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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 006 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 29 mars 2010

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs. Il me fait plaisir, à titre de vice-président du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, de vous accueillir à la sixième séance de notre étude sur la situation du crime organisé.
    C'est un plaisir d'être ici à Edmonton. Nous tenons à exprimer notre gratitude à tous les témoins qui ont pris congé pour assister à cette séance. Aujourd'hui, à Edmonton, nous entendrons des témoignages toute la journée. Nous avons déjà tenu des séances à Halifax, Montréal, Toronto et Vancouver, et nous sommes fins prêts à connaître les différentes façons d'envisager la situation du crime organisé au Canada, et peut-être même à y apporter des améliorations.
    Nous entendrons chaque témoin ou groupes de témoins pendant 10 minutes. On demande aux témoins de maintenir un certain rythme lorsqu'ils s'expriment afin que les traducteurs puissent les suivre. Certaines personnes sont tellement emballées par le sujet qu'elles abordent qu'elles s'expriment souvent rapidement. Il est donc difficile pour les interprètes de suivre le fil.
    Ce petit rappel étant fait, j'aimerais vous présenter le groupe de témoins que nous entendrons ce matin. Ce groupe est composé de Harvey Cenaiko, président de la Commission nationale des libérations conditionnelles, de Jan Fox, directrice de district du Bureau de district de l'Alberta/Territoires du Nord-Ouest de Service Correctionnel Canada, et de Hugo Foss, psychologue du Bureau de district de l'Alberta/Territoires du Nord-Ouest de Service Correctionnel Canada.
    Bienvenue à vous.
    Roy Louis est également avec nous aujourd'hui. Il est membre du Comité consultatif de citoyens du Comité consultatif autochtone national.
    Bonjour.
    Finalement, Greg Rice, avocat principal et chef d'équipe du Bureau régional d'Edmonton du Service des poursuites pénales du Canada est également parmi nous.
    Bonjour et bienvenue à vous tous. Nous commencerons par entendre les discours de chacun de nos témoins pendant 10 minutes. Nous n'adopterons ni une position libérale ni une position conservatrice quant à l'évaluation du temps que vous prendrez de sorte que vous puissiez nous faire part de vos commentaires.
    Nous commencerons par vous, monsieur Cenaiko.
    Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie également les membres de ce comité d'avoir invité la Commission nationale des libérations conditionnelles à venir vous rencontrer dans le cadre de votre examen de la situation du crime organisé au Canada.
    Je m'appelle Harvey Cenaiko et j'ai été nommé président de la Commission nationale des libérations conditionnelles en juillet dernier. J'occupais auparavant le poste de vice-président de la région des Prairies à Edmonton. Avant de me joindre à la Commission, j'ai rempli les fonctions de solliciteur général et de ministre de la Sécurité publique dans la province de l'Alberta, et j'ai été député à l'Assemblée législative de Calgary-Buffalo ici, en Alberta, après 25 ans de travail au Service de police de Calgary.
    Je suis accompagné aujourd'hui du directeur général de la région des Prairies de la Commission nationale des libérations conditionnelles, M. Bernie Pitre. M. Pitre est au service de la Commission depuis six ans et compte près de 35 ans d'expérience au sein du système de justice pénale.
    Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas de près la Commission nationale des libérations conditionnelles, nous sommes un petit organisme rattaché au portefeuille fédéral de la Sécurité publique. La Commission est indépendante du gouvernement et les décisions qu'elle entérine en matière de mise en liberté sous conditions et de pardons sont prises par des membres également indépendants et possédant une formation de niveau supérieur dans le domaine.
    Aujourd'hui, je vais vous entretenir de façon générale de l'approche qu'utilise la Commission pour prendre des décisions au sujet des délinquants ayant des liens avec le crime organisé. Je vous exposerai également quelques-unes des difficultés auxquelles la Commission est confrontée à cet égard.
    Au fil du temps, la Commission s'est dotée d'un système exhaustif et rigoureux pour évaluer les risques que posent les délinquants. Je crois que nos statistiques démontrent ce fait: plus de 90 p. 100 ne récidivent pas durant la libération conditionnelle, et 99  p. 100 ne récidivent pas avec une nouvelle infraction violente durant la libération conditionnelle.
    Nos membres proviennent de divers horizons, mais sont recrutés parce qu'ils possèdent les aptitudes nécessaires pour rendre des décisions judicieuses sur des questions très difficiles. La Commission leur offre une formation continue et utilise à cette fin les études empiriques les plus récentes concernant la prise de décisions ainsi que différentes méthodes d'évaluations et de gestion des risques. Ces outils aident la Commission à s'assurer que ses membres possèdent les connaissances et les compétences requises pour évaluer les risques qu'un délinquant peut présenter pour la collectivité et pour justifier leur décision d'accorder ou de refuser la libération conditionnelle demandée.
    Conformément aux lois et politiques en vigueur, et dans la pratique, la considération première qui guide toutes les décisions de la Commission est la protection de la société. Chaque jour, dans toutes les régions, nos membres tiennent des audiences pour évaluer le risque de récidive que présente une personne. Le risque de récidive est particulièrement préoccupant dans les cas de délinquants impliqués dans le crime organisé en raison du potentiel de violence.
    En plus de nos politiques générales sur la prise de décisions, nous avons pris des dispositions pour assister les membres de la Commission à tenir compte de l'information relative au crime organisé et aux gangs criminels. Les membres de la Commission ne doivent pas se limiter aux facteurs de risques du délinquant lui-même; ils doivent également évaluer les facteurs de risques externes que posent les fréquentations du délinquant, de même que les conséquences possibles de loger dans un établissement résidentiel ou une collectivité en particulier un délinquant qui a des liens avec le crime organisé.
    Les délinquants qui comparaissent devant la Commission après avoir été accusés d'infractions relatives à des organisations criminelles prévues au Code criminel sont peu nombreux. En 2008-2009, la Commission a rendu plus de 25 000 décisions, dont seulement 241 portaient sur des cas de ce genre.
    Cela dit, la Commission voit assurément passer plus que 240 délinquants qui ont des liens avec le crime organisé. Certaines des infractions à l'origine de la peine imposée au délinquant ne sont pas expressément liées au crime organisé, mais comportent néanmoins des risques particuliers. Toutefois, dans la vaste majorité des cas, le processus décisionnel et les renseignements transmis à nos membres au sujet de ces délinquants nous permettent d'évaluer correctement les risques que ces derniers font courir à la société.
    Lors de l'audience d'un délinquant qui pourrait avoir des liens avec le crime organisé, la Commission doit parfois faire preuve d'une prudence toute particulière dans le choix de ses questions. La Commission ne peut traiter un délinquant comme s'il était membre d'une organisation criminelle à moins que celui-ci n'ait été condamné en vertu du Code criminel, même si elle détient des renseignements à cet égard ou soupçonne le délinquant d'en faire partie. En fait, ce devoir de prudence vaut aussi pour toutes les autres catégories d'activités criminelles dont le délinquant n'a pas été accusé.
    Il peut être injuste d'interroger directement le délinquant sur ses rapports avec le crime organisé alors qu'il n'a pas été déclaré coupable de participation à une organisation criminelle. Il existe une jurisprudence à cet égard à la Cour d'appel fédérale. La Commission n'est ni un tribunal pénal ni un service de police. Une question directe sur la participation au crime organisé peut mener à des aveux au sujet d'un acte criminel. Pour le délinquant, la difficulté est évidente: ou bien il avoue un acte criminel ou bien il esquive la question.

  (0910)  

    Pourquoi cela place-t-il la commission dans une position difficile? D'une part, les membres de la commission disposent parfois de renseignements sur la participation d'un délinquant aux activités d'organisations criminelles et peuvent par conséquent décider que ce délinquant est plus à risque de récidiver s'il est mis en liberté. Ce peut être délicat, car nous avons l'obligation de faire part au délinquant de toutes nos préoccupations concernant son potentiel de récidive. Une décision fondée sur des informations ou des inquiétudes qui n'ont pas été initialement communiquées au délinquant pourrait être annulée. Encore une fois, de telles situations sont rares et nous croyons être généralement bien outillés pour y faire face.
    Permettez-moi d'aborder un peu plus longuement une question connexe à l'obligation de communiquer aux délinquants les renseignements en notre possession. Comme je l'ai indiqué, les délinquants reçoivent toutes les informations relatives aux risques qu'ils posent, dont tiennent compte les membres de la commission au moment de prendre une décision au sujet de leur mise en liberté sous condition. Pour être en mesure de prendre des décisions de qualité, la commission doit absolument disposer de renseignements fiables et exacts. Les membres de la commission utilisent ces renseignements pour évaluer correctement le risque.
    Depuis que je me suis joint à la Commission nationale des libérations conditionnelles, ma priorité absolue est de chercher des façons de continuer à améliorer la qualité de nos décisions en matière de libération conditionnelle. Plus tôt cette année, la Commission nationale des libérations conditionnelles a offert à tous ses membres une séance nationale de formation sur l'évaluation des risques ainsi qu'une séance sur le crime organisé, dirigée par M. Hugo Foss, qui est également présent ce matin. La Commission nationale des libérations conditionnelles continue d'offrir, tant à l'échelon national que dans les régions, des activités de formation continue sur les problèmes liés au crime organisé.
    Étant donné que la commission dépend entièrement des organisations partenaires du système de justice pénale pour obtenir l'information dont elle a besoin pour prendre de bonnes décisions, il est clair que nos relations et nos ententes avec ces partenaires sont d'une importance vitale. Certains de nos partenaires disent hésiter à fournir des renseignements de nature délicate à la commission, sachant que cette dernière a l'obligation juridique de communiquer aux délinquants l'information dont elle dispose et que ses audiences et ses décisions sont accessibles au public.
    Nous avons la certitude de recevoir, dans la vaste majorité des cas, tous les renseignements dont nous avons besoin au sujet d'un délinquant, mais nous prenons néanmoins les mesures nécessaires pour qu'il en soit toujours ainsi. En intensifiant le dialogue, les négociations et les activités de liaison avec ses partenaires des secteurs policier et correctionnel, la commission a tenté de mieux faire connaître le rôle qu'elle joue en matière de sécurité publique et de rappeler l'importance de l'échange de renseignements. Nos partenaires reconnaissent que nous partageons le même mandat, soit la protection du public.
    Le Service correctionnel du Canada est bien sûr notre principal partenaire. Nos employés respectifs déploient de grands efforts pour maintenir de bonnes relations de travail d'un bout à l'autre du pays. Récemment, le commissaire du SCC, Don Head, et moi-même avons pris des mesures pour consolider nos relations de travail en renforçant les procédures exigeant la communication de tout renseignement utile à la commission, y compris de renseignements au sujet du crime organisé. Nous avons également rappelé les mesures qui pourraient être prises pour protéger les renseignements de nature délicate, de telle sorte que la commission puisse recevoir ce dont elle a besoin tout en continuant de protéger les sources ou les enquêtes en cours. La loi contient des dispositions pour les circonstances vraiment exceptionnelles où il faut éviter de communiquer certains renseignements à un délinquant et préparer plutôt un résumé présentant l'essentiel des éléments d'information.
    En plus de collaborer étroitement avec le SCC, nous rencontrons nos partenaires du secteur policier afin de leur expliquer l'importance vitale que revêtent leurs rapports et leurs renseignements de sécurité pour la commission. Nous sommes à étudier des moyens d'améliorer l'échange de renseignements, notamment la possibilité de réaliser, en collaboration avec les services de police du Canada atlantique, un projet pilote qui permettrait de réunir des renseignements fiables au sujet des délinquants difficiles, comme ceux qui ont des liens avec le crime organisé, et de les communiquer aux organismes de sécurité publique qui en ont besoin.
    Je vous remercie pour le temps alloué à la Commission nationale des libérations conditionnelles et je répondrai avec plaisir à vos questions, si vous en avez.
    Merci, monsieur Cenaiko.
    Ce sera maintenant au tour de Jan Fox, du Service correctionnel du Canada.
    Bon matin. Je m'appelle Jan Fox. Je suis directrice de district au bureau de libération conditionnelle du district de l'Alberta et des Territoires du Nord-Ouest, dans la région des Prairies. À ce titre, je suis responsable de la surveillance de 1 126 délinquants en liberté sous condition, libérés d'office et assujettis à une ordonnance de surveillance de longue durée. Nous assumons nos fonctions en conformité avec la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et conformément à l'orientation de la Commission nationale des libérations conditionnelles.
    Je suis accompagnée aujourd'hui de Hugo Foss, un psychologue de notre district, qui prendra la parole dans quelques minutes, et par M. Roy Louis, un membre du comité consultatif de citoyens, qui s'adressera également à vous.
    Pardonnez-moi de vous interrompre. Pourriez-vous parler moins vite pour que les services de traduction puissent vous suivre?
    Bien sûr.
    Je vous remercie, au nom de Service correctionnel du Canada, de m'avoir invitée à prendre la parole devant le comité aujourd'hui.
    Je vais vous exposer certains des problèmes propres à la région des Prairies, en particulier dans mon district. J'aimerais souligner l'importance d'établir et d'entretenir des partenariats qui nous permettent de faire notre travail. Je vais aussi vous donner un aperçu de notre stratégie pour traiter le problème des gangs dans la population surveillée.
    Je sais que demain vous devez rencontrer mon collègue, le directeur de l'établissement de Stony Mountain. Ce dernier vous fournira des renseignements sur les gangs et la gestion des gangs dans nos établissements fédéraux. Pour ma part, je vous fournirai l'information au sujet des gangs et de la gestion des gangs s'appliquant plus particulièrement aux délinquants en liberté sous condition, libérés d'office et assujettis à une ordonnance de surveillance de longue durée qui habitent dans nos collectivités.
    Parmi les 1 126 délinquants placés sous ma supervision, 20 p. 100 sont d'origine autochtone. À l'heure actuelle, dans mon district, on dénombre 92 membres de gangs, ce qui représente environ 8 p. 100 de la population surveillée. Je vous fournirai les renseignements sur les gangs qui sévissent dans les communautés de la région des Prairies et vous ferai part de quelques différences régionales à cet égard.
    Les organisations criminelles constituent une menace grave pour les installations de notre communauté, la sécurité du public, notre personnel et nos partenaires. Dans la région des Prairies, nous sommes notamment confrontés aux gangs autochtones et asiatiques. En ce moment, le plus important groupe du crime organisé placé sous la responsabilité du Service correctionnel du Canada est composé de gangs autochtones, dont 86 p. 100 proviennent de la région des Prairies.
    En ce qui concerne mon district, comme je l'ai déjà dit, nous parlons de 92 délinquants qui sont membres de gangs ou qui ont une affiliation à un gang. Parmi ceux-ci, 42 sont d'origine autochtone et 22 sont d'origine asiatique. Il est important de savoir que ces gangs comptent également dans leurs rangs des Blancs ou des personnes d'ethnicité mixte. Ces gangs sont plus courants dans la région des Prairies et présentent des caractéristiques très différentes des autres organisations criminelles comme les gangs de motards.
    Dans la région des Prairies, nous avons recensé 1 095 membres de gangs sur un total de 5 435 délinquants, ce qui représente 20 p. 100 de notre population totale. De ce nombre, 207 purgent des peines dans la communauté, la majeure partie d'entre eux étant des libérés d'office. Les membres de gangs sont surtout présents dans nos zones urbaines.
    Le Service correctionnel du Canada veille à assurer la sécurité du public et de son personnel. Pour ce faire, nous devons, dans la communauté, mettre l'accent sur la collecte de renseignements et l'échange d'information avec nos partenaires. Pour réussir, nous devons investir d'importantes ressources dans le développement et le maintien de partenariats avec les services de police et de renseignement. Nous devons absolument travailler en étroite collaboration avec les communautés les plus touchées par la violence liée aux gangs — dans ce cas-ci les communautés autochtones et asiatiques.
    La gestion des gangs dans la communauté se révèle très compliquée. Les affiliations à un gang changent constamment et sont très fluides. De nouveaux gangs se forment et les délinquants changent leur affiliation ou déclarent ne plus être affiliés à tel ou tel gang au moment de leur mise en liberté. Nonobstant cette situation, il est de la plus haute importance que le Service correctionnel du Canada devienne un partenaire clé en ce qui a trait à la collecte et à l'échange d'information. C'est ainsi que nous pourrons le mieux protéger notre communauté et notre personnel. Nous sommes également conscients que nous devons intervenir de diverses façons pour aider les délinquants à rompre avec leur gang et à devenir des citoyens respectueux des lois.
    Le Service correctionnel du Canada a déjà investi d'importantes ressources pour gérer les organisations criminelles. Plus particulièrement, nous avons créé dans chaque bureau de libération conditionnelle de district, et ce, à l'échelle du pays, des postes en vue d'accroître nos partenariats. Mentionnons notamment les agents du renseignement de sécurité, les analystes criminels et des agents de liaison avec les services correctionnels communautaires, qui sont en fait des agents de police travaillant pour nos bureaux de district.
    Nous avons également créé des unités de surveillance renforcée et des établissements résidentiels à sécurité renforcée pour nous aider dans la gestion des délinquants qui posent un problème particulier. Dans mon district et dans celui d'Edmonton, nous avons placé des agents de libération conditionnelle dans chaque quartier général des services de police.

  (0915)  

    À l'instar de nos homologues des autres établissements, nous avons adopté une stratégie de gestion des gangs qui consiste en une approche multidimensionnelle, constituée d'un modèle de gestion du risque reposant sur le renseignement et axé sur la prévention et les initiatives proactives. Nous savons qu'il est important d'obtenir rapidement de l'information au moment de la sentence. Nous savons aussi qu'il faut discuter de nos stratégies de surveillance avec les services policiers à différentes étapes de la sentence du délinquant. Les agents de police appuient activement les autorités correctionnelles dans la collectivité. De plus, comme la Commission des libérations conditionnelles, nous faisons beaucoup d'éducation et de formation auprès du personnel.
    Nous travaillons avec diligence dans la communauté pour aider les délinquants à rompre avec leur gang. Cependant, notre principal objectif demeure d'assurer la sécurité du public.
    Je vous rappelle que vous entendrez bientôt deux personnes ayant de grandes compétences en matière de gestion des défis que représentent les gangs au sein de nos collectivités: Roy Louis et Hugo Foss.
    M. Louis, de la nation crie de Samson, est reconnu pour le combat qu'il mène pour éradiquer la violence des gangs dans sa communauté. Il vous parlera aujourd'hui de certaines de ces initiatives. M. Foss décrira quant à lui les initiatives de partenariats qu'il a dirigés pour résoudre les problèmes de violence dans la communauté. Comme je l'ai déjà dit, il est psychologue et a connu beaucoup de succès dans ses interventions visant à aider les délinquants à rompre avec leur gang.
    En résumé, je tiens à vous dire ces dernières choses. Dans la communauté, nous devons composer avec l'absence des mesures de sécurité statique dont vous disposez en milieu correctionnel; nous n'avons pas de barreaux ni de serrures. Nous devrons donc nous en remettre aux renseignements et aux partenariats, qu'ils soient nouveaux ou établis depuis longtemps. Nous savons qu'il est important de travailler de façon constante et d'avoir de l'information cohérente de la part des organisations pour nous aider à combattre le crime organisé. C'est cette approche que nous préconisons.
    Nous sommes conscients que différents gangs oeuvrant dans la région des Prairies sont moins bien structurés. Les caractéristiques concernant les gangs de rue autochtones demandent plus de recherche. Nous savons également que pour atteindre notre objectif, il nous faut des programmes de prévention, d'intervention et de répression.
    Je vous remercie de votre attention. Si vous avez des questions, je serai heureuse d'y répondre.

  (0920)  

    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant M. Hugo Foss.
    Bonjour. Je m'appelle Hugo Foss et j'oeuvre depuis 22 ans à titre de psychologue de première ligne pour le Service correctionnel du Canada. J'ai travaillé dans tous les types d'établissements — à sécurité maximale, à sécurité moyenne et à sécurité minimale — et je travaille aujourd'hui dans la communauté. J'ai toujours été un intervenant chargé de fournir des traitements et d'évaluer les risques.
    Mes clients sont des détenus et des délinquants en liberté conditionnelle des établissements fédéraux. Au cours de mes 12 dernières années de pratique, j'ai surtout travaillé avec des délinquants appartenant à des groupes du crime organisé ou des gangs de rue.
    Dans la région des Prairies, le groupe le plus important qui est source de préoccupation pour nos établissements et nos communautés est constitué de délinquants appartenant à des gangs de rue; dans la région, il s'agit principalement de gangs de rue autochtones.
    Mon travail a toujours eu comme objectif de contribuer à renforcer la sécurité publique. À cette fin, l'intervention auprès des délinquants appartenant à des gangs s'ajoute aux activités essentielles de répression et de prévention, les deux visant à réduire le nombre d'incidents et leur degré de violence et à contrer le recrutement. J'aimerais aujourd'hui vous faire part de quelques leçons importantes tirées des interventions auprès de ces délinquants — encore une fois, principalement des membres de gangs de rue autochtones.
    La première leçon est tirée de l'un des plus importants projets de recherche sur les gangs jamais publiés: une analyse comparative de 3 500 membres de gang dans 17 États américains. Dans le cadre de ce projet, une majorité de membres de gang, soit 79,3 p. 100, ont déclaré qu'ils quitteraient leur gang s'ils avaient une véritable deuxième chance dans la vie. La deuxième leçon tirée est que le degré d'hostilité et de violence dont nous sommes témoins ou victimes se compare à celui dont ils sont eux-mêmes — les membres de gang — victimes.
    Ces données font ressortir la nécessité absolue d'une intervention sur deux niveaux très importants. Premièrement, la majorité des délinquants appartenant à des gangs affirment, dans une proportion de presque 80 p. 100, qu'ils sont insatisfaits de la vie qu'ils mènent et qu'ils préféreraient s'éloigner des préceptes de la sous-culture des gangs et avoir une vie en dehors des gangs. Deuxièmement, une telle intervention auprès de cette clientèle sera difficile, délicate et astreignante sur le plan de la durée, car il est nécessaire d'évaluer et de gérer avec prudence la possibilité que des délinquants incarcérés commettent des actes hostiles ou violents une fois qu'ils auront réintégré la collectivité.
    Comme preuve de reconnaissance de la valeur et de la nécessité d'une intervention coordonnée auprès des délinquants issus des gangs autochtones, le Service correctionnel du Canada et l'Assemblée des Premières Nations ont conclu un accord d'échange en vertu duquel les deux parties pourront retenir mes services. Je donnerai donc des conseils à Shawn Atleo, chef national de l'Assemblée des Premières Nations. Un groupe de travail, dont je fais partie, a entrepris plusieurs activités visant à améliorer le soutien offert aux communautés autochtones où sévissent les gangs, et ce, dans tout le pays.
    Tout d'abord, nous tenterons de déterminer l'ampleur du problème au sein des communautés autochtones en prenant le pouls de la population. Ensuite, nous constituerons un recueil des ressources humaines existantes dans les communautés autochtones qui sont aptes à participer à la réinsertion de personnes qui ont besoin d'aide, et nous mettrons ce document à la disposition des organismes et des citoyens. Pour finir, nous offrirons une formation utile en matière d'intervention aux personnes qui sont affiliées à des gangs, et du soutien aux intervenants et aux personnes qui doivent composer avec la violence des gangs dans leur communauté.
    Parallèlement, mes responsabilités envers le Service correctionnel du Canada ont donné lieu à une collaboration active avec le département de sociologie et de criminologie de l'Université de l'Alberta. Avec le directeur du département de premier cycle, nous réaliserons pour la toute première fois une étude des délinquants affiliés à des gangs qui purgent des peines dans des établissements fédéraux et dans la communauté. Cette étude aura pour but de nous informer sur l'étendue des problèmes et des enjeux liés aux gangs et sur les procédés d'intervention et de désaffiliation.
    Mes responsabilités s'étendent également aux Native Counselling Services of Alberta, en partenariat avec le Service correctionnel du Canada. Nous continuerons d'échanger des connaissances, des pratiques exemplaires, des techniques de formation et des compétences en matière de gestion des risques que posent les délinquants affiliés à des gangs autochtones qui purgent une peine dans un établissement fédéral.
    Compte tenu de la dynamique particulière inhérente à la gestion des délinquants affiliés à des gangs, il est important que le Service correctionnel du Canada s'efforce d'améliorer la formation de son personnel de première ligne sur la dynamique des gangs, la gestion des risques et les problèmes de sécurité.
    Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole devant votre comité aujourd'hui.

  (0925)  

    Merci, monsieur Foss.
    Accueillons maintenant M. Roy Louis, du Comité consultatif autochtone national.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de votre visite dans la belle province de l'Alberta.
    Je suis un Cri-des-Plaines, fier membre de la bande de Samson de Hobbema, une collectivité dont l'histoire, la culture, les cérémonies et le développement commercial témoignent d'une grande richesse.
    Au début de 2005, notre collectivité a connu des bouleversements: des graffitis sont apparus sur les maisons et les immeubles, les coups de feu sont devenus monnaie courante pendant la nuit et la peur s'est emparée des habitants. Les gangs s'étaient frayé un chemin jusque chez nous. En 6 mois, notre collectivité a été le théâtre de 150 fusillades au volant d'une voiture.
    Nous étions nombreux à nous demander ce qui se passait, à chercher à savoir pourquoi certaines personnes menaçaient et attaquaient des membres de leur famille qui n'avaient rien fait. En 2007, la GRC a évalué le nombre de gangs à 13 et le nombre de membres entre 225 et 250. Les groupes principaux comprenaient le Indian Posse, le Redd Alert, les Alberta Warriors et d'autres gangs locaux.
    En 2008, Asia Saddleback, une enfant vivant dans la collectivité de la bande de Samson, a frôlé la mort à la suite d'une fusillade au volant d'une voiture. Cet événement a marqué un tournant. Le chef et le conseil de la bande ont convoqué tout le monde à une réunion. Des centaines de personnes se sont rassemblées dans le centre communautaire pour exprimer leur colère et y aller de leurs recommandations.
    À partir de là, le conseil a mis sur pied le groupe de travail de Samson, qui a compilé 171 recommandations, condensées en 69 dans son rapport final. Je souhaite déposer le rapport Working Together devant le président.
    Dans le monde du crime et de la victimisation, les Autochtones font l'expérience de la violence trois fois plus souvent que les non-Autochtones. En 2005 et 2006, 7 500 jeunes Autochtones ont été placés sous garde ou sous probation. Les Autochtones représentent 4 p. 100 de la population adulte au Canada, mais 24 p. 100 des détenus dans les établissements provinciaux ou territoriaux, 19 p. 100 des personnes en détention préventive et 18 p. 100 des détenus dans les établissements fédéraux. Statistique Canada possède ces données.
    Depuis les trois dernières années, dans le cadre de nos initiatives continues, des spécialistes sur le phénomène des gangs sont venus présenter des exposés dans notre collectivité. Nous avons reçu des gens comme Michael Chettleburgh, auteur de l'ouvrage intitulé Young Thugs: Inside the Dangerous World of Canadian Street Gangs, et Serge LeClerc, membre de l'Assemblée législative de la Saskatchewan et ancien membre d'un gang. Toutes les deux semaines, nous avions des réunions avec le détachement local de la GRC et divers intervenants des quatre premières nations et de la collectivité. Nous avions formé avec la GRC une excellente unité de répression des gangs qui travaillait en étroite collaboration avec les habitants afin de chasser les membres de gang et les revendeurs de drogue.
    Notre groupe, le Maskwacis Consultative Group, de concert avec la GRC, a mis sur pied des services pour les victimes, entre autres pour les victimes de violence familiale, qui sont offerts aux membres des quatre nations de Hobbema, ainsi que des services d'évaluation des risques et des menaces pour les policiers qui travaillent dans des écoles des quatre nations. Nous avons obtenu un financement du Centre national de prévention du crime pour le corps de cadets de Hobbema. Je tiens à remercier personnellement notre député, Blaine Calkins, pour nous avoir aidés à obtenir de l'argent à cette fin.
    Nous travaillons aussi à une stratégie de sortie d'un gang. Toute aide en ce sens est la bienvenue.
    À Hobbema, nous ne nous contentons pas de dénoncer une maison où l'on fait le trafic de drogues; nous la détruisons. C'est notre façon d'agir contre les revendeurs de drogue et les membres de gang. De toute façon, ces maisons sont irréparables. En tout et pour tout, nous avons détruit 26 maisons. Aujourd'hui, nous sommes moins présents, mais nous continuons à faire preuve de vigilance, car nous souhaitons faire de nos collectivités un milieu sécuritaire avec l'aide des gouvernements, des gens et de la GRC.
    J'ai aussi des compliments à faire au Service correctionnel du Canada et à son commissaire, Don Head, pour avoir appuyé notre établissement correctionnel local, le centre de ressourcement Pe Sakastew, et avoir créé un véritable partenariat avec les intervenants, pas seulement dans le but de trouver des solutions aux problèmes qui affligent notre collectivité, mais aussi de comprendre les mœurs qui caractérisent notre bande. On peut se procurer un dépliant sur notre établissement correctionnel à sécurité minimale. Voici un exemple qui illustre bien mes propos: nous avons accueilli la GRC lors de huit séances de formation interculturelle qui portaient précisément sur l'histoire, la langue, le colonialisme, les pensionnaires, la Loi sur les Indiens et les cérémonies, tels qu'ils se rapportent à nos quatre nations locales.
    Je remercie le surintendant Darcey Davidson pour sa vision et ses initiatives, qui ont permis à notre collectivité de nouer une relation saine avec la GRC.
    Pour terminer, je recommande en toute humilité d'ajouter un volet sur la prévention du crime dans tous les programmes scolaires au Canada. C'est l'approche à long terme la plus efficace pour lutter contre les gangs, les drogues et la violence.
    Merci.

