Passer au contenu
Début du contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 025 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 17 juin 2010

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Nous amorçons la séance 25 des travaux du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Pour le compte rendu, notons que nous sommes le jeudi 17 juin 2010.
    Avant d'entamer les travaux à proprement parler, les points à l'ordre du jour, j'ai quelque chose à dire. Il s'agit probablement de la dernière rencontre que nous allons avoir avant le congé estival; il y a un certain nombre de personnes qui nous aident à l'occasion de nos réunions, mais qui, souvent, ne reçoivent pas le crédit qu'ils méritent.
    D'abord et avant tout, je veux saluer nos greffiers, qui triment dur pour que nous demeurions attelés à la tâche. J'en suis certain, ils s'épuisent parfois à composer avec le nombre de demandes qu'ils reçoivent et les modifications de dernière minute qui sont apportées à l'ordre du jour. Je veux remercier les greffiers du travail qu'ils accomplissent.
    Je veux remercier aussi les interprètes. Souvent, ils peinent vraiment à suivre nos témoins, mais ils accomplissent une forte besogne pour notre comité; je tiens donc à les remercier aussi.
    De même, je veux remercier nos analystes, qui nous rendent un fier service en nous renseignant sur les projets de loi que nous étudions ici. Je veux remercier aussi le personnel de la Chambre des communes, si diligent pour préparer les salles où nous nous rencontrons et pour subvenir à nos besoins en eau et en nourriture. Je vous souhaite tous un congé estival tout ce qu'il y a de sain et de reposant.
    Vous avez l'ordre du jour devant les yeux. Aujourd'hui, nous continuons notre examen du projet de loi C-4, la loi de Sébastien, loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
    M. Murphy propose une motion. Vous en avez reçu une copie.
    Voulez-vous présenter cette motion tout de suite?
    Oui, mais je serai bref. Je ne veux pas faire de l'ombre aux témoins.
    Nous avons entendu dire qu'il y a eu des tables rondes et nous voudrions avoir le rapport issu de ces tables rondes. Ce n'est nullement remis en question, à mon avis. Il n'y a pas de calendrier arrêté, mais je crois que le ministère aurait l'été pour se charger de cette tâche. La protection de tous renseignements personnels et droits à la vie privée des participants aux tables rondes est assurée.
    Je crois que cela donne au ministre et au ministère une assez bonne marge pour préparer un rapport qui serait utile à nos délibérations, à notre retour.
    C'est tout ce que j'ai vraiment à dire à propos de la motion.
    Mesdames et messieurs, vous avez devant vous le texte de la motion.
    Allez-y, monsieur Woodworth.
    Je m'excuse. Question de se conformer au Règlement, monsieur le président.
    Si je l'ai ici, je n'arrive simplement pas à la trouver. Puis-je en avoir une autre copie?
    Nous allons vous fournir une copie. La mention est rédigée dans les deux langues officielles; elle est donc conforme.
    Devrais-je la lire?
    Voudriez-vous la lire pour le compte rendu?
    Ce n'est pas ce que je demande. Je demande simplement une copie du texte, pour que je puisse le lire moi-même.
    Oui.
    Les gens d'avant ont mis un certain temps à quitter les lieux, et nous avons d'importants témoins à entendre; pouvons-nous prendre cinq minutes pour nous occuper de cela à la fin de la séance?
    Eh bien, nous avons déjà commencé à le faire, alors finissons-en. Que cela se fasse au début ou à la fin importe peu, nous accordons encore le même temps aux témoins.
    Bon, vous avez une copie de la motion devant les yeux. Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter?
    Allez-y, monsieur Dechert.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux simplement remercier M. Murphy d'avoir présenté la motion et déclarer que nous l'appuyons.
    D'accord.
    Y a-t-il d'autres commentaires? Comme il n'y en a pas, je mets la question aux voix.
    (La motion est adoptée.) [Voir le Procès-verbal]
    Le président: Excellent.
    Revenons au projet de loi C-4. Pour mieux mener notre étude du projet de loi, nous avons convoqué plusieurs témoins.
    Nous accueillons Merlin Nunn, juge à la retraite de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, qui témoigne à titre personnel. Bienvenue.
    Nous accueillons aussi, pour représenter le gouvernement de l'Alberta, Joshua Hawkes, directeur de la politique à la direction générale des appels, de l'éducation et de la politique du ministère de la Justice et du Procureur général. Bienvenue.
    Nous accueillons, pour représenter le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, Ronald MacDonald, premier avocat-conseil de la Couronne et conseiller politique de droit pénal à la section de la politique, de la planification et de la recherche du ministère de la Justice. Bienvenue.
    Enfin, pour représenter du gouvernement du Manitoba, il y a David Greening, qui est directeur de la section de l'élaboration et de l'analyse des politiques au ministère de la Justice.
    Bienvenue à chacun d'entre vous. Je crois que vous avez été informés du fait que vous disposiez chacun de dix minutes pour présenter un exposé, puis nous accueillerons les questions.
    Je demanderais aux personnes qui ont un téléphone cellulaire ou un autre appareil de poche quelconque de le régler au mode « vibration » ou de le fermer carrément. De même, je vous prie de sortir de la salle si vous voulez prendre un appel.
    Pourquoi ne pas commencer par le juge Nunn?
    J'ai pensé que ce serait peut-être ce que vous feriez.
    J'ai un problème. Ce n'est que lundi qu'on m'a invité à témoigner à propos de mon rapport; j'ai donc passé les trois derniers jours à relire mon rapport, puisque quatre années se sont écoulées depuis que j'y ai vraiment eu affaire. Avant d'avoir affaire à ça, je n'avais aucune expérience de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ni encore de la Loi sur les jeunes contrevenants ou de la Loi sur les jeunes délinquants — c'est que mon tribunal n'avait jamais accueilli d'adolescents. Je siégeais à la Cour suprême, où nous nous penchions sur des situations d'adultes. À Halifax, il y avait toujours une forme quelconque de tribunal pour adolescents. Une fois que j'ai commencé à étudier la question, j'ai acquis toute une somme de connaissances à propos de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et de la justice pour les adolescents. Je ne suis pas un spécialiste de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, mais je crois savoir pas mal de choses à propos des jeunes et de ce qu'on en fait, des problèmes qu'ils éprouvent et des raisons pour lesquelles ils les éprouvent, et je voudrais simplement vous faire part de ce qui est arrivé au moment où j'ai effectué l'enquête que j'ai effectuée.
    Pour témoins, j'ai eu des policiers, j'ai eu des agents de la GRC, j'ai eu des travailleurs sociaux, j'ai eu des responsables de foyers d'accueil pour les enfants autrement délaissés, j'ai eu des éducateurs, j'ai eu des spécialistes de la santé mentale, j'ai eu des spécialistes de la santé physique. J'ai appris des choses sur le trouble déficitaire de l'attention. Une chance pour moi, le spécialiste américain en la matière se trouvait à Halifax la fin de semaine en question, et j'ai pu assister à ses conférences et ainsi de suite, et j'ai appris des choses dont je ne soupçonnais pas vraiment l'existence. Tous les intervenants m'ont fait savoir que la difficulté réside dans le fait de traiter avec l'enfant et de comprendre les facteurs sous-jacents qui font que l'enfant devient ce qu'il est. Cela n'englobe pas toutes les situations possibles, mais ça touche probablement 98 p. 100 des jeunes qui sont visés par la loi — et peut-être davantage.
    J'ai appris à ce moment-là que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a vraiment servi à créer un nouveau système de justice pour les adolescents. Il y a au Canada des gens qui s'opposent à cela et qui s'y opposent encore aujourd'hui, et qui pensent que tous les enfants condamnés pour avoir commis une infraction quelconque devraient se retrouver en prison. C'est une attitude qui me paraît inspirée d'un manque de connaissance. S'ils saisissent le but de la loi et s'ils comprennent comment elle fonctionne et en quoi elle est fructueuse... La loi porte ses fruits dans 90 p. 100 des cas, plus ou moins. Il a fallu la rafistoler à quelques reprises pour régler un truc qui ne fonctionnait pas. J'ai reçu des témoignages pendant 50 jours, mais aucun des témoins n'a dit que c'était une mauvaise loi, qu'il n'aurait pas fallu adopter cette loi. Tous appuyaient la loi. Tous voulaient que ça fonctionne; tous essayaient de faire en sorte que ça fonctionne. Il y a dans les institutions elles-mêmes des problèmes systémiques qui causent des difficultés aux jeunes et font que les problèmes des jeunes peuvent prendre de l'ampleur. Il y a notamment les retards. C'est un des grands problèmes: les retards.
    Le point de mire de mon rapport était un jeune de 16 ans qui circulait au-delà de la vitesse permise pour échapper à la police à bord d'un véhicule volé en pleine ville, à Halifax. Arrivé à une intersection en T, il a percuté directement une voiture du côté du conducteur, la soulevant et la poussant sur 20 ou 30 pieds. Il a ainsi tué la conductrice, Theresa McEvoy qui était aide-enseignante. Le jeune homme avait été détenu peu de temps avant pour avoir volé une autre voiture et a entraîné des agents de la GRC dans une poursuite automobile à 160 ou 180 kilomètres/heure le long d'une route, en direction de Windsor, à minuit et demi.

  (1115)  

    Il a été relâché un certain matin. Deux jours plus tard, le matin, encore une fois, il a volé une autre voiture. C'est à ce moment-là qu'il a tué Theresa McEvoy. Le jeune homme avait 38 accusations qui pesaient déjà contre lui, mais n'avait jamais été en prison sauf pour avoir été détenu pendant une semaine ou deux, de son plein gré, en fait, en attendant de voir ce qui allait se passer. Il n'y a pas eu de communication entre les gens. Le système a fait défaut. Cela a soulevé un tollé en Nouvelle-Écosse. Comment un jeune homme pouvait-il avoir 38 accusations qui pesaient contre lui sans se retrouver pour autant en prison ou quelque part, qu'on ne s'occupe pas de lui? Voilà la situation qui m'était présentée.
    Bon, pour votre gouverne — je n'ai rien d'un prédicateur et, comme je l'ai dit, ce n'est que depuis lundi que je suis revenu à cette question —, je vous dirai qu'il faut saisir certaines choses. Il faut saisir que la loi représente un système de justice pour adolescents qui est entièrement nouveau et que le traitement des jeunes se distingue du traitement des adultes. Les jeunes agissent comme ils le font parce que leur esprit fonctionne d'une certaine façon, d'une façon qui est très différente de celle d'un adulte. Il ne faut donc pas réfléchir en adulte à ce qu'il faudrait faire dans le cas des enfants. Je crois que vous devez comprendre un des principes sous-jacents: le Canada adhère à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et cette convention, entre autres, indique que l'intérêt de l'enfant représente le souci premier dont il faut tenir compte et aussi que la détention est une solution de dernier recours qui devrait s'appliquer pendant la période la plus courte possible selon la situation et la personne dont il s'agit.
    Bon, étant donné la situation dans laquelle je me trouvais, j'ai fini par conclure que la loi était déficiente dans le sens où elle empêchait le tribunal de prendre l'enfant en charge et de s'occuper de lui à un stade antérieur. Là où j'ai grandi, il s'agissait de prendre le jeune par le cou et de le redresser. Ce n'était pas seulement qu'il se retrouvait en prison. C'est qu'il allait apprendre que le tribunal et la police et les autorités ne badinent pas, qu'ils n'allaient pas le laisser commettre de tels actes. Et, comme je le dis, c'est pour beaucoup la question du retard qui entrait en ligne de compte. Comme je l'ai dit, je me suis penché seulement sur la question de la détention avant le procès. Je n'ai pas vraiment touché à la question de la détention après le procès.
    Si vous gardez à l'esprit le fait que la réadaptation du jeune constitue le but véritable de l'exercice et vous comprenez que cela porte fruit dans plus de 90 p. 100 des cas, vous devez conclure que la loi fonctionne. Il n'est pas vraiment indiqué d'accroître le recours à la détention dans d'autres circonstances ou même avant le procès. C'est la voie de la réadaptation qu'il faut choisir. C'est ce pourquoi la loi est conçue et c'est ce que nous devons faire. Il y a des lacunes, lacunes qui touchent le financement, ce qui est offert dans les diverses provinces, ce qui permet d'offrir un soutien et un accès à des professionnels.
    Je crois donc que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents — et vous devriez le comprendre — renferme en matière de justice pour les jeunes des concepts et des approches dont tous les Canadiens devraient être fiers, et je crois que nous sommes très, très nettement en avance sur d'autres pays en ce qui concerne la justice et les jeunes.

  (1120)  

    À l'occasion, il arrive une affaire horrible dont les médias se plaisent à décrire l'horreur, à la manière d'un lion affamé qui attaque. Ils ne vont tout simplement pas lâcher le morceau pendant des jours et des jours, et tout ce qu'ils font, c'est inciter à l'action les gens — c'est une véritable minorité, à mon avis — qui s'opposent à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et qui sont heureux d'avoir une raison de se plaindre.
    Voilà pour les observations générales. Je ne prétends pas en savoir beaucoup sur la formulation exacte du texte, car je n'ai pas étudié la loi de ce point de vue-là, et je crois qu'il faudrait laisser cela à d'autres. Tout de même, je crois que la formulation devrait correspondre à l'intention de la loi elle-même et à son thème. Voilà mon idée principale là-dessus.
    Merci.

