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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 082 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 mai 2013

[Enregistrement électronique]

  (1320)  

[Français]

    Bienvenue à la 82e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce 9 mai 2013.

[Traduction]

    Conformément à l'article 108 du Règlement, nous poursuivons notre étude de la situation des droits de la personne au Honduras. Nous accueillons comme témoin Dana Frank, professeure d'histoire. Elle témoignera par liaison téléphonique et non par vidéoconférence, comme nous l'avions d'abord dit.
    Madame Frank, je vous invite à commencer votre témoignage.
    Une question sur la marche à suivre. Dois-je attendre que chaque question soit traduite avant d'y répondre ou tout est-il traduit après coup?
    L'interprétation se fera probablement surtout vers l'anglais. Nous avons l'interprétation simultanée. Dès que vous aurez compris la question, vous pouvez répondre. Tout sera interprété pendant que vous vous exprimez.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Avant toute chose, merci de m'avoir invitée à témoigner. C'est un honneur immense. Je tiens à dire également que je suis reconnaissante au comité de s'intéresser à la situation des droits de la personne au Honduras, qui est atroce.
    J'ai une déclaration liminaire que je vais lire.
    J'enseigne l'histoire à l'Université de la Californie à Santa Cruz. Depuis 12 ans, je fais des recherches et écris sur l'histoire moderne du Honduras. Depuis le coup d'État, j'ai écrit 26 articles et essais où j'exprime mon opinion sur la situation actuelle au Honduras. Je publie notamment dans le New York Times, le Los Angeles Times, sur foreignaffairs.com et dans la revue The Nation. Je m'occupe aussi beaucoup de conseiller de nombreux membres du Congrès des États-Unis sur la politique américaine au Honduras, et je me rends toujours régulièrement au Honduras depuis le coup d'État.
    Je voudrais d'abord parler de la dégénérescence tragique de la primauté du droit au Honduras depuis le coup d'État militaire de juin 2009 qui a renversé le président Manuel Zelaya. En soi, le coup d'État a été un acte criminel d'une gravité extrême auquel ont participé les hauts dirigeants militaires, toute la Cour suprême et la majorité du congrès du Honduras. Personne n'a jamais été condamné pour ce crime fondamental, même si la commission de la vérité et de la réconciliation du gouvernement Lobo a réclamé des poursuites contre les auteurs du coup d'État, comme l'a fait le représentant américain Howard Berman, ancien démocrate en vue à la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, qui s'est exprimé en octobre dernier.
    L'actuel président du Honduras, Porfirio Lobo, également appelé « Pepe » Lobo, a pris le pouvoir aux élections illégitimes de novembre 2009. Les bulletins de vote étaient contrôlés par les militaires qui venaient de commettre le coup d'État. Les élections ont du reste été boycottées par la majeure partie de l'opposition et tous les observateurs étrangers à l'exception du Parti républicain des États-Unis. Une fois en poste, Lobo a nommé de nouveau les mêmes personnalités militaires qui avaient perpétré le coup d'État. L'actuel gouvernement est toujours composé en grande partie d'auteurs du coup d'État, qui occupent les plus hauts échelons. On peut dire la même chose du congrès et de la Cour suprême.
    Comme vous le savez maintenant fort bien, la primauté du droit continue d'être battue en brèche de façon dramatique au Honduras, et le pays revendique maintenant le plus haut taux de meurtres au monde. Le système judiciaire est en grande partie non fonctionnel. Human Rights Watch a récemment expliqué:
Les avocats des droits de la personne ont des obstacles à surmonter pour mener les enquêtes, comme une collaboration limitée des forces de sécurité, l'insuffisance des ressources et l'inefficacité du programme de protection des témoins.
    L'impunité est presque totale, même pour le gouvernement. Le procureur général a dit le 10 avril que le taux d'impunité s'élevait à 80 p. 100.
    D'après le groupe le plus important de défense des droits de la personne au Honduras, le COFADEH, le comité des familles des personnes détenues et disparues au Honduras, plus de 10 000 plaintes au sujet d'atteintes aux droits de la personne par les forces de sécurité de l'État ont été déposées en 2012 seulement. À peu près aucune d'entre elles n'a été étudiée.
    La police est en grande partie corrompue, et le fait est largement reconnu. Il arrive régulièrement que des policiers tuent des gens en toute impunité, comme le président même l'avoue. Trois commissions successives ont été chargées d'assainir la police depuis novembre 2011. De leur propre aveu, elles n'ont réussi à accomplir aucun progrès.
    Au fond, l'administration Lobo n'a pas la volonté politique nécessaire pour s'attaquer au problème de cette police qui est dans un état alarmant. Ce choix est en grande partie délibéré. Des critiques répandues veulent que le gouvernement ait lui-même des accointances avec le crime organisé, les narcotrafiquants, ceux qui profitent des extorsions commises par des gangs. Marlon Pascua, ministre de la Défense, est allé jusqu'à parler de « narcojuges », qui bloquent les poursuites, et de « narcoreprésentants au Congrès », qui dirigent les cartels.
    Je souligne que l'actuel chef national de la police, Juan Carlos Bonilla, a été à la fin des années 1990 et au début des années 2000, et c'est prouvé, le chef d'un escadron de la mort qui commettait des assassinats pour épurer la société, activité qui, selon une enquête récente de l'Associated Press, se poursuivrait aujourd'hui.
    Le chef actuel de la police des transports publics, Héctor Iván Mejía, est sous le coup d'un mandat d'arrêt et d'une ordonnance de non-communication pour le rôle qu'il a joué dans la violente répression d'une manifestation pacifique que l'opposition a tenue en septembre 2010, lorsqu'il était chef de la police de la deuxième ville du pays, San Pedro Sula. Le président Lobo continue de soutenir aussi bien Bonilla que Mejía, et aucun des deux n'a été suspendu.
    Pour sa part, le congrès du Honduras prend de plus en plus de libertés avec le principe de la primauté du droit. En décembre, le président du congrès, Juan Orlando Hernández, qui est aussi désormais le candidat à la présidence pour le parti au pouvoir, a organisé ce qu'on appelle un « coup de procédure », grâce auquel le congrès a déposé tout à fait illégalement cinq membres de la Cour suprême à 3 heures du matin et nommé leurs remplaçants dès le lendemain. Depuis, le congrès a réadopté plusieurs lois que, à juste titre, la Cour suprême avait déclarées inconstitutionnelles, dont une loi autorisant des villes dites modèles où la constitution hondurienne ne s'appliquerait même pas, une loi autorisant une exploitation minière abusive et une loi autorisant la police à utiliser le détecteur de mensonges, ce qui contrevient aux normes juridiques internationales contre l'autoincrimination.