  (0930)  

    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Rice, du Service des poursuites pénales du Canada.
    Je remercie les membres du comité de m'avoir invité aujourd'hui.
    J'ai été procureur fédéral pendant environ 10 ans. Avant cela, j'ai été procureur provincial pendant deux ans environ. Les procureurs fédéraux s'occupent souvent des dossiers liés aux drogues, et quand on parle de drogues, on parle du crime organisé. Comme on l'a dit, je suis le chef d'équipe du bureau d'Edmonton pour les dossiers du crime organisé, ce qui veut dire qu'en plus de m'occuper de dossiers du crime organisé, je suis au courant de tous les cas relevant de ce type de criminalité, sur lesquels travaillent des gens de notre bureau.
    Je suis certain qu'au cours de vos travaux, vous entendrez parler en long et en large des quantités démesurées de temps et de ressources qui doivent être consacrées aux enquêtes et aux poursuites relatives à ces crimes, pour lesquelles il faut habituellement procéder à des mises sur écoute, ce qui est vraiment l'élément le plus coûteux de ces enquêtes. Il est important de préciser que l'objectif des mises sur écoute est de remonter la filière de manière à arrêter les chefs des organisations criminelles. Compte tenu du grand niveau d'isolement des chefs, il est nécessaire d'intercepter une de leurs conversations. Si l'on prend comme exemple le trafic de la drogue, il sera impossible d'arrêter un membre des Hells Angels qui aurait sur lui une grande quantité de stupéfiants. Il ne sera lui-même jamais en contact avec la drogue, alors il est nécessaire de mettre son téléphone sur table d'écoute.
    J'aimerais vous parler de certaines de nos expériences, qui illustrent assez bien la quantité de temps et de ressources qui doivent être investis dans ces poursuites.
    En ce qui concerne la communication de la preuve, je dirais que, pour ce qui est des poursuites contre des membres du crime organisé, il s'agit de notre talon d'Achille. Notre expérience de la divulgation a été assez décevante. Dans une affaire concernant un réseau de trafic de drogue extrêmement vaste, par exemple, on a déposé une dénonciation qui visait 39 personnes, si je me souviens bien, mais cette dénonciation a atterri sur le bureau du procureur à l'insu des personnes concernées. La preuve n'avait pas été communiquée et, en dernier ressort, l'affaire s'est effondrée sous son propre poids, étant donné qu'il était impossible pour nous de satisfaire à nos obligations en matière de divulgation. Malheureusement, il avait fallu plusieurs années et une quantité incroyable de ressources pour en arriver à ce point.
    Nous avons beaucoup appris de cette expérience. Par exemple, il y a maintenant un processus d'approbation de l'inculpation pour les cas d'envergure. Lorsqu'il y a un grand nombre d'accusés — et c'est le plus souvent le cas —, nous les répartissons en petits groupes, de quatre ou cinq personnes environ, et nous intentons des procès distincts. Lorsque nous savons qu'une enquête importante est en cours, nous chargeons habituellement un procureur de la Couronne et un agent parajuridique de rencontrer les policiers et d'amorcer le processus de divulgation et d'approbation de l'inculpation, avant même que les écoutes téléphoniques aient pris fin. Parfois, en raison du manque de ressources, le processus n'est pas aussi complet qu'il devrait l'être.
    Malgré nos efforts et malgré ceux de la police, la communication de la preuve demeure problématique. Je vais vous présenter deux exemples de cas, et à mon avis, ces cas devraient être considérés comme des modèles à suivre.
    La police a arrêté un certain nombre de criminels dans le cadre d'une poursuite vaste et complexe. Le crime organisé était impliqué, et des accusations de gangstérisme ont été portées. La mise sur écoute a pris fin en février 2006. Pour faciliter la divulgation et l'approbation de l'inculpation, les individus concernés n'ont pas été arrêtés avant novembre 2006. Malgré cela, il a fallu attendre janvier 2007 pour qu'un disque contenant des éléments de preuve à communiquer — bien entendu, avec les ordinateurs, la majorité des pièces à divulguer sont sur des disques durs ou des supports de ce genre — soit fourni à la défense. Le reste de la preuve à divulguer a été retenu jusqu'à beaucoup plus tard. Les affaires qui ont pu être traitées le plus rapidement, et pour lesquelles un procès a été tenu, ont fait l'objet d'une enquête préliminaire en février 2008, et les accusés ont finalement été jugés en février 2009. Il y a eu des déclarations de culpabilité, et des sentences ont été prononcées en décembre 2009.
    Comme je l'ai dit, les choses sont compartimentées. L'instruction de deux autres affaires se poursuit toujours aujourd'hui, et des problèmes de divulgation continuent de surgir. Par ailleurs, l'affaire dont je viens de parler a été ma première véritable expérience dans une affaire judiciaire mettant en jeu des appels de surveillance, des saisies, etc., et dans le cadre de laquelle l'UMPC déployait tout son attirail. L'UMPC s'occupe bien entendu des produits de la criminalité; la finalité de l'UMPC est de faire en sorte que les membres du crime organisé ne puissent pas bénéficier des produits de leurs activités criminelles.

  (0935)  

    L'UMPC a saisi un certain nombre de biens qui étaient en possession de ces individus. En ce qui concerne la question de la divulgation, la difficulté réside dans le fait qu'habituellement, les travaux de l'UMPC se poursuivent bien au-delà de l'écoute téléphonique. De plus, leurs enquêtes sont généralement aussi vastes, ou encore plus, que la poursuite originale. Dans ce cas particulier, l'UMPC en était encore à communiquer des éléments de preuve, en particulier des rapports, à la veille du procès.
    L'autre affaire dont j'aimerais vous parler concerne une poursuite qui se déroule en ce moment. Le démantèlement a eu lieu cet été, et un procureur et un parajuriste avaient travaillé avec la police auparavant.
    Aujourd'hui, certains éléments ont été divulgués, mais certains autres, parmi les plus importants de l'enquête, ne l'ont pas encore été. L'enquête de l'UMPC se poursuit, et de nouveaux documents sont encore versés dans la base de données. Ce que je veux dire, c'est que les problèmes liés à la divulgation persistent, en dépit des leçons apprises et de tous les efforts que nous déployons.
    J'aimerais également parler d'un autre aspect du problème, qui demande énormément de temps et d'argent. Si cette question n'est pas réglée, elle peut faire en sorte qu'une poursuite prenne des proportions incontrôlables. Il s'agit de la question de l'avis approprié et de l'audience de type Garofoli. Dans le cadre du projet dont je viens de vous parler, celui pour lequel la mise sur écoute a pris fin en février 2006, à mesure que l'audience approchait, les parties ont croisé le fer avec une certaine vigueur sur la question d'une audience de type Garofoli. Au cours d'une audience de ce genre, le déposant qui a prêté serment pour la mise sur écoute peut être appelé à témoigner. Bien entendu, le principal problème qui se pose, lorsque témoigne le déposant d'une mise sur écoute ou d'un mandat, c'est le secret entourant l'identité des indicateurs de police.
    Je suis sûr qu'on vous parlera beaucoup de cette question, alors je ne m'y attarderai pas trop longtemps, si ce n'est pour dire que lorsqu'un déposant est appelé à la barre, la situation est toujours très alarmante pour l'accusation, en particulier si le tribunal accorde une certaine latitude en ce qui concerne les questions sur les indicateurs. Cela est particulièrement vrai dans le cas d'une mise sur écoute, car il peut alors y avoir une dizaine ou même une vingtaine d'indicateurs, et un nombre équivalent d'agents avec lesquels ceux-ci travaillent. Le déposant est alors placé dans une situation difficile s'il doit répondre à quelque question que ce soit dans ce domaine. Si l'identité d'un indicateur devient un enjeu important, cela peut donner lieu, en dernier recours, à un arrêt des procédures.
    Comme je l'ai dit, il y a eu des affrontements assez vifs. Lorsqu'on a planifié le procès, la défense a déclaré qu'elle aurait besoin de quatre mois pour une audience de type Garofoli. C'était avant le procès; on en était seulement à l'audience en vertu de la Charte. L'affaire devait ensuite être suspendue pour l'été, et il aurait fallu quatre mois de plus pour le procès, l'automne venu. Invoquant l'arrêt Lising-Pires, rendu par la Cour suprême du Canada, nous avons cependant insisté pour que la défense doive obtenir une autorisation pour faire subir un contre-interrogatoire au déposant. Nous avons également insisté pour que la défense fournisse un exposé écrit décrivant exactement les problèmes liés à la déclaration sous serment. Il s'est avéré qu'il n'y avait pas grand chose à y reprocher.
    Nous avons répondu à l'exposé de la défense et, finalement, l'audience de type Garofoli a eu lieu devant la Cour du Banc de la Reine. Elle n'a duré qu'un jour, l'autorisation ayant été refusée à la défense. Donc, au lieu de tenir une audience de type Garofoli qui aurait duré quatre mois, nous avons entrepris le procès.
    Ce qu'il faut comprendre, c'est que la cour a participé au processus et que, pour cette raison, nous avons sauvé beaucoup de temps et de ressources, et nous avons également protégé l'identité de certains indicateurs. Cela étant dit, les tribunaux autorisent trop souvent la défense à faire des interrogatoires à l'aveuglette — c'est monnaie courante —, ce qui fait que les procès se prolongent indéfiniment et que la sécurité des indicateurs est souvent mise en jeu.
    Voilà ce que j'avais à vous dire ce matin.
    Je vous remercie, monsieur le président, et madame et messieurs les membres du comité.

  (0940)  

    Avant que nous passions aux questions, j'aimerais mentionner que nous ne sommes pas au courant des tenants et aboutissants de toutes les affaires. Nous avons parlé de l'affaire Askov et de la question du délai ainsi que de l'affaire Stinchcombe. Je crois que les membres du comité sont au fait de ces affaires. Mais, pour ma part en tout cas, je ne connais pas l'affaire « Gary Foley » et je ne vous ai pas trop suivi quand vous en avez parlé. On dirait le nom du propriétaire de magasin d'articles de sports. Comment ce nom s'épelle-t-il? Je suis sûr que cette information sera utile aux gens qui sont chargés de la transcription.
    Merci, monsieur le président. Il s'agit d'un arrêt rendu par la Cour suprême du Canada: l'arrêt R. c. Garofoli. Selon cet arrêt, certaines dispositions relatives au préavis doivent être observées pour que la défense puisse faire subir un contre-interrogatoire à un déposant appelé à la barre.
    Comme je l'ai dit, je crois que l'une des choses qui exige le plus de ressources est le fait que, bien souvent, les procès peuvent prendre des proportions incontrôlables si l'on autorise des contre-interrogatoires à l'aveuglette.
    Vous avez parlé d'une affaire instruite par la Cour suprême...?
    Oui. J'ai parlé de l'affaire Lising et Pires. Il s'agit de motards qui, si je ne me trompe pas, venaient de la Colombie-Britannique.
    Nous allons commencer nos tours de questions. Chaque intervenant aura la parole pendant sept minutes.
    La parole est d'abord à Mme Mendes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour à tous et merci d'être présents aujourd'hui.
    Je suis passablement nouvelle au sein de ce comité, alors pardonnez-moi si je ne suis pas parfaitement au fait de tous les tenants et aboutissants du système judiciaire.
    À la lumière de tout ce que nous avons entendu, et en particulier des témoignages de MM. Foss et Louis, il y aurait beaucoup de choses à dire au sujet de la prévention, avant que nous en arrivions aux interventions en aval. Je me demande si vous êtes familiers avec ce que le gouvernement du Québec a fait à ce chapitre, afin d'empêcher un grand nombre de ces gangs de se développer, parce qu'elles constituent justement un grave problème.
    Pourriez-vous nous parler un peu de ce que vous faites ici, en Alberta, et dans les Prairies en général en ce qui concerne la prévention? M. Foss ou M. Louis peuvent répondre.
    Je ne veux pas répéter ce que j'ai déjà dit, mais nous examinons des moyens de recueillir des données sur les premières nations dans l'ensemble du pays, afin de pouvoir offrir des services à des organismes de ressources humaines qui accueillent déjà des individus appartenant à des gangs et de pouvoir apprendre au personnel de ces organisations des techniques d'intervention particulières qui ont été utilisées dans...
    Mais ces interventions ont lieu après que des crimes ont été perpétrés, n'est-ce pas?
    Cette approche a été utilisée dans des situations où des crimes avaient déjà été commis, mais si on l'importe dans la communauté, elle pourra être utilisée avant que le régime de justice criminelle n'entre en jeu.
    Ce qu'il y a d'intéressant, au sujet de l'intervention et de la prévention, c'est qu'on les considère souvent comme deux choses distinctes, mais qu'en fait, elles se chevauchent d'une manière très importante. Si nous n'intervenons pas auprès des gens, même après que le système de justice criminelle a été mis en branle, nous ne nous donnons aucune chance sur le plan de la prévention.
    Les personnes auprès de qui nous intervenons vont retourner dans la communauté, et elles auront plus d'emprise et d'influence que nous sur les futures recrues. C'est pour cela que l'intervention et la prévention sont, en fait, étroitement liées. Les leçons que nous avons tirées en travaillant avec les détenus pourront être appliquées dans la collectivité; on pourra employer cette approche pour des individus considérés comme menaçants, avant même qu'ils ne parviennent jusqu'à nous.
    En ce qui concerne les mesures de prévention idéales, je crois, comme M. Louis, que la prévention devrait vraiment être intégrée au programme scolaire.

  (0945)  

    Monsieur Louis, est-ce ce qui se fait actuellement dans les communautés autochtones de l'Alberta?
    Je ne crois pas que nous aurions autant de gangs si nous le faisions. Malheureusement, il y a un grand nombre de problèmes qui doivent être examinés.
    Ma femme est enseignante depuis plus de 35 ans, alors elle a fréquenté des enfants toute sa vie. Je crois que si nous voulons faire quelque chose, c'est dans les écoles qu'on obtiendrait les meilleurs résultats.
    Est-ce le financement qui pose problème?
    Le problème, c'est qu'il y a davantage de travail à faire en fonction de différents programmes et de différents territoires dans la province. Par exemple, ce que nous faisons ici, en Alberta, est peut-être différent de ce que l'on fait au Québec. C'est donc une question de juridiction.
    À ce niveau, c'est de compétence provinciale.
    Monsieur Rice, vous avez parlé des défis auxquels vous faites face en ce qui concerne la communication de la preuve et les procédures d'avis appropriées. Cela concerne le ministère de la Justice. Quelles seraient, de manière très précise, vos propositions pour régler ces problèmes?
    Notre division des politiques au SPPC et le ministère de la Justice pourraient probablement formuler de meilleures observations à ce sujet.
    Pour ce qui est des dispositions relatives au préavis et des questions de divulgation, je fais simplement mentionner ces éléments, et j'espère qu'il existe des façons de simplifier la question des préavis ou peut-être de l'imposer, et que votre comité pourra les examiner. Comme je l'ai dit, le préavis est maintenant régi par la jurisprudence. Parfois, on suit la jurisprudence; souvent, on ne la suit pas. Ces affaires peuvent devenir hors de contrôle. Dans certains cas, c'est surprenant de voir à quel point elles peuvent prendre un tout autre sens.
    En ce qui concerne la divulgation, j'essaie de faire des liens avec mes expériences. Je n'ai pas de recommandations précises. Ce que je veux dire, c'est que malgré tous nos efforts et ceux de la police, la divulgation qui est présentée actuellement dans notre jurisprudence fait en sorte que les problèmes de divulgation continuent de nous affliger depuis des années.
    Je n'ai pas vraiment de suggestions. J'aimerais bien en avoir. Je ne sais pas s'il y a une recette miracle, mais j'ai espoir que votre comité pourra certainement se pencher là-dessus. Je m'en remettrais aux membres à ce chapitre.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste une minute et demie.
    Merci.
    Ma question s'adresse à ceux d'entre vous qui aimeraient y répondre. Croyez-vous que l'imposition de peines obligatoires ou qu'un durcissement du processus de détermination de la peine pourrait prévenir ou dissuader le crime organisé, ou aider à régler cette question?
    Monsieur Cenaiko.
    Je suis désolé. Je ne peux pas répondre à cette question. À titre d'organisme indépendant du gouvernement, libre de volonté politique...
    Ce n'est pas une question politique.
    ... nous sommes ici pour répondre au gouvernement et travailler avec lui dans le cadre de la loi qui nous est imposée. Je ne peux pas y répondre. Peut-être que l'un des autres invités le peut.
    Personne ne veut y répondre?
    D'accord.
    Merci.

[Français]

    Madame Guay, vous disposez de sept minutes.
    Je vous invite à utiliser vos écouteurs puisque je vais parler en français.
    J'ai pris quelques notes. Je vois que vous faites beaucoup de prévention auprès des jeunes. Je vois aussi que votre taux de réussite est assez important. Vous disiez que 79,3 p. 100 des jeunes ont déclaré qu'ils quitteraient leur gang s'ils avaient une véritable deuxième chance. Ce chiffre m'a surpris. C'est beaucoup. Ça veut dire que du travail a été fait, et qu'il faut le poursuivre pour permettre à ces jeunes de réintégrer la société, de façon à ce qu'ils puissent avoir une vraie vie.
    Auparavant, il y avait des groupes criminels importants comme les Hells Angels et les Rock Machine. Maintenant, on vit un autre phénomène, celui des gangs de rue. À Toronto, on nous a beaucoup parlé de gangs ethniques, ceux des Asiatiques, des Noirs, etc. Ici, vous nous avez aussi parlé des Autochtones. Ces derniers ont-ils vraiment les ressources nécessaires pour aider les jeunes et faire de la prévention? Vous pourriez peut-être me répondre, monsieur Louis.
     Monsieur Rice, vous avez parlé d'écoute électronique. Ça me fait un peu rire, parce que les jeunes, aujourd'hui, ont tous des BlackBerry et des Ipod, ils utilisent Facebook ou Twitter, et ils ont tous des codes. Il est très difficile d'essayer de décoder leurs systèmes, vous en auriez pour des années à travailler. Ça me fait un peu rire quand vous parlez d'écoute électronique, car ils savent très bien comment vous fonctionnez. Ce ne sont pas les jeunes petits revendeurs dans la rue qui sont dangereux, mais ce sont vraiment les têtes dirigeantes. Ils vont souvent utiliser des jeunes qui n'ont jamais commis de crime, qui n'ont jamais pris de drogue de leur vie et qui veulent faire un dollar rapidement. Ils leur font donc revendre la drogue dans la rue. J'aimerais entendre vos commentaires.
    Commençons par vous, monsieur Louis.

  (0950)  

[Traduction]

    Merci de votre question.
    Je crois que le problème auquel nous sommes toujours confrontés dans la communauté des premières nations, c'est le fait que beaucoup de communautés partout au Canada reçoivent très peu de financement, voire aucun, leur permettant d'élaborer des programmes. C'est toujours un problème, parce que les premières nations ont différentes priorités partout au Canada. Certaines sont aux prises avec des problèmes de dysfonction dans leur famille ou elles font face à la pauvreté, au manque d'éducation et au manque de ressources. Tous ces problèmes sont étroitement liés au problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui.
    Si des recherches appropriées étaient réalisées au sujet des problèmes et qu'elles aidaient nos communautés des premières nations, je les appuierais entièrement. Je crois qu'on examine actuellement la question. M. Foss travaille actuellement avec l'Assemblée des Premières Nations sur certaines de ces initiatives.
    Alors oui, c'est un problème important. Le financement demeure un problème.

[Français]

    Madame, qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Mon collègue Hugo a mentionné les 79 p. 100, mais je vous remercie de me permettre d'en parler. À mon avis, lorsque vous posez des questions à propos des ressources, je crois que ce que nous devons faire à titre d'organisme gouvernemental, c'est de travailler très fort pour maintenir ces partenariats, parce que nous sommes conscients que, lorsque les jeunes arrivent dans un établissement fédéral, ils ont passé par beaucoup d'autres systèmes qui ont peut-être été inefficaces.
    Qu'il s'agisse du système scolaire ou des services correctionnels provinciaux, lorsqu'ils arrivent chez nous, nous savons que nous avons besoin de beaucoup d'autres personnes pour nous aider à y arriver, et j'appuie tout à fait ce que Hugo a dit par rapport à l'importance de travailler ensemble pour les aider à rompre avec leur gang. Le partenariat qui lui permettra de travailler en étroite collaboration avec l'APN revêt une très grande importance. Je pense que c'est un partenariat sans précédent, et je crois que ça prend non seulement beaucoup d'argent mais beaucoup de volonté, alors je suis fière de notre organisation.
    Je suis fière que nous travaillions ensemble pour faire avancer les choses. Parfois, nous nous concentrons trop sur le travail quotidien qui consiste purement à superviser les gens, à suivre toutes les règles et tous les règlements, et à ne pas s'efforcer d'obtenir l'aide dont nous avons besoin pour le faire, alors pour moi c'est un partenariat prometteur.
    Mme Monique Guay: Monsieur Foss.
    J'aimerais en avoir plus à dire à ce moment-ci sur ce que nous voulons faire, mais nous n'en sommes qu'aux toutes premières étapes. J'ai rencontré l'Assemblée des Premières Nations à une reprise. Nous allons continuer de travailler au projet.
    Pour les sceptiques parmi vous, je dirai simplement ceci en ce qui concerne les 79,3 p. 100 des personnes sur 3 500 qui ont déclaré vouloir vivre une meilleure vie, une vie différente si elles le pouvaient. Les gens sont souvent sceptiques lorsqu'on parle de crime organisé ou de gangs de rue, et ils pensent souvent que ces personnes ne veulent pas changer et ne changeront jamais. Alors arbitrairement, il faut diviser ce nombre en deux. Ensuite, nous nous retrouvons quand même avec un nombre important de personnes qui ne sont pas satisfaites de la vie qu'elles mènent. C'est ce qui me motive: aller puiser dans leur insatisfaction et lui donner une impulsion.
    Vous entendrez peut-être beaucoup parler de désaffiliation lors de vos déplacements partout au pays, mais il est important de se rappeler que la désaffiliation n'est pas un événement; c'est un processus. Ce n'est pas parce que quelqu'un dit qu'il veut rompre les liens qu'il a les ressources, le courage ou le soutien pour le faire. Je travaille avec certaines personnes depuis six, sept et huit ans. Nous en sommes au point où elles ne participent plus aux activités de la gang, mais où elles essaient encore de recoller les morceaux de leur vie parce qu'elles proviennent de milieux très éclatés.

  (0955)  

[Français]

    Il me reste une minute.
    Je veux simplement dire que vous pouvez vous servir de l'exemple du Québec. En effet, chez nous, des travailleurs de rue travaillent avec ces jeunes. Ces personnes travaillent vraiment dans la rue. Elles sont formées pour aller chercher ces jeunes, les réinsérer dans la société et les ramener dans le droit chemin. Il y a des associations et des groupes de travail. Il y a des services assez importants pour tenter, dès le jeune âge et pendant qu'ils sont encore adolescents et récupérables, de les prendre en main et de les traiter vraiment différemment des criminels. En effet, traiter avec ces derniers est un travail complètement différent de celui qui est fait avec un jeune qui commence dans ce milieu.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, madame Guay.
    On continue avec M. Comartin.
    Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci à tous d'être ici.
    Monsieur Rice, je vais commencer par vous.
    Nous étions à Toronto jeudi dernier. Bill Trudell, qui fait partie du Conseil canadien des avocats de la défense, nous a parlé du symposium qui s'est tenu récemment et qui était un sous-produit du travail que Michael Code a réalisé en particulier sur la divulgation et d'autres problèmes de procédure dans la détermination de la peine lors de mégaprocès.
    Nous comprenons que des recommandations résulteront de ce symposium, et j'espère que le comité les aura avant que nous rédigions notre rapport, mais l'élément principal qui a été déterminé concernant la divulgation, c'était qu'on devait s'en occuper dans le cadre du présent système pendant le procès. Nous allons recommander que le Code criminel et que la Loi sur la preuve au Canada soient tous deux modifiés afin que la procédure concernant ce qui est nécessaire lors de la divulgation soit déterminée pendant les procédures présentencielles.
    Je ne sais pas si vous le saviez. Dans l'affirmative, avez-vous des commentaires?
    Merci.
    Non, je n'étais pas au courant du symposium, mais il est évident que lorsque les recommandations seront formulées, notre bureau sera en première ligne. Je suis curieux de voir comment ça va fonctionner. Dans un sens, certains de ces problèmes de divulgation sont souvent traités au moyen de motions que nous appelons présentencielles: l'arrêt Garofoli en soi est une motion présentencielle.
    Habituellement, lors d'un mégaprocès la défense va tout d'abord demander une divulgation, et on y donne généralement suite. L'examen peut prendre plusieurs semaines ou mois, surtout lorsqu'il y a beaucoup de préoccupations concernant la sécurité, lorsque des parties de la divulgation ont été noircies ou supprimées pour protéger les informateurs confidentiels ou quoi que ce soit. Tout cela doit être défendu. En fait, c'est ce que nous avons tendance à faire; nous le séparons actuellement du procès, donc...
    Pardonnez-moi, monsieur Rice. Est-ce le juge au procès qui fait ces déterminations ou si elles sont faites par un juge différent?
    Dans cette province-ci, nous avons en fait connu certaines divisions concernant des questions relatives à la charte, mais de façon générale, c'est le juge au procès qui fait ces déterminations.
    Très bien.
    Madame Fox, et peut-être monsieur Foss, pour ce qui est des programmes que vous décrivez aujourd'hui, pouvez-vous nous dire à quel moment vous avez cerné le besoin d'ajouter des ressources supplémentaires pour lutter contre les gangs dans le système correctionnel? Quand cela a-t-il commencé? Puis, à titre de complément — et en tant que parlementaires, je suppose que nous sommes toujours à la recherche des éléments qui suivent —, est-ce qu'une surveillance ou des critères sont en place pour évaluer le taux de réussite quant à la réduction de la récidive ou au fait d'encourager la désaffiliation?