  (1125)  

    Merci.
    Nous allons maintenant écouter M. Hawkes pendant dix minutes.
    Monsieur MacDonald, je m'excuse.
    D'accord. Bien sûr, c'est très bien.
    Merci.
    Merci beaucoup de nous donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
    Je m'appelle Ron MacDonald. Je suis venu représenter le gouvernement de la Nouvelle-Écosse aujourd'hui en ma qualité de conseiller politique de droit pénal, mais aussi comme personne qui travaille depuis maintenant 24 ans sur la ligne de front comme avocat de la défense, puis avocat de la Couronne. En particulier, j'ai travaillé pendant 17 ans dans une petite localité de la Nouvelle-Écosse, sur la ligne de front même du système de justice, d'une façon qui m'a permis de traiter avec les jeunes non pas simplement au tribunal, mais aussi le lendemain de l'audience, la semaine suivante, les deux mois suivants, dans la rue, là où on peut constater les résultats de ce qu'on a fait ou pas au tribunal. C'est une façon très enrichissante de connaître le système de justice. En toute franchise, je vous dirai que, littéralement, je pouvais m'occuper d'un meurtre une journée donnée, puis, le lendemain, je poursuivais des mineurs pour consommation illégale d'alcool.
    Nous avons entendu ce matin le juge Nunn, qui a parlé de son enquête, motivée par le décès de Mme McEvoy en 2004. Une précision sur l'enquête en question: elle s'est échelonnée sur 32 jours, a accueilli 47 témoins et en a entendu trois autres par voie écrite. M. Nunn a entendu des conseillers en politique, des policiers, des administrateurs de tribunal, des théoriciens et des praticiens de la justice, de même que des avocats de la défense et de la Couronne travaillant en première ligne, notamment. Nous croyons qu'il a réalisé une des études les plus complètes qui soient de la question de la justice pour les adolescents.
    Monsieur MacDonald, je vais vous demander de ralentir un peu, car les interprètes ont de la difficulté à vous suivre.
    Je m'excuse; je pense trop aux dix minutes. Merci.
    Le juge Nunn a formulé 34 recommandations au total, dont sept s'appliquent en particulier à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Voici un extrait que nous devrions tous retenir à mon avis:
    Mis à part les malentendus et les faux pas qui se sont produits en lien avec AB, dont bon nombre touchaient la procédure, le véritable coupable, qui n'a pas répondu adéquatement au comportement d'AB ni, de fait, aux attentes légitimes de la société, c'est la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents elle-même.
    Dans le contexte, monsieur le juge a formulé sept recommandations particulières touchant la loi, dont les suivantes: faire de la protection du public un objectif premier; modifier la définition des infractions avec violence; assurer l'autonomie des dispositions relatives à la détention avant le procès; et permettre aux tribunaux de prendre en considération les verdicts de culpabilité et accusations en instance dont l'adolescent a fait l'objet ou fait actuellement l'objet au chapitre de la détention préalable au procès.
    Il y en avait quelques autres aussi, dont la promesse d'agir de « personnes responsables » et le recours à des centres communautaires non résidentiels. C'est le rafistolage dont le juge Nunn a parlé aujourd'hui.
    La Nouvelle-Écosse a insisté particulièrement sur la question de la détention préalable au procès et celle de la définition des infractions avec violence. Le juge Nunn n'a pas préconisé, et la Nouvelle-Écosse ne préconise pas, des modifications qui supposeraient forcément d'emprisonner davantage les adolescents. Nos arguments mettent plutôt en relief le fait que les jeunes dérapent parfois, et que les tribunaux doivent disposer des outils nécessaires pour protéger le public et venir en aide aux jeunes. Parmi ces outils, il faut compter la capacité de détenir un jeune, avant le procès comme par la suite, en rapport avec une série d'infractions et de faits.
    Là où les tribunaux ne disposent pas de ces moyens d'action, le risque pour la sécurité du public est plus grand, et le respect du public pour l'administration de la justice décline. Sans compter le fait qu'on ne peut alors intervenir pour aider un jeune qui dérape, intervention qui pourrait très bien être d'une importance capitale dans la vie de l'adolescent en question — j'ai vu cela personnellement à plusieurs occasions —, simplement du fait d'une courte période de détention avant le procès.
    En général, la Nouvelle-Écosse est d'accord avec les déclarations du ministre Nicholson au Parlement à propos du projet de loi C-4. Par exemple, le ministre a dit:
    La Loi de Sébastien fera de la protection de la société le but premier de notre système de justice pénale pour les adolescents et donnera aux Canadiens une plus grande assurance que les jeunes contrevenants violents et récidivistes répondront de leurs actes, puisqu'on leur imposera des peines proportionnelles à la gravité de leurs crimes.
    Plus tard, il parle de la nécessité d'éviter que des délinquants violents et récidivistes se retrouvent en liberté en attendant leur procès et de réduire les obstacles à la détention de ces délinquants violents et récidivistes au besoin.
    La Nouvelle-Écosse est d'accord avec ces objectifs stratégiques et propose qu'ils tiennent compte de certaines des observations formulées par le juge Nunn dans son rapport — notamment, à la page 230, où il évoque justement l'idée d'élargir pour ainsi dire la voie d'accès à la détention.
    Le juge Nunn déclare aussi ce qui suit:
Je ne saurais surestimer l'importance d'adopter une approche équilibrée. Une partie de la Loi [sur le système de justice pénale pour les adolescents] doit être modifiée pour mettre au point une approche viable et efficace qui nous permettrait de traiter les récidivistes en se préoccupant d'abord de la protection du public tout en prévoyant des moyens de mettre un terme à un comportement criminel inacceptable en temps opportun. Cela n'est pas une option. C'est essentiel.
    En termes simples, il est légitime d'affirmer que nous ne voulons pas détenir plus de jeunes qu'il ne faut le faire, en principe, mais cela ne veut pas dire que le système devrait comporter des restrictions qui empêchent de recourir à la détention lorsque cela devient nécessaire. Je vais traiter surtout aujourd'hui de la détention avant le procès et de ses modalités.
    Premièrement, la Nouvelle-Écosse voudrait souligner qu'elle est d'accord avec les modifications prévues des principes du projet de loi C-4, soit de faire de la protection du public un but immédiat de la loi, et que cela concorde justement avec la recommandation du juge Nunn.
    Nous sommes également d'accord avec la modification prévue de la définition d'une infraction avec violence — de manière à inclure les infractions dont l'un des éléments constitutifs est l'infliction de lésions corporelles et les infractions qui mettent en danger la vie ou la sécurité d'une autre personne en créant une probabilité marquée qu'il en résulte des lésions corporelles. Selon nous, ces modifications-là concordent aussi avec les recommandations du juge Nunn.

  (1130)  

    C'est une façon de reconnaître qu'une infraction comportant un risque important de lésions corporelles est tout aussi grave et importante là où c'est un jeune qui agit délibérément. À certains égards, le grand public se trouve à être davantage à risque, étant donné que le comportement dangereux, de façon générale, peut avoir une incidence sur le public, alors que le comportement violent et délibéré prend plus souvent pour cible une personne connue de l'accusé.
    Nous sommes toutefois convaincus que le libellé du projet de loi C-4 ne concorde pas avec les objectifs énoncés sous trois aspects importants: la détention avant le procès, l'ordonnance différée de placement sous garde et l'assujettissement aux peines applicables aux adultes. À notre avis, il faut corriger ces fautes de rédaction pour garantir que le texte concorde avec l'intention du gouvernement et que les modifications ne causent pas ce qui nous paraît être de très importantes difficultés au système de justice pour les adolescents.
    Quant à la détention préalable au procès, le projet de loi prévoit le caractère autonome des dispositions de l'article 29, ce avec quoi nous sommes d'accord. Nous soulignons que la Couronne aura encore à satisfaire à des critères très rigoureux, ce avec quoi nous sommes d'accord aussi. Tout de même, nous sommes d'avis que le libellé actuel du projet de loi pose une difficulté très grave. Le projet de loi prévoit la possibilité de la détention préalable au procès dans la mesure où le critère rigoureux est respecté, mais cela s'applique seulement aux cas qui déboucheraient sur une peine maximale d'au moins cinq ans chez les adultes. Cela veut dire que la détention est tout à fait interdite dans le cas de certaines infractions, par exemple, vol de moins de 5 000 $, la violation des dispositions applicables, le défaut de se conformer, le fait de s'évader d'une garde légale, la perpétration d'un acte indécent, l'infliction de dommages aux biens, une fraude de moins de 5 000 $, l'incitation à la haine, la corruption d'enfants, etc. Ce sont justement les infractions que les jeunes sont le plus enclins à commettre. Cela veut dire que le projet de loi ne cible pas les récidivistes, comme le ministre de la Justice l'avait espéré. Il permet aux jeunes de commettre ces infractions de manière répétée, de se faire arrêter et d'être relâchés de nouveau. Il n'y aurait pas de recours pour le public avant le procès. De ce fait, un jeune qui dérape pourrait continuer à suivre une spirale descendante sans que le système ne puisse venir imposer le contrôle voulu.
    Les modifications ne tiennent pas compte du fait que les infractions relativement moins graves, qui, en elles-mêmes, ne justifieraient pas de détenir l'adolescent avant son procès, constituent une situation très grave si elles s'accompagnent de nombreuses autres infractions. Permettez-moi de vous donner un exemple. Il y a un jeune qui marche, rue Sparks, et qui brise chacune des vitrines des commerces entre deux rues. La police l'appréhende, il se retrouve devant le tribunal. Le tribunal doit le relâcher; il n'a pas le choix. Le jeune reprend sa liberté; il dit au juge qu'il n'a nullement l'intention de se plier aux règles, puis il recommet son méfait le lendemain. Ce genre de comportement perdurerait. Vous pouvez dire que c'est un exemple extrême, mais d'après ce que nous savons du comportement des êtres humains et, justement, des jeunes, c'est le genre d'exemple qui existe.
    En ce moment, la loi prévoit la possibilité d'une détention dans de tels cas, même s'il est présumé qu'il faut d'abord tenter de ne pas recourir à la détention. Nous sommes d'avis qu'il faut modifier cette partie du projet de loi, sinon la loi comporterait des dispositions qui permettent à un jeune de commettre des infractions sans conséquence avant le procès. Il ne semble pas y avoir de jurisprudence ou d'autres explications qui aient motivé ce changement, car, en ce moment, la détention est possible en pareils cas, comme je l'ai mentionné, même si la présomption contre la détention demeure la règle. Nous sommes très inquiets à l'idée que, à cause de la situation que cela pourrait créer, la collectivité finisse par ne plus faire confiance au système qui est conçu pour la protéger, justement.
    Mon collègue Josh Hawkes vous parlera des questions de l'ordonnance différée de placement sous garde et de l'assujettissement aux peines applicables aux adultes.
    Je tiens seulement à dire ceci pour terminer. De nombreux témoins nous ont dit que les modifications proposées de la loi auront pour effet un recours accru à l'emprisonnement des jeunes. Nous sommes venus à affirmer aujourd'hui que, en fait, les modifications dont M. Hawkes discutera auront l'effet inverse. Elles auront pour effet d'accroître sensiblement les possibilités pour les jeunes d'éviter d'être détenus en cas de crimes graves avec violence dans la mesure où ils feront l'objet d'un sursis de sentence, qui a le même effet qu'une condamnation avec sursis chez l'adulte. De ce fait, il est aussi nettement moins probable qu'un jeune soit condamné comme adulte. Nous ne fondons pas nos observations sur un souci général à propos de la politique; c'est plutôt l'effet de la rédaction du texte qui nous préoccupe.