  (1325)  

    Le plus alarmant peut-être, c'est que Lobo et le congrès du Honduras prétextent de la crise dans la police pour justifier une terrifiante intrusion des militaires dans la vie civile. Contrevenant à la constitution du Honduras, qui permet aux militaires de se charger de la police uniquement en cas d'urgence, Lobo a récemment autorisé les militaires à s'occuper de services policiers jusque pendant une bonne partie de 2014.
    Aujourd'hui, de grands groupes de soldats parcourent plusieurs fois par jour les quartiers des grandes villes, abordant les gens et dressant des points de contrôle sans objectif clair sinon pratiquer l'intimidation, bloquant au hasard des quartiers entiers la nuit venue. L'armée, elle-même infiltrée par les narcotrafiquants et les membres du crime organisé, est loin d'être une solution de rechange irréprochable aux services policiers.
    En mai, des soldats chargés de la surveillance policière dans la capitale ont pourchassé et tué un jeune qui était passé à un point de contrôle et un officier supérieur a orchestré le camouflage de l'incident. La semaine dernière encore, le président Lobo et son nouveau ministre de la Sécurité, Arturo Corrales, ont nommé quatre colonels à la retraite à des postes élevés dans la police et à celui de vice-ministre de la Sécurité. L'un des trois nouveaux venus a été lié explicitement aux activités d'escadrons de la mort menées par le tristement célèbre bataillon 3-16 dans les années 1980; un autre est lié à l'assassinat d'un prêtre jésuite, crime qui a fait beaucoup de bruit dans les années 1980; un troisième fait partie d'une compagnie que l'ONU a censurée pour activités mercenaires en Irak.
    Enfin, je souligne que si la répression terrorise toute la population, elle continue de cibler explicitement l'opposition. Au moins six candidats et agents de Libre, le parti d'opposition, ont été assassinés depuis mai dernier, dont l'un tout récemment. Ils sont au nombre des 206 membres de l'opposition, d'après une estimation prudente, qui ont été assassinés depuis le coup d'État.
    Comme d'autres témoignages vous l'ont déjà appris, 96 agriculteurs militants de la vallée d'Aguán qui réclamaient des droits fonciers ont été tués. Un grand nombre d'entre eux auraient été victimes de membres du 15e bataillon de l'armée collaborant avec de grands propriétaires terriens et leurs armées privées de gardes de sécurité non réglementées. Selon Human Rights Watch, les auteurs des violences et des menaces contre les militants des droits de la personne, les procureurs, les paysans militants et les transgenres « sont rarement traduits en justice ».
    En somme, je dirais que la situation qui règne au Honduras ne tient pas de ce qu'on appelle la « violence fortuite » occasionnée par le développement du narcotrafic, mais de la politique concertée d'un gouvernement corrompu qui cherche délibérément à détruire le principe de la primauté du droit. Ce gouvernement hondurien est fermement appuyé par les États-Unis et le Canada. Ce serait un plaisir de parler de la politique américaine sur le Honduras de façon plus détaillée pendant mon témoignage et aussi de parler de l'opposition puissante et croissante qui s'exprime dans les deux chambres du Congrès des États-Unis.
    Merci.
    Merci, madame Frank.
    Chaque député aura cinq minutes pour poser ses questions. Cela comprend les questions et, je le regrette, les réponses. C'est la seule manière de terminer la séance dans les délais.
    Madame Frank, je vous explique que s'il faut s'en tenir strictement à l'horaire, c'est que nous devons assister à la période des questions, et tous devront se rendre dans l'édifice où siège le Parlement.
    Cela dit, je vous donne la parole en premier, madame Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre exposé, madame Frank. Nous tous ici présents vous sommes reconnaissants du temps que vous nous accordez et de votre exposé sur la situation qui existe au Honduras.
    Récemment, la situation du Honduras a attiré de plus en plus d'attention au niveau international. Pourriez-vous expliquer en détail les enquêtes et les mesures de diverses organisations internationales et de divers États au sujet de la situation qui règne au Honduras?

  (1330)  