  (1000)  

    Je commencerai peut-être par certains éléments spécifiques. J'ai parlé des interventions plus statiques. Je pourrais demander à M. Foss de parler un peu des interventions relatives aux programmes.
    Je crois que vous faites référence à ma déclaration préliminaire concernant les ressources que nous avons affectées aux renseignements de sécurité. Un agent du renseignement de sécurité est rattaché à chaque bureau de libération conditionnelle de district depuis seulement quelques mois maintenant, depuis environ huit mois. Auparavant, les agents étaient rattachés uniquement aux établissements, alors nous n'échangions pas d'information avec nos partenaires à l'intérieur de l'établissement et avec nos partenaires du SCRS, des services frontaliers du Canada et des corps policiers au niveau où nous devions réellement le faire.
    En très peu de temps, au cours de ces brefs huit mois, les résultats obtenus après avoir affecté des ressources à cet endroit sont les suivants: nous savons exactement combien de membres de gangs il y a, qui ils sont, où ils habitent, quelles sont les incompatibilités, et, plus particulièrement, quels sont les problèmes susceptibles de survenir. Déjà au cours de ces huit mois, nous avons constaté de grandes différences. Au cours d'une période encore plus courte —je dirais de quatre à six mois —, des analystes des communautés criminelles ont été en mesure d'évaluer et d'analyser certaines situations concernant les gangs.
    L'importance de tout cela, c'est de nous avoir vraiment permis d'établir une meilleure crédibilité auprès de nos corps policiers et auprès des procureurs, auprès des gens qui travaillent de ce côté-là. C'est très positif de ce point de vue.
    L'autre chose que je veux vraiment faire ressortir, ce sont les agents de liaison avec les services correctionnels communautaires qui sont maintenant dans tous les districts. Ce sont en fait des agents de police qui sont, si vous voulez, appuyés par un échange intergouvernemental, d'un ministère à un autre.
    Nous avons commencé il y a près de deux ans et demi. Nous avions une entente avec la police d'Edmonton et la police de Calgary. Je souligne que les deux chefs vont vous adresser la parole plus tard aujourd'hui. Ils voudront peut-être en parler. Cette entente dure depuis un peu plus d'un an à peine, et nous avons maintenant la même entente avec la GRC, alors nous avons été en mesure de nouer des relations au-delà des grandes villes.
    Nous avons beaucoup de données. Pour répondre à votre question en particulier, nous effectuons des recherches à ce sujet. Nous procédons à des évaluations. C'est important actuellement parce que cela a été fait grâce au financement que nous avons reçu du Conseil du Trésor pour une très courte période seulement, alors on procède à des évaluations pour déterminer si ça pourrait continuer.
    S'il m'est permis de le dire, je dirais que c'était une initiative merveilleuse. Ce qui est important à propos de notre travail avec la police et avec les gens qui pratiquent des interventions, c'est la reconnaissance des deux côtés de la clôture concernant l'importance des programmes de prévention et de la répression, que l'un ne va pas sans l'autre. Nous devons reconnaître le besoin d'adopter une démarche rigoureuse avec certains gars très difficiles avec lesquels nous travaillons — et je dis « gars » parce que la grande majorité sont des hommes —, mais nous devons également reconnaître ce que Hugo a dit et l'importance de ce programme.
    Ce que j'ai appris à travers cela et grâce aux recherches que nous effectuons, c'est l'importance d'une démarche équilibrée. J'espère que cela répond à votre question.
    Aimeriez-vous ajouter quelque chose, monsieur Foss?
    Pour ce qui est d'un échéancier concernant les interventions, dans la Région des Prairies en particulier, nous avons amorcé le processus d'intervention directement avec les membres de gangs à la fin des années 1990, probablement à partir de 1996. Ça s'est passé sporadiquement. Des évaluations externes ont été effectuées sur les interventions et ont en fait révélé une amélioration marquée dans les attitudes envers la vengeance. Il y avait une réduction de la vengeance et des attitudes négatives envers la police, et la tolérance envers la violation des lois ainsi que les actes criminels violents commis à l'endroit d'autres personnes étaient en diminution.
    Mais par-dessous tout, nous avons vu une véritable modification du comportement dans les établissements. Un an avant l'intervention, le délinquant moyen accumulait des accusations graves ou mineures au rythme de neuf par année, mais un an après l'intervention, ces accusations graves ou mineures au sein de l'établissement étaient passées à moins de une par personne.
    Merci, monsieur Comartin.

[Français]

    Nous allons maintenant passer à M. Petit.

[Traduction]

    Vous voulez donc partager votre temps avec M. Woodworth.
    Monsieur Petit.

[Français]

     Nous sommes favorables à la tenue d'une étude sur le crime organisé, et pour ce faire, nous avons besoin de vos lumières. Vous nous avez tous parlé de votre domaine, mais je vais maintenant aborder des questions auxquelles j'aimerais que vous répondiez.
     Quand les gouvernements ont décidé d'exercer un contrôle sur l'alcool, ils ont dit vouloir faire reculer le crime organisé.  La nationalisation s'est d'abord faite du côté de l'alcool. C'est le cas dans ma province et ça l'est peut-être dans d'autres. On est ensuite passé aux jeux de hasard. Encore une fois, l'objectif déclaré était de faire reculer le crime organisé, qui était encore présent.
    Aujourd'hui, on a un défi. Même si on nationalise tout ce que le crime organisé a ou veut avoir, on est aux prises avec des problèmes de drogues, de trafic de personnes, de blanchiment d'argent. Or ce sont toujours les pauvres qui ont de l'alcool ou de la drogue, et ce sont eux qui se retrouvent en prison. Qu'ils soient autochtones ou blancs, ce sont les pauvres qui écopent à cause de ces choses dont le gouvernement est propriétaire. Il ne faut pas oublier que c'est en effet le gouvernement qui est propriétaire de l'alcool et des jeux de hasard, notamment.
     J'aimerais savoir si, en vous fondant sur votre expérience personnelle, vous auriez des suggestions à faire. M. Rice propose des solutions juridiques, mais y a-t-il des solutions qui pourraient être apportées sur le terrain et que nous pourrions inclure dans notre rapport? On veut contrôler le crime organisé. Comme vous le voyez, on est propriétaire de tout ce qui est relié aux vices présents dans la société, mais on n'arrive pas à régler ce problème. De votre côté, comment procéderiez-vous?
    Ma question s'adresse à tout le monde, mais surtout à ceux qui travaillent dans le domaine, par exemple Mme Fox. La question pourrait peut-être s'adresser aussi à M. Cenaiko, M. Foss et M. Louis. Pour ce qui est de M. Rice, je connais le problème de la divulgation.

  (1005)  

[Traduction]

    C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Si vous me demandez ce que vous pouvez faire pour nous aider, nous avons besoin d'aide pour mieux comprendre ce qui distingue les membres de gangs.
    Vous avez beaucoup parlé des gangs qui sont contrôlés par l'alcool, la drogue et la traite de personnes. Dans mon monde, dans les provinces des Prairies, ça n'est pas ce que je vois en prison. Ce que je vois en prison et dans les cas de libération conditionnelle, comme vous l'avez dit aussi, monsieur Petit, sont des choses comme la pauvreté, le manque d'éducation et l'absence d'emploi. C'est ce qui touche les gens qui se trouvent dans mes établissements. Ils ne sont pas riches. Ils ne reçoivent pas d'argent du commerce de la drogue. Ils ne reçoivent pas d'argent de la traite de personnes ou du commerce de substances.
    En fait, ils sont violents, et l'argent qu'ils ont, ils le dépensent pour consommer de l'alcool ou des drogues, ou ils le donnent à leurs familles pour les faire vivre. Je ne vois donc pas vraiment les choses dont vous faites mention; à mon avis, nous devons nous pencher davantage sur les causes profondes pour faire de la prévention avant que ces gens n'arrivent à ma porte.
    J'aimerais ajouter quelque chose. J'ai travaillé avec un groupe de 15 délinquants dans une prison à sécurité moyenne ici, et tous ces délinquants faisaient partie d'un gang. Je leur ai demandé quelle était la principale raison pour laquelle ils revenaient toujours en prison, à la case zéro. Ils m'ont répondu que c'était l'alcool et la drogue, pas tant leur capacité d'en vendre que le fait qu'ils en consomment. Est-ce qu'ils en vendent? Absolument, mais c'est plus ou moins pour financer leur propre style de vie, qui est vraiment lié à la consommation.
    Quand je travaille avec eux individuellement, mon principal objectif est de leur faire comprendre que, à cause de leur consommation, surtout s'ils consomment des substances douces ou légales, comme l'alcool, ils ne font qu'acquérir des habiletés d'adaptation inappropriées. Chaque fois qu'il y a un problème, ils se disent « fumons un joint » ou « prenons un verre ». Mais c'est la mauvaise chose à faire. C'est la façon de s'adapter qu'ils ont apprise, et ce comportement les maintient prisonniers de leur style de vie.
    Je ne suis pas certain de bien répondre à votre question, mais c'est un problème important.
    Est-ce que cela suffit, monsieur Petit?
    Vous avez environ deux minutes et 10 secondes, monsieur Woodworth.
    Merci, monsieur Petit.
    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui.
    Ma question s'adresse surtout à M. Rice. J'aimerais parler de la divulgation, parce que j'imagine que ce problème comporte un certain nombre d'éléments différents, notamment le fait de déterminer la quantité de renseignements confidentiels sur les informateurs qui devraient être publiés; la nécessité de dactylographier les transcriptions et le temps que cela requiert; le fait de savoir avec certitude ce que la défense voudra voir dans la divulgation; et puis le risque qu'une enquête soit en cours même après que des accusations ont été portées.
    Afin de comprendre ce que je peux faire concernant le problème de la divulgation, j'ai besoin que vous étoffiez davantage. Pourquoi, lorsqu'une affaire dure depuis quatre ans, la divulgation constitue-t-elle toujours un problème? Quelle recommandation le comité peut-il formuler pour le résoudre?

  (1010)  

    Merci.
    Je ne sais pas vraiment ce que le comité peut recommander. Vous avez tout à fait raison à propos de l'un des principaux problèmes, et je peux vous en parler en me fondant non pas sur des anecdotes, mais sur des faits. Dans la deuxième affaire que j'ai décrite, le principal élément en cause est un affidavit déposé à l'appui de demandes d'écoute électronique qui touche de nombreux informateurs. Des problèmes liés aux informateurs confidentiels y sont associés. Si ces renseignements sont divulgués, il est évident que la vie de ces personnes sera en danger.
    À cause de la façon dont l'information a été intégrée dans cet affidavit, nous avons dû essentiellement le déchirer et le recoller. Nous ne sommes toujours pas tout à fait certains que tout est correct, parce que l'affidavit contenait beaucoup de renseignements très précis sur les informateurs; il a donc fallu littéralement cinq ou six mois pour le faire. C'est l'un des problèmes. Les informateurs sont notre principale préoccupation.
    Pour ce qui est des enquêtes en cours, nous pouvons toujours au fond refuser de divulguer des renseignements pour protéger les informateurs mais, en fin de compte, à l'approche du procès, nous devons dire à la police de prendre une décision à savoir si elle va poursuivre ou non l'enquête. Autrement, nous devons divulguer l'information. J'imagine que le problème vient en partie du fait que ces dossiers sont si volumineux, qu'ils comportent tellement de mécanismes différents et qu'ils touchent tellement de parties que ce n'est jamais la même chose qui tourne mal.
    Ces dossiers comportent tellement d'éléments. Il y a la poursuite, les tribunaux, les avocats de la défense, la police et même des membres civils de la police. Quand on met autant d'éléments dans un seul dossier, on s'attend toujours à ce qu'il y ait une défaillance à un moment donné.
    La situation est différente d'une affaire à l'autre. Je n'arrive pas à mettre le doigt sur le problème de façon générale. Ce que je peux dire, cependant, c'est qu'on dirait que, dans de nombreux cas, il y a toujours un élément qui tourne mal, et je ne sais pas ce qu'il faut faire.
    Je vais devoir vous arrêter ici, monsieur Rice.
    Madame Mendes, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur Murphy.
    En ce qui concerne le procédé de désaffiliation, comme vous dites, c'est un procédé qui peut prendre beaucoup de temps. Quel type de protections ces jeunes gens...? J'imagine que la plupart d'entre eux sont à la fin de l'adolescence ou au début de la vingtaine. Ou peut-être plus vieux...?
    Je travaille avec des adultes, ils ont donc au moins 18 ans.
    D'accord. Mais de quelle protection ont-ils besoin durant ce procédé de désaffiliation pour demeurer loyal? J'imagine qu'ils reçoivent des menaces de leurs anciens gangs. Je ne sais pas comment ça se déroule, mais quels moyens ont-ils pour se protéger?
    Faites-vous allusion aux gens qui ne sont pas incarcérés?
    Oui, lorsqu'ils sont sortis de prison et qu'ils ont fait l'objet du procédé.
    Nous discutons avec eux d'un grand nombre de choses. En réalité, le principal enjeu pour eux est de devenir inutiles pour leur gang. Il ne s'agit pas nécessairement d'annoncer qu'ils quittent leur gang pendant qu'ils sont en prison. Il s'agit simplement de s'effacer, de se fondre dans le décor lorsqu'ils réintègrent la collectivité et de ne prendre contact avec personne.
    S'ils bénéficient d'une libération conditionnelle, nous choisissons avec soin la maison de transition et nous veillons à ce qu'il n'y ait pas d'incompatibilité. S'ils vivent de façon autonome, ils doivent vivre à l'extérieur du centre d'activités de leur gang et ne pas avoir de vie sociale dans ce secteur. Malheureusement, il arrive très souvent qu'ils retournent dans les secteurs où ils se sentent le plus à l'aise. Nous devons leur dire que, s'ils retournent dans ces secteurs, ils se placent vraiment dans la ligne de tir ou dans une situation dangereuse.
    Nous leur répétons constamment que « rien de bon n'arrive après minuit ».

  (1015)  

    Est-ce que cela fait partie de leur accord de libération conditionnelle?
    Pendant qu'ils bénéficient d'une libération conditionnelle, oui, ils ont aussi des couvre-feu à respecter.
    Est-ce que la formation professionnelle ferait partie de ce que vous offrez, une espèce de réorientation pour les aider à trouver d'autres moyens de gagner leur vie?
    Un volet axé sur la formation professionnelle intéresserait sans aucun doute les agents de libération conditionnelle. Les services des libérations conditionnelles comptent aussi du personnel chargé d'aider dans la recherche d'emploi. C'est en fait un aspect très, très important de la capacité des délinquants de changer.
    Mme Alexandra Mendes: Pour se réintégrer.
    M. Hugo Foss: Oui.
    Pendant leur séjour chez vous, madame Fox, aux Services correctionnels, ont-ils la possibilité de suivre des cours ou de la formation professionnelle?
    Oui, tout à fait. Nous travaillons étroitement avec les délinquants dès le début de leur incarcération. J'ai une employée qui travaille à temps plein comme coordonnatrice de l'emploi. Elle procède à une analyse du marché afin de déterminer quel type de travailleurs on recherche. Nous établissons des liens entre cette analyse et l'ensemble des hommes et des femmes qui sont incarcérés, et nous leur offrons de la formation et du recyclage, de la formation professionnelle, en prison.
    Ensuite, nous établissons des liens entre cette formation et la date à laquelle est prévue leur sortie de prison. Nous travaillons très fort pour le faire. Il s'agit de choses simples comme l'acquisition des compétences spécifiques dont ils ont besoin, mais ils doivent aussi apprendre à rédiger un curriculum vitae et comprendre l'importance d'avoir une bonne conduite au travail, notamment pour ce qui est d'arriver à l'heure au travail, de faire preuve de respect, de ne pas porter les couleurs de son gang et de ne pas afficher de marques, etc.
    Je le répète, la démarche multidisciplinaire que nous suivons est importante. Par exemple, si Hugo, en tant que psychologue ou dans le cadre de son travail lié au procédé de désaffiliation, doit leur demander de faire certaines choses en lien avec leur travail, il doit y avoir une communication entre l'agent de libération conditionnelle, le coordonnateur de l'emploi dans la collectivité, le psychologue et les travailleurs en santé mentale. C'est une très grande équipe multidisciplinaire. Par ailleurs, sur le plan de la sécurité, la police nous demande de recourir à diverses stratégies.
    Nous disposons même de ressources, par exemple, pour les surveiller au travail et nous assurer qu'ils font vraiment ce qu'ils disent faire. À cette fin, nous travaillons en étroite collaboration avec la police.
    Est-ce que cela englobe les agents de libération conditionnelle?
    Tout à fait.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Continuons avec Mme Guay, qui dispose de cinq minutes.
    Oui, je vais respecter cette limite, monsieur le président.
    Vous travaillez beaucoup avec de jeunes hommes de 18 ans et plus, si je comprends bien. Quand ces jeunes sortent de prison, qu'ils sont en liberté conditionnelle, sous surveillance, limités dans leurs gestes et leurs heures de sortie, etc., ils doivent trouver un emploi, mais ils doivent surtout quitter le gang. Ce doit être extrêmement difficile, parce qu'ils sont attendus à la sortie.
    Comment ces jeunes sont-ils protégés? Comment faites-vous pour vous assurer que, s'ils veulent vraiment s'en sortir, les gangs de rue n'essaieront pas de les tuer parce qu'ils ne veulent plus réintégrer ces groupes? Je suis très curieuse de voir comment vous pouvez travailler avec ceux qui ont vraiment cette volonté. Quel est le taux de succès? Je vous laisse la parole.

[Traduction]

    Sur le plan de l'évaluation du risque, comme je l'ai mentionné plus tôt, nous évaluons chaque personne, ses antécédents et son activité criminelle, et ensuite nous évaluons son comportement en établissement et son rendement dans le cadre des programmes auxquels elle a participé; pour les personnes qui se voient accorder la libération conditionnelle, le taux de réussite ou la proportion de libérations conditionnelles accordées lorsqu'elles n'ont commis aucune autre infraction est de 90 p. 100, et 99,5 p. 100 n'ont commis aucune infraction avec violence. Il s'agit de libérations conditionnelles ou de permission de sortir sans escorte, de semi-liberté et de libération conditionnelle totale.
    Cela montre que les programmes que SCC met en oeuvre dans les établissements donnent de bons résultats et que, lorsqu'ils sont prévus par la loi, c'est le temps d'examiner les demandes de libération conditionnelle... Quand nous évaluons le risque, nous l'évaluons en tenant compte d'un certain nombre d'éléments du passé, du présent et de l'avenir. Cela montre sans contredit que les programmes fonctionnent, mais je pense qu'on peut aussi en conclure que le processus décisionnel relatif aux libérations conditionnelles fonctionne lui aussi.

  (1020)  

    J'aimerais ajouter quelque chose en ce qui a trait à leur protection; je vais débuter, puis je vais laisser Hugo finir. C'est une question importante. Merci de la poser.
    De mon point de vue, c'est en grande partie une question de connaissances et d'échange d'information. Mon personnel doit être informé des situations auxquelles ces gens font face. Nous devons savoir qui sont les membres des gangs, avec qui ils travaillent et qui ils essaient de quitter. Nous devons aussi savoir qui sont leurs rivaux.
    Nous devons savoir qui est où et qui vit où. Nous devons veiller à ce que les agents de libération conditionnelle soient extrêmement bien formés pour obtenir cette information. Nous devons recourir à des techniques très bien établies. Par exemple, nous utilisons parfois ce qu'on appelle la technique d'entrevue motivationnelle, qui permet à nos agents de libération conditionnelle de distinguer le vrai du faux.
    Je suis tout à fait d'accord avec Hugo lorsqu'il dit que la désaffiliation est un processus. C'est beaucoup... Les gens qui ont un long passé de difficultés et qui ont peut-être eu des problèmes avec la justice ne changent pas du jour au lendemain, comme on le souhaiterait. C'est un long processus, qui repose en grande partie sur l'échange d'information avec nos agents de libération conditionnelle, nos partenaires et des organisations autochtones et sur la capacité d'écouter ce que le type a à nous dire.
    Si certains nous causent des problèmes liés à la sécurité, nous avons le pouvoir de les déplacer, de les transférer. Si nous avons l'impression qu'ils ne sont pas honnêtes avec nous, nous avons aussi le pouvoir de suspendre leur libération conditionnelle et de les renvoyer en prison.
    Merci pour cette question. Je crois que c'est une question très importante à laquelle il est très difficile de répondre. Pendant que vous la posiez, je sentais mon coeur devenir lourd, parce qu'il n'est pas toujours possible de les garder en sécurité. Les conversations que nous tenons, les délinquants et moi-même, portent essentiellement sur leur sécurité et la sécurité publique.
    Pendant les 12 ans ou un peu plus où j'ai travaillé avec ces personnes, plusieurs ne s'en sont pas sorties. Pour diverses raisons, elles ont fini par être tuées. Mais nous faisons vraiment tout ce qui est en notre pouvoir pour les garder en sécurité, tant dans les établissements que dans la communauté. Mais ce n'est pas toujours possible.
    En ce qui a trait aux taux de réussite, il est très difficile pour moi de vous les communiquer. Je ne compile pas de statistiques à ce sujet. La réussite est aussi très différente. Je mesure la réussite d'une intervention selon que le public et la personne en question sont toujours en sécurité. J'ai affirmé à de nombreuses reprises à des délinquants que je savais qu'ils n'aimaient pas le service correctionnel, toujours en ajoutant que le service correctionnel ne les aimait pas non plus.
    Je leur dis de simplement purger leurs peines jusqu'au bout et si, pour une raison ou pour une autre, ils vont à l'encontre de la loi, violent une condition ou consomment de l'alcool ou de la drogue, je les avertis de ne pas prendre le large. Je leur dis que c'est la chose la plus stupide qu'ils puissent faire. Voici ce que je leur dis: « Rendez-vous à la police. » C'est le message qu'ils reçoivent toujours de moi.
    Il y en a toujours quelques-uns, des membres de gang endurcis, qui sont stupéfaits lorsqu'ils se livrent à la police. Ils n'arrivent pas à croire qu'ils aient fait ça. Ils font encore partie du taux de réussite. Ils n'ont tué ni blessé personne et ils ont toujours comme objectif leur réinsertion et leur guérison.
    Nous passons à M. Dechert qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, mesdames et messieurs, de nous transmettre votre expertise ce matin.
    J'aimerais vous poser un certain nombre de questions sur la façon dont les gangs autochtones se forment et en quoi ils sont différents des autres types de gangs. Je crois que vous avez mentionné, madame Fox, qu'ils étaient différents des bandes de motards. Si j'ai bien compris, vous avez dit qu'une bande de motards était un peu comme une entreprise, mais que les gangs autochtones étaient différents.
    Comme d'autres membres du comité l'ont dit, lorsque nous étions à Toronto jeudi dernier, nous avons entendu les propos de personnes qui essayaient d'empêcher des jeunes de se joindre à des gangs de rue d'origine ethnique dans de nombreuses villes. Je me demandais s'il y avait une différence entre les gangs de rue autochtones et les gangs de rue d'origine ethnique et s'ils se forment pour les mêmes raisons.
    On nous a dit que certaines personnes se joignent à un groupe pour se retrouver avec des gens qui ont une identité ethnique commune, d'autres parce qu'elles n'ont pas de modèles positifs dans leur vies personnelles, et d'autres encore parce qu'elles n'ont pas d'avenir sur le plan économique. On nous a dit que c'était quelques-unes des raisons pour lesquelles les jeunes se joignent à un gang.
    Un certain nombre d'organisations dans les villes essaient de travailler avec les jeunes au moyen de programmes pour les jeunes à risque. Je me demandais si vous pouviez nous dire quels types de programmes seraient efficaces, à votre avis, et si nous devrions commencer par essayer d'endiguer le flot de jeunes qui se joignent à un gang.
    J'aimerais aussi que vous glissiez un mot sur le rôle que joue la drogue.
    Vous avez mentionné, monsieur Foss, que de nombreux membres de gang sont eux-mêmes des consommateurs. Plusieurs témoins ont suggéré la semaine dernière, à Toronto, que l'une des façons d'éradiquer le crime organisé dans les gangs est de décriminaliser et de légaliser toutes les drogues qu'ils consomment, ou une partie d'entre elles.
    Selon vous, quelle serait l'incidence d'une telle solution sur ces jeunes? Vous pourriez peut-être nous dire aussi d'où vient la drogue et ce que nous devrions faire pour couper l'approvisionnement.
    Je sais que j'ai posé beaucoup de questions, mais je souhaiterais entendre Mme Fox, M. Foss et M. Louis, en particulier, sur ces sujets.