  (1135)  

    J'ai oeuvré moi-même dans le domaine de la rédaction des lois; j'ai fait ce travail, concrètement. Ces modifications transformeront une pratique qui est en place, à propos de laquelle personne ne s'inquiète, et feront qu'il sera plus difficile de détenir un jeune par rapport à des actes où le public voit déjà trop de difficultés. Nous faisons valoir que cela est contraire à l'intention formulée par le gouvernement et qu'il s'agit, en fait d'une erreur qu'il faut corriger avant que les modifications en question aient force de loi.
    Je laisserai à M. Hawkes le soin de donner des précisions là-dessus.
    Merci, monsieur le président. Je serai heureux de répondre à toute question.
    Merci.
    Nous allons maintenant écouter M. Hawkes pendant 10 minutes.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, je témoigne au nom du ministère de la Justice de l'Alberta. Je suis procureur et directeur responsable des politiques en ce moment au ministère. J'ai 20 ans d'expérience en première instance et en appel; à l'instar de M. MacDonald, j'ai une perspective qui tient essentiellement au fait que j'ai oeuvré sur la ligne de front.
    Nous sommes d'accord avec les intentions formulées par le ministre Nicholson devant votre comité. En particulier, l'Alberta est d'accord avec l'incidence accrue sur la sécurité du public, et avec l'inclusion de principes de détermination de la peine fondée sur les notions de dénonciation et de dissuasion individuelle.
    Nous comprenons que ces modifications visent d'abord à permettre de cibler de façon plus précise, de façon plus calibrée, la petite proportion de jeunes, de 5 à 10 p. 100 du nombre à peu près — M. Croisdale en a parlé au comité — qui commettent la très grande majorité des infractions. Certaines des infractions en question sont exceptionnellement graves.
    Ce projet de loi comporte deux aspects particuliers qui, à notre avis, minent sensiblement les objectifs généraux qu'il comporte et qui de fait, empêcheraient de réagir efficacement devant un crime violent et cette faible proportion de jeunes qui devraient recevoir une peine d'adulte.
    Le plus souvent, ce groupe de jeunes délinquants est associé à des homicides très graves. C'est ce qui compte pour la quasi-totalité des transferts vers le tribunal pour adultes. Cela comprend d'autres infractions, mais, d'après mon expérience, l'homicide représente bien au-delà de 95 p. 100 des cas où une peine d'adulte est demandée et, dans la plupart des cas, les facteurs aggravants sont très nets. Le plus souvent, ce sont les plus vieux parmi les adolescents qui commettent ces infractions. Ce sont habituellement des jeunes de 16 ou 17 ans.
    En raison de ces difficultés, et particulièrement des dispositions relatives à l'imposition de peines d'adultes et les ordonnances différées de placements sous garde, l'Alberta ne peut accorder sa caution au projet de loi sous sa forme actuelle. Nos préoccupations sont à ce point graves.
    Dans la mesure du possible, nous avons passé en revue la transcription écrite des témoignages entendus par le comité. Jusqu'à maintenant tout au moins, nous n'avons pas noté que ces questions aient été soulevées ou soumises à un débat en relisant les transcriptions; il nous paraît donc important de faire valoir ce point de vue devant le comité, en tant que praticiens qui travaillent sur la première ligne et qui auront affaire aux litiges découlant du texte de loi qui finira par être adopté.
    Je vais maintenant me pencher sur la première difficulté qui se présente, soit la question des ordonnances différées de placement sous garde.
    À mon avis, la difficulté qu'il faut relever ici est une des manifestations des problèmes généraux associés à la loi. Les objectifs généraux de la loi ne nous posent aucune difficulté, mais en fait il s'agit d'un des textes de loi les plus complexes et, sauf tout le respect que je vous dois, les plus mal rédigés que j'ai eus le malheur d'essayer d'utiliser en tant que praticien. Il est extrêmement difficile d'en suivre le fil. C'est exceptionnellement compliqué. La plupart des dispositions sont interreliées, si bien qu'il faut se reporter à plusieurs autres articles pour découvrir le sens, ou la conséquence, d'une phrase. Le problème qui suit illustre parfaitement pourquoi c'est difficile et pourquoi ça crée des difficultés.
    Selon l'alinéa 42(5)a) de la loi actuelle, le délinquant peut faire l'objet d'une ordonnance différée de placement sous garde s'il n'a pas commis une infraction grave avec violence. Cela ne peut durer plus de six mois. À certains égards, c'est comparable aux condamnations avec sursis imposées aux adultes, bien que les sanctions en cas de violation des conditions viennent nettement plus vite. Il n'y a pas à y avoir d'audiences. Si vous manquez aux conditions de l'ordonnance différée de placement sous garde, vous pouvez être emprisonné le reste du temps prévu plus rapidement que ce ne serait le cas si vous étiez un adulte.

  (1140)  

    À l'heure actuelle, la définition d'« infraction grave avec violence » est vaste — elle vise les infractions qui entraînent ou risquent d'entraîner des lésions corporelles au cours de leur perpétration. Un juge qui doit déterminer si une infraction donnée constitue une infraction grave avec violence doit tenir une audience. Il incombe à la Couronne de prouver hors de tout doute raisonnable qu'une infraction représente une infraction grave avec violence. Une fois ces seuils franchis, une peine de placement sous garde différé ne peut pas être imposée.
    La validité constitutionnelle de cette restriction a été confirmée après qu'elle ait fait l'objet d'une contestation. Ainsi, selon la loi en vigueur, dont la constitutionnalité a été confirmée, une peine de placement sous garde différé ne peut être imposée pour une infraction de ce genre.
    Le problème soulevé par les modifications de la définition d'infraction grave avec violence proposées dans le cadre du projet de loi tient à ce que la catégorie des infractions graves avec violence deviendrait restrictive — elle se limiterait aux infractions les plus graves comme le meurtre, la tentative de meurtre, les voies de fait graves et l'agression sexuelle grave. Un point c'est tout. Par conséquent, le projet de loi autoriserait le placement sous garde différé pour une kyrielle d'autres types d'actes très graves.
    Excusez-moi — je viens de dire que la définition d'infraction grave avec violence s'appliquerait aux voies de fait graves, mais cela n'est pas le cas —, c'est aux agressions sexuelles graves qu'elle s'applique. Ainsi, une peine de placement sous garde différé pourrait être imposée pour des infractions comme les voies de fait graves, la conduite dangereuse causant la mort, la négligence criminelle causant la mort et de nombreuses autres infractions pour lesquelles ce type de peine ne peut être imposée à l'heure actuelle. Lorsque je lis les comptes rendus des débats entourant ce projet de loi, je constate que celui-ci n'a pas pour objet de rendre possible l'imposition d'une peine de ce genre. Ce projet de loi ne vise pas à élargir la possibilité pour un tribunal d'imposer une peine aussi courte — nous parlons ici d'une peine d'une durée de six mois. Il s'agit pourtant de l'effet qu'aura ce projet de loi dans sa forme actuelle.
    L'aspect le plus problématique du projet de loi dans sa version actuelle concerne l'article 18, qui porte sur les peines pour adultes. Plus précisément, cet article représente une tentative de codification d'un arrêt de la Cour suprême ayant eu pour effet d'annuler les dispositions permettant un renversement du fardeau de la preuve relatif à l'imposition à un adolescent d'une peine pour adultes. Hélas, l'article 18 va beaucoup plus loin que cela. Il propose un tout nouveau critère, et énonce que la norme de preuve applicable à ce critère est la preuve hors de tout doute raisonnable. Il s'agit de la norme de preuve la plus élevée en matière de droit. Auparavant, aucun de ces articles n'exigeait l'application de cette norme de preuve.
    En 2008, dans le cadre de l'arrêt D.B., la Cour suprême a déclaré invalide le régime de présomption relatif à l'imposition de peines. Subséquemment, la Cour d'appel de l'Alberta, la Cour d'appel de l'Ontario et la Cour d'appel ont toutes trois conclu que la décision rendue par la Cour suprême du Canada ne signifiait pas que la norme de preuve applicable était la preuve hors de tout doute raisonnable. Ainsi, en consacrant cette exigence, cet article du projet de loi va beaucoup plus loin que ce qu'exigeait la Cour suprême du Canada, et, en fait, pose à la Couronne un problème presque insoluble en matière de preuve, car il ne s'agit pas de présenter une preuve relative à des facteurs particuliers concernant une infraction présentant des caractéristiques particulières. S'agissait-il d'une infraction préméditée? A-t-elle été commise à l'aide d'une arme? Le Code criminel et la Charte reconnaissent déjà qu'un procureur qui entend s'appuyer sur des circonstances aggravantes ou sur des faits touchant l'infraction ou son auteur doit établir une preuve hors de tout doute raisonnable. Cela est bien établi et bien compris. La différence, c'est que, à présent, il s'agira d'établir non pas des faits, mais des principes hors de tout doute raisonnable, et cela occasionnera de très grandes difficultés.
    L'article 18 pose un autre problème, dans la mesure où il supprime la majeure partie des directives spécifiques qui étaient données aux tribunaux en ce qui a trait aux facteurs qui devaient être pris en considération. À l'heure actuelle, l'article 71 énonce un éventail très large d'éléments à prendre en considération, notamment les circonstances entourant l'infraction et l'âge et la maturité de celui qui l'a commise. La liste des facteurs n'est pas restrictive, mais elle donne quelques directives et une certaine orientation. L'article 18 a pour effet de supprimer l'article 71, et indique simplement que la Couronne doit réfuter hors de tout doute raisonnable la « présomption de culpabilité morale ».

  (1145)  

    L'expression « présomption de culpabilité morale », qui est très vaste, n'est définie à aucun endroit — personne n'en connaît tout à fait les limites précises. Pour un avocat, il sera excessivement malaisé d'affirmer, devant un juge, qu'il a réfuté hors de tout doute raisonnable la présomption de culpabilité morale, car nous ne nous sommes même pas entendus sur la portée précise de cette présomption. Dans sa version actuelle, le projet de loi n'est d'aucun secours à cet égard, et, pis encore, il a pour effet de supprimer l'orientation qui était auparavant offerte aux juges de première instance.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Greening, vous avez 10 minutes.
    À titre informatif, je suis directeur administratif, Élaboration et analyse des politiques, au ministère de la Justice du Manitoba. Je travaille dans le secteur de l'élaboration des politiques en matière de droit pénal depuis un peu plus de 14 ans. Auparavant, j'ai travaillé pendant à peu près cinq ans comme avocat de la défense dans le cadre d'affaires pénales concernant des adultes et d'affaires portées devant le tribunal pour adolescents.
    Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour parler au comité de la position du gouvernement du Manitoba sur la réforme de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la LSJPA, de ses préoccupations à propos du projet de loi C-4 et de son approche en ce qui a trait à la réforme de la LSJPA. Le gouvernement du Manitoba s'intéresse depuis longtemps aux questions touchant la criminalité des jeunes et la LSJPA. Depuis 2006, il plaide en faveur d'un renforcement des dispositions de la LSJPA relatives à la mise en liberté sous condition et à la détermination de la peine, réforme qui ferait en sorte de faciliter le placement sous garde des jeunes délinquants ayant commis des infractions graves et des jeunes récidivistes au moment de leur arrestation et l'imposition à ces adolescents de peine d'emprisonnement.
    Pour clarifier les choses, permettez-moi de mentionner que le gouvernement du Manitoba recommande non pas que tous les jeunes contrevenants présumés soient placés sous garde ou se voient imposer une période de placement sous garde, mais simplement que les juges se voient accorder la possibilité de prendre en considération les circonstances de chaque affaire et de rendre des décisions judicieuses fondées sur le comportement de l'adolescent et le risque qu'il pose pour le public, ce qu'ils ne peuvent pas faire en ce moment puisqu'ils ont les mains liées par la LSJPA, qui prévoit une présomption défavorable à la détention avant le prononcé de la peine et aux peines de placement sous garde. L'incapacité de placer sous garde des adolescents « hors de contrôle » non seulement pose un problème de sécurité publique, mais également ébranle la confiance du public à l'égard du système de justice, lequel commence à être considéré comme un système de portes tournantes dans le cadre duquel les délinquants sont remis en liberté aussitôt qu'ils ont été arrêtés.
    Le gouvernement du Manitoba ne s'est pas contenté de faire part de ses préoccupations dans le cadre de réunions fédérales-provinciales-territoriales des ministres responsables de la justice ou dans le cadre de réunions avec le ministre fédéral de la Justice; en septembre 2007, le premier ministre et le ministre de la Justice du Manitoba de l'époque ont pris la tête d'une délégation non partisane comprenant les chefs de l'opposition du Manitoba, les maires et les chefs de police de Winnipeg et de Brandon et des dirigeants communautaires. Cette « mission à Ottawa » visait à faire pression sur le premier ministre, le ministre fédéral de la Justice, le caucus libéral fédéral, le caucus fédéral du Nouveau parti démocratique et les députés fédéraux du Manitoba pour qu'ils modifient la LSJPA de façon à dissiper les préoccupations du Manitoba.
    L'une des principales causes des préoccupations du Manitoba et de la délégation dont je viens de parler était une tendance à la hausse en ce qui concerne la conduite insouciante et dangereuse liée aux vols de véhicules automobiles, l'une des infractions pour laquelle la LSJPA prévoit actuellement une présomption favorable à la mise en liberté et défavorable à l'imposition d'une période de placement sous garde. À Winnipeg, au cours des sept premiers mois de 2007, il y a eu quatre incidents au cours desquels des personnes ont été tuées ou gravement blessées après avoir été happées par des adolescents conduisant des véhicules volés.
    En fait, l'une des personnes qui faisait partie de cette mission à Ottawa était Kelly Van Camp, une femme qui pratiquait le jogging et qui avait été délibérément ciblée et heurtée par un jeune qui conduisait un véhicule volé — elle a été hospitalisée pour des fractures et de graves blessures à la tête. En 2008 et en 2009, d'autres jeunes hors de contrôle ont occasionné des blessures graves et des décès, et, dans certains cas, ce sont des policiers se trouvant à l'intérieur ou à l'extérieur de leur véhicule qui ont été la cible de ces jeunes contrevenants. Nous avons réussi à réduire considérablement, de plus de 75 p. 100 — le nombre total de vols de voiture, mais il faut tout de même que la LSJPA soit modifiée de façon à régler ce problème.
    Passons maintenant au projet de loi C-4. Même si ce projet de loi met en oeuvre quelques-unes des recommandations de réforme de la LSJPA que prône depuis longtemps le Manitoba, par exemple, la reconnaissance de la dissuasion et de la réprobation à titre de principe valide de détermination de la peine imposée aux jeunes contrevenants, à certains égards, il néglige certaines préoccupations soulevées par le Manitoba, et, en fait, marque un recul, dans la mesure où il porte atteinte à la capacité du système de justice pour les jeunes de prendre en charge les jeunes contrevenants hors de contrôle ayant commis des infractions graves. Comme l'ont fait d'autres intervenants avant moi, je tiens à préciser que nous sommes assurément favorables à l'intention et à l'orientation politique qui sous-tendent le projet de loi C-4, mais que quelques-unes de ses dispositions soulèvent, à notre avis, de graves préoccupations.
    Là encore, ce que je vais dire semblera peut-être un peu répétitif, et je tenterai donc d'alléger mes commentaires de façon à ne pas répéter les observations pertinentes qu'ont faites mes collègues à ma gauche. Le gouvernement du Manitoba partage assurément leur point de vue selon lequel le projet de loi C-4 présente trois principaux problèmes. Le premier tient aux amendements touchant la détention avant le prononcé de la peine, le deuxième, aux amendements concernant les peines pour adultes, et le troisième, aux amendements relatifs aux peines de placement sous garde différé.
    Je devrais également mentionner que ces trois préoccupations ont également été soulevées par les procureurs généraux et les solliciteurs généraux de l'Ouest du Canada, lesquels ont milité pour que l'on trouve une solution pour les dissiper.

