieur Vermette, vous pourriez peut-être répondre à cette question également. Quels sont les obstacles qui empêchent une entreprise d'investir dans un projet financier à vocation sociale? Comment s'amorce le processus? Y a-t-il des gens qui veulent former un groupe? Est-ce qu'ils se rencontrent? Par où commence-t-on? Quels sont les obstacles à surmonter pour enclencher le processus?

[Français]

    Un des obstacles est l'absence de connaissance à cet égard. Par ailleurs, les grandes fondations doivent investir leur argent. Pour pouvoir faire des dons, elles doivent investir quelque part. Elles ont besoin de rendement et de certaines garanties. Il est parfois difficile de faire le lien entre l'investisseur et le projet.
    Il peut y avoir d'autres obstacles quand on nous demande de faire un prospectus pour de l'investissement. Ce sont toutes des choses sur lesquelles nous travaillons en ce moment, notamment en ce qui concerne le financement participatif. Il peut y avoir des investissements à plus petite échelle et pour lesquels la réglementation serait plus simple. Ces aspects peuvent être discutés avec les autorités des marchés financiers au Canada et dans toutes les provinces. Des réglementations à cet effet seront mises en place prochainement. Si ces obstacles tombaient, cela faciliterait l'investissement.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé, monsieur Boughen.
    C'est tout?
    Le président: C'est tout. Le temps file, n'est-ce pas?
    M. Ray Boughen: Zut alors.
    Monsieur Morin, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, messieurs.
    Mes questions s'adressent à M. Vermette.
     Je suis heureux d'entendre parler de l'économie sociale qui a cours au Québec. Je vois l'économie et la finance sociales comme une belle solution de rechange au modèle capitaliste que nous connaissons présentement, mais je suis aussi conscient qu'en 2015 cela ne représente pas une grosse partie de l'économie canadienne ou même québécoise.
    Savez-vous quel pourcentage de l'économie canadienne ou québécoise représentent l'économie et de la finance sociales?
    Je ne connais pas les chiffres à l'échelle canadienne. M. LePage les connaît peut-être.
    Au Québec, on parle souvent de 8 % du PIB, mais bien sûr, cela inclut des géants. Le Mouvement Desjardins et la Coop fédérée, par exemple, sont des entreprises très importantes, qui faussent un peu les données. Les statistiques de ce genre constituent un problème pour nous, en ce moment. Elles sont très difficiles à obtenir. Ce n'est pas tellement le cas du côté coopératif, étant donné que c'est assez bien défini, mais dans le cas des organismes sans but lucratif, c'est beaucoup plus difficile à saisir.

[Traduction]

    Monsieur LePage, pouvez-vous nous donner des chiffres ou un pourcentage qui indiquent l'importance du secteur de la finance sociale au Canada? Vos chiffres peuvent-être liés ou non au PIB.

  (1625)  

    Non, je crois que personne n'a effectué une analyse adéquate. Je pense que M. Vermette a indiqué que ce manque de données découle des problèmes de définition.
    Par ailleurs, comment peut-on inclure les universités et les municipalités, qui sont normalement associées à ce secteur? Je crois que c'est pour cela que nous avons commencé à collaborer avec le gouvernement fédéral afin de déterminer si nous pouvons faire des études et commencer à obtenir des renseignements sur le secteur et à le définir. Je crois que nous commençons tout juste à tenter de comprendre sa contribution au PIB.

[Français]

    Monsieur Vermette, vous nous avez parlé dans votre présentation du fonds de 12 millions de dollars et de celui qui totalise environ 50 millions de dollars.
    Pouvez-vous nous donner, peut-être en rafale, plusieurs exemples concrets de projets que vous avez appuyés, qu'ils soient de petite ou de grande envergure? Cela va nous permettre de savoir quels types d'économies ou d'entreprises sociales ont reçu votre aide.
    Les projets sont extrêmement variés.
    Cela peut aller d'une brasserie coopérative à un dépanneur de village. Dans la région d'où vous venez, le Saguenay—Lac-Saint-Jean, il y a le Groupe Coderr, par exemple, qui fait de la gestion des matières résiduelles. C'est une entreprise d'économie sociale. Il y en a dans le domaine de la restauration, par exemple les buffets à emporter et les repas pour personnes âgées.
     Il y en a beaucoup dans le domaine de l'habitation, ce qui inclut les résidences pour personnes âgées. Par contre, étant donné que nous ne touchons pas à l'habitation, nous n'appuyons pas ces entreprises. Elles sont extrêmement diversifiées. Certaines sont presque des usines écoles. On peut penser ici à l'entreprise Formétal, qui est établie à Montréal. Des jeunes décrocheurs y sont initiés au travail du métal et fabriquent toutes sortes d'objets en métal: poubelles, bureaux, etc. C'est le genre d'entreprise que nous appuyons. Cela dit, il peut tout aussi bien s'agir d'entreprises culturelles, de salles de spectacles ou d'une école de cirque. Ces projets, dont seule l'imagination est la limite, sont tout de même issus des besoins des communautés.
    Nous ne soutenons pas un projet s'il n'est soutenu que par une, deux ou trois personnes. Nous devons sentir que le projet est soutenu par la communauté, par un vrai groupe. En effet, c'est ce qui est pour nous la garantie du succès et c'est ce qui diminue nos risques, en tant qu'investisseurs.

[Traduction]

    Je vous remercie infiniment de cette réponse.
    Cela met fin à la première table ronde.
    Je tiens à vous remercier tous les deux, messieurs, de votre présence, et d'avoir pris le temps de nous faire part de votre expertise.
    Je sais que vous avez mentionné deux choses.
    Monsieur Vermette, je crois que vous avez proposé d'envoyer au comité un guide stratégique. Je pense que les membres du comité qui se penchent sur cette question aimeraient le recevoir, si c'est possible. S'il est en français, nous serons en mesure de le faire traduire en anglais pour les membres anglophones. Nous vous en serions reconnaissants.
    Monsieur Lepage, je crois que vous avez fait allusion à une étude que vous avez proposé d'envoyer au comité. Nous serions également ravis de la recevoir.
    Encore une fois, je vous remercie de nous avoir consacré du temps.
    Chers membres du comité, nous allons suspendre la séance un moment en attendant la comparution du deuxième groupe de témoins.

  (1625)  


  (1630)  