    Oui. Divers groupes ont sonné l'alarme, et ils le font de plus en plus. D'abord, l'Organisation des États américains, qui a régulièrement tiré la sonnette d'alarme. Plus particulièrement, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a entendu les témoignages de paysans et de campesinos dans la vallée d'Aguán. Ces instances examinent en ce moment la cause de juges dits de la résistance, de juges et de procureurs qui ont été démis de leurs fonctions par le gouvernement Lobo à cause de leur opposition au coup d'État et qui n'ont jamais retrouvé leurs fonctions. Les diverses organisations s'inquiètent aussi de la liberté de la presse au Honduras, et l'OEA continue d'entendre des causes à ses audiences de Washington.
    Human Rights Watch a régulièrement lancé des signaux d'alarme. Dans son rapport récent, l'organisation attire l'attention sur l'impunité, le manque de liberté de la presse, la répression de l'opposition, celle des transgenres et celle des juristes.
    Amnistie Internationale a lancé des alertes particulières, demandant notamment une enquête et des poursuites au sujet de l'assassinat d'Antonio Trejo, l'avocat des campesinos qui a été tué en septembre, et régulièrement, d'autres alertes particulières au sujet de certains cas.
    Enfin, le rapporteur spécial de l'ONU, Frank La Rue, et Margaret Sekaggya, de l'ONU, ont régulièrement lancé des avertissements au sujet de la situation des droits de la personne au Honduras et du non-respect de la primauté du droit.
    C'est avec plaisir que je vous ferai parvenir toute cette documentation.
    Pour les gouvernements étrangers, il est très difficile d'aborder des situations fragiles comme celle du Honduras. Quelles mesures, quelle aide des pays comme le Canada peuvent-ils apporter pour renforcer la capacité du Honduras de devenir un État juste et démocratique?
    Merci.
    Ce que les autres pays peuvent faire? L'approche actuelle des États-Unis, qui consiste à continuer de dire... [Note de la rédaction: difficultés techniques]
    Les efforts que les États-Unis et divers gouvernements ont déployés pour amener le gouvernement hondurien à respecter la primauté du droit, à accroître les moyens d'intenter des poursuites, à assainir la police se sont soldés jusqu'ici par des échecs retentissants. Comme il n'existe aucune volonté politique d'apporter des réformes dans l'appareil étatique actuel, c'est-à-dire l'administration Lobo, l'exécutif, le congrès et la Cour suprême maintenant sous leur contrôle, nous ne pouvons faire évoluer la situation en aidant le gouvernement à s'assainir. La seule voie possible, c'est de réduire la police et l'armée immédiatement et de dénoncer publiquement le gouvernement corrompu dirigé par Pepe Lobo et Juan Orlando Hernandez.
    Nous devons exiger la protection immédiate des défenseurs des droits de la personne qui reçoivent des menaces et il faut refuser de coopérer avec ce gouvernement, qui a maintes fois la preuve qu'il n'a pas la volonté politique de s'assainir. Un grand nombre de ces personnalités tirent profit, justement, de ce problème même.
    Depuis des années, les Honduriens sont anéantis par l'obscurantisme et la pauvreté. À quelle époque de l'histoire du pays les germes de ce dysfonctionnement ont-ils été propagés?
    Beaucoup de problèmes remontent à des décennies, dans l'histoire du Honduras, et beaucoup ont été aggravés de façon frappante par le coup d'État, qui a ouvert la porte à une corruption spectaculaire et au déclin presque complet... [Note de la rédaction: difficultés techniques]. Certains remontent au contrôle de l'économie hondurienne par... [Note de la rédaction: difficultés techniques] des familles, ceux qu'on appelle les oligarques et qui contrôlent l'économie et le système politique du Honduras.
    Jusqu'à cette année, il n'y avait jamais eu de parti de rechange viable dans l'histoire du Honduras, et la longue histoire de United Fruit et du contrôle américain de l'économie et du système politique honduriens a appuyé ce modèle, sans oublier un soutien de longue date des militaires honduriens. Par le passé, le Honduras a toujours servi de base pour les interventions militaires en Amérique centrale.
    Ces problèmes ont donc une longue histoire, et il y a une longue histoire de familles qui contrôlent la vaste majorité de la richesse du Honduras et refusent de la redistribuer, une longue histoire d'un contrôle militaire terrifiant sur le pays, une police corrompue depuis des générations.
    Tout s'est aggravé brutalement depuis le coup d'État. Le gouvernement est plongé en pleine collusion et il nie le principe de la primauté du droit. Prenons le nombre d'homicides, par exemple. Il a monté en flèche et l'opposition est ciblée. Les activités des escadrons de la mort ont été très graves à partir des années 1980, mais les homicides sont maintenant tout aussi nombreux. La répression massive de la société civile s'est aggravée de façon frappante depuis le coup d'État.

  (1335)  