  (1150)  

    En ce qui concerne le premier problème, plutôt que de supprimer purement et simplement la présomption défavorable à la détention avant le prononcé de la peine, le projet de loi C-4 propose ce qui se révèle être, dans les faits, une disposition de mise en liberté obligatoire empêchant les juges de refuser d'accorder une mise en liberté sous caution aux délinquants ayant commis une infraction ne relevant pas de la nouvelle catégorie restreinte des infractions graves ou ayant commis des infractions comme un outrage à la pudeur, un dommage matériel ou un vol de véhicule d'une valeur de moins de 5 000 $. À moins que le projet de loi S-9 — qui crée une nouvelle infraction — ne soit adopté et édicté, des infractions comme la violation des conditions de la liberté sous caution ou d'autres ordonnances d'un tribunal, l'évasion d'un lieu de détention ou le défaut de retourner dans un lieu de détention au moment requis ne seront pas visées par la définition, peu importe le nombre de fois qu'elles auront été commises. La définition d'« infraction grave » contenue dans le projet de loi C-4 doit à tout le moins être supprimée ou modifiée de façon à ce qu'un éventail plus large d'infractions puissent faire l'objet d'un refus de mise en liberté sous caution, et qu'il soit ainsi possible d'empêcher que la récidive demeure impunie.
    En ce qui a trait aux dispositions relatives à l'imposition de peines pour adultes, le Manitoba partage le point de vue exposé aujourd'hui selon lequel le projet de loi C-4 va au-delà de ce qui est nécessaire pour donner suite aux préoccupations formulées par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. D.B., et que l'application d'une nouvelle norme de preuve — hors de tout doute raisonnable —, au moment de déterminer si une peine pour adultes devrait être imposée aura pour effet de rendre pratiquement impossible, sauf dans de rares cas, l'imposition d'une peine pour adultes. Les dispositions du projet de loi C-4 touchant l'imposition de peine pour adultes devraient être modifiées de manière à ce que l'exigence relative à la norme de preuve hors de tout doute raisonnable soit supprimée et à ce que l'on remette en vigueur la liste de facteurs — par exemple, l'âge, la maturité, les antécédents et le casier judiciaire du délinquant, et les circonstances entourant l'infraction — orientant les tribunaux au moment où ceux-ci doivent déterminer s'il y a lieu d'imposer une peine pour adultes. Un tribunal devrait prendre en considération tous ces facteurs lorsqu'il est appelé à décider si un jeune contrevenant devrait se voir imposer une peine pour adultes.
    Pour ce qui est du placement sous garde différé, le point de vue du Manitoba est, encore là, semblable à celui exprimé par mes collègues de l'Alberta et de la Nouvelle-Écosse, à savoir que rien ne justifie que la LSJPA offre l'équivalent d'une peine d'emprisonnement avec sursis aux jeunes délinquants ayant commis une infraction grave avec violence qui ne peut plus à présent être prise en considération. L'adoption de telles dispositions menacerait la sécurité publique et minerait la confiance du public à l'égard du système de justice. Le projet de loi C-4 doit être modifié pour faire en sorte que les jeunes contrevenants ayant causé ou tenté de causer de graves lésions corporelles ne puissent toujours pas avoir accès à une peine de placement sous garde différé. En outre, il faudrait à tout le moins que, en ce qui concerne les cas où une peine de placement sous garde différé ne peut être imposée, les dispositions du présent projet de loi soient harmonisées avec les mesures législatives s'appliquant aux adultes.
    En conclusion, je demanderais aux membres du comité de se pencher sérieusement sur les préoccupations que j'ai soulevées à propos du projet de loi C-4, et de les dissiper en modifiant le projet de loi avant que l'étude de ce dernier n'aille plus loin.
    Je vous remercie. Je répondrai à toute question que vous voudriez bien me poser.

  (1155)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer la période de questions. Monsieur LeBlanc, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, messieurs, de nous avoir présenté un exposé qui m'a semblé exhaustif et minutieux. À coup sûr, il sera très important pour nous de revenir sur votre exposé et votre témoignage au moment où nous entreprendrons effectivement l'étude article par article et que nous envisagerons la possibilité de proposer des amendements du projet de loi. Je vous suis reconnaissant des efforts déployés par chacun d'entre vous.
    J'aimerais commencer par poser une question au juge Nunn, mais avant tout, je lui souhaite la bienvenue devant le comité de la justice de la Chambre des communes.
    Monsieur Nunn, pour bon nombre d'entre nous, votre rapport a constitué un très important point de référence en ce qui a trait à la façon dont nous pouvons, comme vous l'avez peut-être dit, affiner ou rajuster la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Je partage votre avis selon lequel 90 p. 100 de cette loi fonctionnent bien. À maintes reprises, les membres du comité ont participé à des discussions — et assurément entendu des témoignages de vos collègues ici présents — concernant des aspects de la loi pouvant être améliorés. Comme vous l'avez bien dit, à mon avis, monsieur Hawkes, aucun texte législatif n'est rédigé de façon aussi complexe et maladroite, pour employer des euphémismes, n'est facile à comprendre, et c'est la raison pour laquelle il est utile, selon moi, que le gouvernement ait présenté des suggestions. J'estime que nous pouvons tenter continuellement d'améliorer cette loi. Personnellement, je suis d'avis que, après une période relativement courte, nous ne devrions plus apporter d'importantes modifications — nous devrions laisser le soin aux tribunaux et aux juges d'appliquer la loi pendant une période plus longue avant d'en supprimer de larges pans. Cependant, je crois que nous convenons tous du fait que des rajustements peuvent être apportés.
    Monsieur Nunn, l'un des aspects qui nous préoccupent — ou, du moins, me préoccupent, et préoccupent également, si je ne m'abuse, mes collègues du Parti libéral — est la protection du public et de la société, facteur qui figure en bonne place parmi les principes énoncés au début du texte législatif qui nous intéresse. En d'autres termes, nous sommes préoccupés par l'ordre de priorité des objectifs de la loi. Dans votre rapport, vous avez abordé, judicieusement à mon avis, la question de savoir dans quelle mesure la protection du public devait et devrait, comme il se doit, être l'un des objectifs des lois en matière de justice pénale. Je ne pense pas que nous soyons en désaccord là-dessus, mais nous craignons que le simple fait de substituer la protection du public à la protection durable du public — laquelle supposait, à notre avis, la réadaptation des délinquants — et de faire figurer ce principe en meilleure place dans le libellé de la loi n'incite les tribunaux à faire incarcérer davantage d'adolescents dans des établissements de garde en milieu fermé dans des cas où cela n'aurait pas été justifié n'eût été de cette modification.
    En d'autres termes, tout le monde parle des jeunes délinquants violents et récidivistes et de l'exemple tragique sur lequel votre commission, monsieur Nunn, s'est penchée. Je crois que tout le monde est d'accord pour dire que, dans ce cas précis, le système a échoué. Nous devons être prudents afin de ne pas modifier le libellé de façon à lier, par inadvertance, les mains des juges dans l'avenir et à faire pression sur eux pour qu'ils incarcèrent des adolescents à l'égard desquels des mesures davantage axées sur la réadaptation seraient appropriées et auraient donné de bons résultats.
    De quelle façon vous imaginiez-vous que ce principe dont vous parlez, à savoir la protection du public, serait inscrit dans la loi et serait pris en considération par les tribunaux dans l'avenir? Comment faire pour en arriver à un juste équilibre et nous assurer que les tribunaux ne seront pas contraints ou incités à prononcer une peine d'incarcération alors que, dans les faits, d'autres mesures seraient appropriées?

  (1200)  

    Si je pouvais me rappeler la section du rapport où cet aspect est abordé, je pourrais en parler un peu mieux.
    Je peux vous dire que cette recommandation découle de témoignages qu'ont présentés devant la commission des policiers, plus particulièrement le chef adjoint du service de police de Halifax, qui a fait une très forte impression sur moi, je dois l'admettre. Même s'il n'a témoigné que durant une seule journée, il a assisté à presque toutes les séances de la commission.
    Je ne pense pas que la recommandation en question ouvrirait la voie à la possibilité que les juges disposent d'un grand pouvoir discrétionnaire en telle ou telle matière. Il s'agit simplement de l'un des facteurs qu'ils doivent prendre en considération au moment de traiter l'affaire dont ils sont saisis. Je ne me souviens pas très bien des circonstances précises qui nous ont amené à faire une telle recommandation, mais celles-ci n'avaient pas pour but d'ouvrir la voie à toute une série de peines plus sévères ou à quoi que ce soit d'autre du même acabit. Cela n'était pas le but. Selon moi, tout tenait au principe selon lequel nous devons faire quelque chose pour protéger le public contre ces situations étranges.
    Cela dit, si vous avez écouté les témoignages qui viennent d'être présentés, vous avez entendu dire que, au Manitoba, trois ou quatre personnes avaient été tuées ou gravement blessées par des jeunes délinquants qui se trouvaient au volant d'un véhicule volé. Nous rêvons en couleur si nous croyons que l'auteur d'un tel crime avait volé une seule voiture.
    Qu'il s'agissait de la première fois qu'il volait une voiture.
    Oui, c'était la première fois qu'il volait une voiture — les choses se passent toujours comme cela. C'est l'aspect regrettable auquel nous nous heurtons lorsque nous avons affaire à eux.
    Le cas sur lequel je me suis penché était celui d'un jeune qui avait commis 38 infractions, dont 15 ou 20 avaient trait à des voitures volées. Il avait été emprisonné pour vol de voiture, puis deux jours après sa mise en liberté, il avait commis un autre vol de voiture et tué une femme. Nos recommandations en matière de détention avant le procès visent ce genre de situations, et c'est pour nous attaquer à celles-ci que nous voulons qu'il soit plus facile pour un juge de placer un adolescent en détention avant le prononcé de la peine afin, comme je l'ai dit, de le prendre par le collet, de l'amener au tribunal et de lui dire: « Tu t'en vas en prison pendant un petit moment, pendant que nous nous occupons de ton cas ».
    Je ne sais pas si je l'ai dit dans ce rapport, mais les juges agissaient comme si la LSJPA énonçait qu'aucun adolescent ne pouvait être incarcéré. C'est la façon dont les tribunaux interprétaient la loi. Il était extrêmement difficile de faire incarcérer quiconque. Comme quelqu'un l'a mentionné ici, l'incarcération est autorisée par un article de la loi, mais cet article renvoie à un autre, puis à un autre, et, au bout du compte, il se révèle que la loi n'autorise pas l'incarcération.
    Un procureur de Halifax possédant une vaste expérience dans les affaires touchant les adolescents avait soumis une demande afin que le jeune en question soit incarcéré, et il avait dit au juge: « Écoutez, je ne pense pas que vous pouvez le faire, mais j'aimerais que vous le fassiez ». C'est le genre de choses qui se produisent. Ce n'est pas le meurtrier qui risque de commettre un autre meurtre — de façon générale, les meurtriers ne tuent qu'une seule personne. Cependant, le voleur de voiture récidivera pour le plaisir, et, au cours de l'une de ses balades, il finira par tuer quelqu'un. C'est la raison pour laquelle nous voulons que l'on nous donne les moyens de faire en sorte que ce jeune ne récidive pas.
    Merci.
    Le temps est écoulé pour cette question. Nous allons donc passer à M. Ménard, pour sept minutes.

