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RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 078 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 avril 2013

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Nous sommes réunis ici pour poursuivre notre étude sur la diversification des marchés dans le secteur de l'énergie. Nous nous penchons sur la diversification des marchés où le Canada expédie — ou pourrait expédier — ses produits. Nous examinons également la diversification des produits eux-mêmes, produits qui peuvent être élaborés au Canada à partir des ressources naturelles.
    Nous avons transmis cinq ou six questions aux témoins, et nous leur avons demandé de les prendre en considération au moment de rédiger leur exposé. Je les encourage à tenter, dans la mesure du possible, d'aborder ces questions et d'y répondre et, à coup sûr, de s'en tenir au sujet de la diversification des marchés dans le secteur de l'énergie.
    Cela dit, nous allons passer directement aux exposés. Le comité accueille aujourd'hui M. Jack Mintz, directeur et titulaire de la Chaire Palmer en politique publique de la School of Public Policy de l'Université de Calgary, qui est présent ici à titre personnel. Le comité accueille également M. Gil McGowan, président, Alberta Federation of Labour; M. Scott Willis, directeur, Politiques des ressources naturelles et de l'environnement, Chambre de commerce du Canada; et enfin, M. Rolf Wiborg, ingénieur, qui témoignera à titre personnel par vidéoconférence depuis Stavanger, en Norvège.
    Bienvenue à tous. Nous allons tenter dans la mesure du possible d'entendre les exposés dans l'ordre prévu. Nous allons commencer par M. Mintz.
    Vous avez environ sept minutes. Veuillez procéder, monsieur, si vous êtes prêt à le faire.
    J'aimerais tout d'abord vous remercier de m'avoir invité à m'adresser à vous sur ce que j'appellerai la question de l'expansion et de la diversification du marché de l'énergie. Je suis assurément heureux de me présenter de nouveau devant le comité et d'avoir l'occasion de discuter d'un certain nombre de questions sur lesquelles vous vous penchez. Ainsi, je formulerai quelques brèves observations.
    Vous ne serez pas surpris d'apprendre que, à l'heure actuelle, les exportations de pétrole et de gaz naturel du Canada se dirigent principalement aux États-Unis. Je suis d'avis que le Canada tirerait de grands avantages économiques et géopolitiques s'il augmentait et diversifiait ses exportations vers des marchés autres que celui des États-Unis. Mon exposé d'aujourd'hui a pour but de vous décrire ces avantages pour le Canada et de faire valoir que la capacité des pipelines doit être améliorée si nous souhaitons tirer profit de ces immenses avantages.
    J'aborderai d'abord les avantages économiques. Comme vous le savez, nous observons actuellement une croissance économique dans de nombreux pays de l'Asie, de l'Amérique latine et de l'Afrique, alors que les pays occidentaux ne connaissent rien de comparable. Même à long terme, on prévoit que la majeure partie de la demande énergétique proviendra des économies émergentes plutôt que de l'Amérique du Nord. Le Canada aurait intérêt à augmenter sa production énergétique pour répondre à la demande internationale.
    Les avantages économiques de l'expansion et de la diversification du marché de l'énergie sont manifestes et ont été démontrés par plusieurs études économiques crédibles. Selon ces études, le Canada connaîtrait les avantages nets globaux suivants.
    Premièrement, l'augmentation de la capacité des pipelines de 700 000 barils par jour augmenterait le PIB de plus de 100 milliards de dollars de 2016 à 2030 en raison de l'augmentation du nombre de pipelines vers les États-Unis et d'une réduction moindre du prix du pétrole. Il s'agit là d'une conclusion que mon collègue, Michael Moore, professeur à l'École de politique publique de l'Université de Calgary, a tirée à l'issue d'une étude qu'il a menée. Cette même étude montre que l'augmentation de la capacité de 500 000 barils par jour ferait croître le PIB de 16 milliards de dollars de 2016 à 2030 grâce à l'exportation de pétrole vers la Californie et les marchés asiatiques.
    Deuxièmement, de façon globale, l'ajout d'une capacité de près de 1,2 million de barils par jour ferait croître le PIB de 1 % chaque année au cours de la période 2016-2030. Là encore, cette information est tirée de l'étude menée par mon collègue Michael Moore.
    Troisièmement, les recettes des gouvernements fédéral et provinciaux augmenteraient de plus de 25 milliards de dollars au cours des 15 prochaines années grâce à la construction de pipelines fournissant 1,2 million de barils par jour et permettant l'exportation vers la côte du golfe du Mexique aux États-Unis, la Californie et l'Asie. Cela est également tiré de l'étude de Michael Moore.
    Quatrièmement, comme il est mentionné dans une étude menée par Robert Manselland and Wright, les retombées économiques du projet Northern Gateway rapporterait à l'économie canadienne des avantages nets de 125 milliards de dollars au cours de la période 2010-2048 en raison de l'expansion des exportations et du redressement du prix du pétrole, qui s'établirait entre 42 milliards de dollars — en fonction d'un taux de réduction de 5 % — et 16 milliards de dollars — en fonction d'un taux de réduction de 10 %.
    Cinquièmement, on estime que le projet de pipeline Northern Gateway augmentera les recettes publiques de 81 milliards de dollars sur une période de 30 ans.
    Ce sont là d'énormes sommes à être associées à l'expansion du marché de l'énergie. Même si le degré d'incertitude est, disons, de plus ou moins 20 %, les écarts sont négligeables puisque l'expansion du marché de l'énergie génère des gains économiques considérables. Ajoutez à cela l'expansion du marché du gaz naturel, et ces sommes augmentent encore davantage.
    Ce serait une énorme perte pour le Canada au chapitre de l'économie, des investissements, de l'emploi et des recettes publiques si l'on n'agrandissait pas le réseau de pipelines. Selon le scénario étudié par Michael Moore, l'augmentation de la capacité des pipelines créerait des emplois équivalents à 650 000 années-personnes. Les recettes fiscales augmenteraient de près de 1,7 milliard de dollars par année, ce qui permettrait aux gouvernements d'investir dans leur réseau routier, les hôpitaux et les écoles.
    J'aimerais aborder les arguments économiques formulés par les opposants à l'expansion du réseau de pipelines. Tout d'abord, certains d'entre eux affirment que les autres régions du Canada ne jouiraient pas de la croissance des exportations de pétrole et de gaz naturel. Des études montrent toutefois le contraire. Par exemple, M. Moore estime que l'Ontario connaîtrait une augmentation de son PIB de 3,5 milliards de dollars au cours des 15 prochaines années. Il indique également que l'expansion aurait au Québec des retombées de 777 millions de dollars.
    De manière générale, les analyses effectuées dans le cadre d'études se fondent sur les tableaux d'entrées-sorties de l'économie canadienne. La croissance dans un secteur de l'économie se transmet à d'autres secteurs par le jeu de la demande accrue des produits et des services. En outre, les gouvernements augmenteraient leurs recettes grâce aux taxes sur les biens et services et à l'impôt sur le revenu et les profits. Le gouvernement fédéral, quant à lui, recevrait plus de 40 % des recettes générées par l'expansion.

  (1535)  

    À mon avis, les études de ce genre sous-estiment probablement les avantages de l'expansion des pipelines sur les autres parties de l'économie puisqu'elles ne tiennent pas compte des changements des prix des produits et des intrants. La croissance dans l'Ouest suscitée par l'augmentation de la production énergétique ferait grimper les salaires et les prix dans cette région, ce qui renforcerait la compétitivité des autres régions du pays: la production se déplacerait vers les provinces où il est moins coûteux pour les entreprises de s'établir. Par conséquent, les salaires et les revenus augmenteraient dans ces provinces aussi. Cette augmentation serait en partie contrebalancée par l'augmentation du taux de change, particulièrement préjudiciable aux industries fortement axées sur l'exportation, mais il demeure que, de façon générale, l'économie canadienne serait plus forte en ce qui concerne le pouvoir d'achat de marchandises à l'étranger.
    Un autre point soulevé par les détracteurs concerne les coûts sociaux de la production énergétique, y compris les répercussions environnementales. Pour régler cette question, il est préférable d'attribuer un prix aux répercussions, par exemple à l'aide d'un système de réglementation de plafonnement et d'échange ou d'une taxe sur les émissions, plutôt que de restreindre certaines des activités de l'industrie. L'attribution d'un prix est une question extrêmement complexe, tout comme la lutte contre les changements climatiques, vu qu'elle repose sur une coordination internationale et ne relève pas que d'un seul pays.
    À titre d'exemple, comme l'a montré récemment le Département de l'Énergie des États-Unis, l'augmentation des émissions de dioxyde de carbone en Chine causées principalement par la production de charbon a éclipsé les réductions des émissions des États-Unis, du Canada et de l'Europe au cours de la période qui s'étend de 2005 à 2011.
    Si vous le permettez, je dirai maintenant quelques mots à propos des avantages géopolitiques. Comme je l'ai souligné dans de nombreux articles, l'un des avantages de la diversification du marché, à savoir l'amélioration de notre position de négociation par rapport aux États-Unis, va au-delà des retombées économiques; le Canada, dont l'économie correspond au dixième de celle de son voisin du Sud, n'a pas autant de poids s'il ne parvient pas à exporter ses produits vers d'autres marchés.
    Par exemple, nous avons connu de nombreuses années de négociations difficiles avec les États-Unis en matière d'exportation de bois d'oeuvre de résineux. La situation est toutefois en train de changer en raison de la diversification du marché. En 2001, une proportion de 80 % des produits forestiers canadiens étaient exportés au États-Unis, mais, en 2011, cette proportion a chuté à 60 % en raison de la demande croissante en Asie. Notre capacité d'exporter nos produits vers d'autres marchés renforce notre position de négociation.
    Bien que nos relations avec les États-Unis soient d'une grande valeur en raison de nos liens économiques et culturels, elles deviennent parfois tendues lorsqu'il est question de restrictions commerciales, de règlements de type « achetez Américain » ou de taxes à la frontière. Au chapitre de l'énergie, les États-Unis augmentent leur production intérieure de combustibles fossiles et importent du pétrole exploité en mer relativement cher et du pétrole canadien peu coûteux. L'expansion du réseau de pipelines de Cushing, en Oklahoma, à la côte du golfe du Mexique permettra aux États-Unis de remplacer le pétrole du Venezuela et du Mexique, dont l'approvisionnement est plus cher et moins fiable en raison des arrêts, par du pétrole moins coûteux du Nord des États-Unis. Si nous ne diversifions pas nos marchés d'exportation, nous serons mal placés pour négocier de nouvelles conditions pour l'exportation de nos produits énergétiques.
    À une plus grande échelle, la diversification du marché a un avantage considérable non seulement sur le plan économique, mais également sur le plan géopolitique. Si les États-Unis préfèrent notre pétrole à celui de pays instables, nous pouvons demander une prime, sous forme de prix plus élevé ou de compensation indirecte. Toutefois, nous n'aurons ce pouvoir que si notre position est crédible, et, à cette fin, nous devons exporter nos produits vers d'autres marchés.
    Merci.
    Merci, monsieur Mintz.
    Nous allons maintenant passer à M. Gil McGowan, président, Alberta Federation of Labour.
    Vous avez environ sept minutes. Allez-y, monsieur, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également les membres du comité.
    De manière à utiliser de façon optimale le temps limité dont je dispose, je vais vous présenter une série de chiffres ou d'ensembles de chiffres qui font ressortir des éléments importants de l'industrie albertaine des sables bitumineux. Une fois que j'aurai terminé de vous présenter ces chiffres, j'indiquerai les liens qu'ils ont avec votre étude sur la diversification des marchés, et je formulerai quelques conclusions stratégiques.
    Le premier ensemble de chiffres que je souhaite vous présenter concerne la production tirée des sables bitumineux. Les chiffres sont les suivants: 1,5 million, 3 millions et 5 millions. Le premier concerne la production actuelle tirée des sables bitumineux, le deuxième, la production prévue dans quatre ou cinq ans, et le troisième, la prédiction à moyen terme fixée par de nombreux observateurs de l'industrie.
    Le deuxième ensemble est composé des chiffres suivants: 65 %, 72 %, 55 %, 47 % et 23 %. Le premier pourcentage, à savoir 65 %, renvoie à la proportion de pétrole tirée des sables bitumineux qui a été transformée en Alberta au fil des ans; le deuxième, à savoir 72 %, à l'objectif que l'ancien premier ministre de l'Alberta, M. Stelmach, avait fixé pour le gouvernement qu'il dirigeait; le troisième, 55 %, à la proportion actuelle; le quatrième, 47 %, à la proportion prévue d'ici 2017 par l'Energy Resources Conservation Board; et le cinquième, 23 %, à la proportion de pétrole extrait des sables bitumineux qui, selon le groupe-conseil Wood Mackenzie, sera transformé d'ici 2025, vu que presque l'intégralité de la nouvelle production sera exportée sous sa forme brute.
    Le prochain chiffre que je veux soumettre à votre attention est le suivant: 22 000. Il s'agit là du nombre d'Albertains qui occupent actuellement un emploi dans le domaine de la transformation, du raffinage ou des produits pétrochimiques. Selon un rapport publié récemment par le conseil sectoriel du pétrole, ce nombre demeurera stable dans l'avenir. Pour l'essentiel, on prévoit qu'aucun nouvel emploi ne sera créé dans le secteur de la transformation en Alberta à moyen ou à long terme.
    Les prochains chiffres sont les suivants: 17 000 et 17. Le premier renvoie au nombre d'emplois qui, selon une analyse du PIB effectuée par l'Alberta Federation of Labour, seraient créés si le bitume exporté dans le Midwest américain par le premier pipeline Keystone était transformé en Alberta. Il s'agit d'emplois directs et indirects. Le nombre d'emplois réels à long terme créés par le pipeline a été de 17. Traitez-moi de fou si vous le souhaitez, mais si l'on me donne le choix entre 17 000 et 17, j'opte pour 17.
    Dans le même ordre d'idées, notre analyse du PIB tend à indiquer que, si le bitume que l'on prévoit exporter par le pipeline Northern Gateway était transformé en Alberta, nous créerions 26 000 emplois directs et indirects, par opposition à 104 emplois permanents, comme des représentants de l'industrie l'ont eux-mêmes admis durant les audiences sur le projet de pipeline Northern Gateway.
    Voici un autre ensemble de chiffres: 1,6, 5 et 7. Le premier renvoie au nombre d'emplois créés par million de dollars d'investissement dans le seul secteur de l'extraction des sables bitumineux. Par comparaison, dans le secteur de la transformation, chaque million de dollars d'investissement créerait cinq emplois, et dans le secteur des produits pétrochimiques et du raffinage, il s'en créerait sept.
    Le prochain chiffre, à savoir 500 millions, a été énoncé par une entreprise nommée North West Upgrading, qui a estimé que, malgré ses capacités limitées de production — seulement 37 000 barils par jour —, ses activités auraient généré des recettes de 500 millions de dollars pour le gouvernement au cours de la seule dernière année, uniquement parce qu'elle se concentre sur la transformation du pétrole en diesel.
    Voici quelques chiffres très importants en ce qui a trait à l'accès aux marché. 50 % et 25 %. Une proportion de seulement 50 % des raffineries de notre principal marché d'exportation, à savoir les États-Unis, ont la capacité de transformer du bitume non raffiné. Ces cokeries, comme on les appelle, peuvent transformer les sables contenant du pétrole lourd en carburant de transport de grande valeur. Les raffineries qui ne sont pas en mesure de transformer le bitume en carburant de transport de grande valeur sont les unités de craquage. Ainsi, nous n'avons accès qu'à 50 % du marché américain. En Chine, une proportion de seulement 25 % des raffineries ont des capacités de cokéfaction.
    Le prochain chiffre est le suivant: 8 $ par baril. Au cours des audiences menées par l'Office national de l'énergie sur le projet de pipeline Northern Gateway, l'expert embauché par le gouvernement de l'Alberta — un vice-président de Downstream Consulting pour le compte d'une société établie à l'extérieur de Houston, à savoir Wood Mackenzie — a indiqué que, selon ses estimations, nous perdions 8 $ sur la vente de chaque baril de pétrole de l'Alberta chaque fois que nous avons recours aux cokeries de nos principaux marchés d'exportation.