    Merci.
    Monsieur Marston.
    Merci, madame Frank. Je vous suis vraiment reconnaissant que vous ayez enfin pu communiquer avec nous.
    Vous avez parlé tout à l'heure de la puissante opposition qui se manifeste au Congrès américain contre les politiques américaines au Honduras. Pourriez-vous parler plus longuement de l'impact des villes à charte et de la politique américaine?
    Oui. D'abord les villes à charte ou les villes modèles, qui ont été proposées par des personnalités à l'extérieur du Honduras. Il s'agirait de zones économiques et politiques où la constitution du Honduras ne s'appliquerait pas, pas plus que les lois du travail et bien d'autres. Bref, le régime juridique ne s'appliquerait pas. Perspective terrifiante, évidemment, que celle de ces zones qui seraient contrôlées par des étrangers. Selon la nouvelle loi qui a été adoptée en janvier ou à la fin de décembre, elles auraient le droit d'élaborer des traités et de créer toutes sortes de droits internationaux. C'est un modèle très inquiétant qui suscite une énorme opposition au Honduras et dans le monde entier.
    J'en arrive plus directement au Congrès américain. L'opposition grandit au Congrès, mais elle existe depuis le coup d'État. Celui qui était alors le sénateur Kerry et le représentant Berman ont reproché à Obama de ne pas avoir qualifié le coup d'État de militaire, car cela aurait entraîné la suppression ou la suspension immédiate de l'aide. À la Chambre des représentants, 94 membres du Congrès ont signé une lettre adressée à la secrétaire Clinton, le printemps dernier, réclamant la suppression immédiate de toute l'aide à la police et aux militaires au Honduras à cause des problèmes de violation des droits de la personne.
    Au Sénat, l'opposition n'a cessé de grandir, menée plus spécialement par le sénateur Patrick Leahy, le sénateur le plus haut placé au Sénat. L'été dernier, il a suspendu une aide à la police et aux militaires du Honduras de plus de 50 millions de dollars, dont environ 10 millions de dollars sont toujours suspendus, que je sache.
    De nombreuses voix se sont fait entendre au Sénat et à la Chambre pour réclamer l'application du Leahy Act, loi de 1998 selon laquelle, si des forces de sécurité, une personne ou une unité financées par les États-Unis commettent des violations flagrantes des droits de la personne, tout versement qui leur est destiné, à eux ou à leur unité, est suspendu dans l'attente d'une enquête.
    L'été dernier, tous les fonds destinés à l'actuel chef national de la police, Juan Carlos Bonilla, aussi appelé El Tigre Bonilla, celui sur qui pèse des allégations documentées d'activités d'escadrons de la mort, et à toute unité relevant de lui, ont été suspendus. La suspension tient toujours, bien qu'il y ait des divergences d'opinions par rapport à la version obtenue du département d'État quant à la définition de « relevant de lui ».
    Je dirai simplement que l'intérêt croît au Sénat tout comme à la Chambre. Nous avons reçu beaucoup de lettres de membres du Congrès, parfois entre 50 et 80, au sujet de l'assassinat de personnes LGBT au Honduras, des droits des Afro-Indigènes et des droits fondamentaux des campesinos.
    Le sénateur Kerry occupe un poste différent de celui qui était le sien lorsqu'il a soulevé ses préoccupations. Y a-t-il des signes selon lesquels il éprouverait les mêmes inquiétudes qu'au moment où il était sénateur?
    Non, aucun signe, et c'est ce que nous attendons tous. Depuis deux ans, il ne dit pas grand-chose du Honduras. Le seul signal que nous ayons remarqué a été donné au moment de l'allocution que le président Obama a prononcée au Costa Rica la semaine dernière devant tous les présidents de l'Amérique centrale. Répondant à une question, Obama a dit que les États-Unis recherchaient une approche plus économique que militaire de la guerre contre la drogue. C'est un bon signal, mais par ailleurs, les États-Unis appuient en ce moment la militarisation de la police hondurienne.
    C'est donc un bon signe. Quant à savoir si cela veut vraiment dire quelque chose et si l'initiative est venue du secrétaire d'État Kerry, je l'ignore.

  (1340)  

    Ce qui me vient à l'esprit, c'est que le seul levier que les Américains puissent actionner, c'est celui des fonds qu'ils peuvent couper.
    C'est une question qui remonte fort loin. Si on coupe les fonds, on n'a plus de levier. C'est précisément le genre d'argument qui a été utilisé au Brésil vers la fin des années 1960 et au début des années 1970, au nom de l'engagement constructif. Même chose en Argentine, où les États-Unis ont continué de soutenir la police et les militaires au moment où ils tuaient des milliers et des milliers de gens dans des circonstances terrifiantes.
    On peut se demander où se situe le levier, mais je crois aussi que nous devons dire une fois pour toutes que nous n'allons pas financer l'activité meurtrière de la police hondurienne. Comment ces gens-là vont-ils capter le message si nous ne coupons pas les fonds? Il faudrait faire la même chose avec les militaires.
    Je tiens à souligner que les États-Unis ont accru leur présence militaire chaque année depuis le coup d'État, y compris au Honduras. Les fonds militaires versés à la police et aux militaires du Honduras ont augmenté au lieu de diminuer, et cela vient du département d'État et de l'administration Obama, et aussi de l'armée américaine, qui est plus présente au Honduras depuis le coup d'État.
    Je ne voulais pas parler d'un levier. Je suis d'accord avec vous pour dire que couper les fonds est la seule manière d'apporter quelque changement.
    Malheureusement, il faut passer au prochain député. Le temps passe. Monsieur Sweet, je vous en prie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Frank, merci beaucoup. Il est certain que, avec un taux d'homicides de 82,1 par tranche de 100 000 habitants, la situation est grave et même désespérée au Honduras. Je voudrais essayer de vérifier quelque chose. Nous allons regrouper tous les témoignages pour produire le rapport le plus exact possible sur la situation des droits de la personne et l'orientation que suit le gouvernement du Honduras.
    Votre témoignage semble trancher nettement avec celui de témoins très crédibles que nous avons accueillis. Le 18 avril, il y a environ trois semaines, nous avons entendu Son Excellence Adam Blackwell. Il a un CV étincelant. Il s'intéresse à la situation depuis pas mal de temps. Voici sa conclusion:
J'aimerais dire pour conclure que, bien que la situation au Honduras demeure difficile, l'OEA reconnaît la contribution du gouvernement du président Lobo et des trois candidats des partis politiques qui travaillent avec nous sur un pacte politique, afin de trouver une solution systémique viable aux problèmes des droits de la personne et de l'insécurité au Honduras.
    Voilà qui contredit directement votre affirmation catégorique voulant que le gouvernement Lobo ait une politique concertée de corruption. Pourriez-vous m'aider à concilier ces deux déclarations, la vôtre et celle de M. Blackwell?
    J'ai un profond respect pour M. Blackwell, que j'ai rencontré. J'ai remarqué cette citation de son témoignage. Je suis tout à fait d'accord avec lui sur beaucoup de choses qu'il a dites pendant ce témoignage. Cette citation m'a interpellée, moi aussi. Il me semble complètement impossible que les trois partis puissent parvenir à un consensus, car il y a là un parti au pouvoir qui malmène de plus en plus la constitution. Par exemple, c'est un parti qui n'a rien fait pour freiner la répression exercée sur le tiers parti, Libre, qui, je tiens à le souligner, domine les sondages. De façon concertée, le gouvernement garde le silence sur la répression dont ce parti est victime.
    Ces partis ont aussi des intérêts qui s'opposent de façon frappante. Libre appuie la constitution et souhaite la redistribution de la richesse. Il veut réformer la police de fond en comble. Ce sont des positions diamétralement opposées. Je tente une comparaison: c'est comme le renard qui proposerait aux poules de nettoyer le poulailler avec elles et voudrait s'entendre là-dessus. C'est impossible. Il est même impossible d'amener le gouvernement à accepter les bulletins électoraux électroniques, ce que Libre souhaite pour avoir des élections justes et libres.
    Je souhaiterais qu'il soit vrai qu'un pacte est possible entre les partis, puisqu'il y en a également d'autres, mais je ne peux pas imaginer que ce soit possible tant que dure cette situation terrifiante d'un parti au pouvoir qui bafoue les libertés civiles et la primauté du droit.
    Dans les témoignages entendus, il semble que la plupart des gens... En disant cela, je me tourne vers mes collègues, car si ma mémoire est fidèle, la plupart des témoins s'inquiétaient vivement des problèmes dans la police et les échelons inférieurs de gouvernement, cela ne fait pas de doute. Mais il semble que la plupart estimaient que le gouvernement Lobo travaillait avec eux de façon constructive.
    Voici le nom d'un autre témoin qui a comparu il y a une quinzaine. Rick Craig, de la Justice Education Society of British Columbia, a dit, et je paraphrase, puisque je n'ai pas le témoignage sous les yeux, que même si le travail était ardu et considérable, on réalisait des progrès appréciables dans la reconstruction du système de justice, dirais-je, faute de meilleurs mots, car j'ai oublié le texte exact. Selon lui, la démarche est longue et doit se faire par étape, mais il y a des progrès.