[Français]

    Moi aussi, j'ai peu de temps. Toutefois, je veux quand même vous dire, avant de commencer, combien j'ai apprécié le mémoire que les ministères de la Justice de l'Alberta et de la Nouvelle-Écosse nous ont fait parvenir. Je note cependant que le ministère de la Justice de l'Alberta s'est un peu éloigné du sujet, c'est-à-dire qu'il a traité d'autres choses. Celui de la Nouvelle-Écosse est resté plus fidèle au sujet. De toute évidence, ce mémoire a été écrit par des professionnels qui connaissent bien le sujet et qui ont des suggestions. Je l'ai lu, j'y ai beaucoup réfléchi et je sens le besoin de le lire et d'y réfléchir à nouveau.
    J'ai aussi été très impressionné par les conclusions du juge Nunn. Je n'en dirai pas plus, car ce n'est pas le rôle des avocats de juger des juges. Ça peut être dangereux, n'est-ce pas? J'estime beaucoup votre raisonnement. C'est à vous, d'ailleurs, que je voudrais adresser ma première question.
    Dans votre recommandation 20, vous suggérez un ajout à l'article 3 qui établit les principes de la loi. Or, les amendements qui sont proposés par le gouvernement ne consistent pas en un ajout, mais en un remplacement. Votre but était de maintenir le premier paragraphe de l'article 3, tout en lui ajoutant ce que vous recommandez dans la recommandation 20. Il s'agit d'ajouter le principe. Il est vrai que dans ce qui suit, on parle encore de programmes de réhabilitation et de réhabilitation. Toutefois, on peut voir que le texte a été un peu nettoyé. Maintenant, on ne vise plus ce qui est recommandé, c'est-à-dire la réinsertion, mais on l'encourage. Le gouvernement apporte donc, dès le début, une différence que vous ne désiriez pas, il me semble.
    Ai-je raison de penser cela?

  (1205)  

[Traduction]

    Si je comprends bien, la perception du public...

[Français]

    Laissez-moi vous résumer mes propos en quelques mots.
    Vous proposiez un ajout, et le gouvernement répond par un remplacement.
    Avez-vous compris la question que j'ai posée?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Elle n'a pas été traduite. Pourtant, j'ai essayé de parler lentement.
    Je comprends que mon temps de parole me sera crédité.
    D'abord, je voulais vous remercier. J'ai trouvé votre travail très impressionnant, mais je ne veux pas me risquer, comme avocat, à juger un juge.
    Des voix: Ah, ah!
    M. Serge Ménard: Bon, je constate que le service d'interprétation fonctionne bien, maintenant.
    À la recommandation 20, vous recommandez au gouvernement d'ajouter une clause selon laquelle la protection du public deviendrait un but essentiel. Cependant, l'amendement que propose le gouvernement vise à retirer le premier alinéa pour le remplacer par cette clause.
    Si je comprends bien, votre désir était d'ajouter cette clause, non pas d'enlever quelque chose pour le remplacer par autre chose.

[Traduction]

    Je disais que cela devait être ajouté à l'actuel article 3.

[Français]

    Effectivement, dans les sous-alinéas qui suivent, on parle de programmes de réhabilitation. Or, on les encourage, alors qu'actuellement, ils font partie des buts essentiels.

[Traduction]

    Les mots que je propose d'ajouter, à savoir « protection du public », figuraient dans la version originale de la loi, mais ont été supprimés avant qu'elle ne soit adoptée. Nous sommes d'avis que ces mots devraient être ajoutés et constituer l'un des facteurs qui viendraient s'ajouter aux éléments que le juge doit prendre en considération au moment d'examiner le cas d'une personne...

[Français]

    Nous sommes tous d'accord. Comme il me reste peu de temps, je voudrais poser ma deuxième question.
    Quand vous avez fait votre étude, avez-vous consulté le rapport du juge Jasmin, juge en chef adjoint au Québec, sur le système de traitement des jeunes contrevenants?

  (1210)  

[Traduction]

    Non, et personne ne m'a suggéré de le faire.

[Français]

    Étiez-vous conscient, à cette époque, que le Québec avait changé sa façon de traiter les jeunes contrevenants au début des années 1980 et que, depuis 1985, de façon régulière, le taux de criminalité juvénile au Québec était très inférieur à celui du Canada, même qu'il représentant, certaines années, moins de la moitié du taux canadien?

[Traduction]

    Je savais que les choses étaient différentes au Québec, mais c'est à peu près tout. Personne n'a soulevé cette question devant moi, et je n'ai pas posé de question à ce sujet.

[Français]

    Revenons au mémoire que j'ai tant aimé. Je constate qu'essentiellement la loi fédérale peut aller, jusque dans une certaine mesure, mais ce qui est important pour lutter contre la criminalité juvénile, c'est la façon dont les provinces l'appliquent.

[Traduction]

    Ce qui nous préoccupe à propos de la disposition relative à la détention avant le procès, c'est qu'elle nous mène jusqu'à un certain point, mais que, par la suite, elle ne s'applique plus pour ce qui est de certaines infractions et ne permet pas aux provinces d'imposer une détention avant le procès à leur égard. Il s'agit de notre principale préoccupation, car les infractions qui ne sont pas visées sont celles que les adolescents ont tendance à commettre. Comme vous l'avez entendu plus tôt, plus un jeune commencera tôt à commettre des infractions sans être incarcéré, plus il commettra d'infractions, et plus il sera susceptible de continuer d'en commettre.

[Français]

    Je reviens maintenant au juge Nunn. Si je comprends bien, l'importance des ressources que la province investira sera probablement ce qui contribuera le plus à diminuer la criminalité juvénile.

[Traduction]

    Je suis d'accord avec vous. L'un des témoins qui se sont présentés devant la commission était le délégué des services sociaux, si je ne m'abuse. À l'époque, les efforts des services sociaux étaient principalement axés sur la violence faite aux enfants, mais il n'y avait aucun moyen d'aider les mères ou les parents de familles monoparentales qui avaient des problèmes avec leurs enfants.
    Je lui ai demandé de me dire quel était le budget dont disposait son organisation pour l'année. Il m'a répondu, si je ne m'abuse, 965 millions de dollars. Je n'en croyais pas mes oreilles, et je lui ai demandé de m'indiquer pourquoi son organisation était incapable, avec un tel budget, d'investir là où c'était nécessaire. Il m'a répondu: « Si nous avions plus d'argent, monsieur, nous pourrions faire cela. » J'ai fait passer un mauvais quart d'heure à ce témoin.
    Toutefois, il s'agit d'argent. Nous devons disposer des systèmes où cet argent sera investi.
    Merci.
    Monsieur Ménard, un total de neuf minutes vous a été accordé. Je crois donc que vous avez été traité de façon équitable.
    Monsieur Comartin, vous avez sept minutes.
    Je n'ai pas droit à neuf minutes moi aussi?
    Une voix: Non.
    M. Joe Comartin: Je suis toujours celui qui pose les meilleures questions. C'est pourquoi vous n'êtes pas disposé à m'accorder plus de sept minutes.
    Merci, messieurs, d'être ici. Je remercie tout particulièrement les représentants des gouvernements provinciaux.
    Je reprends à mon compte les commentaires de M. Ménard. Le mémoire soumis est exceptionnel. Je reconnais à M. Murphy, qui vient juste d'arriver, le mérite d'avoir abordé l'un des points que vous avez soulevés, mais je ne crois pas que les deux autres l'ont été. Nous vous en sommes assurément reconnaissants.
    Toutefois, j'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées que M. Ménard et vous poser moi aussi des questions concernant les dispositions relatives à la protection du public.
    Monsieur MacDonald, vous avez indiqué que vous aviez de l'expérience en matière de rédaction de textes législatifs. Si l'on examine le libellé, on constate que le facteur de la protection du public n'a pas été supprimé, mais qu'en fait, il représente le principal facteur — il domine tous les autres. C'est l'interprétation que je fais du nouvel article. Est-ce une interprétation exacte?
    J'aurais tendance à être d'accord avec cette interprétation. Si j'étais un avocat qui se présentait devant un tribunal, je ferais valoir que celui-ci devrait évaluer les sous-alinéas 3(1)a)(i) à (iii) à la lumière du principe de la protection générale du public. Toutefois, j'avancerais également que la protection du public englobe la protection non seulement à long terme, mais également à court terme du public. Assurément, il déplairait énormément aux procureurs de la Couronne de voir les tribunaux renoncer progressivement à l'idée de réadaptation et de réinsertion sociale. Il s'agit là de principes très importants pour ce qui est des adolescents.

  (1215)  

    Cependant, n'aurait-il pas été préférable, au moment de rédiger l'ébauche de la loi, de simplement inscrire la protection du public sur la liste — j'ignore combien de paragraphes il y a — avec les autres? Pour revenir à ce que disait M. Hawkes à propos de la complexité de la loi actuelle — et je suis d'accord avec vous —, n'aurait-il pas été préférable d'adopter une telle approche au moment de la rédaction de la loi?
    Cela aurait assurément été une autre approche.
    Le rapport du juge Nunn indique expressément que cela devrait être un objectif principal de la loi.
    Il a dit, et je vais le citer...
    Je m'excuse, il s'agit de l'un des principaux objectifs de la loi. Vous avez raison. Cela aurait pu être mis en évidence. Il y a certainement diverses façons de le faire.
    M. Greening a peut-être quelque chose à dire.
    Je veux simplement ajouter que, à mes yeux, il est important de reconnaître — comme l'a fait observer le membre un peu plus tôt — la nécessité d'établir un juste équilibre.
    Si le Manitoba est prêt à soutenir le libellé proposé et l'ajout des principes de dissuasion et de réprobation, c'est notamment en raison d'une affaire assez tristement célèbre, l'« affaire de la boule de billard ». Un adolescent avait mis une boule de billard dans une chaussette et frappé un immigrant irakien derrière la tête. Celui-ci a subi de graves blessures, puis il a été tué.
    La personne qui a frappé l'immigrant avec une chaussette contenant une boule de billard s'est vu imposer une peine de placement sous garde de un jour pour un acte qui, pour l'essentiel, constituait un meurtre. La justification de cette peine tenait à ce que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents n'énonce pas expressément que la dissuasion et la réprobation constituaient des aspects qui pouvaient être pris en considération au moment du prononcé de la peine, interprétation qui a été confirmée par la Cour d'appel du Manitoba.
    J'estime que, par souci d'équilibre, il faut que le tribunal appelé à se prononcer sur le cas d'une personne ayant commis une infraction très grave ou d'un adolescent hors de contrôle dispose de la gamme complète, d'un éventail complet et de la panoplie complète des options.
    Du point de vue du gouvernement du Manitoba, cela ne nuit pas à la réadaptation de la vaste majorité des jeunes contrevenants; toutefois, il est nécessaire de mettre l'éventail complet des options à la disposition des tribunaux ayant à rendre une décision à propos de jeunes récidivistes ayant commis des infractions graves et de délinquants hors de contrôle. Un libellé du type de celui qui a été proposé permet d'établir un équilibre.
    Je serais tenté de réagir à cela en disant qu'il s'agit aussi d'un bon exemple de piètres décisions judiciaires, mais je vais poursuivre, si vous le permettez.
    Monsieur MacDonald, la préoccupation que vous avez soulevée à propos des jeunes hors de contrôle et de la façon... C'est de cela dont il s'agit. Je crois que tant le gouvernement que mon parti reconnaissent qu'une proportion de 5 p. 100, si ce pourcentage fourni par M. Hawkes est exact, en tout cas il est probablement très près de la réalité, à savoir 5 p. 100 ou 7 p. 100... Mon problème, c'est que, lorsque j'ai commencé à exercer le droit, la Loi sur les jeunes délinquants était toujours en vigueur, puis la Loi sur les jeunes contrevenants a été adoptée...
    L'hon. Dominic LeBlanc: C'était au XIXe siècle, n'est-ce pas?
    M. Joe Comartin: La Loi sur les jeunes délinquants remonte effectivement au XIXe siècle, monsieur LeBlanc, mais je n'exerçais pas à cette époque.
    Ce qui me préoccupe tant de ce que vous avez dit, c'est qu'une norme semblable à celle qui était en vigueur sous le régime de la Loi sur les jeunes délinquants serait utilisée, à savoir celle des adolescents considérés comme étant « hors de contrôle », norme dont l'on se servait principalement, dans la vaste majorité des cas, pour évaluer les filles qui refusaient de rentrer à la maison le soir et d'écouter leurs parents. Cela me semble étrange.
    J'imagine que ce que je tente vraiment de faire valoir, c'est que je ne veux pas que nous revenions à un libellé de ce genre. Avez-vous un autre libellé à suggérer que celui qui figure actuellement dans le texte législatif proposé et qui, de toute évidence, est inadéquat? Avez-vous un quelconque autre libellé à proposer? Votre mémoire n'en contient aucun.
    Non, nous n'avons rédigé rien de ce genre.
    J'aime à penser que le fait que la loi comprend toujours des principes touchant la réadaptation et la réinsertion sociale et que l'article 39 comprend toujours des dispositions selon lesquelles le placement sous garde demeure essentiellement le dernier recours continuera de mettre de l'avant les principes généraux visés principalement par les aspects de la réadaptation et de la réinsertion.
    Je comprends bien que vous parlez des 5 p. 100, et je vous dirai donc que, non, nous n'avons rédigé aucune disposition législative spécifique. Il s'agit de l'une des choses — peut-être que si la rédaction législative se faisait en consultation, les divers praticiens —, en d'autres termes, les provinces qui font fonctionner la machine — auraient l'occasion de fournir une contribution. L'absence de consultations en matière législative est l'une de nos préoccupations — nous en parlons dans notre mémoire.
    J'ai vu cela. Si je comprends bien ce qui s'est passé, des réunions ministérielles ont lieu en 2008, et ce projet de loi a découlé de ces réunions, mais celles-ci ont donné lieu à aucune discussion à l'échelon des praticiens?