  (1540)  

    Ainsi, une fois que cette proportion de 50 % des raffineries ont atteint leur capacité maximale, on doit recourir aux unités de craquage, qui ne peuvent transformer le bitume qu'en produit de faible valeur comme l'asphalte. Dès que cela se produit, la valeur de chaque baril que nous vendons diminue de 8 $. Cela concerne non pas seulement les barils que nous envoyons aux unités de craquage, mais tous les barils, car les gestionnaires de cokeries savent que, sans eux, nous risquons de toucher le fond du baril, si j'ose dire, et ils paient moins cher.
    La fédération que je représente a eu accès à des documents inédits du gouvernement de l'Alberta à propos de la transformation et de ses répercussions. Ces deux documents font quelque 8 000 pages. Le premier, qui date de deux ans, est intitulé Alberta's Value Added Oil Sands Opportunities, et montre que, lorsque nous exportons du bitume dilué, nous ne couvrons que 35 % de l'éventuelle chaîne de valeur, alors que, si nous faisons de la valorisation et produisons du pétrole brut synthétique, nous nous emparons de 70 % de la chaîne de valeur. Avec l'essence, cette proportion augmente à 85 %, et avec les produits pétrochimiques, elle augmente pratiquement à 100 %.
    Les prochains pourcentages sur lesquels je veux attirer votre attention sont les suivants: 40 % et 30 %. Le premier renvoie à l'écart qui existait entre le prix du pétrole brut léger non sulfuré West Texas Intermediate et celui du bitume dilué de l'Alberta à l'époque où Alison Redford, l'actuelle première ministre de notre province, a commencé à se plaindre de la présence d'une bulle spéculative relative au bitume, et a affirmé que l'écart croissant entre le prix des deux produits était en train de provoquer une crise en Alberta.
    Cela me mène au deuxième document que nous avons obtenu grâce aux dispositions relatives à l'accès à l'information. Ce document, intitulé Oil Sands Fiscal Regime Competitiveness Review, consiste en un examen mené par le gouvernement de l'Alberta et montre que, au cours des 20 dernières années, l'écart de prix a été d'environ 30 %, de sorte que cet écart n'est pas un phénomène nouveau. Le rapport indique également que, lorsque l'écart atteint 23 % — autre chiffre important —, la transformation en Alberta devient effectivement rentable. Ainsi, en réalité, un écart notable est une bonne chose pour l'économie albertaine, car cela accroît les avantages économiques des activités de transformation menées en Alberta. En fait, les bas prix du bitume représentent un véritable avantage concurrentiel pour les entreprises canadiennes de transformation.
    Un autre chiffre sur lequel je veux attirer votre attention concerne le volume de diluant qui doit être ajouté au bitume de manière à ce qu'il puisse s'écouler dans des pipelines, à savoir 30 %.
    En terminant, je vais vous faire part de la conclusion que je tire de ces chiffres et d'autres que je n'ai pas mentionnés. Ma conclusion est la suivante: les bas prix du bitume ne sont pas attribuables à une absence d'accès aux marchés. Ces prix sont la conséquence de plusieurs facteurs. Premièrement, la faible qualité de notre pétrole. Le bitume et le pétrole sont deux produits différents. Ainsi, notre pétrole est vendu à prix modique, et la surproduction inonde notre petit marché. Ce qui fait diminuer le prix, c'est l'expédition de notre pétrole dans ces 50 % de raffineries américaines que j'ai évoqué plus tôt.
    Deuxièmement, nous n'avons rien à craindre des bas prix du bitume. Des matières premières peu coûteuses peuvent effectivement être considérées comme un avantage concurrentiel.
    Troisièmement, les bas prix du bitume n'inquiètent pas les producteurs. Si c'était le cas, ils réduiraient leurs prévisions de production. Ils ne le font pas. Cela prouve qu'ils peuvent faire des profits intéressants même si les prix sont bas.
    Quatrièmement, de nombreux producteurs, plus particulièrement les raffineries situées aux États-Unis, préfèrent que les prix du bitume soient bas puisque cela leur permet d'acheter leurs matières premières à prix modique et de revendre à prix élevé des produits à valeur ajoutée. À mon avis, c'est cela que nous devrions faire au Canada.
    Cinquièmement, nous ne vendons pas le bon produit, et nous n'envisageons pas la diversification de la bonne façon. Nous devrions nous pencher non pas sur la diversification géographique des marchés, mais sur la diversification des produits, laquelle se traduirait par une diversification des marchés. Lorsque nous vendons du bitume dilué, nous ne faisons affaire qu'avec les cokeries, et elles sont peu nombreuses. Lorsque nous vendons du pétrole brut synthétique, nous faisons affaire avec les raffineries du monde entier, vu qu'elles disposent toutes de la capacité de le traiter. Lorsque nous vendons de l'essence, du diesel ou d'autres carburants de transport de grande valeur, nous faisons affaire avec toutes les personnes qui possèdent une voiture, un camion ou du matériel à faire fonctionner.
    En terminant, je mentionnerai que le fait d'accorder la priorité à la production à valeur ajoutée plutôt qu'aux exportations de produits bruts est profitable pour l'ensemble du Canada. Les producteurs canadiens obtiennent de meilleurs prix, les raffineries canadiennes ont accès à des matières premières moins coûteuses, et les travailleurs canadiens obtiennent des emplois à long terme, qui figurent parmi les meilleurs emplois disponibles. En outre, les gouvernements du Canada touchent des recettes. Les seules qui ne profitent pas de cela, ce sont les raffineries chinoises et américaines, dont l'enrichissement ne devrait pas, selon moi, constituer une priorité pour le gouvernement.

  (1545)  

    Merci, monsieur McGowan.
    Nous allons passer au troisième intervenant, à savoir Scott Willis, directeur, Politiques des ressources naturelles et de l'environnement, Chambre de commerce du Canada.
    Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Willis. Vous avez à peu près sept minutes pour présenter votre exposé.

[Français]

[Traduction]

    Membres du comité permanent, mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous ici aujourd'hui.
    Je représente la Chambre de commerce du Canada, la plus importante association industrielle du Canada. Elle représente quelque 450 chambres de commerce locales et environ 200 000 entreprises canadiennes et s'exprime en leur nom sur des questions qui revêtent une importance à l'échelle fédérale ou, comme c'est le cas en l'occurrence, à l'échelle nationale. Les propos que je tiendrai durant mon exposé sont de nature davantage qualitative que quantitative.
    En ce qui concerne la diversification des marchés dans le secteur de l'énergie, nous sommes d'avis qu'il y a trois principaux éléments qui entrent en ligne de compte et qui nous aident à comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons.
    Premièrement, le Canada ne sait pas ce que signifie le fait d'être une nation énergétique du XXIe siècle. Nous devons favoriser un véritable dialogue qui puisse mieux orienter nos choix de projets et nos choix stratégiques aux échelons fédéral et provincial.
    Deuxièmement, nous nous en remettons trop à un seul client pour ce qui est de presque toutes nos exportations de pétrole et de gaz. Cela a une incidence sur les recettes du gouvernement et, par conséquent, sur chaque citoyen du pays.
    Troisièmement, en tant qu'exportateur d'énergie occidental, nous avons la possibilité de montrer la voie à suivre au reste du monde en matière de méthodes d'extraction, de traitement et d'exportation de produits énergétiques, et d'établir un équilibre entre cette responsabilité et une réglementation appropriée.
    La Chambre de commerce du Canada est d'avis que l'absence d'un accès maritime fiable pour le secteur canadien de l'énergie constitue l'un des principaux obstacles à la compétitivité auquel notre économie est en butte. La tenue d'une campagne visant à sensibiliser les Canadiens à cet égard figure parmi nos premières priorités pour 2013.
    Il y a bien des choses que la plupart des Canadiens seraient surpris d'apprendre à propos du réseau de pipeline d'une longueur de 110 000 kilomètres actuellement en activité au pays, et surtout d'apprendre que plus de 99,999 % des produits transmis par ce réseau arrivent à destination. La majeure partie des Canadiens ne savent pas que, à l'origine, la ligne 9 traversait le pays d'ouest en est, ni que des centaines de milliers de barils de pétrole sont transportés par train chaque jour.
    La renaissance actuelle du secteur de l'énergie aux États-Unis a des répercussions profondes sur la dynamique nord-américaine puisque, au moment où nous commençons à tourner nos regards vers l'Ouest, c'est-à-dire vers l'Asie, nous constatons que nous sommes restreints par des infrastructures axées vers le Sud. Cette disparité entre les possibilités qui s'offrent à nous et notre capacité de les saisir a une incidence considérable sur notre économie.
    Notre incapacité de servir les marchés étrangers ralentit les investissements et le développement dans nos secteurs des ressources. On prévoit que la demande d'énergie à l'échelle mondiale augmentera de 33 % d'ici 2035, et qu'une proportion pouvant aller jusqu'à 90 % de cette demande proviendra de pays non membres de l'OCDE, particulièrement des pays de l'Asie. Même des pays asiatiques comme le Japon ont fait des choix stratégiques qui placent nos ressources naturelles directement dans leur mire.
    Il s'agit là non pas d'un argument contre l'augmentation de nos exportations d'énergie aux États-Unis, mais simplement d'un fait qui indique pourquoi la fourniture d'énergie aux pays asiatiques devrait être l'une des principales priorités stratégiques du secteur canadien de l'énergie. C'est la raison pour laquelle la tenue d'une conversation nationale fondée sur les faits à propos de l'énergie est cruciale à ce moment-ci.
    Plus de la moitié de l'approvisionnement mondial en énergie est assuré par le pétrole et le gaz, et pour ainsi dire 100 % des moyens de transport sont alimentés par ces sources d'énergie. Le secteur pétrolier et gazier est responsable de près de 20 % du PIB mondial, et occupe une place importante dans tous les autres types d'activités économiques.
    Ce facteur prend une importance accrue si nous examinons les réserves mondiales prouvées de pétrole et la manière dont elles sont gérées. À peu près 80 % des barils de pétrole sont gérés par une société d'État. On estime que la valeur de Saudi Aramco — la plus importante de ces sociétés — est quatre fois plus élevée que celle des neuf autres principales sociétés énergétiques mondiales cotées en bourse prises ensemble, y compris ExxonMobil.
    Vu qu'une part aussi importante de l'approvisionnement énergétique mondial est détenue par des gouvernements d'État, nous pouvons tirer profit du rôle de pays exportateur d'énergie axé sur les marchés que joue le Canada.
    Un autre facteur tout aussi important tient au fait de veiller à ce que la population, déjà sensibilisée à l'environnement, soit au courant des dispositions relatives à la sécurité des navires modernes qui circulent le long des côtes de la Colombie-Britannique. La plupart des gens ignorent probablement que l'on a entièrement revu la conception de ces navires en fonction de la sécurité, qu'ils sont conduits par deux pilotes et qui sont orientés par des capitaines locaux lorsqu'ils arrivent au port ou le quittent sous la surveillance de multiples bateaux-remorqueurs auxquels ils sont reliés par des câbles.
    Bien entendu, aucun système n'est parfait ni exempt de risques, mais nous croyons que ce système est plus sûr que bon nombre d'autres auxquels nous avons recours chaque jour.
    Les Canadiens devraient mieux comprendre les deux aspects de cette discussion. J'estime que nous avons la responsabilité d'examiner chacune des options de diversification des marchés qui se présentent en fonction de sa valeur intrinsèque, de faire une évaluation éclairée des risques qu'elle présente et d'effectuer tout examen réglementaire requis.
    Si les gens sont mieux informés, nous pourrons porter à un degré supérieur le dialogue sur les question liées à l'énergie au pays. Nous avons besoin d'un discours qui établit un équilibre approprié entre les risques et l'ampleur de l'enjeu. Les Canadiens doivent comprendre que les fournisseurs mondiaux s'assureront que des hydrocarbures sont disponibles pour satisfaire à la demande, peu importe qu'un nouveau pipeline soit construit ou non dans l'avenir au Canada.
    D'après un rapport de la CIBC publié plus tôt ce mois-ci, les écarts de prix du pétrole ont fait perdre 25 milliards de dollars au Canada en 2012. La production d'un baril de pétrole de l'Ouest du Canada produira la même quantité de gaz à effet de serre, peu importe sa valeur sur le marché mondial. Au moment où on demande à tous les échelons de gouvernement d'en faire plus avec moins, le fait de renoncer à ces 25 milliards de dollars nous rend tous plus pauvres.

  (1550)  

    Il devient plus facile d'agir dans notre propre intérêt lorsque nous pouvons attirer l'attention sur les grands efforts que nous déployons pour devenir l'un des pays producteurs d'énergie les plus responsables du monde. Nous avons l'occasion de tirer profit de nos abondantes ressources et d'investir adéquatement les gains que nous en tirons dans des initiatives qui élèvent le prestige de notre nation. Il n'y a qu'à regarder le fonds souverain de la Norvège ou le travail accompli par Masdar aux Émirats Arabes unis pour avoir une idée des avantages que peuvent procurer à un pays des stratégies bien conçues en matière de ressources.
    Nous voulons que le Canada fasse des investissements nous permettant d'exploiter judicieusement les ressources dont nous disposons tout en respectant l'environnement. Une politique climatique éclairée contribue au développement de nos secteurs des ressources naturelles; elle encourage l'efficience, stimule la concurrence et rend légitime la quête des profits. Une telle politique exprime également la volonté de la population, et satisfait à son désir de voir l'approbation publique fonctionner et prendre de l'importance. Si les sociétés ont la responsabilité fiduciaire d'optimiser leurs profits, nos dirigeants ont une responsabilité éthique à assumer envers les générations futures.
    Des infrastructures bien situées peuvent permettre aux sociétés de s'acquitter de leur responsabilité, et le fait de continuer à élever les objectifs en matière de changements climatiques peut aider nos dirigeants à s'acquitter de la leur.
    Merci.

