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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 009 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 15 avril 2010

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Nous sommes un peu en retard, alors nous essaierons de nous rattraper.
    Nous poursuivons notre étude de la Loi sur les espèces en péril, la LEP. Des spécialistes de l'industrie témoigneront devant nous aujourd'hui. Nous avons avec nous M. Patrick McGuinness, qui prendra la parole au nom du comité dont il est président, le Conseil canadien des pêches. Nous avons également avec nous M. Andrew de Vries, directeur de la biologie de conservation et des affaires autochtones, pour l'Association des produits forestiers du Canada, ainsi que Mme Julie Gelfand, vice-présidente du développement durable, pour l'Association minière du Canada.
    Nous vous souhaitons la bienvenue, et nous serons très heureux d'entendre vos déclarations préliminaires. Nous avons très hâte de discuter avec vous.
    Monsieur McGuinness, à vous d'ouvrir le bal.
    Le Conseil canadien des pêches est une association nationale comptant des membres de la Colombie-Britannique, du Manitoba, de l'Ontario, du Québec, des Maritimes, de Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que des régions du Nord où l'on pratique la pêche, soit le Nunavut, le Nunavik au Québec, et le Nunatsiavut au Labrador.
    L'industrie de la pêche est une industrie de 5 milliards de dollars. Nous employons environ 80 000 personnes, ce qui, je suppose, est un petit nombre par rapport à ce que vous voyez dans l'industrie minière et l'industrie forestière. Notre industrie est particulièrement importante dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Elle est importante pour la culture et le PIB dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, et dans les régions nordiques que j'ai mentionnées. Elle est aussi importante pour les collectivités autochtones, qui participent de plus en plus aux pêches en Colombie-Britannique et dans les Maritimes.
    Pour ce qui est des espèces en péril, nous souhaitons que les politiques soient modifiées ou mises à jour afin qu'elles rendent justice à l'unicité des espèces aquatiques. À la différence d'autres espèces sauvages, les espèces aquatiques font actuellement l'objet de trois lois — la Loi sur les pêches, la Loi sur les océans et la LEP —, qui visent leur protection et leur conservation. Nous souhaitons que ces trois lois présentent une plus grande convergence pour ce qui est des espèces aquatiques qui deviennent des espèces menacées ou des espèces en voie de disparition.
    Au ministère des Pêches et des Océans, on déploie des efforts pour faire converger la loi concernant la pêche et la Loi sur les océans; le travail semble bien progresser et suivre un plan bien structuré. Nous souhaiterions que des travaux de ce genre soient aussi réalisés du côté de la LEP. Autrement dit, il reste encore du travail à accomplir pour arriver à harmoniser les exigences de ces trois lois qui portent sur les espèces en voie de disparition. Je dois dire qu'il semble que les rédacteurs de la LEP aient vu de leurs propres yeux ou aient reconnu que les choses se déroulaient ainsi, parce que, comme vous le remarquerez, le préambule dit bien que la LEP sera un complément de la législation existante.
    Le Parlement a fourni au ministère des Pêches et des Océans une somme considérable, et lui a alloué une bonne quantité de ressources humaines, pour la gestion des pêches et la prise de mesures visant la conservation et la préservation des pêches. Grâce aux nombreuses ressources dont il dispose, le ministère est en position de prendre des décisions fondées sur la science et de protéger les espèces et leurs habitats. Le ministère possède les outils réglementaires nécessaires pour gérer les pêches, et les ressources pour vérifier la conformité avec les lois et les règlements et assurer une surveillance.
    Ainsi, que voulons-nous exactement? En gros, nous voulons trois choses. Premièrement, de bonnes évaluations. Je ne sais pas si vous avez eu le loisir de lire le document que nous vous avons fourni, en français et en anglais, mais nous disons qu'il existe un écart entre les méthodes qu'utilisent le COSEPAC et le ministère des Pêches et des Océans pour déterminer l'état des stocks.
    Le COSEPAC se fonde principalement sur le taux de régression sur une période donnée. C'est en gros comme cela que le comité s'y prend pour déterminer si l'état d'un stock est satisfaisant ou préoccupant, ou encore si le stock est en voie de disparition ou s'il est menacé.
    À Pêches et Océans Canada, et dans le domaine des sciences halieutiques en général, on utilise une approche plus globale, soit une approche de précaution, qui s'inscrit dans une approche écosystémique. Ainsi, au lieu de simplement tenir compte du taux de régression, on examine les stocks et on se demande quelle est l'ampleur de la régression à un certain moment, en fonction, si vous le permettez, du point de référence de l'approche de précaution. Si, par exemple, la portée actuelle de la régression d'une certaine espèce se trouve à la droite de la ligne, si l'on veut, c'est habituellement parce que l'état des stocks est bon. Si elle se trouve à gauche de la ligne, c'est que l'espèce se trouve dans une zone « rouge » ou critique. Si elle est très loin de la ligne vers la gauche, c'est que le stock est en voie de disparition ou menacé.
    Donc, en gros, voilà un élément. On se penche aussi sur la trajectoire récente et actuelle du stock. Si vous examinez un stock et constatez qu'il se trouve dans un état plutôt mauvais, mais que sa trajectoire récente et actuelle en est une de croissance, vous arrivez à une conclusion différente que celle que vous auriez tirée si vous aviez seulement examiné l'état actuel du stock et constaté que le stock régressait. Donc vous prenez, en quelque sorte, des décisions fondées sur le risque.

  (1535)  

    L'autre élément qu'on examine est ce qu'on appelle la productivité actuelle du stock. Par exemple, une grande quantité de poissons adultes dans un stock est un signe positif. Cela signifie que le stock se régénère et qu'il a la capacité de se régénérer. Par ailleurs, si la productivité naturelle d'un stock est basse, ce qui peut être causé par la salinité de l'eau ou la température des océans, c'est mauvais signe.
    Tout ce que nous voulons dire, c'est qu'il existe une coupure: d'un côté, nous avons l'approche du COSEPAC, qui ressemble à une formule, et de l'autre côté, nous avons la seconde méthode, qui est fondée sur la réalité complexe des écosystèmes aquatiques. Pendant des années, les collectivités du domaine des pêches ont appliqué l'une de ces méthodes, soit celle de l'approche de précaution et de l'approche écosystémique. Essayer de convaincre la collectivité de plutôt utiliser une approche directe fondée sur le taux de régression est difficile, et, vraiment, à notre avis, c'est inapproprié.
    C'est la première chose que nous voulons: des évaluations bien faites.
    L'autre chose sur laquelle nous souhaitons que des progrès soient faits est la gouvernance. En gros, nous souhaitons que soit mise en place une sorte de procédure de transition immédiate lorsque des espèces se régénèrent et deviennent des espèces préoccupantes, et rendent inappropriés les outils de la LEP — qui prévoient une interdiction pour les espèces en voie de disparition et les espèces menacées. Ensuite, au lieu d'avoir un seul outil, cela pourrait être régi par la Loi sur les pêches, qui présente une série d'outils de gestion, comme la fermeture de la zone où se trouvent les poissons destinés à la reproduction. Tous ces types d'outils de gestion peuvent être utilisés pour gérer les pêches une fois que les espèces concernées sont considérées comme préoccupantes.
    C'est tout ce que nous demandons. À mon avis, il s'agit de bonne gouvernance. Si nous avons des collectivités de pêcheurs et des collectivités autochtones qui dépendent des pêches, ces collectivités devraient pouvoir être informées lorsqu'un stock retrouve une certaine biomasse et entre dans la catégorie des espèces préoccupantes, car il peut alors être géré avec des outils autres que l'interdiction.
    Voilà ce que font l'industrie minière et l'industrie forestière, lorsqu'une collectivité entière est affectée. Dans l'industrie minière, par exemple, les responsables disent aux employés que la mine ferme parce qu'il n'y a plus de minerai dans la région, c'est tout. Par ailleurs, si une mine ferme à cause de raisons économiques ou mercantiles, ou parce qu'il existe un surplus sur le marché, les responsables disent aux employés qu'ils ferment mais qu'il est très probable que la mine rouvre à un moment donné. C'est tout ce que nous demandons. Nous le demandons pour les collectivités de pêcheurs et les collectivités autochtones qui gagnent leur vie grâce aux pêches ou à la pêche commerciale, parce que l'inscription d'espèces à titre d'espèces en voie de disparition ou d'espèces menacées a beaucoup d'effets sur leurs activités.
    Notre dernier point porte sur le paragraphe 83(4) de la LEP, qui présentent les exemptions s'appliquant aux activités autorisées. Il semble que cette partie soit ambiguë. Le Conseil canadien des pêches a fait partie de chacun des groupes d'étude sur les espèces en voie de disparition qui devaient rendre des comptes à la ministre Sheila Copps. C'était un paragraphe très important pour nous.
    Il indique que si vous avez un plan de gestion des pêches et des espèces aquatiques inscrites qui fait partie d'un programme de rétablissement autorisé, et que si vous pêchez par hasard un poisson d'une espèce inscrite et le sortez de l'eau, et que s'il est mort et est maintenant de la nourriture, plutôt que de remettre le poisson mort ou la nourriture à l'eau, vous pouvez le ramener sur la rive et le faire entrer, en quelque sorte, dans le système alimentaire. Nous avons toujours cru que c'est ce que ce paragraphe signifiait, mais récemment, j'ai compris que beaucoup le comprenaient différemment.

  (1540)  