  (1220)  

    C'est tout à fait exact.
    Puis-je également en conclure que vous n'avez pas eu accès à ce projet de loi ou à l'une ou l'autre de ses parties avant qu'il ne soit présenté?
    Nous n'avons eu aucun accès à ce projet de loi. On ne nous a rien montré. Nous en avons pris connaissance en même temps que le public, le 16 mars.
    Je n'ai pas d'autres questions à poser, monsieur le président.
    Merci.
    Merci, monsieur Comartin.
    Nous allons passer à M. Rathgeber, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de s'être présentés ici aujourd'hui. J'ai apprécié tous les exposés, et je suis d'accord avec mes amis d'en face pour dire que le rapport fourni par les procureurs généraux était très utile.
    Je dois également dire, monsieur le juge Nunn, que j'ai lu votre rapport, et que je suis d'accord avec M. LeBlanc pour dire que, d'un point de vue philosophique, il constitue assurément ce qui, selon moi, devrait être considéré comme le point de référence en matière de prise en charge des adolescents qui enfreignent la loi.
    J'aimerais m'adresser tout d'abord à vous, monsieur le juge Nunn, à propos de l'une de vos recommandations, la recommandation 20. Ma question fait suite à celle que vous a posée M. Ménard à propos de ce que vous recommandez, à savoir que la protection du public devienne l'un des principaux objectifs de la loi. Vu que la loi actuelle mentionne la protection durable du public, je suppose que j'ai deux questions à vous poser. Pourquoi croyez-vous, selon vos recommandations, que le principe de protection du public, l'un des principaux objectifs de la loi, doit être réformé? Plus précisément, je tiens pour acquis que par « protection », vous entendez la protection à court terme, et, par conséquent, la détention avant le procès.
    C'est effectivement ce que j'entendais par protection à court terme. Le problème que posait le principe de protection durable du public, c'est que, pour l'essentiel, il était interprété comme ne pouvant être atteint que par la réadaptation. La loi n'énonçait aucun principe quant à la prise en charge à court terme des personnes dont on devait s'occuper pour protéger le public.
    Si mon ami AB s'était fait pincer et avait été incarcéré avant de commettre sa dixième, sa douzième ou sa treizième infraction, Theresa McEvoy serait toujours vivante aujourd'hui, car le jeune en question aurait été pris en charge et aurait fait l'objet de mesures de réadaptation. Je crois que l'on a considéré que la réadaptation à long terme avait été considérée comme inadéquate.
    Merci.
    Monsieur MacDonald, j'ai trouvé que votre témoignage était très instructif en ce qui a trait à la liste d'infractions qui ne pourraient pas être visées par un placement sous garde, ou du moins à l'égard desquelles il existerait une présomption défavorable. Vous avez mentionné un certain nombre d'infractions, notamment le vol de moins de 5 000 $, la fraude de moins de 5 000 $ et l'évasion d'une garde légale, autant d'infractions que, selon les statistiques, les jeunes contrevenants sont très susceptibles de commettre, comme vous l'avez mentionné si je ne m'abuse.
    Ainsi, lorsque je lis la loi en vigueur et les amendements proposés dans le projet de loi C-4, je bute sur la définition d'« infraction grave », laquelle, je pense, fait l'objet d'un débat. Si vous agissiez comme conseiller du procureur général non pas de la Nouvelle-Écosse, mais du Canada, quelle définition d'«infraction grave » proposeriez-vous de façon à ce qu'elle englobe un bon nombre, sinon la totalité, des infractions qui ne sont pas visées par la définition actuelle, mais qui, selon vous, devraient l'être?
    En ce qui concerne la liste des infractions que j'ai énoncées, je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas seulement d'une présomption contre la détention; elles en sont complètement exclues.
    Il y aurait deux façons de le faire. Vous pourriez élargir la détention avant le procès à toutes les infractions, parce que le critère, tel qu'il est énoncé pour la détention avant le procès, est très sévère. Cependant, si, à titre de politique, vous vouliez établir une distinction entre les infractions graves et celles qui le sont moins, vous pourriez peut-être le faire en ayant une présomption contre la détention, ce qui est actuellement en place; à tout le moins, donnez cette possibilité à la Couronne. Si c'était le cas, je proposerais de revoir la manière dont le critère sur la présomption contre la détention est formulé, parce que les tribunaux l'ont interprété comme étant très très sévère, et que certains tribunaux ont même affirmé qu'il ne pouvait être réfuté — bien que les avis varient à ce sujet.
    Ainsi, je suggérerais que, pour les infractions moins graves, la détention avant le procès soit toujours autorisée, mais qu'il pourrait peut-être y avoir une présomption. Puis, pour les autres, le critère habituel serait appliqué. Ce serait une façon de faire.
    Dans l'ensemble, je pense que nous aimerions que le tribunal dispose de pouvoirs discrétionnaires et de l'outil qui lui permettront de juger toute infraction sur les faits en ce qui a trait à la détention avant le procès, et ce, sans aucune présomption.

  (1225)  

    Merci.
    Monsieur Greening, je sais que Winnipeg a eu une épidémie de vols de voitures. Je pense que vous l'avez mentionné. Et, monsieur le juge Nunn, votre rapport s'appuyait sur le cas d'une personne qui avait commis une série de vols de voitures.
    Que dire de la question du nombre? Est-ce que la définition de la récidive en tient compte? Cela peut-il faire partie intégrante du critère en matière de détention avant le procès, par opposition à la manière dont cette loi définit les infractions graves et celles qui sont moins graves? Que dire d'un critère qui se fonderait sur le nombre d'infractions ou des infractions en série?
    Monsieur Greening, à partir de votre expérience de la situation Manitoba, avez-vous des commentaires à faire?
    Je suppose que la difficulté réside dans la manière de traiter avec les jeunes voleurs de véhicules moteurs. Notre stratégie d'élimination des vols de véhicules de Winnipeg a eu un certain succès, et, comme je l'ai indiqué dans ma déclaration préliminaire, nous avons observé une réduction de 75 p. 100 des vols de voitures. Nous avons donc réussi à faire quelques progrès de ce côté. Mais pour répondre directement à votre question, à savoir s'il faudrait qu'il y ait un nombre de récidives qui s'appliquent, certaines questions entrent en jeu, y compris des questions de preuve. Selon le point de vue du Manitoba, ce qui rend les choses difficiles avec la LSJPA, c'est de tenter de cerner des règles et des critères spéciaux qui font en sorte que les avocats doivent faire des pieds et des mains pour obtenir un placement sous garde dans une situation particulière. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé un argument très simple selon lequel il ne devrait pas y avoir de présomption en matière de détention avant procès ou de peine de placement sous garde. Je pense que c'est quelque chose de très difficile à structurer, parce qu'il y aura toujours un cas qui ne correspondra pas tout à fait, et on se retrouve alors avec un enjeu de confiance du public à l'égard du système de justice.
    Du point de vue du Manitoba, depuis 2006, nous sommes d'avis que nous ne devrions pas jouer avec la formulation d'une présomption ou d'un autre type d'exigence. Je pense que nous devrions reconnaître que nous ne devrions jamais exclure complètement la possibilité d'une peine de placement sous garde pour un jeune incontrôlé dans un cas extrême, et qu'il faut soit élargir la définition d'une infraction grave, soit, ainsi que l'a recommandé le Manitoba, éliminer complètement la présomption.
    Merci.
    Monsieur Hawkes, je présume que, tout comme moi, vous habitez à Edmonton.
    En fait, j'habite Calgary. Désolé.
    À Edmonton, la dernière fois que nous avons eu une semaine de relâche, à peu près au moment de la longue fin de semaine de mai, trois meurtres ont été commis, et tous trois auraient présumément été perpétrés par des jeunes. Je ne sais pas si vous êtes au courant de l'un ou l'autre de ces incidents. Je suis certain que vous en avez entendu parler dans les journaux ou ailleurs.
    Dans le cas des adolescents, l'Alberta soutient-elle la dénonciation et la dissuasion en tant que principes appropriés de détermination de la peine?
    Oui, nous les soutenons. L'ajout de ces facteurs a fait l'objet de différents commentaires de la part des témoins et des membres du comité. Nous les envisageons comme des ajouts à une très longue liste de facteurs de détermination de la peine. Ce n'est pas comme s'ils supprimaient ce qui s'y trouve déjà. C'est un peu comme de diriger un orchestre: nous avons ajouté deux nouveaux instruments à l'orchestre, mais ce sont toujours les mêmes musiciens qui jouent.
    Ainsi, cela offre au juge, dans les circonstances appropriées, la capacité d'avoir recours à ces instruments s'il y a lieu, mais cela n'altère pas toute la nature de la loi. Cela nous donne l'outil supplémentaire pour traiter ce genre de situation quand ce type d'enjeu se présente.
    Merci.
    Je vous remercie tous de vos excellents témoignages ce matin.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Bagnell, pour cinq minutes.
    C'est formidable de vous voir, monsieur le juge Nunn. Je crois que notre parti apprécie vraiment toutes vos recommandations et que nous aimerions mettre la plupart d'entre elles en oeuvre, voire toutes. Les placements sous garde, la détention avant procès, etc., pour les délinquants dangereux, nous sommes d'accord avec vous sur tous ces sujets.
    L'an dernier, je siégeais au Comité de la justice, et nous avons observé une tendance inquiétante. Les témoins qui défilaient devant nous affirmaient qu'il y avait un manque de consultation, laissant entendre qu'il y avait un grave problème d'élaboration de politique. Je n'ai pas été étonné quand vous avez déclaré dans votre mémoire: « Il convient également de noter que les provinces — et j’espère que vous parliez des provinces et des territoires — n’ont été aucunement consultées sur ces questions particulières avant la présentation du projet de loi. […] Les représentants des provinces et les poursuivants n’ont toutefois pas été consultés au sujet des propositions contenues dans le projet de loi. Nous estimons que ce genre de consultations est particulièrement utile, étant donné que les provinces possèdent à la fois une expertise concrète dans ce domaine et qu’elles assument les coûts opérationnels et autres, associés à la mise en oeuvre de ce projet de loi. »
    Je présume que, si vous, leurs partenaires les plus proches, n'avez pas été consultés, les autres experts du système de justice de votre province n'ont probablement pas été consultés non plus, ou encore des personnes qui auraient pu...
    Je suis au courant des tables rondes qui ont eu lieu en 2008, mais d'après ce que je comprends, il s'agissait de consultations de très haut niveau sur le plan conceptuel... Il n'y a certainement pas eu de discussions avec qui que ce soit à mon niveau, ou qui que ce soit qui s'occupe de l'aspect opérationnel de la loi du côté des poursuites. Voilà qui mène aux genres de difficultés que nous avons signalées dans notre mémoire, quand on ébauche des choses dont l'effet réel est contraire à l'effet souhaité.

