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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 071 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 14 février 2013

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Il s'agit de la séance no 71 du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
    Nous sommes le jeudi 14 février 2013. Joyeuse Saint-Valentin à chacun d'entre vous.
    Nous poursuivons notre étude des aspects économiques liés aux services de police.
    Pendant la première heure, nous accueillerons, par vidéoconférence de Staffordshire, en Angleterre, le chef de la police de Staffordshire, M. Michael Cunningham.
    Je ne sais pas quelle heure il est en Angleterre, mais ici, il est 8 h 45. Nous sommes très heureux qu'il puisse comparaître ce matin.
    Au nom du comité, je remercie nos témoins d'être venus aujourd'hui nous aider dans notre étude sur les services de police au Canada.
    Monsieur, je vous invite à faire une déclaration préliminaire avant que nous passions aux questions des membres de notre comité.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous.
    Je voudrais vérifier que vous m'entendez bien.
    Votre voix nous parvient très clairement, quoiqu'avec un léger accent britannique.
    Cela tient sûrement à la technologie, car nous vous entendons clairement malgré l'océan qui nous sépare.
    Monsieur le président, je pensais vous décrire le contexte du Service de police de Staffordshire et de la situation au Royaume-Uni, et vous dire de quelle manière nous y faisons face.
    Vous savez peut-être que le resserrement des dépenses au Royaume-Uni touche tous les éléments du secteur public, y compris les services de police. Pour vous donner une idée du contexte, le budget de la police de Staffordshire était d'environ 184 millions de livres en avril 2010. À cause des compressions, ce budget sera réduit d'environ 38 millions de livres sur une période de quatre ans. Le défi pour nous consiste à réduire considérablement nos coûts tout en maintenant de hauts niveaux d'activités opérationnelles. Les frais touchant le personnel représentent 86 % de mon budget. Par conséquent, une réduction d'environ 20 % nous oblige à couper dans les coûts salariaux. Cela veut dire que nous aurons 300 policiers de moins et 300 employés civils de moins à la fin de la période de quatre ans. Il se peut qu'il y ait d'autres compressions après 2014, pour lesquelles nous nous préparons.
    Cela veut dire que la police de Staffordshire n'a pas recruté de policiers depuis trois ans et nous avons réussi à réduire les effectifs en nous abstenant de recruter et en exigeant que les policiers prennent leur retraite dès qu'ils y sont admissibles. C'est pareil partout au pays. Le nombre de policiers en Angleterre et au pays de Galles a maintenant atteint son niveau le plus bas en 11 ans. D'ici 2015, il y aura environ 15 000 policiers de moins au Royaume-Uni qu'il n'y en avait au début du processus en avril 2010.
    Cela nous a obligés à revenir à nos principes fondamentaux. Si nous avions essayé de continuer à maintenir l'ordre comme nous l'avons toujours fait, mais avec considérablement moins d'effectifs, nous aurions tout simplement échoué. L'importance des compressions nous ont obligés à adopter une approche transformationnelle à la prestation des services de police et à modifier notre façon de faire d'une manière qui aurait été impensable auparavant.
    En ce qui concerne les principes fondamentaux, ce que j'ai fait ici à Staffordshire a été de demander sur quoi repose le maintien de l'ordre. Il est très clair que le modèle que nous avons adopté ici au Royaume-Uni consiste à régler les problèmes locaux. Ainsi, j'ai pu m'engager à ne pas réduire le nombre d'agents de quartier pendant les deux premières années. En d'autres mots, tous les autres secteurs d'activités ont dû être scrutés pour trouver des économies. Cela nous a obligés à repenser complètement nos processus et à collaborer plus efficacement avec d'autres forces policières et, surtout, avec d'autres organismes du secteur public.
    Je dois dire que malgré cette compression budgétaire qui dépasse largement les 15 millions de livres, la criminalité a continué à diminuer, la confiance du public a continué à augmenter et la satisfaction du public à l'égard de nos services est toujours très élevée, puisqu'environ 88 % des personnes qui ont reçu un service se sont dites soient satisfaites ou très satisfaites, et ce, en dépit des réductions considérables que nous subissons.
    Nous avons dû examiner très attentivement non pas nécessairement le nombre d'agents que nous avons, mais leur productivité et notre manière de les déployer. Nous avons examiné des questions telles que les horaires, nous avons éliminé le doublement des équipes, sauf lorsque cela était absolument nécessaire, et nous nous demandons quelles nouvelles méthodes nous pourrions utiliser pour rendre nos services encore plus accessibles au public. Par exemple, si je peux réduire mes coûts d'immobilisation d'un million de dollars, je n'aurai alors pas besoin d'aller chercher ce montant dans les coûts salariaux. Chaque fois que c'est possible, nous essayons de partager des points d'accès public et des immeubles avec d'autres organismes du secteur public. En cette période de grande austérité dans le secteur public, il est insensé que le poste de police soit voisin de l'hôtel de ville, qui est lui-même à côté de la bibliothèque, à deux pas d'une école, alors que nous devrions chercher à rationaliser sérieusement les immeubles publics.
    Pour ce qui est de nos processus, nous nous sommes tournés vers le secteur privé. La société de conseils KPMG nous a aidés à faire deux choses. Premièrement, grâce à son expertise, elle nous a aidés à repenser complètement nos processus opérationnels afin d'éliminer les aspects inefficaces de nos processus essentiels comme le traitement de base, le traitement en milieu carcéral et la gestion de la criminalité. Elle s'est acquittée de cette tâche avec rapidité, professionnalisme et compétence. Deuxièmement, elle a créé une capacité au sein de mon service de police afin que nous ne devenions pas dépendants des consultants. Cela a été difficile car nous avons dû verser d'importantes sommes d'argent à une époque où il n'y en avait pas beaucoup, mais le rendement a été considérable. Voici les leçons que nous avons tirées de notre collaboration avec le secteur privé. Nos besoins devaient être énoncés très clairement, nous devions renforcer notre capacité et non pas notre dépendance, nous avons mis le secteur privé au défi de trouver de nouvelles façons pour nous de rémunérer ses services et nous avons dû imaginer de nouveaux modèles de collaboration avec le secteur privé qui iraient au-delà de la simple consultation ou de l'impartition.
    En terminant, monsieur le président, j'aimerais ajouter une ou deux dernières choses. Je pense que les circonstances nous ont donné l'occasion d'avoir des discussions que nous aurions probablement dû avoir de toute manière au sujet de l'utilisation des fonds publics. Il y a une plus grande collaboration au sein du secteur privé pour l'exécution de certaines de nos activités essentielles. L'un des exemples que j'ai mentionnés lors de ma visite, il y a un mois environ, était celui d'un centre de protection multi-agences où des policiers partagent des locaux et travaillent conjointement avec des travailleurs sociaux et des professionnels de la santé pour intervenir rapidement auprès des personnes les plus vulnérables dans nos collectivités, des adultes vulnérables et des enfants à risque.

  (0850)  

    Cette collaboration a produit deux résultats. Premièrement, nous avons pu réduire nos coûts d'exploitation puisque nous partageons des locaux et que nous assurons une gestion conjointe. Mais par-dessus tout, c'est plus efficace puisque nous pouvons partager l'information et préparer nos interventions de manière beaucoup plus efficace qu'auparavant.
    Enfin, j'aimerais vous offrir une réflexion sur l'incidence que tout cela a eu sur le leadership. Diriger en période d'austérité est un défi de taille. Ce que j'ai surtout appris, c'est que nous devons préserver la confiance et l'optimisme des personnes que nous dirigeons si nous voulons pouvoir continuer à offrir des services publics efficaces à des coûts considérablement plus bas. En soi, cela a été tout un défi pour mon leadership. Je ne dis pas que j'ai toujours fait les bons choix, mais nous avons fait de notre mieux.
    Merci.

  (0855)  

    Merci beaucoup à notre invité, le chef de la police de Staffordshire.
    Nous allons maintenant commencer notre premier tour de questions.
    Nous allons commencer par Mme Bergen, s'il vous plaît. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Cunningham, d'être parmi nous aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous accordez.
    Vous nous avez fourni des renseignements très intéressants. J'aimerais obtenir un ou deux éclaircissements.
    Quand avez-vous commencé à effectuer les réductions de coûts dont vous nous avez parlé? En quelle année avez-vous commencé?
    En avril 2010.
    Donc, cela fait environ trois ans.
    Avez-vous été aux commandes pendant tout ce temps, monsieur?
    De toute évidence, les décisions ont été prises conjointement avec, je suppose, votre conseil municipal. C'est lui qui vous a dit que vous deviez réduire votre budget d'un certain pourcentage, puis vous avez dû discuter avec vos cadres pour déterminer de quelle manière vous alliez procéder.
    Oui. En ce qui concerne les sources de financement au Royaume-Uni, environ les deux tiers de mon budget proviennent du gouvernement central. C'est le gouvernement central qui a déterminé les niveaux de compression. On a procédé de la même façon dans l'ensemble du pays.
    Une fois informé des prévisions budgétaires, j'ai rencontré mon équipe de gestion pour déterminer de quelle manière nous allions fournir des services à un coût considérablement moins élevé.
    Vous a-t-on imposé des restrictions — par exemple, vous pouvez faire appel au secteur privé pour ceci, mais pas pour cela —, ou aviez-vous essentiellement carte blanche pour prendre vos décisions?
    On m'a donné carte blanche. La seule contrainte au sujet de la collaboration avec le secteur privé est lié à l'histoire de la police au Royaume-Uni, c'est-à-dire que seuls les policiers assermentés qui sont rémunérés par le secteur public peuvent fournir des services de police. Mais la participation du secteur privé varie d'un service de police à l'autre au Royaume-Uni. Certains services ont imparti une bonne partie de leurs activités, comme la gestion des appels et les modalités de garde, et d'autres ont eu recours au secteur privé pour d'autres services.
    J'ai choisi de ne pas préconiser l'impartition à grande échelle et de faire plutôt participer le secteur privé dans le cadre de consultations.
    Au sujet de ces consultations, vous avez mentionné KPMG. Lorsque nous parlons des aspects économiques liés aux services de police et des compressions, on nous dit que c'est difficile à mesurer. Ce n'est pas comme une usine, par exemple, où l'on peut mesurer les intrants et les extrants et savoir précisément à tout moment où l'on peut améliorer l'efficacité.
    Nous savons que c'est exactement ce que font les bonnes entreprises. Elles peuvent examiner leurs activités jour par jour et minute par minute afin de les rendre plus efficaces. Évidemment, ce n'est pas aussi facile lorsqu'il s'agit des services de police. Comment est-ce que KPMG a réussi à mesurer cela et à déterminer ce qui était efficace?
    Ils ont travaillé avec nos employés. C'est le secteur où nous avons dû apporter d'importantes améliorations et le point que vous avez soulevé: la mesure de la productivité. On ne peut tout simplement pas se contenter de dire qu'il est impossible d'améliorer sa productivité et son efficacité lorsqu'on est aux prises avec des défis financiers aussi importants.
    Le secteur privé nous a aidés à examiner nos pratiques de déploiement, la charge de travail des policiers, le nombre d'incidents auxquels ils ont répondu, le nombre de crimes qu'ils ont traités et des solutions pour que nous soyons beaucoup plus efficaces dans le déploiement de nos effectifs.
    L'entreprise nous a aussi permis d'établir et d'illustrer nos processus administratifs de base — par exemple, depuis l'arrestation d'un individu jusqu'à sa détention et son entrevue. Une fois le processus défini, nous avons été en mesure de cibler les mauvaises utilisations des ressources. Par exemple, nous avons constaté que les policiers perdaient leur temps à attendre des avocats au bloc cellulaire ou à attendre un accès aux personnes détenues. Ces constats nous ont menés à trouver des solutions pour que les policiers pensent à utiliser leur temps de manière beaucoup plus productive.

