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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 049 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 16 février 2011

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Français]

    Bonjour à tous et bienvenue à la 49e séance du Comité permanent de la défense nationale. Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 6 décembre 2010, nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence. J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins, soit M. Michael Spratt et Mme Constance-Baran-Gerez, de la Criminal Lawyers' Association of Ontario.

[Traduction]

    Merci d'être venus.
    Avant de vous céder la parole, je la laisse momentanément à M. Bachand.

[Français]

    Monsieur Bachand, vous pouvez maintenant traiter de l'une de vos motions.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai consulté mes collègues au sujet de cette motion qui concerne la lapidation de jeunes hommes et de jeunes femmes en Afghanistan. Hier, j'ai eu le plaisir de constater que mes collègues du comité de suivi sur l'Afghanistan l'appuyaient.
     Je dépose donc la motion devant le comité aujourd'hui afin qu'on puisse la soumettre au vote. À l'origine, des membres du Comité de la condition féminine avaient vu sur YouTube des scènes de lapidation absolument intolérables.
    J'ai approché les divers porte-parole autour de cette table et personne ne s'est objecté à cette motion. Je demande à mes collègues de se joindre à moi en vue de défendre ces jeunes hommes et jeunes femmes qui sont victimes en Afghanistan de cette pratique absolument barbare qu'est la lapidation.
    Pour les fins du compte rendu, pourriez-vous lire votre motion?
    Oui, certainement. Elle se lit comme suit:
Que le Comité condamne les lapidations de jeunes femmes et jeunes hommes faites en Afghanistan et demande au gouvernement de prendre les actions nécessaires pour mettre fin à ces lapidations le plus tôt possible et qu’il en soit fait rapport à la Chambre à la première occasion.
    Merci. Avons-nous le consentement unanime? Les membres du comité approuvent-ils la motion? Oui? Très bien.
    (La motion est adoptée à l'unanimité.)
    Merci, monsieur Bachand.
    Je vais maintenant donner la parole à la Criminal Lawyers' Association of Ontario.

[Traduction]

    Maître Spratt, vous avez la parole. Vous disposez de dix minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais d'abord me présenter. Je me nomme Michael Spratt. Je suis avocat criminaliste, directeur de la Criminal Lawyers' Association, la CLA. Je vous présente, à ma droite, Constance Baran-Gerez, également criminaliste, membre de la Criminal Lawyers' Association et spécialiste du droit criminel agréée par le Barreau du Haut Canada.
    Comme je l'ai dit, nous représentons la Criminal Lawyers' Association, organisme à but non lucratif qui compte plus de 1 000 membres en Ontario et partout au Canada. Notre mandat est d'instruire nos membres, de les représenter et de les mettre en avant, sur les questions touchant le droit criminel et constitutionnel. Des comités parlementaires tels que le vôtre recherchent régulièrement l'avis de l'association sur des projets de loi. Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour cela.
    La CLA appuie les lois qui font mieux reconnaître les valeurs de la Charte des droits et libertés ainsi que l'équité de la procédure. Le point de vue que nous présenterons sur le projet de loi est celui de criminalistes. Je n'ai pas été dans l'armée et je ne fais pas beaucoup de travail pour les militaires. Je m'attends à ce que le comité entende des confrères ou des consoeurs ayant cette expérience.
    Disons, pour relativiser nos observations, que les cours criminelles peuvent prendre en compte des considérations différentes de celles des tribunaux militaires, mais, d'emblée, je peux dire que je suis heureux de vous annoncer que, en général, la CLA est très heureuse du langage utilisé dans le projet de loi ainsi que des nouvelles dispositions qu'on y trouve. Ils semblent renforcer l'équité de la procédure et adopter de nombreuses recommandations du rapport Lamer. Je vais laisser à Constance le soin de dire au comité tout le bien qu'il accomplit, après quoi, pour terminer, je me réserverai la tâche très plaisante de vous signaler quelques éléments d'après nous perfectibles du projet de loi.
    Sans plus attendre, je cède la parole à Constance qui consacrera la plus grande partie de son temps à vous parler des qualités que nous avons trouvées au projet de loi.

  (1535)  

    Au nom de la Criminal Lawyers' Association, M. Spratt et moi-même sommes heureux de vous conseiller vivement d'appuyer les amendements apportés à la loi par le projet de loi. Un certain nombre d'entre eux favorisent une réaction expéditive et juste aux infractions d'ordre militaire, tout en respectant la Charte canadienne des droits et libertés. J'aimerais attirer l'attention du comité sur certains d'entre eux.
    L'article 41, particulièrement, qui concerne l'indépendance des juges militaires, constitue une amélioration, en assurant leur inamovibilité jusqu'à la retraite ou à leur révocation motivée.
    Les articles 35 et 36, qui limitent à six mois la période pendant laquelle on peut porter une accusation pouvant donner lieu à un procès sommaire, ce qui est une amélioration par rapport à la loi en vigueur, qui ne prévoit rien de tel. Cet amendement, que nous appuyons, correspond au paragraphe 786(2) du Code criminel.
    La CLA appuie les articles 27 et 28, qui, pour la première fois, limitent le pouvoir d'arrestation pour les infractions réputées non graves. Nous appuyons également l'article 32 du projet de loi, qui précise de manière importante les conditions justifiant la détention avant le procès.
    La CLA appuie l'interdiction faite aux policiers militaires de faire partie du comité d'une cour martiale générale, dans l'article 48, parce qu'il ne suffit pas que justice soit faite, il faut encore qu'elle semble avoir été faite.
    On a introduit, pour la résolution des faits contestés, pertinents pour la détermination d'un jugement équitable, un mécanisme semblable à celui qu'appliquent les cours criminelles, depuis l'arrêt R. c. Gardiner [1982] de la Cour suprême du Canada, selon lequel les faits aggravants doivent être prouvés hors de tout doute raisonnable.
    Pour la première fois, la Loi sur la défense nationale comporte un énoncé des objectifs et des principes de la détermination de la peine. D'après la CLA, l'article 62 et les articles subséquents ne visent pas seulement à favoriser l'efficacité opérationnelle des Forces canadiennes, mais, en outre, ils promeuvent les valeurs exprimées dans les articles 718, 718.01 et 718.2 du Code criminel.
    Enfin, les amendements auxquels la CLA peut accorder son appui sont notamment ceux des articles 24, 64 et 65, qui prévoient des peines supplémentaires grâce auxquelles le choix des sanctions sera plus souple, notamment l'absolution inconditionnelle, la peine discontinue, la suspension du prononcé de la sentence de détention préventive et l'ordonnance de dédommagement.
    Voilà les effets du projet de loi que la CLA peut appuyer. Me Spratt vous parlera maintenant de certains sujets d'inquiétude.

  (1540)  

    Le principal sujet d'inquiétude de la CLA, à l'égard du projet de loi et, en particulier, de la Loi sur la défense nationale, c'est qu'il néglige le problème des procès sommaires dans l'armée.
    À dire vrai, si le régime des procès sommaires se transportait dans les cours criminelles... Je suis tout à fait conscient qu'il s'agit ici d'un régime très différent et d'une application très différente de ces règles, mais, pour le criminaliste, les procès sommaires ne sont pas à la hauteur des normes de la Charte des droits et libertés.
    Le commandant qui préside un procès sommaire n'est pas un avocat qualifié.
    L'admission de l'ouï-dire comme preuve admissible nous préoccupe.
    Il faut toujours avoir présent à l'esprit le fait que les peines imposées après un procès sommaire peuvent être mineures, mais elles peuvent comprendre jusqu'à 30 jours de détention et la privation de liberté.
    Les normes de divulgation appliquées dans le régime actuel des procès sommaires ne sont pas à la hauteur de celles qu'a exposées Stinchcombe ni de celles qu'appliquent les cours criminelles, ce qui nous amène à nous interroger sur la réponse et la défense complètes.
    En outre, le droit à un avocat ne satisfait pas aux normes en vigueur de la Charte.
    Il peut être avantageux d'insister sur la célérité dans les procès sommaires dans l'armée — et je suis convaincu que le comité entendra des témoignages de militaires sur sa désirabilité —, mais il faut reconnaître que c'est l'équité de la procédure qui en fait les frais.
    Il faut avouer que la réduction à six mois de la période pendant laquelle on peut porter des accusations est un pas dans la bonne direction, en ce qui concerne les procès sommaires, et le projet de loi pourrait comporter d'autres améliorations.
    En général, le droit d'appel et les problèmes de conservation des dossiers — transcriptions et preuve convenable — n'assurent pas l'équité de la procédure.
    L'article 54 du projet de loi, qui porte sur le procès en l'absence de l'accusé, fait également problème, du point de vue du criminaliste, et nos cours criminelles ne satisferaient pas aux normes établies par la Charte. Cela est particulièrement vrai lorsqu'il y a détention avant le procès ou possibilité de privation de la liberté.
    Hier soir, en ruminant ce problème, je me suis dit que pour une infraction au code de la route passible d'amende, l'accusé a le droit d'être présent. Le procès peut se dérouler sans lui, mais, bien sûr, une amende de 65 $, c'est bien différent de la privation de la liberté. Devant des conséquences de cette ampleur, on devrait mieux tenir les dossiers, et, d'après la charte, l'accusé devrait avoir le droit d'être présent durant le procès.
    Voilà pour les motifs graves d'inquiétude. Certains peuvent déborder le cadre du projet de loi, mais ils sont néanmoins importants.
    Globalement, on constate que le projet de loi applique la majorité des recommandations du rapport Lamer, ce qui est très bien et constitue un pas dans la bonne direction. Selon nous, l'enjambée devrait être un peu plus longue.
    Merci.

