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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 016 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 mai 2009

[Enregistrement électronique]

  (1235)  

[Traduction]

    Aujourd'hui, 5 mai 2009, le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international tient sa 16e séance et poursuit ses audiences sur les droits de la personne en Iran.
    Nous accueillons aujourd'hui deux témoins. Gregory Stanton, président de Genocide Watch, se trouve parmi nous. Il vient des États-Unis. De Bruxelles, Emanuele Ottolenghi, directeur général du Transatlantic Institute témoignera par vidéoconférence.
    Je propose que nous commencions par les déclarations des deux témoins. J'invite M. Stanton à commencer. Quand il aura terminé, nous passerons à M. Ottolenghi. Par la suite, ce seront les questions des députés.
    Je vous en prie.
    Merci. C'est un grand honneur d'être ici, dans ce très beau pays qui a tellement donné au monde, surtout dans le droit international des droits de la personne. C'est aussi un plaisir très spécial pour moi de rencontrer un ami cher, Irwin Cotler, avec qui j'ai travaillé pendant de longues années.
    Aujourd'hui, je voudrais vous expliquer qu'il faut prendre au sérieux les incitations iraniennes au génocide. La chancelière allemande, Angela Merkel, a été le premier dirigeant au monde à faire ressortir le lien entre le programme d'enrichissement de l'uranium, en Iran, les essais de missiles de longue portée et les déclarations génocidaires du président Mahmoud Ahmadinejab. Le lendemain du jour où il a déclaré qu'il fallait rayer Israël de la carte, le 25 octobre 2005, il a incité des étudiants à crier « Mort à Israël » au cours d'une conférence parrainée par son gouvernement, « Le monde sans sionisme ».
    La chancelière Merkel a déclaré: « Un président qui remet en question le droit d'Israël à l'existence et nie l'holocauste ne doit s'attendre à aucune tolérance de la part de l'Allemagne. Nous avons tiré les leçons de notre histoire. » Les avertissements de la chancelière Merkel, qui établit un parallèle entre ce que fait l'Iran aujourd'hui et les premiers pas de l'Allemagne nazie vers le génocide, dans les années 1930, inciteront-ils le monde à prendre des mesures dissuasives efficaces?
    Le 28 octobre 2005, le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné les propos du président iranien. Bien que le Conseil de sécurité se soit contenté de publier une déclaration à la presse, soit la forme d'expression la plus modérée, il s'agissait néanmoins pour l'Iran d'une défaite diplomatique. Malgré les nombreuses résolutions adoptées par l'ONU depuis, l'Iran poursuit ses efforts d'armement nucléaire, et ses dirigeants n'ont pas renoncé à leur vision apocalyptique.
    Le 1er février 2006, l'Association internationale des spécialistes du génocide, que je préside, a adopté une résolution — qui figure en annexe — signalant que les gestes de l'Iran, dont les déclarations d'Ahmadinejad, sont des signes précoces de génocide. Les spécialistes de la question ont étudié les premiers signes précurseurs de génocide. Le génocide n'est pas un mystère. Il ne surgit pas du néant. Nous pouvons le voir venir, tout comme nous pouvons voir naître un ouragan. Parmi ces signes figurent les expressions ouvertes d'une idéologie d'exclusion qui est caractérisée par les discours haineux. Dans ses déclarations, Ahmadinejad a traité les Juifs d'animaux, de barbares et de meurtriers.
    Un autre signe précoce est un gouvernement autoritaire qui réprime la dissidence. Voilà qui caractérise à la perfection le régime iranien, qui a exécuté plus de 100 000 personnes depuis la révolution iranienne.
    Un autre signe est l'organisation d'une milice fanatique comme les Gardiens de la révolution, qui ont toujours soutenu les attaques terroristes contre les Juifs dans le monde entier, surtout par l'intermédiaire du Hamas et du Hezbollah, qui ont tous deux dans leur charte des énoncés génocidaires préconisant la destruction d'Israël et des Juifs, où qu'ils soient.
    En décembre 2005, le président Ahmadinejad a ajouté un autre signe précurseur de génocide: la négation d'un génocide passé, l'holocauste. Le Conseil de sécurité de l'ONU et le secrétaire général ont condamné ses déclarations. L'indifférence à ces incitations et l'inaction du monde extérieur, surtout à l'ONU même, est un autre signe précurseur, comme nous l'avons observé dans le génocide arménien, l'holocauste, et les génocides de la Bosnie, du Kosovo, du Rwanda, du Darfour et d'ailleurs.
    Le développement de la capacité de commettre le génocide, comme l'armement de l'Allemagne par Hitler avant la Seconde Guerre mondiale, est aussi un signe précurseur. C'est ce que nous observons aujourd'hui: un programme caché d'armement nucléaire et d'acquisition de missiles à longue portée par un État dont le dirigeant déclare ses intentions génocidaires, ce qui fait ressortir l'urgente nécessité de mesures dissuasives.
    Face à la menace iranienne, il n'est pas inutile de rappeler que le génocide a été le crime contre l'humanité le plus meurtrier au XXe siècle, car il a fait quelque 250 millions de morts, qu'on aurait pu éviter, soit plus que toutes les guerres confondues.

  (1240)  

    Je voudrais maintenant dire un mot du processus génocidaire, car je suis à la fois spécialiste en anthropologie culturelle et en droit international, et j'aborde comme des processus les manifestations comme le génocide.
    Le génocide n'est pas un accident. Il suit une évolution prévisible. J'ai analysé la plupart des génocides de l'histoire récente et j'ai remarqué une progression prévisible, ce qui m'a amené à parler des huit étapes du génocide. Au cours de la période des questions, je pourrai peut-être vous les expliquer et montrer comment chacune a été franchie en Iran. Jusqu'à maintenant, six ont été franchies. La prochaine étape, la septième, est le génocide proprement dit.
    Les historiens ont établi que les incitations et le discours haineux des gouvernements sont reconnus comme prédicteurs, amorces, promoteurs et catalystes du génocide. Les incitations directes et publiques au génocide par le président iranien sont non seulement des déclarations ouvertes qui manifestent une intention agressive, mais aussi une violation du paragraphe 2(4) de la charte de l'ONU, de la Convention sur le génocide et du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 6 et alinéa 25(3)e).
    Depuis qu'il a fait ces déclarations, en 2005, le président Ahmadinejad a tenté de « préciser » qu'il préconisait simplement le « transfert » des Juifs d'Israël vers des provinces allemandes et autrichiennes. Or, c'est aussi un crime contre l'humanité, car il s'agit de déportation ou de nettoyage ethnique. Ce qu'il dit est en contradiction avec ses propres actes et sa politique iranienne à long terme: attentats terroristes contre des Juifs hors d'Israël, armement du Hezbollah et du Hamas, qui ont tous deux, je le répète, des idéologies génocidaires; incitations, dans des médias financés par les Iraniens, comme la télévision palestinienne, à tuer des Juifs partout. En 2005, la télévision de l'Autorité palestinienne a diffusé un sermon du vendredi préconisant le massacre de tous les Juifs où qu'ils se trouvent. Depuis, la propagande incitant à tuer des Juifs n'a fait qu'empirer.
    L'Iran pourrait bientôt être une puissance nucléaire autonome, possédant des vecteurs de missiles perfectionnés. Le pays n'a jamais renoncé à ses objectifs agressifs et génocidaires contre les Juifs d'Israël et d'ailleurs, politique qui existe depuis longtemps. En 2000, le guide suprême de l'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei, a dit aux fidèles musulmans à Téhéran à propos d'Israël: « Nous avons dit maintes fois qu'il fallait faire disparaître de la région cet État qui est une tumeur cancéreuse. »
    Quand on vous dit de ne pas vous inquiéter d'Ahmadinejad, qu'il ne détient pas le vrai pouvoir en Iran, que c'est plutôt Khamenei qui l'a, pensez à cette déclaration du guide suprême, l'ayatollah Khamenei.
    La menace sans précédent de génocide nucléaire nécessite une riposte urgente, car, mis à part les signes précurseurs clairs que nous avons indiqués, une attaque nucléaire apocalyptique pourrait survenir sans qu'on la voie venir assez tôt pour la prévenir. Israël est un petit pays situé à quelques minutes des missiles balistiques iraniens. C'est un pays densément peuplé où on retrouve le plus grand nombre de survivants de l'holocauste au monde. Chaque minute compte. Tout retard risque d'avoir des conséquences catastrophiques. Le président Ahmadinejad a même dit que c'était une très bonne chose que tant de Juifs se soient concentrés en Israël: il sera plus facile de les anéantir.
    Un mot maintenant de la responsabilité de protéger.
    Le principe éthique qui doit guider l'action internationale visant à prévenir la menace génocidaire est que la vie humaine est le droit le plus fondamental, car sans elle, il n'y a aucun autre droit. Le Canada a été le chef de file le plus important dans l'élaboration d'une nouvelle norme de droit international. La Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États, parrainée par le gouvernement du Canada, a défini ce qu'on appelle maintenant « la responsabilité de protéger », qui a été affirmée dans le document de 2005 sur le Sommet du millénaire. Cette notion repose sur le principe voulant que l'obligation internationale de protéger la vie et le bien-être humains prime les revendications de souveraineté de tout gouvernement dont les actes traduisent une intention génocidaire.