  (0900)  

    En discutant des compressions, vous avez dit que 86 % de tous les coûts venaient des ressources humaines et du personnel. Vous avez apporté ces changements en procédant à des mises à pied et en ayant recours à l'attrition, entre autres. Vous avez constaté que, d'ici 2015, il y en aurait 15 000. Vouliez-vous dire 15 000 de moins? D'ici 2015, combien de policiers allez-vous avoir en moins?
    Il y aura 15 000 policiers de moins au Royaume-Uni. Mon propre service a commencé avec un peu plus de 2 000 policiers, et nous allons en perdre à peu près 350.
    Notre préoccupation — et c'est une question que nous posons souvent —, c'est de savoir si l'on pourra se serrer la ceinture et diminuer le coût des services de police sans perdre d'agents de première ligne. Vous avez déclaré que vous vous êtes engagés à résoudre les problèmes locaux par l'entremise des services de police sur place. Avez-vous eu à diminuer le nombre de policiers de première ligne ou avez-vous relevé d'autres mauvaises utilisations des ressources?
    Nous avons surtout trouvé d'autres mauvaises utilisations des ressources, mais la réalité est que d'ici la fin de cet examen des dépenses et peut-être après, quand nous allons probablement devoir subir des pressions budgétaires additionnelles, nous devrons inévitablement réduire le nombre d'agents de première ligne. C'est une décision tout aussi politique qu'opérationnelle. Il est clair, d'un point de vue opérationnel, que nous pourrons réaliser plus de gains d'efficience. La question politique se pose en ce qui a trait au nombre d'agents de police, ce à quoi le public est très attaché.
    Il est clair que nous pouvons rendre le processus plus efficace, mais il faudra réduire le nombre d'agents de première ligne. Du côté politique...
    Nous avons perdu le contact.
    Bon. Si nous avons quelques minutes, j'aimerais traiter très rapidement de quelques questions relatives aux travaux du comité.
    Croyez-vous pouvoir rétablir le contact tout de suite?
    Rebonjour. Vous êtes de retour.
    Il me reste une minute, monsieur. Vous pouvez continuer, si vous avez autre chose à ajouter à ce sujet.
    Je crois que l'on discutait de la réduction du nombre d'agents de première ligne. Il y a certainement un aspect politique à cette question et le gouvernement du Royaume-Uni a décidé d'y faire face. Je ne crois pas qu'il s'agit d'une décision politique qui a été facile, mais c'est celle qui a été prise dans ce cas-ci. La même chose se passe dans d'autres secteurs de la fonction publique. Le défi pour les gens qui occupent des postes comme le mien est de maintenir la prestation des services, la visibilité et l'accessibilité, tout en réalisant des gains d'efficience partout où nous pouvons le faire dans les services administratifs.
    Merci beaucoup, monsieur Cunningham.
    Nous allons passer aux membres de l'opposition.
    Nous allons commencer avec M. Garrison, s'il vous plaît. Vous avez sept minutes.
    Je vous remercie d'être venu ce matin.
    Honnêtement, je ne connais pas grand-chose au sujet des services de police de Staffordshire. Au tout début, vos niveaux de service étaient-ils très différents de ceux du reste de la Grande-Bretagne? Vos services sont-ils offerts principalement en milieu urbain?
    Le Staffordshire comprend des zones urbaines et rurales. Les services de police au sein du Royaume-Uni sont de différentes tailles. En ce qui a trait à la taille de notre service, nous nous situons dans la médiane. Il y a environ 20 services qui sont plus grands que nous et 20 autres qui sont de plus petite taille.
    Pour ce qui est du nombre de policiers par rapport à la population, en général, la Grande-Bretagne a un ratio d'environ 50 % plus élevé que le Canada. Il existe différentes données à cet égard. Je crois qu'en Grande-Bretagne, on compte environ 300 policiers par 100 000 habitants, alors qu'au Canada, il y en a environ 200. Le ratio enregistré au Staffordshire est-il différent par rapport au reste de la Grande-Bretagne?
    Je n'ai pas ces données sous les yeux, mais si je me fie à l'expérience que j'ai eue lorsque je me suis rendu à Ottawa récemment, je crois que les chiffres que vous avez avancés sont justes.

  (0905)  

    Je trouve intéressant que vous ayez eu comme point de départ un ratio de dotation beaucoup plus élevé qu'au Canada alors que le taux de criminalité est relativement similaire. Estimez-vous cette affirmation juste? Il peut y avoir certaines différences en ce qui a trait aux types de crimes, mais les taux sont relativement similaires, n'est-ce pas?
    Oui, j'ai cru comprendre que nos taux de criminalité sont assez similaires. Quant aux tendances, il semble y avoir des similarités relativement à la réduction du taux et à la confiance du public également.
    Vous dites que vous dépendez beaucoup des constables spéciaux, qui sont en fait des bénévoles. Pouvez-vous nous expliquer le type de formation qu'ils reçoivent?
    Nous avons deux catégories de bénévoles. Tout d'abord, il y a les constables spéciaux. Ces agents ont les mêmes pouvoirs que nos agents réguliers. Ils portent des uniformes, ont le pouvoir d'effectuer des arrestations et disposent des mêmes droits qu'un constable. Ils reçoivent une formation juridique et opérationnelle. Ils reçoivent également une formation en matière de sécurité. Bref, ils suivent la même formation qu'un constable.
    En temps normal, ils sont déployés de façon à travailler côte à côte avec les agents permanents. Ils travaillent également au sein de nos collectivités, en régions rurales ou urbaines, et servent aussi à assurer la sécurité à l'occasion d'activités spéciales, comme des carnavals, des défilés, etc.
    Nous avons fréquemment recours à cette force constabulaire spéciale. Nous avons accru considérablement le nombre de constables spéciaux, mais nous ne pouvons pas nous permettre de dépendre d'eux pour l'exécution du mandat de base de la police. Ils constituent une valeur ajoutée à ce que nous faisons. Je crois que le fait de dépendre de bénévoles constitue un risque élevé dans nos secteurs d'activités.
    Ensuite, l'autre catégorie de bénévoles est composée d'agents non assermentés. Il s'agit de citoyens qui travaillent au soutien administratif et qui effectuent certaines tâches au sein des postes de police. Le recours au bénévolat constitue un concept assez nouveau pour nous, et nous sommes encore en train de nous y adapter.
    J'ai deux questions au sujet de ceux qui portent l'uniforme et qui effectuent des tâches opérationnelles avec les autres policiers. Premièrement, puisqu'il s'agit de bénévoles, qui paie pour les coûts de leur formation? Deuxièmement, qui assume la responsabilité s'ils participent notamment à des arrestations?
    Pour répondre à vos deux questions, je dirais que nous assumons le coût de la formation et de l'équipement. Bien sûr, le rendement sur l'investissement est un incitatif très fort, car bien que nous ayons à investir dans la formation et l'équipement des agents au départ, le nombre d'heures travaillées par certains de ces bénévoles est incroyable. Il s'agit d'exemples renversants du travail qu'ils effectuent au sein de nos collectivités.
    Font-ils ce bénévolat dans le but de devenir un jour des policiers professionnels ou est-ce simplement par désir de donner de leur temps bénévolement?
    En effet, ces deux motifs sont bien différents. Pour certains, il s'agit d'un moyen de devenir un agent de police, car ils ont compris que le recrutement est au point mort et que les chances d'être embauchés à l'avenir sont assez minces. Par ailleurs, beaucoup se lancent dans le programme dans le but de servir le public. Bon nombre d'entre eux sont très heureux dans leur propre carrière, mais ils ont également le désir de contribuer à la société.
    Pouvez-vous nous donner une idée du sexe et de l'âge moyens des bénévoles?
    Il y a environ autant d'hommes que de femmes. Pour ce qui est de l'âge... je ne peux pas donner de chiffres précis. Je crois qu'il s'agit des mêmes statistiques que chez nos agents permanents. Il y en a qui ne sont pas aussi vieux que moi — non, attendez —, en fait, je crois que certains sont aussi vieux que moi. Nous comptons également beaucoup de jeunes.
    Très bien, j'aimerais aborder un autre point. Vous avez indiqué avoir travaillé avec KPMG pour relever des gains d'efficience. Cette étude a-t-elle mené à un rapport qui a été publié? Pourrions-nous mettre la main sur ce type de rapports?
    Je peux certainement vous donner accès aux rapports qui ont découlé des travaux effectués ici au Staffordshire. Je crois qu'ils ont publié des études et en ont fait mention dans des conférences. De plus, certains de nos travaux ont été publiés dans une revue. Je vais me renseigner d'abord avant de vous fournir une réponse. Toutefois, la réponse courte est oui: des résultats ont été publiés et je peux vous les transmettre.
    Ces travaux sont-ils encore en cours ou sont-ils essentiellement terminés?
    Ils sont terminés maintenant. J'aimerais insister sur le fait que ces études ont permis d'accroître les capacités. Tout le processus de restructuration a commencé avec KPMG, mais maintenant que cette société ne travaille plus pour nous, c'est notre propre personnel qui a repris le flambeau.

  (0910)  

    Il ne me reste qu'une minute. Vous avez dit qu'il faut accroître la collaboration avec les organismes de services sociaux, si j'ai bien compris. Au Canada, lorsqu'on discute avec les services de police, on apprend que seulement 20 % des appels de service ont rapport à des incidents que la plupart des gens considèrent comme étant criminels, alors qu'environ 80 % de ces appels ont trait à des problèmes d'ordre social, comme la maladie mentale ou la toxicomanie. Votre ratio est-il similaire?
    Absolument. Si j'avais avec moi ici aujourd'hui un groupe d'agents de première ligne, ils voudraient vous expliquer les contraintes que représente la maladie mentale dans le travail des services de police.
    Si l'on ajoute à cela l'alcoolisme et la toxicomanie, qui sont des problèmes de santé mentale, les données sont presque écrasantes. Des discussions ont cours aux plus hautes sphères gouvernementales entre le Home Office et le ministère de la Santé pour déterminer à quel portefeuille ces questions devraient être rattachées.
    Nous avons affaire à des gens très vulnérables qui ont besoin d'aide, et très souvent, la police constitue le service de premier et dernier ressorts.
    Merci beaucoup, monsieur Cunningham.
    Nous passons maintenant au parti ministériel. Monsieur Hawn, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Monsieur Cunningham, je vous remercie d'être des nôtres.
    J'ai d'abord une observation à formuler. Nous comparons les statistiques sur le nombre de policiers par 100 000 habitants. Je crois que nous devons nous montrer prudents et nous assurer de comparer des pommes avec des pommes, car les services de police peuvent appartenir à différentes catégories. Votre force constabulaire spéciale en est un exemple. Je crois que nous devons nous montrer un petit peu plus prudents et vérifier qu'il s'agit effectivement d'une comparaison directe.
    J'ai quelques questions au sujet des constables spéciaux. Vous avez dit au départ que vous comptiez 2 000 agents de police dans vos rangs. Les constables spéciaux sont-ils inclus dans ce chiffre?
    Non, ils ne font pas partie de ce nombre.
    Combien de constables spéciaux comptez-vous dans votre effectif?
    Je crois qu'il y en a environ 500.
    Wow. Je vois. Donc, ils abattent beaucoup de travail.
    Combien de temps envisagez-vous de faire durer votre gel de l'embauche? Y avez-vous pensé à l'avance?
    Oui. Nous avons modifié nos mécanismes de gouvernance des services de police au Royaume-Uni très récemment. Je devais auparavant rendre des comptes à un organe de surveillance composé de 17 membres, dont certains étaient élus. Or, maintenant, je ne fais rapport qu'à une seule personne, soit un commissaire de police directement élu qui tient également les cordons de la bourse.
    Je me suis entendu avec le commissaire que nous n'allions recruter qu'un nombre limité d'agents cette année, à savoir une trentaine.
    N'êtes-vous pas préoccupé par le fait qu'un recrutement discontinu entraîne des pénuries 20 ou 25 ans plus tard?
    Absolument. Je crois que c'est la seule menace stratégique grave à laquelle nous sommes confrontés.
    Tout à fait.
    Je crois que cela explique pourquoi je tenais absolument à lancer une forme quelconque de recrutement pour contrer cette menace.
    Oui, je crois que c'est une sage décision.
    Vous avez avancé que KPMG avait permis d'accroître les capacités au sein de votre force policière. Ce renforcement des capacités se limite-t-il à un nombre de postes précis ou essayez-vous de l'appliquer à l'échelle de votre service?
    C'est limité à un certain nombre d'employés, car leur travail est très spécialisé et porte sur la cartographie des processus ainsi que sur des éléments comme la restructuration.
    Nous comptons une quinzaine d'employés dans cette équipe qui continue maintenant d'apporter des améliorations organisationnelles. Ces employés ont reçu une formation dans le domaine, car ils travaillaient côte à côte avec les experts de KPMG.
    Pendant qu'ils s'acquittent de ces tâches, ces agents exercent-ils également leurs fonctions régulières de policiers?
    Il ne s'agit pas d'agents de police. Ils font partie du personnel des services de police.
    Je comprends. Merci.
    Vous avez fait référence aux patrouilles en solo. Manifestement, il y a des risques qui se rattachent à ce type de pratique. Dans quelle mesure avez-vous recours aux patrouilles en solo et comment déterminez-vous si vous allez affecter un ou deux agents à une patrouille? Comment évaluez-vous les risques?
    Nous effectuons des évaluations des risques, et j'encourage les superviseurs à réaliser des évaluations dynamiques des risques.
    Quant à la menace à laquelle sont exposés les agents ici, je ne peux pas vous fournir de comparaison avec le Canada. Tout ce que je peux dire, c'est que la très grande majorité de nos agents ne sont pas armés, mais ont un équipement de protection. Nous partons du principe selon lequel si un incident comportant des risques se produit, nous enverrons en renfort un véhicule avec deux agents à son bord. Ils sont mis à notre disposition, mais il s'agit d'une grande minorité. Ordinairement, les patrouilles sont effectuées en solo, et après un certain temps, nous en sommes arrivés à la conclusion que le risque est minime.
    Vous avez parlé des pertes de temps durant les arrestations et le traitement des dossiers par exemple. Nous connaissons la même frustration ici.
    Dans quelle mesure avez-vous réussi à réduire ces pertes de temps? Vous nous avez expliqué que vous y étiez parvenu, mais vous n'avez pas précisé dans quelle mesure.