[Français]

    Merci, monsieur Spratt.
     J'aimerais rappeler aux députés que nous allons devoir aller voter et que, par conséquent, nous allons terminer la séance à 17 h 15 et non à l'heure indiquée à l'ordre du jour, c'est-à-dire 17 h 30.
    Cela étant dit, je cède la parole à M. LeBlanc.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président, et merci beaucoup, également, à nos deux témoins pour être venus nous livrer leurs observations.
    Maître Spratt, vos propos ont été très intéressants. Vous avez parlé de choses que vous aimez et, à la fin, vous avez exprimé des motifs de préoccupation plutôt convaincants et, d'après moi, instructifs. Vous avez terminé sur un certain nombre de questions qui donnent à réfléchir.
    La modernisation, après tant d'années, des dispositions de la Loi sur la défense nationale concernant la justice a notamment pour objectif, et je pense que tous en conviendront, de la mettre davantage au diapason des décisions modernes prises dans le sillage de la Charte, de la jurisprudence de la Cour suprême et des travaux du feu juge en chef Lamer. Nous pensons tous que c'est l'objectif. Quant à vous, vous avez cerné un certain nombre de points sur lesquels nous ne sommes peut-être pas allés jusqu'au bout de ce que nous devions faire.
    Cela présente un danger, parce que je ne veux pas parler à la place de ceux qui font fonctionner la justice militaire. Je pense qu'ils font un très bon travail, compte tenu des moyens qu'on leur donne et du contexte opérationnel souvent difficile où ils se trouvent, par exemple en Afghanistan.
    Au début de votre exposé, vous avez reconnu que la justice militaire se distinguait de la justice criminelle typique d'un procès civil. Cela ne veut pas dire que l'on devrait moins respecter les droits de l'accusé, et vous ne l'avez sûrement pas entendu de cette façon, mais comment trouver l'équilibre entre ce qu'il faut faire pour, d'une part, maintenir la cohésion et la discipline d'une unité, sur un théâtre d'opérations à l'étranger, par exemple, dans un contexte qui exige un processus sommaire expéditif pour les infractions les moins graves, et, d'autre part, le droit à une réponse et défense complètes ainsi que le droit à un avocat, c'est-à-dire les principes les plus élémentaires de la justice criminelle dans un contexte civil?
    D'après vous, est-il possible de relever le projet de loi à un niveau auquel nous pourrions aspirer sans priver l'armée de la souplesse dont elle a nettement besoin? Vous avez vraiment mis le doigt sur des points inquiétants. Le ministre et ses collaborateurs seraient certainement réceptifs à des amendements pondérés qui préservent l'intégrité du projet de loi. Avez-vous des conseils à nous donner à cet égard? D'après moi, il n'est pas réaliste d'accorder à l'accusé jugé sommairement toute la protection accordée au présumé auteur d'un acte criminel, dans un contexte civil. En même temps, cela ne veut pas dire qu'il faut mettre en péril l'équité de la procédure et les droits de justice réels, encore moins les droits accordés par la Charte, quand l'accusé est passible d'une lourde peine.

  (1545)  

    Voici les deux conseils que je donne au comité.
    Le premier, c'est de reconnaître que l'application de la Loi sur la défense nationale peut avoir un champ d'application très vaste. Elle peut s'appliquer dans divers théâtres d'opérations, mais, également, sur le sol canadien, en période d'instruction militaire. Il pourrait y avoir lieu de distinguer ces deux contextes. Par exemple, dans un théâtre d'opérations, on est davantage justifié de trouver une issue expéditive aux plaintes de nature sommaire, tandis que quand on se paie le luxe de se trouver sur notre sol, dans ses meubles, on pourrait imposer des normes différentes. Nous devrions certainement en tenir compte sous le régime de l'article 1 de la Charte, quand nous cherchons à déterminer si elle est violée et si cet article permet en fait d'invoquer ces normes. C'est peut-être une distinction que l'on pourrait faire.
    Si des normes plus laxistes rendent la procédure inique, une bonne façon de se prémunir contre leur effet consisterait, d'après moi, à renforcer le droit d'appel et à monter un bon dossier pour s'assurer, en cas d'injustice ou de viol des normes de la Charte, de pouvoir corriger cette erreur en temps propice.
    À cela, j'ajouterais la suppression de la détention avant procès, avec privation de liberté, parmi les peines dont on est passible après un procès sommaire. Cela contribuerait énormément à rendre plus équitable le processus.
    Je comprends que devant la possibilité d'être privé de la liberté, on donne souvent le choix à l'accusé. Cependant, si cette peine cessait d'être une sanction possible à l'issue d'un procès sommaire, le régime pourrait résister à un examen minutieux fondé sur la Charte.
    Donc l'accusé, devant la perspective d'un procès sommaire, saurait, grâce à la certitude et à la clarté du droit, que, s'il choisit la procédure sommaire — j'emploierai peut-être l'analogie avec le domaine civil —, il n'est pas passible d'une peine de garde fermée.
    Ce sont de très bonnes propositions.
    En ce qui concerne le droit à un avocat, si vous deviez classer vos motifs de préoccupation... Je pense que l'idée d'un dossier de la preuve et le renforcement des droits d'appel viendraient au premier rang. J'aime l'idée de limiter, peut-être, l'élément d'imposition de la peine. Vous avez soulevé le droit de garde, le droit de divulgation.

  (1550)  

    Je prêche peut-être pour ma paroisse, mais, d'après moi, le fait de bénéficier de la présence d'un avocat est l'une des meilleures garanties d'accéder à la justice et à l'équité de la procédure, car on s'assure, dès le début, qu'aucune injustice ne passera inaperçue. Je note que des dispositions — par exemple celles qui concernent le procès en l'absence de l'accusé — permettent à l'accusé d'être représenté par un avocat. On peut les renforcer. Dans le cas d'accusés militaires, plus particulièrement, on pourrait peut-être légiférer pour que les services de l'avocat soient fournis et payés, parce que les soldats doivent également faire face à la réalité économique. La garantie d'être représenté par un avocat compétent, quand la détention est une issue possible, ferait beaucoup pour dissiper certains de nos motifs d'inquiétude.
    Le choix des avocats de la défense en matière criminelle à Kandahar peut ne pas être non plus très rassurant.
    Les honoraires de l'aide juridique devraient être assez salés.

[Français]

     Merci, monsieur LeBlanc. Merci, monsieur Spratt. Je vais maintenant céder la parole à M. Bachand.
    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue à nos invités.
     J'aimerais d'abord savoir quelles sont vos connaissances en matière de droit militaire. Est-ce la première fois que vous comparaissez devant un comité pour donner l'avis de votre organisation sur le droit militaire? Je ne dirais pas que ce dernier est complexe, mais tout le monde s'accorde pour dire qu'il est en quelque sorte séparé de la justice civile.

[Traduction]

    Oui, c'est la première fois que je comparais devant le comité.
    Les membres de la CLA possèdent diverses spécialités. Certains de nos membres exercent dans ce domaine, et nous avons consulté à l'extérieur. C'est pourquoi j'ai pris soin, au début de notre exposé, de préciser que nous ne nous prétendions pas spécialistes du domaine. Nous sommes ici pour vous donner le point de vue d'avocats qui s'occupent de questions relatives à la Charte, au quotidien, en matière criminelle et nous voulions vous offrir les moyens de le transplanter dans le contexte qui nous occupe.
    Sans aucun doute, vous entendrez parler de spécialistes qui connaissent mieux le sujet que nous. Ils pourraient présenter des arguments convaincants sur le fonctionnement de l'article 1 de la Charte et comment il pourrait autoriser la mise en oeuvre opérationnelle du projet de loi, mais, d'après nous, d'après notre association, la Charte est un document très important, et les valeurs qu'elle véhicule devraient vraiment imprégner toutes nos lois.

[Français]

    Constance, est-ce la première fois pour vous également?

[Traduction]

    Oui, c'est la première fois. Cependant, avant de me présenter devant vous, j'ai consulté un militaire qui travaille dans le cabinet du juge-avocat général pour le service d'avocats de la défense. J'ai également consulté deux majors à la retraite, qui avaient tous deux été adjudants-majors pour leurs unités. À ce titre, ils ont tous deux assisté leurs commandants dans des procès sommaires. Chacun a été officier désigné dans au moins six ou sept procès sommaires. Ils connaissent donc le processus, du point de vue opérationnel, pour avoir conféré avec leurs commandants et pour avoir joué le rôle, sur le terrain, d'officiers désignés.

[Français]

    On entend dire qu'à l'heure actuelle, l'écart entre la justice civile et la justice militaire est trop prononcé. Êtes-vous d'accord?

[Traduction]

    En ce qui concerne le procès sommaire — et non la cour martiale, qui semble avoir pris en compte des éléments tels que le fait d'être un tribunal d'archives, de posséder une voie d'appel et d'accorder le droit à un avocat, de fournir les services d'un avocat aux accusés, s'ils souhaitent s'en prévaloir, et de désigner un avocat comme officier président — la position de la Criminal Lawyers' Association's est que, dans son processus, il ne satisfait pas aux normes de la Charte. Cependant, nous comprenons que d'autres facteurs entrent en ligne de compte, dans cette organisation à nulle autre pareille.

  (1555)  

[Français]

    Les soldats qui sont condamnés à la fin d'un procès sommaire peuvent écoper d'un casier judiciaire. C'est relativement fréquent. Vous n'avez pas mentionné cette situation, qui est critiquée par certains. Connaissez-vous cet enjeu? Il m'apparaît un peu exagéré qu'une personne ayant désobéi ou ayant refusé d'obéir aux ordres de son supérieur se retrouve avec un casier judiciaire. Il me semble que cette punition est démesurée par rapport à l'infraction reprochée.

[Traduction]

    Je suis d'accord. La question et la vraie difficulté résident dans la définition de « casier judiciaire ». D'après la Loi sur la défense nationale, la Loi sur le casier judiciaire, la Loi sur l'identification des criminels et le Code criminel, rien n'est prévu sur les modalités de la communication du verdict de culpabilité à l'issue d'un procès sommaire au Centre d'information de la police canadienne, ou CIPC. Dans l'article 75 du projet de loi, se trouve un amendement que nous sommes heureux d'appuyer et qui fait des cinq infractions non graves d'après la loi des infractions qui ne sont pas criminelles, ce qui aide beaucoup. Le coupable n'a pas à obtenir le pardon, et, dans la mesure où nous pouvons le déterminer, c'est la signification de cet amendement.
    Il faut la lire également en ayant à l'esprit la version actuelle de la Loi sur la défense nationale. L'article 196.26 énumère les infractions désignées, pour lesquelles il faut photographier l'accusé et prendre ses empreintes digitales. Il peut être particulièrement inquiétant pour l'accusé qu'une condamnation pour quelque chose comme la conduite inappropriée d'un véhicule puisse donner lieu à un procès au criminel.
    Je trouve un certain réconfort dans l'article 196.29 de la Loi sur la défense nationale, qui prescrit la destruction des empreintes digitales, des photographies et des résultats de mensurations obtenues en application de l'article 196.27 si l'accusé est jugé sommairement. Ce n'est que pour les infractions jugées en cour martiale et ayant donné lieu à une condamnation que ces éléments font partie du casier judiciaire pour lequel le condamné doit ensuite obtenir le pardon.