  (1345)  

    Assurément, je ne suis pas d'accord. Parlons d'abord de l'assainissement de la police et du rôle de Lobo à cet égard.
    Trois commissions se sont succédé, dont la plus récente, la CRSB, soit la commission d'examen de la sécurité ou commission Meza. Victor Meza, premier dirigeant de la commission, a dit très récemment que le système était en lambeaux, que la police n'était pas en voie d'assainissement, que l'assainissement de la police avait été un échec.
    Le gouvernement lui-même avoue que les efforts d'assainissement ont échoué et amorce un nouveau processus. Ces deux dernières semaines, nous avons vu beaucoup de nouvelles mesures visant censément à assainir la police et les services du procureur, notamment la suspension du procureur général, Luis Rubi.
    Ceux qui sont nommés sont des auteurs du coup d'État. Ainsi, Arturo Corrales, l'ancien ministre des Affaires étrangères, est maintenant le nouveau ministre de la Sécurité, et le ministre de la Défense relève de lui, mais celui-ci n'en reconnaît pas la compétence. Il est celui qui venait tout juste de nommer des colonels à la retraite à la direction de la police. La situation est terrifiante. Par conséquent, si vous considérez les mesures récentes d'assainissement...
    Quant au rôle de Lobo, je tiens à souligner que c'est Lobo lui-même qui a nommé ces gens: Arturo Corrales et ceux qu'il a à son tour nommés. Lobo n'a pas dit un mot de Juan Carlos Bonilla, le chef national de la police qui est accusé sur la foi de faits sérieux par l'ancienne inspectrice de police Maria Luisa Borjas de meurtres commis par des escadrons de la mort. Lui-même a appuyé Hector Ivan Mejia, qui a été le porte-parole national de la police des transports en commun, qu'il dirige maintenant, et qui est visé par un mandat d'arrestation pour avoir lancé des gaz lacrymogènes contre une manifestation pacifique de l'opposition en 2011 et avoir fait intrusion dans une station de radio de l'opposition.
    C'est donc Lobo qui a fermé les yeux et autorisé la nomination d'El Tigre Bonilla. Je voudrais bien pouvoir dire que Lobo est un chic type. J'ai voulu le croire. Il n'est pas le pire de la bande, mais il a sans cesse nommé ce genre de gens à des postes de haut niveau.
    D'accord, merci.
    Nous passons aux questions du prochain député. Monsieur Casey, je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de comparaître, madame Frank. Je voudrais vous parler de deux avocats en vue qui ont été assassinés, Cabrera et Mazariegos. Pouvez-vous nous en dire quelques mots? Quelles sont les démarches qui ont suivi?
    Oui. Le premier, Antonio Trejo Cabrera, était l'avocat de MARCA, un groupe de campesinos de la vallée d'Aguán qui suivait une stratégie strictement judiciaire. Il essayait de récupérer les terres dont Miguel Facussé, l'homme le plus riche et le plus puissant du pays, s'était emparé illégalement. Fin mai, plus précisément le 30 mai dernier, je crois, le groupe a obtenu une première décision judiciaire en sa faveur pour reprendre les terres illégalement confisquées par Miguel Facussé. Tout l'été, Antonio Trejo a reçu des menaces de mort. Il a déclaré publiquement que, s'il était tué, le responsable serait Miguel Facussé. Il a été assassiné en septembre devant une église où il venait de célébrer un mariage.
    Que je sache, il n'y a eu aucune poursuite, aucune inculpation, aucune arrestation relativement au meurtre d'Antonio Trejo.
    Je ne connais pas très bien l'autre affaire. Dans les jours suivants, il y a eu des articles dans les journaux au sujet de gens qui auraient été arrêtés. Je n'ai rien vu depuis qui donne à penser qu'il y ait eu des suites. S'il y en avait eu, il en aurait été question dans les informations. Je consulte quotidiennement les journaux du Honduras.
    Nous distinguons là le modèle de l'impunité, des assassinats pour des motifs politiques. Je n'en ai pas parlé, mais il y a eu continuellement des assassinats, des menaces de mort et des attaques dont les journalistes et les avocats ont été victimes. Le dirigeant de l'association des stations de télévision et de radio indépendantes a été agressé physiquement il y a quelques jours à cause de son opposition à une nouvelle loi qui brimerait la liberté d'expression.