  (0915)  

    Encore une fois, je suis désolé, mais je n'ai pas les données exactes ici avec moi. Je peux toutefois vous dire que nous avons économisé des milliers d'heures-personnes sur une période d'un an, non seulement grâce à ce processus, mais aussi grâce à la façon dont nous avons géré les appels à l'aide.
    Nous reconnaissons que dans bien des cas, les membres du public étaient plus que satisfaits que leurs problèmes soient résolus par téléphone plutôt que des agents de police débarquent chez eux. Nous avons suivi de très près les niveaux de satisfaction du public, car nous les mesurons après chaque contact, et il n'y a eu aucun recul à la suite de ce changement.
    Nous nous penchons sur la façon dont nous déployons nos agents en cas d'incidents et sur la façon dont nous gérons nos interactions avec le public. Par conséquent, nous avons commencé à repousser certaines interventions au calendrier lorsque nous estimons qu'une intervention adéquate est mieux indiquée qu'une intervention immédiate. Manifestement, il arrive que nous ayons à intervenir immédiatement, et en pareil cas, nous le faisons. Je répète que cela nous a permis d'économiser des milliers d'heures-personnes.
    Merci.
    D'après les observations que vous nous transmettez, vous avez vu juste avec votre approche par quartier, si l'on tient compte de la dimension politique. Si les citoyens sont heureux dans leur quartier et qu'ils ont accès à des agents de police... mais s'ils sont malheureux, on le constatera. S'ils sont satisfaits, j'imagine qu'il s'agit probablement d'un bon choix politique sur le plan opérationnel.
    Le fait que j'ai pu dire dès le départ que ce processus ne nous ferait perdre aucun agent de quartier a permis de bien faire passer les changements dans les localités.
    En réalité, je crois fermement que toutes nos activités de haut niveau, qu'il s'agisse de lutte au terrorisme, d'enquêtes pour meurtre ou de lutte aux crimes graves ou au crime organisé, dépendent d'une relation solide avec les membres de nos collectivités. Or, ces liens sont tissés par les agents de la police de quartier.
    C'est le « syndrome de la vitre cassée », une approche qui a pris naissance à New York il y a de cela plusieurs années.
    Donc, une grande partie du travail administratif est effectuée en sous-traitance. Des préoccupations ont-elles été soulevées quant au fait que certains policiers de première ligne pourraient bénéficier du travail administratif offert pour pallier une période de stress notamment? Ces tâches pourraient permettre à l'agent de réduire son niveau de stress, qui pourrait reprendre ses fonctions plus tard. Le fait de perdre cette souplesse vous préoccupe-t-il?
    Oui. Vous venez de soulever un très bon point.
    Pour l'instant, dans le Staffordshire, nous avons choisi de ne pas recourir à l'impartition pour bon nombre de fonctions. J'estime que cette option demeure toutefois envisageable pour l'avenir. Mais pour l'instant, je voulais m'assurer que nous tirons parti des gains d'efficience réalisés avant d'embaucher une société privée qui s'en attribuerait le crédit.
    Très bien.
    Merci beaucoup.
    Votre temps est écoulé.
    Je cède maintenant la parole à M. Cotler, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être des nôtres aujourd'hui.
    Ma question est la suivante. Vous êtes un réseau de quelque 40 postes de police distincts plutôt qu'un service de police national. Vous venez tout juste de mentionner certaines questions d'ordre national, comme le terrorisme. Comment votre réseau s'y prend-il pour lutter contre le terrorisme? Comment procédez-vous à la collecte de renseignements, à la communication du renseignement et à la coordination de l'application de la loi, entre autres activités?
    La vaste majorité des services de police au Royaume-Uni sont offerts par 43 forces policières locales distinctes situées en Angleterre et au pays de Galles. Seulement deux de ces forces emploieraient, pour reprendre une expression canadienne, une approche fédérale, si vous me le permettez. Il s'agit d'une approche nationale à la lutte au terrorisme qui est dirigée par le Service de police métropolitain de Londres. Ce service de police a déployé des éléments un peu partout au pays à des points névralgiques de la lutte contre le terrorisme. Mon service de police est situé dans les Midlands britanniques. Une unité de lutte au terrorisme collabore très étroitement avec nous.
    De plus, outre les services de police, il y a les activités de ce qui est actuellement appelé l'Agence de lutte au crime organisé. Cette agence va disparaître cette année, et nous allons plutôt établir une agence nationale de lutte à la criminalité. Cette nouvelle agence aura pour mandat de s'attaquer aux crimes graves et au crime organisé dont les activités traversent les frontières.
    En termes généraux, il s'agit de nos deux approches. Premièrement, nous devons collaborer — et nous le faisons — avec les autres services de police, car les criminels ne respectent pas les frontières. Nous devons également entreprendre — et nous le faisons — un effort national de lutte au terrorisme en créant un organisme qui chapeauterait nos services de police ainsi que l'Agence nationale de lutte contre la criminalité.

  (0920)  

    D'après vous, la menace du terrorisme s'est-elle intensifiée ou est-elle restée la même? De quelle façon a-t-elle évolué au fil des années?
    Cette menace a certainement évolué. Il y a plus de 20 ans, lorsque j'ai commencé à travailler comme policier, la menace terroriste venait principalement du républicanisme irlandais au Royaume-Uni. Il ne fait aucun doute que de nos jours, elle provient des islamistes radicaux. Cette réalité a sans aucun doute marqué le Royaume-Uni. Dans mon propre service, cette réalité est fort présente et constitue une menace incontournable qui n'est pas prête de disparaître. Je crois qu'elle sera encore présente pendant une génération. Nous devrons orienter nos activités du renseignement et d'intervention opérationnelle en matière de services de police en fonction de cette menace.
    Pouvez-vous formuler des recommandations sur la façon de s'attaquer au problème? Il y a des préoccupations communes qui émergent dans les différentes régions.
    La principale recommandation que j'aurais à formuler a trait à ma passion pour les services de police locaux. Les terroristes préparent leurs activités dans les quartiers. Après les explosions du métro de Londres il y a quelques années de cela, nous avons constaté au niveau local qu'il y avait eu un changement dans le comportement des terroristes.
    Nous devons gagner la confiance des minorités dans les quartiers de sorte que si le comportement d'un individu change, lorsque des extrémistes se trouvent dans un quartier, les gens doivent avoir confiance dans la police locale pour transmettre le renseignement.
    Tout effort de lutte au terrorisme est fondé sur le travail effectué par les services de police locaux. On ne peut pas tenter d'entrer en contact avec eux de façon ponctuelle lorsqu'un incident se produit. En fait, lorsque des arrestations pour terrorisme sont effectuées, les agents locaux doivent continuer de travailler au sein de ces communautés au moment où les tensions augmentent. Ces agents doivent donc continuer de gagner la confiance des membres de la communauté. D'après moi, c'est ainsi que nous neutraliserons le terrorisme local.
    Merci. Je m'intéresse précisément à cette question parce que j'étais à Londres au moment où les attentats ont eu lieu et j'ai eu l'impression que nous étions à un point tournant dans notre compréhension et notre approche à l'égard du terrorisme.
    Je crois que vous voyez juste en affirmant qu'il s'agit d'un point tournant.
    Je crois qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps. Si vous le permettez, j'aimerais vous demander comment vous gérez les plaintes déposées contre des agents de police et si vous avez une idée de la nature ainsi que de la fréquence de ces plaintes.
    Oui. J'assume également une responsabilité à l'échelle nationale en la matière auprès de l'Association des chefs de police du Royaume-Uni. Je peux affirmer que les plaintes sont traitées surtout dans les postes de police, car la majorité sont des allégations de grossièreté, d'impolitesse, de manque de ponctualité et de questions se rattachant au service.
    Lorsque les questions sont plus sérieuses, et heureusement il y en a peu, nous nous tournons vers la Commission indépendante des plaintes contre la police, qui est responsable d'analyser ce type de dossier. Il peut s'agir d'un décès rattaché à une intervention policière ou à une allégation de corruption, par exemple. La commission peut alors procéder de deux façons différentes: elle peut mener une enquête indépendante si la question est très grave ou elle peut gérer une enquête et superviser le service de police qui mène l'enquête à l'échelle locale.
    Dans la majorité des cas, les plaintes doivent être gérées par les superviseurs locaux, car bien souvent, il s'agit d'un agent qui devrait simplement réparer une erreur en présentant des excuses et en reprenant du service.
    D'après vous, quel est le niveau de satisfaction générale à l'égard du traitement et du règlement des plaintes?
    Je crois qu'en général la population est satisfaite, mais il y aura toujours des gens qui, même s'ils étaient assis ici aujourd'hui, diraient être insatisfaits parce qu'ils ne font pas confiance aux services de police.
    Actuellement, le secrétaire du Home Office prend très à coeur la question de l'intégrité des services de police au Royaume-Uni. Il se préoccupe beaucoup des questions touchant à la transparence dans les services de police au Royaume-Uni, les cadeaux, les marques d'hospitalité, les relations avec la presse, etc. On étudie de près ces questions en ce moment. On réclame une plus grande transparence de la part des services de police, et j'admets appuyer cette position. Je suis vraiment prêt à relever le défi.

  (0925)  

    Merci, monsieur Cunningham. Nous allons maintenant passer à Mme Doré Lefebvre.
    Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Merci de votre participation à notre comité, chef Cunningham. Je l'apprécie grandement.
    J'aimerais brièvement revenir sur ce que mon collègue M. Garrison a mentionné à la fin de ses questions à propos de la santé mentale. On a fait quelques comparaisons avec les problèmes vécus dans ce domaine par les corps policiers de notre pays. Vous semblez avoir le même type de défi à relever. Travaillez-vous avec différents acteurs dans la communauté?
     Je suis également curieuse de savoir comment les policiers du Royaume-Uni gèrent ce genre de situation.

[Traduction]

    Absolument. C'est un grand défi pour nous. Pour l'instant, nous ne collaborons pas assez avec nos partenaires clés. Nous devons faire participer beaucoup plus le secteur de la santé si nous voulons régler les problèmes des citoyens les plus vulnérables avec lesquels nous traitons.
    Il y a bien quelques bons exemples. Dans mon propre service, nous avons recours à des infirmières psychiatriques communautaires qui travaillent dans nos aires de détention. Si une personne est mise en détention et présente manifestement des symptômes de maladie mentale, elle est référée immédiatement à un professionnel de la santé mentale. Nous nous attendons à ce que ces infirmières psychiatriques offrent un soutien téléphonique aux agents qui se trouvent sur les lieux d'un incident où un citoyen souffre clairement de troubles mentaux. Il peut s'agir d'une personne qui envisage de se suicider ou qui se trouve en grande détresse.
    J'aimerais maintenant vous expliquer comment nous envisageons de déployer des professionnels de la santé mentale avec les policiers sur les lieux des incidents pour qu'on puisse bénéficier de leur expertise. Il arrive trop souvent de nos jours qu'on s'attende à ce que les agents de police fassent certaines interventions dans les collectivités pour lesquelles ils ne sont tout simplement pas entraînés.

[Français]

    Je comprends.
     Vous dites que vous êtes présentement en période de compressions budgétaires et que vous serez dans l'impossibilité de renouveler vos corps policiers pendant plusieurs années. Faire face à cette difficulté et, en même temps, trouver les effectifs pour fonctionner en matière de santé mentale constitue-t-il un énorme défi à relever? Comment faites-vous pour trouver les ressources? Où les trouvez-vous?

[Traduction]

    Absolument, la question des ressources constitue un enjeu majeur.
    On dit souvent qu'on ne devrait jamais rater l'occasion de tirer avantage d'une bonne crise. Or, la crise que nous vivons en ce moment va nous aider à engager des conversations difficiles avec les professionnels de la santé — qui subissent eux aussi des compressions budgétaires — pour qu'ils se retroussent les manches et fassent ce pour quoi ils sont payés et ont été formés.
    Ce changement doit se produire, non pas seulement à mon niveau, mais aux plus hauts paliers du gouvernement. Le ministère de la Santé et le Home Office doivent s'asseoir ensemble pour trouver des solutions. Nous exerçons des pressions auprès du gouvernement pour que cette discussion ait lieu de façon plus efficace.