  (1245)  

    Permettez-moi maintenant d'aborder un autre principe fondamental de la prévention du génocide, le principe de précaution. Comme l'inaction risque d'avoir des effets catastrophiques, nous réitérons les avertissements de Genocide Watch, la demande du programme de prévention du génocide et de la violence de l'Université hébraïque et la demande de l'Association internationale des spécialistes du génocide réclamant l'application du principe de précaution, qui est un outil de prise de décisions solide dans le domaine de la santé publique, afin de prévenir cette menace génocidaire et d'autres. Le principe est simple: en cas d'incertitude quant au risque que présente une situation qui peut avoir des effets catastrophiques sur la santé et la sécurité humaines, les risques de l'inaction sont bien plus lourds que ceux d'une action préventive.
    Le principe de précaution, que le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw, applique déjà dans ce cas-ci, fait passer la charge de la preuve de ceux qui annoncent un risque de catastrophe à ceux qui nient ce risque. La prévention, c'est évidemment l'imposition obligatoire de sanctions efficaces pour prévenir le développement d'armes nucléaires par l'Iran et des inspections immédiates et constantes, par l'AIEA, de toutes les installations nucléaires de l'Iran et la confiscation des technologies, matériels et substances nucléaires dont l'Iran pourrait se servir pour fabriquer des armes nucléaires. Comme l'obligation de protéger la vie et la sécurité l'emporte sur la souveraineté de l'État, les déclarations et actes génocidaires de l'Iran enlèvent de la crédibilité à sa thèse voulant qu'elle utilise les substances nucléaires à des fins pacifiques.
    Tout cela ne suffit toutefois pas. Les historiens ont reconnu que le génocide découle de choix conscients des élites et se produit lorsque les étrangers restent indifférents aux premiers signes précurseurs et notamment au discours haineux qui catalyse les actes génocidaires. En conséquence, le Conseil de sécurité de l'ONU devrait suivre le précédent historique qu'il a créé en renvoyant les dirigeants soudanais devant la Cour pénale internationale et citer M. Ahmadinejad devant la CPI pour inculpation d'incitation au génocide, puisqu'il s'agit là d'un crime. Même si le Conseil de sécurité n'agit pas de la sorte, le Canada, comme État partie à la Convention sur le génocide, devrait également saisir la Cour pénale internationale pour violation par l'Iran de la Convention sur le génocide, à cause de ces incitations.
    Parmi ceux qui ont été condamnés pour incitation au génocide par le Tribunal pénal international pour le Rwanda et condamnés à l'emprisonnement à vie, notons l'ancien premier ministre du Rwanda, un historien, un rédacteur en chef, un ministre de l'Information et un journaliste. Ahmadinejad et Khamenei sont les dirigeants d'un État, mais il faut aussi mettre fin aux actes d'autres personnes. Il faut écarter les sanctions économiques qui viseraient l'ensemble des Iraniens. L'Iran a eu un passé glorieux et aura un avenir tout aussi glorieux, et ce n'est certainement pas le président actuel qui l'incarne.
    Il est temps que l'ONU passe de la commémoration des génocides passés, comme l'holocauste ou le génocide du Rwanda, à l'intervention pour mettre fin aux génocides en cours, comme celui qui fait rage au Darfour, au Soudan, et à en décourager et prévenir d'autres.
    L'inculpation du président Ahmadinejad pour incitation au génocide lancerait un message clair et non violent aux dirigeants autoritaires de l'Iran pour qu'ils renoncent à une idéologie génocidaire. Ce serait une mesure majeure qui servirait à décourager ceux qui prépareraient d'autres génocides comme ceux de la Bosnie, du Kosovo, du Rwanda et du Darfour. La chancelière Merkel nous a rappelé les conséquences de la réaction inefficace du monde à Hitler, dans les années 1930. Lorsque Hitler a écrit Mein Kampf, personne ne croyait qu'il passerait aux actes, mais il l'a fait.
    Le monde doit maintenant choisir entre l'indifférence et la dissuasion non seulement pour sauver Israël, mais aussi pour se sauver lui-même. Considérons deux faits saisissants.
    D'abord, l'Iran est le premier pays depuis l'Allemagne nazie qui exprime ouvertement ses intentions génocidaires, menaçant de rayer un autre pays de la carte tout en appliquant un programme de nucléarisation. Rares sont ceux qui prenaient au sérieux les intentions génocidaires d'Hitler, jusqu'à ce qu'il réalise l'holocauste. Le président iranien nie que l'holocauste se soit jamais produit.

  (1250)  

    Deuxièmement, le pays qui risque le plus de faire l'objet d'un chantage à cause des armes nucléaires de l'Iran est Israël. Mettons que l'Iran exige qu'Israël revienne à ses frontières de 1967 et laisse tous les Palestiniens retourner dans leur maison d'avant 1948. Israël refuse. Iran réitère sa menace de rayer Israël de la carte, arme ses missiles et appuie les infiltrations terroristes du Hezbollah en Israël. Est-ce qu'Israël oserait prendre les devants en lançant une attaque nucléaire contre l'Iran, sachant que la riposte nucléaire de ce pays anéantirait Israël?
    Il faut mettre un terme au programme d'armement nucléaire de l'Iran. Je suis convaincu que la seule façon de décourager l'Iran est que l'OTAN déploie son propre bouclier nucléaire pour protéger Israël. Le Canada doit utiliser tous ses moyens législatifs et diplomatiques pour prévenir ce génocide en gestation.
    Merci.
    Merci, monsieur Stanton.
    Nous passons au deuxième témoin, M. Ottolenghi. Je vous en prie.
    Mesdames et messieurs, bonjour depuis Bruxelles. Merci de cette occasion de m'adresser à cette assemblée distinguée.
    Je suis également très heureux et honoré de prendre la parole devant vous, et notamment devant M. Irwin Cotler, que j'admire beaucoup pour son travail et sa défense des droits de la personne.
    Je vais attirer votre attention sur des questions déjà évoquées par le témoin précédent, mais je vais les expliquer plus longuement.
    Le 12 juin 2009, l'Iran élira un nouveau président. Bien des décideurs, surtout à Bruxelles, mais aussi dans toute l'Europe occidentale attendent cette élection et espèrent que le président actuel sera évincé et remplacé par une personnalité plus modérée à la tête de l'exécutif iranien. Ils espèrent que cela permettra de tourner la page dans les relations entre la communauté internationale et l'Iran dans des dossiers essentiels, notamment, mais pas uniquement celui du programme nucléaire iranien.
    Il est absolument crucial de souligner l'importance de ces élections et le sens que revêtirait le remplacement du président iranien. Les principaux candidats qui disputent la présidence au titulaire actuel, M. Ahmadinejad, ont tous un lien, d'une façon ou d'une autre, avec les premiers jours de la révolution qui a abouti à la république islamique, ils ont tous un lien avec les Gardiens de la révolution ou lui sont attachés. Leur pouvoir ressemble beaucoup à celui que j'ai dans mon organisation. Le président n'est pas le détenteur suprême du pouvoir en Iran, comme on l'a déjà dit. Il est plutôt un directeur général, quelqu'un qui a une influence et un rôle dans la formulation de la politique, mais qui est loin d'avoir le dernier mot.
    Tandis que nous plaçons tant d'espoir dans un changement de cet ordre, il ne faut pas oublier que l'Iran, malgré la fragile apparence de démocratie que donne l'élection de certains dirigeants, demeure foncièrement une structure et un régime politiques qui sont profondément non libéraux et très éloignés de la pratique et du respect des valeurs démocratiques fondamentales, qui englobent le respect des droits fondamentaux et des libertés civiles et politiques.
    Freedom House classe l'Iran aux sixième et septième rangs respectivement pour les libertés civiles et la liberté politique, à peu près dans la même catégorie que des pays comme le Zimbabwe, l'Arabie saoudite et la Russie. Il ne faut donc pas se bercer d'illusions ni croire qu'un homme politique peut-être un peu plus raffiné dans ses propos, plus averti dans ses contacts avec les diplomates occidentaux sera une promesse de changement. Il ne faut pas confondre conversations polies et diplomatie fructueuse. Il faut prendre conscience du fait que l'Iran demeure au fond un pouvoir révolutionnaire qui tient à affirmer son rôle dans la région en s'appuyant sur une idéologie, à étendre son hégémonie dans la région et même plus loin au nom de cette idéologie.
    Le fondateur de la république islamique, aujourd'hui décédé, l'ayatollah Khomeini soulignait toujours, dans nombre de ses discours, à l'époque où il était en exil en Irak, puis à Paris, le caractère injuste de la structure politique monarchique qui dirigeait son pays avant la révolution. Son opposition se fondait sur une interprétation révolutionnaire de la théologie chiite. Il présumait non seulement que le schisme millénaire entre les chiites et les sunnites avait privé les chiites de pouvoir politique, ce qu'il fallait déplorer, mais il espérait aussi un instrument de pouvoir qui modifierait l'équilibre entre sunnites et chiites. Son attaque contre la monarchie du shah prenait une expression théologique et visant également la monarchie des pays sunnites de la région.