  (1025)  

    Encore une fois, je vais commencer et je vais parler de mon expérience, même si je ne suis en aucun cas l'experte ici. Les deux personnes à ma droite sont plus expertes que moi en ce qui a trait aux caractéristiques réelles.
    Lorsque vous avez décrit les gangs d'origine ethnique, j'ai entendu des choses qui ressemblent à celles que je constate avec les communautés autochtones: la nécessité d'un sentiment d'appartenance, le fait de ne pas avoir de bons modèles et le rapport avec la pauvreté. Je dirais aussi qu'en prison, les gangs peuvent s'épanouir un peu plus pour des raisons de protection et du fait qu'ils sont ensemble.
    Vous avez demandé ce qui est à l'origine de la situation, selon nous. Encore une fois, je vais m'en remettre à M. Louis, mais j'ai pu constater que certains jeunes hommes autochtones se sont beaucoup éloignés de leurs racines, de leur spiritualité et du travail auprès de leurs aînés. Les choses ont changé dans leurs communautés. Je constate aussi, dans une certaine mesure, une migration. Au lieu d'aller de rester dans leurs communautés natales, beaucoup de jeunes vont dans les villes, où ils se sentent un peu perdus et où ils ne reçoivent pas le même soutien.
    Alors que devons-nous faire? Je crois que nous devons maintenir le cap. Vous avez peut-être entendu que nous — le Service correctionnel du Canada — avons fait beaucoup de travail pour essayer d'aider les gens à retrouver leur spiritualité et à préserver leur culture. Ça ne marche pas toujours, mais c'est l'une des choses les plus fructueuses que dont j'ai été témoin, et nous disposons de programmes merveilleux en ce sens.
    Chose plus importante encore: au cours de mes 29 ans de carrière au sein du Service correctionnel du Canada, j'ai constaté, même si je déteste l'admettre, que nous essayons souvent de plaire à tout le monde, mais que nous n'avons pas les capacités de le faire. Nous devons nous concentrer sur ce que nos collègues des communautés autochtones nous disent.
    Nous n'avons pas parlé beaucoup la toute dernière nouveauté: dans mon district, il s'agit des gangs d'origine asiatique. Nous devons demander aux gens de ces communautés ce dont leurs jeunes ont besoin. Je crois que vous entendrez les deux chefs de police de mon district tout à l'heure parler de certaines initiatives qu'ils ont mis en oeuvre à cet effet. Le chef Boyd et le chef Hanson sont tous deux allés dans des assemblées publiques et dans les communautés où les problèmes liés aux gangs sont répandus. Ils ont eu beaucoup de succès. Je crois que nous devons continuer dans cette voie.
    Est-ce que je peux vous demander de clarifier ce que vous avez dit? Avez-vous dit que des personnes se joignaient aux gangs après être allées en prison? Pas avant?
    Oui.
    Merci.
    C'est votre tour, monsieur Foss.
    Merci beaucoup. Votre temps est écoulé.
    Mme Jan Fox: Oh, je suis désolée.
    Peut-être que nous aurons la chance de terminer plus tard.
    Merci.
    Je crois que oui, monsieur Dechert.
    Monsieur Rathgeber, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le vice-président.
    Merci à tous les membres du comité de leur présence aujourd'hui.
    J'aimerais saluer tout particulièrement mes vieux amis, Greg Rice et Harvey Cenaiko. Greg et moi avons travaillé ensemble au début de notre carrière, et M. Cenaiko et moi avons été membres d'une assemblée législative de 2001 jusqu'à mon départ prématuré, en 2004. Il y est resté jusqu'en 2008, je crois.
    C'est génial de tous vous voir.
    Lorsque M. Rice et moi avons travaillé ensemble, nous étions avocats de droit civil. Je suis intrigué par ce problème de divulgation. En ce qui a trait à la résolution du problème de divulgation, ça se passe dans le cadre de mesures avant le procès, comme l'a dit M. Comartin, et ce pourrait être le résultat du symposium tenu jeudi dernier, à Toronto, dont nous avons parlé.
    Je suis intrigué par ce problème et je suis aussi d'avis, M. Rice, que nous devons le régler. La situation exige beaucoup trop de vos ressources et entraîne des retards dans les procès. Et au final, il arrive que des procès soient suspendus pour cette raison. Mais compte tenu de ce qu'a reconnu la Cour suprême dans l'affaire Stinchcombe, et dans d'autres affaires, et étant donné ce que dit la charte au sujet du droit à une défense pleine et entière, peut-on modifier la procédure, à votre avis, ou en sommes-nous prisonniers?

  (1030)  

    C'est une bonne question.
    Pour votre gouverne, le principe de base dans l'affaire Stinchcombe est qu'il faut divulguer tous les renseignements qui ne sont pas clairement non pertinents. Je crois qu'un des membres du comité a souligné qu'on ne pouvait pas lire les pensées des avocats de la défense. Il est très difficile, même pour nous, de distinguer ce qui est pertinent de ce qui ne l'est pas. Un élément banal à nos yeux peut être crucial pour la défense. Nous ne le savons pas et, par conséquent, nous en divulguons toujours trop, puisqu'il s'agit de divulguer tout ce qui n'est pas « clairement non pertinent », ce qui veut dire ce qui n'est pas manifestement non pertinent dans une affaire. C'est très difficile.
    Que pouvons-nous faire? Je ne crois pas être celui qui doit vous dire ce qu'il faut faire, mais je peux bien humblement vous suggérer quelques pistes. J'y ai réfléchi. J'ai réfléchi à la manière dont on mène les enquêtes. Je réalise que Stinchcombe n'existait pas il y a 20 ou 25 ans. Cette décision a été rendue au début des années 1990. Aujourd'hui, nous avons ces nouveaux outils. Nous sommes en mesure d'entrer une grande quantité de renseignements dans un ordinateur ou dans une base de données.
    Quant aux enquêtes, plutôt que de les mener pendant un mois ou deux, nous pouvons maintenant le faire pendant un an, un an et demi. Nous pouvons également faire appel à des policiers partout dans les provinces, obtenir tous leurs renseignements et les importer dans une base de données. Il est possible que nous devions remontrer très haut dans la chaîne pour atteindre les personnes visées, mais en même temps, je me demande si, ce faisant, nous n'avons pas réussi à nous déjouer nous-mêmes et à créer un produit qui empêche le bon déroulement des poursuites.
    On doit se souvenir que lorsque nous sommes au tribunal, nous devons présenter les preuves en nous servant des témoins. Nous ne pouvons pas simplement donner un disque dur au juge ou au jury en les invitant à lire son contenu. Nous devons passer par les témoins. Je me demande si nous n'avons pas créé une sorte de monstre en utilisant des ordinateurs et d'autres outils semblables.
    Ce sont habituellement les policiers et les procureurs de la Couronne tels que vous qui disent que les questions liées à la divulgation constituent un problème dans la lutte contre le crime organisé. Je sais qu'il vous arrive de parler aux avocats de la défense de temps à autre. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'il est également dans le plus grand intérêt des avocats de la défense de résoudre ce problème? Il faut que ce qui leur est divulgué soit vraiment pertinent et il faut éviter qu'ils reçoivent une tonne de documents qu'ils devront trier et qui ne seront pas pertinents pour la plupart, même s'ils sont nécessaires pour satisfaire à l'exigence de divulguer tout ce qui n'est pas clairement non pertinent.
    J'abonderais dans le même sens. Dans de nombreux cas, à mon avis, lorsque les avocats de la défense reçoivent un disque dur, ce qui équivaut à une tonne de documents, ils ne sont pas en mesure, avec leurs propres ressources, dans leurs bureaux, de digérer adéquatement toute cette information.
    Les avocats de la défense devront en parler eux-mêmes, mais en ce qui concerne l'embourbement procédural qui en résulte, je crois que la situation va perdurer tant qu'on n'apportera pas de changements. Dans certains cas, ça peut être utile pour la défense de faire en sorte qu'une de ces affaires importantes s'étire jusqu'à ce qu'on ait un problème de délais ou, comme je l'ai déjà dit, qu'une affaire s'écroule sous son propre poids.
    Merci, monsieur Rathgeber.
    Monsieur Norlock, pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Monsieur Rice, rapidement, j'aimerais soulever une observation. L'avocat de la défense est tenu de tout faire pour que son client gagne sa cause. C'est le problème que vous avez. J'ai été policier pendant 30 ans et j'ai vu la transition. J'ai vu l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est une bonne chose, mais quand on laisse l'être humain s'en occuper, elle peut être manipulée sans bon sens. Ce n'est qu'un commentaire, monsieur. Je souhaite réellement... Je voulais emprunter cette voie, mais je crois qu'elle ne mènera à rien.
    Voici ce qui, à mon avis, constitue une voie prometteuse. L'Établissement Warkworth se trouve dans ma circonscription. Il s'agit du plus grand établissement fédéral à sécurité moyenne au pays. Ils y ont un centre de guérison. J'oublie le nom exact du programme, mais c'est une unité complètement séparée de l'établissement, même si elle se trouve sur son terrain. Il y a des territoires des premières nations aux alentours, et selon les données que nous avons, c'est un grand succès. Je crois que c'est un succès phénoménal.
    Je lance cette idée à M. Louis, à Mme Fox et à M. Foss, si nous avons le temps. J'essaierai d'être bref. Je crois que la raison de ce succès se trouve dans les racines des peuples des premières nations qui sont, à vrai dire, très religieux, si je peux utiliser notre terme. Ils se fondent sur le Créateur et, à partir de là, ils travaillent sur eux-mêmes. Il en est de même pour chaque religion. Franchement, je crois qu'on utilise mal les programmes d'aumônerie dans nos prisons. Ils sont efficaces sur le plan des coûts et il y a un lien avec la communauté dès la naissance.
    Monsieur Louis, je me demandais si vous pouviez en parler, tout en laissant un peu de temps à Mme Fox et à M. Foss pour qu'ils puissent commenter.

  (1035)  

    Je vous remercie pour cette question.
    Je crois réellement que ce que le Service correctionnel a fait en créant ces établissements... Nous en avons un à Hobbema. Il se fonde sur la spiritualité des Autochtones. Il est unique en ce sens, parce qu'il est malheureux de voir les gens apprendre leur propre spiritualité dans un établissement. Cependant, il y a une différence entre leur apprentissage et leurs gestes. Je crois que nos données montrent que le taux de récidivisme est très bas parce qu'ils se sont concentrés sur la guérison de leurs têtes, de leurs corps et de leurs âmes. Je crois qu'il est très important que de tels programmes poursuivent leurs activités. Dans notre région, j'en suis très fier.
    Je suis engagé envers notre établissement depuis son ouverture en 1997. J'ai vu beaucoup de progrès et de changements. J'ai vu certains programmes que nous avons exécutés. Notre programme des chevaux a connu beaucoup de succès, tout comme le programme En quête du guerrier en vous. Il se passe beaucoup d'autres choses ici, ce qui est positif pour les détenus qui purgent leurs peines ici.
    M. Rick Norlock: Monsieur Foss.
    Je crois que votre question ressemble beaucoup à celle que M. Dechert a posée sur les différences de cette population. Le fait que ces personnes proviennent de milieux très dysfonctionnels — sur le plan de la pauvreté, des émotions, des finances, etc. — constitue étrangement une raison d'espérer travailler avec elles, parce qu'elles ne sont pas endurcies, elles ne sont pas des entreprises et elles ne sont pas fières de ce qu'elles font.
    Les programmes dont vous parlez, et les programmes que je considère efficaces avec cette population, sont les programmes qui s'occupent du vif du sujet. La composante spirituelle est très importante: il s'agit de travailler avec les individus sur ce qui cause leur dysfonctionnement plutôt que d'appliquer un programme cognitif qui ne fait que s'adresser à eux sans les engager.
    Une des questions que je pose souvent à ces gens concerne l'âge auquel ils aimeraient voir leur fils ou leur fille joindre leur gang. Ils me répondent par une pluie d'injures parce qu'ils reconnaissent que ce n'est pas ce qu'ils veulent. Lorsqu'on les engage à partir du coeur, et pas seulement de l'esprit, ils grandissent beaucoup. C'est de ça qu'il s'agit lorsqu'on parle de guérison.
    Nous n'avons pas beaucoup de temps, mais je voulais dire que je crois, comme vous, que nous sous-utilisons peut-être nos aumôniers. Je suis fière de voir que nous intégrons nos anciens à nos programmes d'aumônerie. C'est incroyablement important.
    Un des éléments dont vous avez parlé et qui est des plus importants pour moi, c'est qu'on peut faire ces liens de l'établissement à la communauté. Une des choses que nous faisons très bien à mon avis, c'est la création d'un cercle de soutien. Vous en avez probablement déjà entendu parler. Je crois que Warkworth en a quelques-uns. Le cercle de soutien, c'est ce qui aide mes agents de libération conditionnelle à faire leur travail et c'est ce qui aide les gens à quitter les gangs et devenir des citoyens respectueux des lois.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Dechert, vous avez cinq minutes.
    Monsieur Cenaiko?
    Monsieur le président, j'aimerais ajouter un commentaire. La Commission nationale des libérations conditionnelles utilise des anciens sous contrat partout au pays. Ils travaillent avec nous dans ce qu'on appelle des audiences avec l'aide d'anciens, la grande majorité dans les régions des Prairies et du Pacifique.
    J'ai déjà fait partie de la commission dans la région des Prairies et j'ai déjà dirigé des audiences avec l'aide d'anciens, et je peux vous dire qu'on peut voir éclore la spiritualité et la culture d'un délinquant autochtone. Il y a une différence visible. On peut voir la différence entre un délinquant dans un établissement et un autre qui se trouve dans un pavillon de ressourcement.
    Le fait de travailler avec le SCC à ce sujet constitue une superbe occasion. Il y a énormément d'espace pour grandir dans ce domaine. Les taux de réussite sont très bons.
    Comme l'a mentionné M. Foss, ils tirent parti des aspects culturels, spirituels, sociaux et communautaires pour les aider à réintégrer la communauté comme des citoyens respectueux des lois.

  (1040)  

    Monsieur Dechert, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je me demandais si, dans le temps qu'il me reste, nous pouvions revenir à ma question précédente.
    Monsieur Foss, je constate que vous y avez répondu partiellement, mais peut-être pourrions-nous nous concentrer sur la question des stupéfiants.
    J'aimerais entendre M. Louis et M. Foss à ce sujet.
    Quel est l'effet des stupéfiants chez les gangs de rue autochtones? À votre avis, quelle est la meilleure approche? Ferait-on mieux de se concentrer sur les fournisseurs en étant plus dissuasifs avec eux? Ferait-on mieux de décriminaliser ou de légaliser la marijuana ou d'autres types de drogues pour sortir l'argent du crime organisé? C'est ce que certains témoins nous ont recommandé à Toronto.
    J'aimerais connaître votre point de vue.
    En ce qui concerne la décriminalisation des drogues qu'on trouve chez les gangs de rue, je ne vois pas ça de sitôt. À mon avis, il n'est pas sensé de décriminaliser la cocaïne, le crystal meth ou les pilules.
    En ce qui concerne la meilleure avenue, la suppression et le contrôle des fournisseurs est important, mais la prévention auprès des jeunes est absolument essentielle. Lorsque ces personnes deviennent des adultes et qu'elles entrent dans le système fédéral, elles ont déjà une dépendance aux drogues. L'intervention est vraiment la clé.
    Qui accroche ces jeunes aux drogues?
    Selon mon expérience de travail avec eux, ils commencent à expérimenter en groupe dès l'âge de 11, 12 et 13 ans. Ils s'aperçoivent qu'ils ont du plaisir et qu'ils ont moins de problèmes. Ça devient une sorte de béquille pour eux lorsqu'ils deviennent des adultes.
    Est-ce que les Hells Angels ou d'autres s'occupent de leur fournir la drogue?
    J'imagine que de nombreuses drogues qu'on trouve dans la rue sont disponibles à partir du crime organisé, des motards, oui.
    Monsieur Louis.
    Auparavant, il était interdit par la loi que les Indiens inscrits ou visés par un traité aient des substances intoxicantes dans leurs communautés. La situation n'a changé que dans les années 1970. Chez nous, c'est de l'alcool qui est consommé. C'est le cas dans bien des communautés des premières nations au pays.
    Nous parlons encore de prohiber l'alcool ou de l'éliminer, ou de tenir un référendum pour qu'il n'y en ait pas dans nos communautés. Je ne sais pas si c'est une bonne idée.
    D'accord.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Il vous reste deux minutes.
    J'aimerais vous parler de quelque chose que j'ai entendu il n'y a pas longtemps, avant que je fasse partie du comité de la justice. J'étais dans un avion qui m'amenait d'Ottawa à Toronto. J'étais assis à côté d'une dame qui revenait de Pangnirtung, sur l'île de Baffin, où elle travaillait comme infirmière. C'était une personne d'ascendance autochtone ou des premières nations.
    Elle m'a parlé du problème de drogue qui existait à Pangnirtung, la petite communauté isolée de 1 500 personnes où elle travaillait comme infirmière. Elle m'a dit que les Hells Angels vendent des drogues là-bas. Quand elle a dit qu'il y avait trois membres en règle des Hells Angels dans la communauté, j'ai été réellement surpris, et je lui ai demandé si c'était des gens du coin. Elle m'a dit que non, qu'ils viennent de Montréal, et qu'ils ont un genre de café à Pangnirtung. Ils fournissent les drogues directement aux membres de la communauté. Ils s'arrangent pour que les gens deviennent dépendants rapidement à toutes sortes de substances.
    J'imagine qu'à un moment donné, des Hells Angels se sont assis à leur bureau principal de Montréal et ont regardé une carte du Canada pour déterminer à quel endroit ils pouvaient trouver de nouveaux clients. Puis ils ont envoyé ces trois hommes là-bas. Ils doivent vraiment détonner dans ce milieu.
    Je sais que vous n'êtes pas des policiers, quoique certains viendront nous parler plus tard dans la journée. Mais il doit y avoir quelque chose que nous pouvons faire pour empêcher qu'on achemine des drogues à un endroit comme Pangnirtung, où il n'y a que trois vols par semaine, je crois. Ils doivent apporter les drogues dans leurs valises.
    Est-ce une situation courante dans les communautés autochtones que vous connaissez? Lorsque ces hommes arrivent dans une communauté avec une valise pleine de drogues de la rue, que devrions-nous faire? Je sais que c'est une question difficile...
    Des voix: Oh, oh!
    Une voix: Ça s'adresse à notre procureur, ici.
    M. Bob Dechert: Cette histoire m'a renversé et je ne comprends pas pourquoi la police ne peut pas simplement intercepter ces hommes et fouiller leurs valises.
    Une voix: C'est la Charte des droits et libertés.
    M. Bob Dechert: Est-ce que quelqu'un voudrait faire un commentaire sur ce que je viens de raconter? Non? D'accord. Je voulais simplement en parler pour montrer qu'il faudrait s'occuper de ce genre de situation.
    Merci.

  (1045)  

    Je vous remercie.
    Nous avons organisé nos séries de questions de sorte que tout le monde dispose de cinq minutes. Je crois que M. Petit a empiété un peu sur le temps de M. Woodworth.
    M. Daniel Petit: Pardon.
    Le vice-président (M. Brian Murphy): Vous avez deux ou trois minutes, monsieur Woodworth.
    Merci beaucoup.
    En fait, nous partagions notre temps, et je le faisais de bon gré, mais depuis j'ai pensé à une autre question. Je voudrais la poser à Mme Fox si possible, parce que je sais un peu ce qu'il en est des cercles de soutien.
    Dans ma communauté de Kitchener-Centre se trouve l'Établissement Grand Valley pour femmes, où il y a des cercles de soutien comme ceux que nous voulons créer. Il semble qu'il y ait un manque de continuité entre le volet correctionnel et les volets de la libération conditionnelle et de la surveillance, en ce sens que l'appui des conseillers et d'autres formes de soutien qui sont fournis aux femmes et aux personnes en détention ne se poursuivent pas lorsqu'elles sont libérées. À leur sortie de l'établissement, ces gens ont un nouveau surveillant et de nouveaux conseillers, et ça met fin à tout le travail qui a été fait pendant la période de détention et aux liens qui ont été construits.
    J'ignore si c'est un problème qui existe uniquement dans ma communauté ou s'il touche également les cercles de soutien dont vous parliez. Je me demande si on peut trouver une solution qui permettrait d'éviter cette division des rôles en détention pour que les rapports se poursuivent au cours du processus de libération conditionnelle et de surveillance. Auriez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
    Oui, car c'est quelque chose qui me tient réellement à coeur. Vous avez bien raison. Je crois que, pendant bien longtemps, il y avait comme une rupture entre le volet établissement et le volet de la libération conditionnelle et de la surveillance.
    Nous avons essayé de nous attaquer à ce problème. Je crois que vous êtes au courant d'un rapport qui a été publié, une feuille de route pour la sécurité publique, qui porte sur cette transformation. Le comité qui a fait cette démarche a souligné ce point très clairement. Nous devons nous améliorer sur ce plan.
    Il ne s'agit pas d'un problème unique, mais je peux vous dire que, dans le cas de l'établissement pour femmes qui est ici à Edmonton, notre proximité nous a permis de mieux faire ces liens. On pourrait dire que, dans la région, la géographie y serait un peu pour quelque chose.
    Par exemple, nous comptons des établissements à Drumheller, Red Deer et Grande Cache, où nous n'avons pas nécessairement de bureaux de libération conditionnelle. Nous avons dû trouver des manières créatives de communiquer avec nos collaborateurs dans les établissements. Nous disposons d'outils technologiques, et je trouve qu'il est utile de faire des vidéoconférences, de discuter au téléphone, etc.
    C'est quelque chose qui me préoccupe réellement, et qui figure dans mon accord de rendement et dans celui d'autres directeurs d'établissement ou de district au pays. On compte seulement huit directeurs de district au Canada. Nous nous réunissons régulièrement et c'est l'un des domaines sur lesquels nous concentrons réellement nos efforts.
    Donc, vous avez raison, mais je crois que nous commençons à faire des progrès sur ce plan.
    C'est bien. Je pose la question parce que ça m'a paru très évident ce matin que, comme l'a dit M. Foss, la désaffiliation ne se fait pas tout d'un coup; c'est un processus. C'est un processus qui devrait commencer en détention et qui devrait se poursuivre à l'extérieur sans qu'il y ait de coupure.
    J'aimerais poser une autre question s'il me reste du temps. Nous avons beaucoup parlé du problème des gangs de rue ici. À mes yeux, c'est un problème distinct de celui des grandes organisations criminelles d'envergure nationale qui arrivent dans une communauté, ce dont M. Dechert parlait, je crois. Je me demandais si on pouvait en savoir plus sur la façon dont ces grandes organisations nationales fonctionnent en Alberta, si quelqu'un pouvait nous renseigner à ce sujet.
    Monsieur Rice, je vais m'adresser à vous. Vous trouvez-vous face à ce genre de situation? Voyez-vous des poursuites contre les Hells Angels et d'autres groupes du genre en Alberta? Ou est-ce que le problème concerne principalement les gangs de rue?
    Oui. Le cas dont j'ai parlé était une poursuite contre les Hells Angels. D'après ce que je comprends, il y a des locaux ou des clubs officiels, certainement, à Edmonton, Red Deer et Calgary, du moins, et il y a peut-être des ramifications dans d'autres communautés éloignées comme Fort McMurray et Grande Prairie. M. Foss et Mme Fox auraient probablement une meilleure idée de leur nombre.

  (1050)  

    Je peux donner des chiffres pour mon district. Comme je l'ai dit au début de ma déclaration, je crois, il y a 92 délinquants affiliés à des gangs parmi les personnes que nous avons prises en charge. Sur ce nombre, 64 font partie de gangs autochtones ou asiatiques. Donc, on parle de petits nombres pour le reste.
    Par exemple, si on parle des libérés conditionnels, pour cette catégorie seulement, il y a quatre Hells Angels. Je ne sais pas si ça s'explique par le fait qu'ils proviennent de différents endroits, et donc lorsqu'ils sont condamnés pour des crimes, ils sont incarcérés à différents endroits. Je ne peux pas me prononcer là-dessus, mais je peux vous dire que les chiffres dans le cas des libérations conditionnelles ne sont vraiment pas élevés en Alberta et dans les Territoires du Nord-Ouest.
    Merci beaucoup.
    Tout le monde a eu la possibilité de parler.
    Nous allons accorder cinq minutes au quatrième parti pour qu'il puisse poser une deuxième question.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Cenaiko, je m'intéresse à la question que vous avez soulevée concernant la difficulté d'examiner des éléments de preuve sans que les personnes en attente d'une libération conditionnelle soient mises au courant. Est-ce que la commission envisage de faire des recommandations pour apporter des modifications à cet égard?
    Il me vient à l'esprit un certain nombre de lois qui pourraient être modifiées de façon à permettre à la commission de tenir compte de certains éléments à l'insu de la personne concernée si elle est associée à un gang. Je crois que la Cour suprême a été plutôt indulgente pour ce qui est de permettre ce type de dérogation à la charte.
    Est-ce que les membres de la commission ont tenu des discussions ou fait des recommandations en vue d'apporter des modifications?
    Non, la commission ne l'a pas fait. Encore une fois, comme je l'ai mentionné plus tôt, si le ministre ou le gouvernement nous demande notre avis sur des lois, nous lui répondrons. Nous ne nous adressons pas au gouvernement en lui disant de changer les lois pour nous permettre de faire ceci ou cela. Nous respectons simplement la législation établie en vertu de la Loi sur le système correctionnel, de la Loi sur le casier judiciaire et du Code criminel. Voilà comment ça se passe.
    Nous recevons de l'information de la part de tiers. Nous travaillons en étroite collaboration avec les services de police de tout le pays ainsi qu'avec le Service correctionnel. Pour toute information concernant une enquête qui peut avoir des conséquences pour un délinquant ou d'autres personnes qui sont toujours dans la collectivité ou des victimes, un résumé très bref est émis, mentionnant qu'une enquête de la GRC est en cours relativement à ce délinquant.
    Ce résumé est communiqué au délinquant et à nous. C'est la seule information que nous recevons. Il n'indique en aucune façon de quel type d'enquête il s'agit. Il n'indique aucunement s'il s'agit d'un homicide ou d'une agression sexuelle ou de quelque autre crime. Ce n'est qu'un résumé très bref signalant que le délinquant est toujours sous enquête à la suite d'une nouvelle infraction. Cette information doit être communiquée au délinquant. C'est de l'information sensible qui provient de tiers.
    Cela englobe également les cas où d'autres délinquants dans l'établissement donnent de l'information selon laquelle le délinquant qui doit faire l'objet d'un examen ou d'une évaluation des risques se livre au trafic de drogues dans l'établissement ou agit pour le compte d'un groupe. Cela est également de l'information provenant de tiers. Afin de protéger le délinquant, qui ne veut évidemment pas que son nom soit mentionné pendant l'audience et que l'on dise qu'il est celui qui a dénoncé l'autre délinquant — c'est aussi de l'information protégée provenant de tiers —, le Service correctionnel nous fournit un bref résumé afin que nous sachions qu'il est mêlé à des affaires de drogues dans l'établissement.
    Merci.
    Monsieur Louis, quand j'étais membre du Comité de la sécurité publique il y a quelques années, j'ai beaucoup travaillé au dossier de la protection des témoins. Le système de protection des témoins au Canada comporte de graves lacunes, mais je dois admettre que nous n'avons pas tenu compte, pour ce qui est des gangs de rue, des individus issus des premières nations, des Métis et des collectivités autochtones.
    Avez-vous de l'expérience en ce qui a trait à l'utilisation possible de la protection des témoins comme méthode de lutte contre les gangs de rue? Y a-t-il des problèmes particuliers dans nos premières nations en ce qui concerne la protection des témoins? Je ne sais pas si vous possédez une telle expérience, mais si oui, j'aimerais entendre vos commentaires.

  (1055)  

    Non, je n'en ai pas du tout.
    D'accord.
    Monsieur Rice, avez-vous des commentaires à ce sujet?
    C'est plutôt en dehors de ma spécialité. Je crois que les policiers seraient probablement mieux placés... Mais j'ai certainement eu affaire à des témoins qui étaient sous protection. C'est tout ce que je peux dire.
    D'accord.
    Madame Fox, j'ai une dernière question. Nous avons vu des situations, en particulier au Québec il me semble, où des agents correctionnels ont été visés, et par les Hells Angels dans ce cas. Sans dévoiler des cas spécifiques qui ne sont pas publics, avez-vous assisté à des tentatives d'intimidation des agents correctionnels en Alberta ou dans votre région?
    Personnellement, je n'ai pas entendu parler de ce genre de situation. J'ai appris d'un de mes collègues que ce problème serait survenu à un certain endroit en Colombie-Britannique, mais à ma connaissance, nous n'avons été informés d'aucun cas semblable.
    Je remercie tous les témoins.
    Monsieur Louis, vous avez mentionné que vous souhaitiez remettre des documents à la greffière. Vous pouvez tous faire de même si vous possédez de la documentation qui appuie votre témoignage et qui pourrait nous être utile dans notre étude sur le crime organisé.
    Je vous remercie beaucoup de votre présence.
    La séance est suspendue pour environ cinq minutes.