[Français]

    On a entendu parler d'un autre enjeu. Il existe un comité chargé de l’examen de la rémunération des juges militaires. Or les dépenses de ces juges sont payés par les contribuables, contrairement à ce qui prévaut, je pense, dans la société civile. Dans un contexte semblable au Québec, par exemple, on fournit un certain montant aux juges de la Cour supérieure. Ce n'est pas aux contribuables d'assumer ces frais. Êtes-vous au courant de cet enjeu? Pour ma part, j'aimerais que les contribuables n'aient plus à assumer les frais relatifs au Comité d'examen de la rémunération des juges militaires.

[Traduction]

    Pour ce qui est de la question des contribuables qui assument les frais relatifs aux comités d'examen de la rémunération des juges militaires, on peut aussi considérer que l'argent est dépensé de façon judicieuse s'il permet de confier ces fonctions à des personnes bien formées et, grâce à ce projet de loi, plus indépendantes. Je crois que l'indépendance et la compétence judiciaires n'ont pas de prix. Je suppose qu'il s'agit d'une question de nature politique qui doit être prise en considération. Le contribuable est-il prêt à en supporter le poids? Toutefois, nous sommes d'avis que si cette dépense donne lieu à un procès plus juste, alors cela en vaut la peine.

[Français]

    Merci, monsieur Bachand. Merci, monsieur Spratt.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Harris.

  (1600)  

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Je suis heureux que quelqu'un jette un regard neuf sur ce projet de loi, et le fait que vous n'êtes pas des avocats militaires va peut-être aider — du moins, pour moi. L'une de mes préoccupations, c'est de m'assurer que nos militaires ne sont pas traités moins équitablement que les civils en vertu d'un système de justice, car ils ne resteront pas dans les forces armées éternellement. Même le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense, qui est ici avec nous, a été militaire durant un certain temps. Il ne l'est plus, et bien des gens quittent la vie militaire après seulement quelques années. D'autres y restent durant toute leur carrière.
    La question du casier judiciaire m'intéresse beaucoup. J'y vois un lien possible avec le procès sommaire. Je ne sais pas si vous connaissez le principe selon lequel la justice militaire est différente parce qu'elle exige de la discipline et de la rapidité, ainsi que de maintenir le moral et la cohésion d'une force de combat. Je pense qu'il faut tenir compte de certains éléments d'un « procès équitable » garanti par notre charte. Même s'il y a un compte rendu, le commandant sera toujours le commandant, et on ne peut faire en sorte que tout le monde soit diplômé en droit.
    On a laissé entendre qu'en ce qui concerne le casier judiciaire, on peut accepter qu'un système soit moins équitable en matière de procédure si les conséquences pour un militaire ne sont pas autant importantes. Les forces armées peuvent le juger pour possession de marijuana ou pour des infractions et cela pourrait lui occasionner des problèmes dans la vie civile. De nos jours, avec le CIPC et les frontières — et Dieu sait ce que d'autres pays peuvent penser des condamnations — le casier judiciaire est toujours là.
    Soit dit en passant, sachez que 90 p. 100 de toutes les infractions militaires sont jugées en vertu de la même procédure que vous avez critiquée. Pensez-vous qu'il serait souhaitable qu'un procès sommaire ne puisse mener à une condamnation au sens de la Loi sur le casier judiciaire? L'article 75 fait référence aux peines mineures, et elles sont définies, et la réglementation pourrait changer. Je ne sais même pas ce qu'elle prévoit actuellement. Est-il justifié d'interdire entièrement une infraction qui mène à un casier judiciaire si les forces armées procèdent ainsi dans le but de maintenir la discipline et l'ordre, mais si cela nuit à la personne accusée dans l'avenir?
    Je suis d'accord avec vous sur ce point. Lorsqu'on tient compte de la nature et de la gravité de la violation de la Charte et des conséquences potentielles, on constate que ce sont tous des facteurs qui entrent en ligne de compte, et c'est donc un système moins équitable ou qui ne résisterait pas à une analyse approfondie dans le contexte criminel. Cela pourrait être acceptable s'il y avait moins de conséquences lorsqu'on ne fait plus partie de ce système.
    Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'on se fie de plus en plus au casier judiciaire, pas seulement à la frontière, mais aussi pour la vérification des antécédents de quelqu'un qui veut travailler auprès d'enfants, être enseignant, infirmier, médecin, se lancer dans une profession. Il semble que le casier judiciaire joue un rôle grandissant dans notre société. Il serait honteux qu'une personne ayant servi son pays et ayant été jugée pour une infraction mineure soit pénalisée à cause d'un casier judiciaire qui pourrait lui nuire dans l'avenir.
    À mon avis, le fait de limiter l'information qui serait communiquée au CIPC et d'élargir la portée des amendements proposés à l'article 75 permettrait une plus grande latitude afin que la loi s'applique de façon rapide et souple pour les militaires, comme il se doit.
    Je vais simplement vous lire un passage de l'arrêt R. c. Généreux.
    En 1992, le juge en chef Lamer a déclaré:
    
Pour que les forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Il s'ensuit que les forces armées ont leur propre code de discipline militaire qui leur permet de répondre à leurs besoins particuliers en matière disciplinaire.
Ce code de discipline militaire intègre les infractions prévues au Code criminel dont nous avons parlé. Croyez-vous qu'il serait possible d'isoler les activités des tribunaux militaires dans les procès sommaires de la Loi sur le casier judiciaire? Pensez-vous que c'est possible sur le plan juridique?

  (1605)  

     C'est sûrement possible sur le plan législatif.
    Donc, si vous décidez de le faire par la voie législative, vous croyez que ce pourrait être efficace.
    Oui, mais je pense que la mesure législative... Sur le plan criminel, nous avons déjà de la difficulté à déterminer de quoi est constitué un casier judiciaire. Est-ce seulement d'infractions au Code criminel? Est-ce que cela comprend autre chose, comme les absolutions, absolues ou conditionnelles? Cela fait l'objet d'un grand débat, et toute mesure législative visant directement cette question doit être explicite et ne laisser aucun doute dans l'esprit des autorités quant à ce qui serait communiqué au CIPC.
    Toutefois, je suis d'accord avec vous pour dire que si c'était le cas, il y aurait peut-être plus de marge de manoeuvre pour agir avec toute la rapidité requise.
    Je suis désolée de vous interrompre, mais sachez que l'article 196.29 de la Loi sur la défense nationale est le point de départ.
    L'une des peines possibles en vertu du code de discipline est la consigne au quartier ou au navire, dans le cas du personnel du Commandement maritime des Forces canadiennes, comme on l'appelle, je crois. Mais tout le monde l'appelle la marine. Considérez-vous que ces peines sont une privation de liberté? Ce n'est pas nécessairement comme la détention dans une cellule.
    Mon mari est un ex-militaire, un major à la retraite, et il m'a dit que les soldats s'engagent pour cela. Qu'une personne soit consignée au quartier parce qu'on lui impose une peine ou parce que son officier l'a privée de sa liberté, elle ne peut quitter la base durant deux semaines et doit effectuer des travaux supplémentaires. Les soldats, quand ils s'engagent, s'attendent à ce genre de privation. C'est très différent du fait d'être envoyé à Edmonton en vertu de la peine actuelle. C'est vraiment une privation.
    Qu'y a-t-il à Edmonton?
    La prison militaire.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Harris.
     Je vais maintenant céder la parole à M. Hawn.

[Traduction]

    Merci. Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je viens d'Edmonton. J'y habite, mais du bon côté des barreaux.
    Pourriez-vous nous dire pourquoi vous vous intéressez particulièrement à ce dossier? Vous n'avez aucune expérience dans le système de justice militaire. Pourquoi cela vous intéresse-t-il?
    Nous voulons nous assurer que tous les amendements apportés à ce projet de loi respectent les normes élevées prévues par la Charte et l'équité procédurale prévue dans nos lois.
    Pouvez-vous me parler de votre perception des concepts d'efficacité opérationnelle, de bon ordre et de discipline, et de la façon dont ils interagissent?
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, les choses sont tout à fait différentes dans les forces armées. Je ne prétends pas savoir ce qu'est la vie militaire. Je n'en ai jamais fait partie, et je n'exerce pas dans ce domaine en particulier.
    Je suis pleinement conscient qu'il est nécessaire de résoudre rapidement les divers problèmes dont traite cette loi, et je m'attends à ce que d'autres personnes concernées en parlent ou en aient parlé au comité. Je vais simplement en rester là.
    Je suis ici seulement pour vous donner mon point de vue sur la façon dont la Charte peut avoir une incidence sur les amendements à ce projet de loi et pour en parler dans un contexte criminel. Comme vous le savez, l'article 1 de la Charte permet de justifier l'adoption de mesures législatives pouvant dépasser les limites ou aller à l'encontre de la Charte. Le comité pourra en tenir compte dans les témoignages qui s'appliqueraient à l'article 1.
    Merci.
    Pour répondre à votre question concernant les procès sommaires, je les compare à un tribunal disciplinaire pour les détenus purgeant une peine dans un pénitencier fédéral.
    Ces détenus font partie d'une catégorie différente, dans laquelle les mesures disciplinaires doivent être appliquées rapidement. La personne faisant l'objet d'accusations a moins de protections. Toutefois, même dans les pénitenciers, les personnes reconnues coupables d'infractions criminelles graves qui doivent subir ce genre de procès sommaire ont droit à un avocat. Elles ont droit à la présence d'un avocat de service; il s'agit d'un tribunal d'archives, et elles disposent d'un droit d'appel automatique à la Cour fédérale. Donc, dans certaines situations, les détenus ont plus de droits que les soldats.