    Bien entendu, cette disposition doit être assortie de toutes sortes de conditions. Par exemple, le loup de mer compte actuellement parmi les espèces de la liste. Heureusement, ce poisson ne nage pas en eau profonde et nous participons à des efforts de rétablissement. Si nous le prenons dans nos filets, nous pouvons le remettre vivant dans l'eau.
    Enfin, je dirais que nous trouvons la LEP inutilement normative dans certains domaines. La plupart des lois qui sont adoptées de nos jours sont axées sur les résultats, c'est à dire qu'elles partent du principe « voilà le résultat visé et faisons ce que nous pouvons pour l'atteindre ». Par exemple, quand la LEP a été adoptée, elle a imposé une période arbitraire de neuf mois, ce qui, dans notre industrie, complique les choses en raison de la nature saisonnière des activités de pêche. La situation est d'autant plus complexe en raison de la participation accrue des collectivités autochtones à l'industrie des pêches en Colombie-Britannique et à celles de la pêche maritime et de la pêche dans le Nord et, si vous voulez, parce qu'il faut maintenant consulter ces collectivités pour en arriver à une décision.
    Merci beaucoup. Veuillez m'excuser d'avoir dépassé le temps alloué.
    Merci, monsieur McGuinness.
    Monsieur de Vries, la parole est à vous.
    Bonjour, chers membres du comité.
    Je suis Andrew de Vries de l'Association des produits forestiers du Canada. Nous représentons des sociétés membres partout au Canada, qui oeuvrent dans toutes les provinces.
    Nous sommes ravis d'être ici aujourd'hui pour parler de l'examen quinquennal de la LEP. Nous avons fermement appuyé la mise en place de la LEP et avons travaillé, de concert avec d'autres groupes, à son adoption. Les sociétés membres de l'APFC travaillent depuis six ans avec la loi sur le terrain de même qu'à l'occasion de réunions sur le rétablissement et de rencontres avec des fonctionnaires fédéraux et provinciaux en vue de discuter de sa mise en oeuvre et de son efficacité concrète. Ces travaux nous ont permis de constater qu'il serait possible d'améliorer quelques aspects de la LEP, tant législatifs que stratégiques, tout en garantissant le maintien d'un cadre réaliste de protection des espèces en péril.
    Nous avons relevé sept domaines de préoccupation: tout d'abord, la mise en oeuvre; deuxièmement, la prise en compte des intérêts socioéconomiques; troisièmement, les définitions propres aux termes « résidence » et « habitat essentiel »; quatrièmement, l'autorisation des activités ne touchant l'espèce que de façon incidente; cinquièmement, les exemptions, comme l'ont dit mes collègues; et sixièmement, les accords de conservation. Par souci de concision, lorsque j'aborderai aujourd'hui les points quatre, cinq et six, je les cumulerai en un tout générique étant donné que nous voyons ces choses comme des outils que nous pouvons utiliser sur le terrain. Enfin, comme septième point, nous voyons la nécessité d'un autre examen parlementaire à l'issue du présent examen.
    Tout d'abord, pour ce qui est de la mise en oeuvre, l'APFC constate comme plusieurs autres intervenants que la mise en oeuvre de la LEP est très lente. Pour nous, l'essentiel de la LEP tient en la planification du rétablissement et des mesures destinées à garantir la survie et le rétablissement des espèces, tout en permettant la planification et la réalisation d'autres activités comme l'exploitation forestière en vertu de permis ou d'accords de conservation appropriés.
    Les ministères fédéraux, de concert avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, ont commencé à déployer de sérieux efforts en planification du rétablissement; des plans de rétablissement sont déjà disponibles, même si nous savons tous que bon nombre de ces plans arrivent en retard. En outre, à ce jour, un seul plan d'action a été publié, au sujet de la physe des fontaines de Banff dans le parc national de Banff.
    Également, comme l'ont dit d'autres témoins, il n'existe pas de mécanismes officiels et efficaces pour la délivrance de permis, les exemptions et les accords de conservation pour les grandes industries comme la nôtre.
    Nous croyons que la lenteur de la mise en oeuvre a engendré de la frustration chez certains groupes et nous commençons à voir la LEP appliquée par les tribunaux plutôt que par des mesures volontaires axées sur la collaboration. Nous encourageons le gouvernement fédéral à continuer de chercher des moyens d'accélérer la mise en oeuvre de la LEP et nous pensons que les mesures que nous recommandons peuvent y contribuer.
    Pour ce qui est des intérêts socioéconomiques, lors de l'adoption de la LEP, le Parlement savait sans doute qu'il faudrait rechercher l'équilibre entre, d'une part, la nécessité d'assurer la survie et le rétablissement des espèces et, d'autre part, la nécessité de tenir compte des réalités socioéconomiques. Au moment où nous commençons à mettre en pratique la LEP, nous pensons qu'il faudrait préciser les enjeux socioéconomiques. Le ministre tient compte des aspects socioéconomiques lorsque vient le temps d'ajouter des espèces à la liste. Nous proposons que cette pratique soit inscrite dans la loi.
    Nous percevons une certaine confusion dans l'application des aspects socioéconomiques au stade de la planification du rétablissement. La LEP est très claire: les aspects socioéconomiques doivent être pris en compte au stade de la planification des mesures; toutefois, elle demeure floue quant aux actions à entreprendre au stade de la planification du rétablissement, et nous croyons que cette situation engendre une certaine confusion.
    Pour de nombreuses espèces, la recherche de l'équilibre entre conservation de l'habitat et intérêts socioéconomiques débute à l'étape de la planification du rétablissement. Nous proposons que le paragraphe 41(1) de la loi soit révisé de manière à tenir compte des aspects socioéconomiques, surtout en raison du fait que l'élaboration des plans d'action peut prendre du temps, comme nous le constatons.
    Rapidement, au sujet des définitions des termes « résidence » et « habitat essentiel », je dirais qu'au bout du compte, comme vous le savez, la loi dépend dans son application concrète des définitions qu'elle contient. La LEP présente la complexité additionnelle de nous obliger à faire correspondre nos mots à la nature, les espèces visées étant très variées, allant des tétards aux épaulards en passant par les renards.
    Certaines de ces créatures n'ont pas de résidence, comme un nid ou une tanière. D'autres ont des espaces distincts qui peuvent être définis comme des habitats essentiels; d'autres encore, comme le caribou et le saumon, se déplacent continuellement sur de grandes distances au Canada, dans des habitats qui ne sont pas essentiels à leur survie mais où des industries comme la nôtre mènent des activités.
    De plus, nous estimons que la LEP accorde une importance démesurée à l'habitat essentiel alors que, pour de nombreuses espèces, d'autres facteurs environnementaux limitatifs jouent également un rôle important, notamment la prédation, les maladies et les parasites, les conditions météorologiques et, pour les oiseaux, les aires d'hivernage dans d'autres pays.
    Nous recommandons donc au comité d'examiner nos propositions afin que des changements soient apportés aux politiques et que des modifications soient apportées au paragraphe 41(4) de la LEP, pour mieux établir ces définitions.
    Au sujet de la délivrance de permis, des exemptions et des accords de conservation, comme je l'ai souligné précédemment, la LEP dépend de la planification du rétablissement et des mesures, bien qu'elle autorise la planification et la réalisation d'autres activités, comme l'exploitation forestière, en vertu de permis, d'exemptions et d'accords de conservation. Il s'agit de volets distincts de la loi mais, pour des raisons d'économie de temps, permettez-moi de vous faire part de nos préoccupations générales au sujet de ces aspects car, essentiellement, il s'agit des outils que nous utilisons pour réaliser la gestion forestière tout en conservant les espèces.

  (1545)  

    À notre connaissance, il n'existe pas de mécanisme officiel et efficace qui garantisse que les permis, les exemptions et les accords de conservation peuvent être demandés, négociés, accordés et mis en place en peu de temps, dans le cas d'industries majeures comme la nôtre. L'industrie forestière est omniprésente au Canada. Il existe des cas où notre industrie aurait bien besoin de tels mécanismes pour assurer la conservation appropriée des espèces.
    Par exemple, en vertu des articles de la LEP qui portent sur les permis, on n'autorise pas la délivrance de permis d'une durée supérieure à cinq ans, ce qui peut poser problème. Nous disposons d'installations industrielles et nous planifions la gestion forestière sur des décennies. Nous pourrions nous trouver dans la position où, ayant complété un important travail de planification en vue des processus provinciaux, nous devrions tout recommencer un an ou deux plus tard pour satisfaire au processus du permis fédéral.
    Pour ce qui est des accords de conservation, nous appuyons fortement le rôle de ces accords dans la coopération et les mesures volontaires d'intendance pour atteindre les objectifs de la LEP. En fait, nos membres sont déjà engagés dans des activités de conservation, et plus de trois millions d'hectares d'habitat boréal du caribou ont été conservés au cours des 10 dernières années.
    Nous croyons que les dispositions concernant les accords de conservation devraient être élargies de manière à permettre l'autorisation de certaines activités. De plus, comme l'a suggéré mon collègue, les dispositions relatives aux exemptions devraient être clarifiées de manière à garantir qu'elles s'appliquent dans le cas de conformité à un accord de conservation.
    En ce qui concerne la délivrance de permis, nous avons des propositions pour les paragraphes 73(3), 73(9) et 73(10). Au sujet des exemptions, nous aimerions faire réviser les paragraphes 83(1) et 83(4). Enfin, nous aimerions présenter des propositions pour l'article 11.
    J'aimerais ajouter, en terminant, que nous constatons qu'il reste beaucoup d'améliorations à apporter à la LEP, du point de vue législatif et en matière stratégique. Nous avons fait de grands progrès en six ans, mais je crois que nous ne saisissons pas encore toute la portée de la loi et toutes ses nuances. Nous suggérons respectueusement au Parlement de procéder à un deuxième examen sept ans après le premier, conformément à l'article 129. Nous pourrons présenter nos propositions détaillées à la greffière dès le début de la semaine prochaine, dans les deux langues officielles.
    Merci.

  (1550)  

    Merci beaucoup pour votre rapport, monsieur de Vries.
    À vous, madame Gelfand.

[Français]

    Bonjour à tous les membres et merci de cette invitation à témoigner devant vous aujourd'hui.

[Traduction]

    Je suis désolée de ne pas avoir pu vous envoyer mon exposé à l'avance. J'étais malade hier et je suis à peine remise aujourd'hui, donc je ferai de mon mieux.

  (1555)  

[Français]

    Je répondrai aux questions en français ou en anglais après mon allocution.

  (1600)  

[Traduction]