  (1555)  

    Merci, monsieur Willis.
    Nous allons passer au dernier témoin de la journée. Il s'agit de M. Rolf Wiborg, ingénieur, qui témoignera à titre personnel par vidéoconférence depuis Stavanger, en Norvège.
    Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Wiborg.
    Merci. Bonsoir à vous. En fait, je devrais vous dire bonjour, car si chez moi, nous sommes en soirée, je sais que, à Ottawa, vous êtes en après-midi.
    Mesdames et messieurs, je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de tenter de rembourser une partie de ma dette envers la société canadienne. L'éducation que j'ai reçue à l'Université de l'Alberta s'est révélée très utile pour le travail que je mène ici, en Norvège, et au moment de créer le fonds souverain norvégien — qui a été mentionné plus tôt —, notre fonds de pension à l'étranger, comme nous l'appelons par les temps qui courent. En fait, ce fonds a été conçu sur le modèle du Fonds du patrimoine de l'Alberta créé dans les années 1970.
    J'ai lu tous les rapports et quelques-unes des recommandations fournis au gouvernement de l'Alberta, au gouvernement du Canada et au comité. À mon avis, les renseignements que vous avez transmis ne font qu'étayer la thèse que j'ai exposée au journaliste du Time qui est venu m'interviewer en août 2012.
    Comme tous les autres témoins l'ont fait observer, le Canada possède des ressources et une richesse naturelle. Il possède des gens compétents. Il devrait remporter un franc succès dans le secteur de l'énergie au cours des années à venir. La question que je me pose concerne votre leadership politique et celui des gouvernements provinciaux.
    Je crois qu'il a déjà été mentionné que l'électorat canadien pourrait soutenir les politiciens qui amèneraient les gouvernements fédéral et provinciaux à unir leurs efforts en vue de réaliser l'objectif commun d'améliorer la vie d'une multitude de Canadiens, de créer des emplois — comme M. McGowan l'a indiqué —, de générer des revenus, des recettes fiscales et de faire revivre le rêve albertain que j'ai connu durant mes études à Edmonton de 1973 à 1975.
    Je crois comprendre que le Canada est aux prises avec le même problème que celui auquel nous faisons face, en partie, en Norvège. Dans mon pays, il y a des gens qui considèrent que l'industrie de l'énergie, en tant qu'industrie pollueuse, est l'ennemie à abattre. Cependant, la majeure partie des Norvégiens savent que cette industrie crée des emplois, qu'elle procure un revenu à des gens et donne à un pays qui figurait parmi les plus pauvres de l'Europe l'occasion d'être à présent l'un des plus riches du monde. Cela dit, je ne parviens pas à déterminer si vous serez en mesure de convaincre les provinces et la population d'investir de nouveau dans leur propre pays et leurs propres industries, ou si vous continuerez à laisser les étrangers — y compris Norwegian Statoil, société avec laquelle je collabore à titre personnel en Norvège — investir dans le secteur au Canada et en tirer de très bons profits, comme l'ont déjà mentionné des témoins, à tout le moins après une phase initiale de risques.
    J'espère que vous comprenez que je m'adresse à vous ce soir à titre personnel pour vous faire part de mon amour du Canada et des Canadiens. J'ai même encore de la famille dans votre pays. Je crois sincèrement, comme d'autres témoins l'ont déjà mentionné, que vous devriez être en mesure de conclure des marchés plus avantageux avec vos partenaires commerciaux, qu'il s'agisse de pays — et vos voisins du Sud, les États-Unis, ne sont pas le moindre — ou d'entreprises menant des activités au Canada. Cependant, cela exigera des fonctionnaires et des politiciens qui ont la volonté d'examiner le secteur et de mieux le comprendre, comme vous tentez de le faire aujourd'hui. Vous instaurez une réglementation et percevez des impôts, mais les pays producteurs de pétrole qui ont le plus de succès dans le secteur de l'énergie à l'échelle mondiale adoptent la façon de faire de la Norvège: ils investissent aussi. Vous aviez Petro-Canada, mais vous l'avez démantelée.

  (1600)  

    Le Canada est un pays exportateur, comme la plupart des pays de l'OPEP. Pourquoi ne pas adopter la logique et la façon de faire des autres pays membres de cette organisation? M. Mintz a mentionné que le Canada devait diversifier ses marchés et pénétrer le marché asiatique pour améliorer son pouvoir de négociation. Je suis totalement d'accord avec cela. Toutefois, à cette fin, vous devrez passer par la Colombie-Britannique, ce qui n'est pas facile, si j'en crois ce que je lis dans les journaux.
    Vous devez également améliorer vos relations avec les États-Unis et renforcer votre pouvoir de négociations à leur égard.
    Le Venezuela est allé de l'avant avec son projet sur l'Orimulsion — sa version du projet de pétrole tiré des sables bitumineux — et a investi dans des raffineries aux États-Unis. Le Canada pourrait faire la même chose.
    La construction d'installations de transformation n'est pas l'unique option qui s'offre à vous si vous voulez diversifier vos marchés, bien que je sois d'accord avec M. McGowan pour dire que le Canada devrait probablement mener davantage d'activités de valorisation. La question demeure toujours la même: quelle ampleur doit prendre la diversification? La réponse revient au marché.
    Je crois que les gens qui investissent aujourd'hui dans les sables bitumineux en Alberta, par exemple Statoil, prennent un risque politique — que courent également votre gouvernement fédéral et vos gouvernements provinciaux — et un risque lié aux prix.
    Pour que la plupart des activités liées aux sables bitumineux soient rentables — du moins les nouvelles activités —, il faut que le prix du baril oscille entre 95 et 100 $ pour que l'on puisse rembourser le capital. Les témoins ont déjà évoqué le fait que le marché du pétrole pourrait chuter. À coup sûr, les États-Unis ne sont pas intéressés à payer plus cher qu'ils ne doivent le faire, de sorte que vous devez trouver un moyen de vous sortir de cette situation épineuse.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Wiborg.
    Merci, au nom de tous les membres du comité, d'avoir pris le temps de vous joindre à nous cet après-midi — ce soir chez vous. Nous en sommes très reconnaissants.
    Nous allons passer aux questions et observations des députés, en commençant par un tour de sept minutes par intervenant.
    Les intervenants seront M. Trost, puis M. Julian et ensuite M. Garneau.
    Vous avez la parole, monsieur Trost, pour un maximum de sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins.
    Simplement pour que ce soit clair, j'ai entendu quelques témoins comme M. McGowan dire que nous avons besoin d'un plus grand nombre d'usines de traitement, et peut-être de raffineries, et ainsi de suite. Je ne suis pas tout à fait sûr de savoir par quel moyen ils envisagent de procéder.
    J'aimerais simplement que M. McGowan réponde brièvement à cette question. Pouvez-vous me donner un exemple concret de politiques que nous pourrions adopter pour qu'il y ait plus de raffineries qui soient construites au Canada? Souhaitez-vous qu'une société d'État les construise? Demandez-vous la création d'une taxe à l'exportation? Que demandez-vous précisément?
    À moins que nous n'intervenions sur le marché, d'après ce que nous avons entendu dire, il n'y a pas beaucoup de gens en ce moment qui sont prêts à mettre des milliards de dollars en jeu. Que devons-nous faire? Faut-il que nous bousculions le marché d'une façon quelconque pour arriver à faire ce dont vous parlez? Quelle est la mesure concrète et précise que vous nous demandez de prendre?
    La réponse courte, c'est que nous devons selon moi nous inspirer de ce que faisait Peter Lougheed.
    Dans les années 1970, lorsqu'il a formé le premier gouvernement progressiste conservateur en Alberta, il s'est trouvé devant une situation très similaire à celle à laquelle nous faisons face aujourd'hui, mais par rapport à une ressource différente. À l'époque, c'était le gaz naturel, et celui-ci était exporté sous forme brute. Il voulait y ajouter de la valeur. Pour le faire, il a eu recours à une combinaison de réglementation et d'investissement public direct, afin d'établir des partenariats publics-privés qui ont mené à...
    La réponse courte est donc que oui, le secteur privé a eu l'occasion de faire ce que les Canadiens veulent, ce dont ils ont besoin, je dirais, et qu'il a échoué.
    Nous avons besoin d'une intervention publique, d'une société d'État et d'investissement public. À ce sujet, ne vous y trompez pas: nous investissons déjà dans l'industrie, puisque les faibles redevances font que nous payons ce qui existe...

  (1605)  

    J'ai bien compris, dans ce cas, que les sociétés d'État et la réglementation...
    J'invoque le Règlement.
    M. Julian invoque le Règlement.
    Il est simplement en train de répondre à la question.
    J'aimerais bien, monsieur le président, que vous permettiez à nos témoins de répondre aux questions qu'on leur pose.
    Monsieur Julian, j'estime que M. McGowan avait fini de répondre à la question de M. Trost et que M. Trost lui posait une question complémentaire.
    Vous avez la parole, monsieur Trost.
    Je ne faisais que résumer vos deux points principaux, monsieur.
    Essentiellement, vous demandez que soient établies des exigences réglementaires concernant un certain pourcentage, entre autres, de transformation, ainsi que la création d'une société d'État pour appuyer le développement de la transformation en raffinerie...
    Exactement. C'est ce que les gouvernements du pays ont fait avec beaucoup de succès dans le passé, et ce que les gouvernements et d'autres industries de production de pétrole ont fait également.
    La dernière chose que j'essayais de dire, c'est que, dans un sens, nous dépensons déjà, du fait que les redevances sont peu élevées, beaucoup d'argent pour développer l'industrie pétrolière. Les redevances étant de un cent par dollar en Alberta, c'est essentiellement le public qui assume le coût d'exploitation des sables bitumineux puisqu'il renonce à des revenus de redevance. C'est déjà nous qui payons. Je trouve que l'industrie des sables bitumineux devrait nous appartenir.
    Monsieur Mintz, à la lumière de quelques observations que j'ai pu faire et pour vous avoir déjà vu ici, je vais m'aventurer à dire que vous n'êtes peut-être pas tout à fait d'accord avec M. McGowan.
    Pourriez-vous nous présenter, d'un point de vue différent, les raisons pour lesquelles vous n'êtes pas d'accord avec l'analyse ou la solution de M. McGowan, si je ne me suis pas trompé?
    Permettez-moi d'abord de vous dire que j'aimerais bien pouvoir être d'accord avec M. McGowan, parce que ce serait très bien de pouvoir créer davantage d'emplois au Canada. Il ne faut pas oublier que plus on en fait au Canada, plus on augmente la taille du secteur de l'énergie et plus on absorbe de ressources au sein de l'économie canadienne. Malheureusement, je serais tout à fait en désaccord avec une bonne partie de l'information fournie ou de la description qui est faite du fonctionnement actuel du marché.
    D'abord, nous devons nous rappeler que la transformation peut être sensée, surtout dans les raffineries existantes. La raison en est que le coût de transformation est beaucoup moins élevé dans ces cas. Il y a par exemple une possibilité d'accroissement de la transformation qui s'offrira si nous construisons le pipeline de l'Est, ce qui permettrait d'exploiter davantage la raffinerie Irving située au Nouveau-Brunswick. On peut assurément affirmer qu'une plus grande quantité de matière brute provenant de l'Ouest canadien pourrait être transformée dans les raffineries du Québec ainsi que dans celles de l'Ontario. Même les raffineries d'Edmonton pourraient accroître leur capacité, et il y a des possibilités d'accroissement de la transformation.
    Le problème, c'est que ce dont nous parlons, au fond, c'est de la construction de nouvelles usines de transformation, qui pourrait être très coûteuse. Le problème, c'est que, aux États-Unis — c'est là que je ne suis pas du tout d'accord avec ce qu'a dit Gil —, l'utilisation de la capacité de raffinage a énormément changé au cours des 20 dernières années. Si on remonte au début des années 1990, elle était d'environ 70 % juste après la récession. Ensuite, elle est passée à plus de 95 % en 2005 et 2006. Le marché ne pouvait plus prendre beaucoup d'expansion. C'est en partie pour cette raison que le prix du pétrole s'est envolé pendant cette période.
    Ce qui s'est passé après la récession de 2009, c'est qu'il y a eu en même temps un changement extrêmement important au sein du marché. On pense que nous avons peut-être atteint la capacité maximale de raffinage dont nous allons avoir besoin pendant un certain temps. L'utilisation est aujourd'hui passée à 70 %. Il est en fait beaucoup moins coûteux de faire la transformation là où on dispose d'une capacité excédentaire. C'est la raison pour laquelle il est plus sensé d'envoyer le bitume aux États-Unis pour qu'il y soit transformé plutôt que de le transformer ici.
    Permettez-moi de terminer en abordant très rapidement une dernière chose. Il y a un projet de transformation qui a été lancé en Alberta. Il s'agit d'installations de transformation situées dans le Nord-Ouest de la province. Comme on ne s'attend pas à ce que les marges de profit soient très élevées à l'avenir, le risque de marché est assumé par le gouvernement albertain. Il y a une redevance qui est versée à l'exploitant.
    Je ne sais pas, mais peut-être que vous, Gil, vous aimeriez investir dans une usine de transformation en Alberta, investir à vos propres risques. Mais je crois que c'est une question qui doit être réglée, parce que, à l'heure actuelle, il n'y a aucune possibilité de rentabilité future en ce qui concerne la transformation [Note de la rédaction: inaudible] sur le marché.
    Puis-je vous demander, dans ce cas, quel serait l'effet d'une exigence réglementaire concernant la transformation de certains pourcentages du pétrole au Canada, comme M. McGowan le propose? Il semble penser que l'effet serait positif, et il présente de bons arguments.
    Quel serait l'effet sur la production et sur d'autres éléments liés au pipeline s'il était exigé par voie réglementaire que l'industrie dans son ensemble ou que chacun des producteurs transforme un certain pourcentage du pétrole au Canada: 72 %, 65 %, peu importe?