    Bienvenue de nouveau, mesdames et messieurs.
    Dans la deuxième heure, nous allons continuer notre étude visant à explorer le potentiel de la finance sociale au Canada.
    Se joint à nous M. Brian Emmett, économiste en chef du Secteur des organismes sans but lucratif chez Imagine Canada.
    Nous accueillons également M. Preston Aitken, directeur des programmes chez Enactus Canada.
    Enfin, M. Al Etmanski est présent par vidéoconférence, depuis Surrey, en Colombie-Britannique. Il est cofondateur et partenaire fondateur de l'organisme Social Innovation Generation, et il représente le réseau Planned Lifetime Advocacy Network. M. Etmanski est accompagné de Mme Vickie Cammack, cofondatrice et directrice générale fondatrice de Tyze Personal Networks. Nous vous remercions d'être avec nous cet après-midi.
    Bienvenue à tous.
    Nous avons prévu une période de 10 minutes pour chacun de vos exposés. Il y en aura trois. Je ne sais pas si nos témoins qui participent par vidéoconférence ont l'intention de se partager le temps qui leur est accordé, mais nous verrons quand ce sera leur tour.
    Pourquoi ne pas commencer avec M. Emmett?
    Je voudrais commencer par dire quelques mots sur le secteur caritatif en général. Les organismes de bienfaisance ou sans but lucratif constituent un secteur économique important et en pleine expansion au Canada. Les données recueillies par Imagine Canada et par le centre d'étude de la société civile de l'Université Johns Hopkins, aux États-Unis, nous montrent que le secteur des organismes de bienfaisance ou sans but lucratif a connu une croissance plus importante que le PIB pendant les 10 dernières années environ, au Canada et dans la plupart des pays en développement. Il importe de souligner, je crois, que cette croissance rapide est le résultat de la demande sur le marché et de la valeur de la production. Elle est mue par les tendances économiques et démographiques sous-jacentes. Fondamentalement, la population du Canada vieillit et se diversifie. À mesure que notre économie s'enrichit et est de plus en plus axée sur les services, les gens ont de plus en plus besoin de ce que les organismes de bienfaisance ont à offrir, comme les soins de santé et les services sociaux, les loisirs et la culture, la lutte contre la pauvreté ainsi que la préservation de l'environnement naturel, entre autres activités de grande valeur. Nous prévoyons que la croissance de notre secteur se poursuivra.
    Aujourd'hui, les organismes de bienfaisance ou sans but lucratif constituent environ 8 % de l'économie canadienne, dont la valeur totale est de 2 billions de dollars. Ils génèrent donc au total des revenus de 160 milliards de dollars par année et emploient deux millions de personnes. Leur contribution à la prospérité du Canada est impressionnante.
    Évidemment, en contrepartie, ces organismes ont besoin de 160 milliards de dollars pour financer leurs activités et si, comme nous le prévoyons, leur secteur continue de croître plus rapidement que l'économie dans son ensemble pour répondre aux besoins grandissants, il nous faudra davantage de ressources. Par exemple, si la demande croît de 4 % par année — soit un peu plus rapidement que la croissance prévue du PIB —, les organismes de bienfaisance ou sans but lucratif auront besoin de 4,8 milliards de dollars de plus l'année prochaine, plus de 5 milliards de dollars de plus l'année suivante, et ainsi de suite en appliquant le même pourcentage à la somme précédente. Les chiffres sont énormes et représentent une progression colossale. Il faut évidemment se demander d'où viendra l'argent.
    Les études réalisées par Imagine Canada nous indiquent qu'à l'heure actuelle, environ 50 % des revenus des organismes de bienfaisance — qui comprennent, au sens large du terme, les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif, comme les hôpitaux et les universités — proviennent des subventions et d'autres formes de paiements issus de l'État, en particulier des provinces. Environ 35 % des revenus viennent des activités des organismes de bienfaisance générateurs de revenus, de la vente de produits et de services, des adhésions des membres, des abonnements aux bulletins, et ainsi de suite. Une proportion additionnelle de 10 % des revenus vient des dons des particuliers, qui peuvent demander en retour un crédit d'impôt. Une proportion relativement petite des revenus, soit moins de 0,5 %, vient des dons des entreprises.
    Des difficultés risquent de survenir à l'avenir concernant chacune de ces sources de revenus. L'État, notre principale source de revenus, subira des pressions en raison des difficultés économiques et démographiques qui nous touchent tous. Dans un avenir prévisible, les gouvernements devront probablement lutter contre les pressions financières. Vu ces conditions, il est important de souligner la nécessité de maintenir à tout le moins les niveaux actuels de financement public des organismes de bienfaisance si l'on veut que le Canada demeure un pays prospère sur le plan économique et qu'il y règne une vraie justice sociale.
    Deuxièmement, les organismes de bienfaisance chercheront à obtenir plus d'argent sous forme de dons et devront accroître leur bassin de donateurs. Toutefois, les dons des particuliers n'augmentent pas. En pourcentage du PIB, ils connaissent une diminution à la fois légère et préoccupante. Les organismes de bienfaisance s'inquiètent de voir que leurs donateurs âgés ne sont pas remplacés par des donateurs plus jeunes aussi rapidement qu'on le souhaiterait. C'est pourquoi les organismes de bienfaisance s'emploient à obtenir des changements dans les incitatifs fiscaux, comme une bonification du crédit d'impôt pour les dons de charité, une mesure qu'ils continuent de défendre vigoureusement en vue du prochain budget.
    Troisièmement, en raison des contraintes qui s'exercent sur les dépenses de l'État et du plafonnement des dons, les organismes de bienfaisance se tournent naturellement vers des activités génératrices de revenus et cherchent de nouveaux moyens de financer leurs activités, ce qui correspond en fait aux souhaits du comité. Ces nouveaux moyens deviennent de plus en plus importants au fil du temps, et leur croissance sera nécessaire pour répondre à la demande, même si les dons et l'aide de l'État demeurent à leurs niveaux actuels. Il est important, de notre point de vue, de souligner que les entreprises sociales et les investissements à retombées sociales sont deux concepts distincts , mais quand même liés l'un à l'autre.

  (1635)  

    Les entreprises sociales sont des organismes ou des entreprises appartenant à un organisme qui vendent des produits et des services comme moyen d'atteindre des objectifs bénéfiques pour la société. De nombreux organismes de bienfaisance ou sans but lucratif participent à des entreprises sociales depuis des dizaines d'années. Ils ont parfois recours au financement social, qui se présente sous forme d'une vaste gamme d'instruments: le secteur du bien social et les obligations d'amélioration sociale, les fonds pour projets pilotes créés par certaines provinces, le financement collectif et en particulier le financement collectif par emprunt, les investissements d'amélioration sociale et les incitatifs fiscaux pour les investissements à rendement inférieur au taux du marché.
    Remarquez que les obligations d'amélioration sociale — bien qu'elles nous viennent tout de suite à l'esprit et qu'elles soient à la mode — ne sont qu'un instrument parmi beaucoup d'autres. Imagine Canada a défini quatre conditions à respecter pour que les organismes de bienfaisance ou sans but lucratif puissent tirer parti de ces nouvelles formes de financement. Premièrement, ils doivent évidemment avoir accès au capital. Deuxièmement, ils doivent disposer du capital humain et des compétences pour faire un bon usage de l'argent. Troisièmement, ils doivent répondre à une demande réelle sur le marché. Quatrièmement, ils doivent bénéficier d'un environnement réglementaire qui leur facilite la tâche.
    Les nouveaux instruments d'investissement peuvent être utiles pour répondre aux besoins en capitaux, mais ce ne sera le cas que si l'environnement réglementaire permet aux organismes de bienfaisance ou sans but lucratif de tirer parti de ces instruments et de s'investir dans une gamme plus étendue d'activités génératrices de revenus. Ce sera le cas aussi uniquement si ces organismes disposent de ressources humaines ayant les compétences et les capacités pour se servir judicieusement des nouveaux instruments de financement, pour en comprendre le potentiel et pour façonner des interactions nouvelles avec les pouvoirs publics et les investisseurs.
    Pour pouvoir réunir toutes ces conditions préalables, les organismes auront besoin de se doter des moyens nécessaires pour attirer des investissements et bâtir leurs capacités, alors qu'ils subissent de fortes pressions pour réduire leurs dépenses de fonctionnement jusqu'à des niveaux qui ne sont pas réalistes.
    Compte tenu de la taille et de l'étendue des difficultés financières auxquelles nous faisons tous face, il n'y aura pas de solution magique ou de remède miracle pour assurer la viabilité financière du grand secteur en pleine croissance dont nous parlons. Nous devons plutôt trimer dur pour essayer de maintenir à leur niveau actuel le financement public et les dons des particuliers, pour développer des partenariats avec les entreprises ainsi que pour explorer et développer de nouveaux instruments, comme les investissements d'amélioration sociale.
    Notre objectif en matière de mesures de financement social devrait être d'accroître la quantité totale de ressources disponibles pour les organismes de bienfaisance ou sans but lucratif, et non de remplacer des ressources par d'autres, par exemple, lorsque l'État se déleste de ses responsabilités en les confiant à d'autres secteurs. Dans le tableau que nous envisageons, l'État continue de jouer un rôle vital. C'est la plus grosse source de financement pour les organismes de bienfaisance, et il est crucial qu'il maintienne l'appui qu'il leur accorde. Il est également crucial qu'il les aide à développer leurs capacités et qu'il leur fournisse un environnement réglementaire facilitant.
    L'enjeu dépasse largement le domaine de compétence d'un seul comité permanent ou d'un seul ministère. Compte tenu de la vaste gamme de questions de réglementation et de législation qui doivent être considérées pour que le financement social puisse répondre aux besoins et aux objectifs de l'État, du secteur privé et des organismes de bienfaisance ou sans but lucratif, il serait intéressant que vos collègues des comités des finances et de l'industrie prennent note de votre travail et s'efforcent de trouver des moyens de poursuivre sur la même lancée.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