[Français]

    D'accord.
    Chef Cunningham, j'aimerais savoir autre chose.
    Ici, nous faisons face au phénomène des jeunes qui entrent dans le cercle des gangs de rue ou du crime organisé. Nous avons des programmes en place chez nous.
    De quelle façon travaillez-vous avec les jeunes? Faites-vous de l'éducation? Comment essayez-vous de les sortir de ce cercle?

[Traduction]

    C'est quelque chose de très important. Nous avons des agents qui travaillent avec les jeunes. Nous cherchons à cibler très tôt ceux qui sont susceptibles de tomber dans la criminalité.
    Il faudrait faire plus encore en ce sens, mais j'aimerais parler de deux aspects importants du travail à faire. D'abord, il y a les familles à problème. Pour nous, ce sont les familles qui sont susceptibles de faire appel aux services d'éducation, aux services de police, aux professionnels de la santé et aux services sociaux à diverses étapes des épreuves qu'ils traversent. Ce qu'il faudrait, c'est que les organismes conjuguent leurs efforts et adoptent une approche plus exhaustive pour traiter avec ce genre de familles. Les faits montrent que les membres de ces familles sont plus susceptibles de devenir des criminels ou d'être victimes d'actes criminels, ou encore de souffrir de problèmes de santé mentale comme ceux que nous avons décrits, tout cela au sein d'une même famille.
    Un collègue d'un autre service de police a récemment eu à intervenir auprès d'une famille, et a constaté qu'au nombre d'appels à l'aide qu'a faits la famille aux services de police, il aurait été moins coûteux de lui assigner un agent en permanence que de déployer du personnel aussi souvent qu'il a fallu le faire. Ce qu'il faut, c'est de cibler ces familles. Il faut travailler avec elles d'une toute autre façon.
    La deuxième chose dont je suis très fier, c'est d'une approche en matière de gestion des délinquants. Nous travaillons en étroite collaboration sur un projet de gestion intégrée des délinquants. Les agents de police travaillent avec les agents de probation, les organismes de bienfaisance, les professionnels de la santé et les autres intervenants auprès des plus grands criminels. Les délinquants n'ont d'autre choix que de participer au programme de gestion des délinquants. Le seul choix qu'ils ont, c'est de collaborer ou non à la démarche. S'ils refusent, nous les ciblons dans nos activités d'application de la loi. S'ils collaborent, nous les aidons à intégrer des programmes de désintoxication et de counselling, nous les aidons à trouver des programmes de formation et nous les détournons de la voie criminelle. Selon les premiers résultats, c'est un moyen des plus productifs de réduire la criminalité.

  (0930)  

    Merci beaucoup.
    Voilà des idées très intéressantes de nouvelles façons d'appliquer la loi, si je peux parler de « nouvelles façons ».
    Monsieur Norlock, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins, par votre entremise, d'être avec nous aujourd'hui.
    J'aimerais revenir au tout début.
    Quand vous parliez des mesures que vous prenez pour accroître votre efficacité et votre efficience, vous avez dit qu'il faudrait renforcer les capacités plutôt que de dépendre des autres. Pourriez-vous expliquer ce que vous entendez par là, s'il vous plaît?
    C'était en lien avec la participation du secteur privé, et plus particulièrement des services d'experts-conseils. Trop souvent, à mon avis, lorsqu'on a recours à ces services, on dépend trop d'eux par la suite. Je pense que le dialogue avec les experts-conseils doit être différent. Il doit porter sur l'investissement avec une firme d'experts-conseils, comme nous l'avons fait ici. L'entente consiste notamment à ce qu'il renforce la capacité des services de police afin que ceux-ci puissent poursuivre le travail entrepris par les experts-conseils. C'est ce que je voulais dire.
    Je vous remercie.
    Vous savez, j'ai un peu d'expérience en matière de services de police. Vous avez parlé de certaines choses que vous avez faites — quand je parle de « choses », je pense notamment aux véhicules de patrouille avec un seul agent. Au Canada, en raison de l'ampleur du territoire, nous avons des bureaux mobiles que nous appelons des véhicules de patrouille, et il est rare qu'un agent doive sortir de son véhicule, à part pour venir à la rencontre des gens. Dans le passé, surtout pour le déploiement de policiers dans les régions rurales, on se préoccupait de la sécurité des agents. Nous avions tendance à les déployer en équipe. Certains gains d'efficience que vous avez pu réaliser, motivés par la nécessité... Je me demandais quel est le modèle des relations de travail en vigueur dans la plupart des services de police? Avez-vous des unités de négociation? Est-ce que les policiers ont le droit de grève? Comment avez-vous réussi à leur faire accepter certaines des mesures adoptées pour accroître l'efficacité?
    C'est une excellente question. En fait, cela a été très difficile.
    Tout d'abord, les policiers du Royaume-Uni n'ont pas le droit de grève. C'est un droit auquel ils renoncent quand ils entrent dans la police. Ils ont une fédération — ce n'est pas un syndicat — qui représente les agents de première ligne et le personnel subalterne. Chaque service de police a ses propres représentants de la fédération.
    J'ai constaté que le moyen le plus efficace de faire accepter le programme de changement, c'était d'y faire participer activement surtout les représentants officiels de la fédération de police. Ils siégeaient aux conseils d'administration. Ils participaient aux projets, ils assuraient une bonne gouvernance et ils collaboraient avec nous pour que ça marche.
    J'ai aussi essayé le concept « pas de surprises ». J'ai tenté, parfois en vain, d'être aussi ouvert que possible au sujet des défis que nous affrontons et des changements que nous apportons. J'ai découvert que peu d'agents avaient besoin qu'on leur explique les difficultés financières. Autrement dit, une fois qu'on a dressé le bilan à l'échelle nationale, les policiers ont compris qu'il fallait effectuer un changement radical. En ce sens, nous avons obtenu leur appui. Je ne prétendrai pas que tous les changements ont été bien reçus — et certains ont dû être imposés —, mais nous avons quand même reçu l'appui sans réserve des agents qui pouvaient comprendre ce que nous essayions de faire.

  (0935)  

    Avez-vous pu mesurer le moral avant et maintenant — autrement dit, avant et après l'adoption de ces mesures?
    Aussi, est-ce qu'au nombre des mesures de réduction des coûts, il a fallu imposer des compressions salariales, des gels de salaires, des changements aux avantages sociaux, etc.?
    Trois éléments ont influé sur le moral des agents. C'était, dans presque tous les cas, des interventions nationales.
    D'abord, il y a eu une révision complète des modalités d'emploi des agents. C'était un programme de travail dirigé par le gouvernement. Il a été entrepris de façon indépendante par un type appelé Tom Winsor. Dans le rapport Winsor, qui a été publié, on a proposé un tout nouveau cadre de récompense, de reconnaissance et de rémunération pour les agents de police. Les policiers ont contesté, mais ces mesures ont fini par être mises en oeuvre. Le gouvernement les a imposées.
    Deuxièmement — et cela a réellement contrarié les policiers —, il y a eu une modification des modalités de pension. Les cotisations des policiers ont beaucoup augmenté. Ils ne peuvent plus prendre leur retraite au moment où ils pensaient pouvoir le faire, et quand ils la prennent, dans certains cas, ils ne touchent pas les prestations auxquelles ils s'attendaient. Les choses ont changé et, je le répète, certaines n'ont pas été très bien accueillies.
    Troisièmement, la réduction des effectifs a également eu des répercussions sur le moral des troupes.
    En conclusion, une grande partie des problèmes liés au moral, et j'y reviendrai dans un moment, ne sont pas forcément attribuables à mon poste de chef de la police, mais plutôt aux mesures prises par le gouvernement. À ce sujet, nous avons analysé le moral dans le cadre d'une enquête auprès des employés, et nous comptons refaire cet exercice. En passant, je dirais que le moral en a pris un coup, mais en même temps, la grande majorité des agents de police admettent la nécessité du changement et font un travail fantastique dans un contexte des plus difficiles.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Rafferty.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Chef Cunningham, je vous souhaite la bienvenue à notre comité.
    J'aimerais parler un peu du public. Les Canadiens, je pense, se font une idée très positive des services policiers britanniques. Je tire ma propre perception de l'émission Coronation Street...
    Des voix: Oh, oh!
    M. John Rafferty: ... et les policiers y sont illustrés comme étant très efficaces et très polis. Vous dites que la perception publique des services policiers, en dépit des changements mis en oeuvre depuis trois ans, reste très favorable.
    J'aimerais vous poser une question sur le passage à un commissaire unique. Est-ce que vous vous inquiétez du manque actuel de participation du public aux services policiers de Staffordshire? Quelle impression avez-vous, compte tenu de l'ensemble du pays?
    Oui, en créant un poste unique de commissaire, le gouvernement a cherché à créer un mode de reddition des comptes beaucoup plus démocratique: en étant élu par la population, le titulaire du poste doit lui rendre compte des résultats. Quant à savoir si cette fonction sera mieux remplie par une seule personne que par un comité, il y a matière à discussion.
    Nous, les chefs de police, estimons que ce n'est pas à nous de décider comment nous devrions rendre des comptes. C'est l'affaire du gouvernement. Il a décidé, à la lumière de quantité de conseils reçus, qu'il préférait confier cette fonction à une seule personne. Et c'est ce qu'il a fait. C'est nouveau; la fonction n'est pas encore parfaitement définie et elle semble prendre diverses formes, selon les différences entre les services de police du pays. De toute évidence, il reste encore beaucoup de questions auxquelles il faut répondre, mais en tant que hauts gradés de la police, nous nous efforcerons de faire en sorte que ça marche.

  (0940)  

    Je vous remercie pour cette réponse.
    Parlons maintenant de la privatisation, sans tenir compte des autres services de police. Vous connaissez peut-être quelques anecdotes utiles. Il y a toujours lieu de s'inquiéter de la protection de renseignements personnels et des enjeux connexes, me semble-t-il, lorsqu'on remplace les agents assermentés par des agents du secteur privé. S'agit-il d'un sujet de préoccupation? Y pensez-vous dans vos démarches?
    Oui. Selon moi — et c'est une opinion très personnelle —, l'intégration avec le secteur privé doit se faire avec les plus grandes précautions. Je n'appuie pas l'impartition à grande échelle, comme je l'ai déjà dit.
    Je pense que cela amène toutes sortes de questions. Nous préservons très jalousement la réputation des services de police. Vous avez déjà fait allusion au fait que nous jouissons d'une bonne réputation, et notre efficacité tient justement à notre réputation auprès du public. Par conséquent, tout ce que nous cédons au secteur privé doit être minutieusement réfléchi et géré. Je ne dit pas que c'est infaisable, mais il faut agir avec la plus grande prudence.
    Une dernière question avant qu'il ne me reste plus de temps.
    En dépit des réductions budgétaires, la technologie continue d'évoluer, et vous devez renouveler vos services. Vous ne voulez pas avoir un service de police qui retourne à l'âge de pierre sur le plan des communications et de tout le reste. Bien entendu, en raison de l'augmentation des crimes technologiques et économiques avec lesquels vous devez composer, il me semble qu'il vous sera très difficile de suivre le rythme tout en continuant de réduire vos ressources, particulièrement le nombre d'agents de police.
    Oui, vous avez tout à fait raison. Les types de crimes changent, et nous ne pouvons pas nous laisser distancer. Il faut nous tenir à jour, surtout sur le plan technologique, mais nous devons aussi réfléchir aux moyens d'exploiter la technologie pour lutter contre ce genre de crimes et pour aider les agents à être plus efficaces.
    Nous pouvons certainement faire beaucoup plus sur ce plan, avec les agents... Un de vos collègues, tout à l'heure, a parlé de bureau mobile. À mon avis, c'est le genre de choses dans lesquelles il est impératif d'investir pour économiser.
    Je ne voudrais donner à personne l'impression que ces réductions ont été faciles; ce serait faux. Les défis que vous décrivez sont très réels, et ils ne disparaissent pas. Nous devons y faire face et trouver des moyens différents de faire les choses avec moins.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, chef Cunningham. Il ne nous reste malheureusement plus de temps.
    Nous tenons à vous remercier. Je voudrais signaler que notre comité a adopté une motion en vertu de laquelle il se pourrait que nous puissions aller en Grande-Bretagne et constater de nos propres yeux les changements que vous avez apportés là-bas. Ce n'est pas encore sûr. Nous devons encore passer par les voies appropriées, mais, quoi qu'il en soit, nous vous remercions de nous avoir donné un avant-goût de ce que nous pourrons voir si nous vous rendons visite.
    Vous avez parlé, à plusieurs reprises, de certains travaux et projets de recherche qui ont fait l'objet de publications. Relativement aux réponses fournies aux questions qui vous ont été posées aujourd'hui, si vous voulez ajouter quoi que ce soit, ne serait-ce qu'en envoyant un courriel pour nous proposer un document que vous jugez utile, ce serait très aimable de votre part. Nous vous en serions reconnaissants.
    Merci beaucoup.
    Merci à vous. Si vous venez en Angleterre, vous serez les bienvenus à Staffordshire. Je serais très heureux de pouvoir vous accueillir.
    Merci infiniment.
    Nous allons suspendre la séance pendant un moment pour accueillir nos prochains invités.
    [La séance se poursuit à huis clos.]