  (1610)  

    Veuillez répondre très brièvement, s'il vous plaît, monsieur Mintz.
    Je ne sais pas quel gouvernement adopterait ce règlement. J'imagine qu'il faudrait que ce soit le gouvernement de l'Alberta, par exemple, puisque la ressource appartient aux provinces. Cela pourrait mener à la fin de tout investissement dans les sables bitumineux, puisque la rentabilité pourrait devenir impossible.
    Merci, monsieur Trost.
    Monsieur Julian, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins. L'information que vous nous communiquez est très intéressante.
    J'aimerais commencer par vous, monsieur McGowan. Je sais que vous êtes extrêmement fier d'être albertain. Je sais pour avoir fait beaucoup de porte-à-porte à Calgary, Camrose, Red Deer et Edmonton que les Albertains commencent à penser qu'on ne peut pas simplement distribuer les ressources à qui mieux mieux. Vous avez soulevé l'importante question des pipelines Northern Gateway et Keystone. Je voulais simplement revenir sur ces chiffres. Nous sommes devant un gouvernement qui est intervenu sur le marché. Il a vidé de son contenu le processus d'évaluation environnementale et le processus de consultation de la population en ce qui concerne les pipelines, et cela a suscité une forte réaction chez les Canadiens.
    Le gouvernement est donc intervenu sur le marché pour offrir des mesures d'incitation économiques à l'exportation. Vous nous avez présenté les chiffres: 17 emplois à temps plein sur place dans le cas du pipeline Keystone, et 104 dans le cas du pipeline Northern Gateway — c'était 78 au départ — plutôt que 17 000 dans le cas du pipeline Keystone si le produit était transformé au Canada, et 26 000 pour ce qui est du pipeline Northern Gateway. Il s'agit donc de 43 000 emplois au lieu de 121. Je pense que la plupart des Canadiens le comprennent bien.
    Le problème, c'est que, si le gouvernement intervient sur le marché et essaie de vider de son contenu tout ce qui tient à coeur aux Canadiens pour essayer de faire avaler la construction des pipelines, et surtout du pipeline Northern Gateway, malgré les objections des citoyens de la Colombie-Britannique, en menaçant ainsi des milliers d'emplois qui dépendent de la propreté de l'environnement, de quoi aura l'air le cadre stratégique progressiste à valeur ajoutée en 2015 lorsqu'un nouveau gouvernement prendra le pouvoir? Qu'est-ce que ce gouvernement devra faire pour créer une valeur ajoutée, de sorte que, plutôt que de laisser partir ces milliers d'emplois, nous les conservions ici, au Canada, et réduisions ainsi notre dépendance envers le pétrole de provenance étrangère?
    Il y a deux choses dont on doit prendre conscience, je crois, avant de pouvoir adopter des politiques. La première, c'est que la situation actuelle des sables bitumineux est le résultat direct de décisions relatives aux politiques publiques prises principalement par le gouvernement albertain. Lorsque les gens utilisent des expressions comme « intervenir sur le marché » ou d'autres expressions à connotation négative, le fait est que les sables bitumineux sont le produit de politiques publiques. À l'époque de Lougheed, c'était ce que j'appellerais des politiques publiques progressistes — ce qui correspond au rôle du gouvernement —, mais depuis l'élection de Klein, il s'agit essentiellement de politiques publiques dans le cadre desquelles on offre d'énormes subventions à l'industrie sous forme de redevances peu élevées pour encourager l'investissement.
    Il est important de comprendre qu'on peut adopter des politiques publiques, qu'on peut les abandonner et qu'on peut y revenir. Quand on dit qu'on « laisse le marché décider », cela tient du fantasme, parce que le marché ne prend aucune décision quant à la manière dont l'industrie est développée. Le gouvernement a donc un rôle à jouer dans l'élaboration des politiques publiques. Le problème consiste à déterminer quelles sont les meilleures politiques publiques à adopter.
    L'autre chose dont les gens doivent prendre conscience selon moi avant d'adopter des politiques publiques, c'est la différence qui existe entre l'intérêt public et l'intérêt privé. À cet égard, je conteste l'utilisation d'un très petit mot de façon répétée par M. Mintz, c'est-à-dire le mot « nous ». Il dit que nous disposons d'une capacité de raffinage aux États-Unis. Nous avons une capacité de raffinage inutilisée aux États-Unis. Ce n'est pas nous qui la possédons. Ce sont des sociétés multinationales privées du secteur pétrolier dont le siège social se trouve dans beaucoup de cas aux États-Unis qui disposent d'une capacité inutilisée.
    Je suis d'accord avec M. Mintz lorsqu'il dit qu'il est sensé pour des entreprises de l'étranger comme Exxon et même Sinopec d'acheter du bitume, préférablement au meilleur prix possible de façon à pouvoir l'acheter à bas prix et à le revendre à prix élevé — acheter du pétrole peu coûteux pour le transformer en un produit de grande valeur. C'est tout à fait sensé pour ces entreprises. Mais ce n'est pas parce que c'est sensé pour les promoteurs privés que ce l'est pour nous, les propriétaires de la ressource. Voilà donc un exemple clair de divergence entre l'intérêt public et l'intérêt privé.
    J'ai une question complémentaire à poser rapidement. Vous nous avez expliqué ce qui va se passer au cours des 12 prochaines années. La transformation va passer de 65 % à 23 % tandis que la production de pétrole issu des sables bitumineux va passer de 1,5 à 5 millions de barils. Il est évident qu'on laisse partir des dizaines de milliers d'emplois comme seul un gouvernement conservateur prodigue saurait le faire. Le gouvernement a laissé partir un demi-million d'emplois dans le secteur manufacturier. Ça semble être sa raison d'être.
    Combien d'emplois allons-nous donc perdre au cours de ces 12 années en Alberta à cause de politiques mal orientées?

  (1615)  

    Il n'y a que des estimations, mais les chiffres sont élevés.
    Je trouve intéressant le fait que les conservateurs provinciaux ou fédéraux ne parlent pas des mêmes choses selon le côté de la frontière où ils se trouvent. Au sud de la frontière, lorsqu'ils s'adressent à un public américain, qu'ils souhaitent voir approuver des projets de pipeline comme le projet Keystone XL, ils parlent de dizaines de milliers d'emplois dans les secteurs de la transformation et du raffinage qui seront créés une fois que notre bitume brut leur sera envoyé comme matière première. Au nord de la frontière, cependant, ils ne parlent pas de ces emplois qui vont être offerts à des Américains plutôt qu'à des Canadiens. Ils nous disent qu'ils vont créer d'autres emplois.
    À ce sujet, je pense qu'il y a une chose très importante à mentionner. M. Mintz a cité beaucoup de gros chiffres. Il a cité deux études en particulier, qui ont été menées par ses collègues, MM. Moore et Mansell, tous deux de l'Université de Calgary. Ces messieurs ont participé à titre de témoins experts aux audiences de l'ONE concernant le pipeline Northern Gateway. Nous y avons participé en tant qu'intervenants. J'ai vu les rapports de ces deux professeurs réduits en pièces devant l'Office national de l'énergie.
    Les deux rapports contenaient des chiffres concernant le nombre d'emplois créés qui étaient fondés sur un seul facteur, soit l'augmentation présumée des prix qui découlerait de l'accès au marché asiatique. Au cours du contre-interrogatoire mené par des témoins experts, les arguments de ces deux messieurs ont été démolis. Ils ont été obligés d'admettre que les prix n'allaient probablement pas du tout changer grâce au nouvel accès.
    Le témoin expert du gouvernement de l'Alberta, qui travaille pour Wood Mackenzie, a dit en gros que la baisse découlant de l'utilisation de la capacité maximale des unités de cokéfaction et le transfert de cette capacité vers les unités de craquage... le pipeline ne permettrait d'utiliser cette capacité excédentaire que pendant un an. Ce serait un an, plutôt que 30 — chiffre sur lequel toutes leurs estimations concernant la création d'une énorme quantité d'emplois étaient fondées. Ce ne serait que pendant un an que le pipeline Northern Gateway, en permettant l'accès aux marchés asiatiques, ferait augmenter légèrement les prix, qui reviendraient à la normale par la suite.
    Franchement, je trouve un peu malhonnête de citer ces chiffres à qui mieux mieux après qu'ils ont été démolis par les experts devant l'ONE.
    Merci, monsieur McGowan. Beaucoup d'études ont montré que ces chiffres relèvent du fantasme. Les lobbyistes des pétrolières, plutôt que de s'en tenir aux données économiques réelles, comme nous l'avons vu, qu'il s'agisse de milliers d'emplois...
    Même les experts du secteur de l'énergie, des pétrolières, ont admis en contre-interrogatoire qu'ils ne s'attendaient pas à ce que les prix augmentent grâce à l'accès au marché asiatique, un point c'est tout.
    Merci, monsieur Julian.
    Nous allons maintenant passer à M. Garneau pour un maximum de sept minutes. Vous avez la parole, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai eu le plaisir de siéger au conseil d'administration d'une entreprise d'exploitation des sables bitumineux il y a quelques années, de 2006 à 2008. À l'époque, tout le monde voulait construire des usines de transformation. La situation semble avoir passablement changé au cours des cinq dernières années.
    Si je comprends bien les arguments qui sont avancés — et je vais citer ici M. Mintz —, il semble que, actuellement, des entreprises comme Exxon qui sont présentes dans le secteur des sables bitumineux souhaitent recourir à la capacité inutilisée à Houston pour effectuer la transformation en pétrole synthétique, puis en des produits encore plus raffinés. Vous avez mentionné Sinopec. La Chine aimerait utiliser sa capacité là-bas.
    Monsieur McGowan, laissez-vous entendre que, si ce ne sont pas les entreprises privées qui construisent les usines de transformation au Canada parce qu'il n'est pas sensé pour elles de le faire, et que les gouvernements finissent par les construire, il y aurait un marché accessible immédiatement pour les produits raffinés issus de ces usines?
    Oui.
    Ce que je dis, c'est que, si le gouvernement ne fait rien, les usines de transformation ne seront pas construites. Le secteur privé a eu amplement le temps d'investir dans la transformation et le raffinage, ce qui correspond au désir des Albertains, au désir des Canadiens, et qui va créer des emplois et engendrer des revenus. Les problèmes ne sont pas...
    Est-ce qu'il va y avoir un marché, ou est-ce que nos marchés d'importation vont dire qu'ils n'ont pas besoin de produits transformés?
    Permettez-moi de préciser quelque chose. L'Alberta Federation of Labour et le mouvement syndical en général ne sont pas contre la diversification des marchés. Nous ne sommes pas contre le fait de vendre des produits en Asie; nous affirmons simplement que nous essayons de vendre le mauvais produit.
    Par ailleurs, la première chose que nous devrions faire — et je crois que je suis d'accord avec plusieurs autres membres du groupe de témoins à cet égard —, c'est que, plutôt que de chercher des nouveaux marchés en Extrême-Orient, nous devrions d'abord jeter un coup d'oeil vers l'Est de notre propre pays. En ce moment, 85 % du pétrole consommé dans les Maritimes vient d'Arabie saoudite et du Venezuela, pays qui vendent leur pétrole à ce que nous appelons le prix du Brent, c'est-à-dire à un prix supérieur de 20 %. L'occasion s'offre à nous de remplacer le pétrole que les consommateurs canadiens paient cher dans l'Est par du pétrole canadien vendu à moindre coût. Ce serait une situation avantageuse pour tous. C'est le premier marché.
    N'oubliez pas qu'il s'agit d'un marché de 750 000 barils par jour dans les Maritimes seulement. Si on inclut le Québec et l'Ontario, il s'agit là de marchés importants. Nous devrions examiner la possibilité de remplacer les marchés au Canada, et non pas fermer la porte aux exportations, mais, comme je le disais, essayer d'exporter le bon produit.

  (1620)  

    Ça m'amène un peu à ma deuxième question.
    Je suis pour la création de richesse à partir des sables bitumineux tant que nous le faisons de façon responsable. Vous avez dit que nous produisons actuellement un million et demi de barils par jour. Ce sera très bientôt trois millions de barils. Des engagements ont été pris, et de l'argent a été investi dans le but de faire passer la production à cinq millions de barils à moyen terme, peut-être d'ici 2020.
    En même temps, le gouvernement actuel s'est donné pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 17% d'ici 2020, par rapport aux niveaux de 2005.
    Est-ce qu'une situation problématique pourrait survenir, en ce sens que, une fois que la machine sera mise en branle pour la création de cette capacité, et compte tenu du fait que l'approche sectorielle adoptée par le gouvernement sera très sensible à ce qui se passe dans le secteur du pétrole et du gaz, parce qu'il y a très peu de marge de manoeuvre dans les autres secteurs, nous pourrions décider que nous n'allons pas être en mesure d'atteindre les objectifs si nous produisons plus que X millions de barils par jour.
    J'aimerais entendre M. Mintz là-dessus, puis M. McGowan.
    Ensuite j'aimerais savoir si la Norvège a dû trouver un équilibre entre ses objectifs environnementaux et ses objectifs de production. J'aimerais savoir si elle a déjà atteint un point où elle a dû ralentir la production ou si elle a su prévoir la difficulté.
    Monsieur Mintz, vous avez la parole.
    En fait, je n'étais pas sûr si vous alliez me poser la question ou si vous alliez la poser à Gil.
    De toute façon, là-dessus seulement, je pense que nous devons d'abord nous demander quel est le coût adéquat de production lorsqu'il s'agit du bitume et de la transformation, puis nous devons inclure les coûts sociaux, lesquels incluent les coûts environnementaux.
    La difficulté — et c'est à ce chapitre que je suis tout à fait en désaccord avec Gil —, c'est que le premier élément, c'est d'atteindre le pétrole lourd et le coût de production du pétrole lourd. Il y a ensuite un coût de transformation qui s'ajoute au coût du pétrole. Le problème, c'est que, même si nous voulons vendre un produit raffiné à l'étranger, il se peut qu'il n'y ait pas de marché si notre produit est trop coûteux, parce que les coûts sont plus élevés au Canada.
    Cela revient à la question de ce qu'on appelle l'avantage comparatif. L'avantage comparatif peut parfois faire en sorte qu'il soit mieux de produire du bitume plutôt que d'aller à un niveau plus élevé, vu les coûts supplémentaires que cela suppose. L'avantage comparatif entraîne un accroissement des échanges et beaucoup des gains sur ce plan. Je suis sûr qu'on pourrait en parler longuement.
    Pour ce qui est des coûts environnementaux, je m'en suis fait l'ardent défenseur au fil des ans, et je pense qu'il serait approprié de chiffrer ces coûts environnementaux, et que ce serait un coût qui serait inclus. La difficulté, évidemment, c'est que, si la concurrence n'y accorde pas de prix, cela crée une situation avec laquelle il faut composer, ce qui est une contrainte. Mais si tout le monde établit adéquatement ces coûts à l'échelle internationale, alors les coûts n'auraient pas nécessairement d'incidence sur le choix de procéder à la transformation ou non, entre autres, parce que le coût social aurait déjà été établi adéquatement et inclus dans le prix du pétrole.
    Je trouve que vous soulevez une question très importante. C'est-à-dire que si nous décidons de faire plus de transformation au Canada, on va considérer que nous émettons davantage de gaz à effet de serre. Bien entendu, même si cela n'a pas d'importance à l'échelle de la planète — à l'échelle planétaire, le fait que les gaz à effet de serre viennent des États-Unis, de l'Asie ou du Canada n'a pas d'importance —, sur le plan politique, nous allons évidemment affirmer que nous ne serons pas en mesure d'atteindre nos objectifs aussi rapidement que prévu, ce qui signifie qu'il va falloir faire d'autres choses pour compenser et atteindre les objectifs que nous nous sommes donnés.
    Monsieur Garneau, il vous reste 15 secondes. Nous pouvons étirer le temps qui vous est imparti un peu, mais aimeriez-vous entendre les commentaires de M. Wiborg ou ceux de M. McGowan?
    J'aimerais entendre ce qu'a à dire M. Wiborg sur l'équilibre.
    Merci.