  (1230)  

    En ce qui concerne la détention avant le procès, bien entendu, nous convenons qu'il nous faut corriger cela pour les délinquants graves, cela ne pose aucun problème. Par contre, je pense que l'une des choses qui empêchent cela, et qui a également à voir le deux pour un, c'est-à-dire la raison pour laquelle nous avons eu un deux pour un et un trois pour un, c'est le manque de capacité pour la réinsertion sociale, la maîtrise de la colère, le traitement de la toxicomanie, l'éducation et tout ce qui se passe pendant cette période avant le procès où, comme l'a rappelé M. MacDonald, la réinsertion sociale est très importante. C'est presque un facteur négatif. Si nous pouvions améliorer cela, il y aurait peut-être davantage d'appuis pour la détention avant le procès.
    Je me demandais si je pouvais répondre très brièvement avant mon collègue.
    Nous avons entendu cela dans les témoignages de certains des témoins. En réalité, en Alberta, du moins, l'accès au traitement est le même pour adolescents en renvoi que pour une personne qui purge une peine pour adolescents; ainsi, les traitements et les programmes disponibles sont les mêmes.
    C'est la même chose en Nouvelle-Écosse. Le programme de traitement, qui est excellent pour les adolescents de la Nouvelle-Écosse, est le même à l'établissement de détention pour adolescents, que vous soyez sous garde ou pas. Assurément, si l'adolescent n'est là que pour quelques semaines, la possibilité d'une réelle participation n'est pas aussi grande, mais le programme est disponible.
    L'accent mis sur la dissuasion nous étonne-t-il? Tous les spécialistes qui ont comparu devant le comité ont affirmé qu'aucun adolescent ne va lire ces changements apportés à la loi, qu'ils ne vont pas savoir qu'il y a une différence, et que cela n'aura vraiment pas d'effet dissuasif. L'effet dissuasif est causé par la croyance des délinquants qu'ont leur mettra la main au collet. Ce n'est donc pas vraiment un gros problème. Je suis content que M. Hawkes ait affirmé qu'il ne s'agissait que d'ajouter un élément au menu, alors c'est parfait.
    Je ne suis pas si certain que ce soit une bonne idée. C'est là où mon opinion diverge de celle de mon ami. Je n'ai jamais pensé que c'était formidable, sauf pour exercer un peu de pression sur le juge, même du côté des adultes.
    Si quelqu'un dévalise une banque, se fait accuser et est envoyé en prison pendant huit ans, ou quelle que soit la durée de la peine, et que je me dis à moi-même: « Je pourrais bien dévaliser une banque moi aussi », le fait que l'autre personne se trouve en prison n'aura pas d'effet dissuasif. Je peux me dire à moi-même, je suis plus malin, je ne vais pas me faire prendre.
    À mon avis, l'effet dissuasif n'est pas très important du point de vue du grand public. La dissuasion pourrait peut-être avoir un certain effet sur le délinquant, sur le plan personnel, mais le simple fait qu'il se retrouve dans le système de justice pénale représente suffisamment de dissuasion. Je ne crois pas que nous en ayons besoin.
    C'est ce que je voulais dire.
    La dernière chose dont je voudrais parler, c'est le fait qu'il sera plus facile d'avoir recours aux peines avec sursis. Je félicite le ministre, en raison de la très importante réduction du taux de récidive et de l'augmentation du taux de réinsertion sociale, qui sont des objectifs, ainsi que l'a mentionné M. MacDonald. Le fait de permettre aux juges d'avoir recours à l'option des peines avec sursis ferait en sorte que la société soit plus sécuritaire, puisque, dans ces cas particuliers, la société est toujours protégée.
    La difficulté se trouve dans le fait qu'il ne s'agit pas simplement d'offrir cette possibilité aux juges. En fait, nous ouvrons toute grande la porte à une toute nouvelle gamme d'infractions auxquelles on ne peut actuellement attribuer de peines avec sursis. Il est difficile de faire une comparaison entre les peines pour adolescents et les peines pour adultes, parce que la durée d'une peine de placement sous garde différée pour un adolescent est si courte que les traitements ou les programmes de réadaptation suivis pendant cette fenêtre de six mois ne peuvent avoir d'effets véritablement durables. En réalité, c'est conçu pour être un traitement-choc très bref, très intense. Il n'est pas vraiment conçu pour le type d'infractions auxquelles il pourrait maintenant être appliqué.
    Merci.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Woodworth, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui. Vraiment, cela fait beaucoup de bien d'entendre des gens qui possèdent de l'expérience de première ligne et réfléchissent selon une logique juridique. Si vous saviez à quel point il est frustrant d'écouter un témoin après l'autre faire des suggestions complètement sans fondement sur le contenu du projet de loi. J'ai beaucoup apprécié ce que chacun d'entre vous a eu à dire. Vous avez bien expliqué que les dispositions du projet de loi C-4 en matière de détention avant procès n'en font pas autant que ce que vous aimeriez, et que les dispositions en matière de peines pour adultes font en sorte que, en réalité, il serait plus difficile qu'un jeune délinquant reçoive une peine pour adultes. En fait, les dispositions en matière de détermination de la peine différée font en sorte qu'il est plus facile qu'un jeune délinquant reçoive une peine différée ou conditionnelle. Je vous remercie donc de tout cela.
    J'aimerais poser une question à M. Hawkes. Si je ne fais pas erreur, une copie de la loi existante se trouve devant lui, n'est-ce pas?

  (1235)  

    Je n'ai que quelques éléments de la loi existante.
    Alors, je vais poser mes questions à M. MacDonald, puisqu'il a la loi existante entre les mains. Ai-je raison d'affirmer que l'alinéa 3(1)a) de la loi existante mentionne effectivement la protection du public?
    En tant qu'objectif à long terme, c'est exact.
    Merci.
    Et ai-je raison d'affirmer que, dans la loi existante, cette mention de la protection du public est un facteur dominant ou un facteur d'interprétation pour les sous-alinéas (i), (ii) et (iii) de l'alinéa 3(1)a)?
    C'est exact, les sous-alinéas (i), (ii) et (iii) sont censés être interprétés compte tenu de la protection durable du public.
    Aurais-je raison d'affirmer que la seule chose que le projet de loi C-4 fait à cet égard consiste à mentionner seulement la protection du public, plutôt que la protection durable du public, et que cela a été déplacé quelques lignes plus haut dans le paragraphe?
    Dans le projet de loi actuel, cela laisserait entendre que les trois sous-alinéas doivent être interprétés en fonction de la protection du public — à court terme, à moyen terme, à long terme, selon toutes sortes de buts.
    Je veux seulement m'assurer d'être clair: l'ancienne loi indiquait aussi que ces trois sous-alinéas devaient être interprétés en vue de favoriser la protection du public, seulement, il s'agissait de la protection durable. Est-ce exact?
    Oui.
    Merci.
    J'ai tenté de faire valoir ce point autour de la table, et il est bon d'obtenir une confirmation juridique. Pour poursuivre, ai-je raison d'affirmer que même dans la formulation du projet de loi C-4, cette question de la protection du public ne va pas supplanter les neuf facteurs énoncés dans les alinéas b), c) et d) du paragraphe 3(1)?
    Non, ils restent là.
    C'est exact. Et la protection du public ne passe pas avant eux, n'est-ce pas?
    Non.
    Merci.
    J'aimerais vous poser quelques questions au sujet des peines pour adultes. D'après ce que j'en comprends, dans la décision rendue dans R. c. D.B., la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnels le renversement du fardeau de la preuve ainsi que la présomption concernant les peines pour adultes. Est-ce exact?
    C'est exact.
    Pourriez-vous me répondre simplement par oui ou non?
    Oui.
    Je vais continuer la discussion sur cette question avec vous, parce que j'ai si peu de temps.
    Ai-je raison d'affirmer que, en réalité, la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnel le renversement du fardeau de la preuve parce qu'il contrevenait au principe de justice fondamentale selon lequel, au moment de la détermination de la peine, les circonstances aggravantes devraient être prouvées au-delà de tout doute raisonnable?
    Des circonstances aggravantes en lien avec l'infraction ou le délinquant... oui.
    D'accord.
    J'aimerais que vous expliquiez aussi clairement que possible pourquoi vous n'êtes pas d'accord pour que le critère d'ensemble doive être prouvé au-delà de tout doute raisonnable, alors que la Cour suprême du Canada affirme que les circonstances aggravantes doivent être prouvées au-delà de tout doute raisonnable.
    Certainement.
    Pour commencer, je ne suis pas le seul à être de cet avis: il y a également la Cour d'appel de l'Ontario, la Cour d'appel de l'Alberta et la Cour d'appel du Québec.
    Si vous me permettez de m'inscrire en faux à ce sujet, ces décisions n'ont-elles pas été rendues avant l'affaire D.B.?
    Eh bien, c'était le cas de la décision de la Cour d'appel de l'Ontario.
    La décision de la Cour d'appel du Québec chevauchait l'affaire D.B., et elle a rendu sa décision avant la Cour suprême. Cependant, il y a eu une demande d'autorisation d'appel présentée à la Cour suprême du Canada après l'affaire D.B., qui a été refusée. Ainsi, si la Cour suprême avait été convaincue que la Cour d'appel du Québec s'était trompée à l'égard du critère, cela aurait été l'occasion idéale pour le lui dire, et elle ne l'a pas fait.
    M. Stephen Woodworth: C'est utile à savoir.
    M. Joshua Hawkes: Et la décision de la Cour d'appel de l'Alberta a été rendue ensuite.
    Excellent, merci de me l'avoir dit.
    Le président: Merci.
    M. Stephen Woodworth: Mon temps de parole est-il écoulé?
    Oui, en effet.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Lemay. J'ai passé son tour tantôt, et soit il est extrêmement généreux soit cela lui a échappé.
    Monsieur Lemay, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    J'ai compris que c'était la dernière journée, monsieur le président, et que vous vouliez faire plaisir à mes collègues. M. Woodworth a posé de bonnes questions. Cela dit, je savais que mon tour allait venir.
    Messieurs, monsieur le juge, mes hommages. Merci du rapport. Il va nous être très utile. Messieurs, vous pourrez dire à vos employeurs respectifs que non seulement votre présence a été utile, mais elle nous a été nécessaire pour la compréhension du projet de loi C-4.
    Je vais vous poser une question en essayant d'être précis. Moi aussi, j'ai été sur le terrain pendant de nombreuses années. Je vais vous donner un cas pratique et...

  (1240)  

[Traduction]

    Un instant.

[Français]

    Ça alors! Remettez le chronomètre à zéro.

[Traduction]

    Écoutez-moi juste une seconde.
    Selon la traduction, vous disiez que c'était « inutile », alors que ce que vous vouliez dire, c'était que c'était « utile », n'est-ce pas?

[Français]

    C'est donc pour ça. Je comprends que vous ne m'aimiez plus.
    Je comprends.

[Traduction]

    D'accord.
    Monsieur Lemay, poursuivez.

[Français]

    C'est pour ça que des guerres ont été déclarées: parce qu'on ne se comprenait pas. On va donc essayer de se comprendre doucement.
    J'ai un cas pratique pour vous, maître Hawkes ou maître MacDonald. Je veux vraiment comprendre. J'ai lu votre mémoire avec grande attention. Vous avez souligné l'article 4 du projet de loi. En conséquence, je vous soumets un cas pratique. Disons qu'un jeune commet un vol qualifié, un vol à main armée. Cela constitue une infraction grave. Il est remis en liberté moyennant certaines conditions. Ce jeune se met à faire des vols. Il entraîne ses copains avec lui, il va faire des petits vols et des virées en auto, et ainsi de suite. Nous avez-vous bien dit que, en pareil cas, on ne pourrait pas garder ce jeune en détention?
    J'aimerais parler de l'article 524, je crois. Enfin, je parle de l'article du Code criminel qui prévoit qu'on peut revoir la remise en liberté d'un individu. Je me pose la question. En vertu de cet article, un jeune pourrait continuer à commettre des délits tant et aussi longtemps que son procès n'aurait pas eu lieu, parce qu'il a été remis en liberté. De plus, on ne pourrait pas l'incarcérer ou révoquer sa remise en liberté en attendant son procès même s'il commet une série de vols. Est-ce bien ce que j'ai entendu?

[Traduction]

    C'est un petit peu plus compliqué que cela. C'est à la page 4 du mémoire, deuxième paragraphe à partir du bas. Pour l'essentiel, la situation est la suivante: si une personne est mise en liberté à la suite d'une infraction très grave pour laquelle elle aurait été admissible à la détention, mais qu'elle n'a pas été incarcérée, qu'elle commet ensuite toute une série d'infractions pour lesquelles elle ne peut être détenue parce que les infractions ne dépassent pas le seuil, alors la Couronne peut la ramener et revoir la caution en vertu de l'article 524 afin de faire annuler ou révoquer la mise en liberté originale. Mais il n'est pas possible de détenir cette personne pour aucune des nouvelles accusations, peu importe leur nombre, si elles ne dépassent pas le seuil d'« infraction grave » tel que défini dans le projet de loi.

[Français]

    Tout ça en vertu de ce qui est prévu là, en vertu de la modification proposée au projet de loi?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Comptez sur nous. Nous allons regarder ça de près, je vous le promets. J'ai toujours prétendu que la réhabilitation, surtout chez les jeunes contrevenants, pouvait commencer en détention provisoire. Si on n'arrive pas à faire cesser les agissements du jeune, on risque de faire face à un problème certain, à un moment donné.
    L'autre sujet qui m'intéresse, c'est l'emprisonnement. On en parle à l'article 18 du projet de loi C-4. Vous avez commencé à répondre à M. Woodworth, mais pour ma part, je veux comprendre la décision de la Cour suprême dans la cause R. c. D.B. Vous dites ceci au sujet de l'article 18: « Cet article va toutefois plus loin. Il propose un nouveau critère pour l’imposition d’une peine pour adultes, et stipule que la norme de preuve applicable à ce critère est la preuve au-delà de tout doute raisonnable. »
    Voulez-vous dire que pour imposer une peine pour adultes, la preuve ne devrait pas nécessairement être hors de tout doute raisonnable, mais qu'elle pourrait être telle que prévue par la loi actuelle?