  (0940)  


  (0945)  

    [La séance publique reprend.]
    Nous reprenons la séance du Comité permanent de la sécurité publique afin de poursuivre notre étude des aspects économiques des services de police au Canada.
    Pour la deuxième heure de la séance, nous recevons, par vidéoconférence, un témoignage de Surrey, en Colombie-Britannique. C'est en quelque sorte la deuxième fois que nous voyons ce témoin. La dernière fois, nous n'avons pas pu l'entendre. Nous l'avons vu partir, revenir, et le système de téléconférence a posé quelques problèmes.
    À titre personnel, nous accueillons M. Curt Taylor Griffiths. Il est professeur et coordonnateur du programme d'études policières de l'École de criminologie à l'Université Simon Fraser. M. Griffiths est considéré comme un expert des domaines des services policiers, de la communauté, de la justice réparatrice, des mesures correctionnelles, de la réforme juridique et du développement social. Il est coauteur de plus d'une centaine de rapports de recherche et d'articles, et nous sommes très heureux de pouvoir enfin l'entendre aujourd'hui.
    Monsieur Griffiths, nous sommes prêts à entendre vos observations préliminaires. Notre comité est impatient de pouvoir vous poser des questions.

  (0950)  

    Merci beaucoup. Je suis très heureux que vous puissiez m'entendre cette fois, au lieu de me voir aller et venir sans but dans une salle de classe.
    Je vais faire quelques commentaires qui pourront servir de toile de fond à notre discussion de ce matin.
    Tout le monde convient, je pense, qu'il faut accroître l'efficacité des services policiers au Canada, mais en tant qu'observateur de cette démarche depuis quelques années, surtout au moment où les aspects économiques des services policiers sont devenus une priorité, je ne suis pas sûr que nous nous y prenions bien. Je vais faire quelques observations à ce sujet, et j'espère qu'à partir de là, nous pourrons discuter de ce qui pourrait être la bonne marche à suivre.
    En raison de notre situation au Canada, depuis une trentaine d'années, nous avons systématiquement démantelé nos capacités de recherches policières au pays. Dans les années 1980, par exemple, il existait une unité de recherches policières au sein de ce qui était alors le ministère du Solliciteur général. Cette unité était très efficace et elle faisait un excellent travail. L'autre chose qui est arrivée, depuis une vingtaine d'années, c'est que le gouvernement fédéral a cessé de financer la série de centres universitaires de recherche en criminologie qui existaient d'Halifax à Vancouver. Ils n'existent plus.
    En conséquence, nos activités de recherche dans le domaine des services policiers au Canada sont dispersées, et il n'y a pas d'effort de coordination. Il existe très peu de liens entre les universités, les gouvernements et les services policiers. La recherche se fait souvent à titre ponctuel, que ce soit par des entreprises privées de services-conseils comme KPMG ou par des universitaires qui travaillent sur un projet unique, puis passent à autre chose. Nous n'avons vraiment pas d'organe de coordination. Nous ne disposons pas de répertoire, pour ainsi dire, en matière de recherches policières, ni d'organisation, d'agence ou d'institut qui pourrait être le point central pour favoriser ces relations de collaboration et, tout aussi important, pour diffuser l'information.
    Il existe beaucoup de renseignements sur les services policiers au Canada, mais ils sont très souvent inaccessibles, ramassant de la poussière sur les tablettes ou enfouis dans des revues savantes. Par conséquent, je le répète, quand nous amorçons un dialogue sur les aspects économiques des services policiers, à bien des égards, nous tâtonnons dans le noir parce que nous n'avons pas accès à cet important corpus d'ouvrages.
    Pour ce qui est de l'aspect plus opérationnel, la conséquence, c'est que les commissions des services policiers et les responsables des politiques prennent d'importantes décisions au sujet de services policiers, particulièrement en ce qui concerne les commissions de services policiers et les budgets de la police. Les conseils municipaux, eux aussi, prennent des décisions sans avoir la moindre recherche empirique sur laquelle se fonder. Ainsi, on a tendance à commencer le débat en disant quelque chose comme: « La criminalité est en baisse. Les coûts des services policiers sont en hausse, donc les services policiers sont trop coûteux, et ce n'est pas viable ». C'est simplifier un peu trop la complexité du sujet quand on réfléchit aux enjeux liés aux services policiers.
    Le deuxième point que j'aimerais faire valoir, c'est qu'au Canada, nous n'avons pas vraiment encore défini ce qu'on entend par « mandat essentiel » des services policiers. Nous n'avons pas vraiment décidé des tâches que les policiers devraient accomplir, ni de celles qu'ils ne devraient pas accomplir. Si on veut parler des aspects économiques des services policiers, il va falloir discuter de la nature du mandat essentiel des services de police.
    Dans les années 1980, on a demandé aux services policiers de commencer à mener des initiatives de police communautaire; depuis, on assiste à l'élargissement de leur rôle, qui déborde la stricte définition d'application de la loi et de contrôle de la criminalité. On les a encouragés en ce sens. Ainsi, les policiers participent à un large éventail d'activités qui ne sont pas nécessairement strictement liées à l'application de la loi. Ils participent à des activités de prévention et de partenariat ou de collaboration. Alors, si on va leur demander maintenant de s'en retirer, il faudra avoir une idée assez claire de ce qu'on veut qu'ils fassent.
    Une autre chose qui est arrivée et qui, à mon avis, influe sur la nature du mandat des policiers, c'est qu'on est en train de leur refiler un tas de nouvelles responsabilités.

  (0955)  

    Dès qu'un gouvernement provincial impose ses réductions aux services de travailleurs sociaux, de travailleurs en santé mentale, d'agents de probation et d'autres ressources de prestations de services, ce sont les agents de police qui écopent. Je pense que si on jetait un coup d'oeil aux diverses administrations au Canada, on constaterait que les policiers doivent endosser une quantité croissante de tâches qui, encore une fois, élargissent leur rôle et augmentent leurs activités, tout simplement parce qu'ils représentent le seul organisme qui est disponible tous les jours, 24 heures sur 24, à l'année longue. Au bout du compte, dès qu'il y a des réductions dans les programmes, cela se traduit souvent par un alourdissement du fardeau des policiers.
    Il importe vraiment de soulever un autre point dans le cadre de votre débat ce matin, à savoir les services policiers dans les collectivités du Nord et les régions isolées. Une chose qui m'a frappé dans le débat sur les aspects économiques des services policiers, débat que je suis depuis quelques années et auquel je participe, c'est qu'il y est très peu question du Nord. La discussion est vraiment centrée sur le Sud et, comme j'ai déjà pas mal travaillé au nord du 60e parallèle et dans les régions septentrionales des provinces, j'estime impératif qu'on y porte un peu d'attention.
    Pour terminer, il est important de comprendre qu'on ne parle pas ici de peccadilles. On parle d'une démarche très complexe touchant les services policiers. Ce qui manque également dans tout ce débat, c'est la collectivité. Dans bien des forums auxquels j'ai assisté, je n'ai pas entendu parler des attentes de la collectivité à l'égard des services policiers, du rôle qu'elle voudrait voir les policiers jouer. C'est pourquoi je vous inciterais à ajouter l'élément communautaire dans ces discussions.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Griffiths.
    Nous allons maintenant faire une première tournée de questions. Je viens d'apprendre que nous commencerons ce matin par M. Leef.
    Vous avez la parole, monsieur Leef.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Griffiths.
    J'ai pris des notes pendant que vous parliez. Vous avez un peu répondu aux questions que j'allais poser. Vous avez dit qu'il n'était pas beaucoup question, dans ce débat, du Nord. En ma qualité de député du Yukon et d'ancien membre de la GRC au Yukon, j'aimerais vous donner l'occasion de parler un peu de votre travail dans le Nord et de dire comment ce débat sur les aspects économiques des services policiers peut inclure ce volet. Y a-t-il des innovations particulières ou, à votre avis, serait-il difficile de déplacer un peu le point de mire de ce débat du Sud vers le Nord?
    Compte tenu de votre expérience, vous êtes certainement bien au courant de la dynamique de la situation, non pas seulement au nord du 60e parallèle, mais dans les régions isolées et rurales de nos provinces. Je crois qu'en fait, il faudra un tout autre modèle de services policiers. Ces dernières années, notamment dans les territoires, la GRC s'est efforcée de s'adapter et d'adopter un modèle différent pour les services policiers. Au Yukon, en 2010, par exemple, un examen des services policiers du territoire a débouché sur un certain nombre de recommandations très importantes. Il est encourageant de constater que deux ans plus tard, bon nombre de ces recommandations ont été concrétisées.
    Je pense que le Yukon est un bon exemple du potentiel que présente un accord tripartite entre la GRC du territoire, le gouvernement du Yukon et le Conseil des Premières Nations du Yukon, qui se sont unis pour vraiment régler un problème et en faire un suivi. J'ai moi-même fourni des documents pour l'examen qui a été effectué, et je suis très heureux de constater tout le travail qui a été fait au Yukon. À mon avis, on pourrait s'en inspirer pour façonner un modèle de services policiers qui répond aux exigences du Yukon, exigences qui, bien entendu, pourraient être très différentes de celles des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. N'oublions pas qu'il existe des différences notables même entre les provinces.
    Je pense que le Yukon nous donne de bonnes raisons d'être optimistes en ce qui concerne ce genre d'approches de collaboration. La collectivité est véritablement au centre de ces discussions, au Yukon.

  (1000)  

    Je viens de lire le rapport d'étape de Terrain d'entente, et vous avez souligné que de nombreuses recommandations du premier rapport ont été accomplies lors de la mise à jour. Voilà d'excellentes nouvelles.
    Vous avez parlé des fonctions policières essentielles et vous avez dit que la collectivité n'a pas encore défini cette discussion. Vos propos m'ont fait penser à l'exemple du Yukon, sachant que même si nous, les policiers, aimerions définir ce qu'est notre rôle lorsque nous sommes en devoir, c'est vraiment déterminé par les appels de service. La définition de ce que devraient faire les policiers est déterminée par la collectivité. Ce n'est pas entre les mains des policiers. C'est vraiment entre les mains de la collectivité, puisque c'est elle qui place les appels et nous, les policiers, répondons.
    Du point de vue du modèle de services policiers communautaires, quelles sont les différences sur le plan des attentes envers les services policiers dans le milieu urbain par rapport au Nord ou aux milieux ruraux et éloignés au Canada?
    Comme je l'ai dit, c'est assez fascinant, si je me fie aux travaux que j'ai effectués partout au Canada. C'est intéressant, parce que les services policiers dans le Sud sont, je dirais, anonymes. En d'autres mots, comparons un détachement de la GRC à Surrey, en Colombie-Britannique — le plus grand détachement au Canada, qui comprend plusieurs centaines de membres — à celui de Watson Lake. Les services policiers dans le Nord sont hautement visibles et ont des conséquences importantes, alors que dans le Sud, la situation est moins concentrée et plus anonyme.
    Évidemment, les policiers dans les régions septentrionales des provinces et les territoires sont très visibles dans le cadre de leurs fonctions. Comme vous le savez d'après votre expérience, les conséquences de leurs décisions peuvent être beaucoup plus grandes, y compris en ce qui concerne la perception publique de ce que font ces policiers — que tout le monde connaît —, surtout si on regarde le Nunavut où ils sont toujours en devoir et très visibles.
    Il y a un incroyable potentiel de participation de la part de la collectivité, et celle-ci en profite. Il s'agit de services policiers hautement visibles, ce qui a des conséquences importantes. Je pense que ce que l'on voit maintenant, dans le Yukon par exemple, ce sont des collectivités qui participent au processus, jusqu'au point de choisir les agents qui seront affectés dans leurs collectivités. C'est impossible dans le Sud. Mais dans le modèle des services policiers du Nord, il y a beaucoup de potentiel pour faire des choses. Comme vous le savez, la situation démographique, l'environnement et la géographie sont différents.
    Selon certaines des recommandations, vous connaissez sûrement la nouvelle relation entre les services correctionnels et les services policiers, surtout quand il s'agit des services correctionnels qui s'occuperont des blocs cellulaires de la GRC. Ils croient pouvoir jouer un meilleur rôle que les policiers pour offrir ces services, c'est-à-dire les services suivant l'arrestation.
    D'après vous, quelle est l'importance de la relation entre les services policiers et correctionnels? Nous avons entendu parler très clairement de la relation entre les services policiers et les services sociaux, les services policiers et les services médicaux d'urgence, les services policiers et les services en santé mentale, les services de première ligne. Mais les choses n'en finissent pas là. Le système judiciaire entre en jeu: les gens entrent dans le système correctionnel et ils sont tôt ou tard libérés.
    Que pouvons-nous faire quant aux réalités économiques des services policiers, et quelle est l'importance de la relation entre les policiers, les agents correctionnels et le système correctionnel?