  (1625)  

    Monsieur Wiborg, vous avez la parole.
    Merci. Je vais essayer d'être bref.
    En ce qui concerne la transformation, j'aimerais simplement rappeler aux membres du comité que les Vénézuéliens doivent eux aussi transformer l'Orimulsion avant de l'envoyer dans des raffineries spécialisées. Le coût le plus important vient des raffineries spécialisées. On peut raffiner une partie de ce produit sur la côte Est.
    Je pense qu'il est très important, comme M. McGowan l'a mentionné, de chercher à l'intérieur du Canada. Mais évidemment, il faut pour cela avoir la collaboration de nombreuses provinces et modifier les pipelines par rapport à l'utilisation qui en est faite actuellement.
    Quant à la Norvège, vous allez voir qu'il est question dans les articles du Tyee des 10 commandements du secteur pétrolier — c'est presque comme dans la Bible. Nous avons dû d'abord envisager les besoins des Norvégiens. Il se trouve que le champ de pétrole Ekofisk, le premier que nous avons découvert, nous a permis de produire davantage de pétrole que la quantité utilisée par les 3,5 millions d'habitants de la Norvège.
    Nous avons construit des raffineries en Norvège, par l'intermédiaire de Statoil. Nous n'avons plus eu à importer des produits à partir de ce moment-là; en fait, nous avons pu commencer à en exporter. Ça a été coûteux au départ, mais l'investissement a été rentabilisé. Statoil a pris de l'expansion et acheté des raffineries en Suède et au Danemark, ainsi que des stations-service dans les pays baltes. Elle s'est depuis départie des stations d'essence. Nous ne sommes plus représentés par Statoil sur le marché du pétrole; d'autres gens ont repris la direction de cette entreprise.
    Nous avons toutefois équilibré nos activités dans le secteur pétrolier en créant des emplois en Norvège. Nous avons créé une industrie, comme le Canada, qui fournit des produits sur le marché mondial. Beaucoup d'entreprises canadiennes situées en Alberta sont d'excellents exportateurs d'excellents équipements. Elles en exportent entre autres vers la Norvège.
    Il faut envisager toute la question de la façon dont on crée un lien entre les affaires et l'électorat, les électeurs. C'est ainsi qu'on les fait prendre part aux affaires. Tous les Norvégiens savent qu'ils sont propriétaires d'une partie de Statoil, et qu'ils détiennent 100 % des intérêts financiers directs de l'État dans une entreprise qui s'appelle maintenant Petoro. Cela change beaucoup la façon dont nous abordons les choses en Norvège et dont nous réglementons le secteur.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Garneau.
    Nous passons maintenant aux tours de cinq minutes par intervenant, en commençant par Mme Crockatt, puis M. Allen et M. Nicholls.
    Vous avez la parole, madame Crockatt, pour un maximum de cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup.
    Tout récemment, nous avons entendu Chris Smillie, de la FAT-COI, dire qu'il y a des emplois aux deux extrémités du pipeline et que l'extrémité du raffinage est celle où les marges de profit sont très petites. Il ne s'inquiète pas du tout du fait que les emplois soient dans le domaine du raffinage. Il dit en gros que nous devrions choisir les domaines qui offrent la marge de profit la plus élevée, et où il va y avoir le plus d'activités.
    Monsieur Mintz, les Canadiens commencent à saisir le potentiel de notre industrie de l'énergie, et celui-ci se chiffre dans les milliards de dollars. Il est parfois difficile de s'imaginer ce que représentent de telles sommes.
    Je me demande s'ils comprennent que l'inertie comporte des risques. Pourriez-vous nous parler de ces risques? Perdons-nous de l'argent en ce moment en raison du manque d'accès au marché?
    D'abord, il y a effectivement des risques.
    En passant, j'aimerais faire un commentaire par rapport à une chose que M. McGowan a dite, et qui, selon moi, n'est pas tout à fait exacte. Je crois que Michael Moore n'a pas pris part aux audiences de l'ONE. En fait, lorsqu'il a rédigé son article, il travaillait pour Stillwater Associates et le Laboratoire national de Los Alamos, qui sont des organismes américains très reconnus. Par ailleurs, nous suivons nous aussi un processus d'arbitrage anonyme très rigoureux, et les arbitres ont pensé beaucoup de bien de l'article en question.
    Je n'en dirai pas plus, mais il est certain que la qualité est là. Nous pouvons tenir un débat de ce genre. Quant à savoir si M. Mansell s'est fait démolir, tout ce que je sais, c'est que l'un des témoins experts qui essayait de démolir son rapport a présenté un argument très bizarre. Je n'entrerai pas dans les détails, mais nous verrons ce que l'ONE pense des arguments qui auront été retenus.
    En ce qui concerne les risques, ils existent. L'un des articles dont j'ai parlé est un article de Michael Moore que nous avons publié récemment et qui montre que la capacité de l'Asie augmente dans le secteur du charbon. Il y a eu une très forte expansion de cette capacité et de la capacité prévue, et le commentaire de M. Moore, fondé sur le travail qu'il a fait à Stillwater Associates, c'était que, si nous ne multiplions pas rapidement les exportations vers l'Asie, nous allons peut-être rater notre entrée sur le marché. D'autres fournisseurs vont prendre la place.
    Quant au marché nord-américain, en ce moment, nous n'exportons pas vers la Californie, et c'est l'un des autres avantages liés au fait d'aller vers l'Ouest. Les prix liés à PADD 5 en Californie sont un peu plus élevés que les prix sur la côte du golfe du Mexique. Il y a des possibilités dans le Sud, mais aussi des risques. Le secteur du pétrole de réservoir étanche prend énormément d'expansion aux États-Unis. Cela ne veut pas dire qu'il va remplacer toutes les importations, mais il y a une assez grande quantité de pétrole qui pourrait être importée de l'étranger. Si des changements se produisent au Venezuela, ce pays pourra fournir de bonnes quantités de pétrole.
    Si nous prenons notre temps pour régler ces questions, nous risquons de perdre des marchés. On peut voir dans les chiffres récents que la différence entre le prix du Brent et celui du West Texas Intermediate se réduit. C'est attribuable en partie au fait que plusieurs problèmes ont été réglés, dont les interruptions de circulation dans la canalisation d'Enbridge et le changement du sens de circulation du pipeline Seaway dans le Sud. Mais il va y avoir de nouveaux pipelines entre Cushing et la côte du golfe du Mexique, et ces différences vont s'estomper en grande partie. C'est pour cette raison que les raffineries n'envisagent pas l'avenir de façon très optimiste. On n'investit pas des milliards de dollars dans de nouvelles capacités de raffinage s'il se peut qu'on se retrouve avec des marges de profit assez faibles à l'avenir. C'est l'une des principales préoccupations.

  (1630)  

    J'aimerais parler des avantages d'une présence sur les marchés internationaux pour le Canada. Vous avez parlé du contexte géopolitique, et je me demande quels pourraient être les avantages pour le Canada, pour ceux qui s'intéressent aux avantages environnementaux. Quels pourraient être les avantages liés à l'aspect géopolitique de l'accès aux marchés internationaux?
    Je ne suis pas sûr. Il y a divers problèmes environnementaux. Certains s'appliquent davantage à l'échelon local ou régional, des choses comme le SOx et le NOx, qui affectent la population de la région. C'est un type de problème environnemental que nous avons tendance à oublier parce que nous nous concentrons sur les changements climatiques depuis un certain nombre d'années.
    Pourrions-nous accentuer les changements climatiques dans le monde en aidant le reste du monde à accéder à nos ressources?
    Non, les changements climatiques dépendent de beaucoup de choses qui sont faites. En fait, vous allez voir qu'il y a une étude sur l'énergie parue récemment aux États-Unis qui est fascinante si vous examinez les chiffres qu'elle contient. De 2005 à 2011 — il s'agit des chiffres des États-Unis —, le Canada a réduit ses émissions de gaz à effet de serre davantage que les États-Unis ou l'Europe en proportion, mais pas autant que le Royaume-Uni ou l'Allemagne. C'était en fait quelque chose d'assez surprenant.
    Une chose intéressante, c'est tout ce qui s'est passé pendant cette période de six ans, et il y a là un lien important avec la production de charbon. Celle-ci dépasse toutes les diminutions qui ont eu lieu dans le monde occidental. La Chine a eu une incidence énorme sur cette tendance à elle seule, sans parler d'autres pays comme l'Inde, qui ont connu eux aussi d'importantes augmentations des émissions. Le problème des changements climatiques est en grande partie de nature internationale, et les vraies mesures vont devoir être prises dans les pays émergents pour qu'il y ait des réductions importantes des émissions mondiales.
    Merci, madame Crockatt.
    Monsieur Allen, vous avez jusqu'à cinq minutes. Vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, et je remercie les témoins d'être ici.
    Nous avons au moins atteint un certain consensus sur l'utilité d'un pipeline allant de l'ouest à l'est, sur la capacité de raffinage dans le Canada atlantique, particulièrement Irving et les installations à Montréal, et sur le déplacement du pétrole étranger importé ici.
    Ma question s'adresse à M. McGowan et à M. Mintz. Croyez-vous tous les deux que le prétendu écart... J'imagine que le pétrole plus coûteux que nous obtenons actuellement dans le Canada atlantique serait compensé à mesure que nous nous déplaçons vers les prix mondiaux. Est-ce une question autant de sécurité de l'approvisionnement que de prix, pour les Canadiens de l'Atlantique? Je vous le demande, car je ne suis pas convaincu que les Canadiens de l'Atlantique verraient une baisse de prix à long terme.

  (1635)  

    Monsieur Mintz.
    Aimeriez-vous répondre en premier?
    Vous pouvez commencer.
    Allez-y, monsieur McGowan.
    Je crois que vous avez raison de dire que nous ne pouvons pas présumer que l'écart de prix entre le Brent et le WTI demeurera. Si vous regardez les 20 dernières années, vous constaterez que la divergence est relativement récente. En fait, ils ont recommencé à converger, alors rien ne garantit que les consommateurs de l'est du Canada réaliseront de grandes économies. Cela dit, je crois que le jeu en vaut toujours la chandelle, compte tenu des enjeux relatifs à la sécurité énergétique au Canada et aussi de la création d'emplois au Canada.
    La chose que j'ajouterais, c'est que les deux raffineries, celle de Montréal et celle du Nouveau-Brunswick, ont des installations de craquage, alors l'Alberta Federation of Labour aimerait toujours envoyer du pétrole brut de synthèse vers l'est plutôt que du bitume brut. D'autant plus que cela exigerait moins d'espace pipelinier, car, pour expédier du bitume, il faut le diluer à 30 %, et nous devons de plus en plus importer le diluant de l'Arabie saoudite et d'autres marchés mondiaux. En accordant la priorité aux exportations brutes, nous entrons dans un cercle vicieux où nous sommes de plus en plus dépendants de l'importation de condensats, d'endroits comme l'Arabie saoudite.
    Monsieur Mintz.
    Je suis d'accord avec vous pour ce qui est de l'Atlantique. Les consommateurs ne ressentiront peut-être pas beaucoup de retombées une fois que... Ce n'est pas ainsi que fonctionne l'établissement des prix de toute façon. L'établissement des prix est fondé sur le prix des importations, et le prix de détail est fonction du prix des importations. L'écart se refermera une fois qu'on aura construit une plus grande capacité pipelinière aux États-Unis. Je crois que les prix du Brent et du WTI vont converger. La dernière fois que j'ai regardé, l'écart n'était que de 10 $ plutôt que de 20 $, alors les prix ont considérablement convergé même dans les deux ou trois derniers mois.
    L'autre chose, c'est que M. McGowan aimerait peut-être qu'il y ait encore plus d'emplois en Alberta. Pour ma part, d'un point de vue économique, j'aimerais que les emplois soient situés là où on crée la plus grande valeur ajoutée au pays. L'intérêt des raffineries existantes, c'est qu'elles peuvent en fait raffiner le produit à bien meilleur marché que si on en construisait de nouvelles.
    C'est pourquoi aucun investisseur n'était prêt à se lancer dans quelque chose comme l'usine de valorisation North West, à moins qu'il obtienne une protection contre le risque du marché. Ils savent que les marges associées aux activités de raffinage vont rétrécir, car le prix du pétrole lourd va augmenter, et que les marges vont donc rétrécir. Il serait fantastique que les raffineries québécoises puissent faire de l'argent et créer des emplois au Québec. Je crois que cela profiterait à l'économie canadienne. C'est exactement ainsi que devrait fonctionner le marché, selon moi.
    Merci.
    Monsieur Willis, je veux avoir votre avis.
    La chambre de commerce a entre autres parlé des leviers appropriés pour exploiter le pipeline allant d'ouest en est et du fait que le gouvernement devrait faciliter les efforts en ce sens. Quels sont certains des aspects clés du rôle du gouvernement fédéral à cet égard, outre le volet de réglementation, à votre avis?
    Je crois qu'il y a certes un rôle de réglementation, mais il y a aussi un rôle de mobilisation. On a fait valoir que, peu importe le produit exporté, il est dans l'intérêt national du Canada d'exporter vers plus d'un seul pays. Si le gouvernement fédéral joue un rôle de mobilisation, cela pourrait prendre la forme d'un processus réglementaire, ou d'un effort de réflexion concertée. Je ne suis pas certain du mécanisme le plus approprié.
    Certes, j'ai vu les messages d'intérêt public communiqués dans le cadre du programme ÉcoAction, et certains m'ont plu. Sur le plan de la sensibilisation, je crois que l'ACPP et le SCEP font un assez bon travail auprès des Canadiens en leur parlant de l'importance du secteur pétrolier et gazier et en leur faisant remarquer des choses qu'ils n'auraient peut-être pas vues.
    Nous représentons les Canadiens du nord au sud et d'est en ouest. Je crois que nous pourrions tous convenir du fait que les provinces ont tendance à agir dans l'intérêt de leur province et ne tiennent pas toujours compte de l'intérêt national. Il serait bien de pouvoir faire valoir des gestes que nous posons parce que nous sommes le Canada et non pas parce que nous venons de l'Alberta, de l'Ontario ou du Québec.