    À la fin de mon exposé, j'aurai également un mémoire à vous présenter au nom d'un groupe de partenaires de l'industrie et d'organisations environnementales.
    L'Association minière du Canada est l'organisation nationale de l'industrie minière canadienne. Nous représentons des entreprises qui oeuvrent dans le domaine de l'exploration et de l'exploitation minière, de la fonte, de l'affinage et de la fabrication de produits semi-finis. Nous produisons la grande majorité des métaux et des principaux minéraux industriels du Canada. En 2005, l'AMC a été honorée par la fondation GLOBE, qui lui a remis le prix de performance environnementale décerné aux associations industrielles, pour sa stratégie « Vers le développement minier durable », dans le cadre de laquelle elle demandait aux entreprises de s'évaluer et de s'attribuer des points selon divers indicateurs liés au développement durable.
    Étant l'un des plus importants producteurs de minéraux et de métaux au monde, le Canada a prospéré au cours des 20 dernières années grâce à des politiques minières qui profitent à tous les Canadiens. Reconnu comme chef de file de l'industrie minière, le Canada possède dans ce domaine des entreprises d'exploration, de production, d'approvisionnement et de services qui sont sans égales dans le monde et font l'envie de tous les pays producteurs de minéraux. Il suffit de se rendre à la conférence de 20 000 personnes de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, qui a lieu chaque année à Toronto, pour constater à quel point le monde entier fait confiance au Canada en matière de développement minier.
    L'AMC, tout comme l'APFC, le Conseil canadien des pêches et plusieurs de nos partenaires industriels, collabore avec des intervenants non gouvernementaux et des représentants gouvernementaux depuis le début du débat entourant la Loi sur les espèces en péril. Nous faisions partie du groupe de travail sur les espèces en péril, dont étaient également membres l'APFC, le Club Sierra du Canada, Nature Canada et la Fédération canadienne de la faune, groupe qui a formulé des recommandations conjointes au gouvernement au cours des neuf années de développement de cette loi. Depuis l'adoption de la LEP, l'AMC est un membre actif du comité consultatif sur les espèces en péril, qui conseille les ministres de l'Environnement et du MPO.
    Tout récemment, nous avons approuvé un cadre stratégique sur la conservation de la biodiversité pour les membres de l'AMC. Je l'ai ici et je peux vous en remettre une copie. On y déclare: « Les membres de l'AMC reconnaissent que l'accès aux terres et le permis social de toute entreprise sont intimement liés aux pratiques responsables qu'elle adopte sur les plans social, environnemental et économique, et que l'analyse justifie en tout point que l'industrie appuie la conservation de la biodiversité. »
    L'énoncé du cadre stratégique se poursuit ainsi: « Les membres de l'AMC collaboreront avec les principales communautés d'intérêts afin d'élaborer et de mettre en oeuvre des politiques et des pratiques responsables afin d'intégrer l'importance de la conservation de la biodiversité, dont le respect des habitats critiques, aux activités minières, à la planification de l'utilisation des terres et aux stratégies de gestion, de même que d'envisager l'option de ne pas aller de l'avant avec certains projets miniers. » Ce n'est là qu'une partie du cadre. En novembre dernier, les membres de l'AMC ont approuvé un nouvel indicateur, et ils s'autoévalueront désormais en fonction de la conservation de la biodiversité et rendront les résultats publics.
    Les membres de l'AMC possèdent une assez bonne expérience du travail avec les espèces en péril. J'aimerais en citer quelques exemples.
    La mine Raglan de Xstrata Nickel, située à Rouyn-Noranda, au Québec, a annoncé en mai dernier des investissements de 350 000 $ dans un vaste programme de recherche visant à mieux comprendre les mouvements et les déplacements des populations de caribous migratoires du Québec et du Labrador dans le contexte actuel des changements climatiques.
    Depuis les années 1990, l'entreprise Vale Inco de Terre-Neuve appuie la recherche sur l'érioderme boréal, une espèce menacée partout dans le monde, ainsi que sa transplantation. Le Canada et Terre-Neuve possèdent l'une des dernières populations importantes de ce lichen qui subsistent toujours. Les investissements dans ces recherches, qui durent depuis plus de sept ans, s'élèvent encore une fois à plus de 350 000 $.
    Les concessions minières de Vale Inco au Manitoba couvrent 140 kilomètres carrés. Le territoire est habité par deux troupeaux de caribous des bois. Vale Inco a noué un partenariat avec le comité consultatif sur le caribou des bois de la région du Nord-Est afin de travailler à la planification du rétablissement de l'espèce.
    Un autre projet de Vale Inco, celui-là à Sudbury, porte sur le cas d'un faucon pèlerin dans une mine à ciel ouvert. En effet, un faucon pèlerin a fait son nid dans la paroi de la mine, et un autre niche dans un édifice qui contient des produits chimiques toxiques et qu'on a prévu démolir et reconstruire. Dans les deux cas, Vale Inco travaille avec des spécialistes en biologie des oiseaux afin d'installer des nichoirs artificiels, et avec le ministère des Ressources naturelles pour essayer de déterminer comment exploiter la mine de façon à ne pas déranger le faucon pèlerin et à assurer son retour à son habitat.
     En se fondant sur toutes ces expériences, les membres de l'AMC ont formulé des recommandations pour le comité. Elles ressemblent beaucoup à celles que vous avez entendues de la part des associations de produits forestiers et d'autres industries.
    Dans notre première recommandation, nous encourageons les ministères fédéraux à accélérer l'élaboration de définitions, de politiques, de programmes et de règlements dans le cadre de la LEP. Cette loi est entrée en vigueur il y a cinq ans, et de nombreuses questions subsistent sur une foule d'aspects de son application. Nous ne connaissons toujours pas les définitions de « protection efficace » et de « habitat essentiel ». Les plans de rétablissement ont pris du retard. Le COSEPAC n'a pas assez de fonds pour produire des évaluations d'espèces. Aucune politique n'a été élaborée sur des questions telles que les accords d'intendance, les programmes d'indemnisation, les systèmes de délivrance de permis, etc., ce qui occasionne des incertitudes.
    Nous recommandons le financement intégral des directions vouées aux espèces en péril du ministère de l'Environnement, de Parcs Canada et du ministère des Pêches et des Océans, afin de permettre l'élaboration de politiques, de procédures et de programmes dans des délais rapprochés. Nous croyons également que le COSEPAC devrait être financé intégralement.
    Notre deuxième recommandation vise à faire amender la LEP afin de prolonger la durée des permis et de gérer les installations existantes, ce qui revient au problème soulevé par Andrew. Les mines durent au moins 10 ans et jusqu'à 80 ans dans certains cas. Certaines collectivités sont construites sur une mine; Sudbury en est un exemple. Il nous faut donc instaurer un mécanisme qui permette d'obtenir un permis avant d'entreprendre des investissements d'une telle envergure. Dans notre cas, il faudra également une solution relativement aux droits acquis des sites miniers existants.
    Notre troisième recommandation porte elle aussi sur la nécessité d'encourager les accords de conservation. À notre connaissance, aucun accord de conservation n'a été signé depuis les premiers stades de l'entrée en vigueur de la LEP, et nous croyons qu'il faudrait élargir la portée des accords de conservation et les promouvoir auprès des entreprises minières et d'autres acteurs de l'industrie.
    Enfin, nous croyons que le COSEPAC et le RESCAPE devraient être chargés de consulter le secteur privé afin de se renseigner sur la condition des espèces. Bon nombre de nos entreprises recueillent des données sur les espèces qui s'approchent de leurs installations ou circulent aux alentours. En fait, elles le font toutes. Ces données devraient servir à l'élaboration de plans de rétablissement et de plans d'action.
    J'aimerais maintenant vous lire un texte en particulier.
    Certaines organisations parmi les plus importantes de l'industrie primaire canadienne ont préparé des mémoires pour ce comité relativement à l'examen de la LEP prévu par la loi. Bon nombre de ces organisations, de même que plusieurs qui n'ont pas présenté de mémoire en tant que tel, et les nombreux groupes qu'elles représentent sont unanimement préoccupés par la difficulté d'obtenir l'autorisation d'exercer leurs activités en vertu de la LEP, malgré leur très grande participation dans les projets de rétablissement locaux et leur coopération avec les organismes gouvernementaux.
    Ces groupes ont formé une alliance afin d'élaborer des suggestions précises de modifications à la LEP qui prennent en compte ces préoccupations. À cet effet, ils ont ébauché un bref mémoire à l'intention de ce comité au sujet des problèmes communs auxquels ils font face, et ils ont proposé des améliorations à la LEP afin d'y remédier.
    Certaines organisations environnementales non gouvernementales ont également préparé des mémoires pour ce comité sur la nécessité d'apporter certaines modifications à la LEP. Vous entendrez plusieurs de leurs recommandations lorsqu'ils viendront témoigner devant ce comité, le 27 avril prochain.
    Au cours des dernières semaines, les partenaires de l'industrie et les ONGE ont conjointement mis en place un mécanisme leur permettant de discuter de leurs propositions respectives et de déterminer s'il est possible de s'entendre sur les modifications nécessaires afin de remédier aux lacunes que les deux groupes ont décelées dans la LEP. Les questions spécifiques qui font l'objet de discussions au sein du groupe sont les suivantes: la délivrance de permis, les accords de conservation, la décision de ne pas inscrire certaines espèces, les plans d'action et les stratégies de rétablissement et la définition des termes survie et rétablissement.
    Les deux groupes constatent que, pour certaines de ces questions, il y a consensus sur la nécessité d'apporter des améliorations et sur la direction que doivent prendre les changements. Cependant, en venir à un commun accord sur la formulation détaillée des solutions s'avère une tâche difficile dans certains cas, ce qui n'est pas étonnant, je présume.
    Néanmoins, les parties sont confiantes que les discussions se dérouleront assez rapidement — nous avons des conférences téléphoniques chaque semaine — et qu'elles seront en mesure de soumettre au comité des propositions concertées de modifications avant que le comité ait terminé son examen. Les deux groupes demandent au comité de confier à Environnement Canada et au ministère des Pêches et des Océans le mandat de préparer des recommandations relatives à la LEP afin de mettre en place un cadre stratégique approprié.
    Merci beaucoup.
     Merci beaucoup.
    Avant de passer aux questions, j’aimerais dire aux membres du comité que s'ils sont d'accord, nous allons essayer de garder environ 10 minutes à la fin de la séance pour parler à huis clos de la séance de mardi prochain.
    Cela dit, nous commençons notre tour de sept minutes.
    Monsieur McGuinty, pouvez-vous commencer?
    Oui. Merci, monsieur le président.
    Madame Gelfand, messieurs, je vous remercie de votre présence.
    J’aimerais revenir sur votre dernier commentaire. Vous dites qu'il y a maintenant un processus au sein duquel l’industrie et les groupes environnementaux collaborent et travaillent ensemble en vue d'arriver à un consensus sur les modifications qui seront nécessaires.
    Lors de votre dernière présence, le 2 juin 2009, je vous avais demandé si vous pouviez faire la synthèse, en une page, de vos recommandations. À l’époque, le débat portait sur la Loi sur les espèces en péril et vous vous étiez engagés à nous envoyer un texte d'une page ou deux contenant vos recommandations.
    Nous n’avons rien reçu, monsieur le président. Je crois que le suivi n’a pas été fait.
    Quoi que vous nous présentiez, ça nous sera utile, et plus vos recommandations seront diversifiées, mieux ça sera pour nous. Si vos recommandations avaient suivi un processus avant d’arriver ici et qu'elles résultaient d’un accord entre les groupes environnementaux et l’industrie sur les changements possibles, notre travail concernant les recommandations qui se trouveront dans le rapport en serait grandement facilité.
    Si la chose s'avère possible, j’aimerais parler à chacun d'entre vous trois, afin que vous nous aidiez à comprendre quelque chose.
    Monsieur McGuinness, vous avez mentionné des différences entre les approches du MPO et du COSEPAC visant à déterminer les stocks — j’ai d'ailleurs bien aimé cet éclairage —, et vous avez parlé de la difficulté de concilier deux approches scientifiques fondamentalement différentes. Vous avez dit que la communauté aquatique au sens large aurait du mal à accepter l’approche fondée sur le taux de déclin du COSEPAC plutôt qu’une approche de gestion prudente des écosystèmes qui a évolué avec le temps. Pourquoi?
    Je dois dire que l'approche du MPO correspond généralement à ce qu’on appelle une « science des pêches ». Notre communauté croit que l’approche actuelle, qui est une approche prudente fondée sur les écosystèmes et les fluctuations naturelles des espèces aquatiques, est un reflet de la réalité. C’est le monde réel.
    Nous avons vu les stocks baisser. Nous les avons vus remonter. Il faut se fonder sur des faits scientifiques et sur un portrait des divers facteurs existants avant de prendre une décision. Les décisions sont toutes fondées sur les risques et en ce moment, il s’agit de déterminer si une espèce donnée risque de disparaître. Les scientifiques peuvent observer un certain nombre de facteurs et tirer une conclusion.
    Monsieur McGuinness, les scientifiques du COSEPAC appuieraient-ils votre évaluation?
    Par exemple, un scientifique des pêches pourrait utiliser le modèle du COSEPAC et décider ou recommander de déclarer qu'une espèce donnée est menacée. On vient de le faire avec la plie canadienne. Le même scientifique pourrait utiliser l’autre modèle, selon lequel la plie canadienne se trouverait dans la zone rouge. Tous les indicateurs sont à la hausse et…

  (1605)  

    Je comprends. Vous dites que deux modèles scientifiques différents vous donneraient des résultats différents.
    Oui.
    J’aimerais savoir si les scientifiques qui siègent au COSEPAC, ainsi que son président, seraient d’accord avec vous pour dire que nous devons nous éloigner de l’approche liée au taux de décroissance du COSEPAC pour utiliser l’approche de gestion prudente des écosystèmes que vous favorisez.
    Appuieraient-ils vos recommandations de changements en ce sens?
    En ce qui concerne les poissons de mer, peut-être le feraient-ils. Bien entendu, le modèle qu’ils utilisent est excellent pour les animaux terrestres, dans le cadre de leur biologie naturelle. Ce que nous disons, c'est que la biologie marine est substantiellement différente. Et si vous voulez prendre position de manière responsable, il vous faudra en tenir compte.
    Il y a peut-être un ou deux spécialistes des poissons sur les 12 ou 13 membres du COSEPAC. Pour répondre à votre question, je crois que le conseil serait en désaccord. C’est pourquoi nous demandons à ce comité d’indiquer dans son rapport qu’il y a un problème ici, et que ce problème est réel.
    Je vous remercie d'avoir soulevé ce point, mais je suis persuadé que tout le monde autour de cette table conviendra que ce que nous devons faire, c’est chercher la meilleure solution possible sur le plan scientifique et l'adopter. C’est ce dont nous parlons ici: prendre des décisions fondées sur la science ou sur les preuves.
    Tout ça me mène cependant à la prochaine question que je voulais poser à M. de Vries — en fait, elle s'adresse à qui veut faire part de ses commentaires. Elle concerne la difficulté de concilier la prise de décisions fondées sur les preuves ou sur la science, ce qui devrait être notre priorité, ici, et les intérêts socioéconomiques.
    Monsieur de Vries, vous avez souligné le besoin de réviser ce que signifie cette difficulté. Vous êtes en première ligne, vous travaillez dans le domaine de l’argent et vous représentez un secteur de l’industrie.
    Comme vous, madame Gelfand, et en grande partie comme vous, monsieur McGuinness.
    Dans cette interface entre les deux, où se situent les principaux problèmes? Quels sont les deux ou trois principaux problèmes que nous devons soulever dans le rapport, puis tenter de régler?
    Nous appuyons tout à fait une approche scientifique de planification du rétablissement, les plans d'action et l'inscription. Notre industrie emploie un certain nombre de scientifiques et biologistes de la faune, dont votre humble serviteur, qui travaillent dans ce domaine. Nous appuyons absolument l’utilisation de la meilleure science possible.
    À mon avis, on se rend compte qu’on ne peut établir si la LEP exige que les aspects socioéconomiques soient traités à l’étape de la planification du rétablissement. On l’exige clairement à l’étape du plan d'action. En raison du travail effectué à l’étape de la planification du rétablissement, nous suggérons qu’il serait approprié d’inclure une approche socioéconomique en même temps qu’une étude de la conservation.
    Avez-vous...
    Votre temps est écoulé, nous devons poursuivre.
    Monsieur Bigras, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    Comme mon collègue M. McGuinty, je suis surpris de voir ce que le Conseil canadien des pêches nous propose aujourd'hui.
    D'abord, vous nous dites qu'avant de mettre une espèce en péril sur une liste, il faudrait que l'espèce soit l'objet de préoccupations, qu'elle soit menacée, en voie de disparition. De plus, quelque chose me frappe: ça nous prendrait un nouveau modèle de gouvernance — j'utilise vos mots. Or il me semble que ce nouveau modèle de gouvernance doit avoir à sa base une plus grande indépendance des scientifiques. Et il faut faire confiance à la science dans les prises de décision.
    Vous nous dites en même temps qu'il doit y avoir une forme d'harmonisation entre les propos et les indications du COSEPAC et les recommandations du ministère des Pêches et des Océans. J'ai de la difficulté à comprendre comment , au bout du compte, on peut véritablement protéger l'espèce.
    Je vais vous donner un exemple. La morue franche a vu son espèce diminuer dans une proportion de 99 p. 100 par rapport à des niveaux historiques. Outre la surpêche, on sait qu'il y a eu des changements océanographiques. Tout cela c'est fait sous l'égide du ministère des Pêches et des Océans. Cela dit — on ne parlait pas, à l'époque du COSEPAC —, comment pouvons-nous faire en sorte de mieux protéger les espèces?
     J'aimerais vous entendre là-dessus, madame Gelfand, et vous aussi, monsieur McGuinness.