  (1255)  

    Ce serait cependant une erreur de ne voir dans la révolution qu'une inversion de la haine des sunnites et des salafis pour le chiisme. La révolution iranienne et son discours religieux ont toujours visé à surmonter et à transcender cette division pour accéder à une dimension oecuménique, combler le clivage entre sunnites et chiites au nom d'un islam unifié qui réaffirmerait son pouvoir et contesterait l'ordre injuste qui, selon les idéologies révolutionnaires et les fondateurs de la république islamique, dominait la région. Il s'agissait aussi de transcender la division entre l'islam et le reste du monde au nom d'une idéologie révolutionnaire qui, tout en s'exprimant dans un discours islamique, était profondément enracinée dans les théories révolutionnaires marxistes. Il faut comprendre que la république révolutionnaire de l'Iran alliait le subversif et le divin.
    Lorsque nous considérons l'Iran aujourd'hui et ses efforts de nucléarisation, nous devons comprendre ces efforts dans ce contexte: un pays qui a survécu à une remise en cause de son régime et de son ordre interne à cause d'une guerre très longue et traumatisante, qui s'est lentement réaffirmé et a réaffirmé son pouvoir dans la région, qui a lentement reconstruit son économie et veut maintenant affirmer sa puissance et exporter son idéologie, étendre son influence dans tout le Moyen-Orient.
    Pour certains, l'Iran veut se doter de l'arme nucléaire pour concrétiser ses menaces d'annihilation de l'État d'Israël. Il ne faut pas prendre à la légère le discours de Téhéran sur Israël, mais il ne faut pas non plus nous faire accroire que, si l'Iran ne pense pas ce qu'il dit, le danger est dissipé pour autant. Je m'explique. Même si les dirigeants iraniens ne tiennent ce discours que pour faire de la propagande et ne veulent avoir l'arme nucléaire que pour renforcer leur pouvoir, se protéger et assurer la survie du pays, l'acquisition de cette arme par l'Iran, étant donné la combinaison du nucléaire et de l'idéologie, déstabilisera la région pendant des décennies et y empêchera le triomphe des forces qui cherchent la réconciliation entre les peuples, le règlement des conflits armés, la défaite des idéologies radicales et l'affirmation des droits de la personne au Moyen-Orient.
    Bien des gens dressent une comparaison entre le blocage actuel avec l'Iran dans le dossier nucléaire et l'époque de la Guerre froide, à l'époque où l'Union soviétique possédait un arsenal nucléaire. Ils signalent que l'Union soviétique, malgré son idéologie communiste révolutionnaire, pouvait être dissuadée et que nous pouvions parvenir à un équilibre peut-être fragile, mais qui a duré près de 50 ans, garantissant la paix malgré la menace d'annihilation nucléaire.
    Ceux qui habitaient alors au Canada, aux États-Unis ou même en Europe occidentale se souviennent peut-être que c'était effectivement la paix. Mais l'Européen de l'Est sait que le prix à payer pour cet équilibre fragile a été l'oppression par le totalitarisme soviétique pendant près d'un demi-siècle. Vous devriez également savoir, si vous venez de différentes régions du monde, que le prix de la paix ou plutôt de la stabilité et de l'évitement de la confrontation nucléaire pendant la Guerre froide a été un blocage des conflits et la création de zones d'influence sur la planète, où les deux adversaires idéologiques s'affrontaient par procuration.

  (1300)  

    Si l'Iran se dote de l'arme nucléaire et même s'il ne s'en sert pas pour mettre à exécution sa menace d'annihiler Israël, la conséquence la plus probable pour la région est que nous devrons accepter une sorte de Yalta du Moyen-Orient, et l'Iran voudra faire reconnaître ses zones d'influence. Il deviendra impossible de relever les défis dans ces régions, de régler des conflits en cours, comme le conflit arabo-israélien, et les crises du Liban, de l'Afghanistan et de l'Irak, ou bien la solution sera acquise au prix de compromis qui iraient fondamentalement à l'encontre des intérêts du monde libre.
    Le plus important, c'est que, en bloquant des crises, en donnant plus d'audace aux radicaux et en ayant la possibilité d'utiliser l'arme nucléaire comme moyen d'affirmer sa puissance, l'Iran déstabiliserait des pays de la région. Il affirmerait son hégémonie et soustrairait la région à la présence, à l'influence, au rôle des puissances occidentales et d'abord et avant tout des États-Unis. L'espoir de faire rayonner les droits de la personne et d'affirmer les libertés fondamentales en Iran et ailleurs serait perdu pour des dizaines d'années. Nous ne pourrions compter que sur les forces internes de l'opposition pour apporter du changement — faible lueur d'espoir.
    Que dire des prochaines élections et des deux principaux candidats à la présidence, le titulaire actuel et Mir Hossein Mousavi. L'un est une version polie et l'autre une version moins polie d'une idéologie très radicale qui a constamment et systématiquement opprimé les minorités religieuses, quels que soient les présidences et les épisodes de l'histoire politique iranienne des 30 dernières années.
    L'Iran s'affirme comme le représentant de l'islam dans le monde, mais, à Téhéran, il est possible de trouver ou de construire une mosquée sunnite. La répression des minorités religieuses a tourné à la persécution systématique dans le cas du bahaisme. On opprime les journalistes. Vous êtes douloureusement conscient du sort de Roxana Saberi dans la prison Evin, à Téhéran, qui a attiré l'attention des médias ces dernières semaines. Il se fait un abus systématique et une utilisation arbitraire des châtiments, y compris la peine de mort, dans des procès qui sont une parodie de l'idée même de justice. Toutes ces choses demeurent la caractéristique de la République islamique d'Iran.
    La nucléarisation de ce pays provoquera une profonde instabilité dans la région et fera un tort terrible à nos intérêts et à notre espoir de donner plus de stabilité, de liberté et de paix au Moyen-Orient. Le prix à payer sera terrible et peut-être insupportable pour des millions de personnes de tout le Moyen-Orient, qui espèrent, comme êtres humains, être traités avec plus de dignité et de respect par leurs gouvernements.
    Il est donc impérieux que nous et les pays libres de la planète prenions conscience du fait que les droits de la personne sont le plus puissant antidote dans la lutte contre des pays comme l'Iran, qui allient l'idéologie subversive de leur régime à une aspiration impitoyable à imposer leur propre vision du monde en se donnant ces armes redoutables.
    Les pays occidentaux doivent améliorer, accroître, renforcer, intensifier leur soutien aux groupes dissidents de l'intérieur. Il faut renforcer nos liens avec la société civile iranienne, donner à nos diplomates en Iran le mandat de s'adresser aux dissidents et d'accroître leurs contacts avec eux, d'esquiver le régime tout en s'adressant aux Iraniens qui défendent la liberté. Nous devons faire mieux comprendre à nos opinions publiques, par diverses mesures, la vraie nature du régime et la menace qu'il fait peser sur la région et son propre peuple.
    Enfin, mais ce n'est pas le moins important, une fois connus la nature du régime et les objectifs qu'il vise par son programme nucléaire, nous devons renforcer, redoubler notre détermination à empêcher l'Iran d'atteindre ces objectifs. Nous devons le faire d'abord et avant tout en refusant à l'Iran et à ses émissaires la capacité d'obtenir par des subterfuges la technologie nécessaire pour atteindre leur objectif ou de venir dans nos sociétés et de se servir des moyens offerts par nos sociétés libres et ouvertes pour se procurer cette technologie.