  (1640)  

    Merci.
    Merci, monsieur Allen.
    Maintenant, nous allons donner la parole à M. Nicholls pour un maximum de cinq minutes.
    Allez-y, je vous prie.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur McGowan.
    En ce qui a trait à la légitimité sociale, les gens de ma circonscription préféreraient que la canalisation 9B serve à acheminer du pétrole brut de synthèse plutôt que du bitume dilué. Alors, je vous remercie de vos commentaires à cet égard.
    Monsieur Mintz, vous avez déjà déclaré publiquement que la Norvège était un excellent exemple de bonne gouvernance, et nous partageons assurément votre avis. L'Arbeiderpartiet est un parti travailliste comme le NPD. Il s'agit d'un gouvernement social-démocrate qui est au pouvoir depuis longtemps en Norvège, alors nous avons beaucoup à apprendre de la Norvège.
    La Norvège se place au troisième rang en matière d'exportation d'énergie, et, en plus d'une exportation d'énergie massive, sa politique sur les changements climatiques est assez intéressante. Lorsqu'elle a mis cette politique en oeuvre, elle a triplé le financement de la R-D par l'intermédiaire d'un organisme gouvernemental.
    Alors, mes questions s'adressent en fait à M. Wiborg et portent sur le fonds souverain. Ai-je raison de croire que le fonds souverain est le plus grand fonds générateur de richesse au monde? Est-ce exact?
    Non, pas vraiment. Il se dirige assez rapidement dans cette direction, mais je crois que nous nous classons actuellement au troisième rang, si vous regardez certaines de ces entités.
    Quelle est la valeur actuelle de ce fonds?
    Plus de 4 000 milliards de couronnes.
    Incroyable! Quel est l'équivalent en dollars canadiens?
    Oh, je dirais que c'est un peu moins que 1 000 milliards de dollars canadiens.
    Incroyable, par comparaison aux 16 milliards de dollars accumulés dans le Fonds du patrimoine de l'Alberta sur une période semblable. N'êtes-vous pas d'accord, monsieur Wiborg, pour dire que, si la Norvège avait dilapidé sa fortune comme le Canada l'a fait avec ses ressources naturelles, les Norvégiens seraient partis en guerre contre leur gouvernement, lui reprochant d'avoir bradé leurs ressources? Les Norvégiens ne seraient-ils pas en colère?
    Les Norvégiens n'accepteraient aucune forme de production de ressources qui ne serait pas encadrée par les conditions rigoureuses que nous avons mises en place. De fait, nous parcourons le monde pour montrer aux autres comment en faire autant. Si vous allez en Chine, vous devrez avoir le même type de politiques qu'Exxon ou Shell. Les Chinois imposent aux sociétés étrangères le même type de politiques que celle créée par la Norvège dans les années 1970. Il en est ainsi parce que Statoil est allé à Pékin en 1976 pour expliquer comment procéder. Les Russes en font autant. Bien sûr, ils le font à la mode de Poutine à l'heure actuelle.
    Des voix: Oh, oh!
    Je peux vous dire qu'un gouvernement canadien social-démocrate prendrait au sérieux les leçons à tirer de l'expérience norvégienne et protégerait nos ressources naturelles de l'appropriation étrangère.
    J'aimerais que vous abordiez le rôle d'Enova au chapitre de l'innovation en Norvège. Il s'agit de l'organisme qu'a créé la Norvège en 2001 pour s'occuper de sa politique sur les changements climatiques. Pourriez-vous nous parler un peu d'Enova?
    Monsieur Nicholls, je vous prierais de limiter vos questions au sujet pour lequel nous nous sommes réunis, à savoir la diversification des marchés. Faites simplement un lien entre les deux; je suis sûr que vous y arriverez. Allez-y.
    J'ai posé la question au sujet d'Enova — qui, à mon avis, est une source d'innovation et probablement de diversification dans le secteur énergétique — parce que je cherche une voie d'avenir que pourra emprunter la Norvège pour atteindre ses cibles en matière de climat.
    Il s'agit d'une création parmi de nombreuses autres, mais la création la plus importante est en fait l'un des 10 commandements en matière d'exploitation pétrolière: tu ne produiras point de pétrole en polluant et en ruinant le pays et le monde pour des générations.
    Nous avons une politique en matière de CO2 et une taxe sur le CO2 qui s'applique à toute production en mer, parce que nous avons seulement des installations de production en mer. Cette taxe contribue à certaines des choses dont vous avez parlé, mais il y en aussi beaucoup d'autres. C'est en partie grâce à l'ancien premier ministre Gro Harlem Bruntland, si certains d'entre vous se souviennent de la déclaration de Rio de Janeiro; c'est ça, le développement durable.
    Toutefois, en produisant du pétrole et du gaz, nous contribuons en quelque sorte à la pollution en Norvège. Mais nous exportons notre gaz en Europe, qui réduit sa consommation de charbon, ce qui représente un important gain d'efficience. Alors, nous mettons toujours en valeur nos gisements de gaz à l'heure actuelle, malgré un piètre rendement pour le pays, afin de participer à l'effort européen pour réduire la pollution. Cela signifie que les lacs dans nos montagnes contiennent à nouveau des truites. Autrefois, une telle chose aurait été impossible, parce que tout le charbon, tout le CO2 et tout le SO2 de l'Europe s'accumulaient là-bas.
    Alors, je crois que la plupart des Norvégiens sont assez heureux de jouer ce rôle, et, en même temps, comme le prix du pétrole et du gaz augmentent — car c'est sa tendance normale, quoique pas toujours — nous avons aussi fait de l'argent tout en faisant une bonne action. Les Canadiens peuvent en faire autant.

  (1645)  

    Merci, et merci à vous, monsieur Nichols.
    Des voix: Bravo!
    Le président: Nous allons maintenant poursuivre les interventions de cinq minutes avec M. Anderson, M. Gravelle, puis M. Calkins.
    Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Anderson, pour un maximum de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ceux d'entre nous qui viennent de la Saskatchewan sont un peu plus sensibles, peut-être, au discours au sujet des gouvernements sociaux-démocrates. Nous avons déjà vécu cela, et je crois que la seule chose qui nous a vraiment aidés en Saskatchewan — enfin, peut-être pas la seule chose, mais l'une des principales choses —, c'est le fait que le gouvernement albertain a décidé de réaménager son régime de redevances. C'est vraiment ce qui a donné la première impulsion — dans ma région, à tout le moins — à la mise en valeur de l'industrie pétrolière et gazière, et nous en recueillons toujours les bénéfices.
    L'intervention gouvernementale peut certes influencer sur le marché, et, pour nous Saskatchewanais, les mesures du gouvernement albertain ont été très positives au cours des dernières années.
    Monsieur Mintz, j'aimerais vous demander — et monsieur Willis également — si chaque grain de blé doit entrer dans la confection du pain pour que les producteurs puissent faire un profit et faire un bon travail.
    Non. En fait, cela revient vraiment aux principes de l'économie. Il s'agit d'un précepte de la théorie des échanges qui se rattache à mon commentaire au sujet de l'avantage comparatif, à savoir que vous pouvez faire certaines choses très bien, plus économiquement que quiconque. Vous vendez des choses sur le marché international, vous importez des biens et services de cette façon, mais si vous vous lancez dans des initiatives visant à gravir les échelons de la chaîne de valeur, vous pouvez finir par perdre de l'argent.
    En fait, ce n'est pas seulement une question de créer des emplois. Lorsqu'on mesure la valeur ajoutée, on se penche sur le rendement de la main-d'oeuvre et des immobilisations. Si le rendement de vos immobilisations est négatif, vous ne faites peut-être pas vraiment des gains au chapitre de valeur ajoutée; peut-être que c'est l'inverse, en ce sens.
    Nous avons vu au cours des dernières années beaucoup de catastrophes en matière de politiques publiques que nous ne devrions pas oublier, qu'il s'agisse de la construction d'installations de culture du concombre à Terre-Neuve, de la fabrication d'automobiles en Nouvelle-Écosse... Je peux nommer toute une gamme de projets de diversification en Alberta qui ont fini par piquer du nez, après avoir coûté des milliards de dollars en recettes gouvernementales, ce qui représente une importante perte pour les contribuables.
    L'autre chose, c'est que vous enlevez des ressources à des activités productives et les affectez à des activités moins productives. Une telle mesure a véritablement des conséquences très négatives sur le plan économique. Ce qui arrive c'est que, bien sûr, vous allez peut-être permettre à un produit particulier de monter dans la chaîne de valeur, mais, si vous touchez moins de profits ou s'il y a moins d'extrants ou moins de production ou moins de productivité, parce que vous puisez à même les ressources destinées à d'autres choses plus rentables sur le plan de la production, alors vous entraînez réellement des conséquences négatives ou des pertes pour l'économie.
    Voilà un principe d'économie. C'est pourquoi toute cette idée voulant que l'on doive toujours ajouter de la valeur a été infirmée au fil des ans par à peu près toutes les organisations crédibles, dont la Banque mondiale, le FMI et de nombreuses autres.
    M. Gil McGowan: Et qu'en est-il de la fragmentation de...
    Le président: Allez-y, monsieur McGowan.
    Les seuls qui semblent être en mesure d'absorber le rendement négatif constant des immobilisations sont les gouvernements ayant accès à l'argent des contribuables.
    Mais, monsieur Willis, je suis intéressé par votre réponse à cette question aussi.
    Le président: Monsieur Willis, allez-y.
    Pour être tout à fait honnête, je crois que Gil aura peut-être une réponse plus intéressante que la mienne.
    La chambre croit certainement que certaines options sont dans l'intérêt supérieur du Canada, sur le plan de la diversification des marchés et de la diversification des produits, qu'il soit question de grimper dans la chaîne de valeur ou simplement de transférer les activités d'une province à une autre et d'accéder à la côte. Encore une fois, je crois que notre plus grand problème tient à notre tendance à penser en fonction d'une région ou d'une province particulière.
    La question que je vous adresse, alors, est un peu différente.
    En ce qui touche l'aménagement de pipelines, voyez-vous cela comme un dilemme entre le développement et la création d'emplois? Ou estimez-vous plutôt qu'il est possible de créer des emplois des deux côtés de la frontière à mesure que nous aménageons les pipelines et acheminons le produit vers les marchés étrangers?
    Je vais aussi demander à M. Mintz de répondre à cette question.
    Est-ce une situation où, si nous aménageons notre pipeline, nous allons perdre des emplois au profit de quelqu'un d'autre?

  (1650)  

    Je ne crois certainement pas cela, non.
    C'est ce que nous avons entendu de nos collègues de l'autre côté, et aussi d'autres intervenants.
    Pour être bref, non, je ne le crois pas.
    D'accord.
    Monsieur Mintz, avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Non, cela revient à l'utilisation adéquate des ressources et à des notions élémentaires d'économie. C'est pourquoi les marchés finissent par gérer assez bien ces questions, car on finit par affecter les ressources aux fins les plus productives. Si nous allons construire des pipelines, évidemment, plus nous consommons d'énergie... Et, à mes yeux, ce n'est pas... Dans un monde sans réglementation, si nous ne devions pas attendre que les États-Unis octroient un permis étranger, Keystone XL aurait déjà été construit ou serait assurément bien avancé et générerait beaucoup plus de recettes au Canada.
    Y a-t-il des choses que nous pouvons essayer de faire pour grimper dans la chaîne de valeur? Oui, il y en a, mais il ne faut pas oublier qu'il y a un coût de renonciation lié au fait d'affecter des ressources à une telle fin, ce qui pourrait en fait entraîner des conséquences négatives pour l'économie dans son ensemble
    Le président: Merci, monsieur Anderson. Votre temps est écoulé.
    M. Gil McGowan: Posez-vous seulement des questions qui cadrent avec votre idéologie?
    Excusez-moi.
    Nous allons donner la parole à M. Gravelle, pour un maximum de cinq minutes.
    Allez-y, je vous prie.
    Bienvenue dans le vrai monde.
    J'ai une brève question pour M. Mintz. Vous avez simplement répondu par un « non » à la question de M. Anderson, alors j'aimerais que vous répondiez à la mienne par oui ou non seulement.
    Si nous utilisions du grain canadien pour faire du blé canadien, créons-nous des emplois canadiens? Oui ou non?
    Je l'ignore.
    Je ne suis pas certain de comprendre où vous voulez en venir.
    Non. Je veux dire, la réponse est...
    Ça va, laissez tomber.
    Non, je veux dire c'est un peu... Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est un argument futile, mais, quoi qu'il en soit...
    C'est très bien, je n'ai que cinq minutes. Laissez tomber. Je voulais que vous répondiez par oui ou non.
    Monsieur McGowan, vous avez cité beaucoup de chiffres ainsi que des documents obtenus en vertu de l'accès à l'information.
    Pourriez-vous me parler un peu des renseignements obtenus en vertu de l'accès à l'information? D'où proviennent-ils, et qui les a obtenus?
    Les documents en question ont été produits par un groupe de travail sur la valorisation des hydrocarbures établi par le gouvernement provincial de l'Alberta pour examiner la mesure dans laquelle il est viable de grimper dans la chaîne de valeur. Leurs propres experts ont essentiellement conclu que c'était tout à fait sensé, et ces documents ont été balayés sous le tapis et n'ont pas été publiés.
    Alors, ces documents ont été produits pour le gouvernement albertain...
    M. Gil McGowan: Oui.
    M. Claude Gravelle: ... et la société qui approuve ces documents, comment s'appelle-t-elle?
    Il y avait entre autres Wood Mackenzie, une...
    S'agit-il d'une organisation de gauche?
    Non, il s'agit d'un grand cabinet d'experts-conseils en énergie situé à Houston.
    D'accord, alors il s'agit d'une organisation de droite.
    Très bien, merci.
    Monsieur Rolf, j'aimerais vous poser une question. Je voudrais citer M. Willis, et je vais le paraphraser, car je ne suis pas certain d'avoir bien noté toute la déclaration. Il a dit quelque chose comme: « Nous ignorons ce que cela signifie d'être une puissance énergétique. » J'ai lu l'article que vous avez publié dans le Tyee, alors pourriez-vous parler de cette affirmation selon laquelle nous ignorons ce que c'est d'être une puissance énergétique?
    Monsieur Wiborg, allez-y, s'il vous plaît.
    Je crois que oui, et j'ai abordé ce point dans ma déclaration préliminaire.
    À mon avis, le Canada est comme la Norvège: pendant des siècles à venir, vous serez un pays exportateur. Cela signifie que vous êtes un pays membre de l'OPEP, mais vous appliquez vos politiques comme si vous étiez un pays importateur.
    J'aimerais préciser une chose pour le comité. On dirait que vous avez l'impression que c'est un gouvernement social-démocrate qui applique la politique en Norvège. Nous sommes gouvernés exactement de la même façon, et ce sont les conservateurs qui sont au pouvoir, et le bien-fondé de nos politiques en a été démontré plusieurs fois depuis le début des années 1970. Cela a du sens pour les Norvégiens, et, si vous voulez vous faire élire en tant que politicien norvégien, vous avez intérêt à sembler raisonnable aux yeux de l'électeur norvégien.
    Nous créons des emplois; nous rapportons la richesse chez nous. Nous investissons et dans les sables bitumineux du Canada lorsque cela nous semble raisonnable, ce qu'a fait Statoil ces dernières années. Nous essayons de faire un bon travail au Canada, et nous le faisons de façon écologique. C'est difficile; cela coûte de l'argent. Nous l'avons.
    La clé, à mon avis, selon l'article du Tyee et tout ce que j'ai appris dès le début de mon histoire d'amour avec le Canada, est de se demander pourquoi le Canada n'investit pas dans lui-même, dans les Canadiens.
    Lorsque je vivais là-bas [Note de la rédaction: inaudible] les gens investissaient dans les Caraïbes, et les États-Unis venaient ici pour investir. Eh bien, lorsque vous dirigez une économie en fonction des intérêts de Washington, à quoi vous attendez-vous?
    Regardez ce que font les pays de l'OPEP, et imitez-les. Placez-vous dans une position de négociation, et gardez le cap. Mais vous devez avoir des gens dans l'industrie, afin de comprendre où se situent les marges et qui impose quoi.
    Votre situation de dépendance à l'égard des redevances et des frais de permis est très difficile, car vous devez modifier votre politique dès que changent les prix sur le marché mondial. Si vous vivez dans un tel régime en tant qu'investisseur ou coinvestisseur et que vous partagez le risque, alors vous pouvez rester optimiste, et les entreprises vous suivront. Les sociétés pétrolières se plaindront. ExxonMobil — à l'époque, c'était Esso Production — a menacé de quitter la Norvège lorsque nous avons haussé les impôts. À l'époque, notre ministre a regardé tout le monde et a dit: « Personne n'a quitté la salle, alors nous n'avons probablement pas haussé les impôts suffisamment. » Voilà une histoire pour vous.

  (1655)  

    Merci.

[Français]

    Merci, monsieur Gravelle.