  (1610)  

[Traduction]

    Vous soulevez une situation intéressante. Comme vous le dites, il y a quelques années, le COSEPAC a déclaré que les stocks de morue devaient être inscrits sur la liste des espèces menacées ou en voie de disparition. Mais à l’époque, ces stocks étaient visés par un moratoire en vertu de la Loi sur les pêches.
    Vous avez donc raison. Je crois que ce qui s’est produit, c’est que les stocks étaient visés par un moratoire, il n’y a pas eu de pêche dirigée, et il y a eu très peu de prises accessoires. De plus, si on croisait de la morue, il fallait faire de la surveillance et suivre un protocole qui exigeait de s'éloigner à trois, quatre ou cinq milles de la zone, je crois.
    À la lumière de cette situation, je crois que le gouvernement a décidé qu'une simple interdiction — c'est tout ce qu'on trouve dans la LEP — aurait des conséquences sociales et économiques appréciables à Terre-Neuve et au Labrador, sur la côte Nord du Québec et dans les Maritimes. Ce qu’ils ont fait, alors…
    Je veux dire, il faut se rappeler que nous avons la Loi sur les pêches, et que la Loi sur les pêches donne beaucoup de pouvoirs permettant d'introduire toutes sortes de mesures. Le régime actuel pour la morue est donc extrêmement strict, et je peux vous annoncer qu’il y a des signes avant-coureurs — pas dans le golfe Saint-Laurent, mais au large de Terre-Neuve et du Labrador — du retour de la morue.
    Pour moi — et pour les gens de l'industrie, je crois —, il n’y avait aucun doute que les stocks étaient dans un état pitoyable. Nous le savions tous. Quand le COSEPAC utilise son taux de déclin, comme vous dites, et qu’il dit que la situation est très mauvaise, bravo! Mais si on se souvient bien, ce sont les gens de l’industrie des pêches de Terre-Neuve-et-Labrador qui ont soulevé en premier les problèmes.
    J’aimerais simplement dire que la Loi sur les pêches peut permettre l’introduction de mesures très contraignantes, comme elle l’a déjà fait. Tout ce que nous voulons, c’est une sorte de convergence des lois et, plus particulièrement, voir les excellents scientifiques du COSEPAC et du MPO utiliser un modèle qui cadre globalement avec notre compréhension de l’univers des poissons.

[Français]

    J'ai une deuxième question à poser au sujet des critères du COSEPAC. On sait qu'on procède à une évaluation, pour ce qui est des espèces considérées comme menacées, lorsqu'il y a une baisse des stocks de l'ordre de 50 p. 100.
    Vous semblez proposer le changement de ce seuil. Vous proposez donc de hausser ce dernier de 50 à 70 p. 100 pour les espèces menacées et de le hausser de 70 à 90 p. 100 pour les espèces en danger de disparition. Qu'est-ce qui vous a amené à demander ce changement? Sur quelles bases scientifiques vous appuyez-vous pour recommander cela?

[Traduction]

    Premièrement, nous n’avons pas demandé ce changement. Il y avait un atelier à l’Université d’Ottawa entre les scientifiques du sous-comité des poissons marins du COSEPAC et ceux du ministère des Pêches et des Océans. Ils ont passé deux jours à discuter et c’est une des recommandations qu’ils ont réussi à sortir. Parce qu’ils étaient d'accord pour dire que les espèces aquatiques différaient un peu. En réalité, c’est ce qu’ils utilisent maintenant comme modèle opératoire au sous-comité du COSEPAC sur les pêches. Pour qu’une espèce soit menacée, il doit y avoir un déclin de 70 p. 100, et pour qu’une espèce soit en voie de disparition, le déclin doit être d’environ 90 p. 100. C’est ce qu’ils ont adopté.
    Pour nous, c'est un changement, mais il ne s'attaque pas au vif du sujet. Nous voulons un modèle utilisé par les scientifiques des pêches partout dans le monde pour attester l’état des stocks en se fondant sur un point de référence établi de manière prudente. Si les stocks se trouvent sous ce point, ils sont en mauvais état. S’ils sont bien en dessous de ce point, l’espèce est alors probablement en voie de disparition ou menacée.

  (1615)  

    Votre temps est écoulé. Merci beaucoup.
    Allez-y, madame Duncan.
    Premièrement, j’aimerais demander à Mme Gelfand de nous parler de cette proposition conjointe qui est en cours d’élaboration. C’est la deuxième fois que j’en entends parler et je trouve ça encourageant et fantastique. Je crois que je peux dire au nom de tout le comité que nous avons vraiment hâte de la recevoir, idéalement avant que nous ayons terminé l’examen. L’échéance approche rapidement. De plus, le plus tôt sera le mieux pour que nos employés qualifiés puissent faire des recommandations.
    Je sais à quelles difficultés on est confronté quand il faut formuler des modifications. Si je pouvais faire une recommandation, vous pourriez nous recommander des éléments précis et dire que vous aimeriez avoir l’appui du gouvernement pour vos efforts visant à en arriver à une entente sur les modifications potentielles. Même ces recommandations pourraient être utiles plutôt que d'avoir à forcer une entente entre deux groupes qui ne s’entendent pas.
    Madame Gelfand, j’ai une question. Je l’ai peut-être posée la dernière fois que vous êtes venue nous voir. Mes liens avec les mines sont probablement différents de ceux qu'ont les autres Canadiens. Est-ce que les mines de sables bitumineux sont membres de votre association?
    Oui, trois de nos membres en font l'extraction: Shell, Suncor et Syncrude. Ils sont membres de l’AMC.
    On dirait que certains membres de votre association ont fait d’importants efforts pour mettre des habitats de côté. Êtes-vous au courant de la recommandation de la CEMA visant à mettre de côté des habitats, en particulier pour le caribou, mais que le gouvernement de l’Alberta a refusée? Serait-ce l’exemple d’une situation où il serait important que le gouvernement fédéral s’implique?
    Je connais la CEMA. Je ne savais pas qu'ils avaient fait cette recommandation, mais pourriez-vous répéter ce que vous avez dit juste après? J’ai entendu parler de la CEMA. Je sais qui ils sont.
    La CEMA est une association similaire à votre association minière. Elle est composée de membres de l’industrie, des premières nations, du gouvernement et des ONG, et elle a recommandé que des terres soient mises de côté pour la protection de l’habitat. La recommandation a été rejetée par le gouvernement de l’Alberta. C’est peut-être donc un domaine où le gouvernement fédéral pourrait devoir intervenir.
    C'est possible.
    J’ai remarqué que bon nombre de recommandations ou d’observations sur la loi, en particulier celles qui provenaient d'associations des secteurs forestier et minier, se chevauchaient et sont vraiment utiles pour le comité. On semble répéter d’autres soumissions au comité.
    Une d’entre elles, c’est que vous semblez pointer le gouvernement du doigt pour des retards relativement aux plans de rétablissement et aux plans d’action. Tout le monde fait continuellement cette plainte.
    Une autre plainte intéressante concerne le fait qu’on n’a pas adopté les règlements et les politiques nécessaires. Je suis ravie que vous ayez soulevé cette question devant nous. Il est évident que c’est une partie de la loi qui permet d’apporter des éclaircissements à tous.
    En ce qui concerne le financement complet de la LEP, je ne serais pas fâchée de vous entendre en dire plus.
    Monsieur de Vries, j’ai également noté votre inquiétude concernant le manque de progrès relativement aux plans d’action et le besoin d’amener des dossiers devant les tribunaux. J’aimerais avoir votre opinion à vous deux.
    Oui. Avec l'entrée en vigueur de la LEP, environ 300 espèces ont été immédiatement mises sous la protection du gouvernement fédéral, et les employés d’Environnement Canada et de Pêches et Océans ont fait un travail colossal en essayant de régler toute cette paperasserie. Ils avancent, mais lentement.
    Parce qu'on avance lentement, divers éléments de la société perdent patience et visent des espèces en particulier, et je crois que c'est là que nous voyons que le rôle du gouvernement fédéral est plus réactif que proactif. Nous aimerions que les fonctionnaires jouent un rôle proactif. Comme vous l'avez mentionné, nous travaillons avec ces personnes pour faire avancer quelques-unes de ces idées.
    Alors, voilà. C'est beaucoup de travail pour ces personnes. Elles ne ménagent pas leurs efforts, mais la charge est tellement lourde. On voit de la frustration et des gens tentent de faire avancer les politiques devant les tribunaux. À notre avis, il serait vraiment préférable que le gouvernement fédéral joue un rôle proactif en travaillant avec les provinces et les territoires, ainsi qu'avec notre industrie, pour que ces politiques soient mises en place plus rapidement.

  (1620)  

    Madame Gelfand, avant de nous donner votre avis — ce qui sera d'ailleurs fort apprécié —, un des aspects dont vous avez tous deux parlé, c'était le manque de soutien du gouvernement en ce qui concerne l'utilisation des accords de conservation. J'ai parlé de votre proposition avec d'autres intervenants et on a semblé hésiter.
    J'ai même jeté un coup d'oeil à la loi pour mieux saisir votre proposition. Il n'y a rien dans la loi qui suggère que les accords de conservation pourraient remplacer les mécanismes adoptés par voie législative. Suggéreriez-vous que l'on modifie la loi pour qu'elle soit contraignante et pour qu'elle puisse être appliquée par n'importe quelle partie? Suggéreriez-vous plutôt des accords de conservation, qui n'utiliseraient qu'un modèle contractuel où seules les parties signataires pourraient appliquer les modalités? Je m'inquiète toujours lorsqu'on demande de sortir du cadre de la loi.
    C'est un bon point. Nous aimerions beaucoup voir les accords de conservation être utilisés comme des outils, que ce soit par des contrats ou par l'entremise de dispositions particulières de la loi. Je devrais chercher un peu si je devais vous fournir une réponse très précise, mais je crois que ce que nous devons reconnaître, c'est que des groupes — ou des entreprises, dans le cas de mon industrie — font déjà ce travail.
    Nous collaborons avec les ONG, les provinces et les autres industries. La CEMA en constituerait un bon exemple. Ce que nous constatons, c'est qu'il n'y a rien qui nous permette de raccrocher ces accords à la LEP. Nous avons fait le travail sur le terrain, nous aimerions être reconnus en vertu de la loi et nous nous rendons compte que c'est impossible parce que ce n'est pas prévu dans la loi.
    Madame Gelfand, c'est peut-être quelque chose qui pourrait être visé dans les discussions que vous êtes chargée de mener.
    Absolument. Je crois que certains craignent que les accords de conservation signifieraient qu'on ne s'engage pas suffisamment envers la protection de l'espèce.
    Si je me fie à mon expérience limitée des associations industrielles, je dirais que ce n'est pas leur intention. Elles souhaitent continuer le travail nécessaire pour protéger les espèces à risque, mais elles souhaitent trouver une place où elles pourraient dire qu'elle font déjà tout ce travail et qu'elles voudraient bien avoir un minimum de reconnaissance, et connaître les effets sur leurs permis pour qu'elles puissent continuer leur exploitation. Je veux dire, il y a toujours un trou dans le sol à Sudbury, et le faucon pèlerin continuera à aller sur le bord de la falaise, nous devons donc trouver une façon de protéger le faucon pèlerin sans créer de graves problèmes économiques pour les travailleurs de Sudbury.
    En fin de compte, c'est une lutte entre différentes valeurs: la valeur qu'on attribue à l'activité industrielle et celle qu'on attribue aux espèces en péril. La plupart d'entre nous dirait qu'il devrait y avoir moyen, si nous sommes créatifs, de satisfaire ces deux aspects.
    Je vous remercie.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Warawa.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins de s'être joints à nous pour l'examen de la Loi sur les espèces en péril.
    Je trouve intéressant que nous parlions de développement durable en ce moment. L'industrie ne peut pas prospérer à long terme à moins qu'elle applique le modèle de la durabilité, qui inclut l'environnement, l'économie et les impacts sociaux. Ce sont trois aspects reliés et fondamentaux. Et les recommandations des scientifiques dépendront du modèle utilisé.
    Monsieur McGuinness, vous avez recommandé d'adopter un modèle international, si je peux dire. Ce commentaire est important.
    J'aimerais m'arrêter sur deux points. Dans le contexte de la Loi sur les espèces en péril, quand croyez-vous que les facteurs socioéconomiques devraient être pris en considération? D'après ce que j'ai compris, pour le COSEPAC, ces facteurs ne sont pas pris en considération pour recommander l'inscription d'une espèce. On en tient compte aux niveaux du ministre et du gouverneur en conseil; mais quand on identifie un habitat essentiel, on n'en tient pas compte non plus. Est-ce qu'il faudrait le faire? À quels niveaux de la gestion d'une espèce faudrait-il inclure des considérations socioéconomiques?
    Ma deuxième question concerne les échéanciers. Les consultations sont très importantes dans ce dossier. Même de votre point de vue; vous travaillez avec l'industrie et les ONG du secteur de l'environnement pour préparer des recommandations conjointes, et ça prend du temps. Les critères d'inscription peuvent varier pour les espèces. Quel modèle d'échéancier faudrait-il appliquer aux niveaux du COSEPAC, du ministre et du gouverneur en conseil, et en ce qui concerne l'habitat essentiel?
    Est-ce que nos échéanciers actuels sont réalistes? D'après ce que nous avons entendu, les poursuites semblent être la seule façon de faire, ou une façon de faire qui est souvent utilisée. Est-ce parce qu'il n'y a pas assez de temps pour faire les consultations nécessaires?
    En résumé, j'ai des interrogations sur l'importance des considérations socioéconomiques, sur le moment où elles devraient entrer en jeu dans la gestion d'une espèce, et sur les échéanciers. J'aimerais bien avoir une réponse de chacun de vous s'il vous plaît.

