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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 006 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 26 février 2009

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    C'est la sixième séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale depuis le début de la deuxième session. Merci d'être venus.
    Nous recevons aujourd'hui quelques invités de marque. Nous poursuivons notre examen de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques conformément à l'article 13 de cette loi.
    Nous allons souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui que je vais vous présenter.
    Tout d'abord, je m'appelle Jack Harris. Je suis le vice-président et je remplace Gary Breitkreuz, qui viendra tout à l'heure assumer les fonctions qui sont normalement les siennes.
    Nous recevons le représentant de l'Association canadienne des chefs de police, le chef Derek Egan. Merci d'être venu, monsieur.
    Nous accueillons également Vincenzo Rondinelli, avocat de la défense, de la Criminal Lawyers' Association. Merci d'être venu, monsieur.
    Et nous recevons également les représentantes du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, Chantal Bernier, commissaire adjointe à la Protection de la vie privée et Lisa Campbell, avocate générale intérimaire, Services juridiques.
    Merci à tous d'être venus.
    Nous avons pour habitude d'accorder 10 minutes aux témoins pour nous faire un exposé. Aujourd'hui, nous avons trois groupes différents et je suppose que les représentantes du Commissariat à la protection de la vie privée se partageront le temps qui leur est alloué. Nous ne sommes pas d'une rigueur extrême, mais nous n'aimons pas trop nous éloigner de ces paramètres et j'espère donc que vous nous aiderez à cet égard. Les membres du comité vous poseront ensuite des questions.
    Nous allons commencer sans plus tarder en suivant l'ordre prévu ici et je vais donc demander au chef Derek Egan, de l'Association canadienne des chefs de police, de nous faire son exposé.
    Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur.
    Bonjour, monsieur le président et membres du comité.
    L'Association canadienne des chefs de police se réjouit d'avoir été invitée à témoigner devant le comité au sujet de l'examen, prévu par la loi, de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques. L'analyse des empreintes génétiques est devenu un instrument indispensable pour la lutte contre la criminalité et nous sommes déterminés à participer à tout processus qui peut le rendre plus efficace.
    L'ACCP part du principe que l'efficacité de cet instrument dépend de la taille de la banque de données et de la brièveté des délais de traitement. Plus le nombre d'échantillons que reçoit la banque est important et plus l'enregistrement des empreintes est rapide, meilleures sont les chances de trouver une correspondance pour résoudre ou prévenir un crime ou pour écarter un suspect innocent. Nous sommes convaincus que la loi devrait aller dans ce sens, dans toute la mesure du possible, en prévoyant des limites raisonnables et des garanties respectant la vie privée.
    Nous remarquons que la banque de données génétiques compte environ 153 000 profils d'ADN dans le fichier des condamnés, ce qui représente moins de 0,5 p. 100 de la population du Canada alors qu'au Royaume-Uni, il s'agit d'environ 7 p. 100. Le fichier de criminalistique, qui regroupe actuellement à peu près 47 000 profils, est également incomplet. C'est en grande partie attribuable à la capacité d'analyse de l'ADN dont je parlerai tout à l'heure.
    L'application de la science à l'identification par les empreintes génétiques est certainement ce qui a le plus contribué, jusqu'ici, à faciliter les enquêtes policières. C'est ce qui permet le mieux d'identifier les victimes et les suspects et fournit aux tribunaux une preuve d'identité irréfutable pour les aider à condamner les coupables et à disculper les innocents.
    L'Association canadienne des chefs de police a été fondée en 1905 et est constituée en organisme sans but lucratif. Notre association a pour but d'appuyer et de promouvoir une application efficace de la loi et la sécurité de la population canadienne. L'ACCP est une association nationale. Ses intérêts et ses préoccupations concernent la police à tous les niveaux, aussi bien municipal que régional, provincial ou fédéral. Notre conseil d'administration comprend des chefs, des commissaires et des directeurs de services de police qui représentent les diverses régions du pays et qui sont élus par les membres.
    Notre association préconise depuis longtemps une utilisation efficace de l'ADN pour identifier les suspects et disculper les innocents. Au cours des années 1990, l'Association a réclamé énergiquement la création d'une banque nationale d'empreintes génétiques et elle a appuyé le gouvernement dans ce sens. Depuis, nous avons saisi toutes les occasions qui nous ont été offertes de participer pleinement à tout processus susceptible d'améliorer le système et d'accroître la sécurité du public.
    En août 2000, l'ACCP a adopté la résolution 2000-04 dans laquelle elle déplorait que, si aucun agent de la paix n'est disponible pour escorter la personne déclarée coupable et que cette personne décide de s'en aller, rien ne l'oblige à revenir pour fournir un échantillon. Le gouvernement a reconnu cette omission et l'a corrigée dans le projet de loi C-13.
    En octobre 2002, dans un mémoire relatif au document de consultation de 2002 sur la banque de données génétiques, nous avons préconisé d'inclure certaines infractions connues comme étant des délits précurseurs de crimes plus graves dans la liste des infractions désignées dans le Code criminel. Par exemple, les auteurs de meurtres en série ou d'agressions sexuelles en série ne débutent leur carrière criminelle en commettant des crimes aussi graves, mais plutôt des infractions comme l'intrusion de nuit dans une propriété privée et le harcèlement criminel. Nous avons été satisfaits de voir qu'on en a tenu compte dans le projet de loi C-13.
    Nous croyons toutefois que le gouvernement aurait dû aussi inclure d'autres délits précurseurs comme le maraudage ou l'intrusion de nuit dans une propriété privée, ainsi que les infractions reliées à la possession d'armes prohibées ou à autorisation restreinte. Il nous serait certainement très utile, en Colombie-Britannique, de pouvoir prélever des échantillons d'ADN suite au port d'armes prohibé pour enquêter sur les activités des bandes criminalisées.
    Nous avons également fait valoir qu'il faudrait prélever des échantillons d'ADN sur les personnes qui ne sont pas jugées responsables de l'infraction lorsqu'elle a été commise. Cela peut vouloir dire qu'elles ont effectivement commis l'infraction, mais qu'elles n'étaient pas conscientes de sa nature ou des circonstances l'entourant. De toute évidence, il est possible qu'elles aient commis des infractions antérieurement et qu'elles puissent récidiver si elles sont libérées. Là encore, nous avons été contents de voir que le projet de loi C-13 en a tenu compte.

  (0910)  

    Enfin, le projet de loi C-13 a également inclus dans la liste tous les meurtres et toutes les agressions sexuelles, dès la première infraction, au lieu d'attendre qu'il y ait eu au moins deux précédents comme c'était le cas avant. Cela nous permet d'enregistrer dans la banque de données des gens qui ont manifesté une propension à commettre un acte criminel et qui en ont peut-être commis d'autres avant.
    Pour résumer, l'ACCP est reconnaissante et honorée d'avoir pu donner son point de vue et travailler avec le gouvernement pour trouver des moyens d'utiliser l'ADN de façon à accroître la sécurité du public.
    Si vous le permettez, je voudrais maintenant aborder plusieurs questions reliées à la loi qui préoccupent les membres de notre association et l'ensemble des policiers. Mes observations seront assez générales et ne porteront pas sur des amendements législatifs particuliers. Je laisse aux experts et aux rédacteurs législatifs le soin d'en discuter.
    En général, la police considère l'ADN comme une sorte d'empreinte digitale biologique et cherche naturellement une concordance avec la Loi sur l'identification des criminels. Les modifications apportées à la loi au cours des années ont largement contribué à cette concordance, mais il y a encore des lacunes. C'est dans ce contexte et dans le but d'améliorer la concordance que je vais formuler mes observations.
    Le premier principe énoncé à l'article 4 de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques est le suivant:
La protection de la société et l'administration de la justice sont bien servies par la découverte, l'arrestation et la condamnation rapides des contrevenants, lesquelles peuvent être facilitées par l'utilisation de profils d'identification génétique.
    L'ACCP considère que plus le prélèvement de l'échantillon a lieu tôt et plus la banque de données comprend un grand nombre de profils d'ADN, plus il est possible d'identifier rapidement les criminels et de prévenir les crimes. Les limitations à l'égard des infractions désignées, des processus d'autorisation, du moment auquel un échantillon est prélevé et des règles de rétention nuisent à cet objectif. Nous croyons que l'alignement de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques sur la Loi sur l'identification des criminels remédierait à ces lacunes et apporterait les garanties nécessaires.
    Nous estimons que la conservation des profils génétiques des condamnés et le prélèvement buccal d'ADN sont un peu plus invasifs que les empreintes digitales et que les règles régissant la prise et la rétention des empreintes digitales peuvent être facilement transposées aux échantillons d'ADN. Avec les progrès de la science et de la technologie, il semble tout à fait possible qu'on puisse obtenir un échantillon d'ADN d'une personne dont on prend les empreintes digitales sans encre.
    La concordance avec la Loi sur l'identification des criminels élargirait la liste des infractions désignées en y incluant les infractions poursuivies par mise en accusation ou par procédure sommaire, ce qui comprend les délits précurseurs tels que l'intrusion de nuit dans une propriété privée, le harcèlement et les autres infractions actuellement exclues pour lesquelles l'ADN faciliterait l'identification et la poursuite, telles que la conduite dangereuse.
    Ce qui est tout aussi important, c'est le moment où a lieu la prise d'échantillon et un grand nombre de pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie procèdent au prélèvement lors de l'arrestation. Cette formule augmente nettement le volume de profils génétiques enregistrés dans la banque de données, ce qui améliore la détection et la prévention d'infractions ultérieures. Le prélèvement d'échantillons lors de l'arrestation est conforme à la Loi sur l'identification des criminels.
    La concordance avec la Loi sur l'identification des criminels permettrait aussi de prélever des échantillons d'ADN sur des personnes décédées. Cela faciliterait également l'identification des personnes disparues, la résolution des crimes et permettrait de clore des affaires criminelles.
    Il vous reste environ une minute et demie sur le temps qui vous est officiellement alloué.
    La rétention joue également un rôle dans la banque de données. À l'heure actuelle, il n'est pas possible d'avoir accès à un profil ADN lorsqu'une condamnation est annulée suite à un appel. La concordance entre les deux lois permettrait également de maintenir cet accès. Au Royaume-Uni, on a constaté que 15 p. 100 des correspondances se situaient dans cette catégorie.
    La concordance avec la Loi sur l'identification des criminels permettrait aussi de passer d'un processus judiciaire à un processus administratif, ce qui augmenterait le taux de prélèvement et réduirait le taux d'erreur.
    D'autre part, nous recommandons énergiquement de créer d'autres fichiers. Nous croyons qu'un fichier des restes humains aiderait à identifier les personnes disparues, qu'un fichier des contrevenants décédés aiderait à résoudre des crimes et qu'un fichier volontaire des victimes vivantes permettrait d'établir un lien avec d'autres victimes, restes humains, crimes et délinquants.
    C'est peut-être en dehors du cadre de l'examen du comité, mais il faut parler de la capacité étant donné notre désir de voir grossir la banque de données. Nous estimons que même si la capacité et l'expansion sont liées, il faudrait aborder ces questions séparément. La capacité continuera de poser un problème au fur et à mesure que la science évoluera et qu'on sera mieux en mesure de détecter et de récupérer des empreintes génétiques, que la liste des infractions désignées et les règles de rétention soient élargies ou non.
    En 2007, l'ACCP a adopté la résolution 2703 qui demandait au gouvernement fédéral de financer entièrement l'analyse de l'ADN pour répondre à la demande et nous continuons à travailler dans ce sens. Nous croyons que la loi devrait soutenir la croissance de la capacité au lieu de la limiter.
    J'ai deux dernières choses à ajouter. Il y a d'abord les limitations concernant les recherches. À l'heure actuelle, la loi ne permet pas de rechercher dans la banque le profil de restes humains que nous croyons être ceux d'une personne condamnée qui est inscrite dans le fichier. Il est donc nécessaire d'obtenir une ordonnance de production pour avoir ces renseignements. La loi ne permet pas non plus de faire des recherches axées sur les liens de parenté alors que cela aiderait à orienter l'enquête et à écarter des personnes non impliquées.
    Enfin, je voudrais parler du fardeau administratif qu'entraîne la procédure de visa de l'ordonnance pour les récidivistes. À l'heure actuelle, il faut prendre des empreintes digitales chaque fois qu'une personne figurant dans le fichier est arrêtée pour une infraction désignée, ce qui impose un lourd fardeau administratif dans le cas de récidivistes particulièrement prolifiques. Nous recommandons de prendre seulement un échantillon complet d'empreintes digitales. Cela allégerait ce fardeau.
    Pour conclure, l'ACCP a profité de toutes les occasions pour participer à la réforme de la législation, aux améliorations des politiques et à l'élaboration de solutions novatrices. En ce qui concerne l'utilisation de l'ADN pour aider à identifier les criminels et à disculper les personnes condamnées injustement, nous avons appuyé énergiquement le gouvernement lorsqu'il a proposé de créer une banque de données nationales dans les années 1990. Nous avons été consultés et nous avons donné notre opinion en 2002 en ce qui concerne la loi. Pour ce qui est du projet de loi C-13, nous avons suggéré un certain nombre d'amendements qui ont ensuite été adoptés.
    Nous sommes très reconnaissants au gouvernement pour la façon dont il a répondu à nos appels. Nous continuons de recommander l'élargissement de la loi dans le but de la rendre conforme et parallèle à la Loi sur l'identification des criminels. Nous demandons au gouvernement de tenir compte des questions que j'ai soulevées.
    Merci, monsieur le président.