[Traduction]

    Nous allons passer à M. Calkins, qui sera suivi de M. Choquette et de M. Leef.
    Allez-y, monsieur Calkins, pour jusqu'à cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Wiborg, j'ai une brève question pour vous au sujet de la structure actuelle de l'État de la Norvège. Qui est propriétaire des ressources naturelles — des hydrocarbures — sur le territoire de la Norvège?
    Tout citoyen norvégien venu au monde ou sur le point de le faire, et ensuite, nous...
    Vous ne comprenez peut-être pas ma question. Ma question est la suivante: du point de vue des compétences gouvernementales, qui est le propriétaire? Lorsque vous dites « tout citoyen norvégien », vous voulez dire le gouvernement de la Norvège, pour le compte du peuple norvégien. Est-ce exact?
    Le gouvernement de la Norvège en est propriétaire, alors tout norvégien en âge de voter et tout futur Norvégien est propriétaire de la ressource.
    Merci, monsieur Wiborg. C'était ma question.
    Nous avons appris de M. Nicholls — plus tôt aujourd'hui — que le Canada devrait tirer des leçons de l'expérience norvégienne quant à la façon de procéder à ce chapitre. Ainsi, en Norvège, la compétence appartient au gouvernement fédéral de la Norvège, qui est propriétaire de la ressource pour le compte du peuple norvégien.
    Monsieur Mintz et monsieur Willis, j'aimerais savoir comment cela se déroulerait ici, vu que nous avons tenté à quelques reprises de nationaliser l'énergie au Canada et avons observé les résultats sur le plan économique.
    En fait, lorsque j'ai entendu la question, je me suis surpris à me demander si j'étais dans le bon immeuble — peut-être que je me retrouvais à l'Assemblée législative de l'Alberta —, car cette question relève des provinces.
    Comme vous le savez peut-être, j'ai fait une étude pour le gouvernement Stelmach, il y a cinq ans, où j'ai conclu que l'Alberta devait épargner davantage. Je suis un tenant du recours aux fondations, et c'est pourquoi je dis que la Norvège est l'exemple à suivre. Je viens de parler de sa gestion des ressources; je crois que sa façon de procéder est exemplaire. Il ne s'agit pas du seul pays à s'en être mieux sorti que nous; il y en a d'autres. Mais c'est pour le gouvernement de l'Alberta que j'ai rédigé ce rapport.
    À l'échelon fédéral, je crois que vous touchez peut-être des recettes fiscales de l'industrie pétrolière et gazière, mais l'impôt sur les sociétés ne génère pas du tout le même genre de recettes que les redevances. La politique sur les redevances est une compétence entièrement provinciale. On peut s'interroger sur l'adéquation des redevances en Alberta, mais c'est au gouvernement albertain qu'il revient de prendre des mesures à cet égard.
    Monsieur Willis, du point de vue de la chambre de commerce... Je sais que vous témoignez ici au nom de l'échelon national, mais j'aimerais discuter un peu de la main-d'oeuvre. Je comprends l'idée de créer des emplois à valeur ajoutée. Il y a d'excellents exemples d'emplois à valeur ajoutée dans ma circonscription du centre de l'Alberta, comme les usines d'éthylène et les emplois qu'elles ont générés, mais on n'accapare pas la dernière goutte de gaz naturel pour produire des marchandises ici.
    Je suis un député albertain, et le plus gros problème que soulèvent les employeurs se rattache à la main-d'oeuvre. On peut bien dire qu'on est en mesure de créer des emplois à valeur ajoutée plus hauts dans la chaîne, grâce à la mise en oeuvre d'une politique donnée ou je ne sais quoi, mais, au bout du compte, la question est de savoir s'il y a quelqu'un qui peut venir travailler. En Alberta, l'une de nos plus grandes importations est la main-d'oeuvre qui provient d'ailleurs pour faire ce travail. Il n'y a actuellement pas assez de gens pour accomplir le travail que nous avons à faire en Alberta, et je ne parle que des secteurs de l'extraction et des pipelines, sans tenir compte du volet à valeur ajoutée.
    Monsieur Willis, auriez-vous quelque chose pour m'aider, en ma qualité de député albertain, ou pour aider le comité à comprendre la pénurie de main-d'oeuvre? Nous sommes aux prises avec une pénurie de main-d'oeuvre, et nous parlons de créer des emplois. L'Alberta affiche l'un des plus faibles taux de chômage au pays.

  (1700)  

    Pourquoi ne posez-vous votre question relative à la main-d'oeuvre à l'expert en main-d'oeuvre? Voilà une idée de génie.
    J'arrive à vous dans un instant, monsieur McGowan.
    Je n'en doute pas.
    Je serai assez bref. Selon la Chambre de commerce du Canada, la pénurie de compétences qui afflige actuellement l'économie canadienne constitue le défi suprême du pays.
    Ce problème est particulièrement aigu en Alberta. Je crois qu'il y a des avantages à conserver les emplois chez nous et à transformer le produit dans la province.
    Je ne saurais parler des mécanismes qui seraient nécessaires pour nationaliser la ressource à cette étape-ci. En outre...
    ... il y a certains obstacles constitutionnels.
    Oui, cela soulèverait certaines questions constitutionnelles.
    J'ai énormément de respect pour... Mais si vous pouviez séparer le modèle norvégien... En Norvège, les gens n'ont aucune difficulté à promulguer des politiques publiques musclées, dont les effets sont assez profonds pour véritablement changer les comportements.
    Ce n'est pas une réalité, en fait.
    Eh bien, ça pourrait l'être. Mais il va sans dire que c'est le défi suprême pour votre administration, en ce qui concerne...
    Merci, monsieur Calkins.
    Je ne voulais pas vous interrompre. J'allais seulement demander s'il me restait du temps, mais si vous pouviez terminer votre réponse, je vous en serais reconnaissant.
    Aviez-vous fini de répondre, monsieur Willis?
    Je n'avais rien d'important à ajouter.
    Merci.
    Monsieur Choquette, vous avez un maximum de cinq minutes. Allez-y.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, tout le monde.
    Monsieur le président, comme je vais m'exprimer en français, je voulais m'assurer que tout le monde a mis ses écouteurs, et je vous demanderais d'arrêter le chronomètre, s'il vous plaît, si c'est possible.
    Non, nous devons poursuivre.

[Français]

    Je vais donc parler en français.
    Je voulais tous vous remercier d'être ici aujourd'hui. Merci à vous aussi, monsieur Wiborg, de vous joindre à nous par vidéoconférence.
    C'est très intéressant. Je ne suis pas un membre permanent de ce comité. Je siège plutôt au Comité permanent de l'environnement et du développement durable. Par contre, cette étude est fort intéressante même du point de vue environnemental.
    Une chose me vient à l'esprit quand je pense au thème de l'étude, c'est-à-dire la diversification économique. Aujourd'hui, on a beaucoup parlé de sables bitumineux, de pipelines et de l'importance de la diversification pour la création d'emplois. À cet égard — restons dans le domaine des ressources naturelles —, il y a d'autres ressources naturelles qui sont importantes. Blue Green Canada a récemment produit le rapport intitulé « En avoir plus pour notre argent ». C'est un rapport très intéressant qui mentionne que la diversification de nos ressources naturelles permettrait de créer près de 18 000 à 20 000 emplois de plus.
    J'ai aimé la façon dont M. McGowan a bien expliqué l'importance de la création d'emplois. En effet, on peut créer beaucoup plus d'emplois. Il est important aussi de ne pas se limiter à une seule ressource.
    Dans le cas de la Norvège, on savait qu'il y avait une seule ressource, mais vous avez un fonds impressionnant pour les générations futures.
    Peut-être que M. Wiborg et, par la suite, M. McGowan pourraient parler de l'importance de créer des emplois grâce à la diversification et d'avoir un fonds qui permettra de réorienter une économie qui aura besoin de l'être pour les générations futures.

[Traduction]

    Monsieur Wiborg, allez-y, je vous prie.
    Je vais tenter de répondre. Je vais revenir aux 10 commandements relatifs à l'exploitation du pétrole créés par le comité permanent du Parlement de la Norvège en 1971.
    Le texte prévoyait sans équivoque que la mise en valeur des ressources pétrolières et gazières devrait profiter à tous les Norvégiens. Il prévoyait qu'on devrait créer une industrie pétrolière et gazière appartenant aux régions — et aussi pour les volets d'approvisionnement et d'acheminement —, et c'est ce que nous avons fait.
    Aujourd'hui, cette industrie exporte partout dans le monde. En plus de faire de l'argent grâce à la production de pétrole et de gaz, nous fabriquions de l'équipement nécessaire pour que d'autres pays, d'autres provinces et d'autres États puissent rendre leur propre production viable sur le plan écologique.
    La question des emplois a été soulevée plus tôt, et j'ai essayé de faire un commentaire. Je crois comprendre que l'Alberta importe de la main-d'oeuvre aujourd'hui. La Norvège en fait autant. La population de la Norvège est passée de quatre millions à cinq millions en très peu de temps, afin que nous puissions répondre aux besoins de l'industrie pétrolière et gazière et du secteur des exportations. Ce n'est pas seulement au chapitre de la production, car cela exige moins de main-d'oeuvre; les processus automatisés sont devenus la norme.
    La dame qui a préparé la vidéoconférence aujourd'hui est suédoise. Elle est Suédoise de première génération et originaire du Moyen-Orient — la Scandinavie a également importé des gens, à l'instar du Canada. La Norvège est maintenant remplie d'Indiens, de Suédois, de Polonais, de Baltes, de Russes... Nous en avons besoin.
    Il y a des Canadiens qui arrivent et décrochent de bons emplois en ingénierie. Vous les perdez, et nous les prenons. La main-d'oeuvre et les compétences font partie de la concurrence. Mais nous avons également envoyé des Norvégiens à Calgary, pour mettre en valeur les sables bitumineux.

  (1705)  

[Français]

    Merci, monsieur Wiborg. Serait-il possible, dans l'intérêt du comité, de nous faire parvenir les commandements dont vous parlez? Je pense que tout le comité en serait très heureux.
     Monsieur McGowan, voulez-vous ajouter quelque chose?
    En fait, je ne sais pas combien de temps il reste.

[Traduction]

    À vrai dire, votre temps est écoulé.
    Monsieur McGowan, répondez très brièvement, s'il vous plaît.
    La question se rattache à la valeur ajoutée. Plusieurs personnes nous ont dit que nous ne pouvions pas ajouter de valeur en raison du concept d'avantage comparatif. Je répondrais très brièvement, tout d'abord, qu'il n'y a pas de consensus à cet égard dans la communauté économique. De plus, je crois que Paul Krugman, prix Nobel d'économie, a bien résumé la chose lorsqu'il a fait valoir que, si la Corée et le Japon s'étaient attachés à la notion d'avantage comparatif, ils seraient encore à exporter du riz.
    Merci, monsieur McGowan.
    Monsieur Leef, vous avez un maximum de cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, tout le monde.
    Il y a eu une courte discussion touchant la diversification des produits par opposition à la diversification des marchés. Je représente le Yukon, et il y a dans ma région quelques petits projets de démonstration en cours, dans les domaines de l'énergie géothermique, éolienne et hydroélectrique. On est également en train d'explorer des projets dans le domaine du gaz naturel liquéfié. Cela m'amène à une question que je me pose, et je demanderais peut-être aux témoins réunis ici de me dire ce qu'ils en pensent.
    Sommes-nous en position de prendre une décision? Ce n'est peut-être pas aussi simple que ça, mais devons-nous d'abord diversifier le marché, puis essayer de présenter aux gens avec qui nous avons établi des liens dans les divers marchés les autres technologies ou produits que nous avons? Devrions-nous commencer par diversifier nos produits, mettre en relief les merveilleux avantages qu'offre une gamme diversifiée de produits, puis aller explorer les marchés? Si je pose cette question, c'est que nous avons entendu dans le passé un certain nombre de témoignages selon lesquels il y aurait actuellement une course dans le marché de l'énergie et ce serait le premier projet terminé qui mettrait la main sur les contrats à long terme; nous risquerions donc d'échouer. Vous voyez probablement ce que j'essaie de dire. Si nous passons trop de temps à essayer de diversifier toutes sortes de choses qui exigent beaucoup de main-d'oeuvre et dont l'infrastructure coûte très cher — et nous avons déjà entendu parler des défis relatifs aux ressources humaines —, allons-nous laisser l'occasion s'échapper et perdre nos marchés pendant que nous essayons de développer cela? Ne serions-nous pas mieux de consolider le marché que nous avons déjà avant d'établir des liens avec d'autres produits? J'aimerais avoir vos commentaires sur la question; ajoutez-y les points que vous jugerez pertinents.
    Je commencerai par M. Willis, puis nous procéderons dans l'ordre.
    Parlez-vous de la création d'emplois ou de la sécurité de l'approvisionnement en électricité et en énergie?
    J'imagine que c'est à nous de le décider. Nous étudions la question de la diversification. Quels seraient donc les éléments clés et les arguments en faveur de la diversification? Une fois qu'on aura répondu à cette question, quelle avenue devrait-on prendre?

  (1710)  

    Je ne crois pas connaître suffisamment le contexte provincial et territorial du Yukon pour donner une réponse éclairée.
    Parlez de la situation à l'échelle du pays, ne vous limitez pas à celle du Yukon. C'était seulement un exemple que j'ai utilisé, mais on peut discuter de la situation du Canada en général.
    Je peux seulement parler de l'industrie pétrolière et gazière, c'est là que j'ai acquis le plus d'expérience. Je crois que, si les décideurs — à l'échelon provincial, surtout, mais aussi à l'échelon fédéral — ne font pas des efforts concertés, nous courons le risque très réel de rester confinés au bas de l'échelle de valeur. Nous risquons de ne plus pouvoir bouger de là par la suite. L'infrastructure nécessaire aux activités de transformation et de raffinage coûte des milliards de dollars. Si on construit cette infrastructure sur les côtes du golfe du Mexique ou dans le Midwest américain, elle y restera.
    Les intervenants du gouvernement de l'Alberta, de l'industrie et — de plus en plus — du gouvernement fédéral, parlent essentiellement d'une stratégie énergétique continentale, et les gens d'un côté de la table semblent accepter cela comme allant de soi. Je ferais cependant valoir que la question de savoir si nous devrions nous cantonner dans une stratégie énergétique continentale, où nous approuvons tout ce que dit notre partenaire américain, n'a jamais été posée aux Canadiens dans le cadre d'une élection. Ce n'est pas ce que veulent les Canadiens, et je crois que, si vous leur posiez la question, ils rejetteraient cette proposition.
    Alors je répondrais que nous devrions effectivement commencer par diversifier nos produits, car si nous ne le faisons pas, nous allons rester confinés dans le rôle de bûcherons, de porteurs d'eau et de creuseurs de puits de pétrole pour longtemps, alors que nous pourrions jouer le rôle plus profitable et souhaitable d'intervenants qui ajoutent de la valeur.
    Monsieur Mintz.
    Il y a un aspect de la diversification dont vous n'avez pas parlé. Laissez-moi le survoler. Nous avons jusqu'ici parlé de deux aspects. Le premier, celui qu'on pourrait appeler la diversification des produits, à savoir, en l'occurrence, l'opposition entre le pétrole lourd et le pétrole synthétique, dont on a surtout parlé, même si on pourrait aussi parler d'autres secteurs de fabrication et d'autres aspects.
    Il y a ensuite la diversification géographique des marchés, un autre concept ou un autre type de diversification.
    Mais il existe un troisième aspect, dont on parle souvent en Alberta, mais qui est, à franchement parler, selon moi, un enjeu qui concerne l'ensemble du Canada, et je parle de la diversification des secteurs. C'est vraiment pertinent, pour moi. On peut essayer de progresser dans la chaîne de la valeur ajoutée, par exemple en allant du bitume jusqu'au pétrole synthétique.
    Mais le commentaire de M. Calkins est on ne peut plus pertinent. Dans un contexte de plein emploi, on ne crée pas vraiment d'autres emplois, mais on cause une hausse des salaires. Cela peut aussi être préjudiciable à la diversification industrielle, car, ce qui se passe, c'est qu'on oriente des ressources vers une activité particulière au détriment d'autres activités, qu'il s'agisse du secteur agricole, du secteur manufacturier, peu importe. En fait, lorsque vous orientez plus de ressources vers la production d'énergie... Et si vous le faites par le truchement de politiques gouvernementales qui ne tiennent pas compte des exigences du marché, ce que vous faites ou ce que vous risquez de faire, ce qui me ramène à ce que je veux dire, c'est nuire à la création d'emplois.
    En fait, ce n'est pas tant de la création d'emplois que nous devrions nous préoccuper, dans l'avenir. Nous devrions plutôt nous préoccuper des revenus, car le monde change et, en raison des changements démographiques, la main-d'oeuvre va manquer. Il faudrait donc vraiment que nous réfléchissions à la façon d'optimiser les ressources du pays de manière à maximiser les revenus.
    Nous devons vraiment réfléchir au problème de la productivité, et je crois qu'essayer de créer de la valeur ajoutée, par la transformation, de façon à exporter moins de pétrole brut et davantage de pétrole synthétique, illustre très bien ce que j'essaie de dire, à savoir le fait que cela pourrait réellement nuire à la productivité de l'économie. Cela pourrait en fait nous nuire, car cela va miner la diversification des secteurs dont nous avons besoin.
    Merci, monsieur Mintz. Merci, monsieur Leef.
    Nous donnons maintenant la parole à M. Trost, pour cinq minutes. Ce sera ensuite le tour de M. Julian et de M. Garneau.
    Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Trost.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Mintz, ce n'est pas la première fois que je vous entends témoigner. Vous avez parlé de choses comme la neutralité fiscale, l'absence de distorsions, etc. Vous pouvez aussi parler de redevances, mais nous n'allons pas aborder ce sujet dans notre rapport, car nous savons que c'est tout à fait une compétence provinciale. Mais je me demandais si certaines des politiques en matière de réglementation ou de fiscalité qu'envisagent aujourd'hui les gouvernements fédéral ou provinciaux n'entraîneraient pas une distorsion dans le domaine de l'exploitation et de l'exportation de nos ressources naturelles.
    Je pense à l'époque où le taux d'imposition des sociétés différait selon la ressource naturelle exploitée. Existe-t-il encore aujourd'hui des mécanismes semblables dont nous n'avons pas parlé?