  (1625)  

    Je dirais d'abord que dans ce domaine, la Loi sur les espèces en péril elle-même est quelque peu trompeuse, parce qu'au gouvernement du Canada, dès qu'on a un projet de règlement, il faut tenir compte des facteurs socioéconomiques.
    Par exemple, dans le cas de la Loi sur les espèces en péril, si vous voulez inscrire une espèce en voie de disparition, on doit s'arrêter aux considérations socioéconomiques. C'est la loi au Canada. Donc, vous avez bien raison: au moment de se présenter devant le conseil des ministres, il faut inclure les considérations socioéconomiques.
    Et je dirais aussi que si vous pouvez aller de l'avant pour créer un programme de rétablissement ou un plan d'action qui implique une forme de réglementation, alors il n'y a pas de doute, c'est obligatoire. En fait, c'est l'une des règles de base du gouvernement du Canada. Ces choix ont été faits il y a une quinzaine d'années. Voilà ce que je peux vous dire là-dessus.
    En ce qui concerne les échéanciers, je crois que vous avez raison. Si vous regardez la liste des espèces en voie de disparition, vous verrez une flore et une faune très variées. Les consultations sont essentiellement une responsabilité du gouvernement; il doit s'assurer qu'il y a des consultations. Alors je crois que ce n'était pas l'idéal qu'il y ait prescription. Il existe différents groupes: des groupes de l'industrie, des fonctionnaires pleins de bonne volonté, et des groupes environnementaux très coopératifs. Il s'agit de les réunir pour faire avancer les choses. Si la loi fixe un délai qui est court, on se trouve à précipiter les réactions.
    Je me souviens que dans un des groupes de travail qui ont contribué à l'établissement de cette loi, nous avions invité des représentants du service de la faune des États-Unis. En gros, ils nous ont dit de ne pas procéder de la même façon qu'eux, parce qu'ils s'étaient aperçus tout à coup que ce genre de prescription attirait les poursuites. Ils dépensaient tout leur argent à payer des avocats pour gagner leur cause, et il ne leur en restait plus pour le rétablissement et les autres activités. Alors vous devriez suivre leur conseil, sauf pour les restrictions comme celle des neuf mois.
    Monsieur de Vries ou madame Gelfand, rapidement.
    Je ne crois pas que les échéanciers soient vraiment problématiques. Je crois que c'est en fait un manque de personnel — un manque de personnel au sein d'Environnement Canada — qui explique le problème des espèces en péril et le fait que nous ne parvenons jamais aux mesures de rétablissement, à l'établissement de plans d'action et à la mise en vigueur de toutes nos politiques.
    Je crois que les dernières années ont été très difficiles pour Environnement Canada. Il peut falloir jusqu'à un an pour que le gouvernement canadien engage un biologiste. Pensez-y: un an pour engager une personne. Une telle situation ne se verrait jamais dans l'industrie. Le ministère a besoin d'un plus grand nombre d'employés pour pouvoir rattraper l'arriéré des 300 espèces qui ont d'abord été soumises à son évaluation. Le ministère ne dispose pas de ce personnel. C'est pour cela, selon moi, que les délais posent problème.
    En ce qui concerne l'aspect socioéconomique de la question, je crois qu'il est raisonnable de tenir compte des considérations socioéconomiques à l'étape de la planification du rétablissement et de l'établissement du plan d'action.
    Pour ce qui est de l'inscription des espèces, dans un contexte où la Loi sur les espèces en péril n'aurait pas à être prise en compte — où cette loi n'existerait pas —, l'inscription devrait se fonder exclusivement sur des considérations scientifiques. Cette espèce est-elle en danger ou non? Y a-t-il suffisamment de représentants de l'espèce? La reproduction pose-t-elle problème? Cette espèce va-t-elle s'éteindre ou non? À mon avis, le problème découle du fait que certains représentants de l'industrie ont de la difficulté à donner leur appui au processus, parce que l'inscription en vertu de la LEP entraîne une interdiction automatique et que cela peut avoir des conséquences économiques.
    Du point de vue de la durabilité et du développement durable, l'objectif visé est un écosystème fonctionnel, dont est tributaire une économie fonctionnelle. Les espèces en péril sont comme les canaris des mines de charbon: ils indiquent si tout va bien dans l'écosystème. On ne souhaiterait certainement pas qu'un trop grand nombre d'entre eux succombent, car cela signifie essentiellement qu'un écosystème a des problèmes, et qu'il pourrait y avoir les répercussions économiques. Il est donc un peu plus difficile de déterminer de quelle manière les considérations socioéconomiques devraient être prises en compte au moment de l'inscription des espèces.

  (1630)  

    Malheureusement, il ne nous reste plus de temps. Je dois être juste envers tous les membres du comité. Nous allons maintenant passer au tour de questions de cinq minutes. Je vais demander à nos témoins de répondre aussi brièvement que possible, car ils sont plusieurs à souhaiter nous faire part de leurs observations. Je vous demande de vous montrer équitables les uns envers les autres, et envers nos membres également.
    Monsieur Scarpaleggia, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question va peut-être vous sembler un peu naïve, mais je crois comprendre que la loi est loin d'être véritablement appliquée. Il n'y a qu'une espèce pour laquelle un plan de rétablissement a été mis en place; vous nous disiez, madame Gelfand, que l'élaboration d'un grand nombre de politiques s'est avérée déficiente jusqu'à maintenant, etc.
    La question que cette situation soulève est la suivante: Si la loi n'est pas vraiment appliquée — je simplifie les choses, bien entendu —, en quoi entrave-t-elle les industries que vous représentez? Je ne sais pas si vous comprenez ma question. Agissez-vous en prévision du moment où la loi entrera véritablement en vigueur? Pourquoi vous semble-t-elle si problématique, puisque les politiques n'ont pas été élaborées, qu'il n'y a pas assez de personnel pour établir les plans de rétablissement, et...? Je ne comprends pas ce qui pose problème.
    Oui, c'est bien cela: nous agissons en amont. Dans le cas de mon industrie en particulier, la réglementation est principalement de ressort provincial, alors nous collaborons avec les gouvernements provinciaux et des ONGE pour élaborer des programmes visant des espèces en péril, comme le caribou. Nous prévoyons la suite des choses. Nous ne voulons pas nous retrouver dans cinq ans dans une situation où nous aurons mis en place des tas de programmes, où nous aurons conservé une foule d'habitats, et où nous aurons conclu un accord, simplement pour nous faire dire que ce n'est pas assez, que c'est insatisfaisant, que c'est trop ou que ce n'est pas assez.
    Donc, la conclusion, c'est que la situation est incertaine. Nous pouvons très bien nous débrouiller dans le système provincial, comme le fait mon industrie. Mais d'autres industries subissent des répercussions plus directes, étant donné qu'elles exercent leurs activités dans des domaines qui relèvent directement de la législation fédérale. Et même dans l'industrie forestière, les dossiers relatifs aux poissons ou aux oiseaux migrateurs relèvent directement de la compétence fédérale.
    Nous travaillons sur cette question, mais nous constatons que nous n'avons aucune tribune pour nous exprimer et que notre situation est donc risquée. Il y a une incertitude commerciale, et le milieu des affaires n'aime pas l'incertitude.
    Je crois que l'autre gros problème, c'est qu'un grand nombre d'industries et d'établissements croient qu'ils ne satisfont pas aux exigences, et cela les horripile. À notre époque, ne pas satisfaire aux exigences de quelque loi que ce soit est un défaut rédhibitoire. Les entreprises se sentent comme si elles n'avaient pas de permis en vertu de la LEP, alors elles se disent: « Mon Dieu! Qu'est-ce que ça veut dire? » Elles se disent qu'elles sont non conformes, et ce n'est pas une situation dans laquelle on veut se trouver.
    Donc, en résumé, vous établissez des plans de conservation, en conformité avec la législation provinciale...? Même si ces plans portent un nom différent, correspondent-ils, essentiellement, à des plans de rétablissement?
    Nous faisons notre possible pour qu'ils soient conformes à la LEP, puisqu'une incertitude demeure, au niveau fédéral. Nous faisons de notre mieux. Nous lisons le texte de la loi et nous essayons de prévoir les mesures que le gouvernement fédéral pourrait souhaiter que nous prenions, mais nous naviguons un peu dans le brouillard. Nous faisons de notre mieux, et les provinces font leur possible.
    Dans cette situation, le gouvernement fédéral devrait-il faire ce qu'il a fait dans le cas de la LCPE, et mettre en place des espèces d'ententes d'équivalence, qu'il conclurait avec les provinces? Ne devrait-il pas dire: « Écoutez, nous n'avons toujours pas assez de biologistes, mais vous vous êtes penchés sur cette question, et l'industrie a établi des plans de conservation adéquats, alors cela nous convient. »? Est-ce que ce n'est pas un peu le scénario que vous souhaiteriez?
    Ce serait une possibilité. Nous croyons que le gouvernement fédéral pourrait adopter des solutions plus simples, mais il est certain...
    Par exemple?
    ... que c'est une option que nous avons envisagée.
    Vous parlez de « solutions plus simples »; quelles sont-elles?
    Ce sont les solutions que nous avons recommandées dans nos propositions: agir plus rapidement en ce qui concerne les politiques, mettre en oeuvre le système de permis, et mettre en oeuvre les accords de conservation.
    Monsieur McGuinness, vous avez parlé de faire concorder ou d'harmoniser, d'une manière ou d'une autre, l'approche de la Loi sur les pêches et celle du COSEPAC, mais vous semblez sous-entendre qu'il pourrait y avoir une troisième façon de faire. Cela revient pratiquement à la question des connaissances traditionnelles des Autochtones, excepté que, dans ce cas-ci, ce n'est pas nécessairement d'Autochtones qu'il s'agirait. Vous avez dit que les gens qui travaillent sur le terrain, dans l'industrie des pêches, en connaissent un bout sur la manière dont on devrait traiter les différentes espèces. Cela constitue-t-il un troisième aspect qui devrait être pris en considération?