  (1610)  

    En ce qui a trait à l'article 54, vous avez parlé des problèmes concernant l'absence de l'accusé, entre autres. L'article 54 porte sur cette question. Avez-vous lu la recommandation du juge Lamer? Ne reconnaissez-vous pas qu'il s'agit, mot pour mot, de la recommandation du juge Lamer?
    Oui, en effet.
    Je pense qu'on devrait féliciter la législature pour y avoir donné suite. De toute évidence, le juge Lamer détenait beaucoup plus d'information que nous. Nous sommes tout simplement ici pour dire qu'à notre avis, cela ne se produirait pas et ne serait pas acceptable dans les tribunaux criminels. Manifestement, les considérations sont différentes dans les forces armées, et le juge Lamer disposait de cette information, comme le comité en disposera, je l'espère, et en tiendra compte lorsqu'il analysera les amendements.
    Le libellé de l'article 54 du projet de loi n'est-t-il pas exactement le même que celui de l'article 475 du Code criminel?
    Je n'ai pas comparé chaque ligne, mais dans le Code criminel, ce n'est qu'en raison de circonstances exceptionnelles que le procès se poursuit lorsqu'on peut imposer une privation de liberté au prévenu en son absence.
    Vous n'avez évidemment pas le temps de le faire maintenant, mais je vous invite à consulter l'article 475 du Code criminel, et vous verrez que c'est la même chose, mot pour mot.
    Pour ce qui est des procès sommaires, souscrivez-vous aux opinions émises par deux des juristes les plus éminents du Canada, le très honorable Brian Dickson et le très honorable Antonio Lamer, anciens juges en chef de la Cour suprême, qui ont examiné et approuvé le système des procès sommaires?
    Pour terminer sur cette question, croyez-vous que ces éminents juristes auraient analysé les questions relatives à la Charte avant d'approuver le système des procès sommaires?
    De toute évidence, on a présenté plus d'un point de vue à ces juristes. Comme je le dis depuis le début, on a fort probablement présenté au comité, au juge Lamer et aux autres personnes qui ont examiné les projets de loi une grande variété de points de vue pour les aider dans leur analyse.
    Comme nous le savons, il y a bien des dispositions qui contreviennent à la Charte. Par exemple, l'interpellation au hasard et les programmes RIDE de vérification pour la conduite avec facultés affaiblies contreviennent à la Charte, mais sont permises en vertu de l'article 1. Il y a peut-être de nombreux cas où les articles qui portent sur les procès sommaires contreviendraient selon moi à la Charte, mais comme dans le cas des programmes RIDE, peut-être que le comité et ceux qui ont rédigé le projet de loi ont entendu d'autres témoignages qui mettraient cela en contexte.
    Vous avez tout à fait raison. Les juges Lamer et Dickson ont eu accès à beaucoup plus de renseignements et, comme vous l'avez-vous même admis, ils comprenaient probablement mieux la justice pénale.
    Me Michael Spratt: Qui a dit cela?
    L'hon. Laurie Hawn: Pourriez-vous nous parler de l'importance qu'ils ont accordée dans leur analyse à des mesures de protection comme le droit de choisir entre un procès sommaire et la cour martiale, le droit d'obtenir un avis juridique pour effectuer ce choix, le rôle de l'officier désigné et le droit de demander la révision des conclusions? Que pensez-vous de l'importance qu'ils ont accordée à ces questions?
    Je ne peux pas me prononcer directement sur cette question. Évidemment, je ne suis pas en mesure de le faire. Je suis ici pour livrer un témoignage sur le point de vue de la CLA concernant le droit pénal en général. Je suis ici pour vous présenter cette information.
    La possibilité de choisir est importante, de même que le droit d'obtenir un avis juridique. J'en resterai là.
    Constance, vous avez parlé — excusez-moi, madame Baran-Gerez, je ne devrais pas être si familier.
    Vous avez parlé du commandant et du manque de compétences juridiques. Les commandants reçoivent maintenant une formation, à laquelle ils n'avaient pas accès auparavant, et ils peuvent aussi obtenir l'aide du JAG. Je crois que vous avez mentionné, au sujet de certains cas, que le commandant peut obtenir l'aide du JAG en ce qui a trait aux questions juridiques qu'il ne maîtrise peut-être pas totalement.

  (1615)  

    Il y a évidemment un guide. Les officiers désignés reçoivent un guide, et je l'ai lu. Un juriste est disponible pour consultation, mais pour rendre le processus des procès sommaires plus équitable pour le militaire, on suggère que pour toutes les accusations sans gravité, on demande l'avis du conseiller juridique. Actuellement, un commandant n'a pas l'obligation de le faire pour les questions sans gravité.
    À titre de précision, les commandants reçoivent plus qu'un guide; ils reçoivent une formation.

[Français]

     Merci beaucoup.
     Je vais maintenant donner la parole à Mme Folco.
    Merci, monsieur le président.
     L'article 4 du projet de loi, qui concerne le vice-chef d'état-major de la défense, dit ceci:
    (2) Le vice-chef d’état-major de la défense peut, par écrit, établir des lignes directrices ou donner des instructions générales concernant les fonctions visées aux alinéas 18.4a) à d). Le grand prévôt veille à les rendre accessibles au public.
     (3) Le vice-chef d’état-major de la défense peut aussi, par écrit, établir des lignes directrices ou donner des instructions à l’égard d’une enquête en particulier.
     (4) Le grand prévôt veille à rendre accessibles au public les lignes directrices ou instructions visées au paragraphe (3).
     (5) Le paragraphe (4) ne s’applique pas à l’égard de toute ligne directrice ou instruction, ou partie de celle-ci, dont le grand prévôt estime qu’il n’est pas dans l’intérêt de la bonne administration de la justice de la rendre accessible.
     À mon avis, ces dispositions risquent d'entrer en conflit avec le principe relatif à l'indépendance de la police et de la sphère judiciaire, qui prévaut dans la Constitution. Pensez au pire scénario. C'est ce que je veux aborder.

[Traduction]

    Du point de vue de la Criminal Lawyers' Association, c'est l'officier de justice qui se doit d'être indépendant et impartial, pas nécessairement la police. C'est l'officier président ou le juge qui entend l'affaire qui a le dernier mot pour déterminer si une enquête a été équitable et complète.
    Autrement dit, vous n'estimez pas que cela pourrait créer un dangereux précédent, un dangereux pouvoir, ou que ce pourrait le devenir. Je ne dis pas que c'est très dangereux. Quand j'ai parlé du pire scénario, j'imaginais que de tels pouvoirs peuvent dépasser les limites et changer le cours du procès, et que cela peut entraîner des conséquences terribles pour la personne qui subit un procès.
    Vous n'avez pas d'opinion à ce sujet?
    Je n'ai peut-être pas le bon article. La nomination d'un grand prévôt, selon ce que je comprends, équivaut à la nomination d'un chef de police.
    Merci.

[Français]

    L'hon. Laurie Hawn vous a posé plus tôt une question sur la décision des juges Lamer et Dickson. J'aimerais poursuivre dans la même veine. Vous avez dit que certains articles ne répondaient pas aux normes actuelles de la Charte, mais que par rapport à vous, ces deux juges avaient certainement accès à beaucoup plus d'informations.
     Avez-vous des suggestions à faire pour améliorer le processus des procès sommaires? Doit-on essayer de trouver un compromis entre la décision des juges et les dispositions de la Charte?

[Traduction]

    Je crois, en effet, qu’il est possible de trouver un juste milieu. Dans le contexte militaire, il est important d’avoir des mesures expéditives et souples qui contribuent au maintien de la discipline et de la cohésion. Il faudra trouver un juste milieu. Je reprendrais le commentaire fait plus tôt selon lequel il est possible de trouver ce juste milieu grâce à un meilleur accès à des avocats, de meilleurs mécanismes d’appel et des amendements qui favorisent ces éléments.
    Concernant les mécanismes d’appel, il est important d’avoir un dossier de preuve. Il est important, aussi, d'exiger l'impartialité des intervenants, comme le fait ce projet de loi. Ce dernier permet aussi de diminuer les conséquences d’une condamnation en ne faisant pas apparaître certaines infractions au casier judiciaire. Si l'on impose des peines légères et que l’on offre de meilleures garanties procédurales et un meilleur l’accès à des avocats, alors je crois qu'il est possible d'avoir un système plus souple. De plus, il y aurait moins de cas où, dans certains contextes, des procédures pourraient entraîner une violation plus grave de la charte.

  (1620)  

[Français]

    Merci.
    Merci, madame Folco. Je vais maintenant donner la parole à M. Braid.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup à nos témoins d’être venus.
    Madame Baran-Gerez, j’aurais une question concernant l’article 62 auquel vous avez fait référence dans votre déclaration.
    Comme vous l’avez souligné, le projet de loi expose la raison d’être, les objectifs et les principes de la détermination de la peine. Pouvez-vous nous dire pourquoi, selon vous, il est important et avantageux d'inclure cela dans le projet de loi?
    C’est important, car cela reflète le Code criminel. Donc, le projet de loi énumère les facteurs dont le commandant devra tenir compte pour déterminer la peine. Il limite la discrétion du commandant et donne des lignes directrices au commandant et au juge.
    Cependant, l’article 62, en particulier, reconnaît la situation opérationnelle et le caractère uniques de l’organisation lorsqu’il propose de modifier ainsi les alinéas 203.1(1)a) et b) de la loi :
de favoriser l’efficacité opérationnelle des Forces canadiennes en contribuant au maintien de la discipline, de la bonne organisation et du moral
et de contribuer au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre.
    Donc, il tient compte à la fois des préoccupations du public concernant la détermination de la peine et des exigences particulières des Forces canadiennes.
    Très bien. Merci.
    Un peu plus loin, le projet de loi propose une plus grande souplesse concernant des options pour la détermination de la peine, dont l’absolution inconditionnelle, la peine discontinue et le dédommagement.
    S’agit-il, selon vous, de changements positifs?
    Absolument.
    Pourriez-vous nous donner plus de détails sur les avantages et l’importance d’inclure ces options dans ce projet de loi?
    Plus le juge disposera de souplesse quant à la détermination de la peine, plus la peine sera propre à la situation de chaque individu. La peine dépendra non seulement de l’acte, mais aussi du dossier de l’individu — si des condamnations sont consignées à une fiche de conduite, s’il s’agit de sa première ou de sa dixième infraction, etc.
    La souplesse dans la détermination de la peine aide non seulement les Forces canadiennes, mais aussi les militaires.
    Excellent.
    J’aimerais soulever une question que nous n’avons pas encore abordée aujourd’hui. À notre avis, il s’agit d’un élément important du projet de loi. De plus, il cadre avec notre objectif d’adapter la justice militaire à la justice civile. Je parle ici de la déclaration de la victime.
    Croyez-vous qu’il s’agit d’un ajout positif et nécessaire au système de justice militaire?
    Il est clair que ça le rapproche du système de justice civile et de la façon de faire des tribunaux criminels.
    Vous avez bien contourné ma question. À votre avis, est-ce avantageux?
    C’est un autre élément de preuve pour la personne qui détermine la peine, qui devrait avoir accès à toute l’information dont elle a besoin.
    D’accord.
    Merci beaucoup.