  (0915)  

    Merci, monsieur.
    Nous passons maintenant à M. Rondinelli. Allez-y, monsieur.
    Je suis ici, ce matin, au nom de la Criminal Lawyers Association. Je vais vous parler un peu de nous. Notre organisme regroupe un millier d'avocats de la défense des quatre coins du pays. Une de nos fonctions consiste à comparaître devant des comités comme le vôtre et aussi à jouer un rôle consultatif auprès de la magistrature et des procureurs de la Couronne. D'autre part, comme les procureurs de la Couronne de tout le pays, nos membres travaillent en première ligne du système de justice pénale et, bien entendu, ce genre de loi a d'importantes répercussions pour nos membres.
    Avant de commencer, je voudrais simplement mentionner qu'en raison du court préavis qui m'a été donné pour ma comparution d'aujourd'hui, il m'était difficile de vous remettre mon texte à temps pour qu'il soit traduit. Je crois que le mémoire que j'ai fourni est en cours de traduction et que vous devriez le recevoir prochainement. Pour ce qui est de mon exposé, je veillerai à être bref compte tenu des dix minutes dont je dispose ce matin.
    Une de nos principales préoccupations, et cela depuis la création de la banque de données, est la dérive de la loi que nous dénonçons depuis longtemps. Si nous examinons l'historique de la législation canadienne sur les empreintes génétiques, nous constatons que la catégorie très limitée de personnes ou de contrevenants que nous envisagions d'inscrire dans la banque de données s'est beaucoup élargie. Quand la première loi sur les mandats autorisant les prélèvements pour analyse génétique a été mise en place en 1995, elle ne visait que les criminels les plus violents et les délinquants sexuels.
    Ensuite, quand la banque de données a été créée en 2000, la portée de la loi s'est encore élargies pour inclure non seulement les infractions primaires et secondaires désignées, telles qu'on les appelait, mais aussi les infractions de conduite dangereuse ou avec facultés affaiblies ayant causé des lésions corporelles.
    Nous avons ensuite assisté à un glissement encore plus important, selon moi, quand le projet de loi C-13 a été présenté l'année dernière. Non seulement il énumérait un certain nombre de nouvelles infractions, mais il permettait d'enregistrer des profils génétique dans la banque de données pour une catégorie encore plus large d'infractions poursuivies par mise en accusation et passibles d'une peine d'au moins cinq ans. En fait, l'ADN d'un autre type de délinquant et celui des personnes déclarées non responsables criminellement pour cause de troubles mentaux peut aussi être inclut dans la banque de données.
    Encore une fois, nous constatons que la loi a d'abord eu une portée très limitée. Compte tenu des préoccupations évidentes que nous avions, dès le départ, sur le plan du respect de la vie privée et des libertés civiles, notre société est partie du principe que si nous prélevons ce qu'on a appelé le schéma directeur de la vie, ce doit être seulement pour les membres de la société qui ont moins droit au respect de leur vie privée à cause de ce qu'ils ont fait et de ce qu'ils sont capables de faire à l'avenir. Nous nous étions entendus pour limiter cela aux meurtriers et aux délinquants sexuels mais, comme je l'ai mentionné, ces dispositions semblent avoir pris beaucoup plus d'amplitude.
    Je laisserai de côté les libertés civiles ou les arguments fondamentaux qui ont été invoqués depuis le début en ce qui concerne la vie privée et les renseignements qu'un échantillon d'ADN permet d'obtenir pour me concentrer sur l'aspect pratique.
    Nous avons de la chance, car le Royaume-Uni est très en avance dans ce domaine, comme on vous l'a dit. Sa banque de données compte maintenant près de cinq millions d'empreintes et, de toute évidence, un pourcentage important de la population y est enregistré. Les États-Unis ont également une longue expérience des banques d'empreintes génétiques. Nous pouvons profiter de leur expérience pour savoir ce qui donné ou n'a pas donné des bons résultats.
    Une chose à laquelle il faudrait prêter attention est que la dérive de la loi n'est pas une particularité du Canada. Bien entendu, vous avez vu qu'aux États-Unis, et surtout au Royaume-Uni, l'échantillon d'ADN est prélevé non seulement lors de l'arrestation, mais chaque fois qu'une infraction peut faire l'objet d'une condamnation ou d'une arrestation . Cette empreinte peut être conservée dans la banque de données moyennant certaines restrictions.

  (0920)  

    Si j'en ai le temps, je parlerai de la décision que l'Union européenne a prise en décembre et qui a porté un sérieux coup à la base de données actuelle du Royaume-Uni.
    D'après certaines données empiriques et dans les deux domaines pratiques dont je voudrais parler brièvement, nous constatons ce qui suit. Un élargissement est-il possible? À première vue, il semble souhaitable d'inclure tous ces nouveaux contrevenants dans la base de données, mais sur le plan pratique, technique et financier, pouvons-nous faire face à cet élargissement? Deuxièmement, un élargissement est-il vraiment utile? Les bases de données plus importantes donnent-elles de meilleurs résultats?
    Pour répondre à la première question, vous êtes sans doute tous au courant du rapport de 2007 de la vérificatrice générale qui a constaté certains problèmes relativement à l'arriéré de notre base de données. Les échantillons qui ne sont pas traités à temps ont créé certains arriérés.
    Là encore, ce n'est pas une situation particulière au Canada. Les États-Unis ont un sérieux problème d'engorgement de leur base de donnée, à tel point qu'ils ont adopté une loi fédérale, la DNA Analysis Backlog Elimination Act. Je ne me souviens pas des critères, mais les États peuvent demander un financement fédéral pour les aider à liquider l'arriéré qu'ils ont accumulé en élargissant leur banque d'empreintes génétiques pour y inclure davantage de catégories de contrevenants. Il est certain que cela va créer plus de travail, plus de contraintes budgétaires et tout ce qu'entraîne ce genre de décision.
    Le Royaume-Uni n'échappe pas non plus au problème d'arriéré. La banque de données du Royaume-Uni compte près de cinq millions d'empreintes, celle des États-Unis sans doute près de quatre millions, mais si j'ai bien compris, la nôtre en compte à peu près 155 000.
    Cela m'amène à la deuxième question quant à savoir si un élargissement peut vraiment donner des résultats. Là encore, il est utile d'examiner certaines des études britanniques et américaines. Un bon nombre des questions que j'ai mentionnées sont abordées dans mon mémoire et vous pourrez donc obtenir plus tard la référence de ces études.
    Selon une étude récente, même si la base de données du Royaume-Uni s'est élargie d'environ 650 000 profils par année, le taux de résolution des crimes n'est que de 1 sur 800. Autrement dit, la base de données n'a plus vraiment autant de valeur qu'au début lorsqu'elle était limitée aux contrevenants les plus violents ou aux délinquants sexuels.
    À notre avis, cela n'a rien d'étonnant. Lorsque vous examinez à quel moment la base de données arrive à un plateau et n'est plus aussi efficace pour résoudre les crimes, cela dépend du type de délinquants. Par le passé, les statistiques ont toujours démontré que ce sont les criminels les plus violents ou les délinquants sexuels qui récidivent le plus souvent, si bien que s'ils sont déjà dans la banque de données…
    Un bon nombre d'initiatives positives ont été prises pour améliorer la banque de données, même de façon rétroactive, comme nous l'avons entendu dire ce matin. Avant, il fallait que quelqu'un commette deux meurtres ou plus, mais maintenant il suffit d'un et c'est une bonne chose. Quiconque commet un meurtre devrait figurer dans la banque de données. Bien entendu, c'est justifié dans le contexte de la Charte. Toutefois, lorsqu'on commence à inclure toutes sortes d'autres délinquants, il ne faut pas s'étonner que ce soit sans résultat étant donné que les récidivistes ont toujours été, comme je l'ai dit, les criminels les plus violents ou les délinquants sexuels.
    Au Canada, il nous est difficile de voir, lorsque nous examinons les statistiques, ou du moins celles que nous avons pour le moment, quelle est la valeur que nous obtenons. Je peux seulement me fier à ce qui figure dans le site Web de la Banque nationale de données génétiques ou, plus précisément, dans les « Enquêtes aidées par la DNDG ». Il y en avait au total 11 126 le 13 février 2009. Ce chiffre est réparti entre les infractions pour lesquelles les enquêtes auraient été aidées.