  (1635)  

    Nous ne suggérons pas que soit apporté quelque changement que ce soit à la Loi sur les pêches ou à la LEP, en ce qui concerne les espèces en péril. Ce que nous disons, c'est que les membres de notre industrie travaillent en fonction d'un cadre scientifique, appelé approche préventive ou approche écosystémique. C'est une approche qui est fondamentalement très efficace. Nous utilisons cette approche dans le contexte des marchés internationaux afin d'obtenir des écocertifications du Marine Stewardship Council pour un large éventail d'espèces. Nous avons obtenu beaucoup de succès grâce à cette approche. Nous avons déjà obtenu trois certifications, et le processus d'évaluation est en cours pour 14 autres. Je m'attends à ce que nous en ayons une trentaine d'ici la fin de l'année.
    Nous avons donc orienté notre réflexion vers ce modèle scientifique, qui découle essentiellement d'initiatives de la FAO, puis... Comme je l'ai dit, l'industrie n'a simplement pas confiance dans l'évaluation du COSEPAC. En dernier ressort, l'évaluation du COSEPAC est confiée à un étudiant embauché comme contractuel, pour 10 000 $ ou 11 000 $. Mais nous pouvons avoir accès à des connaissances scientifiques d'une valeur de 2 millions de dollars.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Calkins, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur McGuinness, je sais que vous n'avez pas abordé ce sujet en particulier, mais il y a une question que j'aimerais vous poser. Selon la définition de la loi, on entend par « espèces sauvages » toute « espèce, sous-espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d'animaux, de végétaux ou d'autres organismes d'origine sauvage, sauf une bactérie ou un virus, qui, selon le cas: a) est indigène au Canada; b) s'est propagée au Canada [...] ».
    À mes yeux, le problème, avec cette loi, ce n'est pas que sa visée est mauvaise. C'est simplement qu'elle ne permet pas d'atteindre les résultats escomptés. Quand les Canadiens pensent à la Loi sur les espèces en péril, je crois qu'ils pensent à une loi qui s'applique à des espèces dont il ne reste qu'une cinquantaine de spécimens dans l'ensemble du pays, ou, par exemple, à des ours polaires qui pourraient éventuellement être les tous derniers à vivre à l'état sauvage. Je crois que c'est une préoccupation capitale. C'est un problème important.
    La loi s'appelle Loi sur les espèces en péril, et non Loi sur les sous-espèces en péril. Il existe trois sous-espèces de faucon pèlerin: anatum, tundricus et une autre. Certains sont en péril, et d'autres ne le sont pas. Quand nous nous occupons de problèmes de ce genre, ce n'est aucunement d'espèces qu'il s'agit. Nous nous occupons de populations d'animaux qui sont peut-être distinctes du point de vue de la génétique.
    La raison pour laquelle il n'y a pas assez de biologistes est qu'il faudrait une vie entière pour que des biologistes puissent étudier tous les lacs afin d'identifier génétiquement toutes les différentes espèces de doré jaune, pour réaliser des études in vitro qui permettraient de déterminer si elles sont toutes indépendantes les unes des autres d'un point de vue génétique. Après un certain temps, grâce à un processus de spéciation — on peut examiner des données morphométriques et ce genre de choses —, on pourrait vraiment affirmer que, oui, telle population de dorés jaunes du lac Gull, en Alberta, est différente d'une population de dorés jaunes du lac Pigeon, dans la même province. Si l'on se met à pêcher dans le lac Pigeon, le COSEPAC va tout à coup examiner la situation et affirmer que le doré jaune est en péril. En fait, il y a peut-être 15 millions de dorés jaunes dans le lac Gull, 15 millions de plus dans le lac Sylvan, et les dorés jaunes ne seraient pas en péril du tout.
    Quand on procède au rétablissement d'une population, on prend des ressources génétiques dans un endroit et on les réintroduit ailleurs dans la nature. Considérons, par exemple, les bisons du parc national de Wood Buffalo. À cet endroit, la population de bisons des bois est entièrement fondue avec des bisons des plaines.
    Voici donc la question: Comment une loi, aussi louable son intention soit-elle, peut-elle traiter cette notion adéquatement, de manière à tenir compte des préoccupations de chacun? L'autre jour, nous avions avec nous un homme du Nord de l'Alberta, qui nous a parlé d'un troupeau de bisons ou d'un troupeau de caribous en particulier. Nous parlons de populations qui sont peut-être génétiquement distinctes; ce n'est pas de l'extinction de l'espèce entière que nous parlons.
    Monsieur McGuinness, j'implore votre aide. En tant que membre du corps législatif — je suis également biologiste diplômé —, comment pourrais-je faire ce qu'il y a de mieux avec une loi de ce genre, et en arriver aux meilleurs résultats qui soient pour les Canadiens? Les pêches sont très importantes pour moi. Je suis le seul membre de ce comité qui siège également au Comité des pêches. Bien entendu, nous nous penchons sur des problèmes graves relatifs au saumon, en particulier dans le fleuve Fraser. Et vous avez parlé de la morue dans la région de l'Atlantique, ce qui est un excellent exemple.
    Monsieur de Vries, quand j'étais à l'université, il y a 20 ans, nous parlions de l'extinction imminente du caribou des bois. Nous parlons encore, 20 ans plus tard, de l'extinction imminente du caribou des bois. Je ne crois pas que la loi soit à la hauteur. Aidez-moi, s'il vous plaît, à résoudre ce problème.

  (1640)  

    Je suis d'accord avec vous. En dernière analyse, comme vous le dites, il faudra, à un certain moment, que toute cette question soit abordée dans une perspective de classification. Qu'on examine, par exemple, la morue de l'Atlantique, et qu'on la répartisse en quatre ou cinq sous-groupes distincts. C'est une question fondamentale pour la mise en application de la loi. Le COSEPAC a à sa disposition une certaine quantité d'argent. À un certain moment, ils devront adopter une approche axée sur la classification afin de pouvoir se prononcer sur des espèces dont certaines tranches de population sont en difficulté.
    Nous avons accueilli, il y a deux jours, un homme du nord de l'Alberta qui nous a parlé des populations de bisons des bois et de caribous des bois. Il nous a dit que la loi n'est pas à la hauteur, de son point de vue. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet, ou nous dire...?
    Vous concluez des accords d'aménagement forestier avec les provinces. Ce sont des accords qui ont une incidence sur les habitats. À votre avis, le caribou des bois, dans le nord de l'Alberta, est-il une espèce menacée? Est-ce que des mesures devraient-être prises? Et les bisons des bois sont-ils en péril dans le nord de l'Alberta? La province de l'Alberta a délivré des permis de chasse au bison des bois il y a quelque temps, parce que leur nombre s'accroissait très rapidement.
    Je ne parlerai pas de la question des bisons, parce que nos membres n'exercent aucune activité dans ce domaine.
    En ce qui concerne le caribou boréal et votre première question, que vous avez adressée à M. McGuinness, si je ne me trompe pas, le gouvernement doit prendre garde, lorsqu'il y a une décroissance, de ne pas aller trop loin en se préoccupant du niveau des populations, dans la mesure du possible... Je crois que de manière générale, le problème auquel il faut s'attaquer est celui des espèces à risque, et non celui des populations à risque. Il reste que dans certains cas, on pourrait être appelé à prendre des décisions concernant des populations.
    Il y a des populations de caribous boréaux qui déclinent, d'autres qui sont stables, et d'autres qui s'accroissent. Mais, de manière générale, la tendance est au déclin pour le caribou boréal dans l'ensemble du Canada. En Alberta, cela se vérifie pour la majorité des troupeaux. La question qui se pose est celle de savoir de quelle manière les gouvernements souhaitent traiter la question du caribou boréal à l'échelle nationale.
    C'est là que les étapes de la planification du rétablissement, de la détermination des aspects socioéconomiques connexes et de l'élaboration du plan d'action deviennent importantes. C'est sur ce fondement que des décisions pourront être prises, en Alberta, au Manitoba ou en Ontario, sur les mesures qu'il faudra prendre en ce qui concerne des populations qui sont stables ou qui déclinent. Pour une espèce comme le caribou, qui est une espèce provinciale, c'est dans les provinces que les décisions doivent être prises. Il est certain que dans certains cas, la compétence devra être transférée d'un ordre de gouvernement à l'autre, et je suggère que ces transferts soient faits en vertu de la LEP.
    Merci.
    Monsieur Ouellet, pour cinq minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Ma question va s'adresser à nos trois témoins.
    En ce qui concerne les modèles scientifiques que vous utilisez actuellement, avez-vous déjà pensé faire part des constatations scientifiques sur les changements climatiques?
    C'est le travail du COSEPAC. Lorsque les scientifiques développent leur rapport sur ce qui reste d'une espèce menacée, ils incluent les changements climatiques dans leur étude, pour tenter de prévoir si l'espèce pourra survivre.
    Cela s'applique à tout le monde?
    Au COSEPAC, les scientifiques qui font les études nous disent si l'espèce est menacée ou pas.
    Depuis tout à l'heure, M. McGuinness — et M. de Vries surtout —, vous parlez des champs de compétences provinciale et fédérale. Pourriez-vous nous donner une petite idée à savoir où commencent et s'arrêtent ces champs de compétence?

[Traduction]

    Les distinctions sont passablement claires, à mes yeux du moins. Les espèces aquatiques et les oiseaux migrateurs relèvent de la compétence du gouvernement fédéral. Le caribou et les autres mammifères sont, dans la majorité des cas, du ressort des provinces. Aux termes de la LEP, le gouvernement fédéral se devrait d'intervenir si les mesures de protection prises par les gouvernements provinciaux s'avéraient inefficaces.
    C'est pour cette raison que nous devons commencer à prendre des décisions concernant les aspects socioéconomiques et les stratégies de rétablissement. C'est là que tout commence.

  (1645)  

[Français]

    Oui, monsieur McGuinness.

[Traduction]

    Pour en revenir à votre question sur le changement climatique et sur la manière dont il est pris en compte dans des analyses de ce genre, il y a, dans le modèle des pêches, une mesure à cet égard, qui est liée à l'observation du taux de productivité actuel du stock. En effet, on observe de temps à autre des changements dans le taux de productivité. Si le taux de productivité est élevé, cela signifie, par exemple, que la température de l'eau est correcte, que les courants ne sont pas trop puissants et que d'autres facteurs, comme la salinité de l'eau, sont adéquats. Ces facteurs ont une incidence très positive sur la croissance d'un stock, et on peut les mesurer.
    Nous avons, par exemple, vu la productivité de la morue du Nord décliner. Quand on analyse la situation, on constate qu'il y a un facteur lié au changement climatique, puisque la salinité de l'eau a augmenté, ce qui s'explique essentiellement par la fonte d'icebergs en Norvège. Cela a eu des répercussions considérables sur cette partie de nos écosystèmes.
    Nous sommes passés d'une situation où les populations de poissons de fond s'étaient considérablement appauvries, à une situation où nous sommes devenus le premier producteur mondial de crevettes nordiques, alors c'est tout un écosystème que nous avons là. Ce que nous disons — et ce n'est pas au nom du Conseil canadien des pêches que je parle, mais en celui des biologistes des pêches —, c'est que nous élaborons des moyens scientifiques en espérant qu'ils en tiennent compte, comme je l'ai dit, et pour que l'état des stocks soit évalué en fonction d'un certain nombre de facteurs. L'un de ces facteurs qui revêt une importance capitale est le taux de productivité actuel de l'espèce.
    D'un autre côté, je n'ai aucun problème avec l'approche du COSEPAC, qui est appropriée pour la mesure de la croissance des espèces terrestres. Cette approche se fonde essentiellement sur le taux de décroissance, qui est une chose que l'on peut observer. C'est une approche appropriée quand on peut voir les animaux et l'environnement dans lequel ils vivent, mais pour notre part, nous travaillons essentiellement sous l'eau.

[Français]

    Pensez-vous que la loi sur laquelle nous travaillons présentement devrait faire mention des changements climatiques?

[Traduction]

    Je préfère parler de variabilité climatique. Elle peut s'observer partout; par exemple, nous avons été témoins du refroidissement de l'Atlantique, puis de son réchauffement, puis maintenant... enfin. Il ne s'agit pas d'un consensus sur les changements climatiques, mais bien d'une démarche qui permet d'évaluer les conditions dans lesquelles les espèces de poisson vivent actuellement, tout en mesurant continuellement certains facteurs qui influencent la régénération des stocks et d'autres aspects.
    On peut donc dire qu'il y a consensus au sujet de cette démarche, mais je ne crois pas qu'il soit question de changements climatiques ici. C'est plutôt une façon d'étudier les espèces sur le plan de la variabilité et du taux de productivité. Il est clair que la variabilité climatique entraîne des changements, qui peuvent être positifs ou négatifs. Par exemple, il est possible que les changements climatiques aient des répercussions négatives sur les poissons de fond, mais que cela permette à la population de crevettes de se régénérer, grâce aux relations prédateur-proie, et que l'industrie de la pêche à la crevette en tire profit.