  (1715)  

    Eh bien, les trois derniers budgets proposaient un certain nombre de changements qui, à mon avis, sont judicieux. Je crois réellement qu'il faut garder les taux bas et les appliquer de façon large et qu'il faut essayer de rester neutre. Je ne crois pas que les gouvernements sachent vraiment bien déterminer qui seront les gagnants et qui seront les perdants, mais les perdants savent très bien choisir leur gouvernement. Il est important que le régime fiscal soit neutre, et c'est pourquoi j'estime que l'élimination du crédit d'impôt pour l'exploration minière est une bonne chose. Dans le dernier budget, on a bien fait de proposer une reclassification de postes de dépense, de façon que certaines dépenses, qui étaient passées en charge, soient maintenant inscrites à titre de dépenses de développement, ce qui suppose un taux d'amortissement plus faible. Je crois également qu'il était très avisé, sur le plan stratégique, d'éliminer progressivement, il y a quelques années, le taux de déduction pour amortissement accéléré dans l'industrie des sables bitumineux.
    Je crois qu'on pourrait aller plus loin, dans certains cas. J'aimerais qu'on élimine les actions accréditives. Selon moi, elles n'aident pas l'industrie pétrolière ou gazière ni l'industrie minière. Et il y a probablement d'autres mécanismes qu'on pourrait envisager. Mais, en ce qui concerne le travail que nous avons fait, le rapport que nous avons publié, sur le taux d'imposition marginal effectif sur le capital, il y a une chose qui surprend — du moins, cela m'a surpris lorsque j'ai fait cette analyse —, c'est que le taux d'imposition effectif, autrement dit l'impact sur l'incitation à investir, est en fait plus élevé, du moins en Alberta, pour les sables bitumineux que pour d'autres industries. C'est vraiment intéressant. Autrement dit, même si les gens parlent de diverses formes de subventions, il y a des éléments du régime fiscal qu'on pourrait changer.
    Est-ce que je vous ai bien compris? De fait, le régime fiscal de l'Alberta ne traite pas les sables bitumineux équitablement.
    Cela concerne à la fois l'impôt des sociétés et son incidence sur les redevances. Le régime de redevances, en Alberta, a été très bien structuré. Il ressemble beaucoup à la taxe supplémentaire de la Norvège, qui est censée être  — en principe — une taxe de rente. Il n'y pas de rente sur la marge, alors il ne faudrait pas imposer des redevances sur la marge. Je ne veux pas tomber dans le jargon technique, mais il y a une interaction entre l'impôt des sociétés et les redevances, et je l'ai souligné dans plusieurs publications, dont une publication en Australie. Si vous augmentez le taux de redevances, le taux d'imposition marginal augmente également. Il ne faudrait pas faire cela, en principe, étant donné ces interactions.
    Devrions-nous étudier cette question? Je suis loin d'être un expert du domaine. Devrions-nous songer à modifier l'impôt fédéral sur le revenu des sociétés de façon qu'il n'y ait pas d'incidence sur le plan des recettes?
    Je crois que l'impôt des sociétés devrait être neutre dans toutes les industries. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Sur ce point, je suis tout à fait d'accord avec Gil, car il y a au Canada un parti pris en faveur du secteur des ressources et du secteur manufacturier, et on continue à taper sur d'autres secteurs de l'économie, particulièrement celui des services, où il y a beaucoup de croissance. Je suis partisan d'une plus grande neutralité du système. J'aimerais qu'on continue à travailler en ce sens.
    Nous avons surtout parlé du secteur pétrolier, aujourd'hui. Nous aborderons les autres sujets un autre jour. Avez-vous des commentaires à faire sur la diversification, de nos ressources gazières en particulier? J'aimerais bien qu'on parle de l'uranium, étant donné que je viens de la Saskatchewan, mais je ne crois pas que quiconque veuille en parler. Est-ce que quelqu'un a des commentaires à faire sur les mesures que nous devrions prendre à l'égard du gaz et de l'électricité, dont on n'a pas encore parlé aujourd'hui?
    J'aimerais entendre l'un de vous faire un commentaire.
    Monsieur Wiborg, s'il vous plaît.
    Ceci pourrait vous intéresser. Il y a une installation de production de gaz naturel liquéfié en Norvège. C'est loin dans le nord, près de la mer de Barents, dans l'Arctique. Elle a été construite principalement à l'intention du marché américain. Statoil a construit un... terminal gazier afin de pouvoir accéder au marché américain.
    Aujourd'hui, nous avons envoyé vers le marché asiatique plusieurs bateaux chargés de gaz naturel liquéfié. Vous êtes beaucoup plus près de l'Asie que nous. Selon moi, vous devriez examiner vos ressources gazières et [Note de la rédaction: inaudible] pour combler les besoins en chauffage, pour les sables bitumineux. Le pétrole vaut plus que le gaz sur le marché international, même le bitume. Une fois transformé, il vaut plus. Une fois raffiné, il vaut encore plus. Vous avez besoin de gaz pour pouvoir faire cela. Il faut donc revenir aux anciennes politiques des années 1970, les politiques de l'Energy Resources Conservation Board de l'Alberta, à l'époque où l'industrie des sables bitumineux pouvait se procurer à peu de frais du gaz et alimenter la production de Syncrude. En 1974, ces activités n'étaient pas rentables. C'est seulement en raison du bas prix du gaz canadien que cela a été possible.
    Vous ne devriez pas retourner à cela, mais vous devriez étudier l'ensemble de la situation énergétique du Canada, des provinces — l'Alberta, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, etc. — en tentant d'arriver à un équilibre entre les intérêts des électeurs canadiens... Principalement des entreprises américaines, d'ailleurs, des sociétés étrangères comme Statoil.

  (1720)  

    Merci, monsieur Wiborg.
    Monsieur Garneau, vous ne pourrez probablement poser qu'une brève question.
    Allez-y, monsieur Julian.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur un sujet qui a été abordé quand il était question de la stratégie du Canada en matière d'exportation. Nous voyons ce qui se passe dans le cas de Keystone, la forte réaction du public et de bien des gens au sein du gouvernement des États-Unis. La réputation lamentable du Canada au chapitre de la lutte contre les changements climatiques et des initiatives environnementales sous la houlette du gouvernement actuel a nui à la capacité du pays de même songer à s'aventurer sur les marchés d'exportation. Je sais que M. Mintz a déclaré, dans son témoignage, que le gouvernement fédéral devrait dès maintenant commencer à taxer les émissions de carbone pour éviter de se retrouver plus tard avec une courtepointe de taxes provinciales sur le carbone.
    M. Mintz a dit très clairement qu'il faudrait tarifer le carbone. C'est important. Il l'a dit en 2008, et je crois qu'il l'a dit à titre de témoin du gouvernement. Il est très intéressant de constater qu'il est en désaccord avec les conservateurs sur ce point.
    J'aimerais que vous me disiez, messieurs McGowan, Willis et Wiborg, si, à votre avis, il est important de tarifer le carbone.
    Est-ce que votre question va d'une façon ou d'une autre avoir un lien avec la diversification des marchés, monsieur Julian?
    Monsieur le président, je viens de parler de toute cette question de Keystone, de la diversification des marchés et des problèmes que cause l'immobilisme du gouvernement conservateur en ce qui concerne le projet Keystone.
    C'était mon entrée en matière.
    Le président: Cela m'a échappé. Vous avez été très subtil!
    M. Peter Julian: Je crois qu'il est clair, aux yeux de tous, qu'il y a un lien avec la diversification des marchés.
    Par qui voudriez-vous commencer?
    M. McGowan, un homme très intelligent et très habile, qui a fait l'une des meilleures déclarations préliminaires.
    Monsieur McGowan, allez-y.
    Il est intéressant que vous posiez la question, puisque, la semaine dernière, justement, notre fédération, qui représente 27 syndicats regroupant 160 000 travailleurs syndiqués de l'Alberta — je précise qu'il s'agit de l'Alberta — a adopté un énoncé de politique et présenté un document de politique concernant la taxation du carbone.
    Nos syndicats, y compris ceux qui représentent les travailleurs du secteur énergétique, sont unanimement en faveur de l'adoption d'une taxe sur le carbone plus sévère. En Alberta, la taxe sur le carbone n'est que de 15 $ la tonne, ce qui est loin d'inciter les industries à faire leur part.
    Il est intéressant de souligner que nous avons indiqué, dans notre document de politique, que c'est l'industrie elle-même qui demande aux gouvernements provincial et fédéral d'agir. De fait, certains intervenants du secteur affirment qu'ils seraient prêts à accepter une taxe sur le carbone allant jusqu'à 100 $ la tonne, ce qui est huit fois le prix actuel.
    Les intervenants du secteur disent qu'ils ont déjà commencé à intégrer ce coût à leurs plans et à leurs prévisions. Honnêtement, cela nous permettrait de restaurer la réputation du secteur énergétique canadien à l'étranger. Cette mauvaise réputation a une incidence importante. La politique a de l'importance, quand on voit que nos marchés potentiels risquent de fermer leurs portes aux produits canadiens.
    C'est dans notre intérêt. L'industrie le veut. Cela améliorera notre réputation. Cela nous aidera à accéder aux marchés.
    Il faudrait donc aller de l'avant et adopter au pays une taxe sur le carbone qui aurait vraiment du poids.

  (1725)  

    M. Willis, puis M. Wiborg.
    Allez-y, monsieur Willis.
    Merci de poser la question.
    J'ai parlé rapidement du besoin d'adopter une politique responsable en matière d'énergie qui — encore une fois, de l'avis de la chambre de commerce — serait compatible avec la diversification du marché.
    Dans une autre vie, j'étais négociateur en matière de changements climatiques pour le gouvernement canadien. Quand vous parcourez le monde, vous comprenez assez vite que les gens ne sont pas vraiment intéressés à savoir si un problème concerne les gens de l'Alberta, de Terre-Neuve ou de l'Ontario: pour eux, c'est un problème qui concerne le Canada.
    Il serait beaucoup plus facile pour nous de garder la tête haute, quand on sort du pays, si nous avions tarifé le carbone. Je crois que cela nous permettrait de faire certaines des choses dont nous parlons ici aujourd'hui.
    Monsieur Wiborg, allez-y, s'il vous plaît.
    Le point de vue des Européens est peut-être un peu différent.
    Il est de bon ton de parler d'une taxe sur le carbone. Si on craignait réellement que le bitume produit à partir des sables bitumineux n'ait pas accès aux marchés mondiaux en raison de l'enjeu des émissions de carbone, alors évidemment... Mais ce n'est qu'une façon de taxer les redevances.
    La question qu'il faut se poser est la suivante: comment cet argent sera-t-il utilisé? Servira-t-il à améliorer les aspects environnementaux de la production, des politiques, des technologies canadiennes afin qu'on puisse les vendre à d'autres pays? Vous pourriez réussir. Nous avons essayé, et une partie de l'industrie a réussi.
    Mais prenons l'Europe d'aujourd'hui, le marché commun de l'Europe. Prenons le Royaume-Uni. Prenons l'Allemagne. Dans ces pays, la production d'énergie coûte tellement cher que l'industrie a déménagé. Il y a peu de création d'emplois possible. En Europe, de 25 % à 50 % des jeunes sont au chômage. Je parle des jeunes de plus ou moins 25 ans.
    Je ne crois pas qu'une taxe sur le carbone soit la solution que les gens envisageaient lorsqu'ils pensaient que le protocole de Kyoto continuerait. Tant que la Chine, l'Inde et les autres pays qui nous battent sur le plan des coûts de production ne l'appliqueront pas, ou tant que nous n'appliquerons pas un tarif qui fera augmenter les droits d'importation de produits venant de pays qui n'ont pas de taxe sur le carbone, je crois que tout le monde y perdra.
    En réalité, nous avons exporté des emplois vers les pays dont les usines sont alimentées au charbon. Ils polluent le monde entier, mesdames et messieurs, le monde entier. Il n'y a pas de frontière dans l'atmosphère de la planète.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Garneau, nous n'avons plus de temps. Je suis désolé. Je vais essayer de vous laisser un peu plus de temps pour poser vos questions la prochaine fois.
    Merci beaucoup à tous les témoins d'aujourd'hui: à titre personnel, M. Jack Mintz, directeur et titulaire de la Chaire Palmer en politique publique de l'Université de Calgary; M. Gil McGowan, président de l'Alberta Federation of Labour; M. Scott Willis, directeur, Politiques des ressources naturelles et de l'environnement, Chambre de commerce du Canada; et, par vidéoconférence depuis Stavanger, en Norvège, également à titre personnel, M. Rolf Wiborg, ingénieur.
    Merci beaucoup à vous tous. À la prochaine.
    La séance est levée.
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