  (1005)  

    Je pense qu'il y a un potentiel considérable dans ce domaine. Soit dit en passant, au Yukon, je dirais que ces installations auraient dû être là, que les policiers n'auraient jamais dû mettre en prison les personnes vulnérables. Il y aurait toujours dû y avoir d'autres installations, ce qui est le cas maintenant.
    On constate dans certaines provinces au Canada des efforts de collaboration entre les policiers et Service correctionnel Canada. Il y a des partenariats. Il y a des équipes mixtes qui travaillent ensemble pour identifier et surveiller les délinquants à risque élevé dans la collectivité, et il y a des relations entre les agents fédéraux de libération conditionnelle et les policiers. Lorsque je réfléchis aux réalités économiques des services policiers, je pense au partenariat. Lorsque je conseille les services policiers, je leur dis souvent de chercher un partenaire, de ne pas s'occuper seuls de ces choses. Cela ne fait pas partie des fonctions policières essentielles. Alors, je pense que les partenariats ont été une réussite partout au pays, même avec les services en santé mentale. Il y a beaucoup de très bons exemples.
    Nous allons maintenant passer à M. Garrison, qui dispose de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Un peu à la blague, je dois déclarer un genre de conflit d'intérêts car j'ai utilisé le manuel de M. Griffiths pendant plus d'une décennie lorsque j'enseignais et j'ai profité de ses recherches tant à titre de membre du conseil de police que de conseiller municipal.
    Étant donné certaines déclarations faites hier, je vais prendre une minute pour dire que mon bilan en tant que membre du conseil de police et conseiller municipal est très clair: je n'ai jamais appuyé une réduction ou proposé une motion pour réduire les ressources policières en aucun temps lorsque je siégeais au conseil de police ou au conseil municipal; je ne voulais pas que cela interfère avec nos discussions d'aujourd'hui.
    Ayant pris le temps d'apporter cette précision, j'aimerais revenir au sujet devant nous. Je veux vous remercier d'avoir souligné le problème que nous avons en matière de recherche sur les services policiers. Notre comité fait justement face au manque de renseignements organisés sur les services policiers.
    Y a-t-il des pratiques exemplaires précises que vous connaissez et que vous nous proposez d'examiner, mis à part le Nord, dont vous venez de parler?
    Je ne pense pas que nous ayons à regarder très loin pour ce qui est d'élaborer un cadre qui apporterait une certaine méthode au chaos proverbial et qui permettrait de rassembler la recherche effectuée afin de favoriser la collaboration entre les gouvernements, les universitaires et les services policiers. En réalité, nous sommes le seul pays du G-8, par exemple, à ne pas disposer d'une organisation dédiée à cette fin. En Écosse, il y a le Scottish Institute for Policing Research; au Royaume-Uni, on trouve le College of Policing; les Australiens et les Néo-Zélandais ont l'Australia New Zealand Policing Advisory Agency; les États-Unis possèdent un certain nombre de plateformes et de portails, dont vous avez certainement entendu parler de la part des autres témoins. Nous pouvons tirer des leçons de ce qu'ils ont fait, surtout en cette ère technologique. On n'a pas besoin d'énormes infrastructures pour y arriver.
    Je crois que c'est possible. Lors de mes discussions avec des gens qui participent à ces autres initiatives, ils se sont dits prêts à mettre en commun leurs pratiques exemplaires et les exemples de ce qui n'a pas fonctionné pour eux. Je ne pense pas que ce soit difficile une fois que nous aurons décidé d'aller dans cette direction.
    Merci.
    Je vais céder le reste de mon temps à M. Rafferty.
    Très bien.
    Monsieur Rafferty, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Et merci à vous, monsieur Griffiths, d'être des nôtres aujourd'hui.
    Lorsque nous parlons des aspects économiques des services policiers, une partie de cet exercice consiste, bien sûr, à se demander comment en faire plus avec moins. Je m'intéresse à ce que vous avez dit concernant les services policiers dans le Nord et dans les régions rurales, en particulier les services policiers des Premières Nations. Je ne sais pas si vous connaissez bien ces services, mais ils sont généralement terriblement sous-financés.
    Selon votre connaissance des services policiers des Premières Nations, j'aimerais vous poser la question suivante: le modèle actuel de ces services fonctionne-t-il? Ou devrions-nous proposer un nouveau modèle de services policiers pour les Premières Nations, tout en gardant à l'esprit que ces services constituent un pas vers l'autonomie gouvernementale? Je crois que personne ne recommanderait de se débarrasser des services policiers des Premières Nations, parce que ce serait un recul par rapport à cet objectif, mais je me demande si vous avez des observations à faire à ce sujet.
    Je pense que si l'on examine les trois dernières décennies d'expérience avec les services policiers autonomes des Premières Nations, et je présume que c'est ce dont vous parlez...
    M. John Rafferty: Oui.
    M. Curt Taylor Griffiths: ... les résultats sont mitigés. Cela tient, en grande partie, à des problèmes plus graves de leadership et de capacité qui existent dans les réserves des Premières Nations. Au cours des deux dernières décennies en particulier, je sais que la GRC et les deux forces policières provinciales ont déployé beaucoup d'efforts pour bâtir cette capacité et aider les services policiers autonomes des Premières Nations.
    Je pense qu'il faut continuer à leur offrir un appui, non seulement sur le plan financier, mais aussi sur le plan du développement et de la succession du leadership, tout en assurant qu'ils ne sont pas isolés. Parfois, ils deviennent isolés, non seulement à cause de leur situation géographique, mais aussi parce qu'ils ne participent pas aux discussions, comme vous l'avez mentionné. Il y a différentes façons d'améliorer l'initiative des forces policières autonomes des Premières Nations qui, comme vous l'avez dit, est liée à la situation plus générale d'autonomie gouvernementale. Il y a des exemples où c'est ce qui s'est produit.

  (1010)  

    Il est intéressant de parler d'offrir un appui, à cause de ce qui s'est passé surtout au cours des deux ou trois dernières années. Je vais prendre l'exemple du nord de l'Ontario, où il y a quelques services policiers des Premières Nations assez importants, dont un qui s'occupe de plusieurs collectivités des Premières Nations le long du système routier et l'autre qui s'occupe surtout des collectivités accessibles par avion. Bien sûr, vous pouvez imaginer les problèmes financiers qu'il faut gérer dans de telles situations. Par le passé, la Police provinciale de l'Ontario dans le nord de l'Ontario a beaucoup aidé les services policiers des Premières Nations, et elle continue de le faire, mais dans la foulée des compressions budgétaires, sa capacité de se rendre dans les collectivités pour aider un policier, par exemple, ou pour se rendre dans une collectivité où il n'y a pas de policier afin d'aider les services policiers des Premières Nations devient de plus en plus difficile. Je me demande ce que vous en pensez.
    Parce que l'environnement et la dynamique des services policiers dans les collectivités éloignées et du Nord sont si différents, toute compression budgétaire a des conséquences exponentielles. Dans le Sud, ces conséquences sont moins évidentes parce qu'il y a d'autres ressources en place. Par contre, les répercussions sur les services policiers des collectivités rurales et, comme vous l'avez dit, des collectivités accessibles par avion sont beaucoup plus grandes. On pourrait examiner certains modèles. Par exemple, en Alaska, il y a un programme d'agent de sécurité publique de village qui est très efficace.
    Il faudra envisager des modèles différents afin d'instaurer une capacité policière dans la collectivité, au lieu de faire venir des policiers par avion. Ce genre d'approche est possible.
    Mais je suis d'accord avec vous: lorsqu'il y a des compressions budgétaires, les conséquences seront infiniment plus importantes, surtout dans les collectivités où il y a, je dirais, beaucoup de problèmes, qui requièrent beaucoup d'attention et où les gens doivent avoir accès à de l'aide.
    Merci beaucoup, monsieur Griffiths.
    Nous allons passer à M. Gill; vous disposez de sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. Je tiens, moi aussi, à remercier M. Griffiths d'être avec nous ce matin.
    Je crois comprendre, monsieur, que vous avez une vaste expérience dans le domaine et que vous connaissez les systèmes policiers de différents pays dans le monde. À quel pays compareriez-vous le Canada et pourquoi?
    Voilà une question intéressante, parce que tous les pays sont si uniques. Mais celui qui nous ressemble le plus, à maints égards, c'est l'Australie. Par exemple, nous parlions du Nord du Canada. L'Australie a, évidemment, un vaste territoire et une petite population.
    Les défis pour les services policiers dans les territoires du Nord sont très semblables aux défis auxquels nous faisons face dans le Nord canadien. La température est un peu différente, mais la composition démographique, les problèmes sociaux et géographiques, comme je l'ai dit, se ressemblent grandement, alors je dirais l'Australie.
    Merci.
    Je me demande également si vous pouvez nous parler des constatations de votre étude sur le déploiement du personnel du service de police de Vancouver, dans laquelle vous avez pu conclure que la force policière pouvait embaucher 122 agents, plutôt que les 400 recommandés, tout en assurant la sécurité publique et l'efficacité.

  (1015)  

    Cette étude à Vancouver nous a permis de réviser le modèle pour déterminer le genre de recherche qui doit être menée au sein de tout service de police lorsque l'on parle des aspects économiques des services policiers. L'étude a été déclenchée en raison de la demande faite par la police de Vancouver auprès du conseil municipal pour embaucher plus de 400 nouveaux agents; le conseil municipal a alors demandé qu'on examine ce qui se passait au service de police de Vancouver.
    Les services policiers doivent pouvoir répondre à deux questions avant de demander des ressources additionnelles. Premièrement, comment utilisent-ils les ressources dont ils disposent déjà? Font-ils l'utilisation la plus efficace des ressources à leur disposition? Deuxièmement, ont-ils la capacité de surveiller cela de façon continue? On s'éloigne ainsi d'une série sans fin de demandes auprès du conseil municipal pour 100 ou 200 agents supplémentaires. Car le conseil municipal répond: « Qu'avez-vous fait avec les 100 derniers que nous vous avons donnés? »... «  Eh bien, ils sont sur le terrain, ils sont occupés à faire leur travail de policier. »
    Nous avons examiné différents aspects du service de police de Vancouver, notamment le recours à des heures supplémentaires, l'utilisation des civils et le déploiement des patrouilles. Nous avons examiné un autre élément, dont on tient rarement compte, mais qui est à l'origine de la majorité des heures supplémentaires dans la plupart des services policiers, à savoir les unités spéciales.
    Au sujet du déploiement, une chose que nous avons constatée très rapidement, c'est que la police de Vancouver avait un délai d'intervention de 13 minutes pour les appels de priorité un. Il s'agirait d'incidents comme de la violence familiale en cours. Le meilleur délai d'intervention est d'environ sept minutes. Alors, soit Vancouver n'avait pas assez d'agents pour se rendre sur place en moins de 13 minutes, soit la ville ne déployait pas ses agents de façon efficace.
    La demande de 122 agents a découlé de notre analyse de leur déploiement. Nous avons conclu qu'ils faisaient le mieux qu'ils pouvaient avec ce qu'ils avaient. Mais ils n'avaient pas assez d'agents. Nous avons demandé au conseil municipal ce qu'il voulait acheter. Vous représentez les citoyens de Vancouver; que voulez-vous acheter pour une intervention de priorité un? Le délai d'intervention actuel est de 13 minutes. Voulez-vous que ce soit 11, 10, 9 ou 8 minutes? Puis nous avons fourni aux décideurs les renseignements qu'ils pouvaient utiliser pour prendre une décision. Ils ont alors décidé de dépenser pour un délai d'intervention de 10 minutes. Bien, pour avoir un délai d'intervention de 10 minutes dans le cas d'appels de priorité un, il fallait 122 agents supplémentaires. Ils effectueront un suivi et examineront l'an prochain les résultats obtenus avec ces 122 agents de plus.
    Il y a deux choses qui se passent ici. Premièrement, le service de police améliore sa capacité de savoir ce qu'il fait avec ses ressources. Deuxièmement, et c'est tout aussi important, les conseillers municipaux qui souvent, malgré eux, ne savent pas grand-chose à propos des services policiers, mis à part ce qu'ils lisent dans les médias ou voient à la télévision, sont sensibilisés aux questions en matière d'efficacité et obtiennent des renseignements qu'ils peuvent utiliser. Mais c'est inhabituel. Normalement, les décisions budgétaires, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, et les décisions en matière de politiques sont prises à l'aveugle. Alors, voilà en quoi consistait l'étude sur le déploiement à Vancouver et quels étaient ses objectifs. On pourrait la refaire n'importe où.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président? Deux minutes.
    Il y a quelques semaines, je pense, nous avons entendu les représentants du ministère parler du sommet policier du mois dernier. L'un des résultats du sommet a été la création d'un catalogue d'initiatives, de pratiques exemplaires qui sera partagé partout au pays. Je dois dire que j'ai été un peu surpris que cela n'existe pas déjà.
    Voici ma question. Savez-vous s'il y a d'autres pays qui ont de tels catalogues? Quels bénéfices peuvent en tirer les forces policières?
    Je pense qu'il y a de bons exemples ailleurs dans le monde. J'ai parlé de l'Australia New Zealand Policing Advisory Agency. J'ai mentionné deux ou trois plateformes aux États-Unis qui préparent de tels documents. L'une d'entre elles est Crime Solutions, et il y en a deux autres disponibles en ligne qui présentent un résumé de stratégies particulières et d'indicateurs sur leur efficacité. On y voit un crochet vert ou rouge à côté de chaque stratégie.
    Je répète que c'est de la très bonne information générale à avoir. Je pense qu'on peut en profiter. J'aimerais qu'à la lumière des renseignements qui existent déjà, nous créions notre propre plateforme au Canada, parce qu'il y a des aspects uniques aux services policiers ici qui n'existent pas en Écosse, par exemple. Je pense que l'on peut utiliser ce que les autres ont fait comme base. C'est facilement accessible sur le Web.
    Pour l'instant, le problème est que nous n'avons rien au Canada pour rassembler tous ces renseignements, même pas un serveur central qui serait accessible. Le résultat est que nous dépendons beaucoup de la recherche aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie pour prendre des décisions en matière de politiques au Canada. Je ne pense pas que ce soit une situation très utile. Mais oui, de telles choses existent.