  (1640)  

    Merci, monsieur Emmett.
    Nous cédons maintenant la parole pour 10 minutes à M. Aitken.
    Merci de m'accueillir aujourd'hui.
    Je me nomme Preston Aitken et je suis le directeur national des programmes pour Enactus Canada.
    Aujourd'hui, je voudrais vous donner un aperçu d'Enactus et de son apport à la finance sociale et à l'entrepreneuriat social. Je voudrais aussi, dans un deuxième temps, vous offrir quelques idées afin de favoriser la croissance de la finance sociale au Canada.
    Au cas où vous ne le sauriez pas, Enactus Canada est un organisme de bienfaisance national et le plus gros programme au Canada de formation de dirigeants et d'entrepreneurs dans le secteur postsecondaire. Presque 3 000 étudiants y participent, en provenance de 66 établissements universitaires ou collégiaux de tout le pays. Notre mission consiste à former une nouvelle génération d'entrepreneurs et de chefs de file ayant la passion du progrès économique, social et environnemental au Canada.
    Nous sommes fiers de dire que nous bénéficions de l'appui de nombreuses entreprises au Canada, notamment Tim Hortons, la Banque Scotia, Capital One et la BDC.
    Nous faisons en outre partie du réseau mondial Enactus, qui est à l'oeuvre dans 36 pays avec des programmes auxquels 70 000 étudiants sont inscrits.
    Nous avons formé une équipe Enactus dans chaque université et chaque collège où nous sommes présents. L'équipe est dirigée par des étudiants et guidée par des conseillers issus du milieu universitaire et de l'entreprise privée. Ces équipes ont comme objectif de cerner des besoins sociaux et environnementaux dans leur milieu et de mettre en oeuvre une solution qui repose sur l'entrepreneuriat et qui permet à la population cible de se prendre en main. Une fois son projet réalisé, l'équipe doit en mesurer et en consigner les effets sur les vies de ceux qui sont censés en bénéficier.
    L'année dernière seulement, les équipes Enactus du Canada ont réalisé 259 projets ayant eu des effets directs ou indirects sur plus de 640 000 personnes. Les étudiants participants ont consacré 225 000 heures de bénévolat à la réalisation de ces projets.
    Voici un échantillon des statistiques recueillies concernant les projets de l'année dernière. Ces projets ont fourni un emploi à 1 600 personnes grâce au développement des compétences et à la création d'entreprises. Ils ont réduit la production de déchets de plus de 600 000 kilogrammes. Ils ont fourni à presque 10 000 personnes une formation financière. Ils ont aidé 99 personnes à hisser leur revenu au-dessus du seuil de pauvreté. Ils ont permis d'accroître de 1,6 million de dollars la richesse des participants.
    Pour vous montrer concrètement ce que signifient ces chiffres, permettez-moi de vous donner quelques exemples de projets. À l'Université de Windsor, notre équipe a constitué un fonds d'investissement social pour les jeunes souhaitant démarrer localement une microentreprise ayant des effets sur le plan social. L'année dernière, ils ont fourni 10 000 $ en microprêts de 200 $ à ces jeunes. L'équipe exigeait un rendement de 15 %, c'est-à-dire un remboursement de 230 $. Elle a établi le fonds grâce à un partenariat avec une caisse populaire locale. Parmi les entreprises ayant vu le jour se trouvent entre autres un fabricant d'assainisseur d'air écologique et un fabricant de meubles faits de bois recyclé. Ces entreprises génèrent ensemble des revenus de 60 000 $, et l'équipe Enactus de Windsor affiche un taux de remboursement des prêts de 100 %. Elle a donc pu réinvestir l'argent pour donner de l'ampleur au programme et permettre à un plus grand nombre de jeunes de participer et d'apprendre à connaître l'entrepreneuriat social et la finance sociale.
    Notre équipe locale de l'Université d'Ottawa est, elle aussi, un bon exemple de réussite. Elle a cerné un besoin important lorsqu'elle s'est aperçue que les déchets visibles dans le monde sont constitués à 37 % de mégots de cigarette. Ils ont décidé de lancer une entreprise sociale qui ramasse les mégots de cigarette et les transforme en plastique pouvant être revendu sur le marché des matières brutes. De plus, cette entreprise a fourni des emplois à des personnes atteintes de maladie mentale. À sa première année d'existence, elle a déjà embauché trois personnes et elle est bien partie pour accumuler des revenus de 50 000 $ d'ici le mois de mai. Les étudiants participants ont trouvé le moyen de financer le démarrage de cette entreprise grâce à divers concours de planification des activités et à diverses subventions.
    Ce ne sont là que deux projets parmi les 259 qui ont été réalisés l'année dernière. Ils vous permettent de voir un peu comment les équipes Enactus se servent de l'entrepreneuriat social pour améliorer les vies des gens dans le besoin au Canada. L'accès à la finance sociale joue un rôle essentiel dans la réussite de ces projets et leur capacité à prendre de l'expansion.
    Pour vous aider à bien connaître les réalisations de nos équipes, nous vous invitons à assister à l'un de nos concours régionaux ou nationaux, qui prennent l'allure de véritables Olympiques de l'entrepreneuriat. Les équipes se rencontrent et mettent en valeur les résultats qu'elles ont obtenus. Chaque année, nous envoyons la meilleure équipe canadienne représenter le pays à la Coupe du monde Enactus, qui a lieu à un endroit différent chaque fois. L'année dernière, c'était à Beijing et, cette année, ce sera à Johannesburg, en Afrique du Sud. Je suis heureux de pouvoir vous annoncer que nous venons de nous voir confier l'organisation de la Coupe du monde Enactus de 2016, qui se tiendra à Toronto.
    En somme, Enactus Canada constitue une plate-forme d'apprentissage expérientiel permettant aux étudiants de réaliser leur potentiel. Notre personnel compte seulement 10 employés et il s'affaire à constituer un collectif d'experts et de mentors capable d'encadrer les étudiants et de leur permettre de réaliser des progrès économiques, sociaux et environnementaux au Canada, grâce à leurs projets faisant appel à la population locale.