  (0925)  

    En général, il faut se demander ce que cela signifie vraiment? Nous n'avons pas pu trouver de statistiques au sujet des empreintes qui ont mené à une condamnation. Les statistiques ont une signification différente selon la façon dont on les utilise. Quelles sont, parmi ces enquêtes, celles qui ont donné lieu à des plaidoyers de culpabilité? Ont-elles même entraîné des condamnations? D'autres preuves ont-elles été utilisées avant le prélèvement d'ADN? Voilà le genre de questions qui se posent. Rien dans ces statistiques ne démontre vraiment l'utilité d'élargir davantage cette base de données si l'on tient compte de son but qui est de détecter les crimes et de les résoudre. Je pense donc qu'il faudrait examiner davantage les véritables statistiques.
    Je vois qu'il ne me reste plus beaucoup de temps. Je vais terminer. Je l'explique plus en détail, par écrit, dans mon mémoire.
    Pour ce qui est de retracer les criminels et de résoudre des affaires classées, il est évident que la possibilité d'accéder à la banque de données pour innocenter des gens n'existe pas vraiment. Quant à ce qu'on peut faire ou non avec le fichier criminalistique et le fichier des condamnés, il n'y a rien dans la loi qui permette de s'en servir pour un projet visant à innocenter des condamnés en cherchant certaines correspondances dans la banque de données. La situation est différente dans certains États américains. Comme je l'indique dans mon mémoire, le New Jersey a une base de données. Il est bien précisé qu'un projet visant à innocenter doit pouvoir y accéder. Compte tenu de ce que nous attendons de la banque de données génétiques — et la résolution des crimes est certainement dans l'intérêt de tous — il faudrait au moins qu'elle permette d'innocenter les personnes condamnées à tort. Heureusement, nous n'avons pas les mêmes antécédents que les États-Unis à cet égard, mais cela ne veut pas dire qu'on ne condamne jamais d'innocents au Canada. C'est malheureusement arrivé.
    Quand j'en ai parlé avec Alan Young, le directeur du « Innocence Project » à la Faculté de droit Osgoode Hall, de Toronto, il m'a dit qu'il s'attend à un problème. Il va être saisi de certains dossiers pour lesquels il pense avoir besoin d'accéder à la banque de données génétiques. Pour le moment, cet accès n'existe pas.
    Telles sont nos principales préoccupations. Merci.

  (0930)  

    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous allons maintenant entendre le témoignage du Commissariat à la vie privée du Canada.
    Madame Bernier.

[Français]

    Merci. Je m'appelle Chantal Bernier. Je suis commissaire adjointe à la protection de la vie privée.
    Aujourd'hui, notre présentation sera donnée par Me Campbell, notre avocate générale par intérim. À notre grande chance, elle est une experte dans le domaine de la technologie biométrique et l'auteure de nombreux articles sur ce sujet. C'est donc elle qui vous donnera les détails de notre position.
    Quant à moi, j'aimerais rappeler à cette assemblée les principes qui doivent sous-tendre la discussion.

[Traduction]

    Avant de céder le micro à ma collègue, je voudrais énoncer certains principes généraux sur lesquels repose notre position.
    Je crois d'abord important de souligner qu'en principe, une banque de données génétiques représente une sérieuse atteinte à la vie privée. Cela ne veut pas dire qu'elle doit être interdite. Cela signifie qu'il faudrait la gérer en s'efforçant au maximum de respecter un juste équilibre entre la sécurité et la vie privée. Dans la législation canadienne, cet équilibre est régi par quelques principes que j'aimerais rappeler.
    D'abord, le droit canadien reconnaît que la sécurité peut l'emporter sur le droit à la vie privée. Il y a toutefois certaines conditions rigoureuses à respecter. La première est que l'atteinte à la vie privée doit être proportionnée au besoin de sécurité auquel elle répond. Le deuxième est que la nécessité de cette atteinte doit être prouvée, établie et vérifiable, dans le contexte d'une société libre et démocratique.
    Il ne faut pas oublier non plus que les renseignements obtenus grâce à cette atteinte à la vie privée doivent être utilisés, recueillis et conservés de façon à protéger de façon constante leur proportionnalité par rapport à l'objectif que l'atteinte à la vie privée visait au départ.

[Français]

    À partir de ces critères que je viens de nommer, la position du Commissariat à la vie privée du Canada est que la loi actuelle est justifiée et que la gestion par la GRC de la loi satisfait aux critères d'équilibre entre la sécurité et la vie privée. En somme, nous privilégions le statu quo.
    Je laisse à ma collègue le soin de vous donner les détails de notre position.

[Traduction]

    La Cour suprême du Canada a reconnu à de nombreuses reprises que la vie privée mérite d'être protégée en vertu de la Charte et que la Loi sur la protection des renseignements personnels a un statut quasi constitutionnel. Le respect de la vie privée des citoyens est à la base même d'un État démocratique et est essentiel au bien-être de l'individu. Il nous permet également d'exercer un grand nombre de nos autres droits et libertés fondamentaux. Comme l'a dit ma collègue, les données génétiques humaines sont fondamentalement différentes des autres données.
    Depuis que la science qui étudie l'hérédité et les variations dans les organismes vivants a permis de découvrir que certaines séquences nucléotidiques correspondent à des caractères héréditaires, nous avons mieux compris que nos codes génétiques sont des renseignements personnels très importants et très précieux qui doivent être protégés.
    Les données génétiques soulèvent des inquiétudes sur le plan de la protection de la vie privée en raison de la quantité d'information illimitée qu'elles permettent d'obtenir, du délai de conservation illimité des échantillons et de l'utilisation probable de l'information pour en tirer un avantage économique ainsi que des répercussions potentielles sur les personnes, les tiers et les collectivités. Par conséquent, une ordonnance de prélèvement d'ADN doit clairement tenir compte de deux aspects de la vie privée qui sont protégés par la Charte canadienne des droits et libertés. Le premier concerne la personne, mais le deuxième se rapporte à ce qu'on a appelé le contexte informationnel.
    Par exemple, notre Cour suprême a mentionné que l'ADN contient des renseignements extrêmement confidentiels étant donné qu'il peut révéler les détails les plus intimes de la composition biologique d'une personne. Par conséquent, le prélèvement et la conservation d'un échantillon d'ADN est considéré comme une grave intrusion dans la vie privée d'une personne. C'est la première chose que je voulais dire.
    Je parlerai ensuite de ce que notre bureau pense de la banque de données génétiques actuelle et de la façon dont elle est gérée. Depuis l'adoption de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, il y a eu un élargissement de la portée de cette loi, d'abord avec le projet de loi C-36, la Loi anti-terroriste et ensuite, le projet de loi C-13. L'ajout des infractions terroristes et des infractions du projet de loi C-13 semble avoir modifié la logique du programme et je crois donc important d'en prendre conscience. Au lieu de servir principalement à relier l'ADN des contrevenants qui ont commis de graves crimes violents ou des infractions sexuelles avec l'ADN trouvé sur les lieux du crime, la banque de données reçoit les échantillons d'ADN de contrevenants qui ont commis une gamme d'infractions beaucoup plus vaste.
    Nous savons que des pressions sont exercées sur le comité pour qu'il recommande d'élargir la base de données afin d'y inclure davantage d'infractions, de permettre des recherches par liens parentaux et d'élargir le partage de l'information. Nous vous mettons en garde contre ces mesures étant donné qu'elles portent atteinte à la vie privée et qu'elles risquent de compromettre la viabilité globale de la base de données génétiques.
    Des recherches par liens parentaux permettraient à la banque de données de chercher des correspondances avec des parents proches qui ont probablement des profils similaires. Il faut toutefois être prudent. Les recherches par liens parentaux produisent des résultats faussement positifs ou négatifs, des profils qui semblent apparentés, mais qui ne le sont pas et inversement. Pour ces raisons, ainsi que pour la protection de la vie privée des personnes touchées, nous nous sommes prononcés contre les recherches par liens parentaux.
    Le Council for Responsible Genetics a également fait remarquer que la conservation de l'ADN d'une personne arrêtée peut menacer la présomption d'innocence lors d'enquêtes ultérieures. Il souligne le nombre disproportionné d'arrestations de personnes qui font partie des minorités visibles aux États-Unis et au Royaume-Uni et dont un bon nombre sont libérées faute de preuve. Par conséquent, si l'on conserve l'empreinte de toutes les personnes arrêtées, cela aurait un effet disproportionné sur la vie privée des minorités raciales. Nous savons qu'au Canada le taux d'arrestation des membres des minorités visibles et des Autochtones est plusieurs fois supérieur à celui des autres Canadiens, de même que leur taux d'incarcération.
    Notre loi permet d'échanger des renseignements provenant de la banque de données génétiques, au cas par cas, avec des pays étrangers, à la condition qu'un accord ait été conclu avec ce pays conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Nous vous mettons en garde contre une comparaison systématique des profils de la banque de données génétiques canadienne avec ceux des banques de données internationales. Il ne serait pas non plus souhaitable de relier la base de données canadienne à un système central qui permettrait aux États étrangers de faire régulièrement des recherches.
    Cela m'amène au troisième et dernier objet de mon propos: le contexte international. Il est important d'examiner ce que nous faisons ici dans le contexte international.
    Le Canada est signataire de plusieurs instruments internationaux qui soulignent l'importance primordiale de la protection de la vie privée. La Déclaration universelle des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques reconnaissent tous les deux le droit à la protection de la loi contre les immixtions dans la vie privée. Nous aspirons à vivre dans une société libre et démocratique qui respecte les droits humains fondamentaux, mais de plus en plus, étant donné l'environnement très interrelié dans lequel nous vivons, nous devons veiller à ce que la vie privée et les autres droits constitutionnels des Canadiens soient protégés lors de nos interactions avec d'autres pays.

  (0935)  

    Lorsque les institutions du gouvernement fédéral recueillent, utilisent et divulguent des renseignements personnels sur les gens, il est important de ne pas oublier les répercussions que cela peut entraîner pour ces derniers. Nous avons tendance à considérer que les actions du gouvernement sont simplement de nature administrative, mais ces actions administratives peuvent avoir de profonds effets. Nous en avons eu récemment l'exemple avec ce qui est arrivé à M. Arar ainsi qu'aux hommes dont l'enquête Iacobucci a examiné le cas.

[Français]

    Or, la collaboration internationale dépend en partie des négociations visant à fixer des standards de gouvernance dans l'information sur lesquels toutes les parties s'entendent. Toutefois, les standards de gouvernance dans l'information dans le cas des biobanques sont, dans l'ensemble, loin d'être uniformes.
    L'extension progressive du fichage génétique des criminels sexuels à tous les criminels, des criminels aux délinquants et des délinquants aux suspects est plus que préoccupante. Elle fait partie du faisceau de mesures adoptées par la plupart des pays occidentaux, à commencer par les États-Unis et la Grande-Bretagne, qui ont permis de porter atteinte à un certain nombre de droits inscrits dans la législation internationale et dans les textes fondamentaux des pays concernés. Cependant, cette évolution n'est pas inéluctable et uniforme. Au Canada, malgré notre proximité avec les États-Unis, on a décidé de limiter le fichage génétique aux criminels condamnés.