    


    

  (1105)  

    La séance reprend.
    Cette réunion est la sixième séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Comme vous le savez, nous poursuivons notre étude sur le crime organisé dans l'ensemble du Canada. Nous en sommes à la fin de l'étude. Nous espérons publier un rapport d'ici deux ou trois mois. Entre-temps, nous continuons à entendre des témoins ici et à Winnipeg.
    Je remercie chacun de vous de venir témoigner.
    Je précise, pour le compte rendu, que nous accueillons aujourd'hui Michael Boyd, chef de police du Edmonton Police Service, et Rick Hanson, chef de police du Calgary Police Service. Sont également parmi nous Mike Skappak, directeur des enquêtes pour la région des Prairies à l'Agence des services frontaliers du Canada, le sergent d'état-major Terry Kohlhauser et l'inspecteur Clemens Imgrund, de la Gendarmerie royale du Canada, ainsi que Brian Gibson, président du comité de direction au Service canadien de renseignements criminels. Je vous souhaite la bienvenue.
    Je pense que vous connaissez la procédure. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous passerons à une période de questions. Je tiens par ailleurs à vous remercier de vous être présentés dans un délai si court. Nous avons eu du mal à fixer les dates, et nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté notre invitation.
    Commençons avec M. Boyd.
    Merci, monsieur le président et les membres de ce comité.
    Aujourd'hui, je m'adresse à vous en tant que vice-président de l'Association canadienne des chefs de police et président de l'Alberta Association of Chiefs of Police.
    Le système de justice canadien assume deux responsabilités générales, à savoir protéger la population et assurer la justice pour toutes les personnes accusées de crimes et pour les victimes de ces crimes.
    Au cours des dernières années, en raison de l'attention judiciaire et publique suscitée par certaines affaires où des délinquants ont été condamnés à tort pour un crime, on a déployé beaucoup d'efforts afin d'assurer la justice pour les personnes accusées. D'ailleurs, cette attention accrue était justifiée et fortement appuyée par les chefs de police au Canada.
    Aujourd'hui, mon témoignage porte sur le sujet suivant: les changements que l'on doit apporter à la législation et à l'application du système pour veiller à ce que la population soit protégée contre toute autre victimisation criminelle, ou contre les crimes commis par des personnes reconnues comme étant des délinquants chroniques ou des récidivistes chroniques.
    Je situe un peu le contexte. Au cours des années 1970, le Parlement a adopté la Loi sur la réforme du cautionnement. Essentiellement, cette loi a établi certains principes, notamment qu'une personne accusée d'avoir commis un crime devait être remise en liberté jusqu'à ce que le tribunal ait déterminé son innocence ou sa culpabilité. Advenant un verdict de culpabilité par le tribunal, il fallait examiner davantage la situation et déterminer si, dans l'affaire en question, cette décision signifiait ou non l'incarcération ou l'emprisonnement pour la personne délinquante.
    Cette loi prévoyait également certaines exceptions à la règle générale ou aux principes généraux. La première exception étant le cas des délinquants pour lesquels on avait des motifs de croire que, s'ils étaient libérés, ils ne se présenteraient pas devant le tribunal pour répondre des accusations à leur endroit. La deuxième exception visait les délinquants accusés d'un crime ou de crimes multiples pour lesquels on avait des motifs de croire qu'ils continueraient de commettre des crimes s'ils bénéficiaient d'une remise en liberté sous caution avant leur procès.
    Dans le cas de la première exception, une personne accusée pouvait faire l'objet d'une enquête sur le cautionnement pendant que le tribunal prenait connaissance des preuves liées aux motifs. La loi permet au tribunal soit de garder les délinquants en détention jusqu'à leur procès ou de les libérer en vertu de conditions rigoureuses qu'ils doivent respecter et, advenant un bri de ces conditions, ils peuvent être accusés d'un autre délit criminel.
    Pour ce qui est de la deuxième exception, c'est-à-dire lorsqu'on a des motifs de croire qu'un délinquant continuera de commettre des crimes une fois libéré sous caution, celui-ci peut être visé par une enquête sur le cautionnement en vertu de laquelle le tribunal peut entendre les motifs avancés. Un juge ou un juge de paix peut proposer une mise en liberté avant le procès, ce qui empêche totalement les délinquants de commettre d'autres crimes, ou alors le tribunal peut les libérer sous caution moyennant l'imposition de conditions rigoureuses, ce qui, idéalement, les empêche de commettre d'autres infractions.
    Tout ce qui précède est déjà prévu à l'article 515 du Code criminel du Canada. La question n'est pas tellement de savoir ce qu'il faut ajouter à la loi pour protéger le public. Nous savons que, lorsqu'elle est appliquée de façon appropriée, la plupart du temps elle est efficace. Le problème, c'est que les processus législatifs ne sont pas utilisés dans leur pleine mesure, plus particulièrement en ce qui a trait aux délinquants chroniques et aux récidivistes, et, pour cette raison, le public n'est pas bien protégé contre d'autres crimes.
    Par système de justice, on entend les services de police, les procureurs de la Couronne, les avocats de la défense, les juges et les juges de paix et, évidemment, les services correctionnels. Bien que ces différents acteurs du système de justice soient indépendants du point de vue constitutionnel, du point de vue pratique, ils sont interdépendants, car ils permettent d'assurer l'efficacité du système. Cet aspect est important pour bien exécuter les deux responsabilités propres au système, notamment assurer la justice pour les victimes et les délinquants, et protéger la population.
    Entre 2006 et 2008, on a mené à Edmonton et Halifax des études portant sur les antécédents des délinquants criminels. Les responsables des corps de police du Canada souhaitaient établir, par ces études, que certaines situations ne se produisaient pas que dans une seule région du Canada.
    Ces études ont relevé des tendances de délinquance menant jusqu'à 100 arrestations et plus au cours d'une période de cinq ans, alors que les délinquants ont été arrêtés et libérés des douzaines de fois, car en de multiples occasions, ils n'ont pas respecté leurs conditions de remise en liberté et ont commis d'autres crimes, mettant ainsi en danger la population. C'est pourquoi mon attention et mes commentaires sont tournés vers la protection du public.

  (1110)  

    En fait, il n'est pas inusité de voir des délinquants remis en liberté se promener dans les rues de nos villes en bénéficiant de cautionnements multiples alors que leurs antécédents laissent entendre qu'ils devraient être privés de leur capacité légale en raison d'une détention préventive. Souvent, les délinquants chroniques sont des personnes qui souffrent d'une dépendance à l'alcool ou aux drogues. Le plus souvent, ils ne peuvent se sortir du cycle du crime car c'est ce qui leur permet d'obtenir l'argent nécessaire à l'achat de drogues pour satisfaire leur dépendance et ainsi de suite.
    La plupart des spécialistes sont d'avis que le problème des délinquants est principalement un problème de santé et je crois que la communauté des services de police canadiens est d'accord sur ce point. Toutefois, lorsqu'un personne traverse la mince ligne entre se causer elle-même des préjudices et victimiser d'autres personnes d'un point de vue criminel, ce problème relève de notre système de justice et constitue un danger pour la population canadienne, compte tenu qu'une des responsabilités du système est de protéger le public contre ceux qui commettent des crimes.
    Bien que les termes « délinquant chronique » et « récidiviste » sont souvent utilisés pour désigner les mêmes personnes, le terme « récidiviste » peut être utilisé pour décrire les délinquants dont le style de vie est le crime et la victimisation, et qui ne disposent d'aucun moyen de subsistance légal. Bien que la plus grande partie de la législation vise les délinquants qui commettent des crimes, des changements législatifs sont nécessaires afin de renforcer les effets du système de justice en ce XXIe siècle.
    Permettez-moi d'avancer quelques idées et de les rendre plus concrètes. Aujourd'hui, j'aimerais formuler certaines recommandations précises de changement que le comité pourrait envisager.
    Recommandation numéro un: il faut apporter des changements à la loi afin de rendre obligatoire l'application de certaines mesures mises de l'avant par les différents intervenants du système de justice.
    Recommandation numéro deux: le Parlement doit reconnaître, dans la loi, la prévalence de la dépendance à l'alcool et aux drogues et son influence sur le crime dans notre société.
    Recommandation numéro trois: le Parlement doit apporter des changements aux options offertes en matière de conditions de libération énoncées dans la loi afin quelles soient mieux adaptées à la réalité d'aujourd'hui et plus efficaces pour contrôler les agissements d'un délinquant présumé pendant sa remise en liberté.
    Permettez-moi de commencer par la recommandation numéro un, c'est-à-dire rendre obligatoire l'application des mesures prises. Lorsque la police prépare des preuves en vue d'une enquête sur le cautionnement visant à démontrer la vraisemblance qu'un délinquant puisse commettre un autre crime s'il est remis en liberté, les renseignements réunis équivalent à une évaluation de risques ou une évaluation de menaces pouvant mener une victimisation ultérieure. Très souvent, ces renseignements sont ignorés et aucune explication n'est donnée. Tout cela rend le public vulnérable et le système n'en est pas responsable.
    En ce qui a trait à la recommandation numéro deux, la législation ne fait aucunement mention des problèmes de drogue au Canada ni des conséquences de la dépendance aux drogues sur le crime et vis-à-vis de ceux qui s'adonnent au crime. Je crois qu'il est nécessaire que la loi en fasse état. Je souhaiterais également que l'on établisse un lien entre les programmes de lutte contre la drogue en vigueur au Canada et ceux qui sont les plus visés et qui sont responsables de crimes vis-à-vis d'autres personnes dans notre société.
    Maintenant la recommandation numéro trois, à savoir modifier les conditions de remise en liberté. Les options en matière de conditions de libération rédigées dans la loi des années 1970 et 1980 ne tiennent pas compte des développements technologiques mis à la disposition du système de justice. La surveillance électronique peut très bien être une option retenue par les tribunaux dans le cas de la remise en liberté d'un délinquant, mais même, actuellement, cette option n'est pas prévue dans la loi.
    Un autre exemple est la condition libellée comme suit « ne pas troubler l'ordre public et avoir une bonne conduite ». Cet exemple est souvent évoqué, mais il semble ne correspondre à rien dans notre système actuel. En fait, cette expression ne signifie pas grand chose.
    Il y a de nombreux autres exemples que je pourrais vous donner, mais un fait demeure: il faut moderniser les options en matière de conditions de libération et veiller à ce qu'elles soient efficaces pour ce qui est de limiter les possibilités de comportement criminel.
    Et voici la contrepartie: plus d'efforts axés sur les récidivistes ou les délinquants chroniques auront, sans aucun doute, pour effet de rendre nos communautés plus sécuritaires et permettront de réduire la criminalité. Je crois également que cela permettra de réduire le fardeau de notre système de justice en le rendant plus efficace pour tous et aura aussi un effet dissuasif pour les délinquants.
    En terminant, bien que la législation actuelle soit très bien appliquée par la Cour suprême du Canada, cette législation doit être modernisée pour tenir compte de la réalité d'aujourd'hui. Le système doit mettre l'accent sur le danger que représentent les délinquants récidivistes pour la population canadienne et sur la responsabilité du système à l'égard de la protection du public.
    À court terme, j'estime que la seule façon d'y parvenir est de rendre obligatoires certaines mesures. Le fait d'apporter des changements dans ce domaine du droit criminel contribuera à mettre en oeuvre les changements dont nous avons besoin pour protéger le public et réduire la victimisation d'actes criminels.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous ce matin.

  (1115)  

    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Hanson.
    Vous avez 10 minutes.
    J'ai pris connaissance de certains des témoignages précédents et ce serait répétitif de reprendre l'historique du crime organisé au Canada et comment nous en sommes rendus là. Alors, je serai relativement bref.
    Il y a tout de même un point en particulier que j'estime devoir aborder. Les personnes qui se situent au milieu et dans les rangs supérieurs de l'échelle du crime organisé y sont pour une seule et unique raison: le profit.
    Contrairement aux autres types de crime au Canada, où certaines dépendances ou encore la stupidité peuvent être le facteur de motivation principal, les acteurs du crime organisé sont inspirés par l'appât du gain et le profit, et s'appuient sur la victimisation continue des naïfs et des innocents. Par conséquent, le gouvernement et le système de justice doivent reconnaître que des crimes graves exigent des sentences graves.
    Une personne ayant pris part à des activités criminelles graves et organisées doit être traitée beaucoup plus sévèrement que tout individu jeune et un peu fou qui a des démêlés avec la justice pendant plusieurs années. Le crime organisé a des conséquences sociales et économiques importantes et nous ne pouvons passer sous silence ses répercussions de plus en plus nombreuses sur l'économie canadienne et la société canadienne.
    Je veux parler maintenant des tendances récentes que nous avons relevées et j'aimerais avancer quelques solutions.
    Le premier problème est la diversification des groupes criminels organisés, tant sur le plan géographique que commercial. Alors que par le passé, le crime organisé avait tendance à se limiter à un créneau de marché ciblé, ce n'est plus le cas. Les groupes sont maintenant présents dans toute entreprise susceptible de générer des profits, que ce soient la traite de personnes, la prostitution, les réseaux de vols de voitures, la fraude par cartes de crédit et la fraude hypothécaire. Les groupes criminels organisés ne se limitent plus à des secteurs géographiques ou aux zones avoisinantes, leur quête du profit s'étend au-delà des frontières.
    En outre, ces groupes criminels déploient beaucoup d'efforts pour essayer de corrompre et d'infiltrer les services de police, le système judiciaire et les entreprises légales. Ils s'activent également pour démasquer les sources policières.
    Jusqu'où va l'application de la loi? Comme les groupes criminels organisés élargissent leurs réseaux, il y a de plus en plus de communication entre eux, ce qui entraîne des conflits et de la violence. Les nombreux paliers et facettes multiples que comporte un groupe criminel rendent difficile toute possibilité d'enquête par les services policiers, non seulement au niveau des ressources, mais également au niveau de l'expertise interne. Par exemple, un simple dossier concernant les stupéfiants peut mener à une enquête de fraude complexe qui exige une expertise dans les domaines de la criminalité commerciale, de la criminalité technologique, etc.
    Les activités criminelles dans des domaines interreliés obligent les différents organismes d'exécution de la loi, qu'il s'agisse de services policiers ruraux ou municipaux, des services correctionnels, de l'ASFC et des shérifs, à travailler ensemble et à échanger des renseignements; d'ailleurs, quelques processus et systèmes sont en vigueur pour faciliter cet échange de renseignements.
    Il existe quelques solutions applicables pour régler ce problème particulier. L'une d'entre elles consiste à faciliter l'échange d'information et de renseignements entre les organismes grâce à la mise au point de bases de données partagées, à l'analyse et à d'autres ressources. Une autre serait de mettre au point et d'appuyer une technologie pratique applicable à la grandeur d'une province et du pays. La majorité des organismes d'exécution de la loi utilisent différentes technologies et systèmes, ce qui rend difficile l'échange de renseignements à jour.
    Pour lutter contre la fraude hypothécaire, le gouvernement doit obliger les banques à cesser d'utiliser leur technique actuelle d'évaluation informatisée et de mettre au point des techniques visant à dissuader toute fraude hypothécaire au lieu de la favoriser.
    Un autre problème: la diffusion ou la communication des documents. Deux éléments sont liés à la diffusion des documents. Tout d'abord, les obligations découlant de l'arrêt Stinchcombe requièrent un nombre excessif de ressources policières et judiciaires. Deuxièmement, même les documents à communiquer sont utilisés par les criminels pour connaître les stratégies d'enquête des policiers.
    Les renseignements recueillis au niveau local révèlent des incidents liés aux groupes criminels organisés qui utilisent les textes de loi en matière de communication de documents pour connaître les stratégies d'enquête de la police et y réagir. On a même eu des cas où les documents à communiquer ont été diffusés dans les prisons. On a également appris que les groupes criminels organisés tenaient ce qu'ils appellent eux-mêmes des « réunions délicates » où ils discutent des tendances récentes au niveau des mécanismes de surveillance policière et des moyens de les contourner.
    Les services policiers et l'État ont un lourd fardeau à porter en ce sens qu'il est pratiquement impossible de tenir un procès pour crime organisé d'une certaine complexité dans une province comme l'Alberta. Il y est virtuellement impossible de citer à procès plus de quatre personnes à la fois.
    En fait, pour les organismes d'exécution de la loi, la contre-surveillance devient un énorme problème. En fait, la contre-surveillance c'est la capacité des groupes criminels organisés de cibler les services policiers et de cerner leur façon de réagir à un crime particulier. Les stratégies traditionnelles d'enquête policière ne sont plus aussi efficaces qu'elles étaient parce qu'elles sont connues de tous les éléments criminels, plus particulièrement ceux du crime organisé, qui peuvent les étudier et trouver des moyens de les contrer. Cette situation limite de façon importante notre capacité à tenir d'importants procès contre les organisations du crime organisé.

  (1120)  

    Parmi les solutions possibles, mentionnons un examen de l'arrêt Stinchcombe dans le but de simplifier la divulgation pour la police et, le cas échéant, de masquer les techniques policières afin que les criminels ne puissent ni les étudier ni élaborer de stratégies visant à contrer les enquêtes; la promotion des outils technologiques pour résoudre les problèmes concernant la quantité de preuves à communiquer; et le renforcement de la capacité et de l'expérience fédérales en matière de poursuites en augmentant les postes et les niveaux de dotation.
    En troisième lieu, les organisations criminelles deviennent de plus en plus avancées sur le plan technologique. Elles utilisent davantage de techniques perfectionnées pour communiquer les unes avec les autres et aussi Internet pour faciliter la commission de crimes comme la prostitution et le blanchiment d'argent.
    Quelles sont les conséquences pour les forces de l'ordre? Une fois encore, la contre-surveillance devient un problème de taille. Les organisations criminelles utilisent des techniques anti-surveillance telles que la RF ou des récepteurs de signaux pour trouver l'équipement de surveillance couverte de la police et elles utilisent des brouilleurs pour bloquer les communications.
    Par conséquent, cela crée des préoccupations en matière de sécurité pour les officiers et des obstacles au bon déroulement des opérations. De nombreux agents de police qui effectuaient des contrôles routiers ont perdu l'usage de leur téléphone et, dans certains cas, de leur radio à cause de ces dispositifs de brouillage. Les techniques d'enquête traditionnelles sont de moins en moins efficaces.
    Parmi les autres solutions, la première consiste à avoir un centre de cybercriminalité au Canada. Nous avons besoin d'un centre national destiné à lutter contre le crime en ligne pour s'attaquer aux pourriels, aux virus et aux réseaux zombies, mais aussi pour que les forces locales de maintien de la paix puissent se doter d'un organisme d'enquête qui recueille les preuves de blanchiment d'argent, de fraudes, etc. Par ailleurs, aux termes d'une loi sur l'accès légal, nous devons pouvoir surveiller les organisations criminelles dans les salles de clavardage et dans les zones où elles sont actuellement intouchables, comme les sites pour consoles de jeux, MSN et les communications NIP à NIP sur un BlackBerry.
    Il faut adopter des mesures législatives en matière d'accès légal pour permettre à la police de surveiller les dispositifs de communication de façon plus efficace. Les compagnies de téléphone et les fournisseurs de services Internet doivent être tenus d'offrir un moyen détourné aux forces de l'ordre afin qu'elles interceptent des communications privées lorsqu'elles ont l'autorisation judiciaire pour ce genre d'interception.
    De plus, il faut que les forces de l'ordre puissent avoir accès à l'information sur les abonnés de cellulaires et aux adresses de protocoles Internet sans mandat. Des mesures législatives pour rendre illégale la vente, la possession, l'utilisation ou l'importation de brouilleurs de signaux sont également essentielles.
    Pour terminer, il faut sensibiliser la population. Le crime organisé compte sur sa capacité à s'attaquer continuellement aux personnes naïves et vulnérables. Il faut sensibiliser beaucoup mieux la population. Il faut commencer aussi tôt que dans les écoles élémentaires afin que les enfants reçoivent le bon message sur les drogues et les prédateurs du cyberespace qui peuvent mener à la prostitution et à l'appartenance à un gang. Il faut continuer cette sensibilisation jusqu'au secondaire.
    Comment peut-on expliquer la grande réussite de certaines fraudes par Internet qui sont continuellement commises contre la population lorsque, aux yeux des forces de l'ordre et des personnes instruites, il est simplement ridicule de croire que quiconque puisse devenir victime de ce genre d'approches? Il faut qu'il y ait un engagement à l'échelle nationale à l'égard de la sensibilisation pour réduire les niveaux de victimisation.
    Je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole aujourd'hui.

  (1125)  

    Merci.
    Monsieur Skappak, vous avez 10 minutes.
    Monsieur le président et membres du comité, merci beaucoup d'avoir invité l'ASFC à s'exprimer aujourd'hui.
    La région des Prairies de l'Agence des services frontaliers du Canada a pour mission de protéger la frontière canado-américaine dans les provinces des Prairies et dans les Territoires du Nord-Ouest, ce qui implique de gérer 37 postes frontaliers terrestres, cinq aéroports et deux ports de mer. Des 1 216 employés de l'ASFC affectés dans la région, 682 sont agents des services frontaliers. Depuis 2009, les bureaux d'entrée des Prairies ont traité à l'arrivée presque trois millions de voyageurs aériens, 460 000 camions commerciaux et 1,3 million de véhicules transportant 2,8 millions de personnes.
    Les saisies de drogues dans la région se chiffrent à quelque 26 millions de dollars pour les cinq dernières années, et à 17 millions de dollars pour les 12 derniers mois. Depuis deux ans, elles consistent surtout en cocaïne venue d'Amérique du Sud, en doda venue des États-Unis et en khat venu d'Afrique. Dans une moindre mesure, nous saisissons aussi de l'héroïne, de l'huile de cannabis et, bien sûr, de la marijuana.
    Bien que la majorité des expéditions de drogue qui entrent au Canada par les airs passent par les grands bureaux d'entrée de l'Est et par Vancouver, on en signale de plus en plus dans les aéroports internationaux de Calgary et d'Edmonton. Le crime organisé utilise pour acheminer la drogue des sociétés tout à fait légitimes, ce qui complique pour nous le ciblage des expéditions et des conteneurs suspects dans le mode aérien.
    L'ASFC accomplit son mandat d'exécution de la loi d'une part par le travail de ses agents aux bureaux d'entrée, et d'autre part par celui de ses trois divisions dédiées à l'exécution de la loi. Nos agents affectés aux bureaux d'entrée, c'est-à-dire la majorité de nos agents, sont supervisés par un réseau de cinq bureaux de district établis dans les Prairies et dans les Territoires du Nord-Ouest. Premières personnes à entrer en contact avec les voyageurs qui veulent entrer au Canada, ces agents s'occupent de l'inspection des marchandises et des moyens de transport.
    Deux divisions jouent un rôle complémentaire: la Division des enquêtes criminelles et du renseignement et la Division de l'exécution de la loi dans les bureaux intérieurs. Leur personnel est surtout établi à Calgary, à Edmonton, à Winnipeg et à Regina, mais on retrouve aussi des bureaux à Coutts en Alberta, à North Portal en Saskatchewan et à Emerson au Manitoba.
    Les enquêtes criminelles nous outillent pour poursuivre les personnes soupçonnées de contrevenir délibérément aux quelque 80 lois fédérales que nous appliquons, et qui régissent la frontière d'une façon ou d'une autre. Dans la région des Prairies, les infractions vont des entraves à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) jusqu'au faux-monnayage, en passant par le trafic d'armes de poing et autres armes à feu et par la pornographie juvénile.
    Les agents de l'exécution de la loi dans les bureaux intérieurs retrouvent et expulsent du pays les étrangers entrés au Canada illégalement, ainsi que toute personne, même résidente permanente, dont l'admissibilité a changé après son arrivée au Canada. Pour y arriver, la division mène des enquêtes en collaboration avec d'autres organismes d'exécution de la loi, comme la GRC et les services de police municipaux. Bon nombre des individus expulsés depuis les Prairies ont été déclarés inadmissibles pour s'être adonnés à des activités criminelles, au Canada ou ailleurs. On compte parmi eux des membres ou d'anciens membres d'organisations criminelles notoires comme la Afrikan Mafia, les MS-13, les Clippers, les Fresh off the Boat et les Fresh off the Boat Killers.
    Finalement, les agents et analystes du renseignement ont la responsabilité de prévoir le crime et de fournir des renseignements tactiques à tous nos secteurs de programme pour garantir l'efficacité de nos mesures d'interception et la sécurité de nos agents. En fait, pour établir qu'un comportement est suspect, les agents des services frontaliers utilisent des critères qui viennent surtout du Renseignement.
    Mais ce qui revêt encore plus de pertinence pour vos délibérations aujourd'hui, c'est que notre programme de renseignement, plus que tout autre programme, est au premier plan de la collecte, de l'analyse et de l'échange de renseignements sur le crime organisé.