  (1645)  

    Ce cadre ne permet pas seulement d'obtenir des résultats incroyables dont bénéficie la population locale. Il sert aussi à outiller les jeunes participants de notre programme pour qu'ils deviennent les chefs de file responsables de demain, dans le secteur privé et dans la société en général. Nous leur permettons de développer leurs talents et d'acquérir les compétences, la perspective et les connaissances dont ils ont besoin pour entreprendre les projets économiques, sociaux et environnementaux de demain.
    Je vous fais maintenant quelques réflexions sur la finance sociale au Canada, du point de vue de mon organisme, Enactus. Comme nous sommes principalement un organisme de développement des capacités, nos deux recommandations concernent le rôle de l'État dans le développement des capacités.
    La première recommandation que je voudrais vous faire porte sur la mesure des résultats. S'il peut être assez difficile d'attirer les détenteurs privés de capitaux à investir dans le secteur social, c'est que les deux secteurs ne parlent pas le même langage quand vient le temps de mesurer les résultats sociaux et environnementaux au Canada. Notre organisme a conçu sa propre échelle de mesure à partir des résultats de la recherche sur les cadres existants comme IRIS et le modèle des moyens de subsistance durables. Cette échelle de mesure s'est révélée d'une grande utilité, et nos équipes Enactus se servent d'un cadre et d'un langage communs pour décrire les résultats que nous obtenons. Nous sommes en mesure de compiler nos données à l'échelle nationale et de mieux les interpréter. Cependant, nos normes ne correspondent pas nécessairement à celles des autres organismes, car il n'existe pas de normes communes. La tâche est par conséquent d'autant plus difficile pour les bâilleurs de fonds et les organismes cherchant à financer des entreprises et des organismes de bienfaisance que les comparaisons sont compliquées à faire. Par conséquent, nous recommandons au gouvernement de s'employer à favoriser le recours à des normes communes pour mesurer et présenter les résultats sociaux et environnementaux au Canada.
    Deuxièmement, le domaine de l'entrepreneuriat social et de la finance sociale est nouveau et il évolue rapidement. Donc, il est mal connu et mal compris parmi les investisseurs classiques et les organismes qui pourraient bénéficier d'un financement social. Nous constatons que de nombreux établissements postsecondaires ne suivent pas l'évolution de ce domaine et ne l'incluent pas dans la formation de leurs étudiants. Il existe quelques programmes nouveaux, mais ils sont rares. Alors que la finance et l'entrepreneuriat sociaux continuent de croître et d'occuper une place de plus en plus importante au Canada, parmi les solutions prometteuses pour résoudre les problèmes sociaux, il est important que les chefs de file de demain soient prêts à innover dans ce domaine. Par conséquent nous recommandons au gouvernement de favoriser la mise en oeuvre de programmes et de mesures pour former la prochaine génération de chefs de file de l'entrepreneuriat et de la finance sociaux. Nous croyons que les connaissances et l'expertise sur le secteur se développeront de cette manière, ce qui engendrera une augmentation des investissements par la suite.
    Je voudrais remercier le comité permanent de m'avoir donné l'occasion de lui adresser la parole aujourd'hui. J'espère que mes suggestions seront utiles à certains égards.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Aiken.
    C'est maintenant le tour de nos invités présents par vidéoconférence, M. Etmanski et Mme Cammack.
    La parole est à vous.

  (1650)  

    Vickie et moi revenons tout juste d'Europe, où nous sommes allés parler de notre travail, plus particulièrement à Barcelone, une ville très intéressante. Elle va d'ailleurs vous en parler dans quelques minutes.
    Nous allons faire la présentation ensemble. Nous sommes les cofondateurs du Planned Lifetime Advocacy Network, et nous avons aussi fondé les organisations que vous avez mentionnées lorsque vous nous avez présentés. Par ailleurs, nous ne sommes pas à Surrey en ce moment, mais bien à Vancouver.
    Je vais vous parler brièvement du PLAN.
    Le PLAN, ou si vous préférez, le Planned Lifetime Advocacy Network, existe maintenant depuis plus de 25 ans. Le réseau a été créé dans l'objectif de répondre à une question à laquelle personne n'avait jamais été tenu de répondre par le passé: qu'arrive-t-il aux personnes handicapées lorsque leurs parents meurent? Lorsque nous avons créé cette organisation à Vancouver, nous pensions que ce serait un modeste projet pilote. À l'heure actuelle, des projets similaires sont menés dans plus de 40 villes partout dans le monde. Pour la première fois de l'histoire, les personnes handicapées vivent plus longtemps que leurs parents.
    Le PLAN a d'abord été créé grâce à une modeste subvention du gouvernement fédéral. Une fois que l'argent a été épuisé, le PLAN a poursuivi ses activités sans recevoir aucune somme du gouvernement. Le réseau fonctionne depuis plus de 25 ans sans recevoir d'argent du gouvernement, et donc, il s'agit d'une entreprise sociale.
    J'aimerais vous parler de deux aspects particuliers du financement social: premièrement, je vais souligner le travail que nous avons accompli pour créer le régime enregistré d'épargne-invalidité, et deuxièmement, je vais parler d'une entreprise à vocation sociale que Vickie a démarrée, l'entreprise Tyze.
    Cela dit, avant d'aborder cet aspect, j'aimerais parler de certaines idées préconçues. La première, c'est que nous ne nous intéressons pas véritablement à la finance si celle-ci ne s'attaque pas aux causes de nos problèmes sociaux. Au Canada, nous dépensons énormément d'argent pour lutter contre la pauvreté et l'itinérance et éliminer les problèmes auxquels se heurtent les personnes handicapées, entre autres. Nous n'avons pas particulièrement envie de nous contenter de restructurer les choses et de trouver d'autres sources de financement. Nous sommes d'avis que la finance sociale peut être utilisée pour aller à la source du problème, pour s'attaquer à ses causes, pour travailler en amont et pour faire de la prévention. C'est la première idée préconçue.
    La deuxième idée préconçue, c'est que nous sommes moins tentés d'obtenir de nouvelles sources de financement, même si ce serait là un effort louable. Nous ne pensons pas qu'à court terme, le secteur privé versera beaucoup de fonds supplémentaires. Nous estimons que ce processus sera beaucoup plus lent. Nous nous intéressons surtout à la finance sociale, car elle donne aux gens la possibilité de mettre à profit les ressources existantes et de recevoir des fonds de différentes sources qui fonctionnent mieux ensemble.
    Tout cela m'amène au troisième point que je voulais souligner. Nous estimons que la finance sociale doit être ancrée dans un contexte bien précis, que bien des gens partout dans le monde appellent maintenant l'innovation sociale. L'innovation sociale nous invite tous à examiner différemment les problèmes sociaux les plus persistants et les plus difficiles à régler. L'innovation sociale nous incite à faire cinq choses.
    Premièrement, elle nous invite à repenser nos solutions, à faire preuve d'une plus grande ouverture d'esprit et à ne pas nous concentrer uniquement sur la façon dont nous avons toujours fait les choses. Deuxièmement, elle nous incite à collaborer d'une manière différente. Troisièmement, elle nous invite à utiliser la technologie lorsqu'il est approprié de le faire, sans toutefois être obnubilés par celle-ci. Quatrièmement, elle nous incite à utiliser notre argent plus judicieusement, ce qui, bien sûr, nous amène à la finance sociale. Cinquièmement, elle nous donne l'occasion d'appliquer le tout à grande échelle. D'ailleurs, Vickie et moi entretenons une autre idée préconçue, soit qu'au Canada, il existe des solutions à nos problèmes sociaux les plus complexes: le problème, c'est qu'il s'agit de solutions orphelines, qui ne sont tout simplement pas appliquées à grande échelle. La finance sociale nous donne l'occasion d'agir.
    J'aimerais maintenant parler brièvement du régime enregistré d'épargne-invalidité. Si une famille ou une personne handicapée économisait chaque jour la somme qu'il faut débourser pour acheter un café deux crèmes, deux sucres et un beigne au Tim Hortons, après 30 ans, elle aurait accumulé plus de 350 000 $ — selon les taux d'intérêt applicables —, une somme qu'elle pourrait dépenser comme bon lui semble. Le régime enregistré d'épargne-invalidité est le seul régime de ce type au monde. Il permet d'optimiser les contributions du gouvernement, des fondations, des familles et des particuliers afin que les personnes handicapées puissent enfin avoir un compte en banque et des fonds qu'elles peuvent utiliser à leur guise, au lieu d'être à la merci d'un régime de prestations de services qui a été établi par le secteur à but non lucratif.

  (1655)  

    Je ne donnerai pas énormément de détails à ce sujet, mais je répondrai aux questions avec plaisir. À l'heure actuelle, plus de 2 milliards de dollars ont été déposés par des personnes handicapées dans un régime enregistré d'épargne-invalidité et, en gros, ces gens cherchent à révolutionner notre vision des mesures de soutien offertes aux personnes handicapées. La majorité des provinces et des territoires éliminent la disposition de récupération. D'ailleurs, la plupart permettent maintenant aux particuliers de gagner et d'accumuler des actifs.
    Enfin, je pense que cela nous donne l'occasion de revoir notre façon d'aborder la pauvreté, non seulement pour les personnes handicapées, mais aussi pour les dizaines de milliers d'autres Canadiens qui vivent dans la pauvreté.
    À notre avis, il s'agit d'un exemple montrant que le gouvernement, le secteur privé et le secteur communautaire peuvent travailler en collaboration pour régler un tout nouveau problème social, c'est-à-dire ce qui arrive aux personnes handicapées lorsque leurs parents meurent. Cet exemple nous offre également certaines suggestions, et peut-être même un modèle, en ce qui concerne la façon dont nous pouvons nous attaquer à d'autres problèmes sociaux difficiles.
    Je vais maintenant donner la parole à Vickie, qui vous parlera d'une autre invention découlant du travail accompli par le PLAN.
    L'un des deux principaux objectifs du PLAN consistait à garantir la sécurité financière des personnes handicapées, tandis que l'autre consistait à aborder un problème fondamental touchant ces personnes, en l'occurrence leur isolement. Le PLAN a donc créé un processus très stratégique et ciblé pour favoriser la création de réseaux personnels. Pour que ce processus puisse être étendu aux personnes handicapées, aux membres de leur famille et à d'autres personnes, nous avons déterminé qu'il serait préférable d'avoir recours à une entreprise à vocation sociale, que nous avons appelée Tyze Personal Networks. En fait, nous avons tiré parti de la tendance consistant à utiliser les technologies, et plus précisément les réseaux sociaux, pour créer Tyze. Ainsi, Tyze ressemble en quelque sorte au réseau Facebook, mais il s'agit d'un réseau très personnel et privé qui permet à des gens de coordonner les soins offerts à une personne vulnérable risquant d'être isolée. Lorsque nous avons créé Tyze, nous nous sommes rendu compte que l'isolement est l'un des problèmes propres au XXIe siècle et qu'il est coûteux. En effet, bon nombre d'études indiquent que l'isolement est l'un des déterminants de la santé et qu'il aurait, par exemple, des effets encore plus néfastes que le tabagisme. Donc, la solution Tyze a été créée pour les personnes handicapées, les personnes qui vieillissent et les personnes qui ont une maladie très éprouvante, bref, pour toutes les personnes qui risquent de souffrir d'isolement.
    Le financement ayant donné lieu à la création de cette entreprise a d'abord été accordé par le secteur à but non lucratif. Ainsi, nous avons reçu des fonds de plusieurs fondations des États-Unis et du Canada. Nous avons élaboré un plan d'entreprise ainsi qu'un modèle, puis nous avons démarré l'entreprise en tant qu'entreprise privée appartenant non seulement au secteur à but non lucratif, mais aussi à des investisseurs providentiels du secteur privé. En fait, nous avons pu lancer cette entreprise grâce au financement mixte.
    Notre modèle d'entreprise a toujours été conçu de façon à ce que la solution puisse être offerte de façon inclusive, accessible et abordable. L'objectif de ce modèle était de vendre Tyze aux entreprises ou aux organismes sans but lucratif qui offrent des services aux personnes risquant de souffrir d'isolement. Lorsque nous avons commencé à prendre de l'expansion, nous avons traité tant avec le secteur des affaires qu'avec le secteur à but non lucratif, ce qui nous a amenés à faire affaire non seulement avec quelques autres investisseurs privés, mais aussi avec certaines fondations, par exemple, qui voulaient investir, mais qui ne pouvaient pas le faire parce qu'il s'agissait d'une entreprise privée.
    En ce qui concerne le modèle d'entreprise, encore une fois, puisqu'il s'agit d'un modèle inclusif, accessible et abordable, celui-ci ne cadrait pas vraiment avec le milieu des affaires traditionnel permettant d'avoir accès au financement mezzanine. Nous ne cherchions pas une solution facile et nous ne voulions pas non plus connaître la croissance économique rapide habituelle. Le plus important pour nous était d'avoir un grand rayonnement. Le financement mezzanine, un terme bien connu dans le milieu des affaires, était vraiment très limité pour une entreprise comme la nôtre. Notre entreprise a fini par compter 20 employés. En fait, il a été question que le gouvernement nous accorde des fonds, mais encore une fois, notre statut d'entreprise posait problème. Un organisme sans but lucratif peut aisément avoir accès à des fonds pour mener un projet de ce type, mais on ne peut pas en dire autant d'une entreprise.
    Tyze a été acquis il y a un an et demi par un organisme sans but lucratif canadien, Saint Elizabeth Health Care, ce qui est très positif, car cet organisme continue de soutenir Tyze. La principale leçon que nous avons tirée de cette aventure, c'est que le potentiel de la finance sociale est immense et que les possibilités d'établir un partenariat avec le gouvernement pour assurer un rayonnement à grande échelle sont extraordinaires. Le défi réside en fait dans la capacité qu'ont ces diverses organisations et structures de travailler en collaboration. Comment une entreprise à vocation sociale peut-elle travailler avec le gouvernement, des investisseurs du secteur privé et des fondations pour avoir un énorme rayonnement? Il s'agit d'un aspect particulièrement important lorsqu'il est question d'un réseau comme Tyze, qui travaille en amont afin que nos systèmes de soins puissent faire des économies.
    Merci.

  (1700)  

    Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fait part de vos observations.
    Nous allons maintenant entamer la première série de questions. Madame Sims, vous avez la parole.
    Merci beaucoup. J'ai beaucoup apprécié toutes les présentations, et je tiens à remercier chacun d'entre vous.
    Je pense que les gens de Surrey, qui nous parlent en direct de Vancouver, seront heureux d'être là-bas plutôt qu'ici, surtout après être revenus de Barcelone, car en ce moment, il fait environ -27oC ici; il fait vraiment très froid.
    J'aimerais poser de nouveau une question que j'ai déjà posée par le passé. Souvent, lorsqu'il est question de finance sociale, on mentionne à quel point il est important que les groupes cibles participent à la création, à la conception, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des projets. Cela semble être un aspect clé de la finance sociale et des projets sociaux. Compte tenu de votre propre expérience ou des exemples internationaux que vous connaissez, pouvez-vous me dire si les groupes cibles participent régulièrement à tous les aspects de la création des initiatives de finance sociale et s'ils y participent jusqu'à l'évaluation?
    Je vous demanderais à chacun de répondre brièvement à la question, s'il vous plaît.
    Nous pourrions peut-être commencer par M. Emmett.
    Je crois que je vais avoir un peu de mal à répondre à cette question, étant donné que je ne possède pas de connaissances bien précises à ce sujet, mais j'ai entendu parler de certains projets, qui sont essentiellement des projets pilotes de finance sociale, comme le projet de Peterborough, qui porte sur la récidive, de même que le projet de Rikers Island, qui porte lui aussi sur la récidive. Je pense qu'un projet similaire a aussi été mené à Boston.
    Je ne suis pas au fait de projets à grande échelle ayant été menés au Canada. Il y a des projets pilotes, mais j'ai l'impression que ceux-ci ne requièrent pas nécessairement une grande participation des groupes cibles. Je pense qu'il s'agit en quelque sorte d'exercices bureaucratiques et technocratiques qui visent à élaborer un modèle axé sur les résultats et à attirer des investisseurs qui perçoivent le monde dans un contexte d'affaires, d'une façon technocratique, pour établir des liens entre les investissements et des résultats bien précis, qui sont probablement établis en principe par l'organisme sans but lucratif et le gouvernement.
    Merci.
    De notre côté, la grande majorité du travail est accompli en collaboration avec les groupes cibles. En fait, lorsque nous offrons de la formation à nos étudiants et que nous leur enseignons comment démarrer une entreprise sociale ou satisfaire aux exigences des divers programmes, l'une des exigences à l'étape de l'évaluation des besoins est de travailler en collaboration avec le groupe cible afin de comprendre ses besoins et les problèmes auxquels il se heurte. Pour ce faire, nous avons recours à un processus appelé « réflexion sur la conception ». Au fil des étapes, on évalue leur participation au processus, et c'est un aspect qui, comme je l'ai mentionné, d'après mon expérience relative au travail que nous accomplissons, fait bel et bien partie du processus.
    Merci.
    Vickie, vous avez la parole.
    S'il y a une chose qui caractérise la technologie, c'est qu'elle fait entièrement participer la personne, le groupe cible, à toutes les étapes de la conception, et qu'elle permet donc de concevoir, de mesurer et d'améliorer de façon constante chacune des étapes. Donc, la réflexion sur la conception est en quelque sorte intégrée au processus, même si ce n'est qu'à titre de référence.
    J'aimerais aussi aborder un aspect bien particulier dans son ensemble, soit la façon de savoir si le travail accompli permet ou non d'améliorer les choses et s'il a une quelconque valeur. De toute évidence, l'un des principaux aspects du travail accompli par le réseau Tyze consistait à trouver une façon de mesurer de façon significative le travail accompli. Nous avions alors recours à une approche comprenant trois objectifs. Ainsi, nous mesurions l'expérience de la personne, les résultats obtenus par celle-ci ainsi que l'efficacité économique. Il s'agit vraiment de trois aspects clés.
    Il y a aussi un autre élément qui, à mon avis, se rapporte à la question que vous avez posée. C'est ce que certaines personnes appellent le cadre du rendement social sur les investissements. C'est un outil de mesure relativement nouveau, qui est utilisé en Grande-Bretagne ainsi qu'à certains endroits ici, au Canada. Je crois que cet outil mérite qu'on y consacre encore plus d'efforts, car nous devons déterminer comment évaluer tant les retombées que le rendement économique de la finance sociale.

  (1705)  

    Je me permets d'ajouter que le meilleur exemple de finance sociale au Canada — et je dirais même dans le monde — est le régime enregistré d'épargne-invalidité. Ce régime réunit l'argent provenant de trois sources, soit l'individu, sa famille et le gouvernement, et le distribue par le biais d'un réseau composé des institutions financières au Canada, comme les banques ou les coopératives d'épargne et de crédit. Les sommes déposées se chiffrent à plus de 2 milliards de dollars. Les personnes handicapées peuvent dépenser cet argent comme bon leur semble.
    L'ancien ministre des Finances Flaherty a dit en gros que les personnes handicapées et leur famille savaient mieux que quiconque ce qui leur convenait. C'est donc leur décision, leur compte bancaire. Pour la première fois de leur vie, elles peuvent rêver d'avenir, comme songer à s'acheter une maison ou à mettre de l'argent de côté pour la retraite, choses qui vont bien au-delà de ce que permet la formule traditionnelle de l'aide sociale. Cet exemple brillant et audacieux illustre bien les avantages de la finance sociale comparativement à un simple rafistolage du système. Il offre l'occasion d'être aussi hardi que possible et d'acheminer l'argent exactement là où il devrait être, c'est-à-dire entre les mains des personnes qui en ont besoin.
    Environ 80 000 personnes handicapées au pays, soit 15 % approximativement, voient maintenant leur avenir d'un autre oeil.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Butt, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également les témoins de leur présence.
    Je crois que nous devrions conserver un enregistrement de cette déclaration. Elle ferait une bonne publicité pour la campagne électorale du Parti conservateur. Que Jim Flaherty repose en paix. Sa contribution a été immense. Il a beaucoup travaillé pour la cause des personnes handicapées, tant à titre de ministre des Finances qu'à titre de député fédéral et provincial. Il a légué au pays un héritage exceptionnel.
    Quel est le plus important obstacle à la mise sur pied d'une entreprise sociale? Est-il de nature financière? Opérationnelle? Administrative? Le problème est-il de réunir les bons partenaires communautaires? De composer avec un gouvernement qui s'ingère trop ou qui n'intervient pas assez?
    Comme vous avez donné l'exemple d'un de vos projets, commençons avec vous, monsieur Aitken. Selon votre expérience, quel est le principal obstacle à la création d'une telle entreprise?
    Étant donné la population avec laquelle nous travaillons, c'est-à-dire de jeunes étudiants, je dirais que, dans nos projets d'entreprises sociales, le plus grand défi est l'inexpérience. La vaste majorité des entreprises en démarrage échoue. Il en va de même lorsqu'elles sont lancées par des jeunes. L'entreprise sociale est la première sur laquelle ils ont travaillé.
    En dehors de cela, je dirais que l'accès au financement pose la principale difficulté. Nos équipes amassent des fonds collectivement et ont accès à diverses sources de financement — environ 1,2 million l'an dernier. Une fois répartie entre 66 collèges et universités, cette somme ne représente pas beaucoup d'argent. Le financement est un obstacle majeur.
    Passons maintenant à nos amis de Vancouver, car je crois qu'ils ont des exemples bien précis.
    Dans notre cas, ce n'est pas le démarrage qui est le plus difficile. Toutes sortes d'incubateurs d'entreprises et de programmes peuvent fournir le capital initial. Le principal obstacle consiste à trouver le financement pour la mise à l'échelle lorsque les objectifs ne se limitent pas aux profits. C'est à cette étape que se présentent les défis de taille et, à mon avis, le plus grand potentiel pour la création de nouveaux partenariats.

  (1710)  

    Je viens d'achever un livre sur la croissance de l'entreprise sociale au Canada. L'esprit d'innovation, la créativité et l'ingénuité ne manquent certainement pas au pays. Comme les autres témoins l'ont montré dans leur présentation, une foule de gens sont arrivés à prouver l'efficacité de leur approche. Le véritable défi — Bill Clinton l'a dit lui-même — réside dans la mise à l'échelle de ce genre de solutions. La difficulté est là, comme l'a affirmé Vickie.
    Si nous acceptons ce constat, il faut nous pencher sur les limites du système d'aide sociale en place. Les systèmes d'aide sociale provinciaux et fédéral ne favorisent pas la créativité et l'ingénuité des entreprises sociales et du secteur à but non lucratif en général. Ils n'aident pas non plus leurs soi-disant clients, c'est-à-dire les bénéficiaires des ressources, car ils ne les amènent pas à renforcer leur résilience et leurs habiletés d’adaptation en matière de résolution de problèmes. Le système d'aide sociale actuel a été conçu à la fin de la Grande Dépression. Il s'agit d'une ligne téléphonique partagée, et non partisane — vous savez ce que je veux dire. Notre système correspond à la technologie des lignes partagées, même pas à celle de l'accès à Internet par ligne commutée, alors que nous sommes à l'ère des téléphones intelligents.
    Pensez à la finance sociale comme un moyen de concevoir une nouvelle façon de s'entraider au Canada. Le régime enregistré d'épargne-invalidité a été mentionné un peu plus tôt. Lorsque j'ai rencontré M. Flaherty pour discuter du concept, il m'a tout de suite demandé d'en parler aux autres partis présents au Parlement. Pour lui, cette question transcendait les partis et offrait une façon de réinventer la façon d'aider un petit groupe de gens. C'est là le potentiel magnifique de la finance sociale. Pour le reste...Les obligations à impact social, c'est bien, mais ce n'est que du rafistolage. Il faut repenser la manière dont nous prenons soin les uns des autres.
    Monsieur Emmett, vous avez encore quelques secondes.
    Je crois que les autres intervenants ont tout dit en parlant de capacité et de sensibilisation. Je me permets d'ajouter les contraintes implicites à la Loi de l'impôt sur le revenu, qui limitent les activités que les organismes de bienfaisance peuvent mener pour générer des revenus.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Cuzner, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leurs propos forts intéressants.
    Je vais poursuivre avec vous, monsieur Etmansky. Je respecte votre point de vue et votre travail. Selon moi, le crédit d'impôt pour personnes handicapées est une excellente mesure. Mon frère, décédé il y a 10 ans, était atteint de paralysie cérébrale. Mes parents ont passé la plus grande partie de leur vie adulte à s'inquiéter du sort de mon frère après leur mort.
    Ils auraient sans doute profité du crédit d'impôt pour personnes handicapées, quoiqu'ils travaillaient tous les deux. Bien des personnes handicapées au pays...Je l'ai entendu à maintes reprises. Vous ne prétendez pas que le crédit d'impôt est le remède à tous les maux — j'aimerais avoir votre opinion à ce sujet. Pensons à l'âge de l'admissibilité à la Sécurité de la vieillesse, qui est passé de 65 à 67 ans, une mesure qui a disproportionnellement touché les personnes handicapées et les petits salariés au pays.
    Vous ne préconisez pas que le gouvernement abolisse toute forme de soutien pour ces personnes, n'est-ce pas? Vous soulignez simplement le mérite du financement social.
    Je crois que personne ne peut prétendre que les revenus issus d'un régime d'épargne-invalidité individuel sont suffisants pour vivre. Le régime vient plutôt compléter les différentes formes de soutien financier fournies par le système d'aide sociale.
    Je souligne cependant que le régime d'épargne-invalidité comporte des avantages inattendus. En effet, certains gouvernements provinciaux commencent à repenser leur approche à l'égard de l'aide sociale pour les handicapés. Parce que le régime d'épargne-invalidité n'exige pas de rapport ni de surveillance, les provinces remettent en cause l'affectation de travailleurs sociaux ou d'employés de l'aide sociale au contrôle mensuel des maigres ressources versées aux personnes handicapées. Les provinces commencent à repenser le soutien qu'elles apportent à ces personnes; d'un cadre axé sur l'aide sociale, elles passent à un cadre axé sur les actifs.
    Je préconise ce genre d'initiatives audacieuses. C'est notre plus grand défi. Les outils en matière de finance sociale ne vont pas d'eux-mêmes réinventer le système. Le Canada est un pays altruiste. Nous affectons des ressources importantes à l'aide sociale, mais notre approche n'est pas ciblée. La finance sociale applique la discipline propre au milieu des affaires, tire parti de différentes ressources et rend plus ciblées les allocations gouvernementales, de sorte qu'elles vont directement au bénéficiaire. Il y a là une occasion de faire preuve d'audace et de réinventer le cadre du soutien social du pays pour le 21e siècle afin de remplacer notre modèle actuel, qui est presque centenaire et basé sur des prémisses qui n'ont plus de sens aujourd'hui.

  (1715)  

    Monsieur Aitken, vous avez parlé d'éducation tout comme M. Emmett d'ailleurs, qui a parlé de la formation des contributeurs de demain. Vous qui travaillez de près avec les établissements sur les concepts de l'entreprise sociale et de la finance sociale, y en a-t-il un en particulier qui se démarque par la qualité de son travail? Votre contribution ne fait pas partie du programme d'études, mais y a-t-il des établissements d'enseignement en travail social qui...? Durant sa présentation tout à l'heure, M. LePage a dit que le développement des compétences en affaires chez les travailleurs sociaux serait très bénéfique.
    Existe-t-il des écoles qui s'y prennent correctement?
    Oui. Les choses progressent, selon moi, et de plus en plus vite.
    Voici un exemple. Mon alma mater, l'Université Memorial à Terre-Neuve, est à instaurer un programme de MBA en entrepreneuriat social. Le doyen, Wilfred Zerbe, m'a confié que le programme est lancé à la suite des résultats produits par Enactus, comme sa valeur ajoutée et les compétences que les jeunes y acquièrent. La fondation de la famille McConnell a versé une subvention de 500 000 $ pour ce projet.
    Je sais que l'Université Ryerson fait aussi beaucoup de travail dans le domaine de l'entrepreneuriat social et l'innovation sociale. L'établissement est le premier au pays à avoir reçu la désignation Ashoka U Changemaker. Bien entendu, de nombreux étudiants de Ryerson participent au programme Enactus.
    Il y a clairement une tendance qui se dessine; de plus en plus de programmes la suivent, mais pas tous.
    Merci.
    C'est tout le temps que nous avions pour le premier tour.
    Monsieur Eglinski, la parole est à vous.
    Je tiens à remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation.
    Je n'irai pas par quatre chemins. Vous parlez tous les trois de finance sociale, mais chacun d'entre vous l'aborde sous un angle différent. Je vais commencer avec M. Etmanski, mais ma question s'adresse à vous tous.
    J'aimerais savoir quelle place vous attribuez au gouvernement. Je sais que nous jouons déjà un rôle — nous avons fourni de l'aide —, mais dites-moi comment le gouvernement pourrait contribuer à votre programme.
    Il y a un certain nombre de choses. Tout d'abord, le système fiscal actuel impose beaucoup de restrictions aux entrepreneurs sociaux. Je suis conscient que d'autres témoins ont déjà abordé la question et je n'entrerai pas dans les détails, mais je souligne que je suis l'un des membres fondateurs du groupe Social Innovation Generation, ou SIG, qui a pratiquement lancé le groupe de travail sur la finance sociale au Canada. Je suis à peu près certain que vous avez des informations là-dessus. Il s'agit d'une approche assez directe.
    Le gouvernement pourrait jouer un plus grand rôle et optimiser le financement qu'il verse en le combinant avec d'autres sources de revenus. Je suis désolé de me répéter, mais je crains que la finance sociale au gouvernement fédéral soit perçue ainsi: « nous vous donnerons les fonds si vous trouvez d'autres intervenants prêts à verser le même montant ». C'est là une vision très limitée de ce que peut offrir la finance sociale.
    Quelqu'un a mentionné la fondation McConnell. Depuis 15 ans, cette fondation privée explore des façons de tirer le plus possible parti de ses fonds très limités afin de maximiser ses résultats. Ses méthodes se sont révélées efficaces. Nous aimerions voir le gouvernement fédéral faire de même. Peut-être pourrions-nous créer un fonds de financement social de manière à encourager la nouvelle mentalité dont j'ai parlé au début de la rencontre: de nouvelles façons de collaborer et d'exploiter la technologie pour réaliser une mise à l'échelle et contourner les importants problèmes qui existent au Canada et pour lesquels, suivant notre optique actuelle, nous dépensons de plus en plus d'argent alors qu'ils ne font qu'empirer.
    J'espère avoir répondu à la question.
    Le président: Monsieur Aitken.