  (1305)  

    Je me ferai un plaisir, pendant la période des questions, de vous donner un certain nombre d'exemples d'entreprises créées par l'Iran, ouvertement, par des moyens légaux, dans tout l'Occident, en Europe, en Amérique du Nord, Canada compris, pour contourner les sanctions et autres mesures et se procurer la technologie qui lui permettra d'atteindre son objectif.
    Il est impérieux que nous comprenions le prix que nous aurons à payer si le régime atteint son but dans les mois à venir, le coût à payer pour les millions de personnes qui seront privées de leurs droits les plus élémentaires, l'instabilité qui découlera de cette réalisation du régime, l'incapacité où nous serons de résoudre les crises pendant des décennies dans la région. Nous avons les moyens de progresser vers nos objectifs et d'empêcher l'Iran d'atteindre les siens. Nous avons un moyen, c'est-à-dire l'affirmation, par nos politiques et pas uniquement par des mots, des valeurs que défendent les pays libres. Il est impérieux que nous cherchions tous les moyens à notre disposition pour empêcher l'Iran d'atteindre ses objectifs de domination, ce que l'arme nucléaire donnerait au régime, et de causer un tort terrible à la région et aux valeurs de liberté qui nous sont si chères.
    Merci beaucoup de m'avoir écouté.

  (1310)  

    Merci beaucoup, monsieur Ottolenghi.
    Avant de passer aux questions, je signale simplement aux membres du sous-comité que...

[Français]

les appendices de la présentation du professeur Stanton ne sont pas disponibles en français en ce moment. Une version dans les deux langues officielles sera disponible à la prochaine rencontre de notre comité.

[Traduction]

    Comme d'habitude, nous aurons un premier cycle de questions de sept minutes, une de chacun des partis, après quoi il y aura deux questions de cinq minutes pour les libéraux et les conservateurs.
    Monsieur Cotler, voulez-vous commencer?
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux deux témoins, MM. Stanton et Ottolenghi, de leurs excellents témoignages.
    Je m'adresse d'abord à M. Stanton. Vous avez parlé de sept signes précurseurs de génocide en Iran. Comme spécialiste de l'anthropologie culturelle et professeur de droit, vous avez conçu un paradigme ou un modèle qui comprend huit étapes du génocide en analysant les cas récents de génocide. Vous avez ajouté que les six premières étapes avaient déjà été franchies en Iran.
    Ma question est double. Quelle est la relation entre les signes précurseurs du cadre d'analyse et les huit étapes du modèle de génocide? Deuxièmement, pouvez-vous expliquer comment l'Iran a déjà franchi les six premières étapes?
    Merci.
    Voici quelle est la relation entre les facteurs de risque que j'ai énumérés et qui ont été définis par Barbara Harff et quelques autres politologues. Je les ai repris dans mon mémoire et l'analyse du processus, auxquels j'ai fait allusion, mais sans donner de détails.
    Les facteurs de risque sont essentiellement des probabilités statistiques. Nous nous sommes servis d'ordinateurs et nous avons défini des variables qu'il est possible de mettre en corrélation avec des génocides passés. Les facteurs de risque qui ressortent le plus sont ceux que j'ai énumérés. D'abord, une idéologie d'exclusion. Autrement dit, une idéologie qui empêche de considérer des groupes entiers comme des êtres tout à fait humains. C'est le cas ici avec les Juifs, par exemple. Deuxièmement, la négation de génocides passés; l'holocauste est nié. Troisièmement, les régimes autoritaires ou totalitaires. Chacun de ces facteurs est essentiellement un prédicteur de probabilité, un facteur de risque statistique.
    Le rapport aux huit étapes du modèle de génocide que j'ai conçu est que ces huit étapes ont été élaborées comme un guide à l'intention des décideurs, afin qu'ils puissent voir venir le génocide. Au lieu de s'en tenir aux facteurs de risque, on perçoit la logique du processus. Voici, brièvement, les huit étapes.
    D'abord, la classification. Toute culture doit distinguer des groupes: nous et eux. Dans ce cas, ce sont les Iraniens d'un côté et les Juifs et d'autres groupes de l'autre. Même dans la société iranienne, certains font partie des « autres » — les bahais, par exemple, les Azéris et beaucoup d'autres groupes qui n'ont pas les droits politiques normaux dans la société. Dans le cas des Juifs, par exemple, Ahmadinejad a dit que les Juifs, ces gens « fabriqués » ne peuvent continuer à exister. C'est l'altérité; c'est dire qu'ils n'ont pas de droits. Il a dit par exemple que les Juifs n'avaient pas de racines en Palestine.
    Deuxième étape, la symbolisation. On donne des noms aux classifications. On peut même rattacher des symboles aux gens classés dans un certain groupe. Le symbole le plus connu est évidemment l'étoile jaune utilisée par les Nazis. Cela s'est fait aussi au Cambodge, soit dit en passant. Ben Kiernan et moi avons découvert qu'on se servait de foulards à carreaux bleu et blanc pour distinguer les gens de l'Est avant de les déporter pour les exterminer.
    Dans ce cas-ci, les principaux symboles sont des mots, comme Juifs, sionistes, etc. Mais ils sont associés à la troisième étape, la déshumanisation. À cet égard, la rhétorique d'Ahmadinejad est pléthorique. Il a qualifié Israël de tache, de souillure, de cancer, de sale bactérie, et de bête sauvage. Selon lui, les Juifs sont des animaux, des barbares, des meurtriers. Il a repris le discours des Protocoles des sages de Sion, par exemple. Ce type de déshumanisation est caractéristique des régimes génocidaires. Par exemple, les Tutsis du Rwanda étaient qualifiés de blattes ou les Juifs étaient qualifiés de vermine pendant l'holocauste.

  (1315)  

    La quatrième étape, l'organisation, est celle où on met en place les organisations qui vont perpétrer le génocide. Dans ce cas-ci, je tiens à insister sur le fait que je suis d'accord avec le professeur qui témoigne avec moi: même si les armes nucléaires de l'Iran ne servent que de bouclier, elles protégeront des organisations comme le Hezbollah, le Hamas et d'autres terroristes aux idéologies génocidaires qui organiseront les tueries et continueront de terroriser Israël.
    Cinquième étape, la polarisation. Les extrémistes séparent les groupes. C'est ce que nous observons dans certaines des déclarations du régime, par exemple celles qui disent que le régime sioniste ne peut continuer à exister. C'est une déclaration d'Ahmadinejad.
    À la sixième étape, la préparation, les victimes sont identifiées et mises à l'écart à cause de leur identité ethnique ou religieuse. Dans ce cas-ci, c'est Israël ou les sionistes, comme il aime les appeler. Les victimes sont attaquées par des organisations terroristes comme le Hamas ou le Hezbollah ou encore, comme cette fois-ci, il y a un schème général d'attaques commanditées et payées par l'État iranien.
    La septième étape, l'extermination, est le génocide proprement dit. C'est le début des massacres. Le génocide, ce n'est pas tout ou rien. Il peut être lent, très progressif, comme au Soudan. Je crois que ce que l'Iran envisage à long terme pour Israël c'est en fin de compte une élimination lente. À défaut, il aura des armes nucléaires pour tout faire d'un coup.
    Enfin, la huitième et dernière étape de tout génocide est la négation. Tous les génocides sont niés par ceux qui y ont participé, et cette étape commence dès le début. Ceux qui vont le commettre nient qu'ils vont le perpétrer, ils le nient pendant la perpétration, et ils le nient après. Nous avons vu tout cela en Iran.
    Merci beaucoup.
    À vous, madame Thi Lac, s'il vous plaît.