  (1130)  

    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à la GRC.
    Inspecteur Imgrund, je crois que vous allez présenter votre exposé. Vous avez 10 minutes.
    Je suis l'officier responsable du Programme des renseignements criminels pour l'Alberta.
    Le profil du crime organisé en Alberta a beaucoup évolué ces dix dernières années, en partie à cause de la prospérité économique. Celle-ci a attiré chez nous des gens de tout le Canada, voire du monde entier.
    Ainsi, les organisations criminelles d'aujourd'hui sont plus nombreuses, plus complexes et plus diversifiées du point de vue ethnique que celles d'hier. De même, la mondialisation a ajouté bien des cordes à l'arc du crime organisé, si bien que passer outre aux frontières entre les provinces et les pays est devenu pour lui la norme. L'Alberta compte actuellement 83 organisations criminelles sur son territoire.
    Autrefois concentrées dans les grands centres urbains, les organisations criminelles se sont étendues à l'ensemble de la province, chassées par les forces de l'ordre, mais aussi attirées par des occasions juteuses. On les retrouve aujourd'hui jusque dans des localités comme Brooks, Lloydminster, Fort McMurray et Grande Prairie. Par exemple, un groupe originaire du centre-est de l'Afrique et coupable de différents crimes — agressions, infractions liées aux armes à feu, trafic de drogue, meurtres, etc. — a délaissé ses bastions dans les villes comme Toronto pour aller se réfugier dans l'Alberta profonde.
    La majorité des organisations criminelles trempent un tant soit peu dans la production, la distribution, l'importation et l'exportation de drogues illicites et de médicaments contrôlés, avec tout que cela implique: produits chimiques précurseurs, cultures illégales, laboratoires clandestins, etc. Évidemment, leurs méfaits sont loin de s'arrêter là: il y a aussi la contrefaçon de produits pharmaceutiques et autres, de blanchiment d'argent, le proxénétisme, l'importation et le trafic d'armes à feu, les vols de véhicules, le faux-monnayage, la contrefaçon de cartes de paiement et de titres de voyage, le trafic de diamants, la traite des personnes, l'industrie du jeu, la fraude, le vol à l'étalage, la corruption et l'intimidation des agents publics.
    Pour la police, le crime organisé représente un défi de taille. Il a plus d'un tour dans son sac pour corrompre les forces de l'ordre, les services frontaliers, les agents de correction, les avocats, les greffiers, les organismes de réglementation, le personnel des aéroports, les messagers, les camionneurs, les compagnies de sécurité, bref, tous les gens qui peuvent lui être utiles. Il intimide également les acteurs du système judiciaire; les témoins, bien sûr, mais aussi les procureurs de la Couronne, les juges, les policiers et les agents des services correctionnels. Il sait tirer partie de la technologie pour déjouer les enquêteurs et pour commettre des crimes à distance dans le plus parfait anonymat, ce qui d'ailleurs constitue la norme pour les fraudes par marketing de masse, pour la contrefaçon de cartes de paiement et de titres de voyage, et pour le vol d'identité.
    Autres obstacles pour nous: le temps qu'il faut pour mettre à niveau des lois déjà très en retard sur les tendances du crime et sur la technologie, par exemple les dispositions sur l'accès légal. La durée et la complexité croissantes des enquêtes, la quantité de preuves nécessaires, la nécessité d'un personnel hyperspécialisé, le caractère ardu des exigences judiciaires, la longueur et la complexité des poursuites.
    Les organisations criminelles se glissent d'une province et d'un pays à l'autre, profitant des différences juridiques pour nuire aux forces de l'ordre ou pour complexifier la collecte de preuves, l'échange de renseignements ainsi que les enquêtes. Elles ne reconnaissent aucune frontière, hormis celles de leurs territoires. Finalement, tout ce que la police révèle sur ses méthodes d'enquête pendant les procès, les criminels s'en font part par la suite.
    Que pouvons-nous faire? Nous commençons par concentrer stratégiquement nos ressources limitées sur les organisations criminelles qui font le plus de mal, mais qui sont en même temps vulnérables. Juger des menaces et de la vulnérabilité en temps utile pour se fixer de bonnes priorités exige un processus de renseignement à la fois solide et fluide. Par exemple, il faut des plates-formes communes qui nous permettront d'accéder facilement aux données sur le crime organisé, et de les échanger.
    Cette possibilité ne doit pas se limiter à l'industrie et aux organismes gouvernementaux canadiens; elle doit aussi s'étendre à nos partenaires étrangers. Il faut veiller à l'adéquation de nos partenariats et de nos stratégies d'exécution de la loi. Il faut unir nos efforts à ceux des autres organismes d'exécution de la loi et des ministères publics, et consolider nos partenariats avec les gouvernements, avec l'industrie et avec les collectivités — le tout sans jamais nous laisser circonscrire par les frontières qui séparent les provinces et les États. Il s'agit d'éviter les doubles emplois et les problèmes de territoire.
    La police sait ce dont elle a besoin pour mener à bien les enquêtes complexes dont je viens de parler: capacité, expérience et compétences spécialisées. À cela s'ajoutent le matériel et les lois qui lui permettront d'exploiter la technologie, d'intercepter des preuves, de protéger ses agents et l'intégrité de ses enquêtes, et finalement, d'investir ses énergies au bon endroit. Nous devons miser sur des stratégies d'enquête et de poursuite novatrices, entre autres pratiques exemplaires. Il nous faut une équipe de poursuite avec la compétence, l'expérience, le matériel et la capacité nécessaires pour favoriser l'enquête et pour venir à bout de procès longs et complexes.

  (1135)  

    La police ne peut vaincre le crime organisé toute seule. Il lui faut un engagement ferme de la part du public et de tous les ordres de gouvernement. À cet égard, je ne saurais être trop reconnaissant envers le gouvernement de l'Alberta.
    Voici quelques-unes des réalisations: le lancement, au cours des cinq dernières années, de plusieurs nouvelles initiatives intégrées d'exécution de la loi qui doivent outiller la police pour la lutte au crime organisé; de nouvelles lois touchant la confiscation civile, les gilets pare-balles souples, les véhicules blindés et la protection des témoins, autant de moyens de faciliter le travail des forces de l'ordre; un cadre pour l'exécution de la loi, grâce auquel la police et les gouvernements peuvent chercher ensemble des façons d'éliminer la répétition inutile de tâches et de mieux utiliser leurs ressources en intégrant leurs services communs; et l'élaboration d'une stratégie interministérielle en plusieurs volets de lutte contre les gangs pour réduire la taille de ceux-ci, leur présence et leur capacité de nuire.
    Pour sa part, notre division a participé à la création d'une stratégie provinciale et d'un corps de cadets — Hobbema — destinés à la lutte contre les gangs autochtones.
    Nos équipes intégrées de la police des frontières collaborent avec des partenaires établis aussi bien au Canada qu'aux États-Unis.
    La police albertaine fonde ses opérations sur le renseignement, et tout indique qu'elle mise sur les bonnes priorités. Les différents services mettent leurs ressources en commun de bien des façons, notamment dans le cadre des Alberta Law Enforcement Response Teams (ALERT). Leurs partenariats ne se limitent pas à la province, ni même au pays.
    De plus, nous travaillons régulièrement, avec les services de poursuite fédéraux et provinciaux, à l'efficacité de nos stratégies d'enquête et de poursuite.
    Or, il est un secteur qui échappe à notre emprise, et pour lequel nous devons faire appel au gouvernement: la modification des lois dans le sens d'une plus grande efficacité pour nous.
    Plusieurs facteurs viennent compliquer les enquêtes sur le crime organisé et les poursuites ultérieures.
    Par exemple, il y a les lois sur l'accès légal qui sont en retard sur la technologie, et sur la façon dont le crime organisé exploite celle-ci. Mentionnons également qu'il est difficile actuellement pour la police d'échanger des renseignements avec les organismes gouvernementaux et avec l'industrie, au pays comme à l'étranger. Des restrictions législatives et des inquiétudes quant aux droits de la personne établissent un climat de peur et de réticence.
    Soulignons aussi que dans les enquêtes sur des crimes financiers complexes, il nous est fort difficile d'obtenir l'accès aux dossiers financiers et d'amener les témoins non accusés à témoigner. Les lois actuelles font obstacle aux enquêtes, qu'elles rallongent considérablement.
    Notons aussi que le seuil de divulgation actuel est si bas que la police et les services de poursuite se voient fréquemment imposer des tâches qui engloutissent leur temps, leur argent et leurs ressources. De surcroît, les criminels utilisent le processus de divulgation pour mettre au jour les techniques d'enquête de la police, ce qui risque de compromettre les enquêtes et, du même coup, la sécurité publique. Il faut fixer clairement et uniformément le seuil de divulgation pertinente, tout en outillant les tribunaux face aux technologies de l'information. Ceci passera par de nouvelles exigences et par de nouvelles procédures.
    Nous collaborons de près avec les gouvernements, avec l'industrie et avec les autres organismes d'exécution de la loi pour défendre la sécurité des foyers et des collectivités, aussi bien dans notre province que dans l'ensemble du pays. Ce fut un honneur de pouvoir m'exprimer devant vous. J'ai confiance que le travail de ce comité profitera à toute la population canadienne.
    Merci.

  (1140)  

    Merci.
    Le dernier témoin de notre table ronde est Brian Gibson.
    Monsieur Gibson, je crois comprendre qu'il existe une certaine confusion quant à la personne que vous représentez. Pourriez-vous, s'il vous plaît, fournir de l'information à ce sujet. Vous aurez ensuite 10 minutes pour parler.
    Oui. Je suis président de la Commission de police d'Edmonton et président du Comité de direction des Alberta Law Enforcement Response Teams.
    Bonjour. Je suis heureux aujourd'hui de témoigner sur l'état du crime organisé au Canada au nom du maire Stephen Mandel et de la Commission de police d'Edmonton. De plus, en tant que président du Comité de direction des Alberta Law Enforcement Response Teams, je parlerai parfois du point de vue provincial.
    Aujourd'hui, j'aborderai trois thèmes: les nouvelles tendances du crime organisé, la collaboration visant à perturber le crime organisé et à le démanteler, et le besoin d'un leadership national. Le crime organisé est complexe, il comporte de multiples facettes et, encore plus important, il est en évolution constante. Le crime organisé est une menace à la sécurité publique, à notre sécurité, à notre économie et à la santé globale de nos collectivités. Ce problème est étendu et affecte indirectement tous les Canadiens.
    En Alberta, nous savons que 83 organisations criminelles existaient dans notre province et dans les Territoires du Nord-Ouest l'année dernière, selon l'évaluation de la menace que représente le crime organisé dans la province réalisée par le Service de renseignements criminels de l'Alberta réalisée en 2010. Au total, 17 de ces organisations constituent de nouvelles menaces en Alberta et n'existaient pas au cours des années précédentes.
    Bien que les organisations criminelles aient étendu leurs activités à un grand nombre de nouveaux marchés, la principale activité de la plupart de ces groupes présents en Alberta demeure le trafic de drogue, et la cocaïne est le principal stupéfiant en cause. En 2009, à elle seule, la police d'Edmonton a saisi 25 kilogrammes de cocaïne, ce qui représente une augmentation de huit kilogrammes comparativement à 2008. La marijuana est la deuxième drogue la plus populaire faisant l'objet d'un trafic des groupes criminels organisés, et en 2009, le service de police d'Edmonton en a saisi 47 kilogrammes. Il s'agit d'augmentations considérables comparativement aux années précédentes.
    En outre, les Alberta Law Enforcement Response Teams, formées d'enquêteurs spécialisés dans les opérations de démantèlement des installations de culture de marijuana, ont saisi environ 65 000 plants de marijuana l'année dernière dont la valeur marchande était de 78 millions de dollars. Pour vous donner une idée de ce que représente cette quantité, ces plants, s'ils étaient cultivés jusqu'à maturité, auraient pu permettre de produire près de 33 millions de joints de marijuana.
    Les organisations criminelles présentes en Alberta oeuvrent également dans la production de drogues, le blanchiment d'argent, la prostitution, la traite des personnes, le trafic d'armes à feu, l'importation et l'exportation de véhicules, la contrefaçon, le trafic de drogue, le jeu illégal et la fraude.
    En 2008 et en 2009, divers organismes d'application de la loi en Alberta ont communiqué des renseignements laissant entendre qu'il y avait eu une augmentation du nombre de groupes impliqués dans des crimes financiers, y compris la contrefaçon de cartes de paiement, les réseaux de clonage aux points de vente, la production de fausses cartes d'identité et la fraude au niveau des cartes prépayées. Notre service de police tente de démanteler des entreprises criminelles multinationales liées à de nombreuses opérations commerciales et disposant de multiples sources de revenus. Lorsque la police perturbe ou démantèle une source de revenu, d'autres sources apparaissent.
    Alors que la gravité du fichier criminalistique et le taux de criminalité ont baissé en Alberta en 2009, ces chiffres sont demeurés les quatrième plus élevés au Canada. Le taux d'homicide en Alberta était le deuxième plus élevé et notre taux de criminalité lié à la drogue était le quatrième le plus élevé au Canada en 2008.
    Les activités criminelles deviennent de plus en plus subtiles. Les criminels utilisent une technologie dépassant les capacités de nos services de police à effectuer les vérifications d'usage et à trouver de l'information sans contourner les lois. Les groupes criminels organisés utilisent régulièrement de la technologie comme des scanners de police, des systèmes GPS et des appareils de communication utilisant un système de cryptage permettant d'échapper à la surveillance de la police et de procéder à une contre-surveillance.
    Les groupes criminels ont renforcé de façon appréciable leur utilisation de téléphones cellulaires et du BlackBerry afin de mener leurs opérations au moyen de courriels et de messages textes. Les organismes d'application de la loi doivent tenir à jour leurs connaissances de la nouvelle technologie. Sans des lois habilitantes qui permettent aux services de police d'avoir accès légalement aux renseignements détenus par des tiers fournisseurs et des réseaux de communication, les organisations criminelles continueront de pouvoir se soustraire à la surveillance de la police.
    Le crime organisé n'a pas de frontière et déborde fréquemment au-delà des frontières municipales et provinciales. Nous reconnaissons les besoins de la police au-delà des frontières de notre municipalité. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle plus important en la matière à l'échelle nationale. Je vais vous donner un exemple concret de la façon dont le gouvernement de l'Alberta a abordé ce problème.

  (1145)  

    Cet exemple est l'initiative la plus ambitieuse de collaboration policière intégrée au Canada. Les Alberta Law Enforcement Response Teams, connues sous leur acronyme ALERT, ont été créées pour regrouper les ressources d'application de la loi les plus sophistiquées en Alberta dans un seul regroupement afin de s'appliquer de façon stratégique aux crimes graves ainsi qu'au crime organisé.
    Ce modèle permet à des équipes de policiers municipaux très chevronnés, d'officiers de la GRC et de shérifs de collaborer dans un environnement intégré afin de perturber et de démanteler des organisations criminelles et les organisations responsables de crimes graves comme le trafic de drogues, la violence des gangs, l'exploitation des enfants et le crime organisé.
    Depuis la création des équipes ALERT en 2006, ces équipes ont procédé à l'arrestation de plus de 2 500 criminels, elles ont saisi près de huit millions de dollars en argent comptant et elles ont permis de retirer de la circulation 800 kilogrammes de stupéfiants et 350 armes à feu. Aujourd'hui, les équipes d'ALERT comprennent 400 employés et officiers de police. L'organisation est financée par le gouvernement de l'Alberta, et la police municipale et la GRC fournissent un certain nombre d'agents.
    Les enquêtes se rapportant au crime organisé nécessitent beaucoup de ressources, elles sont coûteuses, elles prennent du temps et elles sont complexes. Le modèle ALERT permet de se concentrer à l'échelle provinciale et de façon stratégique sur la lutte au crime organisé, et ce, en fournissant une réponse coordonnée, intégrée et concertée au niveau des divers ordres de gouvernement.
    L'obtention de renseignements constitue la pierre d'assise d'une application de la loi ciblée et efficace. L'approche moderne et normalisée en temps réel dans le but de collecter et d'échanger des renseignements est cruciale afin de mieux cerner les principaux problèmes en matière de criminalité et les mouvements criminels et de diriger les activités d'application de la loi.
    Le gouvernement de l'Alberta a reconnu le caractère sophistiqué des réseaux criminels existant dans la province, et il développe actuellement un système provincial de gestion des dossiers appelé Alberta Police Integrated Information Initiative, ou API3, afin de mieux échanger les renseignements entre les organismes provinciaux. En outre, nous développons actuellement un réseau de radio d'urgence à l'échelle de la province.
    À l'échelle nationale, les systèmes de collecte de renseignements doivent être modernisés. Il faut rapidement développer la prochaine génération de systèmes de collecte de renseignements criminels au Canada. Il faut améliorer la collecte, l'analyse et la communication des bons renseignements qui pourront servir à surveiller les organisations criminelles dont les activités relèvent de divers ordres de gouvernement.
    De plus, le travail de Réponse intégrée canadienne au crime organisé, ou RICCO, qui est une division du Service canadien de renseignements criminels, a été reconnu comme une réussite en matière d'échanges de renseignements entre les organismes membres. RICCO utilise une approche équilibrée et axée sur les renseignements afin de combattre le crime organisé partout au Canada, et il s'agit d'un excellent exemple de leadership au niveau national.
    Aucune collectivité n'est immunisée contre le crime organisé et aucun ordre de gouvernement ne peut combattre le crime organisé seul. Le gouvernement fédéral a la responsabilité de fournir un leadership à l'échelle nationale. Le Code criminel et la législation sur les produits de la criminalité et la protection des témoins peuvent et doivent être renforcés afin d'aborder les problèmes que doit affronter notre police dans la lutte au crime organisé.
    En Alberta, les services de police ont adopté des mesures de confiscation de biens au civil en ayant recours à la Victims Restitution and Compensation Payment Act (Loi sur la restitution des biens aux victimes et le paiement d'indemnités) de l'Alberta, car la législation criminelle fédérale est trop lourde. Le fardeau de la preuve repose trop sur la police et sur les procureurs. Le fardeau de la preuve devrait plutôt incomber à l'intimé.
    En outre, le programme de protection des témoins ne répond pas aux besoins des sources et des informateurs de police. Nos policiers seraient en mesure de perturber et de démanteler un plus grand nombre d'organisations criminelles si nous pouvions offrir aux témoins une protection à court terme et une relocalisation temporaire pendant la durée de l'enquête et du procès. Il faut réviser le seuil se rapportant aux besoins de protection des témoins, et le programme actuel doit être uniformisé, modernisé et mieux financé.
    Notre Banque nationale de données génétiques constitue un excellent outil pour combattre le crime. Cette banque contribue à établir des liens entre les crimes lorsqu'il n'y a pas de suspect en utilisant l'information qui se trouve dans la base de données. Elle permet d'éliminer les suspects éventuels et d'identifier les délinquants prolifiques.
    Des avancées importantes ont été faites dans le domaine de l'analyse balistique liée à l'ADN et d'autres types d'identification médico-légale. Toutefois, les problèmes de financement doivent être réglés et des ressources fédérales doivent être consacrées aux analyses médico-légales afin de réduire les périodes d'attente se rapportant à l'analyse des preuves.

  (1150)  

    Les résidents d'Edmonton ont exprimé leurs préoccupations au conseil municipal et à la Commission de police d'Edmonton en ce qui concerne la gravité des activités criminelles dans notre collectivité. Le conseil municipal d'Edmonton et le gouvernement de l'Alberta ont répondu à ces préoccupations en ajoutant 314 nouveaux agents de police au service de police d'Edmonton et plus de 33 millions de dollars depuis 2005. Nous avons aussi regroupé 400 agents de police hautement qualifiés dans le cadre de l'initiative ALERT afin de nous attaquer aux crimes graves de manière stratégique et axée sur la collecte de renseignements et la collaboration.
    Le gouvernement fédéral a un rôle crucial à jouer afin de mieux coordonner les initiatives provinciales en matière de lutte contre la criminalité, de renforcer la législation pour aider les agents de police et de fournir plus de fonds aux services de police municipaux. Dans le discours du Trône, la gouverneure générale a indiqué que « notre gouvernement présentera un projet de loi pour donner à la police des pouvoirs d'enquête dignes du XXIe siècle ». Elle a également déclaré que « les chefs et les agents de police du Canada ont réclamé ces outils essentiels afin d'être toujours un pas en avant des tactiques utilisées par les criminels d'aujourd'hui ».
    Au nom du maire et de la Commission de police d'Edmonton, j'espère que cette promesse mènera à des changements qui: permettront de mieux surveiller les activités criminelles qui touchent divers ordres de gouvernement, permettront de coordonner des activités dirigées en matière d'application de la loi, donneront un accès légal à la collecte de renseignements, diminueront le seuil de la preuve à fournir en ce qui concerne les produits de la criminalité, offriront une meilleure protection des témoins et permettront de consacrer plus de ressources à la Banque nationale de données génétiques.
    Merci de nous avoir donné l'occasion de faire ce témoignage aujourd'hui.
    Merci.
    Nous passerons maintenant aux questions. Nous commencerons avec M. Murphy, qui disposera de sept minutes.
    Oui, monsieur Comartin.
    J'invoque le Règlement. Il nous reste une personne, n'est-ce pas?
    Ai-je oublié quelqu'un?
    Madame la greffière, j'avais compris que chaque organisation allait disposer de 10 minutes. Habituellement, par exemple, si la GRC faisait un témoignage ici, elle avait droit à 10 minutes au total.
    Le projet KARE a reçu un avis à la fin de la semaine dernière et on m'a informé que je devais être ici pour faire un exposé.
    Puis-je vous suggérer que nous obtenions une copie de votre exposé et que nous le lisions? Ce que je veux éviter, ce serait un manque de temps pour les questions, parce que nous disposons d'environ une heure, et tout le monde devrait avoir la possibilité de poser des questions, si vous êtes d'accord.
    S.é.-m. Terry Kohlhauser: D'accord, aucun problème.
    Le président: Monsieur Comartin, êtes-vous d'accord?
    Je me demande si nous pouvons lui accorder ne serait-ce que deux minutes afin qu'il puisse faire un survol du projet KARE.
    D'accord.
    Vous avez deux minutes pour nous faire un résumé de votre exposé.
    Je suis chef d'équipe et sergent d'état-major à la GRC.
    À l'automne 2002, on a remarqué une hausse du nombre de découvertes de restes humains dans la région d'Edmonton qui, selon les analyses, étaient ceux de personnes ayant un mode de vie à risque élevé. À la demande de l'officier responsable des affaires criminelles à la Division K, on a procédé à une analyse stratégique de tous les cas de femmes « à risque élevé » disparues et de tous les homicides non résolus dans la province de l'Alberta.
    Un rapport, ou aperçu stratégique, a été établi en novembre 2002. Selon ce rapport, Edmonton, comparativement à d'autres régions de la province, présentait un nombre considérable de cas de personnes disparues et d'homicides non résolus dont les victimes étaient des femmes ayant un mode de vie à risque élevé. En janvier 2003, le Projet des personnes disparues à risque élevé était mis sur pied.
    L'équipe de ce projet a utilisé plusieurs méthodes d'analyse de la police, des examens de dossiers d'enquête et des protocoles de gestion des cas graves. En peu de temps, la définition des personnes à risque élevé a pris de l'expansion, si bien qu'elle s'appliquait à la fois aux hommes et aux femmes. Le mandat de l'équipe consistait à repérer tous les cas de personnes disparues à risque élevé et les cas d'homicides non résolus en Alberta et dans la région pour ensuite recueillir, évaluer et analyser les données afin de découvrir des liens possibles entre les dossiers et, dans la mesure du possible, d'identifier les auteurs des crimes.
    Cet examen a donné lieu à la création d'un groupe d'intervention désigné sous le nom de projet KARE. Les quatre objectifs du projet sont les suivants: premièrement, formuler et mettre en oeuvre des stratégies visant à minimiser le risque de mort auquel sont confrontées les personnes à risque élevé disparues; deuxièmement, créer et employer des stratégies d'enquête permettant de suivre toutes les pistes, d'arrêter et de poursuivre le ou les tueurs en série qui sont auteurs des crimes; troisièmement, établir un groupe intégré des cas d'homicide composé de membres de la GRC et du service de police d'Edmonton afin de doter la province d'un mécanisme permanent d'enquête sur les personnes à risque élevé disparues, les homicides non résolus et les tueurs en série; quatrièmement, créer un modèle de pratiques exemplaires qui pourrait servir à des projets semblables ailleurs au pays.
    Le projet KARE comprend plusieurs initiatives, dont la mise sur pied de l'équipe proactive. On a constitué cette équipe dans le but de chercher et d'identifier les travailleuses du sexe et d'autres personnes menant une vie à risque élevé dans les rues d'Edmonton afin d'entrer leurs renseignements dans une base de données.
    Les membres de cette équipe ont admirablement réussi, au cours des six dernières années, à entretenir des relations de confiance avec les clients. Cette stratégie a permis de recueillir des renseignements sur des personnes d'intérêt et des suspects potentiels qui sont en contact avec des travailleuses du sexe.
    De plus, l'initiative est en quelque sorte un cadre d'information et de prévention qui permet de recueillir des renseignements fiables sur les allées et les venues de ces travailleuses ainsi que sur leur milieu, leurs traits distinctifs et leurs plus proches parents. Les enquêteurs font appel à l'équipe proactive pour recueillir et analyser des renseignements afin d'établir des liens potentiels avec des individus désignés comme de « mauvaises fréquentations ». Il est difficile d'avoir recours aux méthodes traditionnelles d'application de la loi avec ces fréquentations parce que les gens de ce milieu ne se font pas confiance entre eux.
    Le groupe des analyses du projet KARE, qui comprend le projet Alberta Missing Persons and Unidentified Human Remains, compte plusieurs initiatives à son actif. Le groupe a mis sur pied un site Web où les policiers peuvent faire des recherches sur plus de 180 dossiers de personnes disparues et de restes humains non identifiés qui comprennent des images et des renseignements amassés par la GRC et d'autres organismes.
    Les employés du projet KARE ajoutent régulièrement de nouveaux dossiers au site Web. En novembre 2009, nous avons obtenu la permission d'ajouter les dossiers de personnes disparues disponibles sur les sites de partenaires policiers du Manitoba et de la Saskatchewan à notre base de données publique, qui contenait déjà des dossiers de l'Alberta, des Territoires-du-Nord-Ouest et du Nunavut. Nous aurons ainsi une base de données centrale sur les personnes disparues dans laquelle il sera possible de faire des recherches.
    L'équipe du projet KARE et l'équipe du projet Alberta Missing Persons and Unidentified Human Remains contribuent aux mesures prises actuellement par le Canada relativement aux personnes disparues et aux restes humains non identifiés. Le but ultime est d'élaborer un site Web et une base de données nationale regroupant tous les cas de personnes disparues et de restes humains non identifiés qui seraient accessibles au public. De plus, tous les services de police et les bureaux de coroners du Canada pourraient ajouter et échanger des renseignements. Le comité travaille actuellement à trouver une façon d'adapter les bases de données existantes et les outils de recherche de façon à ce qu'ils répondent aux besoins de tous.

  (1155)  

    Merci.
    Je cède maintenant la parole à M. Murphy pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Certains d'entre nous font partie du Comité de la justice depuis assez longtemps; nous avons visité différentes régions du pays et nous avons étudié beaucoup de questions. Nous sommes conscients qu'il est nécessaire de se pencher sur la question de la communication de la preuve, alors je ne m'étendrai pas sur le sujet. Nous sommes conscients qu'une intervention législative contribuerait probablement à l'avancement de ce dossier. Nous comprenons cela.
    Nous savons que la technologie évolue beaucoup trop vite pour que les autorités policières puissent suivre le rythme et qu'il faut prendre des mesures à cet égard. Ne croyez pas que je ne souhaite pas poser de questions à ce sujet, que je ne m'en soucie pas ou que je ne comprends pas la situation.
    Nous sommes également conscients que la prévention, l'intervention précoce et le traitement des dossiers relatifs à la santé mentale, qui sont souvent liés aux cas de récidive, entre autres exemples, sont extrêmement importants. Mais je ne me concentrerai pas sur ces aspects aujourd'hui.
    Je vais aller droit au but et adresser mes questions à un témoin en particulier; veuillez garder en tête que nous sommes d'avis que vous présentez d'excellentes idées. L'idée de réformer le régime de prêts hypothécaires pour éviter les fraudes semble très pertinente et réaliste.
    Mais deux éléments m'ont particulièrement frappé — je vais vous laisser le temps de mettre de l'ordre dans vos idées. Monsieur Hanson, vous avez parlé — je n'ai pas noté vos propos mot pour mot — de l'équipe nationale responsable du cybercrime. D'après le témoignage de M. Gibson, il me semble que l'Alberta est très bien outillée à cet égard. Nous avons visité d'autres endroits où les cloisonnements sont très marqués, mais les équipes ALERT semblent faire de l'excellent travail.
    J'ai l'impression qu'il y a beaucoup de collaboration en Alberta; peut-être pourriez-vous nous donner des renseignements utiles. Pourriez-vous nous donner un aperçu? Quelle serait l'utilité? Quels intervenants devraient participer?