  (1350)  

    En ce qui concerne le premier, Antonio Trejo Cabrera, je crois savoir que son frère a été tué cette année. Pouvez-vous nous communiquer les dernières informations à ce sujet? Y a-t-il une enquête?
    Non, je ne suis au courant de rien à propos du meurtre de son frère. Cela s'inscrit dans le courant des assassinats de Campesinos dans la vallée d'Aguán. Je suis désolée, je n'ai aucune information à ce sujet.
    Je vois. L'avocat en question s'occupait d'un important litige portant sur des terres. Pourriez-vous parler plus généralement des questions foncières, de leur rôle, si je puis dire, dans tous les problèmes de droits de la personne auxquels vous vous reportez?
    Oui. Merci beaucoup. Les milieux internationaux des droits de la personne se sont intéressés intensément à la situation de la basse vallée d'Aguán. Il y a là une histoire de réforme agraire. C'est là qu'elle a eu lieu, au Honduras, dans les années 1970 et 1980. Peu à peu, dans les années 1990 et 2000, avec l'encouragement de gouvernements antérieurs, les terres ont été reprises, surtout illégalement — parfois à la pointe d'un fusil, parfois par des tactiques juridiques corrompues, parfois avec l'encouragement du gouvernement — par une série de grands propriétaires terriens qui ont converti les terres en cultures de palmiers à huile d'Afrique, contraignant souvent les campesinos et leurs collectifs à partir. Le chef de file de ces grands propriétaires est Miguel Facussé, l'homme le plus riche et le plus puissant du pays et l'un des principaux soutiens du coup d'État.
    Depuis trois ans et demi, depuis décembre 2009, il y a eu des causes judiciaires menées très activement afin de récupérer ces terres et les terres de l'État qui étaient censées être données, dans le cadre de la réforme agraire, et ce qu'on a appelé des récupérations foncières par lesquelles des gens reprennent les terres saisies illégalement. De leur côté, M. Facussé et d'autres propriétaires terriens auraient tué au moins 96 campesinos, d'habitude un à un. Certains parlent de massacre au ralenti. Les assassinats se poursuivent; il y en aurait eu au moins 12 depuis le début de l'année. Il n'y a eu de poursuites dans aucun cas. Des gardes de sécurité ont aussi été tués, quelques-uns en tout cas. Nous ne savons pas vraiment où en est la situation.
    Il est très inquiétant et incroyablement terrifiant de voir cette impunité complète dans la vallée d'Aguán où sévissent des forces de sécurité de l'État financées par les États-Unis et les armées privées de ces gens-là. Au Honduras, il y a du reste plus de gardes de sécurité privés que de policiers.
    L'une des choses les plus terribles qui témoignent de leur pouvoir, c'est qu'une journaliste de la vallée d'Aguán qui travaille avec les campesinos a été kidnappée au début de l'automne, mais pas tuée. Ses ravisseurs l'ont relâchée pour qu'elle puisse revenir dire à tous les autres qu'ils allaient tous être tués, un à un. Et c'est ce qui se passe.
    Merci, monsieur Casey.
    Merci.
    Nous entendrons maintenant MM. Sweet et Schellenberger, qui vont se partager cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci encore, madame Frank.
    J'essayais de retrouver le texte exact, mais je me souviens maintenant de ce que je voulais vous demander au sujet du témoignage de Rick Craig, de la Justice Education Society of British Columbia. Il a dit qu'il y avait quatre régions, mais disons un certain nombre de régions. Son groupe travaille avec les services d'application de la loi et s'occupe des affaires les plus graves, les meurtres, et travaille avec le ministère public, les procureurs et la police. Ce travail se fait en ce moment. Selon lui, il y a des progrès. On apprend là-bas comment gérer les affaires les plus difficiles. Ainsi, les gens sur place seront en mesure de se charger des affaires qui sont, faute de meilleur mot, moins prioritaires que l'assassinat de gens dans les rues.
    Êtes-vous au courant de ce travail qui se fait sur le terrain?

  (1355)  