  (1020)  

    Merci beaucoup, messieurs Gill et Griffiths.
    Nous allons passer à M. Cotler; vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Griffiths, vous avez parlé de l'inquiétude concernant le transfert des responsabilités, et vous avez aussi dit — bien que ce ne soit pas nécessairement lié à cela, mais j'essaie d'établir un lien s'il y en a un — que nous n'avons pas encore défini les fonctions policières essentielles.
    Je me demande si le problème créé par le transfert des responsabilités rend plus difficile la tâche de définir les fonctions policières essentielles, parce qu'elles deviennent plus floues justement à cause de ce transfert des responsabilités.
    Je me demande si vous pouvez répondre à cela.
    Absolument. Le problème du transfert des responsabilités m'a vraiment frappé dans une région administrative du Nord où je travaillais. Si les gens appelaient les services sociaux après 17 heures, la fin de semaine ou lors d'un jour férié, ils entendaient un message qui disait: « Bonjour, ici les services sociaux. Nous ne sommes pas disponibles. Si vous avez une urgence, appelez la GRC ». Cela m'a vraiment amené à réfléchir à la question du transfert des responsabilités.
    Les municipalités soulèvent souvent un problème très légitime: une grande partie de leur budget est accaparée par les services policiers, mais la réalité est que les municipalités ne sont généralement responsables que pour les services de police, d'incendie et de secours. Tout le reste est fait par la province. Comme je l'ai mentionné, lorsque les gouvernements provinciaux réduisent les budgets, les villes écopent. Vraiment. Je pense qu'il faut qu'il y ait une discussion entre les municipalités et leur gouvernement provincial respectif à propos des fonctions policières et des capacités que les services policiers devraient avoir pour s'en occuper.
    Je dois aussi ajouter que de nombreux services policiers ont vécu des difficultés lorsqu'ils ont essayé d'établir des liens de collaboration avec les homologues provinciaux. Il y a souvent des difficultés, et les services policiers ont été à l'avant-plan dans de nombreuses provinces pour créer ces partenariats afin de ne pas avoir à s'occuper seuls des problèmes des personnes souffrant de troubles mentaux qui vivent dans la rue, par exemple.
    Je pense qu'il faut lancer un dialogue entre les municipalités et leur gouvernement provincial respectif. Je ne pense pas que ce dialogue ait eu lieu, et je crois que les services policiers finissent par assumer beaucoup de responsabilités par défaut.
    Et je conviens qu'il faut discuter des fonctions policières essentielles. À l'heure actuelle, les fonctions policières essentielles sont très vastes et elles ne se résument pas au taux de criminalité. Il s'agit aussi d'offrir des services sociaux; il s'agit de beaucoup d'autres choses que le taux de criminalité. C'est pourquoi j'ai dit qu'il ne fallait pas rester pris dans cette notion de la hausse ou de la baisse du taux de criminalité et toute la question de savoir s'il faut modifier le nombre d'agents en conséquence.
    Je me demande si je peux vous poser une question sur un domaine dans lequel vous êtes un expert: la justice réparatrice dans son ensemble.
    C'est un concept dont on a beaucoup discuté et pour lequel on a créé beaucoup de modèles il y a 10 à 15 ans. On en parle très peu maintenant. C'est peut-être aussi la conséquence de ce que vous avez décrit, à savoir le démantèlement de notre capacité de recherche, y compris celui de la Commission du droit du Canada qui avait fait beaucoup de recommandations au sujet de la justice réparatrice. Selon vous, si nous rétablissions cette organisation, si nous la révisions et si nous l'invoquions, cela permettrait-il d'accroître l'efficacité des services policiers?
    Et comme je n'aurai peut-être pas le temps pour une troisième question, je vais essayer de faire un lien avec ce qui suit, bien qu'il n'y en ait peut-être pas.
    Hier, on a rendu public un rapport intitulé Ceux qui nous emmènent: abus policiers et lacunes dans la protection des femmes et filles autochtones dans le nord de la Colombie-Britannique, Canada. Le rapport traite de la disparition et de l'assassinat des femmes autochtones le long de ce qu'on appelle maintenant l'autoroute des larmes dans le nord de la Colombie-Britannique. Les deux principaux constats du rapport sont troublants. D'une part, la GRC ne semble pas protéger les femmes autochtones et, d'autre part, elle semble parfois avoir commis des actes violents envers les femmes autochtones.
    Voici le lien que j'essaie d'établir. La justice réparatrice serait-elle pertinente pour une telle situation? J'essaie de trouver un fil conducteur pour pouvoir vous poser mes deux questions. Elles n'ont peut-être rien en commun.

  (1025)  

    Combien de temps ai-je pour répondre?
    Sur la question de la justice réparatrice, je crois qu'il y a des initiatives à l'échelle locale partout au pays, des régions du Sud jusqu'aux territoires.
    À moins de connaître des gens qui participent à ces initiatives, vous ne verrez jamais de rapport. Vous n'aurez jamais accès à l'information qui les identifiera. Quelqu'un qui s'intéresse à ce genre d'initiatives au nord-ouest de l'Ontario pourrait, sans le savoir, faire la même chose que quelqu'un au Yukon. Encore une fois, je propose la création d'un centre d'échange d'information, d'idées et de ressources. De cette façon, si quelqu'un veut élaborer une initiative sur la justice réparatrice, il pourra trouver d'autres personnes qui s'en occupent déjà.
    On effectue des travaux en ce sens au Royaume-Uni. Là-bas, on vous dit: « Voici un projet. Voici les résultats obtenus. Voici où vous pouvez obtenir le rapport. Voici qui a réalisé l'étude. Si cela vous intéresse, appelez les personnes responsables ou envoyez-leur un courriel. » Il s'agit de faciliter ce genre de liens.
    La justice réparatrice est utilisée de différentes façons dans l'ensemble du pays, et cette notion a évolué au fil des ans. La police participe très activement à des initiatives de justice réparatrice dans bien des régions administratives, en organisant des conférences pour les familles. Les agents de liaison dans les écoles mobilisent les enfants et organisent des conférences et des réunions de médiation. Encore une fois, c'est très peu connu. À mon avis, on peut faire plus, mais en matière de justice réparatrice, presque tout dépend du contexte communautaire.
    Nous avons constaté que, dans le Nord — par exemple, dans le cas des cercles de détermination de la peine —, certaines collectivités sont aptes ou disposées à mener ce genre d'initiatives, tandis que d'autres ne le sont pas, pour différentes raisons.
    Il faut s'assurer que la collectivité dispose de la capacité nécessaire pour s'atteler à la tâche. Je n'avais pas vraiment pensé à faire un lien avec le rapport qui est sorti hier. J'ai lu les documents, et je crois que l'idée d'utiliser la justice réparatrice pour s'attaquer aux questions soulevées dans le rapport est certes une possibilité.
    Merci beaucoup, monsieur Griffiths.
    À ce sujet, je crois que dans votre réponse à la question de M. Cutler, vous avez mentionné un centre d'échange d'information ainsi qu'un rapport au Royaume-Uni qui porte sur l'évaluation du projet, de son fonctionnement et des aspects qui n'ont pas fonctionné. Savez-vous comment nous pourrions obtenir ce rapport?
    Je n'ai pas le lien avec moi aujourd'hui, mais si vous me donnez vos coordonnées, je pourrai vous envoyer l'information cet après-midi.
    Merci beaucoup.
    Nous retournons maintenant à Mme Lefebvre, qui a cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Griffiths, je vous remercie beaucoup de votre témoignage d'aujourd'hui. Vous apportez des éléments extrêmement intéressants à l'étude que le comité est en train de faire.
    Il y a beaucoup de choses. Comment pourrais-je parler de tout ça en cinq minutes?
    Lors de vos commentaires d'ouverture, vous avez dit une chose qui m'a frappée. Vous avez parlé du fait qu'on devrait se demander ce que la police devrait faire ou non, quelles tâches la police ne devrait pas faire.
    Je ne sais pas si vous avez des pistes de solutions intéressantes à proposer au comité à cet égard.

[Traduction]

    Plusieurs initiatives seraient utiles, à mon avis. D'abord, comme je l'ai dit, il faut un dialogue entre les municipalités et les gouvernements provinciaux et territoriaux sur la question du transfert des responsabilités.
    Deuxièmement, il faut un mécanisme pour inclure les collectivités dans ces discussions. Selon mon expérience en tant que participant aux travaux communautaires et organisateur de groupes de discussion, la plupart des gens ne savent pas du tout ce que fait la police. Ils ne voient la police que rarement, lors d'un contrôle routier, et ils se demandent s'ils ont eu une contravention; tout le reste provient des médias.
    Lorsqu'on tient un groupe de discussion avec les résidents d'une collectivité, qu'on leur dit qu'il faut faire des choix quant au travail de leurs policiers et qu'on explique que les ressources sont limitées, bref lorsqu'on les fait participer à ce genre de dialogue, on voit qu'ils ont de bonnes idées sur comment procéder.
    Dans mes observations préliminaires d'aujourd'hui, j'ai dit que de façon générale, les collectivités avaient été exclues de ces discussions. Surtout les collectivités représentant des minorités culturelles et visibles qui n'assistent pas souvent à ce genre de réunions communautaires, à micro ouvert, qui ne sont pas très utiles ni productives, selon moi.
    Je crois que nous pouvons faire bien des choses pour définir la question. La situation varie d'une collectivité à une autre; il n'y a pas de solution unique pour dire ce que la police devrait ou ne devrait pas faire.
    Il ne faut pas non plus oublier que dans certaines collectivités, les conseils sont disposés à dépenser plus, par exemple, pour adopter une approche selon laquelle « aucun appel n'est insignifiant ». Les policiers ne vont pas littéralement aider à faire descendre un chat d'un arbre, mais ils répondent à tous les appels reçus. La solution doit être adaptée à la collectivité, mais je crois que celle-ci doit avoir la possibilité de contribuer des idées. Comme je viens de le dire, je n'aime pas vraiment des réunions communautaires à micro ouvert, car certains des acteurs clés ne s'y présentent pas.

  (1030)  

[Français]

    D'accord.
    Vous parlez ici de communautés. Pour ma part, je m'interroge beaucoup sur la présence, un peu partout au pays, du crime organisé, des gangs de rue, de la mafia. Il y a aussi eu, à une certaine époque, le problème des Hells Angels, qui était pratiquement d'envergure nationale. Je me questionne sur l'implication des jeunes dans le cercle vicieux du crime organisé.
     Sommes-nous bien outillés pour aider nos jeunes à ne pas entrer dans ce cercle vicieux? Est-ce qu'il existe des initiatives, une meilleure façon de procéder, selon vous?