  (1200)  

    Comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, nous sommes grandement en retard, et non seulement en ce qui concerne les enquêtes relatives au crime organisé et notre capacité à utiliser la technologie. Le Canada a désespérément besoin d'une organisation nationale qui regrouperait des partenaires du domaine de l'éducation, le secteur privé et le corps policier pour mieux contrôler les risques énormes que présentent les cyberattaques, et non seulement celles qui sont dirigées contre notre infrastructure essentielle, mais aussi celles qui touchent les policiers et les citoyens ordinaires.
    Il y a tellement de choses qui se produisent dont nous et les citoyens ordinaires ne sommes pas au courant. Le mieux serait de remédier à la situation grâce à ce partenariat national dont les trois principaux membres seraient le secteur privé, le gouvernement, qui comprend les autorités policières, et les établissements d'enseignement... Nous ne protégeons pas comme il le faudrait les citoyens moyens contre toutes les attaques de prédateurs, qui propagent des virus informatiques et infiltrent les ordinateurs des gens pour obtenir d'importants renseignements à leur sujet. Ils commettent des actes simples comme le vol d'identité — car c'est véritablement une opération simple de nos jours — et la consultation de renseignements importants qui leur permettent de commettre des fraudes graves.
    Ce modèle n'existe tout simplement pas au Canada à l'heure actuelle. Ian Wilms et le Global Centre for Securing Cyberspace ont tenté de le mettre sur pied. Le monde entier semble vouloir affecter des ressources et des organisations à ce but commun, mais dans les faits, le Canada n'agit pas et l'écart continue de s'agrandir. On voit donc des enfants et des personnes âgées, qui sont si vulnérables sur ce point, être victimes de ces actes criminels.
    Je ne sais pas si ma réponse vous éclaire. Bref, des gens de tous azimuts manifestent l'envie de collaborer dans ce but.
    Merci beaucoup de votre aide.
    Monsieur Boyd, vous avez abordé en détail certains aspects du sujet. Je vous ai écouté avec grande attention. Vous avez parlé des intervenants du système de justice pénale — mes propos ressembleront à l'introduction d'une émission de La loi et l'ordre; ils sont indépendants mais aussi interdépendants.
    Chef Michael Boyd: Oui.
    M. Brian Murphy: Plus précisément, je crois que vous avez parlé des audiences de justification et des rapports connexes dont on fait abstraction. Dites-vous que les juges ne tiennent pas compte de rapports sérieux et pertinents et qu'ils devraient être obligés de le faire?
    Au deuxième point de votre exposé, vous avez parlé de réformes visant à rendre certaines choses obligatoires. Parlons franchement. Dites-vous que certaines personnes ne tiennent pas compte de renseignements pertinents pour prendre des décisions éclairées? Vous avez bel et bien dit que les dispositions législatives pertinentes, tout particulièrement l'article 515, sont en place, mais qu'elles ne sont pas appliquées correctement.
    Je crois qu'un certain nombre d'intervenants doivent faire ce qui leur incombe. Par exemple, dans certaines régions du Canada, les policiers font le travail des procureurs de la Couronne, ce qui est totalement inacceptable selon moi. Les procureurs de la Couronne doivent remplir le rôle qui leur revient au sein du système.
    Selon moi, les juges et les juges de paix doivent être conscients de ce que représente une évaluation des menaces sur le plan juridique. Il ne s'agit pas seulement d'un amas de renseignements. De nos jours, les policiers parlent d'évaluation des menaces ou d'évaluation des risques; ces évaluations renferment des indices d'une grande valeur qui, à mon avis, doivent être pris en considération.
    Nous faisons tous partie d'un système et notre but est d'en assurer le bon fonctionnement. Nous devons tous assumer nos responsabilités de façon à protéger la population.
    À mon humble avis, ce n'est pas le cas actuellement, ni même chez les juges.
    Je sais qu'il ne me reste que 45 secondes; croyez-vous qu'il faut qu'une loi « oblige » les juges à tenir compte de l'évaluation des menaces, pour reprendre votre expression, ou à l'appliquer? Qu'en est-il véritablement?

  (1205)  

    Oui, c'est ce que je crois, mais la loi dispose qu'en cas de renversement du fardeau de la preuve, le juge doit fournir des motifs et des explications. Si vous aviez devant vous la transcription de toutes les audiences de justification, je vous assure que vous n'y trouveriez pas d'explications de la part des juges.
    Merci.
    Je cède maintenant la parole à M. Ménard.

[Français]

     Laissez le temps aux gens de prendre leurs écouteurs et, en toute justice comme vous le faites d'habitude, vous commencerez à compter mon temps quand tout le monde sera bien branché.
    Je voudrais que vous me confirmiez rapidement si mon impression est juste. Il n'y a plus, maintenant, un seul groupe monopolisateur principal des activités criminelles, comme la mafia ou les Hells Angels. Si je comprends bien, aujourd'hui, c'est beaucoup plus diversifié, il y a beaucoup de groupes organisés. Est-ce exact? Je vous remercie, parce qu'on va constater la même chose, ailleurs.
    D'autre part, vous parlez tous de trafic des personnes. Un projet de loi a été adopté en 2005 relativement au paragraphe 279(1) du Code criminel. Récemment, lorsqu'on a voulu renforcer cet aspect de la loi, on a constaté que, dans tout le Canada, il n'y avait eu qu'entre six et huit poursuites en vertu de l'article 279.
     Y a-t-il des cas de traite des personnes? Y a-t-il eu des arrestations? Pourquoi n'utilisez-vous pas plus ce paragraphe ajouté au Code criminel en 2005?

[Traduction]

    Calgary a porté des accusations de trafic de personnes l'an dernier.
    Mais les enquêtes sur le crime organisé accaparent un très grand nombre de ressources. S'il n'y a pas beaucoup d'accusations portées, cela ne signifie pas nécessairement qu'aucune mesure n'est prise; c'est peut-être parce que les efforts sont centrés sur une enquête en cours. Quand on s'attaque aux grands groupes du crime organisé, on constate qu'il n'est pas uniquement question de trafic de personnes; il existe des liens avec leurs autres activités commerciales.
    Je peux vous dire que nous avons appliqué cette loi à Calgary. L'affaire est actuellement devant les tribunaux.
    À Edmonton, nous avons aussi porté ces accusations, et des enquêteurs sont toujours affectés au trafic de personnes.

[Français]

    Mais combien de cas y a-t-il eu, à peu près?

[Traduction]

    Je ne peux pas vous dire combien d'affaires sont en instance à l'heure actuelle, mais je peux vous dire qu'il y a eu un premier cas il y a un peu plus d'un an, je crois, et nous continuons notre enquête sur ce crime. Il y a de plus en plus de gens des autres provinces ou territoires du pays et d'autres pays qui viennent en Alberta. C'est un phénomène qui est plus fréquent aujourd'hui que par le passé. C'est nouveau.

[Français]

    C'est bien.
    J'aimerais maintenant que vous me parliez d'échange de renseignements sur les activités criminelles entre divers corps de police et, si je ne me trompe pas, les services douaniers. Cela est-il organisé, d'une façon ou d'une autre?

[Traduction]

    L'une de nos plus grandes difficultés touche le transfert de renseignements d'un service de police à un organisme, et vice versa. Nous faisons partie de certaines des unités intégrées du pays — EIPF, CIID, CCIU et CEIU — et nous essayons de progresser rapidement dans cette direction.
    Cependant, l'article 107 de la Loi sur les douanes — qui nous empêche parfois de partager des renseignements en temps utile — s'avère problématique. Il peut retarder le transfert d'information, ce qui pose problème lorsqu'on en a besoin immédiatement. Mais nous avons bon espoir que l'intégration de membres, d'agents du renseignement et d'analystes à ces unités accélérera ce processus.

  (1210)  

    En Alberta, c'est ce qui est à la base du modèle ALERT: nous permettre de partager des renseignements à l'échelle de la province. Nous travaillons dans ce sens.

[Français]

    Vous avez peut-être déjà entendu parler de l'escouade Carcajou, du Québec, qui s'est attaquée aux Hells Angels avec beaucoup de succès. La formule consistait à regrouper dans une même escouade des policiers provenant de corps de police différents. Ils pouvaient donc échanger quotidiennement et rapidement des renseignements criminels qui, une fois ajoutés aux renseignements d'un autre corps de police, s'avéraient souvent complémentaires.
     Ce modèle a-t-il été instauré ici? Sinon, a-t-on songé à le faire?

[Traduction]

    Mon voyant rouge vient de s'allumer, ce qui est très bien. Je me demandais à quel moment j'aurais la chance de parler.
    Des voix: Oh, oh!
    Insp. Clemens Imgrund: Merci.
    En Alberta, les échanges de renseignements sont très nombreux, mais la technologie nous complique la tâche. Nous espérons que le nouveau système API dont M. Gibson a parlé contribuera à résoudre ce problème. Nous utilisons le SARC — la banque de données nationale sur la criminalité — ainsi que divers autres processus pour partager l'information. Nous tenons chaque jour une conférence téléphonique interorganisme — que je préside — où nous partageons des renseignements en direct.
    La province compte aussi un grand nombre d'unités intégrées où le partage des renseignements va de soi. Les groupes des renseignements criminels de Calgary et d'Edmonton sont des unités intégrées. Non seulement nous partageons l'information sur une base régulière, mais nous travaillons aussi ensemble quotidiennement. Par conséquent, le partage de ces renseignements fait partie de nos activités quotidiennes.
    Nous avons bon espoir que la conception de l'API3 et la mise en place de la nouvelle plate-forme qui remplacera le SARC — je ne me rappelle pas son nom — nous aideront à faciliter ce processus d'un point de vue technologique. Je dirais que la mise en place d'un processus technologique intégré pour faciliter les échanges constitue en ce moment notre plus grand défi. C'est pourquoi nous avons mis en place entre-temps certaines mesures comme ces téléconférences quotidiennes afin de partager l'information.
    Monsieur Comartin, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être ici.
    J'étais à Toronto jeudi. On nous a parlé de la corruption des autorités. J'ai été préoccupé par la manière dont c'était présenté. Je partage votre inquiétude, inspecteur Imgrund et chef Hanson.
    Je vous poserai la même question que j'ai posée aux représentants des services de police à ce moment. Avez-vous eu connaissance de certains cas où des représentants de la justice — procureurs, policiers, membres de notre service correctionnel — avaient été corrompus par le crime organisé?
    La réponse à cette question est oui.
    Des accusations ont-elles été portées et y a-t-il eu des condamnations?
    Non. Pour ce qui est de savoir où se situent la corruption et l'infiltration, nous ne le savons pas au point de porter des accusations, mais des enquêtes sont en cours.
    Ici encore, c'est un problème de ressources et de capacité à affecter un nombre adéquat de ressources à ces enquêtes. Je veux que vous sachiez que rien n'est plus important que ça, mais je peux vous assurer catégoriquement que nous sommes bien au fait de ce problème en ce qui concerne Calgary, et que des enquêtes sont en cours.
    Vous devez certainement comprendre que je ne peux vous en dire plus sur le secteur du système judiciaire que nous examinons, mais je peux vous dire que des enquêtes sont en cours.
    Je tiens à préciser que je parle de corruption sous forme de soudoiement ou de participation active plutôt que d'intimidation. Faites-vous aussi cette distinction?
    Oui. Il me ferait plaisir de vous donner plus de détails sur l'intimidation, mais la corruption comprend entre autres le fait d'user de son influence pour accéder à des renseignements de nature judiciaire, ou d'influencer les actes de quelqu'un au sein du système judiciaire.
    Croyez-vous que des accusions seront portées à la suite de ces enquêtes ou est-il trop tôt pour répondre à cette question?
    Oui, j'espère que des accusations seront portées à un certain moment.

  (1215)  

    Inspecteur, y a-t-il des enquêtes dans votre secteur?
    Je suis au courant de deux enquêtes actuelles qui touchent la corruption, dont l'une doit être la même que celle à laquelle le chef Hanson a fait référence.
    Je suis aussi au fait de certains cas de corruption à des niveaux moins élevés — par exemple, la manipulation d'un commis de détachement dans le but d'obtenir des renseignements. Mais ça se passe aussi à des niveaux plus élevés, lors de l'utilisation de gens haut placés pour faciliter l'accomplissement de délits.
    J'essaie de replacer ça dans le temps. Est-ce relativement récent? Ce comité essaie d'avoir une idée de l'infiltration du crime organisé dans la société en général, et plus particulièrement dans le système de justice pénale. Ce phénomène est-il plutôt récent ou avez-vous des raisons de croire qu'il existe depuis un certain temps?
    Je ne peux parler que pour Calgary, mais je crois malheureusement que nous avons été incroyablement naïfs au cours des années. Je pense que ça existe depuis plus longtemps qu'on ne le croit. Mais nous savons maintenant que ça fait partie intégrante du contexte dans lequel oeuvrent les services de police.
    Il est particulièrement difficile d'enquêter là-dessus parce que ce type d'enquête nécessite un organisme indépendant. Lorsqu'on enquête sur des personnes associées au système judiciaire — des gens avec lesquels on travaille chaque jour —, ces personnes nous connaissent bien, et ça pose problème. Mais je crois que le niveau de corruption augmente.
    Monsieur Gibson, la Police provinciale de l'Ontario a indiqué qu'elle avait mis sur pied une unité interne en Ontario, mais le fait qu'ils enquêtent sur leurs propres collègues m'inquiète autant que le chef Hanson.
    A-t-on entrepris des démarches au niveau provincial afin d'établir un organisme indépendant chargé de réaliser ce type d'enquête?
    Oui. Nous avons établi l'ASIRT. Cet organisme provincial, qui est présidé par un avocat, dispose de ses propres enquêteurs. Pour l'instant, ceux-ci sont détachés provisoirement par les services de police.
    Les enquêtes menées par cet organisme peuvent-elles donner lieu à des accusations au criminel?
    Oui.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Vous avez deux minutes et demie.
    Merci.
    Nous n'avons pas beaucoup entendu parler, en Alberta et dans les Territoires, des anciens gangs — la mafia, la Cosa Nostra —, ces gangs nés essentiellement de la prohibition. Ces gangs ont-ils une présence appréciable en Alberta?
    Les vieux gangs du crime organisé traditionnel sont évidemment toujours là, mais ces dernières années, beaucoup de nouveaux gangs se sont formés. Ce qui est intéressant, c'est qu'ils fusionnent leurs intérêts, alors qu'il y a quelques années, la plupart des gangs ou des groupes du crime organisé s'en tenaient à leurs propres activités.
    Ce n'est pas la tendance aujourd'hui. Ils se réunissent. Ils fusionnent leurs intérêts là où des profits peuvent être réalisés; c'est pour cette raison qu'on les voit se rassembler.
    Inspecteur Imgrund.
    Nous sommes témoins chaque jour dans la communauté du renseignement de ce dont le chef Boyd parle; j'aimerais vous confirmer que c'est exactement ce qui se passe. Mais j'ajouterais aussi que oui, nous voyons toujours les groupes du crime organisé traditionnel. Seulement, la manière dont ils interagissent avec les autres groupes du crime organisé évolue.
    Les groupes traditionnels existent toujours dans la province. Ce qui est intéressant, évidemment, c'est que leur niveau de sophistication est beaucoup plus élevé vu le nombre d'années qu'ils ont consacrées à ces activités.
    Entretiennent-ils des relations avec les groupes du crime organisé ailleurs au pays ou dans le monde?
    Oh, absolument. Non seulement ont-ils des relations, mais les groupes du crime organisé se développent souvent partout au pays. Il arrive bien entendu que ces groupes soient dirigés de l'extérieur de la province dans certains cas.
    J'ai une brève question à poser concernant les produits de la criminalité.
    Je pense que nous obtenons la même réponse partout au pays. La loi fédérale est très peu utilisée — si elle l'est — alors que la loi provinciale l'est davantage en raison de la prépondérance des probabilités par opposition à la preuve qui doit être faite hors de tout doute raisonnable, ou même de l'inversion du fardeau de la preuve.
    Est-ce la même chose en Alberta? Dans quelle mesure la loi provinciale donne-t-elle de bons résultats?

  (1220)  

    C'est assez récent pour nous cette loi provinciale; elle n'est en place que depuis environ un an. Elle connaît un grand succès qui ne cesse de croître.
    Où est-ce que...
    C'est tout.
    Monsieur Rathgeber.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins pour leurs excellents exposés ainsi que pour les efforts qu'ils déploient afin d'assurer la sécurité des Canadiens.
    Chef Boyd, j'ai écouté avec intérêt vos préoccupations concernant la mise en liberté provisoire et les enquêtes concernant la libération provisoire. Je m'intéresse bien entendu à ce problème, mais comme mon ami, M. Murphy, je suis un peu perdu quant à la manière d'y remédier. J'ai pensé que je pourrais étudier plus en détail certaines de vos impressions.
    Vous avez parlé de votre expérience et déclaré que des centaines de personnes commettent des crimes alors qu'elles sont en liberté provisoire. Votre service tient-il des statistiques précises sur le nombre de crimes commis par des personnes qui sont remises en liberté après avoir commis d'autres crimes?
    En 2006, nous avons effectué une étude ici à Edmonton. Nous nous sommes penchés sur cette question et nous avons repéré 137 personnes qui avaient été arrêtées plus de 100 fois en cinq ans. Nous nous sommes arrêtés à 137, mais nous aurions probablement pu nous rendre à 237.
    Lorsque nous avons présenté l'historique des faits et schématisé ceux-ci différemment de ce qui se fait habituellement au sein du système judiciaire, nous avons été tout simplement horrifiés de constater qu'il y avait autant de crimes et que cela contribuait à embourber et à congestionner notre système judiciaire.
    Mettez-vous à ma place de législateur. Si vous vouliez que les juges et les juges de paix tiennent compte de ces rapports — ce qu'ils ne font pas selon vous —, comment rendriez-vous cela obligatoire sans leur demander de motiver leur décision de libérer ou non quelqu'un?
    Il m'est difficile de comprendre comment une personne peut être libérée et exercer ses activités dans la communauté en faisant l'objet de 10 cautions. Je ne parviens pas imaginer comment ça peut se produire. Ce simple fait démontre qu'il s'agit d'un récidiviste. Ne pas tenir compte de ce type d'information...
    Au fait, je pense qu'il y a moins de juges en Alberta qui s'occupent des cautions en raison du processus qui a été établi ici avec les juges de paix. ce sont surtout ces derniers qui sont confrontés aux problèmes de cautions.
    Vous avez parlé de la futilité de l'expression « ne pas troubler l'ordre public et bien se conduire ». Ici encore, si vous étiez législateur, comment voudriez-vous que ces mots soient lus? Que changeriez-vous? Quelle condition devrait respecter une personne pour être libérée?
    Eh bien, je pense que ces mots ont simplement été surutilisés et qu'ils ne veulent plus rien dire. Je ne sais pas si je les remplacerais. Je pense que ceux d'entre nous qui travaillons dans le système comprenons ce qu'ils sont censés signifier, mais ça ne semble pas avoir l'effet escompté.
    Si une personne est à nouveau arrêtée après s'être fait demander de ne pas troubler l'ordre public et de bien se conduire, si elle viole cette condition, il semble évident que cette personne n'a pas pour la cour le respect qu'on attend d'elle.
    Je voudrais maintenant changer de sujet. Je ne sais pas si vous êtes au courant que nous allons entendre cet après-midi M. Mahamad Accord, de la communauté somalienne de l’Alberta. Comme vous le savez — ou comme les membres l’apprendront sans doute cet après-midi —, la communauté somalienne a connu des problèmes de participation au crime organisé. Et, par malheur, plusieurs membres de cette communauté ont été assassinés.
    Ma question est donc double. Selon vous, pourquoi tant de jeunes Somaliens, la plupart provenant de Toronto, de la région du Grand Toronto, se laissent attirer à Edmonton pour prendre part au trafic de la drogue, et pourquoi se font-ils tuer en si forte proportion? Et je me demande aussi: pourquoi un si grand nombre de ces meurtres sont-ils non résolus?
    Je dirais en premier lieu qu’ils trouvent ici, en Alberta, un terrain propice à leur activité. Le crime organisé suit l’argent — et il est certain que l’argent se trouvait ici en Alberta par le passé, et plus encore avant le ralentissement économique. Ce fait à lui seul incite les criminels, et surtout le crime organisé, à venir s’installer dans un lieu comme l’Alberta.
    Mais des conflits existent au sein du crime organisé. Quand ces conflits se déclarent, ils sont souvent accompagnés de violence. Nous avons noté le meurtre d’un grand nombre de personnes — et pas seulement dans la communauté somalienne — en raison de leurs liens avec le crime organisé.
    Je m’abstiendrai ici d’en dire plus qu’il ne faut, de peur de nuire aux enquêtes en cours, mais il me semble que ces cas sont souvent plus difficiles à résoudre. Les témoins peuvent hésiter à parler, parce qu’ils ignorent quel genre de protections leur seraient offertes.

  (1225)  

    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Vous disposez d’une minute et demie.
    Je me tourne maintenant vers le chef Hanson. Je vous remercie aussi, monsieur Hanson, pour vos propos concernant les progrès technologiques.
    J’ai bien compris que les criminels utilisent des techniques de plus en plus sophistiquées, mais vous proposez — si je vous comprends bien — que nous envisagions de permettre à la police de mettre sur écoute les appels sur cellulaire et d’obliger les fournisseurs de services à communiquer des adresses IP même sans mandat.
    Je vous pose deux questions. Comment croyez-vous que les tribunaux réagiraient? Pensez-vous que le public est prêt à ce que les communications par cellulaire soient surveillées sans mandat?
    Je ne crois pas avoir dit cela; nous sommes bien conscients que nous devons obtenir une autorisation d’interception en vertu de la partie VI pour écouter une communication privée.
    Nous parlons plutôt de la capacité de le faire... À l’heure actuelle, il n’est pas possible de s’informer sans difficulté du numéro des abonnés; cette information n’est pas facile à obtenir, alors qu’elle devrait l’être. Le simple fait de savoir à qui appartient un numéro de téléphone devrait être une information publique, ou à tout le moins, la police devrait n’avoir aucune difficulté à obtenir un tel renseignement.
    N'oublions pas aussi que le but est d’avoir un accès; il faut que l'accès soit possible une fois qu’on est muni des autorisations légales. Certaines technologies actuelles sont d’importance capitale, mais nous ne les possédons pas pour l’instant. Il faudrait que les entreprises de technologie puissent faire appel à certaines des technologies qui existent sur le marché, pour permettre à la police d’accéder à l’information nécessaire après qu’elle a obtenu une ordonnance. Cette capacité est inexistante, ce qui n’est pas normal.
    Merci de cette importante clarification.
    J’imagine que mon temps est écoulé, monsieur le président.
    En effet, merci.
    Nous passons la parole à M. Murphy, qui dispose maintenant de cinq minutes pour poser une autre question.
    Merci.
    On nous dit de plus en plus, en ce qui concerne les armes à feu, la drogue, l’argent ou le sexe — la traite des personnes comme objet sexuel —, que l’argent est l’huile qui fait tourner les rouages, du moins pour le crime organisé, et que c’est ce qui rend les autres éléments possibles. Nous avons un peu parlé de la drogue, et très brièvement des armes à feu.
    Le Code criminel a souvent été modifié au cours des années en vue de tenir compte de certains crimes violents. Je veux éviter que notre rencontre tourne à un débat sur les peines. Notre discussion sur les peines minimales obligatoires peut se dérouler à Ottawa. Les choses tournent en rond, comme c’est toujours le cas à Ottawa, vous le savez bien.
    Mais que pouvons-nous faire, concrètement parlant, pour éliminer de la circulation les armes à feu, celles dont se servent les organisations criminelles et les gangs? Évitez de parler de l'imposition de peines, parce que nous en avons discuté et que je ne crois pas que ça fonctionne. Nous avons une longue frontière. Je crois que vous avez dit que l’Ouest du Canada, où nous sommes, compte 37 sites frontaliers. D’où proviennent les armes à feu? Comment pouvons-nous les éliminer de la circulation, dans une certaine mesure?
    Tout le monde est invité à répondre.
    Mon seul point de désaccord avec vous, c’est que j’aimerais au moins voir que les peines sont appliquées. La possession d’une arme à feu n’est pas prise au sérieux. Si quelqu’un portant une arme de poing se fait prendre dans le quartier des spectacles au centre-ville de Calgary, il me semble que la raison pour laquelle il a cette arme devrait être sans importance; le fait qu’il n’a pas encore tiré sur quelqu'un aussi. Tout ce qui importe, c'est la possession de l'arme, qui devrait entraîner une peine assez lourde parce que l'intention est de tuer quelqu'un, en fait.
    Ce n’est pas ce qui se produit. Ce n’est pas sérieux. Les peines pour possession ou usage d'une arme à feu lors de la perpétration d'une infraction ont de quoi faire rire, surtout si on regarde le temps passé en prison. J’aimerais voir la mise en place d’un régime qui donnerait lieu à l’incarcération de ces gens. Sortons donc de notre...
    Je ne crois pas que ce soit un problème, vous parlez à un libéral de la côte Est.
    Quant à éliminer les armes à feu de la circulation, je n’avais pas l’intention de minimiser...
    Chef Rick Hanson: Il s’agit de perquisition et de saisie.
    M. Brian Murphy: ... mais nous parlons beaucoup de l'imposition de peines. Je conviens avec vous qu’il faut en faire davantage. Mais concernant l’approvisionnement en armes à feu?
    C’est une question de perquisition et de saisie. On a sévèrement circonscrit la capacité de nos agents de mener des perquisitions et des saisies.
    Il me semble qu’il faut distinguer entre la violation d’un foyer et l’arrêt d’une voiture tard le soir, pour des motifs valables. Ces motifs ne sont peut-être pas suffisants pour justifier un mandat de perquisition, mais ils le sont certainement assez, à la lumière des renseignements recueillis, pour donner à penser que la personne est dangereuse, puis pour perquisitionner le véhicule et en retirer l’arme à feu avant qu’elle serve à perpétrer une infraction, tout cela sans avoir à satisfaire aux critères fixés par les tribunaux dans leur interprétation de la charte.
    Si vous tenez vraiment à retirer les armes à feu de la circulation, laissez-nous les mains libres et permettez-nous de faire ce pour quoi nous sommes rémunérés. Ce travail, nous l’exécuterons pour vous. En attendant, nous faisons semblant d’obtenir davantage de résultats avec le registre des armes à feu. Nous ne faisons que nous leurrer. Les armes à feu sont introduites dans notre pays en quantités qui dépassent tout ce que nous avons connu — et je suis dans la police depuis 35 ans.