[Français]

    En fait, vous venez de répondre à la première question que j'allais vous poser. En effet, vous avez parlé des huit étapes du génocide et vous avez précisé que la septième était le passage à l'acte, soi le génocide lui-même. J'allais vous demander en quoi consistait la huitième étape, mais vous nous l'avez dit. Elle consiste à nier son implication dans ledit génocide.

  (1320)  

[Traduction]

    Monsieur Stanton, je vous signale que, si vous passez au canal 3, vous pourrez entendre Mme Thi Lac en français, mais il faut monter un peu le volume.
    Excusez-moi, madame Thi Lac.

[Français]

    Vous avez parlé d'un éventuel génocide nucléaire et du fait que c'était une menace réelle. Vous avez évoqué la possibilité que l'Iran passe à l'acte. J'aimerais que vous nous parliez davantage de cette possibilité.
    Vous avez aussi parlé de condamner le président par l'intermédiaire de la Cour internationale. Si le Canada intentait un recours de ce genre devant la Cour internationale, que faudrait-il faire pour que ces procédures soient vraiment efficaces?
    Je vais essayer de répondre en français, mais je m'excuse d'avance. J'ai déjà fait de l'auto-stop près du désert du Sahara. Quand je suis arrivé à Paris, la dame qui était au guichet de la tour Eiffel m'a demandé où j'avais appris mon français petit-nègre. J'ai répondu que c'était en Afrique. J'étais volontaire au sein du Corps des volontaires de la paix en Côte d'Ivoire. Mon français est un peu laborieux, mais j'essaierai quand même.
    Je dirais que la façon la plus efficace de procéder, pour le Canada, est de s'adresser à la Cour internationale de Justice. La raison est que le Canada est partie de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, sans réserve, notamment en ce qui a trait à l'article IX. Le Canada peut entreprendre un litige contre l'Iran, devant la Cour internationale de Justice à La Haye, pour violation de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Il n'y a pas d'empêchement à ce que le Canada présente un tel cas à la Cour internationale de Justice. Le Canada n'a pas besoin de la permission de notre État pour le faire.
    L'autre possibilité est d'utiliser l'article 8 de la Charte des Nations Unies pour avertir le Conseil de sécurité qu'il y a un problème en Iran et que l'Iran incite au génocide. C'est une infraction à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Si on utilise cette méthode, le Conseil de sécurité doit se pencher sur la question de cette violation. Il est possible que le Conseil de sécurité ne fasse rien, mais, au moins, ce serait inscrit au programme du Conseil. Le Canada peut aussi faire la même chose en s'adressant au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, en se référant à l'article 8 de la Charte des Nations Unies. Tous les deux ont une validité légale. Le plus facile est de s'adresser directement à la Cour internationale de Justice.

  (1325)  

    Merci beaucoup. Je tiens à vous dire que votre français est très respectable.
    Ma seconde question s'adresse à M. Ottolenghi.
    Lors de votre exposé, vous avez déclaré que, malgré une élection pour une nouvelle présidence, vous croyez peu au vent de changement que cela pourrait apporter, puisque présentement les candidats véhiculent les mêmes valeurs. Je voudrais vous entendre à ce sujet, s'il vous plaît.
    Merci de votre question. Je vais essayer de parler en français.
    Le programme nucléaire iranien a été interrompu par la révolution en 1979, mais on a pris la décision de rouvrir le programme nucléaire en 1984. À cette époque, le président de l'Iran était M. Khamenei, qui est aujourd'hui le leader suprême de l'Iran. Le premier ministre, une fonction institutionnelle qui n'existe plus aujourd'hui, était M. Mir-Hossein Moussavi. Le programme a continué après la fin du mandat présidentiel de M. Khamenei, sous l'autorité de M. Khamenei comme leader suprême, pendant la présidence de M. Rafsanjani, considéré comme un conservateur pragmatique. M. Rafsanjani a laissé la présidence en 1997, et son successeur était M. Khatami, un réformateur qui parlait du dialogue des civilisations avec le monde, mais qui construisait clandestinement une bombe nucléaire en Iran, comme on l'a découvert en 2002 et comme l'ont révélé les services secrets américains.
    Le réformateur a été remplacé par M. Ahmadinejad. M. Khamenei, qui était président en 1984, est resté le leader suprême. M. Ahmadinejad a poursuivi la même politique nucléaire. Cela veut dire que sur la question nucléaire, à tout le moins, il n'y a pas de différence entre les réformateurs, les conservateurs, les radicaux, les pragmatiques, les leaders suprêmes et les officiers élus par le peuple. Cette position politique de la République islamique d'Iran est restée la même pendant presque 25 ans.
    Il y aura peut-être des changements de style sur cette question, mais je n'imagine pas que le leader suprême de l'Iran va décider d'abandonner le programme nucléaire, sauf s'il est confronté à un choix. Il doit choisir entre la bombe, l'arsenal nucléaire et les aspirations politiques, qu'un instrument de pouvoir semblable peut aider l'Iran à matérialiser ou à poursuivre, et la survivance du régime.
    Je crois que les politiques de l'Occident, de la communauté internationale, du monde libre sur les discussions du dossier nucléaire doivent forcer le leader suprême de l'Iran à faire ce choix. Nous devons réaliser que sur le dossier nucléaire et sur la fidélité des hommes qui sont dans une position de pouvoir en Iran, dans toute l'histoire de l'Iran révolutionnaire, la dévotion aux idéaux de la révolution, à sa survivance et à celle du régime islamique, est une constante politique de tous les hommes qui ont partagé le pouvoir et participé à la gestion publique de la république islamique.
    On peut mettre de l'espoir dans un changement de style. C'est vrai qu'il y a eu des hommes, comme M. Larijani, qui étaient beaucoup plus plaisants, sophistiqués, éduqués et polis dans leurs conversations avec le monde libre.

  (1330)  

    Cependant, le comportement de l'Iran envers les minorités, les femmes, les minorités religieuses et les voisins, de même que ses tentatives d'assassinat des dissidents en exil dans beaucoup de pays, y compris des pays amis de l'Iran, par exemple en Europe, ont toujours été les mêmes à travers son histoire, peu importe le genre de politiciens et de leaders au pouvoir.
    Il faut comprendre que les changements seront cosmétiques. Ils refléteront plutôt la stratégie du leader suprême envers la communauté internationale et indiqueront beaucoup sa volonté de changer l'orientation du régime sur la question nucléaire et sur les autres questions qui nous préoccupent aujourd'hui.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Passons à M. Marston. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins de leur long témoignage et de leur participation à nos travaux.
    Monsieur Stanton, vos observations m'ont un peu étonné et m'on pris au dépourvu. Vous avez proposé que l'OTAN réagisse à la situation. Je présume qu'il s'agirait d'une intervention militaire, puisque c'est pour cela qu'on fait appel à l'OTAN. Malgré les attentats du 11 septembre et la guerre de M. Bush contre le terrorisme qui a suivi, on a fait appel à l'OTAN pour protéger directement les États-Unis. Si on devait en arriver à des décisions semblables, ne devraient-elles pas être prises au niveau international par l'ONU plutôt que par l'OTAN?
    Je n'ai pas proposé une intervention préventive directe de l'OTAN. Je préconise simplement ce dont Hillary Clinton a parlé pendant sa campagne à la présidence: si Israël était attaqué, s'il était visé par une attaque nucléaire, la réponse viendrait de l'OTAN. Si je dis cela, c'est parce que l'ONU ne possède pas de forces nucléaires. Les seules mesures de dissuasion contre les attaques nucléaires doivent venir de forces qui sont dotées d'armes nucléaires. Or, l'ONU n'a aucune capacité nucléaire.
    Une autre raison explique que l'OTAN convient mieux pour intervenir en pareilles circonstances. C'est qu'elle ne serait pas gênée par le veto. En ce moment, l'ONU a des moyens, pour décourager les génocides, qui se sont avérés maintes fois inefficaces. Voilà pourquoi il faut être clair. Bien sûr, il faudrait qu'il soit accepté au niveau multilatéral par les pays membres de l'OTAN que cette organisation réagirait si Israël était la cible d'une attaque nucléaire de l'Iran, et les Iraniens devraient être prévenus.

  (1335)  

    Êtes-vous au courant de cas où l'OTAN aurait pris position publiquement de cette façon? Je ne veux pas insister, mais je crois n'avoir jamais entendu rien de semblable.
    Non, cela ne s'est jamais fait. Il s'agirait de protéger Israël avec le bouclier atomique de l'OTAN. Il me semble que c'est nécessaire.
    Voilà pourquoi j'ai posé la question.
    Monsieur Ottolenghi, au cours de votre exposé, vous avez parlé d'entreprises dans le monde entier qui appuient l'acquisition de substances et de technologies pour l'Iran, et vous avez dit que certaines de ces entreprises se trouvaient au Canada. Pourriez-vous donner de plus amples explications et nommer ces entreprises?
    Bien sûr. Votre question est la bienvenue et je vous remercie de me donner l'occasion d'en parler.
    J'ai dit qu'il y avait beaucoup de ces entreprises en Europe occidentale et en Amérique du Nord. Je vous signale la filiale canadienne d'une société iranienne. Il s'agit de Kala Naft Canada Limited, installée à Calgary. Kala Naft fait l'objet de discussions en Union européenne, qui envisage de la désigner comme société de façade du régime iranien en raison de sa participation active à des efforts d'acquisition illégaux dans toute l'Europe occidentale. Je n'ai pas de preuve concrète d'incidents où la filiale canadienne aurait cherché à acquérir de la technologie et à la transférer illégalement en Iran. Néanmoins, il est clair et il y a des preuves que cette société a des activités de cette nature sur les quatre continents où elle a des filiales. Elle est liée au régime, et l'Union européenne envisage de la désigner et de la sanctionner à cause de ses activités illégales.
    Je voudrais aussi attirer votre attention avec insistance, au moyen d'un exemple, sur la façon dont l'Iran cherche à acquérir des technologies utiles pour faire progresser son programme nucléaire. Je songe à un marché que l'Iran a conclu en 2005 avec une société allemande, WIRTH, chef de file mondial dans la production de machines de terrassement. Ces énormes machines serviront à creuser des tunnels et des trous profonds sous terre pour d'importants projets d'infrastructure civile. L'Iran a acquis cette technologie légalement, de façon ostensible, pour des projets qui, à l'évidence, sont entièrement civils et parfaitement légitimes. Mais les clients de WIRTH en Iran ont tous un lien direct avec les Gardiens de la révolution.
    C'est ainsi que les sociétés iraniennes s'y prennent dans le monde occidental, y compris en Amérique du Nord. Elles acquièrent une technologie qui, visiblement, est destinée à des fins parfaitement légitimes. Dans le cas de la société allemande, les machines ont été achetées pour construire un tunnel d'adduction d'eau par l'administration régionale du service d'eau de Téhéran. Toutefois, des sources publiques montrent de façon concluante que la technologie a été détournée vers des entités qui sont désignées par le département américain du Trésor et sanctionnées par l'Union européenne ou l'ONU. La technologie finira par être utilisée à des fins non prévues au moment de la vente.
    Je vous signale donc que l'Iran utilise tous les moyens à sa disposition, notamment la création d'entreprises de façade dans des pays étrangers, pour obtenir la technologie nécessaire à la construction d'installations nucléaires et à la réalisation de son programme nucléaire. Bien sûr, les tunneliers ne serviront pas directement à la construction d'une usine de retraitement du combustible, par exemple, mais on les utilisera pour creuser profondément sous terre et construire des installations clandestines sous les montagnes.
    Merci.

  (1340)  

    Monsieur Stanton, vous avez recommandé dans votre exposé d'inculper M. Ahmadinejab. Savez-vous si d'autres pays envisagent des mesures semblables? Utilisent-ils pour le faire leur propre jurisprudence? Vaudrait-il la peine d'envisager une démarche parallèle?
    Monsieur Stanton, le temps de parole du député est terminé. Je vous invite donc à répondre très brièvement.
    Je serai très bref.
    La réponse est oui. Je sais que l'Australie envisage d'agir de la sorte.
    Il y a deux modalités d'inculpation. La première est de recourir à un État qui a une compétence universelle aux termes de la Convention sur le génocide. Le Canada est l'un d'eux, mais il y en a d'autres. Toutefois, ce recours n'est pas particulièrement utile, car il faudrait en somme se saisir d'Ahmadinejad et le traduire devant les tribunaux.
    L'autre moyen est de faire appel à la Cour pénale internationale. Malheureusement, la seule façon de s'y prendre, puisque l'Iran n'est pas partie au statut de la CPI est que le Conseil de sécurité de l'ONU renvoie l'affaire à la CPI.
    Une inculpation de cette personne à titre individuel me semble peu probable. C'est pourquoi j'ai recommandé de s'adresser à la Cour pénale internationale. C'est un meilleur moyen, un moyen plus sûr.
    Merci.
    Pour le deuxième tour, nous allons commencer par M. Hiebert.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux d'être ici. J'aime beaucoup vos témoignages
    J'adresse mes questions d'abord à M. Stanton. Vous avez parlé des huit étapes et dit qu'elles étaient conçues comme un guide pour les décideurs. Pourriez-vous expliquer davantage ce que l'Iran a fait pour se rapprocher de la septième étape, l'extermination? Je songe en particulier aux étapes de l'organisation, de la polarisation et de la préparation.
    Si je veux obtenir plus de détails, c'est que des témoins nous ont déjà dit que des minorités religieuses ont été persécutées, notamment les Azéris, les Bahais et les Kurdes. D'après d'autres témoignages, d'autres minorités quasi religieuses, chrétiennes et juives, par exemple, jouissent d'une plus grande protection aux termes de la Constitution.
    Nous savons également qu'il y a au moins une enclave juive à l'intérieur de l'Iran. Pourtant, je n'ai pas entendu dire que ce groupe avait été persécuté. Je me dis que, si l'Iran voulait annihiler les Juifs en Israël, il agirait d'abord chez lui, mais je n'ai encore entendu aucun témoignage en ce sens.
    Pourriez-vous nous dire si les Juifs sont persécutés à l'intérieur de l'Iran? De plus, il serait très utile d'obtenir les renseignements que vous pouvez nous donner sur les étapes les plus proches de la septième, l'extermination. Ce serait un très solide argument au sujet du stade où on en est rendu.
    Ce fait est souvent invoqué comme argument contraire à propos des intentions du régime iranien. Il est vrai qu'il existe une communauté juive en Iran. Il y a aussi une communauté chrétienne. Par contre, il est inexact de dire qu'elles ont les mêmes droits que les chiites. Juifs et chrétiens sont victimes de discrimination dans le domaine de l'emploi, sur le plan juridique et dans bien des domaines. Il n'est pas vrai qu'ils ont des droits égaux.
    Il y a toutefois une différence entre leur traitement et celui qui est réservé aux Bahais, aux Azéris, aux Kurdes et à d'autres groupes que le régime iranien a décidé de persécuter ouvertement. C'est vrai. Néanmoins, l'idéologie générale du régime iranien, qui comprend par exemple, à l'étape de la polarisation, l'utilisation des Protocoles des sages de Sion comme de l'information objective et le type de propos employés constamment par Ahmadinejad et d'autres dirigeants iraniens contre les Juifs, qui sont traités d'animaux, de barbares, de meurtriers, et cetera... Ce discours déshumanisant est un stade précoce qui mène au génocide. Même s'il y a une minorité juive depuis longtemps en Iran... et en réalité, il ne reste plus beaucoup de Juifs. La plupart d'entre eux sont partis.
    L'idéologie fondamentale de la déshumanisation est toujours présente. Elle est déjà présente. Il n'en faudrait pas beaucoup pour passer au génocide, même en Iran. On n'en est pas encore au stade de l'extermination en Iran et peut-être même pas au stade de la préparation, contre les Juifs ou les chrétiens en Iran, mais on en est au moins aux premiers stades, notamment la déshumanisation et la polarisation.

  (1345)  

    Merci.
    Monsieur Ottolenghi, vous avez parlé des candidats à la présidence et vous, monsieur Stanton, vous avez dit que le Canada pourrait tenter de faire inculper l'Iran à la Cour internationale de justice. S'il y avait un changement de dirigeant, s'il y avait un nouveau président — et d'après vos observations, il semble qu'aucun des candidats n'apporterait beaucoup de changement dans la direction —, serait-ce un moyen de défense pour l'Iran? Il dirait que le pouvoir est passé en d'autres mains. L'extrémiste Ahmadinejad aurait été remplacé et ses propos ne seraient plus ceux du gouvernement. Est-ce qu'il s'agirait d'un moyen de défense?
    Oui. C'est une doctrine bien connue en droit. Si une affaire devient théorique et ne s'applique plus, cela pourrait servir de défense s'il est possible de montrer qu'il y a eu un vrai changement.
    L'inculpation serait que l'Iran a violé la Convention sur le génocide. Si le délit d'incitation n'a pas été examiné ou puni en Iran, comme il est censé l'être aux termes de la Convention sur le génocide — en d'autres termes, si l'Iran ne poursuit pas Ahmadinejad et les autres —, il pourrait toujours y avoir une cause à faire valoir. Mais vous avez raison de dire qu'elle serait moins solide. Toutefois d'après ce que j'ai entendu, notamment de la bouche de l'autre témoin d'aujourd'hui, qui connaît beaucoup mieux que moi la politique iranienne, il ne semble pas très probable que les autres candidats apporteraient des changements énormes.
    Monsieur Ottolenghi, avez-vous quelque chose à dire d'un changement possible à la présidence et des conséquences pour une action à la Cour internationale de justice?
    Je ne suis pas un expert en matière judiciaire et juridique, mais je voudrais faire valoir un point brièvement.
    Je vous parle depuis Bruxelles, capitale de l'Union européenne et siège de l'OTAN. L'Union européenne, par l'entremise de ses trois principaux membres — France, Grande-Bretagne et Allemagne — a des entretiens avec l'Iran depuis 2003, peu après que le programme nucléaire clandestin eut été révélé au monde. L'Europe a des entretiens avec l'Iran depuis six ans. Elle en a eu sous Khatami, sous Ahmadinejad, et elle en aura après le départ de ce dernier, s'il perd les élections.
    Certains, ici, pensent que le problème, c'est Ahmadinejad, que ses prédécesseurs étaient plus raisonnables et mieux disposés au compromis et que donc, ses successeurs seront également prêts à faire des compromis. Oui, en un sens, si le guide suprême jugeait essentiel de gagner du temps pour servir les objectifs de l'Iran, il réclamerait le remplacement d'Ahmadinejad aux élections.
    Malgré les changements, malgré le ballet élaboré des divers intervenants et envoyés — Rohani, puis Larijani, suivi de Jalili et qui sait qui sera le prochain négociateur dans le dossier nucléaire —, la politique et les objectifs restent à peu près les mêmes. L'Iran aspire à l'hégémonie régionale, il veut étendre son influence et exporter son idéologie, et les armes nucléaires sont un moyen de parvenir à ses fins.
    Encore une minute sur le même sujet, car le Canada, parmi les membres de l'OTAN, a été généreux, courageux et déterminé dans la guerre que le monde libre livre en Afghanistan. Vous avez perdu des hommes et même des femmes, et vous avez sacrifié des ressources financières.
    On aime à croire que de nouveaux dirigeants en Iran pourraient collaborer avec nous en Afghanistan, puisque des dirigeants raisonnables constateraient que nous avons des objectifs communs. En réalité, le grand objectif général, ultime, de toutes les figures de pouvoir en Iran, malgré quelques différences, est de faire diminuer la présence, l'influence et l'impact des pays occidentaux — et d'abord et surtout des États-Unis — dans la région, à commencer par l'Afghanistan.
    Un changement au pouvoir donnera l'impression que quelque chose a évolué, et la thèse que des gens comme mon collègue à Ottawa avance dans la sphère publique... nous aurions en quelque sorte perdu notre raison de nous en prendre à l'Iran. La réalité est différente. Les objectifs de l'Iran ne sont pas établis par un homme politique élu, mais par le guide suprême qui, dans la doctrine chiite qui informe la révolution iranienne, est l'ombre de Dieu sur terre. L'ombre de Dieu sur terre, qui parle au nom de Dieu, ne peut être influencée ni conditionnée par la volonté capricieuse du peuple et ne peut déléguer à une élection la détermination des choix politiques sur des questions cruciales comme l'exportation de l'idéologie islamique dans le monde.

  (1350)  

    Il faut se souvenir que, même si Ahmadinejad quitte le pouvoir et si la cause contre lui à la Cour pénale internationale ou devant d'autres instances judiciaires internationales devient moins solide, l'Iran et les objectifs du régime iranien demeureront aussi menaçants qu'aujourd'hui. La différence se résume au fait que le discours est brutal et direct, alors qu'il ne l'était pas auparavant. Mais l'objectif reste le même.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons manquer de temps. J'invite donc les deux prochains députés à adresser leurs questions à un seul témoin. Pour que les deux aient le temps de poser leurs questions, je ne tiendrai pas compte de l'heure, même s'il est 14 heures, le temps que le deuxième député reçoive sa réponse.
    Monsieur Silva, je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins de leurs exposés excellents.
    Merci, monsieur Stanton. J'ai été heureux d'entendre parler des signes précurseurs de génocide. Je me rappelle avoir lu l'ouvrage de Samantha Power, A Problem from Hell: America and the Age of Genocide, et j'avais prêté attention à ces choses. Nous manquons de temps, et j'ai une question à poser à M. Ottolenghi. Peut-être pourrons-nous discuter après la séance.
    Mes questions portent sur un certain nombre de choses. Je serai très précis. Les preuves que l'Iran veut se doter de l'arme nucléaire et le temps qu'il lui faudra sont des éléments très importants. Ma deuxième question porte sur la société de Calgary. Je crois qu'il faut faire toute la lumière. Pourriez-vous nous aider en nous donnant plus de détails à son sujet? Comment s'épelle son nom? Je ne le sais pas.

  (1355)  

    Je commence par la deuxième partie, qui est plus simple. Le nom s'écrit K-a-l-a N-a-f-t. Cette société a une filiale à Calgary. Quant aux détails, je me ferai un plaisir de communiquer séparément avec vous et de les communiquer, avec les renseignements que l'Union européenne possède sur le rôle qu'elle joue dans les approvisionnements illégaux.
    Pour ce qui est des preuves et des délais, un mot rapide sur les délais. Je n'ai pas accès aux renseignements privilégiés comme ceux dont, je l'espère, le président américain prend connaissance tous les matins. Les membres du comité n'ont sans doute pas cet accès non plus, pas plus que la plupart des habitants du monde occidental. Nous ne pouvons rien dire de très exact sur les délais. C'est un processus très compliqué qui est très dynamique, et les pays qui en craignent les conséquences essaient sans cesse de le perturber. Lorsque des haut placés disent que l'Iran aura l'arme nucléaire dans six mois ou dans six ans, il faut prendre ces évaluations avec un grain de sel, car même les personnes les mieux renseignées dans le domaine ne connaissent pas les délais exacts, précis, à un mois ou à un jour près.
    Cela dit, nous avons assez d'information provenant de sources publiques — je parle à titre de simple citoyen et non comme quelqu'un qui aurait accès à des renseignements secrets — pour savoir que l'Iran a fait d'énormes progrès vers son objectif. Les faits révélés dans les sources publiques sont très inquiétants.
    Je signale seulement quelques éléments qui ressortent de documents comme les rapports de l'Agence internationale de l'énergie atomique. D'abord, l'Iran a cherché avec détermination à enrichir l'uranium et à maîtriser le cycle nucléaire. Avant de bâtir des centrales nucléaires qui utiliseraient le combustible produit... La séquence normale dans l'histoire de l'énergie nucléaire à des fins civiles est l'inverse: les pays construisent les centrales et éventuellement, et non nécessairement, ils apprennent à enrichir l'uranium. Souvent, ce combustible vient de groupes fournisseurs.
    Deuxièmement, l'Iran a cherché à tout prix à enrichir l'uranium. La seule centrale nucléaire de l'Iran, aujourd'hui, est celle de Bushehr, qui n'est pas encore fonctionnelle. Le combustible d'uranium viendrait de Russie. L'Iran n'a donc pas besoin d'enrichir l'uranium. L'Iran a également mis en place une installation en Irak, l'une des installations clandestines révélées en 2002. C'est un réacteur à eau lourde vraisemblablement destiné à produire du plutonium pour la fabrication d'armes. Jusqu'à maintenant, l'Iran n'a pas autorisé les inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique à contrôler cette installation.
    L'Iran a caché son programme nucléaire pendant 18 ans, ce qui, en soi, montre qu'il a bien des explications à donner. Il a mené un certain nombre d'expériences et d'activités qui n'ont leur raison d'être que dans un contexte militaire, notamment l'expérimentation de puissants explosifs habituellement utilisés pour déclencher la réaction nucléaire dans un dispositif. Il a mené des expériences sur des déclencheurs précis, très particuliers qui sont typiques des armes nucléaires. Il a cherché à se procurer les plans et la technologie et il a expérimenté l'usinage de l'uranium et tenté de le modeler en hémisphères, ce qui n'est utile que dans des armes nucléaires. Tout cela est documenté. Sans négliger le fait qu'une grande partie de la technologie que l'Iran a obtenue au départ pour assurer sa puissance nucléaire est venue du réseau nucléaire illicite dirigé par Abdul Qadeer Khan, scientifique pakistanais qui est le père de la bombe pakistanaise. Nous connaissons bien des choses sur le programme nucléaire iranien qui viennent de cette source, ce qui confirme la crainte que ce programme n'ait bien une dimension militaire.