[Français]

    Les poissons dans les rivières relèvent-ils de votre compétence ou de celle des provinces?

[Traduction]

    La Loi sur les pêches est une loi fédérale. Elle régit toutes les espèces aquatiques, mais son application est déléguée aux provinces; les rivières relèvent des provinces. Essentiellement, ce sont les provinces qui administrent la Loi sur les pêches pour le compte du gouvernement fédéral.

  (1650)  

    Merci.
    Merci, monsieur Ouellet.
    Monsieur Woodworth, je vous donne la parole.
    Monsieur le président, j'aimerais donner mon droit de parole à mon collègue M. Calkins, qui possède une plus grande expertise que moi en la matière.
    Je tiens à remercier mon collègue, M. Woodworth.
    J'aimerais revenir à certains points qui ont déjà été abordés.
    Monsieur McGuinness, vous êtes certainement au courant que dans certaines régions du monde, notamment en Nouvelle-Zélande, on a établi des réserves marines pour protéger les pêches. Pour ce faire, on a créé de vastes réserves afin de protéger l'habitat des poissons de fond, qui sert également à certaines espèces locales de poissons migrateurs. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet car lorsqu'il est question de faune, l'habitat et la protection de l'habitat sont des questions primordiales.
    En Nouvelle-Zélande, l'industrie a adopté une approche très proactive. Elle a divisé l'océan en divers secteurs, et dans chacun de ces secteurs, elle a établi un espace protégé qui, théoriquement, doit être représentatif.
    Essentiellement, pour ce qui est de l'industrie de la pêche, il y a une superficie considérable qui a été transformée en zone interdite à la pêche pour la protection des populations de poissons de fond en eau profonde et de crevettes de grands fonds. Mais vous avez raison de dire qu'ici, nous protégeons surtout les coraux en eau profonde, les éponges et certains mammifères marins, ce qui fait que...
    Donc, le principe de la réserve marine fonctionne.
    M. Patrick McGuinness: Oui.
    M. Blaine Calkins: Prenons par exemple la zone de pêche au homard 34, qui est une zone protégée pour la pêche au homard: on voit clairement ses répercussions positives dans la partie sud du cap Breton et en Nouvelle-Écosse.
    Tandis que vous êtes ici et que vous formulez ces recommandations, madame Gelfand, je tiens à vous dire que même si vous alliez à l'université pour recruter tous les étudiants qu'ils sortent ou non de la faculté des sciences biologiques, vous constateriez que le nombre d'employés à Environnement Canada serait toujours insuffisant pour effectuer un inventaire biophysique dans l'ensemble du Canada qui nous permettrait de savoir combien d'espèces, de sous-espèces ou de variétés peuplent nos fonds marins.
    J'ai mené une recherche pour le compte du service des loisirs et des parcs d'Edmonton il y a de cela 20 ans, et nous avions réussi à identifier 80 nouvelles espèces qui n'avaient jamais été recensées dans les parcs d'Edmonton; pour arriver à ce résultat, j'avais seulement prélevé 10 petits échantillons provenant d'une seule et unique zone de la ville d'Edmonton, dans le parc de Whitemud. Nous ne savons donc même pas où se trouve la moitié de nos espèces, et encore moins s'il s'agit d'espèces distinctes.
    Je vous laisse réfléchir à ce sujet. Mais je tiens tout de même à souligner qu'au lieu de se demander si cette loi, dans son libellé actuel, est d'une quelconque utilité, il me semble qu'on devrait se pencher sur la gestion de la faune, compétence qui a été confiée aux provinces, à l'exception des pêches et des oiseaux migrateurs, visés par une convention internationale, outre la convention internationale régissant le commerce illicite des espèces en péril... Pourquoi n'y a-t-il personne qui suggère que la gestion de la faune relève des provinces?
    La création d'habitats est importante, et nous avons d'ailleurs accru de 30 p. 100 la superficie de nos parcs nationaux. Les parcs nationaux visent justement à protéger les habitats. Si nous arrivons à cibler les habitats essentiels, il ne sera même plus nécessaire d'évoquer les espèces dont nous parlons actuellement.
    M. Patrick McGuinness: J'ai pris des notes.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Blaine Calkins: Quelqu'un veut-il intervenir à ce sujet?
    M. Patrick McGuinness: Non, je vous remercie.
    Au Canada, nous avons un réseau de parcs nationaux. Nous avons également des parcs provinciaux. Vous avez tout à fait raison de dire que la protection de l'habitat est essentielle.
    Je crois que les espèces devraient relever du gouvernement fédéral dans les cas où les provinces ne s'en chargent pas, car il peut arriver qu'il s'agisse des toutes dernières populations d'une espèce endémique donnée. Au Canada, cela revient finalement à une question d'ordre moral: croyez-vous que nous devrions permettre à certaines espèces de disparaître de notre pays, même si elles existent aux États-Unis ou ailleurs?
    Madame Gelfand, je vous arrête un instant pour parler théorie. Je ne voulais pas vous interrompre, mais il s'agit de mon temps de parole et j'avais une remarque à faire. Au cours de mes études de zoologie à l'Université de l'Alberta, tous mes professeurs m'ont dit, l'un après l'autre, que tous les organismes étaient inévitablement voués à l'extinction, car soit ils évoluent pour se transformer en autre chose, soit ils disparaissent. Il s'agit là d'une loi de la biologie; en fait, de la seule loi de la biologie qui existe. Ici, nous avons donc affaire à une loi qui vise à empêcher une loi de la nature de faire son oeuvre.
    La Loi sur les pêches a réellement une vaste portée et lorsqu'il s'agit de la gestion des pêches, le ministre a la responsabilité d'assurer la durabilité, mais également de protéger l'habitat.
    Pour vous donner un exemple, un rapport produit récemment par un groupe de scientifiques a été publié dans le Science Magazine. On y présentait divers régimes scientifiques partout dans le monde et on évaluait leur conformité au Code de conduite pour une pêche responsable. Le régime canadien arrivait au troisième rang, devant celui de la Norvège.
    Vous amenez donc un point intéressant. Puisque nous disposons déjà d'un régime de gestion des pêches, abstraction faite de sa structure actuelle qui pose problème quant aux responsabilités du ministre de Pêches et Océans, et que ce régime semble être conforme au Code de conduite pour la pêche responsable, une question subsiste: Pourquoi aurions-nous besoin d'une autre loi comme la Loi sur les espèces en péril, assortie de mesures aussi contraignantes? Voilà une bonne question.

  (1655)  

    Merci.
    Monsieur Trudeau, c'est à vous.
    Il y a quelques instants, je me demandais quelle question précise j'allais vous poser, puis M. Calkins a fait certaines affirmations auxquelles j'aimerais répondre pendant les cinq minutes qui me sont allouées. Bien sûr, à la fin, je vous demanderai votre avis.
    La première question soulevée par M. Calkins portait sur le nombre de biologistes qu'il faudrait pour évaluer de façon précise le nombre d'espèces, de sous-espèces et de variétés. Évidemment, nous ne pourrons jamais connaître avec précision le nombre d'escargots petits-gris qui existent dans une région particulière du globe, ni savoir si ce nombre a augmenté ou diminué. L'une des principales fonctions de la LEP est de tenter de fournir une vue d'ensemble, ou un aperçu de l'état de nos écosystèmes. C'est d'ailleurs un point qu'a soulevé Mme Gelfand un peu plus tôt.
    Si une espèce en particulier ou si une population donnée est menacée dans une région précise, il est important que nous examinions la question et que nous sachions quelles en sont les causes. La LEP produit des résultats admirables dans une situation très difficile, c'est-à-dire malgré les nombreuses contraintes sur le plan scientifique qu'il faut surmonter pour réussir à surveiller ces populations afin de déterminer le type de répercussions qu'elles subissent. Les représentants de l'industrie étaient crédibles... Ils nous ont parlé d'initiatives d'atténuation. Par exemple, des centrales hydro-électriques qui remettaient des poissons à l'eau, ce qui n'est pas sans risque. Les différentes industries déploient des efforts pour tenter de protéger les écosystèmes qui les entourent. Mais il est vrai que la LEP n'a pas établi de façon parfaitement claire comment procéder à cet égard, notamment à cause de ressources limitées, du processus bureaucratique et également du fait qu'elle n'existe que depuis cinq ans.
    C'est normal. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle nous discutons de ces questions aujourd'hui. Il est très important que vous nous fassiez part des témoignages que vous avez recueillis. En fait, s'il est aussi fondamental que nous sachions comment se porte notre environnement, c'est que les êtres humains en font partie. L'air que nous respirons, l'eau que nous buvons et les aliments que nous consommons dépendent du même écosystème qui forme l'habitat de l'escargot petit-gris, mais à plus petite échelle. C'est pourquoi il est extrêmement important que nous connaissions l'état de nos écosystèmes. Et le fait que nous ne puissions pas surveiller chaque petite sous-espèce n'est pas une raison pour dire que la LEP est inutile.
    Mon deuxième point concerne la démonstration que les Conservateurs tentent de faire lorsqu'ils évoquent le réseau des parcs. Il est vrai que les parcs nationaux sont très importants. J'en suis d'ailleurs un ardent défenseur, et je suis heureux de voir l'agrandissement du Nahanni, car c'est un projet auquel je travaille depuis au moins 10 ans. Toutefois, si l'on protège 2 ou 3 p. 100 du territoire du pays, voire 4 ou 5 p. 100, quel message envoie-t-on au sujet du 95, 96 ou 97 p. 100 du territoire qui demeure sans protection? Il faut comprendre que les parcs provinciaux ne sont pas la panacée. Ils font partie intégrante d'un programme de protection, mais ils ne sont pas suffisants à eux seuls, et il est impossible de construire un programme environnemental en fonction de ce seul élément.
    Enfin, la dernière réflexion concerne la loi naturelle de l'extinction. M. Calkins, je ne prétends évidemment pas formuler quelque hypothèse que ce soit au sujet de vos convictions religieuses, mais pour ma part, je suis croyant. Je crois que les lois de la nature sont l'oeuvre du Créateur et que, au cours des derniers siècles, les êtres humains ont été largement responsables, par leurs gestes délibérés, des extinctions. J'estime qu'il est important de le reconnaître.

  (1700)  