  (1230)  

    Reste-t-il du temps?
    Il vous reste deux minutes.
    La question des armes à feu m’intéresse beaucoup. Est-ce quelqu’un d’autre veut prendre la parole? Cette question peut concerner les responsables frontaliers.
    Oui.
    Les armes à feu pénètrent en masse dans notre pays. Vous appartenez à l’Agence des services frontaliers du Canada, l’ASFC. Qu’en dites-vous?
    Oui, tout à fait. On assiste partout à une hausse dans le nombre de saisies d’armes à feu aux bureaux d’entrée. La difficulté consiste en grande partie à surveiller le territoire entre ces bureaux, ce qui relève de la compétence de la GRC. Pour y mettre un frein, nous ajoutons des effectifs aux équipes intégrées de la police des frontières, mais les armes à feu continuent à pénétrer en masse.
    L’essentiel ici est l'échange du renseignement. Il faut obtenir l’information qui découle des condamnations et des saisies à l’intérieur des terres, de manière à pouvoir suivre le cheminement des armes et faire appel à nos partenaires internationaux pour dépister l’origine de ces armes. Obtenir ces renseignements est d’une extrême importance, mais parfois nous n’en obtenons qu’une partie.
    Sinon, ce sont les secteurs entre les bureaux d’entrée qui posent un problème majeur. Notre pays est entouré de kilomètres de frontière. Les Prairies comptent 37 bureaux d’entrée. À l’Est, les bureaux sont souvent plus rapprochés, c'est-à-dire que la distance qui les sépare est moins grande.
    Brièvement, en 20 secondes, dites-nous si les armes pénètrent, en cachette, essentiellement par les points frontaliers connus — ports, aéroports ou autres — ou si elles franchissent notre frontière poreuse et non défendue là où il n'y a pas de bureau. Savons-nous ce qu’il en est?
    Les deux.
    Il n’y a pas de proportion particulière? Est-ce plutôt l'un, ou plutôt l’autre?
    Pas vraiment, à moins que mon homologue à la GRC en sache davantage.
    Non. Je n’ai pas grand chose à ajouter, sauf le fait que l’activité dans les secteurs qu’ils franchissent — les secteurs poreux des ports — comporte un élément inconnu. Il est difficile de dire précisément dans quelle mesure cela se produit, mais il ne fait aucun doute que la traversée de la frontière se fait des deux façons.
    Merci.
    Monsieur Ménard, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Dans le cas de ces personnes qui ont été arrêtées une centaine de fois, il ne doit pas s'agir d'accusations bien graves puisqu'elles ont été remises en liberté une centaine de fois. J'imagine qu'un juge ne remet pas en liberté avant 20 ans des gens condamnés pour meurtre ou même des individus condamnés pour vol de banque, vol qualifié, etc.
     Avez-vous vraiment des cas de gens arrêtés une centaine de fois? Est-ce que ce ne sont pas, comme je l'ai vu parfois, de pauvres hères, des gens dont l'intelligence est très limitée et qui commettent de petits méfaits, de petits vols ou même de petits larcins de façon à pouvoir dormir au chaud pendant l'hiver? Avez-vous vraiment des cas de criminels dangereux qui échappent à la justice une centaine de fois ou 99 fois?

[Traduction]

    Les personnes dont je parlais ont été appréhendées pour des infractions diverses: introduction par effraction, cela va sans dire, vol de voitures et vol dans les voitures. Parfois, mais pas toujours, on note des arrestations pour vol qualifié, qui est un crime violent. Cela peut paraître d’importance mineure par comparaison avec le meurtre, mais une accumulation de tels crimes peut finir par peser sur une ville entière. L’expérience m’a enseigné qu’il faut s’attendre à un tel résultat si le crime n’est pas suivi du châtiment qui convient.
    Je ne parle pas ici de certaines personnes qui peuvent se retrouver au chômage, sans abri et dans la rue, et dont le crime est une facette de leur existence. Je fais référence aux criminels habituels, pour qui un peu de temps passé en prison est la simple rançon des affaires.

  (1235)  

[Français]

    Dans votre présentation, vous avez beaucoup parlé de mesures obligatoires. En anglais, vous disiez mandatory measures. Vous en parliez beaucoup par rapport à des gens qui sont en liberté sous caution.
     Dois-je comprendre que ces mesures obligatoires sont des mesures d'accompagnement de la caution et que ce ne sont pas des sentences?

[Traduction]

    Le Code criminel contient quelques conditions relatives aux personnes qui sont accusées devant les tribunaux pendant leur libération sous caution, ce qui à mon sens doit être modernisé. C’est là où je voulais en venir: nous devons voir le monde tel qu’il est aujourd’hui, en 2010, plutôt que comme il était à la fin des années 1970 ou au début des années 1980.
    Il me semble que certaines conditions... Nous pouvons imposer des couvre-feux: certaines personnes s'introduisent chez les autres par effraction durant le jour, mais sont obligées par leur couvre-feu de se trouver à l’intérieur d’un bâtiment — idéalement une résidence — de vingt et une heures à huit heures le lendemain, ce qui ne limite ou ne contrôle aucunement leur comportement.
    Il me semble que les conditions à élargir et à préciser dans le Code criminel doivent être mieux adaptées au monde moderne. Je connais le cas de membres d’un gang à qui on avait interdit d’avoir des cellulaires, pour entraver leur capacité de fonctionnement, parce qu’ils faisaient affaires au moyen de cellulaires. J’estime que l’imposition de cette condition était judicieuse, et il me paraît nécessaire d’élargir ces conditions pour qu’elles correspondent à la nécessité de contrôler le comportement de personnes libérées sous des conditions très strictes. C’est une chose que nous devons repenser.

[Français]

    De toute façon, à la fin de ces articles, il y aussi la mention « toute autre condition utile » à je ne sais quoi. 
     Dans le fond, aimeriez-vous qu'on puisse mettre un dispositif, comme un bracelet électronique, pour vérifier les déplacements? Est-ce donc à cela que vous voulez en venir? Deuxièmement, vous ne vouliez pas...

[Traduction]

    Monsieur Ménard, votre temps de parole est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. Norlock pour cinq minutes.
    Merci, messieurs, de votre présence parmi nous aujourd’hui.
    Je vais être dur avec vous. Je vais vous faire le genre de déclaration que vous pouvez entendre au Tim Hortons du coin concernant le sérieux avec lequel nous nous attaquons au crime. Je parlerai ensuite d’un des témoins qui a comparu à Toronto, et de ce qu’il a dit au sujet du sérieux avec lequel notre société — notamment nos gouvernements et la police — enquête sur le crime organisé.
    Je fais référence au témoignage de M. Antonio Nicaso, un journaliste d'enquête spécialiste du crime organisé. Selon lui, nous ne cherchons pas sérieusement à enquêter sur le crime organisé, puisque nous y consacrons si peu de temps. Permettez-moi de paraphraser — ce qui sans doute l’irriterait un peu... Il a dit que nous ne faisons en fait que nous attaquer aux branches les plus basses, soit aux petits revendeurs. Nous n’essayons pas vraiment d’atteindre les grands responsables. Il parlait notamment de la Mafia, des personnes haut placées qui achètent des entreprises légitimes, qui font du blanchiment d'argent, etc. Il affirme que si l’on s’attaquait aux têtes dirigeantes, le reste tomberait de lui-même.
    Je vous demande vos commentaires là-dessus. Faisons-nous quoi que ce soit à ce sujet? Le temps nous est compté et il me faut des réponses rapides.
    Je m’adresse ensuite à l’ASFC. Je vous laisserai un peu de temps pour y penser. Certains affirment que ce qui intéresse avant tout l’ASFC, c’est de soutirer des droits de douane des gens qui vont magasiner aux États-Unis, et qu’elle ne souhaite pas vraiment intercepter les drogues et les autres choses qui franchissent la frontière. Vous avez déjà entendu de tels propos, j’en suis bien conscient, et je voudrais que vous y répondiez.
    M. Gibson et les autres peuvent répondre par la suite, mais ceci s’adresse particulièrement aux chefs de police. Essayez-vous vraiment d’attraper les hauts responsables? Ou est-ce que vous cherchez seulement à attraper ce que vous avez à portée de main?

  (1240)  

    Je ne sais pas de qui vous parlez, mais je peux vous dire que vous ne pouvez pas vous limiter à un niveau ou à un autre. En réalité, ils sont organisés comme n'importe quelle autre organisation.
    Prenez mon cas. Je dirige mon organisation mais, si on m'assassine demain, le travail continuera sans heurts. Il y a une demi-douzaine d'autres types qui peuvent prendre ma place. Si vous croyez que c'est différent dans le crime organisé, vous vous trompez. Il y a toujours un remplaçant en attente.
    Il faut donc s'attaquer à tous les niveaux de l'organisation en même temps. C'est aussi simple que ça. Si j'ai une demi-douzaine de policiers qui ne se présentent pas au travail un soir, mon organisation en souffrira. Si vous arrêtez six trafiquants de drogue en même temps, vous portez un dur coup à l'organisation. Vous ne pouvez pas croire que vous détruirez une organisation en l'attaquant à un seul niveau. Ce serait trop simple. Comme n'importe quelle entreprise, c'est tout un système et il faut l'attaquer à tous les niveaux.
    Est-ce que nous visons la tête? Absolument, mais je peux vous dire que ça prend beaucoup de temps et de ressources.
    Chef Boyd.
    Je suis d'accord avec le chef Hanson.
    L'autre chose importante est qu'il est essentiel d'avoir suffisamment de ressources pour s'attaquer au crime organisé. Nous sommes embourbés dans de la paperasse et des choses que nous devons sans cesse recommencer, ce qui mobilise nos ressources et nous empêche de nous concentrer sur le crime organisé. Voilà pourquoi nous voudrions tous que le système soit plus efficace.
    En ce qui concerne la perception des droits de douane, nous avons le devoir de percevoir les droits et taxes de tous ceux qui en doivent, pour que tout le monde soit sur un pied d'égalité, mais ne croyez pas que nous ne nous intéressons pas au crime organisé et à l'activité criminelle. Notre priorité est d'assurer la sécurité du pays. Je tiens à ce que ce soit bien clair.
    Nous collaborons étroitement avec nos autres partenaires chargés d'appliquer les lois et nous constatons partout une augmentation de tous les types de saisie et d'activité criminelle. Si l'on vous dit que nous ne sommes que des percepteurs d'impôt, c'était peut-être vrai dans les années 1960 et 1970, mais cela a changé radicalement depuis.
    Merci beaucoup.
    Je reviens sur une autre remarque de ce témoin. Une déclaration a été faite à la suite d'une conversation interceptée au moyen d'une écoute policière légale. Je crois que l'interlocuteur était Alphonso Caruana, qui a été condamné à 21 ans de prison en Italie, je pense. Il a dit — je résume — que la raison pour laquelle beaucoup de membres du crime organisé, notamment de la mafia italienne, viennent au Canada est qu'ils savent qu'ils ne passeront pas beaucoup de temps en prison parce que nous avons un régime pénal bien plus mou que d'autres pays.
    Nous avons cependant entendu de nombreux témoins nous dire que ce n'est pas vrai, que nous ressemblons de plus en plus aux États-Unis, que nous envoyons trop de gens en prison, que les peines minimum obligatoires ne fonctionnent pas, que nous devons faire plus de prévention, adopter plus de politiques socio-économiques, etc.
    Monsieur Norlock, donnez-leur la chance de répondre. Votre temps de parole est écoulé.
    Veuillez répondre brièvement, s'il vous plaît.
    Vous avez raison. Nous remplissons nos prisons, c'est vrai, mais nous les remplissons de malades mentaux alors que nous laissons courir les criminels. Notre frustration vient du fait que nous voudrions un régime pénal qui nous permettrait d'envoyer en prison les vrais criminels qui victimisent les gens et qui nous donnerait la possibilité de trouver d'autres solutions, comme nous en cherchons actuellement, pour les malades mentaux et les drogués afin de les soigner.
    Parce que c'est comme ça que nous remplissons les prisons. Aujourd'hui, les malades mentaux constituent notre tout premier groupe de détenus, aussi bien au niveau fédéral qu'au niveau provincial. Nos prisons sont devenues ce qu'étaient les asiles d'aliénés il y a 40 ans, et personne ne réagit. Ce sont ces gens-là qui remplissent nos prisons aujourd'hui. Essayons plutôt d'y mettre les criminels et de voir ce que ça fait.
     Merci.
    Madame Mendes, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présence.
    Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit au sujet du programme de protection des témoins. Pourriez-vous nous dire ce qu'il faudrait faire pour le rendre plus efficace et pour protéger les témoins qui nous aident à élucider des crimes? Pourrions-nous faire plus à ce sujet au palier fédéral?

  (1245)  

    Je vais commencer. Il est clair que la répression du crime organisé, des crimes de rue violents commis par des bandes, etc., repose sur notre système de justice. Or, celui-ci ne peut pas fonctionner si personne n'est prêt à témoigner contre les délinquants.
    Nous avons tous entendu parler de gens hésitant à témoigner parce qu'ils craignent pour leur sécurité. Il nous faut donc les ressources nécessaires pour protéger ceux qui acceptent de témoigner afin de nous permettre de faire condamner les délinquants dangereux qu'il faut mettre hors d'état de nuire. Notre système ne peut pas marcher sans ça.
    De quelles ressources parlez-vous? Que recommandez-vous?
    Je parle des ressources dont nous avons besoin pour offrir différents types de protection selon le cas. Je n'irais pas jusqu'à dire que chaque témoin doit nécessairement être transféré dans une autre collectivité, mais il est essentiel que nous ayons plusieurs cordes à notre arc en fonction des différents types de cas dont nous sommes saisis.
    Merci beaucoup.
    Me reste-t-il du temps?
    Oui.
    Je crois que c'est le chef Hanson qui a parlé d'une hausse importante des crimes de cols blancs, c'est-à-dire de fraudes d'hypothèques, de cartes de crédit et de cartes bancaires. Quel type de législation faudrait-il adopter au palier fédéral pour lutter contre ce problème?
    J'ai dit tout à l'heure que les banques ont commencé à faire certaines choses qui facilitent la vie au crime organisé. Prenez le cas de quelqu'un qui achète une maison de 500 000 $. Autrefois, les banques envoyaient quelqu'un évaluer la maison pour s'assurer qu'elle avait vraiment cette valeur mais, maintenant, tout ça peut se faire sans quitter son bureau.
    Ce qui se passe, c'est que ce changement permet au crime organisé d'exploiter une faille énorme du système en souscrivant des hypothèques largement supérieures à la valeur des maisons, ce qui lui permet d'empocher beaucoup d'argent. C'est un changement très simple des procédures bancaires qui permet au crime organisé d'empocher le produit de la criminalité.
    S'agissant de la possibilité de... Écoutez, je vais donner aux autres la chance de répondre.
    Voulez-vous dire que modifier les lois bancaires pourrait être une mesure pour...
    Absolument. Je reviens à la complexité des enquêtes sur la grande criminalité commerciale et sur la nature de nos peines par rapport à celles des États-Unis pour vous montrer que les peines infligées au Canada sont vraiment pathétiques.
    Nous avons beaucoup de contacts avec nos partenaires américains. Pour la possession d'une quantité importante de drogue, par exemple... Je sais qu'il ne s'agit pas du problème de fraude que vous avez évoqué mais, du point de vue des peines, c'est la même chose. Vous savez, vous pouvez gagner beaucoup d'argent au Canada en commettant une fraude et, si vous vous faites prendre, la peine qu'on vous infligera est une farce. Il suffit de voir ce qui est arrivé à Earl Jones récemment. Il sortira de prison dans 20 mois et sera un homme riche qui aura laissé une foule de victimes dans son sillage.
    Il ne faut pas oublier qu'une personne condamnée au Canada ne doit purger qu'un tiers ou un sixième de sa peine, ce qui vaut également pour les trafiquants de drogue. Quand un criminel se voit infliger 25 ans de prison aux États-Unis, ça correspondrait à seulement trois ans et demi au Canada. On voit ça tous les jours. Malheureusement, les gens continuent de dire que nous mettons trop de gens en prison. C'est vrai, mais ce ne sont pas les bons.
    Bien des gens pensent que le crime de cols blancs est un crime sans victime mais c'est faux. Prenez le cas d'une personne âgée qui décide de consacrer tout son revenu à la rénovation de sa maison. Si les travaux sont bâclés ou ne sont pas achevés parce que l'entrepreneur est un escroc, il y a une victime. Pourtant, ce criminel ne risque pas grand-chose. Il n'ira probablement même pas en prison ou, s'il y va, ce ne sera pas pour longtemps.
    Il importe de prendre la victimisation au sérieux et il ne faudrait pas croire que certains crimes ne causent pas de victimes simplement parce qu'on ne trouve pas de cadavre dans la rue.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Petit, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Bonjour messieurs. D'abord, je vous remercie d'être ici cet après-midi. On va prendre connaissance de toutes les suggestions que vous avez faites. Il y en a quand même quelque-unes qui sont très intéressantes.
     MM. Hanson et Kohlhauser, vous avez abordé un sujet qui m'intéresse. Lorsque vous devez parler au public comme représentants des forces policières, on vous donne toujours des statistiques. Les statistiques diront s'il y a une baisse de la criminalité, par exemple. Tout le monde est contre vous. On dit que vous êtes trop sévères, alors que vous constatez sur les lieux qu'il est parfois nécessaire d'être plus sévère.
    Je vous donne seulement un exemple soulevé par M. Terry Kohlhauser. C'est un exemple qui nous intéresse aussi. Quand quelqu'un commet un homicide et que vous retrouvez le corps, c'est considéré comme un homicide dans les statistiques du Canada. Quand une personne disparue n'est jamais retrouvée, son cas ne fait pas partie des statistiques.
    Nous avons vérifié et avons constaté que 41 p. 100 des gens disparus sont retrouvés et 59 p. 100 ne le sont jamais. Ces personnes sont des jeunes filles, des jeunes garçons, des femmes et des hommes qui sont disparus et dont les cas ne sont pas répertoriés pas dans les statistiques. Ils ont peut-être été tués par la pègre. La pègre est tellement intelligente que, maintenant, elle tue et elle cache les corps. On ne les retrouve pas et on a l'impression que toutes les statistiques baissent. Sauf que, quand on regarde des populations à risque, comme M. Kohlhauser l'a mentionné — les prostitués ou les pauvres — , on constate qu'ils se font tuer et que ces cas ne sont pas répertoriés dans les statistiques car on ne retrouve pas les corps. Ils sont disparus.
    Je sais qu'il y a en effet une hausse. Toutefois, comment faites-vous pour constater cette hausse sur le terrain? Je voudrais savoir si vous avez vos propres statistiques. Les statistiques venant de Statistique Canada sont, dans certains cas, faibles pour bien nous aider.

  (1250)  

[Traduction]

    Très bonne question. Le problème est de retrouver des gens qui vivent en marge de la société. Des drogués ou des prostituées peuvent disparaître pendant un certain temps sans que personne ne signale leur disparition. Il peut aussi s'agir de gens qui ont simplement déménagé.
    La solution est double. Tout d'abord, il faudrait une base de données nationale sur les personnes disparues. Ainsi, si l'on avait des informations à leur sujet, on pourrait faire des recherches dans les systèmes d'information qu'exploitent tous les services de police pour essayer de les retrouver. À Calgary, par exemple, ça pourrait être une jeune fille qui fait du racolage dans la rue qui disparaît un jour, mais qu'on retrouve un an plus tard à Vancouver sous un autre nom.
    Il est très difficile de faire des recherches sans une base de données nationale permettant non seulement d'enregistrer de bonnes informations sur les personnes disparues, mais aussi d'y avoir accès de partout. Si l'on avait cela, on pourrait faire des recherches dès qu'une personne est arrêtée pour vol à l'étalage quelque part, par exemple.
    C'est une question très complexe car, vous avez absolument raison — et c'est le deuxième point —, il y a un nombre considérable, j'en suis sûr, de meurtres dont on n'est même pas certain qu'ils ont été commis parce qu'il s'agit de personnes nomades ou qui mènent une vie à risque. Ce sont des personnes qui peuvent avoir changé de collectivité ou de province et dont on ne peut pas retrouver la trace.
    Encore une fois, ça exige beaucoup de ressources. Tous les services de police font face au même dilemme: s'occuper du cadavre qu'on vient de découvrir sur le sol après une fusillade entre gangs ou se mettre à la recherche d'une personne disparue qui, dans la plupart des cas, réapparaîtra un peu plus tard dans une autre collectivité, voire un autre pays.
    Le crime organisé exploite cette faille du système pour faire de la traite de personnes. Les criminels peuvent enlever une femme, la bourrer de drogue et la faire passer dans un autre pays pour la prostituer.
    Je ne peux pas prétendre que nous avons la solution au problème. Je dis simplement que c'est un problème grave et que nos effectifs ne reflètent pas adéquatement ce qui se passe vraiment dans le monde réel.
    M. Kohlhauser.
    Le problème des personnes disparues est énorme par rapport à celui des homicides. Selon nos statistiques, 95 p. 100 des personnes disparues sont retrouvées dans les six mois, d'une manière ou d'une autre. Pour l'enquêteur que je suis, c'est une difficulté.
    En ce qui concerne la personne qui mène une vie à risque, que quelqu'un fait entrer de force dans une voiture et qu'on ne revoit plus jamais, je crois que c'est une priorité pour n'importe quelle agence de police. Toutefois, quand on sait qu'il y a une fenêtre de six mois pour 95 p. 100 des personnes disparues, tout ce que peuvent faire les services de police, c'est enquêter au mieux de leur capacité.
    J'espère qu'on pourra mettre quelque chose sur pied. Des mesures ont déjà été prises dans le cadre de l'initiative nationale, de notre initiative de l'Alberta sur les personnes disparues et des initiatives d'autres provinces à ce sujet.

  (1255)  

    Merci.
    Il nous reste un peu moins de cinq minutes et je vais donc donner deux minutes et demie à M. Woodworth et deux minutes et demie à M. Dechert.
    M. Woodworth.
    Merci beaucoup.
    Je remercie les témoins, car ils nous ont donné des informations extrêmement utiles, je crois.
    Je m'adresse d'abord au chef Hanson, car il a fait une déclaration pleine de bon sens, à mon avis, et qui est à mes yeux le point d'orgue des témoignages d'aujourd'hui, c'est-à-dire que le crime organisé est motivé par le profit, pas par la stupidité ou par l'abus de drogues.
    Ce que je retiens de cela et de certaines des remarques que vous avez faites ensuite, chef Hanson, c'est que, si tel est le cas, les peines devraient dissuader les criminels, encore faut-il qu'elles soient suffisamment lourdes par rapport aux profits que peut empocher le crime organisé.
    J'en conclus qu'on peut avoir un effet dissuasif sur ce genre de crimes. Ai-je raison?
    Vous avez absolument raison et j'ajouterai ceci. Si les crimes graves entraînent de lourdes peines de prison, ça protège la société, incontestablement, par la dissuasion. S'il y a une chose que je peux recommander au comité, c'est de prévoir des peines de traitement dans le Code criminel. Autrement dit, pour beaucoup des gens qui sont en prison, si nous avions la possibilité lors de leur arrestation de les envoyer dans un établissement où ils seraient obligés de suivre un traitement et de se désintoxiquer — alors qu'ils vont actuellement en prison — pendant 30 ou 45 jours, cela aurait un effet non seulement sur la criminalité, mais aussi sur qui nous envoyons en prison.
    Merci.
    Voulez-vous parler de traitement obligatoire?
    Ils vont en prison et...
    Un traitement obligatoire... [Inaudible]
    Oui, un traitement obligatoire pour abandonner la drogue, pendant qu'ils sont en prison, car, dans bien des cas, ça dissimule une maladie mentale. Une fois qu'ils sont désintoxiqués, vous pouvez voir que ce n'était pas seulement la toxicomanie, mais aussi une maladie mentale qui leur avait fait commettre un crime.
    Veuillez m'excuser, monsieur Woodworth.
    Je vous en prie.
    Je m'adresse maintenant au chef Boyd.
    J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que vous avez dit au sujet de la Loi sur la réforme du cautionnement et sur le système de libération des contrevenants. J'aimerais savoir si vous avez quelque chose à dire au sujet de la libération des jeunes délinquants. Vous n'en avez pas parlé.
    Je suis porté à croire que des jeunes se laissent parfois embrigader pour aider certains membres du crime organisé à commettre leurs méfaits, au moins dans le cas du trafic de drogue. Je me demande si c'est mieux ou pire quand il s'agit des dispositions de libération des jeunes délinquants.
    Il est certain que certaines dispositions de libération ne permettent pas d'exercer un contrôle suffisant sur la conduite des jeunes. Je pense que c'est ce qu'on a envisagé avec cette Loi sur la réforme du cautionnement: non pas punir, mais exercer un certain contrôle du comportement. Qu'il s'agisse d'un membre du crime organisé, d'un contrevenant drogué ou d'un jeune, il nous faut des mécanismes adéquats pour contrôler leur comportement criminel afin de protéger la société.
    Merci.
    Monsieur Dechert, vous pouvez poser une très courte question.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous, messieurs, d'être venus nous communiquer toutes ces informations importantes ce matin.
    Je pense que c'est l'inspecteur Imgrund qui a parlé des installations de culture de marijuana et j'aimerais beaucoup connaître son avis, et peut-être aussi le vôtre, chef Boyd.
    Chez moi, en Ontario, la police régionale de Peel m'a dit qu'il y a un sérieux problème d'installations de culture de marijuana. J'ai vu de telles installations dans ma ville de Mississauga. Ce sont des installations de pointe, bien financées. Quelqu'un achète une maison de 400 000 ou 500 000 $, si ce n'est plus, et la bourre d'équipements, ce qui introduit la criminalité dans un quartier auparavant paisible.
    Je sais que ça coûte cher et que c'est dangereux pour la police de s'attaquer à ce genre d'activité. Il peut y avoir du matériel dangereux et même, dans certains cas, des pièges explosifs. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce qu'exige la répression de ces activités, sur ce que ça coûte, à vous et à vos agents, et sur ce que nous devrions faire pour empêcher de telles installations?

  (1300)  

    Nous n'avons de temps que pour une réponse et je donne la parole à l'inspecteur Imgrund.
    J'en ai parlé brièvement. Je regrette de devoir vous dire que je ne suis pas en mesure de vous indiquer ce que coûte cette répression. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre souhaite intervenir. Je peux vous donner une réponse, mais sans aucune garantie. Si personne ne veut intervenir, je veux bien répondre.
    Cette répression exige certainement beaucoup de ressources, plus en tout cas que n'en possède la police étant donné qu'il y a des produits dangereux dans ces installations et qu'on doit faire appel à d'autres professionnels. Il faut faire venir des électriciens et des spécialistes des matières dangereuses, et je ne parle que des installations de marijuana. Il y a d'autres types d'installations qui posent le même genre de problèmes. Ça exige beaucoup de personnel.
    Je pense que vous avez tout à fait raison, ce problème existe dans de nombreuses régions, en partant de la côte ouest et en allant jusqu'à la côte est.
    Et on fabrique aussi d'autres drogues dans ces laboratoires, n'est-ce pas?
    Très bien. Merci beaucoup.
    Je vous remercie tous de vos témoignages qui sont sans doute les plus utiles que nous ayons recueillis durant notre tournée du Canada. J'espère que notre rapport contribuera de manière importante à la lutte contre le crime organisé au Canada.
    Chef Hanson.
    Nous vous remercions d'avoir organisé ces audiences et de nous avoir invités à y participer. Nous attachons beaucoup de prix au fait que vous ayez pris le temps de nous écouter. Ça compte vraiment beaucoup pour nous et, au nom de tous mes collègues, je tiens à vous remercier très sincèrement de nous avoir prêté l'oreille.
    Nous l'avons fait avec plaisir. Merci.
    La séance est levée.
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