  (0940)  

[Traduction]

    Bientôt, les Canadiens soupçonnés d'avoir commis une infraction devront fournir un échantillon d'ADN à la frontière américaine. La nouvelle politique des États-Unis exigera que toute personne arrêtée aux États-Unis ou les étrangers détenus à la frontière qui ne sont pas légalement résidents des États-Unis fournissent des échantillons d'ADN. Les détracteurs des bases de données américaines ont souligné que même si tous les États ont une base de données génétiques, la façon dont les échantillons sont prélevés et les raisons pour lesquelles ils le sont varient beaucoup. La majorité des États autorisent la conservation des échantillons après l'analyse génétique et plusieurs d'entre eux permettent également de recueillir l'ADN de personnes simplement arrêtées pour une infraction. Les autorités policières des États-Unis ont également procédé à de véritables balayages génétiques en demandant un prélèvement buccal aux membres de la famille, aux voisins et aux amis de la victime d'un crime violent. Devant cette situation, de nombreux observateurs ont conclu que les variations dans les normes techniques et les critères de prélèvement compromettent la validité des résultats.
    Les inquiétudes que suscite l'élargissement de la fonction initiale sont particulièrement pertinentes dans le contexte des banques de données génétiques, surtout avec l'expansion des catégories de participants. L'inclusion probable des personnes mises en arrestation dans un plus grand nombre d'États jette nécessairement le doute sur le but de ces banques de données. D'autre part, un grand nombre de dispositions législatives des États américains présentent de sérieuses lacunes. Les bases de données génétiques n'offrent pas les mêmes garanties de confidentialité que celles qui s'appliquent aux échantillons prélevés dans d'autres situations comme lors d'un examen médical. Plusieurs États permettent également que des profils ADN qui se trouvent dans leurs bases de données servent à d'autres fins.
    Je vous parle de la situation internationale afin que vous puissiez situer le Canada par rapport aux autres pays. Si vous prenez l'Angleterre et le pays de Galles, toute personne arrêtée pour une infraction prévue au code doit fournir un échantillon d'ADN dont le profil est conservé dans la base de données génétiques. L'Angleterre vient d'être sévèrement critiquée pour cette politique dans la décision que la Cour européenne des droits de l'homme a rendue en décembre 2008. La Cour a rendu une décision importante sur la confidentialité des données génétiques d'une personne. La Cour européenne s'est également référée à une décision de la Cour suprême du Canada et a jugé que la conservation de l'échantillon d'ADN d'une personne qui n'a pas fait l'objet de condamnations antérieures viole les droits de cette personne. Elle a cité la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans la Reine c. R.C., en 2005 en déclarant que la conservation des données génétiques d'une personne aurait des répercussions négatives disproportionnées sur son droit à la vie privée par rapport aux avantages qu'en tirerait la justice pénale.
    Je crois que vous avez déjà entendu parler du cas européen. Il s'agissait de deux suspects britanniques. La police locale avait conservé leurs échantillons d'ADN après leur arrestation même s'ils avaient été acquittés. La Cour a fait valoir que la police avait conservé l'échantillon sans tenir compte de la gravité de l'infraction pendant une période indéfinie sans que son processus décisionnel ne soit soumis à un examen indépendant. La Cour européenne est parvenue à peu près à la même conclusion que les tribunaux canadiens en disant que le caractère général et indifférencié du pouvoir de conservation des empreintes digitales, des échantillons biologiques et des profils ADN des personnes soupçonnées d'avoir commis des infractions, mais non condamnées ne traduit pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu, et que l'État défendeur a outrepassé toute marge d'appréciation acceptable en la matière.
    L'influence des autres tribunaux a lourdement pesé sur la décision de la Cour européenne. En plus du Canada, cette dernière a cité plusieurs pays membres du Conseil de l'Europe contrastant avec les pratiques britanniques. À notre avis, cela démontre la responsabilité que les pays démocratiques ont les uns envers les autres lorsqu'on établit des politiques dans un domaine nouveau et controversé comme celui du prélèvement et de la conservation des échantillons d'ADN.
    Pour conclure, nous appuyons une bonne gestion et une bonne supervision de la banque de données. Elle ne devrait servir qu'aux fins criminalistiques pour lesquelles l'ADN a été prélevé et nous exhortons le comité à veiller à ce que la conservation et l'utilisation des profils ADN de la banque de données protègent le droit primordial à la vie privée.
    Je vous remercie de votre attention.
    Merci beaucoup, madame Campbell et nous vous remercions tous pour ces exposés très intéressants. Si vous avez d'autres documents à remettre au comité, nous vous en serons certainement reconnaissants. Je sais que certains d'entre vous nous ont remis leurs textes et nous allons les faire traduire.
    Il y a maintenant des membres du comité qui vont commencer à interroger les témoins. Ce sera d'abord M. Oliphant.

  (0945)  

    Merci à vous tous. Je crois que j'ai le meilleur emploi au monde. J'écoute des gens intelligents qui ont des divergences d'opinions. C'est encore mieux.
    Ma question s'adresse à M. Egan. Votre association et mon propre chef de police, à Toronto, M. Blair, ont demandé l'élargissement de la banque de données génétiques et de la collecte d'échantillons. Aujourd'hui, vous avez fait une distinction entre cet élargissement et la capacité financière comme s'il s'agissait de deux questions distinctes. Toutefois, à votre assemblée annuelle de 2007, vous avez adopté une motion demandant au gouvernement fédéral d'augmenter le financement de l'analyse des profils ADN. Je me demande si vous en avez parlé au gouvernement et comment il a répondu. Combien d'argent demandiez-vous et à quoi cet argent devait-il servir?
    Merci.
    Le problème de la capacité se pose depuis longtemps pour la police. Le traitement des échantillons n'est pas aussi rapide que nous le voudrions. Cette résolution demandait au gouvernement de le financer à un niveau adéquat. C'était, je crois, de l'ordre de 20 millions de dollars.
    Était-ce relié à l'élargissement que vous préconisez ou était-ce simplement pour améliorer ce qui est fait actuellement?
    C'était pour améliorer ce qui est fait actuellement.
    Mme Bernier a laissé entendre que les critères que nous utilisons pour ce genre d'incursions dans la vie privée doivent tenir compte de la proportionnalité et de la nécessité, ainsi que de l'utilisation qui est faite de ces renseignements. J'ai trouvé cela très intéressant. Quand je lis la déclaration du chef de police, j'ai l'impression que l'on vise surtout la commodité. Pourriez-vous nous en parler? Pensez-vous vraiment que c'est une question de proportionnalité et de nécessité et comment pourriez-vous le démontrer compte tenu de ce que M. Rondinelli a dit au sujet de l'efficacité réelle ou de la diminution des résultats suite à ce genre d'élargissement.
    Je ne connais pas la teneur des propos du chef Blair, mais en général, nous considérons qu'il s'agit d'un instrument. Par conséquent, plus cet instrument peut être appliqué, mieux c'est. J'ai mentionné la possibilité d'inscrire dans le fichier les personnes qui ont commis des infractions avec des armes à feu. Il est possible que l'infraction de possession ne soit pas si grave en soi, mais il est certain que ces personnes possèdent ces armes dans un certain but. Et bien entendu, lorsque ces armes sont abandonnées plus tard sur les lieux d'un crime et que l'ADN se trouve dans la banque de données et peut-être aussi sur l'arme, la règle de proportionnalité est satisfaite.
    Très bien, nous en resterons là.
    J'ai une question à poser à M. Rondinelli. Je ne suis pas avocat et c'est à la fois un avantage et un inconvénient pour ce travail. Une des choses que nous ont dites nos témoins de mardi, qui représentaient surtout la police, était que l'analyse des échantillons d'ADN de la banque de données était un instrument utile pour disculper les innocents. Les médias ont fait état de certaines personnes condamnées à tort qui ont été innocentées récemment grâce à des empreintes génétiques.
    Les procureurs de la Couronne sont-ils les seuls à y avoir accès? Les avocats de la défense y ont-ils accès? Pourriez-vous me donner quelques explications, car c'est la seule raison pour laquelle j'accepterais un élargissement, pour aider les innocents accusés à tort. Si cela ne marche pas, j'ai besoin de quelques explications.
    Premièrement, il ne fait aucun doute que l'ADN a énormément contribué à innocenter des gens. Aux États-Unis, il y a maintenant plus de 200 personnes condamnées à tort que l'ADN a permis d'innocenter, en plus des autres cas non reliés à l'ADN. Plus de 200 condamnés ont été innocentés, seulement grâce aux empreintes génétiques.
    Au Canada, bien entendu, dans le cas de Guy Paul Morin, c'est surtout l'ADN qui a permis de l'innocenter. Mais même dans ce cas et d'autres cas où l'ADN a été déterminant, ce n'est pas l'utilisation de la banque de données qui a permis de disculper ces personnes. C'est l'utilisation de l'ADN, le rôle qu'il a joué dans le dossier, la façon dont il a finalement été découvert et la façon dont l'analyse a été faite, etc. Ce n'était pas avec l'aide de la banque de données.
    Bien entendu, la Loi actuelle prévoit des contrôles très rigoureux. En ce qui concerne la proportionnalité, le droit à la vie privée et tout cela, quand la loi a été adoptée, nous devions exercer un contrôle très rigoureux sur la banque de données. Il était seulement possible de comparer les échantillons prélevés sur la scène du crime avec les échantillons fournis par les condamnés. Par conséquent, en principe, il y a dans la banque de données deux éléments distincts que l'on compare l'un avec l'autre.
    Pour ce qui est de l'accès, aucune disposition dans la loi ne permet à la Couronne ou à la défense d'avoir accès aux données. Si vous êtes condamné pour une infraction, les empreintes sont envoyées à Ottawa. Elles sont enregistrées dans le fichier des condamnés et on se livre périodiquement, que ce soit tous les jours ou un jour sur deux, à une comparaison avec le fichier criminalistique. Personne n'a accès au profil ADN, à part l'échantillon enregistré dans la base de données.

  (0950)  

    Ma dernière question s'adresse à Mme Bernier.
    Je vais probablement manquer de temps.
    Il vous reste environ une minute.
    Vous avez laissé entendre que le Commissariat croit le système de gestion actuel capable de protéger le droit à la vie privée. Voyez-vous des avantages quelconques? Le Commissariat a-t-il examiné s'il vaudrait la peine d'enlever la responsabilité de la banque de données à la GRC pour la confier à un organisme indépendant de la police, peut-être en même temps que d'autres choses comme les empreintes digitales et le Registre des armes à feu?
    Je vais passer le micro à ma collègue. Je ne suis au Commissariat que depuis deux mois et ma connaissance du dossier est encore trop limitée pour que je puisse vous donner une réponse complète.
    On m'a dit jusqu'ici que nous sommes satisfaits de la séparation que fait la GRC entre la banque de données génétiques et les renseignements d'identification, mais je voudrais que Mme Campbell vous donne une réponse plus complète.
    Cela fait partie de nos recommandations concernant la surveillance de la GRC en général. Nous avons recommandé une surveillance plus importante des activités générales de la GRC. Par conséquent, même si nous sommes d'avis que la gestion a été satisfaisante — ma collègue fait partie d'un comité de surveillance constitué d'universitaires, de juristes et de policiers qui supervisent la gestion de la banque de données — nous préconisons la poursuite d'une bonne gestion. S'il faut pour cela une séparation entre les services qui mènent les enquêtes et ceux qui gèrent la banque de données, cela pourrait être une bonne chose, selon nous, mais jusqu'ici nous avons été satisfaits de la façon dont les échantillons sont séparés des identificateurs et de la bonne supervision qui est exercée.
    Cela répond-il à votre question?
    Oui. Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Ménard, c'est à votre tour.