    Je ne suis pas au courant de tous les cas. Il y a le groupe de travail sur les crimes majeurs, financé et formé par les États-Unis. Je n'ai pas vu de résultats importants de ce travail. Il y a eu quelques poursuites symboliques. Par exemple, un membre de la police militaire a été condamné il y a quelque temps pour avoir cassé l'appareil photo d'un journaliste. C'est le seul...
    Je n'ai rien remarqué dans les causes en vue, les affaires très importantes. Par exemple, Alfredo Landaverde, ancien commissaire de police qui a dénoncé la corruption policière à l'automne de 2011 a été assassiné en décembre 2011. Dans cette affaire très en vue, rien ne s'est passé. Rien non plus en ce qui concerne Villatoro, un grand annonceur à la radio et ami du président Lobo, qui a été assassiné au printemps 2012. Ce sont les affaires les plus en vue auxquelles on n'a pas donné suite.
    Je crois qu'il y a une tendance à faire enquête sur certaines affaires. Je ne dirais pas que rien ne bouge, mais je dirais aussi... [Note de la rédaction: difficultés techniques] c'est en grande partie symbolique. Il n'y a pas autant de poursuites qu'il devrait y en avoir.
    Celui qui, avec le plus d'évidence, devrait être poursuivi est M. Facussé, qui a allégué et a lui-même admis, notamment dans une lettre qui m'a été adressée, que ses forces de sécurité avaient tué quatre campesinos à El Tumbador à la fin de 2009. Il prétend qu'il s'agissait de légitime défense. Pourquoi n'a-t-on pas fait enquête?
    Oui, il y a une certaine évolution, mais pas significative. Après les nominations récentes d'Arturo Corrales, qui était négociateur principal pour le dirigeant du coup d'État, et de Roberto Micheletti, nouveau ministre de la Sécurité et de la Défense, nous avons encore deux personnalités militaires effrayantes qui occupent des postes de haut rang dans la police.
    Il ne faut pas oublier non plus la situation très inquiétante du bureau du procureur, où le principal procureur chargé de la lutte contre le blanchiment d'argent a été assassiné il y a quelques semaines.
    Madame Frank, j'ai ceci à vous demander: M. Blackwell a estimé que le limogeage du procureur général était très constructif, mais vous le présentez comme très négatif.
    Pourriez-vous répondre rapidement? Comme il me reste une dernière question, il serait fantastique que vous puissiez répondre en 60 secondes.
    Oh, non, la suspension de Luis Rubi, le procureur général, soupçonné d'être un narcotrafiquant, d'après ce que j'ai appris, a été une très bonne chose. Et Danelia Ferrera, qui était au premier rang des procureurs, a démissionné récemment parce qu'elle allait être suspendue ou invitée à démissionner. Elle a remis sa démission il y a environ deux jours.
    Ce sont d'excellentes mesures. Je voudrais voir qui sera le nouveau procureur général, car la tendance... Je crois que cela est le signe de nouvelles pressions de l'ambassade américaine. Je tiens encore à souligner que des gens sont suspendus, mutés ou invités à remettre leur démission, mais ceux qui leur succèdent ont eux-mêmes un bilan terrifiant en matière de violations des droits de la personne, de corruption ou de narcotrafic.
    Je ne peux pas dire que soit systématique, puisqu'il y a des gens irréprochables aussi, mais le scénario semble se répéter. Ces nominations récentes sont elles-mêmes un signal d'alarme.
    Madame Frank, vous avez parlé du Brésil tout à l'heure. Estimez-vous que le désengagement est la seule solution dans le cas du Honduras?
    Il faut un geste de désengagement. Ce dont nous avons besoin, en fait, et je veux ici étayer le témoignage de Karen Spring, qui a dit la même chose [Note de la rédaction: difficultés techniques]... le haut-commissariat de l'ONU aux droits de l'homme doit intervenir.
    La seule solution, au fond, c'est une commission comme la CICIG, au Guatemala, qui aurait autorité sur le gouvernement du Honduras. Il serait excellent que le Brésil participe à ce genre de processus. Je crois que c'est la seule manière de progresser.
    J'insiste aussi sur le fait que, à mon avis, l'actuel gouvernement hondurien ou Juan Orlando Hernández, qui pourrait devenir président, ne sont pas capables de faire eux-mêmes le travail d'assainissement.

  (1400)  

    Si vous voulez demander la lettre, vous pouvez le faire dès maintenant.
    Oh, d'accord.
    La lettre dont vous avez parlé, celle du propriétaire qui a admis avoir tué plusieurs personnes, apparemment par légitime défense, pourriez-vous la communiquer au comité, qui pourra la considérer comme un élément de preuve?
    Je le crois. C'est un peu dangereux. Je peux certes en parler, mais c'est une lettre que j'ai reçue à titre personnel.
    Mais oui, je peux la communiquer. Il a fait le même aveu dans d'autres contextes également. Oui, je peux vous la transmettre.
    Passons au député qui posera les dernières questions.

[Français]

    Monsieur Jacob, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Professeur Frank, je vous remercie du précieux éclairage apporté par votre témoignage devant le comité cet après-midi.
    Bref, on est loin de la primauté du droit, au Honduras. J'aimerais entendre vos commentaires et votre avis sur ce qui suit. L'ONG Freedom House classe le Honduras au deuxième rang des pays les plus dangereux pour les journalistes. Depuis 2009, 19 journalistes ont été tués, et on déplore le fait que les médias sont concentrés principalement entre les mains de quelques entreprises liées au pouvoir et que l'autocensure est fréquente. La corruption de journalistes et la manipulation de la publicité seraient utilisées pour assurer une couverture positive et faire taire les opposants.
    Vous avez dit plus tôt qu'il y avait des attentats contre les stations de télévision parce qu'elles critiquaient le pouvoir. J'aimerais entendre votre avis et vos commentaires sur cette affirmation.

[Traduction]

    La situation des médias, de la liberté des médias est très inquiétante. J'ai donné une estimation prudente du nombre de journalistes tués, mais au-delà de cela, des journalistes qui s'opposent au gouvernement fédéral, et pas seulement eux, mais aussi certains de ceux qui ont critiqué l'administration locale ou ont parlé du narcotrafic ont été aussi tués ou menacés. Être journaliste, c'est terrifiant. Tous les grands journaux sont contrôlés par les élites honduriennes. La situation est très effrayante pour les journalistes de la radio, de l'imprimé et en ligne. Et cela vaut pour des gens dont les allégeances politiques sont très différentes.
    Une loi d'adoption récente pénalise le fait de critiquer une société ou de critiquer injustement des éléments du gouvernement. Une nouvelle loi sur les médias, chaudement débattue en ce moment, contrôlerait les permis et restreindrait davantage la liberté des médias. La situation est très alarmante, et pas uniquement à cause des assassinats et des menaces de mort, qui ne s'arrêtent jamais — les menaces de mort continuent, et il y a l'exemple de cet homme qui s'occupait de l'association des stations de radio et de télévision indépendantes et qui a été victime de voies de fait —, mais aussi à cause des actes concertés du congrès pour, tout récemment, adopter des lois qui répriment très explicitement la liberté d'expression au Honduras. La question a mobilisé beaucoup d'attention, notamment à une audience de l'été dernier au Congrès américain, et à la Commission Tom Lantos des droits de l'homme, à la Chambre des représentants.

[Français]

    Selon le Comité des familles de détenus et disparus du Honduras, en 2010 seulement, il y a eu plus de 10 000 plaintes de violation des droits de la personne par les forces de sécurité. Les autorités judiciaires n'ont pas donné suite à ces plaintes.
    Pouvez-vous nous fournir davantage de détails sur la nature de ces plaintes?