  (1400)  

    Enfin, la plupart des industries, entreprises et centres de rechercher qui participent au programme nucléaire, notamment les installations qui produisent des centrifugeuses pour le programme nucléaire iranien, sont soit militaires, soit dirigés directement par les Gardiens de la révolution. Voilà un autre point qui montre à quel point il est difficile de prétendre que l'Iran ne veut utiliser le nucléaire qu'à des fins civiles, étant donné la forte participation du secteur militaire.
    Un dernier exemple se trouve dans l'un des derniers rapports de l'AIEA: un des scientifiques qui travaillent dans l'un des centres militaires a fait des études sur l'essai Trinity et l'effet de l'onde de choc causée par la bombe au plutonium que les Américains ont fait exploser dans le désert du Nouveau-Mexique le 16 juillet 1945. Lorsque l'AIEA a demandé des explications à l'Iran, la réponse a été qu'il s'agissait d'un passe-temps du scientifique en question. Et l'Iran a refusé que ce scientifique soit interviewé.
    Les preuves qui sont dans le domaine public sont écrasantes. Seuls ceux qui refusent de reconnaître la dure réalité d'un programme nucléaire militaire en Iran insistent pour accepter la version iranienne voulant que le programme soit limité au civil.
    Merci.
    M. Sweet sera le dernier à poser des questions aujourd'hui
    Mes questions s'adressent à M. Stanton, ce qui assurera un très bon équilibre
     Je voudrais dire quelque chose à M. Ottolenghi. Félicitations, papa.
    Merci.
    Vous avez étudié les génocides du passé et défini ces étapes. Première question: est-il arrivé au cours de l'histoire qu'un État fasse des menaces et se rende jusqu'au stade six pour ensuite battre en retraite, de sorte qu'il n'y a pas eu de génocide?
    Oui, il y a eu des exemples et même plusieurs récemment. Parmi les plus récents, il y a l'exemple de la Macédoine, où une force de maintien de la paix de l'ONU a été dépêchée à la frontière pour empêcher le nettoyage ethnique et le génocide du Kosovo de s'étendre en Macédoine. Il a suffi de 400 hommes, et l'intervention a réussi. Le règlement du problème a été aussi facilité par des dirigeants modérés des deux côtés, les Musulmans albanais et les Macédoniens, qui ont été disposés à élaborer un accord. On était tout près du génocide, au stade de la préparation.
    On peut soutenir que, au Timor oriental, les massacres génocidaires avaient déjà commencé, tout de suite après le vote pour l'indépendance, mais comme l'Australie est intervenue très rapidement avec l'approbation de l'ONU, dans un délai de deux semaines et qu'il y a eu une force multinationale avec la participation de la Malaisie, des Philippines et de la Thaïlande, le génocide a été arrêté. C'est un modèle à suivre. Ce sont là deux bons exemples qui montrent comment on peut arrêter les génocides. Une forte volonté politique s'est manifestée, et un État solide a pris la tête de l'intervention.
    Soit dit en passant, il y a là quelque chose que je voudrais souligner expressément pour le Canada, qui est l'un des rares pays dotés de la capacité voulue. Non seulement il se soucie du droit international et des droits de la personne, mais il a aussi un solide dispositif militaire. Vous avez un rôle particulier à jouer sur ce plan, avec quelques autres rares pays, comme l'Australie.
    J'ai été ravi lorsque, il y a quelques années, le Canada, le Danemark et quelques autres pays ont lancé l'idée d'une force d'intervention rapide. Le Canada demeure un chef de file pour la formation des forces de maintien de la paix, grâce à son institut. Nous commençons seulement à faire du rattrapage. Nos militaires ne sont pas vraiment formés pour ce genre de mission, et ils doivent l'être.

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    Toutes les tentatives de génocide auxquelles je peux penser ont été perpétrées par des moyens grotesques, comme les fours crématoires des Nazis, ou des armes classiques. Dans ce cas-ci, il s'agirait d'un génocide commis au moyen de l'arme nucléaire. Quelles complications cela occasionne-t-il, compte tenu de votre explication des moyens tactiques à prendre pour contraindre un pays à renoncer à ses actes génocidaires?
    La grande différence, c'est qu'il faudra, comme nous l'avons appris pendant la Guerre froide, une menace très crédible de riposte massive. En d'autres termes, il faut que l'Iran sache que, s'il décide d'annihiler Israël par le feu nucléaire, il sera également annihilé. Voilà pourquoi je préconise l'utilisation du bouclier nucléaire de l'OTAN pour protéger Israël. La situation est différente de la plupart des autres.
    Voici ma dernière question. M. Ottolenghi a parlé de la Guerre froide et du prix qu'ont dû payer, comme il l'a dit, les Allemands de l'Est et les habitants de certains États du bloc soviétique. Les relations entre la Russie et nombre d'États du bloc soviétique sont loin d'être chaleureuses. Fonctionnelles, mais pas chaleureuses. Il y a une autre inquiétude, soit que toute forme de frappe risque de dégénérer en un conflit beaucoup plus étendu. À la dernière séance, des témoins ont exprimé l'avis que les missiles qui transporteraient les ogives de l'Iran ne sont pas plus précis que les missiles Scud utilisés au cours du dernier conflit.
    À quel point la situation pourrait-elle s'aggraver s'il y avait une frappe quelconque?
    J'irais même plus loin. Je suis convaincu que l'Iran est la base du plus important mouvement terroriste au monde parrainé par un État et qu'il ne répugnerait pas à céder certaines de ses armes à des forces terroristes. Si cela se produit, nous serons dans un beau pétrin: les armes nucléaires n'ont pas à être envoyées par missile, même des missiles imprécis. Elles peuvent être transportées dans un navire-citerne, dans un conteneur et arriver au beau milieu du port de New York, où on les ferait exploser.
    C'est un scénario de cauchemar qui nous inquiète tous au plus haut point, si jamais l'Iran devient une puissance nucléaire. Ou si les Talibans s'emparent du Pakistan. C'est pourquoi le problème de la prolifération est si terrible. C'est toujours le problème le plus grave, si nous voulons prévenir le scénario horrible de l'annihilation nucléaire. L'annihilation nucléaire ne serait pas qu'un génocide visant les Israéliens. Bien d'autres gens seraient touchés aussi.
    Merci aux deux témoins et aux membres du comité.
    Je rappelle aux témoins que, s'ils ont des documents qu'il leur semble approprié de produire, compte tenu de nos échanges d'aujourd'hui, ils ne doivent pas hésiter à les communiquer. Le greffier pourrait distribuer les documents et s'assurer qu'ils sont à la disposition des membres du comité dans les deux langues officielles.
    Merci à tous de leur présence et à jeudi.
    La séance est levée.
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