  (1625)  

[Français]

    Je vais maintenant céder la parole au dernier intervenant, M. Bachand.
    Merci, monsieur le président.
    Tout à l'heure, monsieur Spratt, je vous ai parlé de la rémunération des juges. Je ne veux pas reprendre la discussions sur ce sujet, mais je veux simplement vous faire remarquer qu'il s'agit de l'article 165.38. Si c'est possible, pourriez-vous nous faire parvenir votre opinion écrite à ce sujet?
    Aujourd'hui, je veux plutôt vous parler de la possibilité pour un juge de déposer un grief. J'aimerais m'entretenir avec vous au sujet du fameux concept du devoir de réserve. Il me semble curieux qu'un juge puisse déposer un grief directement auprès du chef d'état-major. Cela semble être une entorse au devoir de réserve. Il s'agit de l'article 29.101.
    Par exemple, que pensez-vous d'un juge qui, pour se plaindre, remplirait un formulaire de grief et le déposerait auprès du chef d'état-major? Il me semble qu'il y a, dans ce cas, une entorse au devoir de réserve?

[Traduction]

    De toute évidence, ça ne se fait pas dans le système de justice civile. On pourrait renforcer cette mesure afin d’encourager l’indépendance de la magistrature et de donner l'impression qu'il y a indépendance. L’important, ce n’est pas qu'il y ait un parti pris, mais que, vu de l'extérieur, le système donne l'impression qu'il n'y a pas de parti pris.
    Je suis d’accord avec vous que ce projet de loi contribue beaucoup à protéger les intervenants contre les poursuites civiles et qu’il propose plusieurs mesures qui encouragent une certaine indépendance judiciaire. Nous savons, avec le système de justice civile, que l’indépendance judiciaire est un des piliers d’un processus judiciaire juste et équitable. Alors, oui, je suis d’accord avec vous, c’est une mesure que l’on peut renforcer si l’on veut aller plus loin à ce chapitre.

[Français]

    Voulez-vous maintenant risquer une réponse, même brève, sur le Comité d'examen de la rémunération, soit sur l'article 965.38 dont je vous parlais tout à l'heure? Seriez-vous en mesure d'y répondre immédiatement ou préférez-vous le faire par écrit au comité?

[Traduction]

    Je n’aime pas avoir des devoirs à faire, mais je serais très heureux de prendre un peu de temps pour y réfléchir et fournir une réponse brève au comité par écrit. Je ne vous facturerai pas.
    Des voix: Oh, oh!

[Français]

    Merci. Je n'ai pas d'autres questions
    Merci, monsieur Bachand.
    Je tiens à remercier les membres de la Criminal Lawyers' Association of Ontario. Merci à M. Spratt et Mme Baran-Gerez for being with us.
    Je vais suspendre les travaux pour trois minutes afin de laisser le temps à l'ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes de prendre place parmi nous.

  (1625)  


  (1630)  

    Merci et bonjour.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à l'ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes, M. Pierre Daigle. Je vous remercie d'être avec nous. Je vois que vous êtes accompagné de Mme Mary McFadyen.
    Je vous donne la parole pour 10 minutes. Par la suite, les membres du comité pourront vous poser des questions sur le projet de loi que nous étudions.
    Effectivement, je suis accompagnée de Mme Mary McFadyen, avocate générale. D'abord, je veux remercier le comité de m'avoir invité cet après-midi à témoigner sur une injustice apparente dans le processus de règlement des griefs. Il s'agit d'une injustice qui a été constatée et critiquée par l'ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, le très honorable Antonio Lamer.

[Traduction]

    Après une enquête sur le processus de règlement des griefs des Forces canadiennes, en mai 2010, j'ai publié un rapport, intitulé « Le processus de règlement des griefs des Forces canadiennes: Redresser la situation pour ceux et celles qui servent ». Ce rapport met en évidence les lacunes du processus de règlement des griefs qui portent davantage préjudice aux membres des Forces canadiennes qui ont déjà été lésés.
    À la suite de notre enquête, nous avons constaté que le système de règlement des griefs — qui est censé être un mécanisme rapide et informel permettant aux soldats, aux marins et aux aviateurs de remettre en question les actions des Forces canadiennes et de régler les dossiers sans avoir recours aux tribunaux ou à d'autres processus — est insuffisant et injuste. Plus particulièrement, nous avons déterminé que le chef d'état-major de la Défense, qui est l'autorité de dernière instance dans le cadre du processus de règlement des griefs, n'a pas le pouvoir d'indemniser le militaire pour la résolution complète d'une injustice.

[Français]

    Je vais le redire. Plus particulièrement, nous avons déterminé que le chef d'état-major de la Défense nationale, qui est l'autorité de dernière instance dans le cadre du processus de règlement des griefs, n'a pas le pouvoir d'indemniser les militaires pour la résolution complète d'une injustice.
    Donc, lorsqu'une demande d'indemnité découlant d'un grief est présentée, c'est plutôt l'avocat du ministère de la Justice et non le chef d'état-major de la Défense nationale qui détermine si une indemnité doit être versée aux membres des Forces canadiennes.

[Traduction]

    À notre avis, monsieur le président, le fait de confier au chef d'état-major de la Défense la direction et la gestion des Forces canadiennes alors qu'il n'a pas le pouvoir de verser une indemnité de 50 $ dépasse l'entendement.
    Nous estimons qu'il est aussi déraisonnable qu'un avocat ministériel, dont le rôle est de fournir des conseils, ait un plus grand pouvoir décisionel en matière d'indemnité que le chef d'état-major de la Défense. À la suite de notre enquête, nous avons aussi conclu que les avocats ministériels refusent souvent les demandes d'indemnité.
    De plus, lorsque les réclamations sont rejetées, on informe les membres des Forces canadiennes qu'ils doivent intenter une action en justice contre le gouvernement du Canada pour obtenir une indemnité. Toutefois, à l'insu de la plupart d'entre eux, ces actions en justice se retrouvent rarement devant les tribunaux, parce qu'une cour antérieure a établi qu'il n'y a aucun contrat de travail ayant force de loi entre la Couronne et les membres des Forces canadiennes.
    Ainsi, pour l'heure, un membre des Forces canadiennes n'a pas vraiment de dernier recours pour obtenir une indemnité, même si les Forces canadiennes reconnaissent qu'il a été traité de façon inappropriée ou injuste.

  (1635)  

[Français]

    À la suite de l'enquête, j'ai conclu qu'il était nécessaire que le chef d'état-major de la Défense puisse accorder une indemnité pour la simple raison que dans certaines circonstances, c'est la seule façon d'obtenir justice.

[Traduction]

    Comme je l'ai mentionné plus tôt, notre bureau n'est pas le premier à constater ce problème, ni le premier à formuler des recommandations dans le but de le résoudre. En effet, après un examen indépendant externe en 2003, l'ancien juge en chef Lamer a recommandé que le chef d'état-major de la Défense ait le pouvoir de régler des réclamations dans le cadre des griefs.

[Français]

    Dans son rapport, l'ancien juge en chef a indiqué ce qui suit:

Les soldats ne sont pas des citoyens de seconde classe. Ils ont le droit d'être traités avec respect en ce qui concerne le règlement des griefs, selon une procédure équitable.
    Il s'agit d'un principe fondamental qu'il ne faut pas perdre de vue dans tout processus bureaucratique, même militaire.
    Finalement, un processus de règlement des griefs approprié doit non seulement déterminer si la personne a été traitée de façon juste, mais il doit aussi pouvoir corriger le traitement injuste ou inapproprié.

[Traduction]

    Nous devons donner à la chaîne de commandement les outils et les pouvoirs nécessaires afin qu'elle puisse prendre soin de ses gens, et les membres des Forces canadiennes doivent avoir confiance que leur chaîne de commandement prendra soin d'eux. Il est donc question de leadership et de moral. En effet, comment un chef militaire peut-il dire à ses militaires: « Je conviens que vous avez été traité injustement, mais je ne peux rien faire pour vous et je vous demanderais de continuer à croire que je me soucie de votre situation. »
    Le ministre de la Défense nationale nous a informés que son personnel étudie toujours nos recommandations. Toutefois, étant donné que huit ans se sont écoulés sans obtenir de résolution à cette injustice — et sur le plan de saines politiques publiques —, j'estime qu'il est temps d'apporter les modifications législatives nécessaires en vue d'accorder au chef d'état-major de la Défense le pouvoir de verser des indemnités pour la résolution complète d'une injustice. Il est également temps de s'assurer que le système de règlement des griefs peut réellement servir les hommes et les femmes des Forces canadiennes comme il se doit.
    L'ancien juge en chef Lamer avait raison: nos militaires ne sont pas des citoyens de seconde classe. Ils ont le droit d'être traités de façon juste. Je suis heureux que votre comité se penche sur la résolution de cet enjeu.
    Nous sommes prêts à fournir à votre comité toute l'aide possible.

[Français]

    Je suis heureux que votre comité se penche sur cette résolution et nous sommes prêts à vous aider.
    Avant de terminer, j'aimerais tout de même ajouter que je trouve un peu dommage que nous ayons à débattre une question qui n'a pour but que d'obtenir justice et équité pour les membres des Forces canadiennes.

[Traduction]

    À juste titre. Personne ne remet en question les recommandations du juge Lamer.
    Je suis tout à fait d'accord avec le ministre de la Défense nationale qui, dans sa réponse écrite, m'a dit:
Au sujet de ce problème: comme vous l'avez mentionné, ce n'est pas la première fois que cette recommandation est formulée et le temps est venu de conclure ces discussions.
    Monsieur le président, j'estime que ce temps est arrivé.

[Français]

    Merci, monsieur Daigle. Je rappelle aux membres du comité que nous sommes en train de faire l'étude du projet de loi C-41 et que vos questions doivent être pertinentes au débat en cours. Je suis persuadé que cela va se dérouler de la sorte. Je cède donc la parole à M. Dryden.