  (1245)  

[Traduction]

    Deux considérations différentes s'appliqueraient dans le cas d'une audience pour déterminer s'il doit y avoir peine pour adultes. En présence d'allégations factuelles précises — le geste commis a-t-il été planifié et était-il délibéré? La personne a-t-elle apporté une arme? L'avait-on déjà avertie de ne pas faire cela? Oui, la Couronne doit le prouver au-delà de tout doute raisonnable. Mais, présentement, pour obtenir une peine pour adultes, il faut examiner les articles 3 et 38 de la loi afin de voir si trouvant l'équilibre entre les principes énoncés dans ces articles, il est possible d'avoir une peine d'une durée suffisante pour que l'adolescent réponde de ses actes. C'est l'équilibre des principes qui ne peut être prouvé au-delà de tout doute raisonnable. Ce n'est pas le genre de choses dont on peut prouver l'existence. C'est pourquoi la loi actuelle est formulée ainsi: « le tribunal est convaincu ». C'est l'expression critique — « est convaincu » — et c'est ce qui permet d'établir une distinction entre les considérations de principe et les considérations factuelles.
    Le mémoire présente une citation de la Cour suprême du Canada, tirée de la décision R. c. M.(S.H.), qui établit cette distinction. Je comprends que cela relève de la précédente Loi sur les jeunes contrevenants, mais la distinction entre les faits et les principes demeure.
    Merci.
    Nous allons donner la parole à M. Murphy, pour quatre minutes.
    Je vais demander au juge Nunn de donner suite aux propos de M. Woodworth. Au paragraphe 3(1) de la loi elle-même — qui doit être « interprétée de manière souple » c'est-à-dire de manière impartiale, c'est écrit en toutes lettres —, dans la déclaration de principes il est indiqué: « Les principes suivants s'appliquent à la présente loi ». Il y a là beaucoup de couches à interpréter librement dans la déclaration de principes. Puis, les principes suivants s'appliquent: le système de justice criminelle pour les adolescents vise à prévenir la criminalité chez les adolescents, à les réadapter et à assurer la prise de mesures leur offrant des perspectives positives « en vue de favoriser la protection durable du public ». Vous l'avez étudiée et vous savez comment des juges pourraient l'interpréter.
    La loi proposée dit qu'il faut remplacer tout cela. Rien dans son libellé ne précise la manière dont elle doit être interprétée, que ce soit de manière souple, stricte ou autre, et elle commence tout de go en déclarant « le système de justice pénale vise à protéger le public ». Il ne vise pas à prévenir la criminalité ou à réadapter. C'est très différent. Ensuite, elle parle de « viser à protéger le public » en obligeant les adolescents à répondre de leurs actes, en encourageant leur réadaptation et en contribuant à la prévention du crime.
    Selon ce que M. Woodworth nous laisserait entendre, à l'exception de l'omission du mot « durable », les deux lois sont les mêmes. Je suis désolé, je les trouve incroyablement différentes. Je n'ai que 25 ans d'expérience en droit. Vous avez été juge pendant de nombreuses années et vous avez été avocat encore plus longtemps. Je ne veux pas insister sur votre âge, mais vous êtes le sage du Cap-Breton. À votre avis, pourriez-me dire si ces lois sont exactement les mêmes, comme M. Woodworth tente de nous amener à le croire?
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement...
    Monsieur Woodworth.
    ... je ne crois pas avoir utilisé du tout l'expression « exactement ». J'ai simplement souligné le fait que les deux lois énoncent toutes les deux le principe qui vise à favoriser la protection du public et qu'aucune d'entre elles n'y accorde une priorité différente. Je n'ai pas dit qu'elles étaient exactement les mêmes. Ce serait ridicule.
    Je serais d'avis qu'elles sont remarquablement différentes...
    La formulation n'est pas exactement la même, mais l'effet l'est.
    Un instant.
    Ce n'est pas un rappel au Règlement, c'est un point de référence.
    Un instant, vous deux.
    Monsieur Woodworth, ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Monsieur Murphy, poursuivez.

  (1250)  

    Monsieur le président, sauf votre respect, j'aimerais poursuivre mon rappel au Règlement pour rappeler que quand un membre pose à un témoin une question dont la prémisse est inexacte, c'est effectivement une question de procédure.
    Monsieur Woodworth, le Président de la Chambre a plusieurs fois déclaré que les questions contestées, les faits contestés, les débats contestés ne peuvent faire l'objet de rappels au Règlement. Par conséquent, je vais déclarer que c'est irrecevable.
    Monsieur Murphy, je vous en prie.
    Monsieur le juge, je me demande comment vous vous sentez à observer quelqu'un d'autre régler une objection plutôt que d'avoir à le faire vous-même.
    L'argument que je veux faire valoir — et je reconnais qu'il s'agit d'une observation, tout comme M. Woodworth a présenté la sienne —, c'est que je les trouve remarquablement différentes. Nous avons entendu un autre juge à huis clos, qui a laissé entendre que des juges pourraient peut-être interpréter ces dispositions concurrentes différemment. À mon avis, le résultat serait différent, parce qu'un juge pourrait, ainsi que l'indique le libellé: donner la primauté à la « protection du public », et cela pourrait mener à davantage d'incarcérations. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que quand une personne est derrière les barreaux, elle n'est pas libre d'aller où elle veut. C'est évident. Ce n'est pas nécessairement bénéfique pour la protection durable de la société, etc., et, parfois, cela ne favorise pas la réadaptation.
    J'aimerais que vous nous disiez comment, selon vous, ces deux lois sont différentes... c'est-à-dire, à quel point vous les trouvez très différentes.
    Eh bien, je pense qu'elles sont différentes. À mon avis, l'intention — certainement celle de mon approche — était que l'ajout des mots « protection du public » donnerait des munitions au juge et à l'avocat qui devraient régler la question dès la détention avant le procès.
    Ce que je veux dire, c'est qu'il faut avoir le pouvoir de l'amener là. La protection du public au sens où je l'entendais, ce n'était qu'une autre phrase à ajouter à la phrase existante. Il s'agissait de donner une portée à la protection à court terme du public. Je ne recommandais pas d'apporter de changements au...
    La protection durable du public s'appuie sur la réadaptation — c'est la seule interprétation que l'on peut lui donner —, alors que la protection du public dont je parlais était à court terme.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Norlock, pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur comparution. Je vais poser rapidement mes questions.
    J'imagine que vous avez lu les feuillets bleus des témoins qui vous ont précédé. Pour l'essentiel, selon le témoignage de ce qui constitue en réalité un aréopage de témoins, c'était que non seulement l'intention de ce règlement était inadéquate, mais qu'elle était mal formulée. Ils ont affirmé — avec réticence — qu'il y avait quelques éléments rédempteurs, mais que, dans l'ensemble, il valait mieux que nous ne nous penchions pas sur cette question.
    Je ne sais pas comment vous avez interprété leurs témoignages, mais je pense qu'il serait difficile, pour vous ou qui que ce soit d'autre, de faire valoir qu'il était résolument différent de ce que vous avez affirmé aujourd'hui — à l'exception du fait que vous avez dit que la formulation du projet de loi n'en reflétait pas adéquatement l'intention.
    Ai-je raison? Peut-être que M. MacDonald pourrait se prononcer à ce sujet.
    Je pense que vous avez raison; le fait que la formulation ne reflète pas l'intention du projet de loi nous préoccupe.
    D'accord.
    Je vais poursuivre très rapidement, parce que M. Woodworth a encore quelques questions.
    Je vais vous présenter une requête: afin d'aider notre comité, est-ce que vous pourriez, individuellement ou en groupe, suggérer une formulation ou des amendements concernant ce projet de loi? Vous pourriez les remettre à la greffière afin que nos attachés de recherche les examinent.
    Cela m'aiderait considérablement, de même que, je crois, notre comité. Vous avez convenu que la politique et l'intention mentionnées par le ministre étaient... vous étiez d'accord, mais pas avec la formulation. Pourriez-vous tenter de nous orienter, peut-être, quant à la formulation ou encore des amendements?
    Bien entendu, tout cela se ferait par l'entremise de la greffière. Elle s'assurera que tout se fasse dans les deux langues officielles.
    Je ne peux parler que pour moi-même — avec les deux têtes qui opinent du bonnet à mes côtés —, mais je dois vous rappeler qu'aucun d'entre nous n'est rédacteur de loi. Nous sommes des intervenants de première ligne. Je me ferai un plaisir de vous donner mon point de vue au nom du Ministère, mais je ne suis pas rédacteur de loi. Je suis un praticien. Cela étant dit, je me ferais un plaisir d'essayer.
    Merci.
    Oui, nous allons essayer.
    Monsieur Greening, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je veux simplement faire un commentaire sur l'échéance. La semaine prochaine, il y aura une réunion des sous-ministres responsables de la justice; il en sortira peut-être une recommandation. Serait-il possible d'établir une échéance souple afin de nous permettre de réfléchir à une éventuelle réponse?
    Nous n'allons pas nous réunir avant l'automne.
    Il reste encore un assez grand nombre de témoins qui doivent comparaître au sujet du projet de loi, de sorte que j'imagine que nous n'allons pas passer à l'examen article par article de la loi avant au moins le mois d'octobre.
    Nous allons passer à M. Woodworth pour une dernière question. Vous pouvez maintenant participer au débat.

  (1255)  

    Merci. Je voulais seulement m'assurer que les témoins n'allaient pas être traités de façon inappropriée en se faisant poser des questions injustes. Je pense que j'ai fait valoir mon point de vue.
    Monsieur Hawkes, j'ai en ma possession une lettre des procureurs généraux du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, datée du 12 mai 2010, dans laquelle ils énoncent leur position à l'égard de cette loi. Avez-vous pris connaissance de cette lettre?
    Je l'ai lue.
    Je crois comprendre que les procureurs généraux de ces provinces, de même que les représentants élus démocratiquement, au nom du peuple de ces provinces, appuient pleinement le fait de placer le principe de la sécurité du public à l'avant-plan des principes de la loi, si c'est ce que nous décidions de faire. Est-ce exact?
    Je suppose qu'il vous faut répondre par oui ou non.
    Oui.
    J'en comprends que ces procureurs généraux, au nom des citoyens de ces quatre provinces, soutiennent aussi pleinement l'élargissement de la définition d'« infraction violente » afin qu'elle englobe des infractions qui peuvent mettre en danger la vie ou la sécurité d'autrui. Est-ce exact?
    C'est exact.
    Je crois comprendre que ces quatre procureurs généraux, au nom des citoyens de ces quatre provinces, soutiennent également l'ajout des principes de dissuasion spécifiques et de dénonciation à titre d'objectifs de détermination de la peine. Est-ce exact?
    C'est exact.
    Ces quatre procureurs généraux soutiennent également la simplification du processus de cautionnement en le séparant de considérations fondées sur le fait qu'une déclaration de culpabilité puisse entraîner un placement sous garde ou une peine pour adultes. Est-ce exact?
    C'est exact.
    Mais, d'après ce que je comprends de vos observations, vous estimez que le projet de loi C-4 n'en fait pas suffisamment pour que les juges puissent avoir la possibilité de placer des gens en détention avant le procès. Est-ce exact?
    C'est l'une des principales préoccupations, oui.
    De même, votre province estime que le projet de loi C-4 n'en fait pas suffisamment pour permettre aux juges de donner des peines pour adultes en l'absence d'une autre peine appropriée. Est-ce exact?
    Ce n'est pas une question de ne pas en faire assez, monsieur. C'est une question de revenir beaucoup trop loin en arrière et de renverser des principes juridiques bien établis.
    D'accord. J'ai posé toutes mes questions.
    Merci beaucoup.
    Avant que vous ne partiez, j'aimerais vous poser une question rapide. Trois d'entre vous ont soulevé la question de la dénonciation et de la dissuasion. Vous appuyez l'inclusion de ces principes dans le projet de loi, n'est-ce pas? Je ne sais pas si le juge Nunn a donné son accord. Je ne me souviens pas que ce soit le cas.
    Il l'a donné.
    D'accord.
    Mais en ce qui concerne la dénonciation, et plus précisément la dissuasion, bon nombre des témoins qui représentent des organismes de services sociaux axés sur la réadaptation nous ont demandé de ne pas inclure la dissuasion. Ils ont laissé entendre que la dissuasion ne fonctionne pas, ou qu'elle ne fonctionne certainement pas aussi bien avec les adolescents qu'avec les adultes.
    J'observe que le projet de loi lui-même mentionne la dissuasion spécifique, et non pas la dissuasion générale. C'est une dissuasion axée sur un délinquant précis, et il s'agit simplement d'un autre outil dans l'arsenal mis à la disposition d'un juge.
    Êtes-vous d'accord avec la description que je viens de faire?
    Il est essentiel d'établir une distinction entre la dissuasion générale et la dissuasion spécifique. La très grande majorité de la documentation en sciences sociales qui conteste la notion de dissuasion conteste en réalité la notion de dissuasion générale. Je peux dissuader quelqu'un en punissant M. MacDonald plus sévèrement, mais c'est une tout autre question de savoir si je peux dissuader M. MacDonald ou quelqu'un d'autre d'adopter un comportement donné un m'occupant de lui directement. Certains éléments de preuve indiquent que cela a effectivement un impact.
    Merci.
    Je vous remercie tous les quatre de votre contribution aujourd'hui. Votre témoignage nous sera certainement très utile tandis que nous poursuivons l'étude de ce projet de loi et que nous passerons éventuellement à son examen article par article.
    Merci à tous.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU