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CIIT Rapport du Comité

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Rapport supplémentaire
de l’Opposition officielle
Nouveau Parti démocratique du Canada

Introduction

Le Nouveau Parti démocratique (NDP) considère que le commerce international est la pierre angulaire de la croissance économique et de la prospérité futures du Canada. Tout au long de l’évolution du Canada en tant que nation commerçante, la politique commerciale a joué un rôle de pivot dans la vie des Canadiens d’un océan à l’autre. Comme plus de 60 % du produit intérieur brut du Canada est relié aux échanges commerciaux, nous croyons que le Canada doit mettre un point d’honneur à diversifier et à développer ses relations commerciales.

C’est pour cela que les néo-démocrates soutiennent les efforts visant à élargir les échanges commerciaux avec l’Union européenne (UE). Composée de démocraties modernes, qui sont dotées de normes généralement élevées en matière de travail, de droits de la personne et d’environnement, et qui représentent quelque 500 millions de consommateurs ayant un revenu relativement élevé, l’Union européenne offre des conditions favorables au Canada pour l’amélioration des relations économiques. L’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne est une excellente occasion d’affermir les liens commerciaux avec 28 pays européens et d’en assurer la pérennité.

Plusieurs secteurs de l’économie canadienne tireraient profit d’une entente bien structurée avec l’Union européenne. La réduction des droits de douane et l’amélioration des processus réglementaires dans plusieurs secteurs — céréales, bœuf et porc, fruits de mer, technologies de l’information et des communications — se traduira par de nouvelles occasions d’affaires pour les entreprises canadiennes. Les consommateurs canadiens seront également bien placés pour réaliser des gains considérables.

Il est cependant clair qu’une politique commerciale bien structurée et orientée vers des résultats positifs pour le Canada doit s’appuyer sur de solides assises. Selon les néo‑démocrates, cela comprend une vaste stratégie qui appuie les secteurs clés et nouveaux de l’industrie, des politiques nationales consciencieuses dans les portefeuilles connexes, des relations entre le gouvernement et le secteur privé qui sont empreintes de collaboration et un bon service des délégués commerciaux qui aide les importateurs et les exportateurs canadiens à profiter le plus possible des possibilités commerciales. Il faut aussi des accords bien négociés qui sont stratégiquement fiables, qui bénéficient d’un large soutien public et qui reflètent les intérêts et les valeurs chers aux Canadiens.

Malheureusement, le gouvernement conservateur n’a pas été à la hauteur de ces exigences. En témoignent les piètres résultats qu’il n’a cessé d’enregistrer selon l’ensemble des données commerciales :

  • Le compte courant du Canada, qui affichait un excédent de 20,3 milliards de dollars en 2006, était déficitaire de 60,7 milliards de dollars en 2013, un revirement négatif de quelque 80 milliards de dollars, soit une perte de 10 milliards de dollars pour chacune des années sous le régime des conservateurs;
  • Le déficit du secteur manufacturier du Canada a quadruplé sous le régime conservateur, atteignant le niveau ahurissant de 110,4 milliards de dollars en 2013; 
  • Le pourcentage des exportations du Canada qui sont fondées sur les ressources s’est accru de 50 % au cours des sept dernières années, renversant la courbe de production à valeur ajoutée établie de longue date et plus typique d’une économie industrielle moderne.

Il faut indiquer que le gouvernement conservateur refuse de communiquer le texte de l’AECG aux Canadiens bien qu’il affirme qu’un accord ait bel et bien été conclu. Les néo–démocrates soutiennent depuis toujours que, sans le texte définitif de l’Accord et sans de vastes consultations, on ne saurait évaluer l’impact véritable de l’AECG sur les Canadiens et sur leur économie. Ils estiment que le détail d’un accord global est important, et les témoignages adressés au Comité abondent majoritairement dans ce sens.

Par conséquent, à l’instar de la grande majorité de témoins qui ont comparu devant le Comité, même si nous sommes favorables à l’idée que le Canada cherche à établir d’excellentes relations économiques avec l’UE, nous ne sommes pas en mesure d’évaluer l’AECG de manière concluante à moins de pouvoir en étudier de près les conditions et de mener de larges consultations afin d’en déterminer l’incidence globale. Quoi qu’il en soit, il ressort de l’étude en question des thèmes très clairs qui, à notre avis, méritent d’être relevés et soulignés dans le présent rapport.

Processus

Le NPD considère que de vastes consultations publiques dignes de foi sont essentielles à l’élaboration d’une solide position pour les négociateurs commerciaux du Canada. De l’avis des néo-démocrates, le gouvernement du Canada devrait se faire un point d’honneur de mener des négociations commerciales selon les principes de transparence et de responsabilité.

Malheureusement, le gouvernement conservateur n’a pas mené de véritables consultations publiques auprès des principaux intervenants dans la société canadienne au cours du processus de l’AECG. Nous croyons que la position canadienne à l’égard de cet accord n’est pas suffisamment éclairée et qu’elle s’appuie sur une base de consultation trop restreinte par rapport à ce qui était possible et souhaitable.

Les municipalités et autres administrations infraprovinciales, les Premières Nations, maints secteurs d’activité industrielle, le milieu syndical, les organismes œuvrant à défendre l’intérêt public, les organismes environnementaux, les universitaires, les experts en commerce et les Canadiens mêmes sont parmi les intervenants clés qui ont été ignorés du gouvernement conservateur pendant le processus de l’AECG. Les témoignages qu’a reçus le Comité montrent bien qu’un nombre très limité d’organismes ont bénéficié d’un accès privilégié pour se faire entendre des négociateurs du gouvernement et pour être informés par eux.

Nous déplorons la façon dont cet accord a été négocié, sans la participation pleine et entière des syndicats, des ONG environnementales et d’autres groupes de la société civile du Canada. L’AECG est un accord commercial qui se distingue de tous les autres que nous avons déjà vus, et pourtant les préoccupations du public soulevées par les travailleurs et d’autres groupes ont été marginalisées et laissées de côté.
- Jerry Dias, Unifor, 19 novembre 2013
La préparation de l'accord s'est faite sans qu'il y ait de véritable consultation auprès des municipalités… L'absence de consultation au sujet des détails de l'accord entraînera inévitablement l'inclusion de règles qui auront un effet négatif sur les politiques d'approvisionnement à l'échelle locale.
- Derek Corrigan, maire de Burnaby, 3 février 2014

Par ailleurs, nous ne croyons pas que les négociations relatives à l’AECG ont été menées avec suffisamment de transparence et d’ouverture. À cet égard, un témoin a indiqué :

Le secret qui entoure l’AECG […] est inacceptable.
- Gus Etchegary, président, Fisheries Community Alliance, 26 novembre 2013

D’autres pays essaient de hausser la barre pour la tenue de véritables consultations et la transparence dans les négociations commerciales. Par exemple, le représentant commercial des États‑Unis a communiqué des documents provisoires et mis à la disposition de tous les membres du Congrès le texte du projet d’entente lors des négociations du Partenariat transpacifique. La Commission européenne a publié le détail du chapitre de l’AECG sur l’investissement dans le contexte des pourparlers commerciaux UE-États-Unis et elle a favorisé des consultations ouvertes auprès de la population européenne afin d’orienter ses grandes décisions.

Se démarquant de ses alliés, le gouvernement conservateur a refusé de rendre compte périodiquement de l’avancement des travaux ou de communiquer tout texte sur la négociation de l’AECG aux parlementaires et au public pour information ou avis. Le NPD craint que ce voile de mystère mine la position de négociation du gouvernement canadien et débouche sur un piètre accord pour les Canadiens.

Enfin, il semble que le gouvernement conservateur n’ait pas l’intention de lever le voile sur l’AECG avant d’en avoir conclu les modalités, comptant le présenter au Parlement et aux Canadiens comme un fait accompli. Les néo-démocrates redoutent cette approche, car elle empêche les intervenants clés et les Canadiens mêmes de donner leur opinion sur cet accord qui aura d’importantes conséquences pour la nation.

Emplois

Pour les néo-démocrates, la création et le maintien de bons emplois qui permettent de subvenir aux besoins des familles devraient être une priorité dans les négociations de l’AECG. Nous reconnaissons que cet accord pourrait favoriser la création d’emplois de qualité pour les Canadiens en ouvrant l’accès à de nouveaux marchés en Europe et au Canada pour le commerce et l’investissement. Selon nous, pour créer une économie moderne, durable et industrielle, il est nécessaire d’encourager la production à valeur ajoutée dans les secteurs des ressources du Canada et de créer des biens et des services plus durables.

Au dire de nombreux témoins, l’AECG aurait une incidence positive nette sur les emplois au Canada. En revanche, d’autres témoins estimaient qu’il pourrait nuire à l’emploi dans certains secteurs. Et d’autres encore ont souligné qu’il n’y a pas de corrélation automatique entre les accords commerciaux et les emplois, et que cela dépend en grande partie de la teneur précise des accords, de la nature  des politiques économiques et des pays visés.

Au lieu d’aborder cette question critique en se fondant sur les faits, le gouvernement conservateur a décidé d’ourdir une campagne de propagande qui fait plus de tort que de bien. Les conservateurs se fient continuellement aux chiffres hypothétiques de 2008 sur la création d’emplois liés à l’AECG, chiffres qui, au demeurant, sont dépassés et qui ont été établis à partir d’une méthodologie qui s’est révélée erronée ainsi qu’à partir d’hypothèses économiques irréalistes.

Pour essayer de déterminer avec un tant soit peu d’exactitude combien d’emplois réels on escomptait créer au Canada, les néo-démocrates ont demandé aux témoins représentant le secteur privé lors des audiences de fournir des estimations précises du nombre d’emplois qui seraient créés au sein de leurs organismes ou secteurs grâce à l’AECG. Personne n’a pu fournir de chiffres précis. Et cela se comprend, car comme le montre l’analyse effectuée par l’Opposition officielle, ces témoins n’ont cessé de déclarer que, sans le texte définitif de l’Accord, ils n’étaient pas en mesure de fournir au Comité une estimation de la croissance de l’emploi qui résulterait de l’Accord.

Comme on l’a indiqué, des témoins redoutaient d’éventuelles pertes d’emplois dans les secteurs à valeur ajoutée et manufacturier. Ils ont signalé des pertes d’emplois dans divers secteurs allant de la construction d’automobiles en Ontario à la fabrication de l’acier en Nouvelle-Écosse, en passant par la transformation des produits de la pêche à Terre‑Neuve.

L'économiste d'Unifor, Jim Stanford, prévoit que l'accord pourrait coûter au Canada quelque 150 000 emplois dans le secteur de la fabrication. Il s'agit là d'un scénario de la pire éventualité fondé sur divers facteurs, mais même le scénario de la meilleure éventualité nous coûterait des dizaines de milliers d'emplois.
- Jerry Dias, Unifor, 19 novembre 2013
[…]cela permettra à des Canadiens et à des navires-usines étrangers de pêcher le poisson canadien et de le revendre, sans qu'il soit transformé, directement à des exploitants d'usines de l'Union européenne, qui le transformeront et le vendront directement sur le marché européen, ce qui aura pour effet d'éliminer des milliers d'emplois des secteurs primaire et secondaire à Terre-Neuve[…]
– Gus Etchegary, Fisheries Community Alliance, 26 novembre 2013

Les néo-démocrates analyseront avec soin le texte définitif de l’AECG pour en évaluer l’incidence globale sur l’emploi, aux niveaux qualitatif et quantitatif.

Soins de santé et coûts en hausse

De nombreux témoins ont fait part au Comité des coûts élevés qu’entraîneraient les changements prévus dans l’AECG relativement à la propriété intellectuelle au Canada. Les changements les plus importants sont l’augmentation anticipée de la durée des brevets, l’exclusivité des données qu’ils renferment et les nouveaux droits d’appel des titulaires de brevets de médicaments qui souhaitent contester la concurrence des fabricants de médicaments génériques devant la Cour fédérale. Des témoins représentant l’industrie pharmaceutique et des experts de la politique en matière de santé publique ont affirmé que ces changements se traduiront par une énorme augmentation des coûts des médicaments d’ordonnance au Canada en retardant l’introduction de médicaments génériques moins chers. Selon ces témoins, les coûts accrus pour les Canadiens seraient de 850 millions de dollars à 2,8 milliards de dollars chaque année.

[…]les concessions consenties par le gouvernement fédéral pour sceller l’accord retarderont l’arrivée sur le marché de médicaments génériques à prix concurrentiels. Ce retard ajoutera chaque année de 850 millions à 1,65 milliard de dollars, ce qui représente une hausse maximale de 13 %, au prix total des médicaments que paient annuellement les Canadiens, qui paieront soit directement ou par des régimes d’assurance.
- Michael McBane, Coalition canadienne de la santé, 28 janvier 2014
D'après une étude effectuée pour l'association par deux économistes canadiens de renom, spécialistes du domaine de la santé, au début de 2011, les propositions, si elles étaient adoptées, retarderaient l'introduction de nouveaux médicaments génériques au Canada de trois ans et demi en moyenne. Le coût estimé de ce retard pour les acheteurs de médicaments était de 2,8 milliards de dollars par année, d'après le prix des médicaments génériques en 2010.
- Jim Keon, Association canadienne du médicament générique, 3 décembre 2013

Les néo-démocrates sont préoccupés tout particulièrement par les pressions financières qui pèseront sur les gens, les employeurs et les régimes d’assurance-maladie provinciaux par suite de ces changements, car les coûts des médicaments d’ordonnance constituent la portion des coûts du régime de santé public qui progresse le plus rapidement. L’obligation de s’en remettre à des médicaments de marque plus coûteux aura un effet sur le portefeuille de millions de Canadiens, notamment les aînés, qui dépendent de façon disproportionnée des médicaments sur ordonnance, sur les personnes qui paient ces médicaments ou en partagent le coût et sur les employeurs du secteur privé qui financent des régimes d’assurance-maladie complémentaires.

Le gouvernement conservateur a expressément reconnu ces conséquences et promis d’indemniser les provinces et les territoires, mais il refuse malheureusement de communiquer des chiffres à cet égard et de fournir une indemnité aux Canadiens et aux employeurs qui devront payer des coûts plus élevés. Qui plus est, des témoins ont signalé que ce sont les contribuables canadiens qui devront assumer les coûts supplémentaires étant donné que leurs dollars fiscaux sont transférés du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux et territoriaux.

Règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE)

Depuis longtemps, les néo-démocrates se disent préoccupés par les chapitres qui traitent du RDIE et de leurs effets négatifs possibles sur la capacité des gouvernements de légiférer dans l’intérêt public. Nombreux sont ceux qui partagent ces préoccupations au sein de la communauté internationale, et dans des pays aussi diversifiés que l’Australie, le Brésil, l’Inde et les pays de l’UE, on discute énergiquement de l’intérêt que présentent les dispositions relatives au RDIE dans les accords commerciaux. La France et l’Allemagne ont indiqué récemment qu’elles n’appuieront pas les dispositions visant le règlement des différends investisseur-État dans un accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis.

Au cours des audiences sur l’AECG, de nombreux témoins ont fait part de leurs vives inquiétudes au sujet des droits accrus des investisseurs à l’égard des contribuables canadiens et des gouvernements démocratiquement élus. Des témoins ont mentionné que le modèle du RDIE exposerait tous les ordres de gouvernement au Canada à des poursuites de la part d’investisseurs du seul fait des mesures législatives adoptées dans l’intérêt public. On s’inquiète entre autres des mesures législatives orientées vers des objectifs en matière de santé, sociaux et environnementaux, et plusieurs témoins ont fait mention de cas réels au Canada et à l’étranger où ce genre de différends a exposé, et continuerait d’exposer, les contribuables Canadiens à l’obligation de verser des milliards de dollars. On a fait observer que cette seule éventualité peut dissuader les gouvernements d’adopter des mesures législatives dans l’intérêt public de crainte de contracter un engagement ou de devoir payer des dépens en cas de poursuites.

Selon Howard Mann (conseiller principal, Droit international, Institut international du développement durable), les dispositions relatives au RDIE donneront lieu « inévitablement à une hausse du nombre d’arbitrages contre le Canada, tant pour les mesures fédérales que provinciales, et cela aura pour résultat une augmentation des pressions contre la régulation dans des secteurs clés comme l'environnement, la santé, les mesures anti-tabac et ainsi de suite ».

Par ailleurs, des témoins se sont dits inquiets des lacunes structurelles typiques des conseils d’arbitrage établis en vertu des dispositions concernant le RDIE. À ce propos, ils ont fait mention des conflits d’intérêts entre arbitres, de l’absence d’inamovibilité des arbitres et de l’absence d’un mécanisme d’appel efficace. Ils ont aussi fait part de préoccupations concernant le manque de transparence dans les délibérations des groupes chargés de régler les différends entre investisseurs et États. Enfin, ils ont abordé la question primordiale du transfert du pouvoir judiciaire ultime, des tribunaux nationaux, et de leurs garde-fous et structures connexes, à des tribunaux internationaux qui n’ont pas à rendre compte de leurs décisions.

[…]je dirais que les dispositions relatives à l’État investisseur me troublent, non seulement dans cet accord, mais en général[…]je ne suis pas convaincu que les intérêts nationaux du Canada sont servis par ces dispositions.
- John Curtis, Institut C.D. Howe (à titre personnel), 5 décembre 2013

Nous savons que le Canada a acquis une grande expérience du RDIE grâce aux accords commerciaux existants; il est au fait des coûts et des menaces que ses dispositions représentent pour la réglementation visant à protéger l’intérêt public. Les néo-démocrates croient que les garde-fous ne devraient pas être affaiblis et que les dispositions de l’AECG relatives au RDIE ne doivent pas miner le droit des gouvernements canadiens démocratiquement élus d’adopter des mesures législatives et réglementaires qui visent à protéger le public.

Achats gouvernementaux et marchés publics

Plusieurs témoins ont dit craindre les répercussions de l’AECG sur la souplesse des structures infrafédérales d’approvisionnement et de prestation de services. Des témoins représentant des municipalités ont fait valoir le rôle important des politiques d’approvisionnement gouvernementales dans les initiatives de développement économique locales. Selon eux, les dispositions de l’AECG risquent de saper les plans de développement local en accordant de nouveaux droits aux entreprises européennes qui participent à des appels d’offres et en limitant leur capacité d’appuyer les fournisseurs de biens et de services locaux. Ils craignent aussi que les politiques de mise en valeur de l’environnement ou d’approvisionnement en aliments locaux ne subissent le contrecoup de ces dispositions. Des témoins ont signalé au Comité que l’AECG alourdirait les fardeaux administratif, juridique et financier des municipalités toutes les fois qu’elles passent des marchés. Ils craignent que l’AECG ne restreigne la capacité des gouvernements de rétablir dans leur giron des services qui ont été privatisés.    

Avec l'entrée en vigueur de l'AECG, il deviendra aussi plus difficile de ramener des services dans le giron municipal. Une fois qu'un service aura été privatisé, il devra demeurer accessible aux fournisseurs du secteur privé. Si une municipalité décide de réintégrer un tel service au sein de son administration publique, les entreprises de l'Union européenne pourront lui intenter des poursuites.
- Graham Cox, Syndicat canadien de la fonction publique, 4 mars 2014
« Nous avons demandé aux Canadiens si, à leur avis, les municipalités devraient conserver le droit d'accorder la préférence aux soumissionnaires des entreprises locales ou canadiennes. Jusqu'à 77 % des répondants ont affirmé que les municipalités devraient conserver ce droit. »
- Stuart Trew, Conseil des Canadiens, 28 janvier 2014

On a indiqué qu’une cinquantaine d’organismes gouvernementaux des paliers municipal, rural et local ont adopté des motions pour exprimer leur opposition à ces effets et pour demander qu’il leur soit possible de se soustraire à l’application des dispositions de l’AECG qui les touchent.

Les néo-démocrates estiment que les seuils établis dans les chapitres de l’AECG portant sur les marchés publics ne devraient pas diminuer considérablement la marge de manœuvre que prévoient les politiques d’acquisition des administrations infraprovinciales pour réaliser des objectifs de développement économique local. Nous croyons que les gouvernements au Canada devraient avoir la liberté de ramener dans la sphère publique des services qui ont été privatisés s’ils jugent que cela est nécessaire pour réaliser les objectifs publics. Enfin, des domaines de nature délicate, dont les services sociaux, les programmes d’intérêt public, les services municipaux d’approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux usées, les services publics, la santé, la culture et l’éducation, doivent être protégés adéquatement au moyen de réserves permanentes à tous les niveaux de gouvernement.