[Traduction]

    Vos notes sont claires, je crois, mais je veux m'assurer que je comprends bien. Vous dites que le chef d'état-major de la Défense n'a pas le pouvoir d'agir. Ce n'est pas qu'il délègue le pouvoir aux avocats, c'est qu'il n'a même pas le pouvoir de rendre une décision. Est-ce bien ce que vous dites?
    C'est bien ce que je dis. Il n'a pas le pouvoir d'ordonner le versement d'une indemnité pour régler un grief.
    Comme vous l'avez souligné, cette situation dure depuis longtemps, et perdure même depuis l'examen indépendant mené par le juge Lamer, qui remonte à huit ans.
    Les choses n'arrivent pas sans raison; alors pourquoi, selon vous, la Défense nationale a-t-elle permis que cette situation perdure depuis huit ans? Pourquoi les gens à la Défense nationale ont-ils décidé de ne rien faire malgré la recommandation, qui avait été formulée clairement, et malgré qu'il aurait été assez simple de résoudre le problème?

  (1640)  

    Monsieur le président, il est difficile pour moi de parler en leur nom. Comme vous l'avez mentionné, le juge en chef Lamer a formulé ses recommandations en 2003. À l'époque, le gouvernement avait accepté 16 des 18 recommandations qui concernaient le système de règlement des griefs, dont l'une porte sur ce dont nous parlons aujourd'hui.
    Alors c'est l'une des 16 recommandations en question, et non pas l'une des deux autres qui ne recueillaient pas la faveur du gouvernement.
    Absolument. Il y avait 18 recommandations, dont deux faisaient encore l'objet de débats, c'était les recommandations qui avaient trait au recours au tribunal aux frais de l'État et à l'attribution du pouvoir d'assignation au Comité des griefs. Sur les 16 recommandations acceptées, celle concernant le pouvoir du CEMD d'accorder une indemnité était approuvée, et pendant huit ans, on a dit qu'elle serait mise en oeuvre.
    Depuis que j'exerce mes fonctions, j'ai parlé à plusieurs responsables d'entités militaires. Je sais que le Comité des griefs des Forces canadiennes, le directeur général de l'Autorité des griefs des Forces canadiennes et certains haut gradés sont favorables à la recommandation, mais il m'est difficile d'expliquer pourquoi rien n'a été fait en huit ans.
    Vous donnez l'exemple du montant bien modeste de 50 $. À l'évidence, dans une situation comme celle-là, il ne serait pas bien difficile de prendre une décision, mais pouvez-vous nous parler des questions ou des points pris en considération lorsqu'une indemnité est refusée? Pouvez-vous nous donner quelques exemples et nous parler des sommes en cause?
    Je n'ai pas de renseignements sur les sommes d'argent. Mary pourra peut-être répondre à cette question.
    Les chiffres que j'ai ne sont peut-être pas exacts, mais j'ai entendu dire que le versement d'une indemnité a été refusé pour environ la moitié des 60 griefs accueillis pour lesquels le chef d'état-major considérait qu'une certaine indemnité s'imposait. Ils n'ont pas été...
    Voilà où je veux en venir: y a-t-il des milliers de dollars en cause, et la situation comporte-t-elle des conséquences réelles pour le ou la militaire qui n'est pas indemnisé?
    Je n'ai pas de chiffres sous la main. Des membres de mon personnel qui travaillent à cette question m'ont encore dit récemment qu'il n'y avait pas de grandes sommes d'argent en cause. Je ne connais pas les chiffres.
    Alors, à bien des égards, étant donné l'argent en cause, il s'agit plus d'un irritant que d'un gros problème financier pour les plaignants. C'est un irritant, qui pourrait miner le moral des troupes sans leur causer véritablement de gros problèmes financiers.
    Eh bien oui, dans un sens, et lorsque les gens sont lésés... Par exemple, beaucoup de griefs ont trait à la rémunération ou au remboursement de frais.
    Par exemple, il y a le cas d'un officier de la réserve qui a été relevé de ses fonctions pendant un certain temps. L'enquête a révélé qu'il n'aurait pas dû être relevé de ses fonctions, mais, comme il s'agissait d'un officier de la réserve, il a perdu beaucoup d'argent. Il a alors demandé d'être indemnisé, faisant valoir qu'il avait été relevé de ses fonctions injustement. La demande d'indemnité a été accueillie par le chef d'état-major de la Défense. On a convenu que la décision était erronée, et qu'il avait perdu sa rémunération pendant ces journées-là, mais le chef d'état-major n'avait pas le pouvoir de lui faire verser l'argent que cet officier aurait dû recevoir.
    Il y a donc bel et bien un préjudice financier important dans ce sens, mais il s'agit principalement d'un problème de leadership et d'un gros problème de moral pour les troupes.
    Vous semblez dire que la question est assez simple et qu'elle pourrait être gérée facilement. Que l'on conserve le mode de règlement actuel, dans lequel un avocat rend la décision, en procédant de façon plus sympathique, ou que le pouvoir ultime soit confié au chef d'état-major de la Défense, il faudrait dans tous les cas faire montre de plus de compréhension pour des questions qui, somme toute, ont assez peu de conséquences, au moins pour la Défense nationale.
    Absolument. Le processus de règlement des griefs a été conçu pour être efficace, équitable, informel et rapide. Toutefois, à l'heure actuelle, lorsque des gens se plaignent d'un traitement injuste et que la chaîne de commandement et leur chef conviennent que le grief est fondé, le chef d'état-major de la Défense, qui est responsable des forces, ne peut autoriser de paiement s'il y a de l'argent en cause.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Bachand.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux souhaiter la bienvenue au général Daigle, qui est d'ailleurs un éminent citoyen de Saint-Jean-sur-Richelieu. C'est toujours un plaisir de rencontrer ici nos concitoyens.
    Monsieur Daigle, vous apportez un point de vue très intéressant et je voudrais poursuivre sur l'exemple que vous nous avez donné du réserviste qui a été suspendu sans solde de ses fonctions et qui a remonté toute la chaîne de commandement pour arriver jusqu'au chef d'état-major qui lui a dit ceci: « Vous avez raison, on n'aurait pas dû vous suspendre de vos fonctions, alors je corrige cela ». Il a probablement effacer les remarques à ce sujet à son dossier, mais en ce qui concerne le fait de lui rembourser tout l'argent qu'il avait perdu, il ne pouvait rien faire.
    Cependant, je veux aborder l'autre étape parce que vous n'y avez pas fait allusion. C'est de celle-ci dont je veux vous entendre parler. On constate que le chef d'état-major a, à ce moment-là, référé le dossier au directeur des réclamations et du contentieux des affaires civiles. Pourriez-vous m'expliquer quelle est la fonction de ce directeur?

  (1645)  

    Le directeur du contentieux et litiges est un avocat qui répond au sous-ministre du ministère de la Justice. Il est à l'extérieur de la chaîne de commandement et assure un soutien au ministère de la Défense nationale. Donc, il ne fait pas partie du processus de griefs.
    Étant donné que le chef d'état-major de la Défense nationale n'a pas l'autorité à cet égard, le dossier est remis à cet avocat. Tout ce que cet avocat peut dire à l'individu, c'est que si vous croyez qu'il y a eu une injustice, vous pouvez faire une réclamation contre la Couronne. Il peut avoir été convenu devant les tribunaux que

[Traduction]

    Il n'y a pas de contrat exécutoire avec la Couronne.

[Français]

    Même si vous soumettez votre réclamation,

[Traduction]

    La Couronne n'a aucune responsabilité à cet égard, et le plaignant n'obtiendra donc pas satisfaction.

[Français]

    À ce moment-là, l'individu a comme dernier recours d'aller devant la Cour fédérale, mais cette dernière a également statué qu'étant donné que cela se trouve à l'intérieur d'un système de griefs des Forces canadiennes, il n'y a rien à faire.
    Donc, un soldat des Forces canadiennes qui présente un grief dans un système qui est instauré pour amener un mécanisme pour résoudre des problèmes internes, donc à l'extérieur du système légal et des cours, constate que s'il y a une résolution qui mérite une compensation financière, c'est comme s'il faisait face à trois systèmes. Non seulement on voulait s'assurer que ce système soit plus efficace, mais si le CDS ne peut pas résoudre son problème, il doit s'adresser à un avocat du ministère de la Justice au sein de la Défense nationale qui, lui, s'il n'y a pas de liability against the Crown, ne va pas soumettre sa réclamation. Il lui recommande d'aller en cour qui va rejeter sa demande parce qu'il n'a pas de contrat.
    On recommande donc au soldat de prendre des procédures sachant d'avance que cela ne résoudra pas son problème.
    Donc, il est bloqué partout.
    J'aimerais qu'on s'entretienne pour quelques minutes sur les tribunaux civils. En fait, on mentionne ici que les tribunaux civils ont déclaré qu'il n'y avait aucun contrat de travail entre Sa Majesté et les membres des Forces canadiennes. On dit qu'une personne qui s'enrôle dans les forces armées le fait au gré de la Couronne et que les relations entre Sa Majesté et ses militaires ne peuvent pas mener à des réparations auprès des tribunaux civils.
    Je comprends qu'on ne leur donne pas accès au tribunaux civils, mais même s'ils y avaient recours, le tribunal rejetterait probablement la demande très rapidement en disant qu'ils ne peuvent poursuivre la Reine.
    Quand on dit qu'il n'y a pas de contrat de travail, il me semble que quand un soldat s'inscrit dans les Forces armées, il signe un contrat pour quelques années. Donc, il y a un contrat de travail. Y a-t-il un vide juridique qui ne permet pas de poursuivre jusqu'au bout ses réclamations?
    En termes de légalité, il n'y a pas d'employment contract pour le militaire au sein de la Défense nationale — et je ne suis pas un juriste ou un avocat. En outre, ce dernier ne dispose pas des mêmes recours juridiques que sa contrepartie civile, parce qu'il est au sein d'une formation militaire. Ainsi, s'il est blessé dans l'exercice de ses fonctions militaires, la Couronne n'est pas tenue responsable. C'est dû au fait qu'il n'y a pas d'employment contract. Si la personne croit avoir été traitée injustement et si elle fait une réclamation contre la Couronne, comme cette réclamation est à l'extérieur du système de processus des griefs et que cette politique pour y remédier ne fait pas partie du système, il n'a donc pas une solution à travers ce système.
    D'accord. Alors, votre façon d'y remédier, c'est de dire au chef d'état-major que vous avez finalement le dernier recours et qu'il faut maintenant aller à l'étape supplémentaire pour compenser les individus. Cela signifie-t-il donc que c'est la fin du directeur des réclamations et du contentieux?