    Le fait de rester les bras croisés et de dire que l'extinction des espèces est un processus naturel sur la Terre et, par conséquent, que nous ne devrions pas nous en préoccuper, est exactement le type de raisonnement dont on se préoccupe le plus de la part d'un gouvernement censé être le gardien d'un pays qui abrite aussi des populations naturelles non humaines.
    J'invoque le Règlement.
    Votre temps de parole vient de prendre fin.
    M. Trudeau prend de grandes libertés en déclarant des choses que le gouvernement n'a jamais dit ou ne dirait jamais... Il est important de se dire la vérité et de faire des déclarations exactes. Par votre entremise, monsieur le président, j'aimerais demander à M. Trudeau de faire preuve d'honnêteté dans ses commentaires.
    C'est une question qui mérite un débat, et non un recours au Règlement, mais...
    J'aurais pu invoquer le Règlement lorsqu'une discussion sur la religion avait lieu autour de la table alors que le débat portait sur la Loi sur les espèces en péril.
    [Note de la rédaction: Inaudible]... invoque le Règlement.
    Je vais y répondre.
    Monsieur Trudeau, voulez-vous répondre à ce recours au Règlement en ce qui concerne la Loi sur les espèces en péril?
    Je n'aurais certainement pas soulevé cette question si un des membres de l'autre côté n'avait pas mentionné la loi de la sélection naturelle et l'évolution de... Je suis désolé, je ne veux pas abuser du mot « évolution »; je ne veux pas lancer un débat sur la religion parce que j'ai parlé de cette question. Je veux simplement dire que je n'aurais pas répondu si cette question n'avait pas été soulevée.
    Je pense que ce mot a été utilisé dans le contexte de l'extinction des autres espèces; je crois donc que c'était correct lorsque M. Calkins... Peut-être que nous nous sommes éloignés un peu du sujet, mais nous y reviendrons.
    De toute façon, nous continuons notre série de questions.
    Monsieur Armstrong.
    J'aimerais remercier tous les témoins. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt vos observations aujourd'hui.
    Monsieur McGuinness, vous avez parlé de quelque chose qui m'intéresse étant donné que je suis originaire de la Nouvelle-Écosse. Compte tenu des preuves du rétablissement des stocks de morue sur la côte Atlantique, croyez-vous que l'appui manifesté par les gens, notamment le gouvernement, pour la chasse aux phoques a eu une incidence positive sur les stocks de morue?
    Cela n'a certainement pas aidé, si c'est une question de... Les gens sont préoccupés. Je m'explique: c'est un écosystème, et si un nombre plus élevé de phoques se trouvent dans une région, ils mangeront essentiellement tout ce qui est disponible. Ainsi, à mesure que la morue se rétablit, on s'inquiète que sa productivité naturelle, si on veut, ne soit pas aussi élevée qu'elle l'aurait été si la population de phoques avait été moins importante.
    La population de phoques était estimée à deux millions d'individus. C'était une ressource relativement durable. La population est passée de cinq millions à six millions d'individus. Ces phoques doivent manger, n'est-ce pas? Voilà le type d'incidence négative que produit l'augmentation de la population.
    Vous partagez donc l'opinion de vos membres selon laquelle le soutien à la chasse continue aux phoques aurait contribué au rétablissement des stocks de morue, et aurait donc favorisé le rétablissement de l'une de nos espèces protégées.
    Je ne représente pas les chasseurs de phoques. Il y a l'Association canadienne des chasseurs de phoques pour le faire. Je représente l'industrie de la pêche, et essentiellement, nous nous intéressons, évidemment, au renouvellement des espèces de poisson. Il ne fait aucun doute dans notre esprit, comme je l'ai expliqué, que la chasse aux phoques est une activité légitime, et que nous profitons, en tant que représentants de l'industrie de la pêche, de certains avantages en ce qui concerne la relation prédateur-proie.
    C'est la même chose en Colombie-Britannique, où le phoque commun pose un défi de taille puisqu'il a une incidence sur le saumon du Pacifique. C'est un problème grandissant.
    J'aimerais vous adresser une deuxième question, monsieur McGuinness. Dans vos observations écrites, vous avez indiqué « La vente d'une espèce en péril qui fait l'objet d'une capture accessoire dans le cadre d'une stratégie de rétablissement devrait être permise dans certains cas ».
    Comment pourriez-vous autoriser une telle chose sans encourager véritablement la capture accessoire d'une espèce en péril?

  (1705)  

    Dans mon introduction, j'ai dit tout simplement qu'il devrait y avoir des mesures d'atténuation ou d'autres mesures de cette nature. Heureusement — ou malheureusement —, nous faisons partie d'une des industries les plus réglementées au Canada. Les pêches sont un domaine qui relève du fédéral, et il y a des agents des pêches et toutes ces choses.
    Alors ce que vous pourriez faire, ce serait de créer des protocoles sur les pêches. Fondamentalement, on obtiendrait un permis sur lequel il serait indiqué ce qu'il faut faire lorsqu'on fait une capture accessoire d'une espèce inscrite. Alors, si vous attrapez des espèces inscrites dans votre capture accessoire, vous les garderiez, mais vous devriez ensuite prendre certaines mesures. Généralement, nous constatons qu'il faut se déplacer à au moins trois milles du point de contact.
    Ce que nous nous demandons, c'est pourquoi perdons-nous de la nourriture? Par exemple, dans le cas du loup de mer, nous disons que nous n'avons pas à vendre cette espèce, car il s'agit d'une espèce inscrite. Il arrive que nous attrapions des loups de mer dans nos captures accessoires. Nous prenons la mesure de déplacement, mais nous pourrions plutôt retourner cette prise à l'eau, en raison de la nature de l'espèce et de la nature de la pêche.
    Mais pour l'avenir, notre préoccupation est liée aux espèces inscrites par le COSEPAC en tant qu'espèce qui doit être analysée. En effet, il s'agit d'espèces vivant au fond des océans et que nous ne pouvons pas remettre à la mer.
    Merci.
    Monsieur de Vries, d'autres témoins qui ont comparu devant nous ont indiqué que les approches se rapportant à l'écosystème ou à de nombreuses espèces qui servent à la planification en vue de rétablir les espèces en voie de disparition constituent la meilleure solution. Qu'en pensez-vous?
    Je pense que quand les circonstances le permettent, il s'agit d'un outil efficace, en effet.
    Que pensez-vous du fonctionnement d'une approche se rapportant à de nombreuses espèces qui tient compte de la nécessité d'identifier un habitat essentiel que la Loi sur les espèces en péril semble définir comme étant spécifique à certaines espèces?
    Nous avons demandé aux membres du comité d'examiner la possibilité d'apporter des changements en ce qui concerne les habitats essentiels. On trouvera probablement certaines formulations dans la loi en ce qui concerne les habitats essentiels. Il s'agit vraisemblablement d'une question trop complète pour y répondre ici, mais je vais tout de même tenter d'y répondre. Je crois que l'approche se rapportant à de nombreuses espèces est une bonne idée, car il y a des espèces qui cohabitent dans leurs habitats. En théorie, il serait possible d'identifier certains de ces endroits comme étant des habitants essentiels pour une ou de nombreuses espèces.
    Excellent. Ma question était difficile à répondre, mais tout à l'heure, le débat était entre la biologie et la religion, alors nous pouvons poursuivre.
    Avant d'aller encore plus dans les détails à cet égard, nous nous arrêterons ici.
    Monsieur Watson, c'est à votre tour.
    Je n'ai pas de question, alors je donnerais mon temps à un autre collègue. Je pense que M. Calkins a hâte de répondre.
    Merci, Jeff.
    À la suite de ce que M. Trudeau a dit, je pense que lui et moi — si nous étions tout à fait honnêtes — partageons une passion sans borne pour les espaces sauvages du Canada et pour notre faune. Je dis simplement ce que je connais en tant qu'ancien étudiant en biologie. Je ne suis même pas un biologiste professionnel. Je dois l'admettre dès le départ. J'ai eu le privilège de travailler dans nos parcs nationaux et pour le ministère de l'Environnement de l'Alberta sur le terrain.
    Je veux revenir à l'essence même du projet de loi. Je crois que le Canada a besoin d'une loi sur les espèces en péril, ça me semble évident. Je ne laisse pas entendre que nous devrions jeter le bébé avec l'eau du bain, mais je crois que le projet de loi a besoin d'être modifié en profondeur. Je ressens un peu de frustration, mais je ne suis pas en colère contre quelque chose en particulier... Mais je n'ai pas vu de demandes vraiment grandes ou ardues de qui que ce soit, qu'il s'agisse de groupes environnementaux ou de groupes industriels, qui permettraient de donner l'élan que mérite la situation selon moi.
    Lorsqu'on examine le processus de consultation — et je sais que nous parlions de consultation —, nous sommes atterrés par les longs délais. Nous sommes atterrés par le manque d'information. Le COSEPAC a un travail très difficile à effectuer. En se fondant sur les définitions que nous avons données, il doit identifier, par exemple, les espèces fauniques et déterminer si celles-ci, une population ou une sous-espèce de cette population, sont en péril. Il s'agit d'une tâche difficile et exigeante en temps.
    Nous examinons ce projet de loi du point de vue du Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril, qui est l'organisation qui déterminera en dernier lieu si des progrès sont réalisés dans les calendriers. Les recommandations proviennent du CANEP, qui est un groupe consultatif strictement autochtone. L'autre recommandation vient du COSEPAC, et il s'agit uniquement d'une combinaison de connaissances scientifiques et traditionnelles autochtones. Il n'y a aucun autre mécanisme dans ce projet de loi qui permet de transmettre de l'information ou d'obtenir les points de vue d'autres types de groupes d'intérêts ou de groupes socioéconomiques à l'intention du comité pour la conservation des espèces en péril.
    Pouvez-vous donner des détails à cet égard? Êtes-vous satisfaits de ce qui se trouve dans ce projet de loi pour tenir compte de ces réalités particulières? Car compte tenu de la formulation du projet de loi, seuls certains groupes peuvent faire des recommandations.

  (1710)  

    Merci de me laisser répondre à cette question.
    Nous avons relevé huit articles de la loi qui, selon nous, mériteraient qu'on s'y attarde. Je n'étais pas sûr que nous voulions examiner plus d'articles. Nous avons mis en évidence des préoccupations et des définitions que les membres du comité pourraient examiner. Nous avons également demandé à ce que vous réexaminiez cette loi dans sept ans, une fois que vous aurez terminé votre examen, afin de tenir compte de ces huit considérations que nous allons faire.
    Cette loi est complexe. Notre pays est complexe. Je crois que ce serait formidable si les membres du comité examinaient nos demandes.
    Selon nous, nos recommandations peuvent être mises en oeuvre au moyen de l'élaboration de politiques. Nous avons décidé d'attaquer la loi, et je crois qu'une de nos premières ébauches allait dans ce sens.
    Nous avons relevé deux éléments. D'abord, en général, l'exposé du gouvernement fédéral devant le comité a servi à déclarer qu'il s'agissait d'une nouvelle loi, que nous en étions à l'étape de la mise en oeuvre et qu'il fallait accorder du temps au gouvernement pour la mettre en oeuvre. À la suite de l'exposé des représentants gouvernementaux, nous avions l'impression que les ministères cherchaient à aller dans cette direction.
    Ensuite, nous avons réfléchi sur le fait que cela prendrait beaucoup de temps avant d'adopter la Loi sur les espèces en péril, et que ce serait difficile, même très difficile. Il y a eu quelques querelles entre l'industrie, les ONG et d'autres groupes. J'ai fait partie de tous les groupes de travail créés par les divers gouvernements et j'ai essayé d'y représenter l'industrie des pêches. Le processus a été difficile.
    En fin de compte, nous l'avons examiné et nous avons convenu que si le projet de loi devait être modifié — et dans le contexte d'un gouvernement minoritaire — nous serions préoccupés par l'avenir. Nous voyons des signes très perturbants qui nous indiquent que les ONG essaient d'imposer des types normatifs de calendriers entre autres, avec lesquels nous ne pouvons certainement pas être d'accord.
    Notre décision finale a été d'adopter cette voie. Nous pensons que nos demandes sont raisonnables. Elles sont fondées sur la science, et on peut y répondre.
    Très rapidement, madame Gelfand. Il n'y a plus de temps pour M. Calkins.
    Les déclarations d'Andrew sont totalement exactes. Nous vivons dans un pays complexe. Nous avons de nombreux écosystèmes, alors nous avons besoin d'un grand nombre d'outils différents. Dans la société civile, de nombreuses personnes ont travaillé très dur pour nous donner divers outils servant à protéger nos écosystèmes naturels.
    Essentiellement, la Loi sur les espèces en péril touche les espèces qui sont sur le point de disparaître, lorsqu'il est presque trop tard. Il faut vraiment protéger les habitats avant cela dans nos aires protégées, et il faut gérer convenablement le reste des espaces terrestres et marins. Nous avons besoin de divers outils. Je crois que ces outils, une fois réunis, sont utiles pour protéger l'écosystème dont nous dépendons tous. Je ne voudrais pas non plus jeter le bébé avec l'eau du bain. Cette loi protège les espèces juste avant qu'elles ne disparaissent. Mais en définitive, il vaut mieux travailler en amont et protéger l'écosystème.
    Andrew et moi, nous sommes également biologistes — peut-être que Patrick l'est aussi.
    Nous n'avons pas le temps de faire une troisième série de questions. J'ai besoin de passer du temps à huis clos avec les membres du comité.
    Avant que je laisse partir les témoins, vous avez dit que vous alliez donner très brièvement au comité des recommandations sur les modifications à la loi, ainsi que l'ébauche comme telle. Je vous demanderais de les remettre avant la fin du mois, parce que nous avons l'intention de travailler sur le rapport au milieu du mois de mai. L'incorporation des recommandations prend un certain temps.
    Madame Gelfand.
    J'aurais simplement un autre commentaire en réponse à la demande de M. McGuinty.
    Nous avons effectué ce travail et je suis surprise que vous ne l'ayez pas encore reçu. Nous allons en parler au consultant qui a travaillé en collaboration avec les ONG, et nous allons vous en remettre un exemplaire, car il est prêt.

  (1715)  

    C'est bien, merci. Ainsi, nous pourrons avoir un bon débat.
    Je remercie tout le monde d'avoir comparu aujourd'hui, et je vous remercie également pour vos réponses pertinentes et vos exposés, ainsi que pour vos commentaires concernant la loi.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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