Secteur laitier

Les néo-démocrates sont résolus à maintenir le système de gestion de l’offre du Canada et ses trois piliers. C’est grâce à ce système que les secteurs soumis à la gestion de l’offre, dont le secteur laitier, ont pu prospérer et que des milliers d’emplois de qualité, d’exploitations agricoles et de collectivités rurales au Canada ont pu se maintenir. Ce système sert bien la population canadienne : il lui donne accès à des produits alimentaires locaux sains, à des prix compétitifs.

Les néo-démocrates appuient sans réserve le système de gestion de l’offre et croient qu’il faut le défendre avec fermeté dans toutes négociations commerciales. Il est décevant de constater que le gouvernement conservateur met en péril l’intégrité de ce système à la table de négociation de l’AECG.

Comme l’ont expliqué des témoins représentant le secteur laitier, l’AECG occasionnera de sérieuses difficultés pour l’industrie en raison de l’augmentation des contingents tarifaires appliqués aux importations de fromages européens.  

Yves Leduc (directeur, commerce international, Producteurs laitiers du Canada) estimait que le nouvel accès de 17 700 tonnes de fromages provenant de l’UE coûtera aux agriculteurs canadiens quelque 150 millions de dollars annuellement et entraînera des pertes cumulatives de 300 millions de dollars dans l’ensemble de l’industrie. La plupart des témoins du secteur laitier ont rejeté l’affirmation selon laquelle l’accès accru de l’UE est synonyme de profits importants pour les producteurs canadiens; ils ne considèrent pas non plus que l’augmentation de la consommation nationale de fromage compense les pertes de parts de marché au profit des producteurs de l’UE. M. Leduc a fait observer que les producteurs laitiers du Canada ont investi leur propre argent pour développer le marché canadien et qu’il est injuste de la part du gouvernement conservateur de céder une part du marché aux producteurs de l’UE.

Nous perdons la croissance à venir dans laquelle nous avons lourdement investi au cours des 15, 20 ou 30 dernières années. Cette croissance ne s'est pas produite comme ça; c'est le résultat de l'investissement que les agriculteurs ont consacré à la croissance de ce marché. C'est ce que nous perdons. Nous estimons, selon que la mise en œuvre de l'accord s'étalera sur cinq ou sept ans, que le manque à gagner des producteurs se chiffrera entre 600 et 750 millions de dollars.
- Yves Leduc, Producteurs laitiers du Canada, 21 novembre 2013

Les néo-démocrates sont préoccupés par les témoignages selon lesquels il n’est pas tenu compte dans l’AECG des subventions agricoles élevées qu’accorde l’Union européenne et qui créent des conditions de concurrence inégales pour le secteur canadien des produits laitiers et des fromages. On a signalé que les producteurs de fromages européens paient un prix inférieur pour leur lait et que les agriculteurs européens bénéficient de subventions de l’État pouvant représenter jusqu’à 40 ou 50 % de leur revenu. Des témoins ont dit craindre que l’AECG ne soit qu’un prélude et qu’il ouvre la voie à l’expansion plus poussée des importations étrangères de produits soumis à la gestion de l’offre dans le marché canadien au moyen d’autres pactes commerciaux (c.-à-d. le Partenariat transpacifique).

Les néo-démocrates estiment que, si l’AECG est signé et qu’il prévoit l’augmentation des continents tarifaires d’importation de fromages, il doit être mis en œuvre sur la plus longue période possible de manière à laisser au secteur laitier canadien suffisamment de temps pour s’adapter aux changements. Des mesures d’indemnisation et d’adaptation justes, raisonnables et transparentes doivent être prévues pour les producteurs touchés par l’Accord.

Infrastructure

Tout accord commercial ne peut être profitable que si les importateurs et les exportateurs tirent parti des nouvelles possibilités d’accès aux marchés. Pour cette raison, les néo‑démocrates sont préoccupés par les témoignages de nombreux représentants de l’industrie au sujet de l’infrastructure des transports qui laisse à désirer au Canada. Des dirigeants d’entreprise ont indiqué à maintes reprises au Comité que l’infrastructure de transport vieillissante ralentissait l’expédition de leurs produits vers les marchés, comme en témoignent amèrement les retards occasionnés dans le service ferroviaire dans les Prairies au cours de l’hiver 2014. Les néo-démocrates croient que le gouvernement canadien doit investir davantage dans l’infrastructure des transports, ferroviaire et maritime, afin d’aider les importateurs et les exportateurs canadiens à tirer parti des nouvelles possibilités d’accès aux marchés qu’offre l’AECG.