  (1650)  

    Le directeur des réclamations est tout de même un conseiller juridique au sein de la Défense nationale. Il répond au conseiller juridique des Forces canadiennes et il est aussi conseiller auprès des sous-ministres et ainsi de suite. Si le chef d'état-major de la Défense nationale avait l'autorité d'ordonner une compensation monétaire, il est entendu qu'il pourrait demander un conseil juridique à un avocat. Toutefois, à l'heure actuelle, il ne peut même pas demander conseil, car il n'a pas l'autorité pour le faire. Les conseils juridiques sont donc toujours requis.
    Le directeur des réclamations et du contentieux va continuer son travail, mais ce ne sera plus lui qui décidera que tel soldat ne peut pas poursuivre la Couronne, car on aura donné le pouvoir au chef d'état-major de boucler la boucle.
    On mêle effectivement deux systèmes. Le processus des griefs n'est pas un système de justice ou un système légal. Ainsi, lorsque quelqu'un dépose une plainte pour obtenir satisfaction face à l'injustice dont il a été victime, le chef d'état-major de la Défense, qui est tout de même mandaté pour le contrôle de l'administration des Forces canadiennes, ne peut pas amener une finalité à son redressement de griefs s'il est nécessaire de répondre ou de corriger l'erreur avec une compensation monétaire. Je pourrais vous faire part de certains cas où des gens sont venus à notre bureau car une décision avait été prise selon laquelle les Forces canadiennes n'avaient pas été justes envers eux et qu'une compensation était attachée à cette décision, mais que le chef ne pouvait pas l'autoriser.
    En terminant, je crois aussi que vous allez plus loin en demandant une certaine rétroactivité ou un retour sur les cas qui ont été mal traités. Et en attendant qu'une décision finale soit prise, vous suggérez au ministère d'entreprendre les travaux pour déterrer cela. Quand la décision finale sera prise, on va pouvoir procéder plus rapidement avec les cas ou il y a eu une injustice.
    Absolument, parce que le nouveau système de redressement de griefs a été mis en place en 1998. Avant, c'était beaucoup plus complexe. C'est beaucoup plus simple maintenant. Les informations relatives à ces gens sont toutes dans des bases de données. On peut donc commencer à travailler sur le dossier de façon à rendre justice à ceux qui ont été lésés par cette question.
    Merci.
    Merci, monsieur Daigle. Merci, monsieur Bachand.
    Monsieur Harris, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président, et merci, général Daigle ou monsieur Daigle. Je ne pense pas que vous utilisez maintenant le titre de « général », même si beaucoup de généraux à la retraite le font, mais je suis bien conscient de vos états de service et du rang que vous avez occupé lorsque vous étiez dans les forces.
    Puis-je vous faire remarquer une chose d'abord? Je vous rappelle les paroles prononcées par le juge en chef Lamer dans une cause très importante:
    Le but d'un système de tribunaux militaires distinct est de permettre aux forces armées de s'occuper des questions qui touchent directement à la discipline, à l'efficacité et au moral des troupes.
    Serait-il juste de dire qu'un système interne de règlement des griefs a comme objectif, entre autres, d'être efficace et de préserver le moral des troupes, tout particulièrement lorsqu'il n'y a pas de recours possible devant les tribunaux, comme vous l'avez souligné, parce qu'il n'y a pas de contrat de travail? Je crois que les militaires ne peuvent pas non plus former un syndicat ni profiter d'un processus de règlement des griefs assujetti aux dispositions législatives concernant les conventions collectives. Y a-t-il un certain parallèle entre cette affirmation sur la justice militaire et la procédure de règlement des griefs?
     Vous soulevez vraiment un bon point. Lorsqu'il a été mis en place, le processus de règlement des griefs visait exactement à permettre d'examiner rapidement et de façon informelle tout problème qui pouvait toucher un membre des Forces canadiennes — toute injustice, etc. — sans qu'il soit nécessaire de recourir à un tribunal extérieur à l'armée.
    Le processus est une bonne chose pour les forces. Le colonel responsable de l'Autorité des griefs des Forces canadiennes... C'est une bonne chose, parce que, quand les gens se plaignent d'une injustice, ils soulèvent aussi d'excellents arguments qui peuvent aider à moderniser certaines politiques, etc. C'était là exactement l'intention à l'origine du processus, soit faciliter la communication, et la direction des forces peut avoir une incidence directe sur le bien-être des troupes lorsqu'il y a une injustice. La chose a été démontrée.
    Pour la justice militaire, on parle de procès rapides, de processus efficaces et de l'imposition rapide d'une peine parce que cela est nécessaire pour préserver le moral des troupes. Ne pourrait-on pas en dire autant pour les griefs — à savoir qu'il devrait y avoir une façon rapide de régler les griefs, de donner réparation? Après tout, la justice militaire peut mettre quelqu'un en détention.
    Vous dites qu'il n'y a pas de procédure de recours dans les cas mettant en cause de l'argent sans qu'un avocat ait à rendre une décision. Quel est cet avocat? Est-ce un juge-avocat général?

  (1655)  

    Non, ce n'est pas un juge-avocat général; c'est le directeur...
    Le directeur relève du conseiller juridique du MDN. Ces avocats civils proviennent du ministère de la Justice, mais ils appuient le ministère de la Défense nationale.
    À votre avis, le fait de ne pas avoir de recours possibles a-t-il des conséquences sur le moral des troupes?
    Absolument. En 1998, on a rationalisé le processus de règlement des griefs, qui est alors passé de six ou sept étapes à deux étapes, pour accélérer le processus, le rendre plus informel et pour en faciliter le suivi. Le système est très transparent et très équitable. Il y a équité procédurale. Tout est transparent. Une fois un grief déposé, la personne peut suivre étape par étape le règlement de sa plainte. Si le règlement est interrompu à un certain point parce que le Chef d'état-major de la Défense n'a pas le pouvoir d'aller plus loin, le grief est confié à un avocat du système judiciaire civil...
    Il n'y aurait pas d'autre recours à cette étape-ci. En dernier lieu, vous devriez faire appel aux tribunaux.
    Il n'y aurait pas d'autre recours, et lorsque les avocats prennent en main un grief, le processus n'est pas aussi transparent.
    Cela fera-t-il sauter la banque? Enfin, nous avons 56 milliards de dollars. Cela augmentera-t-il énormément si la mesure est adoptée? Parlons-nous de sommes importantes ici? Il serait peut-être possible de fixer un plafond de 5 000 ou de 10 000 $?
    Je n'ai jamais eu l'impression...
    Est-ce cela qui fait problème, à votre avis?
    Non, monsieur le président, je n'ai jamais eu l'impression que c'était un problème d'argent. Comme je l'ai dit au début, je trouve un petit peu difficile que nous débattions de cette question ici. Le seul objet de la discussion est de prendre des mesures pour traiter les membres équitablement.
    Comme je l'ai dit à M. Dryden, je ne pense pas qu'il y ait un gros montant d'argent en cause. Ça ne m'a jamais paru être un gros montant. C'est une question d'équité. Lorsque quelqu'un dépose une plainte ou un grief, il faut que le processus soit mené à bonne fin, mais il ne l'est jamais lorsqu'il est question d'une indemnité.
    Il me reste une minute. Sur ce point, encore une fois, croyez-vous que les militaires obtiennent rapidement une aide pour les griefs? Le système est-il satisfaisant ou croyez-vous toujours qu'il y a des améliorations à y apporter?
    Je suis heureux de dire qu'au cours des deux dernières années, les Forces canadiennes ont beaucoup amélioré le processus de règlement des griefs et qu'elles prennent d'autres mesures pour rendre le processus encore plus rapide. Certains griefs pouvaient attendre de deux à quatre ans avant qu'une décision soit rendue par le Chef d'état-major de la Défense, qui détient l'autorité finale. Maintenant, on essaie de tout rationaliser, et un échéancier a été fixé pour chacune des étapes de façon que le processus soit mené à bonne fin à l'intérieur d'un an.
    Là encore, il s'agit du processus dans son ensemble. Pour ce qui est des décisions qui ont trait au versement d'une indemnité, le Chef d'état-major n'a pas le pouvoir de rendre la décision finale, et tous les efforts mis en oeuvre pour rationaliser et accélérer le processus n'ont plus aucun effet dans ces cas. Les plaignants ne recevront donc pas un traitement équitable.
    Vous avez parlé du syndicat. Revenons à mon exemple des réservistes, si un réserviste travaille dans le même bureau qu'un civil, et que les deux sont mis à pied pour une raison ou pour une autre, mais que la mesure n'était pas justifiée, le fonctionnaire civil peut recourir à son syndicat et aller devant les tribunaux pour obtenir une indemnité, alors que le militaire n'a pas cette possibilité, parce qu'il n'a pas conclu de contrat de travail.

[Français]

    Je donne maintenant la parole à M. Hawn.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président, et merci à vous deux d'être ici.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier pour votre sens du devoir, du temps où vous étiez dans les forces et par la suite également.
    Notre discussion déborde largement du projet de loi C-41, mais il n'en est pas moins important de parler de ces questions. Un des problèmes tient à ce que nous mélangeons la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur la défense nationale, je crois.
    Dans votre rapport Le processus de règlement des griefs des Forces canadiennes: Redresser la situation pour ceux et celles qui servent, vous recommandez que le chef d'état-major de la Défense ait le pouvoir de régler les plaintes de nature financière, etc. C'est ce que recommandait le juge en chef Lamer. Le principe a été accepté par les gouvernements des deux partis et cela fait longtemps. Il semble donc que les mesures proposées sont plus difficiles à réaliser qu'il n'y paraît.
    Dans votre rapport spécial, vous indiquez que la Loi sur la gestion des finances publiques accorde au Conseil du Trésor la responsabilité de la gestion financière du gouvernement fédéral et que le Conseil du Trésor délègue certains pouvoirs aux ministres et aux sous-ministres. Ainsi, le sous-ministre de la Défense nationale est le principal administrateur des comptes pour ce ministère. Il est l'autorité financière.
    Croyez-vous que le Conseil du Trésor devrait intervenir pour déléguer des pouvoirs à d'autres personnes qu'au ministre ou au sous-ministre? Savez-vous si la Loi sur la gestion des finances publiques devrait être modifiée pour permettre cela?

  (1700)  

    Monsieur le président, j'ai parlé à de nombreuses personnes de cette question et j'ai entendu de nombreux commentaires de sources diverses. Nulle part dans la Loi sur la défense nationale, il n'est dit que le Chef d'état-major ne devrait pas avoir le pouvoir d'ordonner le versement d'une indemnité dans le règlement d'un grief.
    Le sous-ministre délègue déjà une partie de ses pouvoirs financiers à plusieurs personnes au ministère. Le chef d'état-major de la Défense lui-même a reçu du sous-ministre des pouvoirs pour de nombreuses activités financières: des acquisitions, l'hébergement, etc. J'ai même reçu la délégation de pouvoirs pour les réclamations, la responsabilité et toutes sortes de pouvoirs financiers émanant du sous-ministre.
    L'ancien juge en chef Lamer a déclaré que cette mesure était possible à l'intérieur du MDN et des Forces canadiennes, et je n'ai rien vu, où que ce soit, qui puisse entrer en contradiction avec cette recommandation, qui remonte à huit ans. La délégation de pouvoirs est possible. La Loi sur la défense nationale n'interdit pas au Chef d'état-major d'agir de la sorte.
    Je ne suis pas avocate, et vous n'êtes pas avocat non plus, mais selon moi, si on dit que quelqu'un n'est pas privé d'un pouvoir n'équivaut pas à dire que cette personne a le pouvoir en question. Ce n'est pas la même chose.
    Cela ne veut pas dire non plus qu'elle n'a pas ce pouvoir.
    Je comprends cela. Quand nous parlons de verser des fonds et ce genre de choses, qu'il s'agisse de petits ou de gros montants, il faut que le pouvoir de le faire ait été délégué à quelqu'un. Simplement dire qu'on ne peut le faire...
     Nos propos tournent un peu en rond. Ne pas refuser n'équivaut pas à donner le pouvoir.
    Là où je veux en venir, c'est qu'en 2003, M. Lamer était encore le juge en chef de la Cour suprême. Il a dit que ce n'était pas acceptable et qu'il fallait que le MDN et les FC s'en chargent.
    Ce que je dis, c'est que la délégation des pouvoirs financiers existe et que le sous-ministre s'en sert. Le SM délègue des pouvoirs financiers à un capitaine, un avocat, qui peut consacrer 10 000 $ à un fermier en Afghanistan, mais pas au chef d'état-major de la Défense, qui dirige l'ensemble des Forces canadiennes, pour qu'il puisse donner 100 $ à quelqu'un qui a perdu quelque chose en service.
    J'appuie le ministre de la Défense nationale. Monsieur le président, je suis véritablement content d'avoir été invité à témoigner malgré le très court préavis, mais quand j'ai voulu voir ce qu'il en était de la question dernièrement, j'ai constaté que le ministre de la Défense nationale était venu dire au comité que le projet de loi C-41 comportait des dispositions dont le but était de rendre le processus de règlement des griefs plus efficace et, ainsi, plus transparent et équitable. Ce que je dis, c'est que si vous ne donnez pas ce pouvoir au chef d'état-major de la Défense, le processus ne sera pas plus transparent, équitable et efficace.
    Merci.
    Personne ne dit le contraire... Le juge Lamer a recommandé de trouver un moyen de le faire, mais deux gouvernements ont essayé de le faire, ce qui me fait dire que ce n'est peut-être pas si facile. Personne ne fait preuve de mauvaise foi ou de mauvaise volonté. Je ne le crois pas.
    Vous avez été major-général. Nous n'avons jamais travaillé ensemble, de toute évidence, mais je suis sûr que vous avez fait preuve de bonne volonté à l'égard des soldats, de leur bien-être et tout ça, comme toute personne qui a le commandement. Cependant, dans une lettre que vous avez adressée au comité, vous disiez estimer qu'il faudrait utiliser le projet de loi pour résoudre le problème relatif au processus de règlement des griefs et, ainsi, réparer une grave injustice. C'est de cela que nous parlions justement. Puis, dans une lettre que vous avez adressée au ministre de la Défense nationale, vous avez dit qu'il pourrait ne pas être nécessaire de modifier la loi et qu'il serait peut-être possible de trouver une solution simple.
    Je ne signale pas cela comme étant une grosse contradiction, mais je crois qu'il y a une divergence, dans votre esprit, sur la nécessité d'adopter des mesures législatives. Pouvons-nous corriger la situation au moyen de mesures législatives? Quel mécanisme suggérez-vous pour que le CEMD puisse verser des fonds?

  (1705)  

    Monsieur le président, je comprends que vous puissiez y voir une contradiction.
    Quand j'ai travaillé à ce rapport, après mon arrivée au bureau en 2009, puis quand mon bureau a travaillé à ce rapport il y a quelques années, j'ai trouvé que l'ancien juge en chef avait recommandé que la LDN soit modifiée de manière à inclure cela. Huit ans plus tard, cela n'avait pas été fait, alors j'ai écrit au ministre pour lui dire qu'il y avait d'autres manières d'y arriver car il était possible de déléguer des pouvoirs financiers au CEMD. Cela m'a préoccupé quand le cabinet du ministre a annoncé aux médias qu'il faudrait modifier la loi, car ces modifications n'avaient tout simplement pas été apportées à la loi en huit ans, avec le juge Lamer.
    Le ministre lui-même m'a dit dans une lettre que nous devions fermer ce dossier une fois pour toutes. Quand j'ai vu qu'il n'y avait rien dans le projet de loi C-41, j'ai pensé que l'occasion était venue de régler la question. C'est pourquoi j'ai dit qu'il fallait que ce soit dans la loi: parce que si nous ne le faisons pas, nous attendrons encore six ans pour trouver la bonne façon de le faire.
    Merci.
    Je donne la parole à M. Baird... non, plutôt à Mme Gallant.
    Merci, monsieur le président.
    Par votre entremise, je m'adresse au témoin. Savez-vous qu'il existe, à la Défense nationale, un groupe de travail qui se penche sur cette question et qui n'a pas encore terminé son travail?
    Monsieur le président, je sais que le groupe s'est réuni six fois et qu'il va se réunir une septième fois. Le groupe de travail se penche sur tout ce qui entoure le processus de règlement des griefs et non seulement sur le problème particulier dont nous parlons, mais je sais qu'il a pris note de notre rapport parce que le ministre m'a dit que le groupe de travail examine la question.
    Donc, une fois cet examen terminé et la solution présentée, ne fallait-il pas une modification législative? Et serait-ce acceptable?
    Encore une fois, tout ce que je dis, c'est qu'après avoir rencontré tous ces gens, après avoir mené notre étude, après avoir lu le rapport et les textes de loi, tout cela aurait pu se faire il y a huit ans. Alors comment le faire?
    J'ai vraiment profité du fait que tous les membres du comité ici présents — et j'ai lu en partie les transcriptions des séances antérieures — travaillent à faire en sorte que les Forces canadiennes et leurs membres soient traités équitablement. Ce que je dis maintenant, c'est que ce problème a été soulevé par le juge en chef Lamer et que le ministre de la Défense nationale était d'accord pour dire qu'il fallait passer aux actes, alors les moyens qu'il envisage importent peu. J'ai pensé que le temps était probablement venu de s'en occuper, car le projet de loi C-41traite de ce genre de choses.
    Donc, comment allez vous faire en sorte que le processus de règlement soit efficace, transparent et équitable —comme le ministre de la Défense nationale l'a dit — si, en ce moment même, la situation dans les FC n'est pas équitable et le chef d'état-major de la Défense n'a pas le pouvoir d'accorder réparation à un soldat qui a subi des torts financiers.
    Si on présentait une solution répondant à vos attentes sans l'aide du projet de loi C-41, est-ce que vous trouveriez que c'est acceptable?
    Je ne comprends peut-être pas, car le projet de loi C-41 pourrait être adopté. La modification législative pourrait corriger une fois pour toutes le problème qui traîne depuis huit ans. Si vous me dites devoir trouver une autre façon, je crains fort qu'il faudra beaucoup de temps. Je suis sûr qu'il n'est pas nécessaire d'apporter des modifications compliquées à la Loi sur la gestion des finances publiques ou de la restructurer. En ce moment, le SM, par exemple, a le droit et le pouvoir de déléguer des pouvoirs financiers et il le fait pour le CEMD, en passant; cela pourrait simplement s'y ajouter.

  (1710)  

    Autrement dit, le résultat est-il plus important que le moyen d'y arriver?
    Ce qui compte, monsieur le président, c'est que le chef d'état-major de la Défense — qui assume le contrôle et l'administration des Forces canadiennes et qui détient le pouvoir final de décision dans le cadre du processus de règlement des griefs — ait le pouvoir de réparer les torts causés de sorte que les soldats soient satisfaits. La réparation complète des torts peut parfois exiger une compensation financière, et c'est le résultat attendu. Donnez au CEMD le pouvoir de le faire.
    Il est très difficile pour un soldat de se présenter à votre bureau et dire: « Je crois en la chaîne de commandement et je comprends — peu importe le grade de la personne à laquelle il s'adresse — que vous dites que c'était injuste et que vous avez confirmé la décision. Je suis content, mais j'ai perdu 2 000 $ et vous me dites que vous m'envoyez en Afghanistan. Le capitaine, à côté de moi, donnera 10 000 $ à un fermier là-bas. Vous êtes le chef d'état-major de la Défense et vous me dites que vous ne pouvez pas me donner 2 000 $ pour corriger l'injustice? » J'estime que c'est injuste.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Merci, monsieur Daigle, d'avoir comparu devant nous dans un délai si court.
    C'est ainsi que se termine la quarante-neuvième séance du Comité permanent de la défense nationale. Nous nous reverrons la semaine prochaine.
    M. Pierre Daigle: C'est moi qui vous remercie d'avoir bien voulu m'inviter. Je vous remercie.
    Le président: Merci
    La séance est levée.
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