[Français]

    Tout comme mon collègue qui vient de s'exprimer, je veux vous dire combien je suis heureux de vous avoir entendus ce matin et combien vos présentations démontrent votre compétence et sont éclairantes pour nous. Je suis heureux d'avoir un entretien avec vous. Comme je dispose de peu de temps, je vais passer à ma première question. Je tenais d'abord à exprimer ma satisfaction de vous avoir entendus.
    Ma première question s'adresse à M. Egan.
    Dans son rapport de 2007, si je ne m'abuse, la vérificatrice générale mentionnait qu'on pouvait procéder très rapidement aux enquêtes sur l'ADN dans les cas urgents, lesquels représentaient 1 p. 100 des cas. Dans les autres cas, qui représentaient 99 p. 100 de tous les cas, le délai moyen de traitement était de 114 jours, soit environ trois mois et demi, alors que l'objectif était d'un maximum de 30 jours.
    Convenez-vous que le délai maximum devrait être de 30 jours? Pouvez-vous nous dire si l'obligation pour les enquêteurs d'attendre trois mois et demi avant d'obtenir le résultat d'une étude d'ADN compromet la conduite des enquêtes?

[Traduction]

    Merci.
    Cette question, monsieur, nous ramène au problème de la capacité. Le temps nécessaire pour l'analyse des échantillons pose un problème. Cela ralentit les enquêtes. Cela risque d'orienter les enquêtes dans une mauvaise direction, surtout au début.
    Nous avons beaucoup travaillé avec les laboratoires pour essayer de mettre au point un système de triage afin d'accélérer les choses pour les infractions les plus graves. Vous avez mentionné le délai de 30 jours pour les cas urgents ou qui touchent la sécurité publique. Cela a été fait grâce à un système baptisé PROOF.
    Pour répondre directement à votre question, il est certain que nous aimerions des délais de traitement beaucoup plus courts. C'est au coeur du problème de capacité.

  (0955)  

[Français]

    Je ne sais pas comment on a traduit mes propos, mais j'ai parlé d'une période de 30 jours comme étant le délai moyen acceptable pour tous les cas d'ADN. Pour ce qui est des cas urgents, c'est plus rapide.
    Êtes-vous d'accord que pour tous les cas, un délai maximum de 30 jours est l'objectif que nous devrions atteindre?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Vous réalisez — et M. Rondinelli l'a très bien expliqué — que le fait d'accroître l'accès à la banque allongerait les délais. Voyez-vous comme moi que nous avons un choix à faire, même à l'égard de l'efficacité policière? En effet, nous pouvons choisir d'accroître les données inscrites, ce qui aurait comme inconvénient de ralentir les analyses et, par conséquent, de nuire à la progression des enquêtes. Pour ma part, je pense qu'on devrait opter pour la rapidité plutôt que pour l'étendue.

[Traduction]

    Là encore, monsieur, nous considérons qu'il s'agit de deux questions distinctes.
    Bien entendu, nous croyons que l'idéal serait d'élargir la banque de données pour inclure les infractions dont j'ai parlé et d'élargir également la capacité des laboratoires. C'est un instrument. Il n'est pas toujours indispensable d'avoir des résultats immédiats. Souvent, il n'est même pas nécessaire de les obtenir dans un délai de 114 jours, car on dispose de preuves suffisantes pour porter l'affaire devant le tribunal et obtenir une condamnation. En pareil cas, l'empreinte génétique sert seulement de preuve supplémentaire. Dans d'autres circonstances, lorsqu'un criminel violent est en liberté et qu'il faut l'identifier, il faudrait pouvoir obtenir les résultats presque immédiatement.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Rondinelli, j'ai pratiqué le droit criminel pendant toute la partie de ma carrière qui a précédé mon élection en 1993 et j'ai même continué à le faire quand j'étais ministre de la Sécurité publique et ministre de la Justice au Québec. J'ai consacré la majorité de ma carrière à la défense bien que j'aie été du côté de la Couronne au début.
    Comme je ne pratique plus depuis 15 ans, je voudrais savoir si les avocats de la défense sont généralement d'avis que les preuves par ADN constituent une certitude hors de tout doute raisonnable, un facteur important dans le cadre d'une cause.

[Traduction]

    Il ne fait aucun doute que l'ADN joue maintenant un grand rôle, même pour les dossiers qui se retrouvent sur notre bureau. Il y a cinq ou dix ans, lorsque les tests étaient très coûteux, il n'avait pas beaucoup de cas reliés à l'ADN, sauf pour les meurtres et les infractions sexuelles très graves. Je crois que maintenant nos membres comprennent. Nous avons beaucoup plus de programmes dans le domaine de la criminalistique. Cela joue un grand rôle. L'ADN intervient dans un certain nombre de cas.
    Cela dit, je ne pense pas que nous en soyons arrivés au point où nous devons lever les bras chaque fois qu'une empreinte génétique est reliée à une affaire. Un certain nombre de défenses peuvent encore entrer en jeu. Même dans les cas d'agression sexuelle pour lesquels la poursuite a une empreinte génétique, le consentement peut encore être une défense. Bien entendu, cela joue un grand rôle.

[Français]

    Ma dernière question s'adresse soit à Mme Campbell soit à Mme Bernier.
    Au Québec, nous avons cru et nous croyons toujours que l'organisme qui doit s'occuper des sciences judiciaires serait perçu comme étant plus indépendant si, tout en étant du ressort du même ministre, il était un organisme indépendant.
    J'imagine ce que les régimes communistes pourraient faire d'une banque d'ADN gérée par la police. Dans un pays démocratique, dans le cadre de l'administration de la justice, on attache parfois autant d'importance à l'apparence de justice qu'à la preuve démontrant que la justice est indépendante. Un autre avantage serait que le budget est confié à la GRC dans son ensemble. C'est donc la GRC qui, en fonction de ses priorités, va décider quelle somme, à l'intérieur de l'immense budget qui lui est accordé, va aller à la banque.
    Ne croyez-vous pas souhaitable qu'il y ait à la fois justice et apparence de justice et qu'en plus, ce domaine relève d'un organisme indépendant?

  (1000)  

    C'est une excellente question.
    Nous croyons beaucoup à l'imputabilité, c'est-à-dire au fait qu'une organisation doive rendre des comptes sur ce qu'elle fait. On a déjà dit que la GRC devrait faire l'objet d'une supervision plus rapprochée de la part du Parlement, notamment pour accroître le contrôle sur ce qui se passe à l'égard des données personnelles des Canadiens et Canadiennes, surtout à l'échelle internationale, comme je l'ai mentionné dans le cadre de mes remarques.
    Alors, même si nous sommes satisfaits des mesures qui ont été prises à ce jour, si le comité ou le Parlement juge qu'il est nécessaire que ce domaine relève d'une agence indépendante, nous n'y verrons aucun inconvénient. Je suis d'accord avec vous pour dire, concernant les mesures, la supervision et l'imputabilité, qu'il est toujours préférable d'en avoir plus que moins.

[Traduction]

    Vous avez tous les deux dépassé votre temps et nous devons être justes envers tout le monde.
    Qui va commencer du côté ministériel?
    Nous passons à M. Norlock.
    Merci beaucoup d'être venus ce matin.
    Je vais répéter ce qui a été dit au sujet de votre compétence dont vous savez nous faire profiter.
    Ma première question s'adresse au chef Egan. Monsieur Egan, je crois que vous avez plus ou moins dit ce matin qu'en vertu de la Loi sur l'identification des criminels, le prélèvement d'échantillons d'ADN est l'équivalent du prélèvement des empreintes digitales, n'est-ce pas?
    En effet, monsieur.
    C'est donc uniquement pour identifier la personne qui est accusée. Cela fait partie de l'identification.
    D'accord. C'est un autre moyen.
    N'est-il pas vrai également que lorsqu'une personne est par la suite acquittée ou n'est plus soupçonnée, quand l'accusation est retirée ou qu'elle est déclarée non coupable, si elle n'a pas d'antécédents criminels, ses empreintes digitales sont alors détruites?
    Elle peut demander que ce soit fait.
    Si nous disons que les empreintes génétiques et les empreintes digitales sont équivalentes, ne serait-il pas logique que si l'intéressé est jugé non coupable ou que si l'accusation est retirée le profil génétique de cette personne soit enlevé de la banque de données?
    Cela alignerait les deux lois, en effet, monsieur.
    Bien entendu, nous savons que les criminels ne connaissent pas de frontière, qu'elle soit interprovinciale ou internationale. À votre avis, en tant qu'enquêteur et quelqu'un qui représente la majorité des chefs de police, qui supervise les enquêteurs, pour bien faire votre travail et protéger la population canadienne, le partage de l'information sur les profils recueillis dans la banque de données augmenterait-il votre capacité d'identifier l'auteur d'un crime et d'en disculper un suspect grâce aux empreintes génétiques?
    Oui, monsieur, absolument.
    Une des lacunes concernant le trafic de drogues au niveau international, par exemple, est que l'information sur les Canadiens qui sont arrêtés aux États-Unis pour trafic de stupéfiants et dont on a prélevé l'ADN ne peut pas être enregistrée dans la base de données canadiennes.

  (1005)  

    Merci.
    Monsieur Rondinelli, vous avez mentionné la durée du traitement des échantillons. Vous avez dit aussi que les empreintes génétiques avaient servi à innocenter des personnes qui avaient été accusées et condamnées.
    Il ne faut pas oublier non plus, monsieur Rondinelli, que cette compilation des données n'existe au Canada que depuis neuf ans environ. Par conséquent, toute conclusion concernant les données, les pourcentages ou l'analyse serait prématurée. Vu que nous nous fions énormément, à l'heure actuelle, aux empreintes digitales, ne pensez-vous pas qu'étant donné que les empreintes génétiques sont vraiment concluantes, elles peuvent autant permettre d'éliminer un personne de la liste des suspects que la condamner. Par conséquent, n'est-ce pas un bon instrument au service de la justice vu que l'on risque moins de condamner quelqu'un à tort pour un crime grave? Autrement dit, nous n'aurions pas autant de condamnations injustifiées si nous avions suffisamment de profils.
    Cette question compte plusieurs éléments.
    Je ne pense pas que la banque de données fasse à elle seule tout ce que vous avez dit. Une des raisons pour lesquelles j'ai mentionné le Royaume-Uni est que sa base de données existe depuis plus longtemps et qu'elle est, bien entendu, plus importante. Voilà pourquoi l'expérience de ce pays et les statistiques qui en proviennent nous sont utiles.
    Il ne faut pas oublier non plus que plus la base de données prend d'importance, plus les risques de fausse correspondance augmentent.
    Très brièvement, à titre d'exemple, je suis sans doute le seul Rondinelli dans cette pièce. Disons que Rondinelli soit mon profil ADN et que nous soyons les seules personnes incluses dans la base de données. Disons que nous sommes tous des meurtriers et des délinquants sexuels. Dans cette petite base de données, il y a des chances que mon profil Rondinelli ne corresponde à celui de personne d'autre ici. Par contre, si nous prenons l'annuaire téléphonique de la région d'Ottawa, les chances de tomber sur un autre Rondinelli sont probablement plus grandes, car j'ai sans doute des cousins dont j'ignore l'existence. Par conséquent, l'élargissement d'une base de données pose toutes sortes d'autres problèmes du point de vue statistique.
    L'ADN joue certainement un rôle dans le système de justice pénale pour disculper les suspects, mais ce n'est pas grâce à la banque de données. Il est fréquent que la police prélève subrepticement des échantillons d'ADN provenant des suspects et vérifie ensuite s'ils correspondent à l'empreinte prélevée sur la scène du crime. Si cela ne correspond pas, elle raye les suspects de sa liste. Cela se fait, c'est utile, mais ce n'est pas grâce à la banque de données.
    Non, ce n'est pas grâce à la banque de données. Mais il se pourrait bien que l'ADN d'une personne la disculpe ou l'élimine de la liste des suspects ou, si elle est accusée, fasse retirer son accusation, car la police ou les enquêteurs auront eu accès à la banque de données.
    Oui, j'aimerais voir un scénario de ce genre.
    Si je suis votre raisonnement, nous pourrions croire que la police ne se servira pas des données génétiques si elle pense que cela va éliminer une personne de sa liste de suspects. J'ai travaillé dans ce domaine pendant 30 ans et je n'ai jamais connu de policier qui ne se serait pas servi de preuves permettant de disculper un accusé. Ce serait d'ailleurs une infraction criminelle.
    Je vous demande encore une fois comment la banque de données peut servir à cette fin pour le moment? Vous avez un profil dans le fichier criminalistique ou vous recueillez un échantillon sur les lieux du crime, vous le téléchargez à Ottawa, mais vous ne savez pas qui se trouve dans le fichier des condamnés à moins d'obtenir une correspondance. Vous ne savez pas si je suis dans le fichier à moins qu'il y ait une correspondance. Alors comment cela va-t-il…?
    Si vous êtes l'accusé, vous aurez un résultat. C'est comme pour les empreintes digitales, si je comprends bien.
    Non, cela ne fonctionne pas ainsi.
    Disons que je suis dans le fichier des condamnés, que mon profil génétique a été téléchargé. La police trouve également une empreinte sur la scène du crime. Elle le télécharge dans le fichier criminalistique à Ottawa. Disons que le résultat est négatif. Comment la police sait-elle qu'elle ne doit plus me considérer comme un suspect? Elle ne sait pas que je suis dans le fichier.
    Mais cela montre que vous n'êtes pas le coupable…