Recommandations du NPD

1. Que le gouvernement du Canada permette aux parlementaires de prendre connaissance de la version la plus récente du texte de l’AECG entre le Canada et l’Union européenne, et qu’il convienne de publier l’accord finalisé, si cet accord voit le jour, afin de recevoir des commentaires du public, avant que le Canada ne soit tenu par cet accord.

2. Que le gouvernement du Canada divulgue sans tarder les estimations concernant l’augmentation possible des coûts des médicaments d’ordonnance pour les provinces et les territoires, les Canadiens et les employeurs, par suite des changements qu’il est proposé dans l’AECG aux lois sur les brevets, de même que les mesures détaillées de l’indemnité qui pourrait être versée aux provinces, aux territoires, ainsi qu’aux individus et employeurs du Canada.

3. Que le gouvernement du Canada mette en œuvre des stratégies afin d’encourager l’investissement dans la recherche et le développement pour les compagnies pharmaceutiques au Canada.

4. Que le gouvernement du Canada s’assure que l’AECG contienne des dispositions contraignantes qui confèrent clairement aux administrations publiques le droit continu d’adopter des mesures législatives ou réglementaires dans l’intérêt public.

5. Que le gouvernement du Canada mène des consultations publiques en vue d’examiner les répercussions des dispositions qui ont trait au RDIE et l’incidence de leur inclusion dans les accords commerciaux, notamment l’AECG.

6. Que le gouvernement du Canada s’assure que le plus large éventail possible de domaines d’intérêt public, dont la santé, les services sociaux, les programmes d’intérêt public, les services publics (par exemple, les services municipaux d’approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux usées), l’éducation, l’environnement et la culture soit explicitement protégé au moyen de réserves.

7. Que le gouvernement du Canada s’assure que toutes dispositions ou tous seuils concernant les approvisionnements locaux soient suffisamment larges pour permettre de régler les questions qui touchent le développement économique local, de même que les questions sociales et environnementales.

8. Que le gouvernement cherche à obtenir l’exclusion claire et exhaustive des services publics, incluant la protection de la marge de manœuvre des futures politiques à tous les niveaux de gouvernement, afin d’élargir les services publics ou de ramener dans la sphère publique des services qui ont été privatisés.

9. Que le gouvernement veille à protéger l’intégrité du système de gestion de l’offre du Canada dans l’AECG.

10. Que le gouvernement du Canada s’assure qu’une période transitoire suffisante soit établie pour les fromages de l’UE bénéficiant de l’accès élargi; que des mesures suffisantes d’indemnisation et d’adaptation, transparentes et acceptables pour les producteurs laitiers du Canada soient accordées.

11. Que le gouvernement du Canada divulgue rapidement toutes les estimations de coûts découlant de l’élimination proposée, dans l’AECG, des exigences d’achat minimum dans le cas des poissons et des fruits de mer, ainsi que les détails des dédommagements que recevront les provinces ou les territoires canadiens touchés.

12. Que le gouvernement du Canada élabore des stratégies et des programmes pour aider les communautés de pêcheurs canadiens à s’adapter aux répercussions de l’AECG et à utiliser à leur profit ses dispositions.

13. Que le gouvernement du Canada s’assure que l’AECG offre un accès suffisant aux marchés de l’UE aux industries canadiennes du porc et du boeuf pour que les transitions sectorielles nécessaires au pays soient rentables.

14. Que le gouvernement du Canada investisse dans l’infrastructure des transports de manière à garantir le traitement adéquat des importations et des exportations accrues.

15. Que le gouvernement du Canada veille à ce que la protection et la promotion des normes en matière d’environnement, de travail et de droits de la personne constituent des éléments fondamentaux de l’AECG; qu’il s’assure que les normes de base correspondent aux normes les plus élevées qui sont actuellement appliquées; qu’il veille à la création de mécanismes de surveillance et d’exécution pour assurer la conformité aux normes.

16. Que le gouvernement du Canada encourage la production de biens et de services durables ayant une valeur ajoutée, et qu’il en fasse une priorité absolue dans les négociations commerciales, y compris les négociations concernant l’AECG.