  (1720)  

    Je suis tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit. Selon nous — je vais évidemment parler des jeunes, puisque ce sont eux qui nous intéressent —, le gouvernement devrait pouvoir renforcer les capacités des organismes existants.
    Prenons notre organisme: notre financement provient du privé à 97 %. Mais il y a tellement de choses que nous voudrions faire. Nous sommes loin d'être les seuls dans ce secteur d'activité, et beaucoup d'autres organismes font des choses merveilleuses. Selon moi, si on veut que la prochaine génération de leaders comprenne le vocabulaire en cause, qu'elle comprenne la finance sociale et qu'elle voie l'entreprise sociale comme un plus, alors oui, je crois que le gouvernement a un rôle à jouer.
    Monsieur Emmett.
    Je reviens à mon argument principal: les organismes caritatifs et sans but lucratif font partie intégrante de l'économie. J'aimerais que le gouvernement les considère davantage comme des petites entreprises et les rende admissibles au programme de financement des PME et aux prêts aux PME de la Banque de développement du Canada. Encore dernièrement, certains critères ont été relâchés afin de permettre aux organismes de charité et sans but lucratif de participer.
    Je crois ensuite que la Loi de l'impôt sur le revenu doit être examinée dans la perspective des contraintes imposées aux activités rémunératrices des organismes de charité.
    Viennent ensuite les données. Il est très difficile de définir des résultats, donc d'attirer du capital. Or, sans données et sans recensement digne de ce nom, c'est impossible.
    Les obligations à impact social ne pourront jamais redistribuer les revenus à grande échelle; seul le gouvernement peut faire ça. C'est très important, du point de vue caritatif et de la justice sociale, que le gouvernement fédéral maintienne ses importants programmes de redistribution.
    Je vous remercie.
    Madame Morin.

[Français]

     Je vous remercie.
    Monsieur Emmett, pendant votre exposé, vous avez parlé du secteur à but non lucratif qui croît beaucoup plus rapidement que le PIB. Si on ne tient pas compte des entreprises d'économie sociale et qu'on ne considère que les organismes communautaires et les organismes caritatifs, c'est une mauvaise nouvelle, parce qu'on voit que les besoins sont de plus en plus présents dans notre société. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi.
    Vous avez également dit que, étant donné tout cela, on a besoin de plus de ressources. Il y a des difficultés. Il faudrait donc maintenir un financement stable, adéquat, et assurer une pérennité de ce financement. Dans ce cas, la finance sociale deviendrait-elle un revenu d'appoint? Remplacerait-elle complètement le financement gouvernemental lié aux organismes communautaires et caritatifs?

[Traduction]

    Merci.
    On compte environ 85 000 organismes de charité au Canada, et environ 85 000 organismes sans but lucratif. Alors, si on exclut les organismes de charité, on réduit le total d'environ la moitié. Les hôpitaux, les universités et autres continuent de croître plus rapidement que l'économie et, selon nous, la croissance est poussée par la demande: les gens ont de plus en plus besoin de ce que les organismes de charité ont à leur offrir.
    Je crois que vous avez raison: les organismes de charité peuvent seulement croître dans la mesure où les fonds dont ils ont besoin pour croître sont là. Mais pour cela, il va falloir des mesures extrêmement énergiques et explorer toutes les sources de financement, y compris les dons, les gouvernements, les activités rémunératrices et la finance sociale. Aucune source ne pourra à elle seule assurer la stabilité financière du milieu caritatif.

[Français]

    La finance sociale constituerait-elle donc un revenu d'appoint?

  (1725)  

[Traduction]

    Il ne s'agit certainement pas d'une réponse globale. Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'on ne se fiera plus au gouvernement, juste au financement social; c'est irréaliste.

[Français]

    D'accord, je vous remercie; cela répond bien à ma question.
    Monsieur Etmanski, quand vous parlez de finance sociale, vous parlez d'un nouvel outil financier, d'une façon nouvelle de revoir les services communautaires, si on veut, en s'attaquant à la base. Vous avez parlé de prévention.
    J'aimerais vous entendre un peu plus à cet égard, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Je ne vois pas la finance sociale comme un outil, mais comme une façon de réfléchir à la manière dont l'argent est dépensé.
    Nous aurons toujours besoin de dons. Nous aurons toujours besoin des subventions fournies par les fondations communautaires et privées du Canada. Nous aurons toujours besoin que le gouvernement consacre des ressources aux défis sociaux les plus coriaces. Espérons que de plus en plus d'entreprises décideront d'investir.
    En soit, le secteur de l'entreprise sociale génère beaucoup de revenus. Il y a donc cinq groupes de ressources.
    Hélas, ces groupes ne se parlent pas entre eux. Ils fonctionnent en bonne partie en parallèle. La finance sociale permet donc de trouver des moyens d'utiliser ces ressources de manière optimale. C'est la clé.
    J'espère que je réponds un tant soit peu à votre question. Si j'ai oublié quelque chose, n'hésitez pas à me le dire.
    Merci, madame Morin.

[Français]

     D'accord, je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    Merci aussi de votre réponse.
    Nous allons passer à M. Wallace, qui conclura la séance d'aujourd'hui.
    Vous avez deux minutes, monsieur Wallace.
    Ma question s'adresse à M. Emmett et à Imagine Canada.
    Premièrement, je dois être franc: nous sommes d'accord avec vous. Ma femme travaille pour les Timbres de Pâques et recueille de l'argent pour les enfants handicapés de l'Ontario et de notre région. Nous sommes donc bien placés pour savoir ce que vous vivez.
    Je trouve qu'il y a une différence énorme entre l'entreprise sociale et la finance sociale.
    Je sais en quoi consiste un taux d'intérêt nominal et je connais le rendement auquel je peux m'attendre d'une obligation ordinaire. Dites-moi: quel est le taux d'intérêt nominal de l'obligation communautaire dont il est ici question? À quoi les investisseurs potentiels peuvent-ils s'attendre? Je ne comprends pas.
    C'est une très bonne question.
    Pour ce qui est des obligations à impact social, pour le moment, il s'agit surtout de projets pilotes de relativement petite taille qui sont commandités par le gouvernement, qui garantit de son côté un taux de rendement x aux investisseurs privés.
    Prenons l'exemple d'un projet que je connais, celui sur le récidivisme à Rikers Island, dans la ville de New York. Dans ce cas, il me semble que l'investisseur privé est JPMorgan, qui s'est fait garantir un rendement de 20 %.
    Je dois être bref, mais ma deuxième question porte sur le crédit d'impôt allongé. Pourquoi ne pas pousser pour qu'il passe de 15 à 25 % au lieu d'espérer qu'en passant de 15 à 25 %, puis de 28 à 38 %, les gens qui ont déjà fait des dons auront tendance à donner plus? Je ne comprends pas pourquoi vous préférez allonger la durée du crédit au lieu d'en faire augmenter le taux?
    Nous aimerions bien avoir les deux, vous savez.
    Je crois que l'intérêt du crédit allongé est double: premièrement, comme je le disais au début, les organismes de charité ont besoin de plus d'argent. Nous cherchons cependant à inciter de nouveaux donateurs à « faire leur entrée sur le marché caritatif », si vous me permettez l'expression.
    D'accord, mais le crédit allongé ne s'adresse pas aux nouveaux donateurs; il vise à inciter ceux qui donnent déjà à donner plus d'argent afin de profiter d'un meilleur taux.
    C'est vrai. Mais il incite aussi ceux qui ne donnent rien à faire un premier don, à un taux plus intéressant.
    C'est terminé, monsieur Wallace.
    Merci, monsieur Emmett. J'ai l'impression que vous allez avoir des choses à vous dire par après, tous les deux.
    Le comité tient à vous remercier tous de vous être déplacés aujourd'hui.
    J'aimerais ajouter quelque chose. J'ai moi-même un fils handicapé intellectuellement de 28 ans. À notre âge, ma femme et moi nous demandons sérieusement ce qui va arriver à notre fils quand nous ne serons plus là, parce qu'il va être encore là après notre mort, ça c'est sûr.
    J'ai beaucoup aimé les commentaires en provenance de Surrey et de Vancouver. M. Flaherty et moi en parlions souvent, parce que sa femme et lui avaient eux aussi un fils handicapé.
    Je tiens à remercier personnellement chacun d'entre vous de tout ce que vous faites et de la manière dont vous le faites. Je suis convaincu que notre étude sera très utile pour le pays, parce que, quand des gens de votre qualité font votre travail et voient à tous les aspects connexes, ça peut seulement produire de bons résultats.
    Merci d'être venus nous voir.
    La séance est levée.
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