  (1010)  

    Comment?
    Parce que la preuve ne correspond pas. Il n'y a pas de correspondance.
    Mais la police ne sait pas que je suis dans le fichier des condamnés.
    Il faudrait que je consulte de nouveau les témoignages de l'autre jour. Je pense que ces témoignages ne concordent pas avec ce que vous dites. Je crois que le comité devrait examiner cela d'un peu plus près.
    Oui.
    C'est vraiment terminé. Nous reviendrons à vous plus tard.
    Je tiens à remercier M. Harris de m'avoir remplacé. Je vais maintenant lui donner l'occasion de poser des questions à son tour.
    Allez-y, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie pour ces exposés très intéressants.
    Je m'intéresse, bien entendu, à l'équilibre dont vous avez parlé entre le besoin de sécurité et l'importante intrusion dans la vie privée que cela représente.
    M. Rondinelli nous a parlé de la dérive de la loi. Sans vouloir être alarmiste, ce genre de chose nous conduit vers un scénario digne du Grand frère. À l'heure actuelle, 7 p. 100 de la population du Royaume-Uni est fichée dans une banque de données. La dérive de la loi pourrait amener quelqu'un à décider, dans cinq ou dix ans, que ces renseignements sont très utiles pour d'autres raisons.
    Partagez-vous ces inquiétudes sur le plan de la vie privée? J'ai l'impression que vous adoptez une approche minimaliste en limitant l'intrusion dans la vie privée à ce que requièrent les fonctions dont nous parlons. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    En fait, c'est un principe du droit canadien. C'est ainsi que nos tribunaux ont défini un juste équilibre et que la Loi sur la protection des renseignements personnels est conçue, par exemple. L'intrusion dans la vie privée peut être justifiée. Nous savons qu'il est essentiel de recueillir certains renseignements pour la gouvernance, la police et la sécurité. Il faut donc l'autoriser, mais uniquement dans la mesure où c'est nécessaire pour atteindre les objectifs visés. C'est la limite qui doit être respectée.
    En fait, je pense que les exemples que ma collègue et M. Rondinelli vous ont donnés aujourd'hui montrent que sans cette vigilance, on risque d'aller bien au-delà de ce qui est vraiment nécessaire. De plus, cela nuit à la sécurité. Quiconque travaille dans le domaine de la sécurité vous dira que vous pouvez, en fait, réduire la sécurité en augmentant les mesures de sécurité. Par exemple, vous pouvez avoir autant de verrous sur votre porte qu'il en faut pour empêcher quelqu'un d'entrer et vous croire en sécurité, mais vous ne l'êtes pas vraiment parce que vous ne pourrez pas sortir rapidement.
    Nous partons du principe que nous devons constamment vérifier si toute nouvelle mesure d'intrusion dans la vie privée est justifiée par l'objectif qu'elle vise dans le contexte d'une société libre et démocratique.
    Monsieur Rondinelli, nous avons entendu dire, non seulement aujourd'hui, mais aussi au cours de notre dernière réunion, que les échantillons d'ADN sont seulement un moyen d'identification de plus, même si le Commissaire à la protection de la vie privée nous a, bien sûr, affirmé le contraire. On nous a laissé entendre qu'il serait plus efficace et préférable de prélever, en même temps que les empreintes digitales, un échantillon d'ADN de toutes les personnes qui sont arrêtées pour avoir commis un acte criminel.
    Je ne sais pas si mes collègues le savent, mais j'ai exercé le droit pénal, pas aussi longtemps que M. Ménard, mais je sais qu'au moment de l'arrestation, les infractions dont nous parlons comprennent aussi bien celles qui sont poursuivies par procédure sommaire que celles qui le sont par acte d'accusation. Par conséquent, certaines infractions, qui sont presque toujours poursuivies par procédure sommaire, seraient considérées comme des actes criminels au moment de l'arrestation aux fins de la Loi sur l'identification des criminels.
    Ce n'est pas pour tester vos connaissances juridiques, mais avez-vous des exemples d'utilisation illégale de ce mode d'identification?

  (1015)  

    Pour ce qui est du prélèvement lors de l'arrestation, le Parlement a déjà été saisi de cette question. Quand tout ce système a été élaboré, c'était un sujet important qui a également été abordé pour des raisons évidentes. Comme vous vous en souviendrez peut-être, trois anciens juges en chef se sont prononcés à ce sujet, dont l'un de l'Ontario, l'autre du Québec et je ne me souviens pas pour le troisième. Ils se sont livrés à une analyse, chacun de leur côté, pour voir si ce serait jugé conforme à la Charte et tous ont conclu que non. Lorsque nous examinons maintenant l'affaire portée devant l'Union européenne pour laquelle la Cour a tiré la même conclusion, le prélèvement lors de l'arrestation est trop général pour satisfaire à la règle de la proportionnalité. C'est ce qui ressort. Le juge Fish a dit clairement, en 2005, dans l'affaire R.C. dont on a fait mention, que l'ADN n'est pas comme les empreintes digitales. Les renseignements qui le composent sont d'une portée beaucoup plus vaste que ceux des empreintes digitales.
    Par conséquent, si on décide de l'appliquer lors de l'arrestation, sans parler des problèmes pratiques que j'ai mentionnés sur le plan du coût et des ressources, je ne pense pas que cela tiendrait la route au regard de la Charte.
    J'ai une dernière question.
    On a laissé entendre, et je ne sais pas à quel point c'était sérieux, que plus vous avez de profils dans votre banque de données, plus il est possible de disculper des suspects en ne trouvant pas de correspondance et que chaque fois que nous faisons une comparaison, non seulement nous ne trouvons pas le criminel, mais nous disculpons 156 000 personnes. Pensez-vous que cet argument ait une valeur quelconque pour juger de l'utilité de ce genre de banque de données?
    Quelqu'un désire-t-il en parler?
    À l'inverse, comme je l'ai dit, plus vous élargissez la banque de données, plus vous risquez d'obtenir des résultats faussement positifs et des fausses correspondances. Ce n'est pas de la science fiction. Aux États-Unis, il y a une nouvelle vague de cas qui suscitent des contestations. On veut pouvoir faire une recherche indépendante dans les bases de données. Par exemple, dans l'Arizona, on a constaté qu'avec neuf loci, et je sais que nous en étudions 13, il y a eu un certain nombre de fausses correspondances dans le système. Cela a donné lieu à de nombreuses contestations dans d'autres États où l'on veut avoir accès à la banque de données pour vérifier quelles sont les chances de fausses correspondances. Cela se produit donc et, statistiquement, cela arrivera toujours si vous ne testez pas la totalité du brin d'ADN, ce qui n'arrivera pas avant de nombreuses années.
    Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, comme dit l'adage « la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a » et je parlais tout à l'heure des détracteurs du système américain où les 50 États ont tous des normes différentes pour la collecte de l'ADN. Ils se servent de techniques différentes et même de technologies différentes. Du point de vue scientifique, il est donc difficile de dire que les résultats sont le fruit d'une approche normalisée. Plus vous amassez de données, plus vous aurez ce problème. Si vous comparez les pays, ils adoptent des approches différentes. Cela veut donc dire que, du point de vue statistique, vos résultats commencent à devenir de moins en moins fiables.
    Je voudrais également dire quelque chose, s'il vous plaît.
    Certainement.
    Je laisse la question de la fiabilité des tests aux chercheurs, mais pour ce qui est de la disculpation, lorsque les gens sont disculpés au début d'une enquête, c'est une bonne chose pour eux et c'est une bonne chose pour le système. Au Royaume-Uni, il y a eu des gens qui ont été condamnés sur la foi de leur confession puis disculpés suite à une analyse de l'ADN. On peut donc très facilement supposer — et nous avons certainement eu notre part de condamnations injustifiées au Canada — que si l'on avait disposé de leur ADN, dès le départ, tout ce désarroi aurait été épargné au système ainsi qu'aux intéressés.
    Je pense qu'il ne me reste plus de temps, mais je ne sais pas comment cela fonctionne. Nous avons vu que l'ADN servait à disculper des personnes lorsque leur échantillon personnel ne correspond pas à celui du criminel. Toutefois, si vous n'êtes pas enregistré dans la banque d'ADN, les données résultant de l'enquête sur la scène du crime ne correspondront pas aux vôtres. Cela doit déjà faire partie des moyens de défense, n'est-ce pas?
    Oui, je dis que…
    Sans une énorme banque de données sur les suspects arrêtés.
    Je dis que plus il y a d'échantillons dans la banque, plus on peut disculper rapidement un suspect lorsqu'on compare l'échantillon prélevé sur les lieux du crime avec ceux de la banque.
    Je pense que nous devons maintenant passer au suivant.
    Monsieur Kania, s'il vous plaît, pour cinq minutes.
    Je suis un ardent défenseur de ce système pour trois principales raisons: premièrement, parce qu'il aide à disculper des personnes; deuxièmement, parce qu'il aide à condamner les vrais coupables; et troisièmement, parce que je crois, du moins d'après ce que j'ai entendu jusqu'ici, qu'il est presque infaillible. Je m'inquiète donc d'entendre parler de faux résultats positifs ou de fausses correspondances. Je voudrais savoir ce qui se passe vraiment, quel est l'état de la science et si l'obtention de résultats faussement positifs ou de fausses correspondances est due à des facteurs que nous pouvons modifier, au niveau du système, des méthodes, du stockage des données ou de quoi que ce soit d'autre qui peut être corrigé.
    Premièrement, cette science est-elle infaillible ou les gens devraient-ils craindre d'être condamnés malgré leur innocence à cause de ce système d'empreintes génétiques?