[Traduction]

    Ces plaintes comprennent... Je n'ai pas vu les 10 000 plaintes et je veux [Note de la rédaction: difficultés techniques] ... le gouvernement a donné les mêmes chiffres. Il n'y a donc pas que le COFADEH, qui est très probe, mais aussi le gouvernement du Honduras. Je souligne également la donnée que le gouvernement a communiquée il y a quelques semaines: 80 p. 100 des crimes restent impunis.
    Les plaintes au sujet des forces de sécurité de l'État portent sur le harcèlement, les menaces, les assassinats, l'intimidation [Note de la rédaction: difficultés techniques]... le fait de ne pas agir. C'est très terrifiant, parfois au point où des personnes qui sont censées recevoir une protection sont gardées par les policiers qui les ont menacées. Il y a donc un large éventail de violations des droits de la personne qui ont été fort bien documentées, et si vous cherchez l'information à ce sujet, je souligne que le rapport de la commission de la vérité de la société civile est plein de témoignages et d'exemples de ces violations commises par les forces de sécurité de l'État.
    Maria Luisa Borjas, ancienne commissaire de police qui a fait enquête sur El Tigre Bonilla a eu un mot célèbre: dans une ruelle elle préférerait rencontrer cinq gangsters plutôt que cinq policiers. Les gens viennent [Note de la rédaction: difficultés techniques]... objections, et ils sont eux-mêmes harcelés et menacés. Il est très terrifiant de simplement parler ou formuler des plaintes. Des gens sont ensuite menacés parce qu'ils l'ont fait.

  (1405)  

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Jacob.

[Traduction]

    Madame Frank, je constate que l'écran fonctionne. Nous pouvons donc nous voir les uns les autres.
    Bonjour. Je tiens le téléphone parce que je ne sais pas trop d'où vient le son.
    Quoi que vous fassiez, ne changez rien. Tout marche bien, et c'est certainement un progrès.
    Avant de vous libérer — et je vous présente mes excuses, car j'aurais aimé avoir plus de temps pour vous poser des questions —, nous avons des analystes de la Bibliothèque du Parlement qui ont demandé si nous avions la traduction en anglais de la loi sur les villes à charte. Je crois que nous avons le texte espagnol. Nous avons d'excellents services de traduction du français à l'anglais et vice versa, mais l'espagnol présente pour nous une difficulté.
    Je n'ai pas la traduction du texte intégral de la loi, non. Je vais voir si je peux le trouver. Pour ma part, je n'ai pas le texte anglais, et je ne l'ai vu nulle part. Je présume que la loi a été traduite, puisqu'il en a été abondamment question dans la presse internationale des affaires.
    C'était au départ une idée américaine. L'idée a été proposée en anglais et ses premiers promoteurs, au moins aux premières étapes, étaient des Américains argentés.
    Oui, c'était Paul Romer, bien qu'il ait pris ses distances avec cette idée et ne l'appuie plus à cause des problèmes de manque de surveillance.
    Je souligne aussi qu'il y a deux lois. L'une d'elles a été adoptée l'an dernier, mais elle a été jugée inconstitutionnelle par la Cour suprême du Honduras, et une nouvelle version a été adoptée à la fin de décembre ou au début de janvier. Je précise donc qu'il vous faut la nouvelle version de la loi, non celle qui a été diffusée l'an dernier au niveau international.
    L'analyste hoche de la tête. Elle doit déjà être au courant. Je l'ignorais.
    Voilà qui me donne l'occasion de poser une dernière question. Vous avez exprimé des inquiétudes au sujet de la suspension dans les cités modèles non seulement des lois honduriennes ordinaires, mais aussi de la constitution même. Pour quel motif la Cour suprême a-t-elle annulé la première loi sur les villes modèles?
    Je n'ai pas pris connaissance de l'arrêt, mais seulement des comptes rendus des journaux, qui ont été énormes.
    Il y avait un certain nombre de choses, mais mon impression, qu'il reste à confirmer, est que la constitution n'accordait pas le pouvoir d'édicter une loi semblable. Il y avait d'autres questions plus secondaires, comme le pouvoir de conclure des traités avec des puissances étrangères qui était prévu dans la proposition des villes dites modèles.
    Je tiens à rappeler que 12 000 personnes ont signé des pétitions pour s'opposer aux villes modèles, et elles les ont remises au gouvernement du Honduras. L'opposition a été énorme.
    Une précision: ces pétitions dont vous parlez, elles dénonçaient l'idée même des villes modèles et non la première loi sur les villes modèles?
    Elles portaient précisément sur la loi, mais la société civile s'inquiétait aussi vivement à l'idée de céder du territoire hondurien à des étrangers, et surtout à des sociétés étrangères, qui auraient alors eu la possibilité d'exploiter les travailleurs à volonté. Il est vraiment terrifiant que ces villes puissent conclure des traités avec l'étranger... C'est une idée terrifiante que celle de céder une partie du territoire national, celle d'un gouvernement hondurien qui admettrait ne pas avoir le pouvoir de légiférer sur son propre territoire.
    Très bien. C'est très utile.
    Tout ce que vous avez fait a été très utile. Comme je l'ai dit au début, vous avez aussi été très patiente malgré nos problèmes techniques. Merci, madame.
    Ce qui va sans doute se passer, puisque nous avons un suivi à faire, c'est que la greffière va communiquer avec vous au sujet des documents sur lesquels nous nous sommes informés.
    Encore une fois, au nom de tout le sous-comité, merci beaucoup d'avoir comparu aujourd'hui.
    Merci à vous tous de votre intérêt pour le Honduras. Cela représente beaucoup de chose pour moi personnellement. Merci.

  (1410)  

    Merci beaucoup.
    Chers collègues, la séance est levée.
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