[Traduction]

    Vous soulevez un point valable.
    L'objectif, c'est l'intervention rapide et la prévention. Identifier des jeunes à risque n'est pas difficile. Bien des policiers et des travailleurs sociaux... Les jeunes à risque attirent l'attention de divers organismes. Il s'agit de coordonner la réponse. Depuis toujours, les ressources pour contrer le problème au début du système sont insuffisantes. On dépense beaucoup d'argent à la fin, si on tient compte des coûts opérationnels des services correctionnels; il s'agit de plusieurs millions de dollars. Nous n'investissons pas de l'argent au début. Il y a des exemples de programmes qui visent à aider les jeunes à sortir des gangs. Or, ces programmes ne reçoivent que très peu de financement et ils ne sont pas très bien connus.
    Encore une fois, comme nous n'avons pas de centre d'échange d'information, nous ne savons pas où aller pour savoir où commencer. On finit par parler à quelqu'un à Los Angeles. C'est intéressant, et il y a peut-être des aspects communs. Mais je crois que nous avons amplement d'exemples pour pouvoir trouver des solutions ici. Évidemment, nous avons des choses à apprendre des autres pratiques. Il existe des exemples de programmes précis qui devraient faire partie d'un outil facilement accessible en ligne.

[Français]

    Pourriez-vous nous donner quelques exemples...
    Oh, on m'indique que mon temps de parole est écoulé.
     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je suis désolé. J'ai failli vous donner sept minutes au lieu de cinq; cela aurait été terrible.
    Nous allons maintenant passer à M. Norlock.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, j'aimerais remercier le témoin de venir comparaître aujourd'hui.
    J'ai trouvé très intéressant de vous entendre dire, dans vos observations préliminaires, qu'on doit faire plus avec moins. Ce n'est pas quelque chose de nouveau pour moi. Au milieu des années 1990, lorsque le gouvernement fédéral a réduit de 25 milliards de dollars les paiements de transfert aux provinces, c'est exactement ce qui s'est passé dans une force policière déployée pour laquelle je travaillais. C'était une phrase que notre commissaire répétait souvent: « Nous devons faire plus avec moins ». Et en effet, nous avons fait plus avec moins.
    Une des choses à laquelle vous avez peut-être fait allusion, mais sans trop vous y attarder, c'est toute l'idée des attentes que nous avons à l'égard des services policiers. Une partie des coûts, ou de l'augmentation des coûts, était attribuable à la spécialisation. Vous devez sûrement savoir, et vous pourriez nous en parler, qu'en Ontario, la raison pour laquelle nous avons des agents policiers formés spécialement pour enquêter sur les agressions sexuelles... Dans des cas de violence familiale, il y a d'abord un agent qui répond à l'appel, mais le suivi est fait par des agents spécialement formés. Ces mesures ont été prises parce que des gens comme nous et les coroners ont dit que les policiers devraient faire ceci et cela, et qu'ils ont besoin de plus de formation pour composer avec des personnes souffrant de troubles mentaux. Tout cela fait augmenter graduellement les coûts des services policiers. Ensuite, en période de crise économique, on réduit les budgets de tout le monde. Du coup, on a une idée brillante: les services policiers ne devraient pas faire certaines choses et ils devraient être mieux formés. Alors, ce qui est vieux devient nouveau, et nous retournons dans les années 1990. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Deuxièmement, la réduction des coûts dans les services policiers n'est pas quelque chose de nouveau. Je me souviens que, dans ma région, trois détachements ont été regroupés sous un même toit administratif. Je me rappelle que, dans un petit comté, nous avons réduit les coûts des services policiers de 5 millions de dollars en ayant moins de superviseurs sous une administration plus grande afin de garder plus d'agents de première ligne.
    Qu'est-ce qu'il y a de nouveau? Nous faisons cela depuis très longtemps.

  (1035)  

    Ce qu'il y a de nouveau, c'est que les pressions financières sont beaucoup plus grandes. Je crois que l'époque des chèques en blanc est, bien sûr, révolue pour les services policiers. Il y a des services policiers qui comprennent cela. Certains services policiers au Canada ont développé la capacité nécessaire pour se présenter devant les commissions de police et les conseils municipaux afin de leur montrer ce qu'ils font, comment ils réduisent leurs coûts, comment ils font le suivi des heures supplémentaires et comment ils assurent le déploiement efficace de leurs agents policiers. Toutefois, il y a d'autres services policiers qui n'ont pas cette capacité. Par conséquent, les services policiers qui n'ont pas la capacité de produire ce genre de renseignements et d'informer leurs instances décisionnelles en matière de finances se retrouvent dans une situation difficile.
    Vous avez raison de dire que les questions d'efficacité ont toujours existé, mais dans le système de justice pénale du secteur public, par exemple, on a toujours eu plus de mal à développer la capacité nécessaire pour surveiller ce qu'on fait et comment on le fait avec les ressources dont on dispose, comparativement au secteur privé.
    J'ajouterais ceci. La solution ne réside pas dans l'impartition. La sécurité privée a un rôle à jouer, ainsi que les programmes de police communautaire, mais la réponse n'est pas l'impartition. Je sais qu'on exerce de plus en plus de pression pour se servir de l'impartition, comme c'est le cas au Royaume-Uni. Toutefois, au Royaume-Uni, le travail est toujours en cours. Nous ne savons pas quel en sera le résultat. Les services policiers britanniques sont en train de confier bon nombre de ces activités au secteur privé.
    Un chef de police de Staffordshire est justement venu nous parler de ces questions. Il nous a donné beaucoup de matière à réflexion.
    J'aimerais revenir au financement. Notre gouvernement a investi 37,5 millions de dollars pour lutter contre les bandes de jeunes, 7,5 millions de dollars en financement continu, puis nous avons grandement contribué au Centre national de prévention du crime. Le Centre national de prévention du crime n'accomplit-il pas de nombreuses choses que, selon vous, nous devrions effectuer? Que pourraient-ils faire de plus? Pourrions-nous les inciter à devenir précisément ce que vous décrivez, soit une sorte d'organisme central qui se pencherait sur les différentes façons d'offrir des services de police et la prévention de la criminalité?
    Je crois que son mandat et son travail sont satisfaisants. Son mandat est surtout axé sur la prévention de la criminalité, un volet de la gamme de services de police. À mon avis, tout projet financé, qu'il le soit par l'entremise de la prévention de la criminalité ou d'investissement pour lutter contre les gangs, devrait absolument compter un volet d'évaluation. Sans volet d'évaluation, on ne pourra pas créer une base de données et une base de renseignements à propos de ces programmes: fonctionnent-ils, comment fonctionnent-ils, dans quelles circonstances fonctionnent-ils... ce genre de renseignements cumulatifs. Je ne suggère pas que des chercheurs intellectuels devraient faire tout le travail. Je crois que de nombreux services de police partout au pays ont maintenant la capacité de faire leur propre évaluation de leurs activités.
    Les volets d'évaluation sont souvent absents. La majeure partie de la recherche au Canada est très descriptive: « Eh bien, nous avons parlé à 10 personnes qui disaient que c'était une excellente idée, et cela semble avoir eu un grand effet sur la vie de tous ». C'est intéressant, mais est-ce que ça nous dit si l'objectif initial a été atteint?
    Je suis partisan d'un volet d'évaluation, et nous pourrions commencer à colliger ces renseignements et ces connaissances à partir de notre contexte canadien...

  (1040)  

    Merci.
    Non, monsieur Norlock, je ne vous permets pas de poser une autre question.
    Merci, monsieur Griffiths.
    Monsieur Rousseau va poser la dernière question de la journée. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup monsieur Griffiths de vous être déplacé.

[Français]

    Ma première question porte sur le partage des responsabilités.
    Dans mon comté, qui est situé dans le Sud du Québec, il y a l'Agence des services frontaliers du Canada au point d'entrée, la Sûreté du Québec, les corps municipaux et la Gendarmerie royale du Canada. À cause des ressources humaines, matérielles et technologiques limitées, on assiste parfois à des situations où le corps municipal ou la GRC doit appuyer l'Agence des services frontaliers.
    Comment évaluez-vous et considérez-vous le partage des responsabilités dans de telles situations, d'autant plus que nous n'avons pas de réelle vision globale de nos corps policiers?

[Traduction]

    Vous soulevez un élément des plus importants. Je crois qu'on peut être plus efficace en réunissant ces divers services de police, en se penchant sur la situation que vous avez décrite et en leur posant des questions sur ce qu'ils font présentement: dans quelle mesure effectuent-ils leurs tâches efficacement et à quels égards pourrait-on être plus efficace? Le rendement pourrait être accru si un des organismes assumait certaines responsabilités et un autre organisme en assumait d'autres.
    Ce qui pose problème, c'est que nous n'avons pas les cadres nécessaires pour étudier la situation et déterminer si les services de police utilisent de façon efficace et efficiente les ressources à leur disposition. Dans certains cas, comme le cas de Vancouver, on constate que, oui, les services de police utilisent de façon efficiente et efficace les ressources dont ils disposent, et on recense les aspects qu'ils doivent améliorer ainsi que les indicateurs qui permettront d'évaluer leur rendement.
    C'est le genre de questions que je poserais si je me rendais dans cette région. C'est le genre de renseignements que je colligerais pour déterminer si leur rendement pourrait être accru, dans quelle mesure les services sont efficaces, et pour déterminer si les pratiques exemplaires sont utilisées.

[Français]

    Ma deuxième question concerne les changements démographiques au Canada. L'immigration, le vieillissement de la population et même l'exode rural ont eu une influence sur la façon d'agir des services policiers.
     Diriez-vous que ceux-ci ne se sont pas ajustés à ces changements? Compte tenu de la décroissance et de la fin de la recherche sur les services policiers, n'y a-t-il pas un genre de blocage? Diriez-vous que les corps policiers ne s'ajustent pas à tous ces changements démographiques?

[Traduction]

    C'est une excellente question. En raison du profil démographique en changement et du genre d'exigences imposées aux services de police, mais aussi à d'autres organismes — et surtout en raison du fait qu'on délègue beaucoup de responsabilités —, les services de police doivent composer avec beaucoup plus de tâches. Je crois que les services de police effectuent probablement un meilleur travail que bien d'autres organismes publics.
    Si on regarde la diversité des agents de police, on constate une diversité accrue dans les rangs des services de police de partout au pays. Par exemple, la GRC a très bien réussi à recruter des agents de tous les horizons. Je crois que les aspirants policiers qui parlent une deuxième langue sont plus nombreux que les agents de probation, les agents de libération conditionnelle, les avocats et les avocats de la défense qui ont cette même aptitude.
    À titre de comparaison, je crois que les policiers font un meilleur travail que nombre de leurs homologues dans le système de justice criminelle. Cela dit, il faut tenir compte des attentes que nous avons des policiers et de la disponibilité ou non des ressources pour tenir compte des changements démographiques.

[Français]

    Ma dernière question va peut-être vous paraître un peu étrange, mais comme j'ai devant moi un professeur, un chercheur, je vais tout de même la poser.
     Croyez-vous que des événements comme ceux du 11 septembre 2001 ont bouleversé les priorités des services de police canadiens, entre autres en ce qui concerne les points d'entrée frontaliers, terrestres, maritimes et aériens? À votre avis, cela a-t-il freiné la recherche-développement d'une stratégie nationale de sécurité publique ou, au contraire, cela a-t-il incité à adopter une vision globale?

[Traduction]

    Je ne crois pas que l'un exclut l'autre. Bien entendu, à la suite du 11 septembre, les services de police communautaires ont subi de grands contrecoups. Après les événements, on a investi davantage de ressources dans la surveillance et les activités secrètes. Un nouveau terme plus courant a été créé; « les services de police stratégiques dans la collectivité ». Cette expression veut dire que les agents de police qui parcourent les rues sont nos yeux et nos oreilles pour déceler les personnes qui, par exemple, représenteraient une menace terroriste ou à la sécurité.
    Le 11 septembre a entraîné des défis, et je crois que cela s'est ajouté à la liste de difficultés. Ce nouvel événement a multiplié le nombre de responsabilités assumées par les policiers. À l'heure actuelle, alors que des policiers doivent se pencher sur des unités très hautement spécialisées pour contrer les menaces à la sécurité, d'autres à l'autre bout de la chaîne se demandent, à trois heures du matin, quoi faire d'une personne frappée de maladie mentale étant dans leur voiture de patrouille parce qu'aucun endroit ne peut l'héberger.
    La situation s'est aggravée en raison de tout ce qui s'est passé, et aucune discussion n'a eu lieu à ce sujet. Comme vous l'avez mentionné, ces tâches se sont ajoutées aux responsabilités existantes.

  (1045)  

    Très bien.
    Merci beaucoup, monsieur Griffiths. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposions aujourd'hui. Votre expertise nous a été très utile. Nous savons que vous avez bonne réputation, et nous vous remercions pour votre exposé et pour vos réponses à nos questions. Vous avez grandement contribué à notre comité, et je vous en remercie énormément.
    Nous allons lever la séance. On se retrouve mardi matin, une semaine après la relâche.
    Merci, professeur Griffiths.
    Merci beaucoup de m'avoir invité. J'ai trouvé la discussion intéressante.
    Très bien. La séance est levée.
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