  (1020)  

    Je vous remercie de cette question.
    Les résultats faussement positifs dont j'ai parlé concernaient les recherches par liens parentaux. Le problème se pose au Royaume-Uni où l'on recherche des correspondances approximatives dans le fichier des condamnés. Ce type de recherche est moins précis et risque davantage de donner des résultats faussement positifs ou au contraire faussement négatifs. C'est dans ce contexte que je dis cela et non pas à propos de la comparaison des échantillons.
    La technologie s'est beaucoup améliorée depuis le début et, du point de vue scientifique, elle est donc beaucoup plus proche de l'appariement précis dont vous parlez. Je parlais donc des recherches par liens parentaux auxquelles nous nous opposons.
    D'une part la science ne peut pas analyser la totalité du brin d'ADN et c'est pourquoi… parce que notre ADN est identique à 99,9 p. 100 et que c'est seulement 0,1 p. 100 qui nous différencie. On examine un certain nombre de loci sur le brin d'ADN, comme d'autres témoins vous en ont sans doute déjà parlé.
    Lorsque le système a été mis en place, on examinait six loci et on a cru qu'il serait impossible d'en trouver six autres similaires. Puis, il y a une fausse correspondance au Royaume-Uni avec six loci. On est ensuite passé à neuf en se disant qu'avec neuf loci, on n'aurait aucun problème. Là encore, comme je l'ai dit, en Arizona il y a eu un grand nombre de fausses correspondances avec neuf loci. On dit maintenant la même chose avec 10 et 11. Je sais qu'en octobre dernier, à la dernière Conférence Promega où se sont réunis les généticiens du monde entier, ces derniers ont reconnu qu'ils avaient vu des fausses correspondances avec 10 et 11 loci. Voilà pourquoi toutes ces contestations ont été lancées aux États-Unis contre les bases de données, parce qu'on veut voir quelles sont les chances qu'il y ait des fausses correspondances avec 13 loci.
    Par conséquent, tant que l'analyse ne pourra pas porter sur la totalité de l'ADN, ce qui rendra la science totalement infaillible, ce risque existera toujours. C'est comme pour les wagons de métro. Si vous avez 20 wagons et que vous en testez seulement quatre, le risque existe à moins que vous vous rendiez au cinquième. Voilà pourquoi je dis que plus la base de données est vaste, plus le risque de fausses correspondances est élevé.
    Me permettez-vous d'ajouter quelque chose? Les échantillons les plus fiables proviennent directement du sang et des autres fluides corporels, mais si vous recueillez l'ADN sur un kleenex jeté ou un timbre-poste… Cela dépend donc de l'endroit où vous avez trouvé l'ADN.
    Cela dépend également de la méthode d'analyse. L'ADN est actuellement la mesure biométrique la plus précise possible, mais étant donné le degré de précision des tests, il y a aussi un risque d'erreur.
    Cette technologie est maintenant beaucoup plus fiable qu'au début, mais cela dépend de la méthode d'analyse utilisée. La plus courante est celle de la séquence microsatellite dont d'autres témoins vous ont probablement parlé dans le contexte de la criminalistique. Cela consiste à compter le nombre de séquences qui se répètent dans un échantillon d'ADN. Vous faites ensuite une analyse statistique de la probabilité que la même chose apparaîtra dans l'autre échantillon que vous avez recueilli.
    Je suis également avocat, mais pas criminaliste. Dans les procès au criminel avez-vous des experts qui viennent dire: « Non, c'est inexact. Cette analyse est fausse et nous la contestons », et sur quelle base, selon ce que conclut le juge des faits, des innocents pourraient-ils être condamnés? Est-ce ce qui se passe?
    Aux États-Unis, on a beaucoup plus tendance à faire comparaître des experts au sujet des bases de données. Je n'ai pas encore vu ce phénomène au Canada, mais lorsque nous aurons plus de preuves en provenance des États-Unis, je suis certain que ces constestations auront lieu.
    Dans une affaire, l'ADN constitue une preuve. Selon les circonstances, il arrive que vous ne puissiez pas contester le lien entre le client et l'empreinte génétique, mais d'autres défenses entre en jeu. En fin de compte, il y a très peu de cas pour lesquels vous obtiendrez une condamnation uniquement sur la foi de l'empreinte génétique. Je ne sais pas combien de procureurs de la Couronne feraient reposer leurs causes entièrement sur les données génétiques.
    Trente secondes.
    Avec l'élargissement de la loi, les catégories d'infractions supplémentaires et l'augmentation du nombre d'échantillons, le problème des résultats faussement positifs va-t-il s'améliorer ou s'aggraver?
    Je pense que vous connaissez mon opinion.
    Je m'intéresse à l'aspect scientifique. Selon la réponse, je recherche des solutions pour résoudre le problème. Nous avons besoin de ce genre de système, mais il faut qu'il soit infaillible. Je ne veux pas entendre parler, dans 20 ans, de gens qui sont libérés de prison parce qu'ils ont été condamnés sur la foi de faux résultats, parce que nous croyons tous que c'est une science exacte. C'est ce que nous pensons.

  (1025)  

    L'erreur britannique, comme on l'appelle, et c'est un bon exemple, est que la police avait obtenu une correspondance dans la base de données avec 6 loci. Elle est allée arrêter l'individu en question — elle était prête à lui faire subir son procès — mais elle s'est rendu compte qu'il avait la maladie de Parkinson, qu'il était en fauteuil roulant, qu'il ne pouvait presque pas bouger ni se peigner lui-même. Elle s'est dit qu'il ne pouvait évidemment pas être le coupable étant donné qu'il aurait dû grimper deux étages pour commettre un vol par effraction dans un appartement. Elle l'a donc exclu après avoir poussé l'analyse de six loci à neuf.
    Maintenant, tout le monde se demande ce qui se serait passé s'il n'avait pas été en fauteuil roulant. Que serait-il arrivé s'il n'avait pas souffert de la maladie de Parkinson, s'il n'avait pas eu cet alibi? Il aurait été coincé.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Rathgeber, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins pour leurs excellents exposés qui nous seront très utiles.
    Monsieur Rondinelli, suite à la réponse que vous avez donnée à mon collègue M. Norlock quant au fait que la police ignore si la personne se trouve ou non dans la banque de données, ma question s'adresse au chef de police Egan. Avec le système informatisé CPIC, qui est un système assez perfectionné auquel toutes les forces policières ont accès et qui se trouve souvent dans les voitures de patrouille, si le nom d'un suspect figure dans la banque de données du CPIC, cela ne signale-t-il pas que le suspect est fiché dans la banque de données génétiques?
    Non, pas à ma connaissance.
    Ma question suivante s'adresse également à vous.
    Dans votre exposé, vous avez parlé d'inclure des infractions comme le harcèlement et la conduite dangereuse dans les infractions primaires désignées. Je voudrais savoir pourquoi vous croyez que ces infractions devraient être désignées. Je pose la question parce que ce n'est pas le genre d'infractions qui laissent toujours des empreintes retraçables sur la scène du crime.
    Bien entendu, avec les progrès scientifiques, toutes les infractions laissent des traces. Personne ne peut entrer quelque part sans laisser de traces. Pour en revenir à une de vos questions précédentes, quand la loi a été adoptée, la science visait surtout à recueillir les fluides corporels présents dans les cas de meurtre et d'agression sexuelle. Avec les progrès de la science et de la technologie, la capacité de recueillir des petites quantités de données génétiques s'est améliorée à un point tel que l'application de cette science pour l'identification du coupable semble très souhaitable pour toutes les infractions.
    Par conséquent, nous considérons les infractions dont j'ai parlé — je crois que c'était l'intrusion de nuit et le harcèlement — comme des délits précurseurs. La plupart de ceux qui sont arrêtés plus tard pour des infractions plus graves, des meurtres ou des agressions sexuelles en série, ont commencé par du harcèlement et des intrusions de nuit. Quelqu'un qui s'introduit de nuit peut laisser sur les lieux des preuves telles que des mégots de cigarettes, des papiers-mouchoirs, etc.
    Je peux accepter cela, mais pourquoi la conduite dangereuse?
    La conduite dangereuse est une infraction et, bien entendu, l'un des facteurs essentiels est la personne qui se trouvait derrière le volant. L'ADN peut prouver qui conduisait réellement la voiture.
    D'accord. Néanmoins, vous suggérez que les personnes reconnues coupables de conduite dangereuse devraient être obligées de fournir un échantillon à la banque de données. Je me demande à quelles enquêtes cela pourrait servir à l'avenir.
    Le fait que ces personnes soient enregistrées dans la banque de données permet plus tard de faire des recherches dans la banque de données, comme je l'ai dit.
    Merci.
    Monsieur Rondinelli, vous avez dit que la banque de données ne servait pas à disculper les innocents. Le juge Cory à la retraite a déclaré plus tôt cette semaine que 26 p. 100 des principaux suspects sont en fait disculpés grâce aux empreintes génétiques. Je suppose que vous avez entendu ce chiffre ou que vous le connaissez.
    Je ne sais pas exactement ce que cela signifie. En pratique, comme l'a mentionné M. Harris, votre client fournit un échantillon et cet échantillon ne correspond pas à l'empreinte trouvée sur les lieux du crime. Comme pour les condamnés dont l'innocence a été reconnue au Canada, ce n'était pas grâce à la banque de données. Je ne vois toujours pas comment la banque de données permet de disculper des personnes injustement condamnées. Comme je l'ai dit, même le Projet innocence n'y a pas accès. Par conséquent, il y a peut-être une procédure en place qui permet à la police de dire qu'elle écarte des suspects, mais il n'est pas logique que le Projet innocence n'ait pas la même capacité.

  (1030)  

    Sans vouloir parler au nom du juge Cory, il voulait dire, je pense, que l'enregistrement de l'empreinte génétique dans la banque de données a permis d'accuser et de condamner quelqu'un d'autre et que le suspect initial a donc été exonéré. C'est, je pense, ce qu'il voulait dit.
    Oui, et je ne peux pas dire le contraire. C'est une possibilité.
    Toutefois, pour répondre à ce que vous avez dit quant au fait que la loi ne prévoit pas la disculpation — ce que je reconnais — cela dépend davantage de la défense que de la banque de données. Si je suis soupçonné d'une grave infraction et que je me crois innocent, n'ai-je pas la possibilité de me soumettre à un test d'ADN — bien entendu, la présence de mon profil dans la banque de données ne sera d'aucune utilité pour ma défense — afin qu'on puisse le comparer avec les empreintes recueillies sur les lieux du crime? Dois-je engager mes propres experts pour utiliser ce moye de défense?
    Tout d'abord, je ne sais pas si je conseillerais à un client de faire cela au début de l'enquête. Cela dit, si vous choisissez cette voie, vous devrez probablement engager votre propre expert indépendant.
    À Toronto, le Centre des sciences judiciaires est ouvert à la fois aux avocats de la défense et aux procureurs de la Couronne. Il réussit très bien à rester indépendant. Toutefois, en général, pour toutes les analyses d'ADN de notre clientèle, c'est le client qui a payé la facture.
    Votre temps est écoulé, désolé.
    Merci, monsieur le président.
    Merci pour ces réponses.
    Si vous le permettez, monsieur le président, j'ai donné tout à l'heure une réponse inexacte à la question de M. Rathgeber. Je pourrais peut-être apporter une rectification.
    En ce qui concerne le CPIC, j'ai dit qu'à ma connaissance, il n'y avait pas de signalement. Je me suis trompé. C'est signalé dans le CPIC de façon à permettre les visas.
    Oui, c'est ce que j'avais compris et je vous remercie de cette rectification.
    Merci beaucoup. Cela nous éclaire.
    Nous allons passer au Bloc québécois, puis à M. McColeman. Cela va probablement nous mener jusqu'à la fin.
    Monsieur Vincent.

[Français]

    Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
    En un sens, les tests d'ADN sont importants, mais ils créent certains litiges. Je vous donne deux exemples.
    Admettons qu'on fait un test d'ADN et que la banque de données comporte 5 000, 10 000 ou 100 000 noms, voire 1 000 000 de noms. Certaines personnes qui voudraient en accuser d'autres pourraient-elles se servir de cette banque à leurs fins? Admettons que je décide, demain matin, de prendre un de vos cheveux et de le déposer sur le lieu d'un crime où l'on ne réussira à prélever aucune empreinte digitale. Tout ce qu'on prélèvera, c'est ce cheveu. Grâce à la banque d'ADN, on prouve hors de tout doute que ce cheveu appartient à telle personne qu'on a déjà arrêtée pour vagabondage il y a longtemps. Voilà que, 25 ans plus tard, cette personne se trouve mêlée à une affaire de meurtre avec laquelle elle n'a aucun rapport.
    Cela risque-t-il d'ouvrir la porte à des criminels qui voudraient se servir de cette preuve? Les policiers pourraient-ils également s'en servir pour éliminer des personnes indésirables?
    J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet, monsieur Rondinelli.

[Traduction]

    C'est ce qu'on voit dans les émissions policières, mais c'est réellement arrivé.
    Comme vous le savez, les criminels sont très intelligents. Ils essaient toujours d'être plus forts que la police. Il y a eu un cas aux États-Unis où un criminel a donné un échantillon de son ADN à quelqu'un pour le déposer sur les lieux d'un crime. On s'en est seulement rendu compte parce qu'il correspondait à un profil dans la banque de données. Je ne me souviens plus de quel État il s'agissait. Je crois que c'était l'Illinois, mais je me trompe peut-être. Quoi qu'il en soit, il y avait une correspondance. Néanmoins, quand la police a voulu arrêter le suspect, il était en prison depuis deux ou trois ans. Il ne pouvait pas avoir commis le crime.
    Il se trouve que ce détenu avait vendu des échantillons de son ADN dans des petits sachets de ketchup à 50 $ pièce. Il suffisait ensuite de répandre le sperme ou ce qu'il mettait dans ces sachets de ketchup.
    Ce genre de choses a lieu et c'est pourquoi l'ADN ne devrait pas être la seule preuve sur laquelle reposent l'enquête et la condamnation. Ce n'est qu'un élément de preuve.
    Voyons si l'ADN est disculpatoire et permet d'innocenter des suspects comme on le prétend. Disons que la police analyse l'échantillon prélevé sur les lieux d'une surprise-partie où quelqu'un a été tué. L'empreinte ne correspond pas à mon ADN enregistré dans le fichier des condamnés. Toutefois, 10 autres personnes, dont mes parents, disent m'avoir vu poignarder la victime.
    La police va-t-elle me rayer de la liste des suspects parce qu'elle n'a pas obtenu un résultat positif de la banque de données génétiques? Que veut-on dire lorsqu'on parle de disculpation et comment s'en sert-on? Encore une fois, les simples statistiques… Je ne vois pas comment la police renoncerait à suivre ma piste simplement parce qu'une empreinte génétique ne correspond pas à mon profil ADN dans la banque de données.

  (1035)  

[Français]

    Il est plus facile de condamner quelqu'un de cette façon que sur la base d'une autre preuve. Les empreintes digitales prélevées prouvent déjà la présence d'une personne sur les lieux, mais ce n'est peut-être pas un élément de preuve suffisant. S'il y a des empreintes sur un verre, il doit y en avoir partout ailleurs dans la pièce. Par ailleurs, à défaut d'empreintes digitales prélevées, on peut trouver un cheveu. Cela permettra tout aussi bien aux policiers de mener leur enquête.
    Cela me semble encore problématique. La situation n'est pas encore assez claire pour qu'on puisse donner notre plein aval au prélèvement d'échantillons d'ADN chez des gens.
     Je suis satisfait de la position du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada qui souhaite le statut quo, car une autre chose me dérange un peu. On ne sait pas à qui on pourrait confier le mandat de se faire le gardien de cet ADN. Je me permets de faire un parallèle entre le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et le CRTC. On peut s'inscrire sur une liste dans le but de ne plus recevoir certains appels téléphoniques. Or, ces listes ont été vendues. Pourtant, la gestion de cette liste avait été confiée à des employés du gouvernement, mais ils ne s'en sont pas faits les bons gardiens. En qui pourrait-on avoir confiance? À qui confiera-t-on cela sans craindre qu'on soit soudoyé pour qu'on vende des prélèvements d'ADN?
    J'aimerais connaître l'avis tant de Mme Bernier que de Mme Campbell à ce sujet.

[Traduction]

    Comme le Commissaire à la vie privée, nous nous opposons à l'élargissement de la loi. La liste des numéros de télécommunications dont vous parlez est un bon exemple.
    Encore une fois, nous voyons ce qui se passe aux États-Unis. Au départ, cela devait être une base de données criminelles, puis l'assemblée législative d'un État s'est dit qu'étant donné qu'il y avait là beaucoup de renseignements, pourquoi pas les utiliser pour la recherche médicale? À l'heure actuelle, certains États l'autorisent parce qu'il y a là une grande source d'information.
    Nous partageons les préoccupations du Commissaire à la protection de la vie privée à cet égard.
    Très brièvement.

[Français]

    Oui. Vous avez parlé de la situation aux États-Unis. L'ADN est maintenant recueilli, puis l'information est partagée pour des fins de recherche, de statistiques. Comme M. Rondinelli vient de le dire, il s'agit d'information très riche. Il est important qu'un contrôle de très haut niveau soit appliqué, compte tenu de l'information détaillée que contient l'ADN. On note qu'en vertu de la protection de la vie privée, la protection dont font l'objet certaines bases de données médicales est maintenant plus vaste que celle dont jouissent les banques de données criminelles.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur McColeman, s'il vous plaît.
    Je voudrais adresser ma question en même temps à M. Egan et à M. Rondinelli. Elle concerne l'intérêt commercial de la banque de données génétiques.
    En tant qu'ancien homme d'affaires, j'ai l'impression que lorsqu'une empreinte est reliée à un criminel potentiel, cela réduit beaucoup les moyens que la police doit mettre en oeuvre pour enquêter. Certaines de ces affaires peuvent être très compliquées. L'enquête et la poursuite peuvent coûter des millions de dollars.
    D'un point de vue très simpliste, je me demande si vous seriez d'accord avec moi, car lorsque j'ai posé la question au dernier groupe de témoins, on m'a dit qu'on n'en avait jamais tenu compte pour calculer le coût de ce programme. Autrement dit, on n'a jamais tenu compte des économies réalisées lorsqu'on peut condamner un coupable très rapidement au lieu de faire une longue enquête.
    Avez-vous quelque chose à dire au sujet de l'économie sur le plan du temps consacré à l'enquête, au procès et l'économie sur les frais d'avocats? Y a-t-il des économies qui sont associées à la banque de données génétiques?
    Oui, monsieur, cela fait aucun doute. De nos jours, la complexité des enquêtes représente un coût énorme, surtout lorsqu'on n'a pas de suspect sous la main. En cas de meurtre, s'il n'y a pas de suspect, il est très long et très difficile d'essayer de trouver des suspects et d'orienter l'enquête. Vous devez chercher dans de nombreuses directions. Cela exige beaucoup de ressources, d'argent et de temps.
    Quand vous avez des empreintes génétiques sur les lieux du crime qui désignent quelqu'un enregistré dans la banque de données, c'est au tribunal de décider de la valeur de cette preuve compte tenu de l'ensemble de l'enquête. Cela vous permet certainement d'orienter votre enquête, ce qui économise énormément de temps et d'argent.

  (1040)  

    Pour revenir à la proportionnalité, les enquêtes sur les meurtres sont certainement coûteuses et ce système est donc très utile. Mais j'en reviens à la diminution des résultats. Quel avantage supplémentaire obtiendrez-vous en incluant la conduite dangereuse causant des lésions corporelles? Je m'intéresse aux recherches réalisées au Royaume-Uni où les résultats ont diminué. On a constaté qu'avec l'argent dépensé pour inclure ces 600 000 profils supplémentaires dans la base de données, ce qui n'a permis d'obtenir qu'une condamnation sur 800, on aurait pu embaucher 60 policiers de plus, et cela comprend leur formation, leurs salaires, etc.
    Si vous demandez aux citoyens s'ils préfèrent qu'on enregistre dans la banque de données un conducteur dangereux qui ne reviendra probablement jamais devant les tribunaux ou qu'il y ait un policier pour surveiller l'école secondaire que fréquentent leurs enfants, je suis assez certain de leur réponse.
    J'ai l'impression que ceux qui gèrent les enquêtes et la police, les chefs de police, les commissions de police, etc., réaffecteraient à cette fin certains postes budgétaires du système actuel. Même si ce serait compliqué, peut-être qu'en fin de compte cela nous coûterait très peu d'argent.
    J'ai une autre question à aborder au sujet de ce qu'a dit le juge Cory quand il a témoigné. Il nous a dit qu'il ressortait de l'étude réalisée qu'aux États-Unis, dans 26 p. 100 des cas, le principal suspect a été disculpé.
    Qu'en pense-vous, monsieur Rondinelli?
    Je n'ai pas vu cette étude et je ne peux donc pas voir exactement ce qu'on entendu par la disculpation du principal suspect. Comme je l'ai dit, dans l'exemple que j'ai donné, même si les empreintes ne correspondent pas, si on a une autre preuve concluante contre moi, je ne serais pas exclu comme suspect.
    Je peux dire qu'aux États-Unis, à cause de l'arriéré, il y a eu aussi des cas où la police n'a pas pu utiliser la base de données parce qu'elle n'était pas à jour. Il y a de plus en plus de cas de ce genre où on aurait pu attraper un criminel violent depuis de nombreuses années si on l'avait enregistré dans la base de données au lieu d'élargir cette base, ce qui entraîne toutes sortes de processus supplémentaires. Il faut tenir compte de ce qui se passe en réalité. Je suis sûr que, d'après les chiffres, certaines personnes sont disculpées, mais l'important est la proportionnalité sur laquelle je reviens toujours.
    Je voudrais remercier nos témoins pour les renseignements qu'ils nous ont fournis. Cela nous est très utile. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir.
    Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes, après quoi nous nous réunirons à huis clos pour discuter de nos travaux futurs.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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